MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »
ET CAS « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE »

m. emmanuel capus et mme sophie taillé-polian,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 843

1. L'évolution des crédits de la mission en 2019 843

2. La gestion des crédits en 2019 847

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 851

1. Les enveloppes allouées aux contrats aidés et au secteur de l'insertion par l'activité économique évoluent en sens contraire 851

2. Le Plan d'investissement dans les compétences poursuit sa montée en puissance 852

3. Les opérateurs de la mission « Travail et emploi » : les cas particuliers de Pôle emploi et de l'AFPA 855

4. Les prévisions afférentes aux compensations d'exonérations de cotisations sociales portées par la mission doivent être fiabilisées 858

5. Les « emplois francs » : un dispositif qui peine à monter en puissance 860

6. Les maisons de l'emploi : un soutien financier de l'État à conserver 861

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE » (CAS « FNDMA ») 862

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. L'évolution des crédits de la mission en 2019

En loi de finances initiale (LFI) pour 2019, les crédits votés au titre de la mission « Travail et emploi » s'élevaient à 15,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 14,0 milliards d'euros en crédits de paiements (CP) , fonds de concours et attributions de produits inclus.

Pour mémoire, la mission comporte quatre programmes :

- le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » se fixe pour objectif principal de favoriser l'accès et le retour à l'emploi de tous les publics en s'appuyant sur les structures du service public de l'emploi et en mobilisant au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi ;

- le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » se fixe pour objectifs de sécuriser l'emploi par l'anticipation des mutations économiques, contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique, faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance et enfin édifier une société de compétences, notamment via le volet « formation » du Plan d'investissement dans les compétences (PIC). Il est à noter que les programmes 102 et 103 comprennent environ 95 % des crédits de la mission ;

- le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » vise notamment à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur privé concurrentiel, contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels, à la dynamisation de la négociation collective et à l'amélioration du dialogue social et enfin à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, en s'appuyant sur les services de l'inspection du travail ;

- enfin, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère du travail, portant l'ensemble de ses emplois, portant l'intégralité des dépenses de personnel (titre 2) de la mission.

Exécution des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2019

(en millions d'euros)

Intitulé du programme

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Écart LFI 2019/

LFI 2018

Écart exécution 2019 / exécution 2018

Écart exécution 2019 / LFI 2019

102

Accès et retour à l'emploi

AE

7 190,1

4 862,1

6 276,5

5 788,8

- 12,7 %

+ 19,1 %

- 7,8 %

CP

7 869,3

7 476,7

6 440,2

6 408,9

- 18,2 %

- 14,3 %

- 0,5 %

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

6 126,3

6 026,0

7 918,8

8 143,0

+ 29,3 %

+ 35,1 %

+ 2,8 %

CP

7 008,4

6 724,4

6 766,2

7 031,9

- 3,5 %

+ 4,6 %

+ 3,9 %

111

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail

AE

154,9

140,0

57,0

46,0

- 63,2 %

- 67,1 %

- 19,3 %

CP

86,5

71,6

88,0

74,1

+ 1,7 %

+ 3,5 %

- 15,8 %

155

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

AE

695,8

680,5

699,5

686,5

+ 0,5 %

+ 0,9 %

- 1,9 %

CP

692,5

676,1

697,9

677,8

+ 0,8 %

+ 0,3 %

- 2,9 %

Total

AE

14 167,1

11 708,6

14 951,8

14 664,3

+ 5,5 %

+ 3,5 %

- 1,9 %

CP

15 656,7

14 948,8

13 992,3

14 192,7

- 10,6 %

- 9,4 %

+ 1,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution des crédits de la mission entre la LFI 2018 et la LFI 2019 traduit les changements qui ont affecté la politique de l'emploi . Ainsi, l'augmentation prévisionnelle des AE (+ 5,5 %) devait accompagner les nouvelles priorités gouvernementales (telles que le PIC, ou l'insertion pour l'activité économique - IAE), tandis que la diminution prévisionnelle des CP (- 10,6 %) correspondait notamment à l'extinction de dispositifs anciens (contrats uniques d'insertion - CUI, emplois d'avenir, aide à l'embauche TPE-PME).

Les programmes 102 et 103, qui relèvent de la politique de l'emploi stricto sensu , représentent à eux deux 95 % des crédits de la mission. Ils concentrent ainsi l'essentiel des dépenses d'intervention, qui représentent elles-mêmes 85 % des crédits de la mission. En prévision, ces deux programmes devaient supporter l'essentiel de la diminution des CP, soit respectivement - 1,4 milliard d'euros et - 1,5 milliard d'euros hors fonds de concours et attributions de produits (et en particulier du fonds de concours de 1,5 milliard d'euros en provenance de France compétences au profit du programme 103 en 2019). Cette diminution intégrait toutefois d'importantes mesures de périmètres sortantes (- 802 millions d'euros). Peut également être notée l'importante baisse des AE sur le programme 111 (- 63 %), imputable au cycle des élections professionnelles.

Ces tendances se sont globalement confirmées en exécution avec une consommation des crédits à hauteur de 14,7 milliards d'euros en AE (+ 3,5 %) et de 14,2 milliards en CP (- 9,6 %) . Peut toutefois être relevée une sur-exécution importante des crédits du programme 103 (+ 2,8 % en AE et + 3,9 % en CP), notamment imputable aux dispositifs de compensation à la Sécurité sociale d'exonérations de cotisations sociales relevant de la politique de l'emploi (cf. infra ). Il en résulte une sur-exécution des CP de + 1,4 % à l'échelle de la mission .

Les dépenses de personnel (titre 2) se sont montées en 2019 à 602,8 millions d'euros , soit un niveau inférieur de 2,3 % à la prévision et en baisse de 1,3 % par rapport à l'exécution 2018 (611,1 millions d'euros) .

Les emplois consommés s'élèvent à 8 769 ETPT en exécution 2019, respectant ainsi le plafond d'emplois fixé en loi de finances initiale (8 852 ETPT). Une nette diminution des emplois consommés de (- 208 ETPT) peut ainsi être constatée par rapport à l'exécution 2018 (8 977 ETPT). Le schéma d'emploi (solde net entre les entrées et les sorties entre le 1 er janvier et le 31 décembre) s'est quant à lui établi à - 185 ETP, soit un niveau supérieur à la prévision (- 233 ETP). .

Évolution du taux de consommation des crédits de la mission
« Travail et emploi » en 2019

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après deux années de sur-exécution en 2015 et 2016 (notamment du fait du lancement en cours d'année du « plan d'urgence pour l'emploi ») et deux années de sous-exécution en 2017 et en 2018, les crédits consommés en 2019 se rapprochent sensiblement de la prévision

Au total, l'exécution 2019 s'établit, hors fonds de concours et contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », à 12,4 milliards d'euros de CP, soit un excédent de 240 millions d'euros à périmètre constant par rapport au plafond prévu par la programmation triennale de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 359 ( * ) (12,16 milliards d'euros).

Enfin, le compte général de l'État (CGE) annexé au présent projet de loi de règlement indique que la mission est porteuse de près de 20,0 milliards d'euros d'engagements hors bilan (EHB) pour l'État , soit une hausse de 5,9 % par rapport à 2018. Celle-ci est principalement liée à la participation de l'État au financement du régime de solidarité d'indemnisation du chômage au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) (10,0 milliards d'euros) et aux compensations d'exonérations de cotisations sociales en faveur de l'emploi à domicile pour les personnes fragiles (4,2 milliards d'euros).

Les dispositifs d'intervention de la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : Cour des comptes

2. La gestion des crédits en 2019

En 2019, la gestion des crédits de la mission « Travail et emploi » a notamment été marquée par la nécessité de couvrir les besoins complémentaires de financement des compensations d'exonérations de cotisations sociales portées par le programme 103 (cf. infra ). Celui-ci a en conséquence été abondé en cours de gestion par un virement de 104,6 millions d'euros en provenance du programme 102 et par une ouverture de 117,3 millions d'euros en CP en loi de finances rectificative pour 2019 360 ( * ) .

Mouvements de crédits en gestion au cours de l'exercice 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

Programme budgétaire

LFI 2019

Reports entrants

Fonds de concours et attributions de produits

Mouvements en cours de gestion 361 ( * )

Virements et transferts

Mouvements de fin de gestion (LFR 2019)

Total crédits ouverts

Écart crédits ouverts / LFI 2019

Taux de consommation des crédits ouverts

102

AE

6 276,5

152,4

74,6

0,0

- 104,6

- 101,6

6 297,3

+ 0,3 %

91,9 %

CP

6 440,2

118,8

74,6

0,0

- 104,6

- 99,6

6 429,4

- 0,2 %

99,7 %

103

AE

7 918,8

291,6

- 1,0

0,0

104,6

- 33,4

8 280,6

+ 4,6 %

98,3 %

CP

6 766,2

400,2

- 1,0

0,0

104,6

117,3

7 387,3

+ 9,2 %

95,2 %

111

AE

57,0

0,0

0,0

0,0

0,0

- 8,1

48,9

- 14,2 %

94,1 %

CP

88,0

2,5

0,0

0,0

0,0

- 9,4

81,0

- 7,9 %

91,4 %

155

AE

699,5

12,4

0,8

0,0

- 0,2

- 8,2

704,3

+ 0,7 %

97,5 %

CP

697,9

19,2

0,8

0,0

- 0,8

- 8,1

708,9

+ 1,6 %

95,6 %

Total

AE

14 951,8

456,4

74,4

0,0

- 0,2

- 151,3

15 331,0

+ 2,5 %

95,7 %

CP

13 992,4

540,6

74,4

0,0

- 0,8

0,2

14 606,7

+ 4,4 %

97,2 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'application du mécanisme d'auto-assurance a quant à elle été marquée par le souci d'exclure de l'assiette de la mise en réserve les crédits dédiés aux aides au poste dans le secteur de l'IAE et dans les entreprises adaptées (portées par le programme 102). Il en a résulté une mise en réserve supérieure au droit commun (3 % sur les crédits hors titre 2) sur le programme 103 (respectivement de 3,2 % des CP et 3,5 % des AE), incluant les crédits du PIC (y compris les 109,9 millions d'euros en CP reportés sur 2019 qui ont à ce titre fait l'objet d'un surgel). Ces crédits devaient en principe en être exonérés au titre de leur rattachement au Grand plan d'investissement (GPI). En outre, la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi a pour la première fois été inclue dans l'assiette des crédits mis en réserve sur le programme 102, mais selon des modalités dérogatoires (taux de 0,8 %). L'alignement des règles de gestion de l'opérateur sur le droit commun se poursuit donc.

Mise en réserve des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

Intitulé du programme

Crédits LFI (hors F.dC. et A.d.P.)

Mise en réserve initiale

Surgels

Dégels

Réserve disponible avant mise en place du schéma de fin de gestion

Taux de mise en réserve

102

Accès et retour à l'emploi

AE

6 276,5

106,8

28,0

0,0

134,8

1,7 %

CP

6 440,15

111,89

0,00

0,00

111,89

1,7 %

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

6 386,69

204,13

109,91

0,00

314,04

3,2 %

CP

5 234,13

183,38

0,00

0,00

183,38

3,5 %

111

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail

AE

56,97

1,46

0,00

0,00

1,46

2,6 %

CP

87,99

2,38

0,00

0,00

2,38

2,7 %

155

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

AE

690,25

4,83

0,00

-0,04

4,79

0,7 %

CP

688,65

4,78

0,00

-0,04

4,74

0,7 %

Total

AE

13 410,41

317,18

137,91

-0,04

455,05

2,4 %

CP

12 287,26

297,32

28,00

-0,04

325,27

2,4 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Comme en 2018, le budget de la mission « Travail et emploi » en 2019 témoigne d'un souci de maîtrise des dépenses publiques et des effectifs. Cet effort est à replacer dans le contexte d'une amélioration globale de la situation sur le marché du travail en 2019, avant que celle-ci ne se dégrade à nouveau fortement en 2020 en raison de la crise sanitaire. Ainsi, selon l'INSEE, le taux chômage au sens du Bureau international du travail s'établissait à 8,1 % des actifs au quatrième semestre de l'année 2019, (soit une diminution de 0,7 point sur l'année) et le taux de chômage de longue durée à 3,1 % (soit une diminution de 0,4 point sur l'année).

L'exercice 2019 est également marqué par l'extinction de plusieurs dispositifs n'ayant pas démontré leur efficacité (en particulier les contrats aidés dans le secteur marchand) au profit de la montée en puissance de nouvelles priorités dédiées à l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi, qui ne bénéficient pas spontanément de l'amélioration de la conjoncture (aides au poste dans le secteur de l'IAE et dans les entreprises adaptées, plan d'investissement dans les compétences).

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

L'année 2019 s'inscrit dans la continuité des exercices précédents, avec une diminution importante des moyens humains et financiers du ministère du travail. Cette trajectoire d'austérité ne peut se faire qu'au détriment des publics les plus fragiles, qui nécessitent un accompagnement renforcé. Les emplois s'établissent en effet à 8 769 ETPT en exécution 2019, soit presque un millier de moins qu'en 2016 (9 663 ETPT). Peut en particulier être relevé à cet égard le récent rapport de la Cour des comptes 362 ( * ) sur le bilan de la transformation de l'inspection du travail, qui, à la suite des travaux que les rapporteurs avaient consacré à ce sujet l'an passé 363 ( * ) , pointe une baisse préoccupante de ses effectifs de contrôle au cours des dernières années.

L'amélioration globale du taux de consommation des crédits masque d'importantes sous-consommations sur certaines lignes. Peut en particulier être relevé le cas de la prometteuse expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) , avec une consommation des crédits limitée à 14,1 millions d'euros en AE et 9,8 millions d'euros en CP, soit un total bien inférieur à la prévision votée en loi de finances initiale (22,4 millions d'euros), et ce malgré une forte mobilisation des élus et des acteurs économiques ou associatifs locaux. Ces crédits ont fait l'objet d'une mise en réserve excessive (6,3 millions d'euros, soit 28 %), intégralement annulée en fin de gestion. Cette prudence excessive est inadmissible et interroge en ce qu'elle fausse la portée des crédits votés par le Parlement. Fin 2019, le nombre de salariés dans les entreprises à but d'emploi (EBE) s'élevait à 768, soit bien en deçà de la cible fixée à 1 270.

L'expérimentation a fait l'objet de deux rapports au Gouvernement, 364 ( * ) dont la méthode et les conclusions ont été contestées entre autres par l'association « Territoires zéro chômeurs de longue durée » en ce qu'elles tendent à minimiser le coût induit par le chômage de longue durée sur les finances publiques (que le dispositif permet précisément d'éviter) ainsi que l'impact positif de l'expérimentation sur l'économie et la vie locale. Le gouvernement a annoncé en février 2020 l'extension de l'expérimentation sans toutefois préciser le nombre de territoires concernés.


* 359 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 360 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 361 Décrets d'avance ou d'annulation.

* 362 Cour des comptes, Le bilan de la transformation de l'inspection du travail, avril 2020.

* 363 Rapport d'information n° 143 de M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian fait au nom de la commission des finances du Sénat, L'inspection du travail : un modèle à renforcer

* 364 Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, «L'évaluation économique de l'expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée », octobre 2019 ; Rapport intermédiaire du comité scientifique en charge de l'évaluation de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », 25 novembre 2019

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