B. LE FINANCEMENT DE L'INSTRUMENT DE RELANCE PAR L'EMPRUNT CONSTITUE UNE ÉVOLUTION SIGNIFICATIVE, MAIS QUI SOULÈVE DES INTERROGATIONS

Dans la continuité de l'initiative franco-allemande pour la relance, la Commission européenne propose que l'instrument de relance soit financé par un emprunt sur les marchés financiers , réalisé par la Commission européenne avec la garantie des États membres.

Si les propositions de la Commission européenne sont relativement détaillées quant aux dépenses qui pourront être financées par cet emprunt, force est de constater que les modalités de remboursement de celui-ci ne sont pas encore étayées .

La Commission européenne sera habilitée à emprunter des ressources sur les marchés financiers pour un montant total de 750 milliards d'euros. Le financement de l'instrument de relance nécessitera de relever le plafond de ressources propres, actuellement fixé à 1,23 % de la somme des RNB de tous les États membres . Compte tenu du fait que l'instrument de relance est temporaire, la Commission propose de relever le plafond de ressources propres de 0,6 point de pourcentage de façon exceptionnelle et limitée dans le temps, afin de financer spécifiquement ce dispositif 25 ( * ) .

Outre ce relèvement temporaire, il est proposé d'augmenter le plafond de ressources propres pour toute la durée du prochain CFP et de le fixer à 1,46 % du RNB de l'Union européenne en crédits annuels d'engagement, et à 1,40 % en crédits annuels de paiement. Cette augmentation s'explique par :

- le relèvement déjà proposé en mai 2018 par la Commission européenne afin d'adapter le niveau de ressources propres au retrait du Royaume-Uni, se traduisant par une diminution du revenu national brut de l'Union ;

- la dégradation des prévisions de croissance de l'Union européenne en raison de la crise sanitaire, entraînant une contraction du montant du RNB européen.

Sur ce dernier point, le rapporteur s'interroge sur la nécessité de relever ce plafond sur toute la durée du prochain CFP , compte tenu du fait que le RNB européen devrait à moyen terme retrouver un niveau proche de celui constaté avant la crise actuelle.

En outre, il est proposé que le remboursement de cet emprunt ne s'effectue qu'à compter de 2028 , soit au début du CFP suivant, et jusqu'en 2058 au plus tard, soit sur une durée totale de 30 ans . Entre 2021 et 2027, seuls les intérêts seront remboursés, pour un montant de 17,4 milliards d'euros sur l'ensemble de la période. Le remboursement du capital sur 30 ans se traduirait par un remboursement annuel de 25 milliards d'euros.

Ce calendrier présente l'avantage majeur de permettre une hausse significative de la « puissance de feu » du budget européen à brève échéance, sans que les États membres ne doivent augmenter leurs contributions nationales , ce qui pèserait d'autant plus sur leurs finances publiques. Toutefois, à compter de 2028, le remboursement de cet emprunt devra nécessairement passer par une augmentation des ressources propres de l'Union européenne, la réduction des dépenses de l'Union étant peu probable.

Deux scénarios sont alors possibles : soit les contributions nationales des États membres augmentent massivement pour rembourser l'emprunt, soit de nouvelles ressources propres de l'Union européenne sont mises en oeuvre pour contenir la progression des contributions nationales.

Pour l'heure, la Commission européenne n'a pas souhaité se prononcer formellement sur les modalités de remboursement . La proposition de décision relative aux ressources propres ne comporte aucune disposition relative à l'introduction de nouvelles ressources propres. Sa communication relative au prochain CFP évoque plusieurs pistes, déjà proposées en mai 2018, sans pour autant trancher ce débat 26 ( * ) ( cf. infra ).

Si le rapporteur concède que l'urgence de la crise nécessite d'être force de proposition, il s'inquiète que les négociations relatives au prochain CFP et à l'instrument de relance repoussent le débat sur le remboursement de cet emprunt à une date ultérieure, d'autant que ce dispositif pourrait contraindre les marges de manoeuvre budgétaires de l'Union européenne et des États membres pour l'avenir .

Dans l'attente d'un accord entre les États membres, les auditions menées par le rapporteur n'ont pas permis d'évaluer avec précision le montant de la contribution future de la France au remboursement de cet emprunt ni, par conséquent, d'évaluer son taux de retour futur sur les dépenses financées par le budget de l'Union européenne. Cette absence de certitudes sur le coût total de cet emprunt pour chaque État membre constitue un angle mort inquiétant de l'élaboration de ce dispositif .


* 25 COM(2020) 445 final proposition modifiée de décision du Conseil relative au système des ressources propres de l'Union européenne.

* 26 COM(2020) 442 final, p.16.

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