C. LE GOUVERNEMENT PRÉSENTE UN PLAN SECTORIEL DE 40 MILLIARDS D'EUROS, DONT MOINS DE 10 % CORRESPONDENT À DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES NOUVEAUX

Selon l'exposé général, le présent projet de loi de finances rectificative traduit les conséquences de plans sectoriels d'un montant de plus de 40 milliards d'euros tendant à soutenir les secteurs les plus touchés par la crise, à savoir le tourisme, les secteurs automobile et aéronautique, la culture et la presse, ainsi que le secteur des nouvelles technologies.

En fait, les ouvertures de crédit proposées par le projet de loi de finances rectificative correspondent à peine à 10 % de ce montant .

Les montants annoncés par le Gouvernement consistent majoritairement en prêts garantis par l'État et en sommes déjà versées au titre de l'activité partielle, tandis que des dépenses importantes sont reportées sur les années 2021 et suivantes, laissant prévoir un impact notable de ces dispositifs sur le montant des dépenses de l'État dans les années à venir - indépendamment des mesures de relance économique qui pourraient être présentées ultérieurement.

1. Les crédits budgétaires nouveaux représentent 10 % du plan de soutien à la filière automobile annoncé à plus de 8 milliards d'euros

Selon le Gouvernement, le plan de soutien au secteur automobile représente un montant de 8 milliards d'euros .

Les crédits effectivement inscrits dans le présent projet de loi de finances rectificative sont de :

- 623 millions d'euros sur la mission « Écologie, développement et mobilités durables » dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Cette enveloppe concerne pour 228 millions d'euros le renforcement du bonus écologique pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables, entre le 1 er juin 2020 et la fin de l'année, et pour 395 millions d'euros l'augmentation du montant de la prime à la conversion et un assouplissement des critères d'éligibilité, dans la limite de 200 000 primes ;

- 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et 100 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » afin de soutenir l'investissement de la filière ;

- 65,9 millions d'euros , en autorisations d'engagement uniquement, sur le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », par un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, afin de contribuer au financement du projet franco-allemand de construction de ligne de production de batteries automobiles . Cette ligne est ouverte afin de compenser le manque de ressources du fonds pour l'innovation dans l'industrie (FII), qui ne peut mobiliser que 314,1 millions d'euros pour ce projet, contre un engagement prévu de 380 millions d'euros.

Le montant supérieur à 8 milliards d'euros annoncé le 26 mai 2020 par le président de la République 31 ( * ) inclut des mesures de natures diverses. Il s'agit en majorité de dispositifs de prêt garanti par l'État , en particulier un prêt de 5 milliards d'euros à Renault, qui ne constituerait une dépense qu'en cas d'appel de la garantie, et dans une moindre mesure de sommes versées aux sites industriels au titre du chômage partiel, estimées à plusieurs centaines de millions d'euros.

Ce plan inclut également des crédits redéployés depuis le programme d'investissement d'avenir (PIA) et le fonds pour l'innovation dans l'industrie (FII) : l'État devrait apporter par ce biais 150 millions d'euros pour soutenir l'innovation et la recherche et développement de l'industrie automobile française et 690 millions d'euros dans le cadre du projet précité d'usine pilote de fabrication de batteries électriques 32 ( * ) .

2. Le plan de soutien à l'aéronautique civile, annoncé à 15 milliards d'euros, contient 135 millions d'euros de crédits de paiement sur le budget général de l'État et 3 milliards d'euros d'avances en compte courant d'actionnaire

Le Gouvernement a annoncé également un plan de soutien au secteur de l'aéronautique de 15 milliards d'euros 33 ( * ) .

a) Une ouverture de crédits de 135 millions d'euros finance la recherche et le tissu des entreprises du secteur

Les ouvertures de crédit dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative représentent 497 millions d'euros en autorisations d'engagement et 183,8 millions d'euros en crédits de paiement , se répartissant sur trois dispositifs :

- le soutien à la recherche technologique et au développement dans le domaine de l'aéronautique civile , pour 165 millions d'euros en autorisations d'engagement et 85 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ;

- le soutien aux projets de diversification, de modernisation et d'amélioration de la performance environnementale des procédés de production des PME et ETI de la filière de l'aéronautique civile pour 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » ;

- suite à l'adoption par les députés d'un amendement présenté par le Gouvernement, l' acquisition d'hélicoptères par la gendarmerie et par la sécurité civile, ce qui donne lieu à une ouverture de crédits de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et 20 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités » et de 32 millions d'euros en autorisations d'engagement et 28,8 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 161 « Sécurité civile » de la même mission. Comme l'indique l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, la dépense porte en partie sur des commandes qui seront exécutées après l'année 2020.

b) Le plan de soutien consiste majoritairement en des prêts garantis

Le plan de soutien annoncé de 15 milliards d'euros inclut également une aide de 7 milliards d'euros au groupe Air France-KLM , constituée d'un prêt bancaire garanti par l'État de 4 milliards d'euros et d'une avance en compte courant d'actionnaire de l'État de 3 milliards d'euros.

Par ailleurs, le plan de soutien prévoit une participation de l'État au travers de BPI France pour 200 millions d'euros à un fonds d'investissement de 1 milliard d'euros pour la filière, ainsi que la prise en garantie de nouveaux crédits à l'export pour la vente d'avions Airbus. Ce fonds serait également abondé par les grands donneurs d'ordre de la filière, qui sont pourtant également affectés par la crise.

Sont prévus enfin des rehaussements de crédits sur le programme d'investissements d'avenir (PIA). Le plan anticipe également une participation du plan de relance européen à hauteur de 200 millions d'euros par an.

c) Une avance remboursable de 300 millions d'euros aide les exploitants d'aérodromes à financer les dépenses de sécurité et de sûreté

300 millions d'euros sont ouverts, hors budget général, sur le programme 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » afin de financer, à titre d'avance, les dépenses de sécurité et de sûreté des exploitants d'aérodromes .

Ce programme finance des avances accordées pour une durée déterminée et assorties d'un taux qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. En l'occurrence, les avances sont octroyées avec un taux plancher de 0 %, quand les taux d'emprunt de l'État de maturité équivalente sont négatifs. Les avances doivent être remboursées et les besoins couverts par les avances doivent pouvoir être assurés ultérieurement par des ressources durables et certaines.

Le compte de concours financier permet de répondre à des besoins urgents : c'était le cas lorsqu'il a financé en 2019, à hauteur de 45 millions d'euros, les besoins en trésorerie du fonds d'assurance formation des chefs d'entreprises artisanales et de CMA France. Ce programme finance également des services ou organismes qui ne peuvent recourir au marché bancaire et accorde ainsi régulièrement des avances à l'AEFE.

L'Assemblée nationale a toutefois adopté, sur la proposition du Gouvernement, un amendement qui transfère ce financement vers un programme nouveau intitulé « Avances aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité » au sein du même compte de concours financiers.

L'octroi de 300 millions d'euros pour les dépenses de sécurité et de sûreté sur les aérodromes est justifié par les difficultés de financement rencontrées par les aéroports , financés notamment par la taxe d'aéroport assise sur les billets d'avion.

Cette taxe est due par toute entreprise de transport aérien public, à raison des passagers et de la masse de fret et de courrier embarqués sur les aérodromes dont la liste est définie par arrêté ministériel. Les produits de cette taxe sont en effet affectés sur chaque aérodrome ou groupement d'aérodromes pour financer des services de sécurité . Or, les produits devraient décroître cette année, le secteur aérien ayant été fortement touché par la crise .

L'Union des aéroports français estimait le 25 mai dernier à 500 millions d'euros le déficit de financement 2020 des missions régaliennes de sûreté et sécurité aéroportuaires 34 ( * ) .

Sans prise en charge publique, les dépenses de sûreté devraient probablement être financées par une augmentation marquée de la taxe d'aéroport en 2021, et donc des billets d'avion, avec pour conséquence une dégradation importante de la compétitivité des aéroports français .

Au total, il apparaît ainsi que le plan de soutien au secteur aéronautique pèsera probablement plus sur les finances publiques au cours des prochaines années qu'en 2020 . Par exemple, le plan de soutien précité à la recherche et développement pour la décarbonation de la filière, annoncé à 300 millions d'euros en 2020 (dont en fait, comme indiqué supra , 85 millions d'euros de crédits budgétaires), devrait ainsi doubler à 600 millions d'euros en 2021 et 2022.

3. Le plan de soutien au tourisme repose pour plus de 2 milliards d'euros sur les exonérations de charges

Le Gouvernement annonce également un plan de 18 milliards d'euros en faveur du tourisme 35 ( * ) .

Dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, si aucun crédit budgétaire n'est ouvert spécifiquement en faveur du tourisme, le secteur devrait être l'un des principaux bénéficiaires de plusieurs dispositifs mis en place.

En premier lieu, l'article 18 institue une exonération de cotisations sociales relatives à la période de mars à juin 2020. Cette exonération, qui pèse normalement sur le budget des administrations de sécurité sociale, est compensée pour un montant prévisionnel de 3 milliards d'euros, réévalué à 3,9 milliards d'euros lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, par le biais du programme 360 « Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire » (nouveau), créé au sein de la mission « Plan d'urgence pour la crise sanitaire » (voir infra ). Le secteur du tourisme devrait être concerné par cette exonération pour un montant de 2,2 milliards d'euros .

En second lieu, l'article 3 prévoit la possibilité, pour les collectivités territoriales, de prononcer un dégrèvement de contribution foncière dont la moitié du coût serait prise en charge par l'État. L'évaluation préalable de cet article se refuse à proposer un chiffrage de cette mesure, au motif qu'elle dépend d'une délibération des collectivités. Il serait nécessairement inférieur à 350 millions d'euros, montant correspondant à l'hypothèse théorique où la totalité des collectivités instaureraient ce dégrèvement exceptionnel.

Les collectivités pourront également exonérer temporairement tous les redevables de la taxe de séjour afin de simuler le tourisme (article 17), mesure dont le coût maximal théorique, si toutes les collectivités l'instauraient, serait de 285 millions d'euros mais ne porterait que sur le budget de ces collectivités.

Enfin l'article premier prévoit l'annulation des redevances d'occupation du domaine public de l'État et de ses établissements publics pour des établissements relevant de plusieurs secteurs, dont le tourisme. L'impact de cette mesure pour le budget de l'État est probablement négligeable 36 ( * ) .

Si la décomposition du montant de 18 milliards d'euros annoncé pour ce plan paraît insuffisamment documentée, il en ressort que la plus grande partie du plan en faveur du tourisme relève de mesures ne portant pas sur le budget de l'État , notamment des prêts accordés par des institutions publiques tels que le prêt « tourisme » de Bpifrance renforcé à 1 milliard d'euros, les prêts de la Caisse des dépôts pour 500 millions d'euros et les investissements en fonds propres de 1,3 milliard d'euros de la Banque des Territoires et Bpifrance.

4. Un plan de 434,4 millions d'euros soutient le secteur des médias et de la culture

S'agissant des secteurs des médias et de la culture, plusieurs plans de soutien sont mis en place par le présent projet de loi de finances rectificative, portant sur les missions « Culture » et « Médias, livres et industries culturelles ». Les montants sont identiques en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

a) L'aide à la restructuration de Presstalis (100 millions d'euros)

Des besoins de trésorerie conséquents comme la complexité des modes de financement fragilisaient avant la crise sanitaire la gestion quotidienne de la société commerciale de messagerie de presse Presstalis. La crise a accru ces difficultés : les points de vente fermés pendant le confinement ont représenté jusqu'à 19 % du chiffre d'affaires de Presstalis et que les volumes fournis ont fortement baissé (66 % pour certains trimestriels).

Le 15 mai dernier, le tribunal de commerce de Paris a placé la société en redressement judiciaire avec poursuite d'activité et une période d'observation de deux mois. Il a, en revanche, prononcé la liquidation sans poursuite d'activité des sociétés SAD et Soprocom, ses filiales locales. Une offre de reprise, présentée par la Coopérative des quotidiens, a par ailleurs été acceptée.

L'activité de la messagerie ne pourra cependant se poursuivre sans une aide de l'État. Celle-ci représenterait 83 % des créances impayées par Presstalis aux éditeurs. Le versement de cette aide serait effectué en contrepartie de son réinvestissement à 70 % dans la nouvelle messagerie appelée à succéder à Presstalis. La moitié de l'aide serait versée sous la forme d'une subvention et l'autre moitié sous la forme d'un prêt d'une durée de six ans, la résiliation du contrat avec la nouvelle messagerie qui succèdera entrainant un remboursement immédiat. Il s'agit également de régler 24 millions d'euros dus par Presstalis aux diffuseurs de presse.

C'est dans ce contexte que le présent projet de loi de finances rectificative prévoit une ouverture de crédits de 100 millions d'euros sur le programme 180 « Presse et médias » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que la mobilisation de la réserve de précaution à hauteur de 6,26 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,45 millions d'euros en crédits de paiement.

b) Un plan de soutien aux médias (70 millions d'euros)

En complément des mesures destinées à la restructuration de Presstalis, l'Assemblée nationale a adopté un amendement déposé par le Gouvernement prévoyant la mise en oeuvre d'un plan de soutien de 70 millions d'euros à destination des entreprises des secteurs des médias et de la presse.

30 millions d'euros seraient destinés à soutenir la diffusion hertzienne et numérique des radios privées et des télévisions locales présentes en métropole et en outre-mer. Il s'agit de compenser les pertes de revenus, notamment publicitaires, et de préserver le pluralisme.

La filière presse ferait l'objet de trois dispositifs de soutien :

- une aide exceptionnelle de 19 millions d'euros serait ainsi attribuée aux diffuseurs de presse indépendants et spécialistes ;

- 8 millions d'euros seraient versés aux éditeurs d'information politique et générale fragilisés par la crise de la distribution de la presse ;

- 3 millions d'euros seraient spécifiquement dédiés aux éditeurs de titres ultramarins d'information politique et générale.

Enfin, 10 millions d'euros devraient être fléchés vers la mise en oeuvre d'un « plan de filière » à destination de la presse. Le Gouvernement entend notamment soutenir les projets d'investissement contribuant à la transformation du secteur, en veillant notamment à la transition écologique (5 millions d'euros envisagés sur ce seul point).

c) Un soutien aux industries culturelles (214 millions d'euros)

Les crédits ouverts au sein du programme 334 « Livre et industries culturelles » visent à appuyer trois secteurs : le cinéma, le livre et le spectacle musical .

Aux 214 millions d'euros ouverts par le présent texte, dont 178 millions d'euros dans le texte déposé à l'Assemblée nationale et 36 millions d'euros rajoutés par cette assemblée, s'ajoutent par ailleurs 7,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,8 millions d'euros en crédits de paiement, mobilisés au sein de la réserve de précaution.

(1) L'indemnisation des tournages affectés par la crise (50 millions d'euros)

490 films et séries ont été mis à l'arrêt en raison de la crise sanitaire (préparations de tournage, tournages français et à visée internationale, postproductions). Seules 15 % des polices d'assurance prévoyaient de couvrir le risque lié à une pandémie pour les tournages. Par ailleurs, depuis la reprise du 11 mai, la plupart des grands assureurs ont refusé de prendre en charge cet aléa.

Le présent projet de loi de finances prévoit donc que 50 millions d'euros soient fléchés vers un fonds d'indemnisation temporaire pour les tournages qui auraient repris à l'issue de la période de confinement mais seraient par la suite annulés ou reportés en raison de la circulation du virus sur le plateau. Ce fonds, créé le 1 er juin dernier et abondé par l'État, doit permettre de couvrir, à partir du mois de juin, jusqu'à 20 % du coût d'un film, dans la limite d'un plafond de 1,2 million d'euros. Les producteurs, les collectivités territoriales, les assureurs, les banques et les instruments de financement (SOFICA) sont invités à abonder dans un deuxième temps ce dispositif placé sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Les assureurs-mutualistes Aréas assurances, la Matmut et la Macif ont ainsi annoncé leur participation au fonds à hauteur de 50 millions d'euros. Dans ces conditions, le dispositif devrait être mis en oeuvre en deux temps. Il sera, dans un premier temps, activé pour les interruptions liées à un cas de covid-19 pour une durée maximale de cinq semaines. La prise en charge sera effectuée par l'État. Au-delà, le relais sera assuré par les assureurs mutualistes qui prendront à leur compte les arrêts plus longs ou l'abandon des films. Cette faculté ne sera cependant proposée que dans le cas d'une offre groupée avec un contrat d'assurance classique à un taux de marché. Une franchise de 15 % reste à la charge du producteur.

Le fonds devrait cesser son activité le 31 décembre 2020.

(2) La majoration de la subvention versée au Centre national de la musique (50 millions d'euros)

Le présent projet de loi prévoit également la majoration de 50 millions d'euros de la subvention pour charge de service public versée au Centre national de la musique (CNM). Mis en place le 1 er janvier dernier, celui-ci a succédé au Centre national des variétés (CNV). Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), le CNM est appelé à devenir l'équivalent, dans le domaine de la musique, du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Le CNM dispose en principe de plusieurs sources de financement. Il perçoit ainsi le produit de la taxe sur les spectacles de variétés anciennement versée au CNV (42,5 millions d'euros initialement attendus en 2020). Les crédits budgétaires dédiés à différents organismes appelés à intégrer progressivement le CNM - centre d'informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA), fonds pour la création musicale (FCM), club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) et Bureau export de la musique - viennent également abonder son budget.

Subventions de l'État aux organismes ayant intégré
le CNM (hors CNV)

(en millions d'euros)

Organisme

Montant du financement public

Bureau export de la musique

- dont programme 131

- dont programme 185

3,0

2,8

0,2

IRMA

0,8

FCM

0,2

CALIF

0,25

Total

4,25

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Enfin, les organismes de gestion collective peuvent affecter au CNM les contributions actuellement destinées à l'action culturelle et sociale.

Ces sommes sont complétées, dans la loi de finances initiale pour 2020, par une subvention du ministère chargé de la culture d'environ 8 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances devrait permettre de porter cette dotation à près de 58 millions d'euros.

Cette majoration, annoncée par le Président de la République le 6 mai dernier, doit permettre de répondre aux difficultés que rencontre actuellement le CNM. Celui-ci est en effet confronté à une baisse du produit de la taxe sur les spectacles de variétés en raison du confinement. La perte en billetterie de la filière spectacle sur l'année était estimée à la fin mai à 500 millions d'euros.

La majoration de la subvention apparaît d'autant plus nécessaire qu'afin de faire face aux incidences des annulations de spectacles dans le secteur musical, le Centre national de la musique a mis en place un fonds d'urgence doté de 11,5 millions d'euros. Ce dispositif prend la forme d'aides de trésorerie, plafonnées à 11 500 euros, versées aux TPE/PME disposant d'une licence d'entrepreneur de spectacle et exerçant dans le domaine de la musique et des variétés.

Aucune enveloppe budgétaire n'avait toutefois jusque-là été octroyée au CNM pour financer cette aide , ses ressources existantes devant être mises à contribution.

Pour mémoire, la commission des finances avait relevé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 que le financement complémentaire apporté par l'État au CNM, soit 7,5 millions d'euros, se situait en deçà des orientations du rapport de la mission de préfiguration du Centre 37 ( * ) , qui insistait sur une dotation de 20 millions d'euros.

(3) Des moyens étendus pour l'IFCIC (78 millions d'euros)

L'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) est un établissement de crédit spécialisé dans le financement du secteur culturel et détenu à 49 % par l'État. L'activité de garantie de l'IFCIC atteint 441 millions d'euros en 2019, soit 94 % de son activité. L'Institut a, par ailleurs, octroyé 26,5 millions d'euros de prêts la même année.

Un financement de 25 millions d'euros, issu du plan d'investissement d'avenir géré par la Caisse des dépôts et consignations, a déjà été octroyé à l'IFCIC début 2020 afin de développer les prêts participatifs. Ceux-ci sont assimilables à des quasi-fonds propres et minorent ainsi la perception de l'endettement global des entreprises. Ce financement complémentaire a permis de porter la capacité totale d'intervention en prêts et prêts participatifs de l'IFCIC à plus de 100 millions d'euros.

L'IFCIC a présenté, le 16 mars dernier, plusieurs mesures tendant à répondre à la crise de financement que pourraient rencontrer les entreprises culturelles, directement affectées par les mesures de confinement :

- garantie aux banques portée à 70 % (contre 50 % habituellement) pour tous les types de crédits accordés dans ce contexte de crise. Le prêt ne doit pas être supérieur à 300 000 euros, la garantie est ramenée à 50 % pour les crédits d'un montant supérieur ;

- prolongation systématique des garanties des crédits auprès des banques à leur demande, afin de favoriser leur réaménagement ;

- acceptation, sur demande motivée, de la mise en place de franchise de remboursement en capital sur ses propres prêts.

De nouvelles mesures ont été annoncées le 28 mai dernier. L'IFCIC va ainsi accorder jusqu'au 31 décembre 2020 des prêts de trésorerie liés au contexte sanitaire d'une durée maximum de 6 ans, dont 12 mois de franchise, avec un taux d'intérêt fixe bonifié. Ces prêts peuvent intervenir en complément des prêts garantis par l'État (PGE). Leur montant dépendra du besoin de financement et des capacités d'endettement des structures demandeuses.

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit de doter l'IFCIC de 85 millions d'euros supplémentaires aux fins d' octroi de prêts destinés notamment à la chaîne du livre, aux industries culturelles et créatives et aux éditeurs de presse. La Banque des territoires devrait également abonder la capacité de prêts de l'IFCIC d'environ 20 millions d'euros. Au final, sur ces 105 millions d'euros, 40 millions d'euros devraient être spécifiquement dédié aux acteurs du livre.

Il convient de rappeler que la mise en place du prêt garanti par l'État, plus avantageux, a remis en cause l'attractivité de la garantie à 70 % (contre 90 % prévu dans le cadre du PGE). L'IFCIC n'est ainsi pas intervenu à ce titre auprès de la filière cinéma. La majoration de sa dotation prévue dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative devrait donc permettre, en premier lieu, le financement des prêts de trésorerie, qui viendront en complément du PGE.

(4) Un plan de soutien à la filière livre (36 millions d'euros)

Le Centre national du livre (CNL) a mis en oeuvre, le 16 mars dernier, un plan d'urgence doté de 5 millions euros, afin de répondre aux difficultés immédiates des éditeurs, des auteurs et des libraires.

Les subventions versées par le CNL aux manifestations littéraires annulées pour des raisons sanitaires sont, par ailleurs, considérées comme acquises, une attention particulière devant être portée à la rémunération des auteurs qui devaient participer à ces salons. Le CNL devait, en outre, reporter les échéances des prêts à taux zéro qu'il accorde aux libraires et aux éditeurs.

Un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale finance la mise en place d'un plan de soutien pour les entreprises du livre , doté de 36 millions d'euros sur le programme 334. Il se décompose de la façon suivante :

- 25 millions d'euros à destination des librairies , afin de surmonter les difficultés financières liées à la crise sanitaire. Le Gouvernement entend ainsi leur permettre de poursuivre leur travail en faveur de la création éditoriale, de l'animation des territoires et de la promotion de la lecture ;

- 6 millions d'euros dédiés aux projets de modernisation des librairies , affectés par une fragilisation de leur capacité d'investissement, faute de trésorerie suffisante ;

- 5 millions d'euros fléchés vers les maisons d'édition dont le chiffre d'affaires est modeste, afin de leur permettre d'honorer leurs engagements, en particulier vis-à-vis des auteurs et contribuer ainsi au soutien à la diversité éditoriale.

S'il convient d'être salué, ce plan peut apparaître insuffisant au regard des difficultés du secteur.

S'agissant des libraires, la chute de leur activité a été estimée à 93,5 % pendant la période de confinement par l'Observatoire de la librairie. La baisse de chiffre d'affaires serait ainsi comprise entre 20 et 30 % sur l'ensemble de l'année 2020.

d) Un soutien aux secteurs du patrimoine et de la création a été introduit à l'Assemblée nationale (50,4 millions d'euros)

Un amendement adopté par l'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, a permis d'ouvrir des crédits supplémentaires dans les secteurs du patrimoine et de la création.

Cet amendement ouvre en premier lieu des crédits de 27,4 millions d'euros sur le programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture », en soutien aux opérateurs et établissements confrontés à une baisse de recettes durant la période de confinement. Le dégel de 9 millions d'euros de crédits est également envisagé pour compléter ce dispositif. Ces sommes peuvent apparaître limitées au regard des pertes constatées par certains opérateurs : le musée du Louvre table sur une moindre recette de 62,4 millions d'euros en 2020, les musées d'Orsay et de l'Orangerie de 33,3 millions d'euros. Le ministère de la culture a également annoncé le dégel de 15 millions d'euros de crédits en faveur de l'édition 2020 du Loto du patrimoine.

Le même amendement ouvre des crédits de 23 millions d'euros sur le programme 131 « Création » de la même mission « Culture » :

- 13 millions d'euros sont destinés au soutien des opérateurs et établissements confrontés à des pertes de ressources propres importantes en raison des mesures de confinement. Le montant peut, là encore, paraître limité au regard des pertes enregistrées par certains opérateurs . L'impact de la crise sanitaire pour le seul Opéra de Paris est estimé à 26 millions d'euros ;

- 10 millions d'euros sont destinés à abonder un fonds en faveur des festivals annulés , qui devrait être mis en place prochainement et bénéficier aussi du financement des régions. La réserve de précaution du programme 131 devrait, dans le même temps, être intégralement dégelée : 27 millions d'euros devraient ainsi être fléchés vers le soutien aux labels et réseaux du spectacle vivant. Les établissements publics de coopération culturelle devraient, au niveau local, être particulièrement soutenus. Le dégel devrait également permettre de renforcer le fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), afin d'accompagner les professionnels non concernés par l'année blanche.

5. Le secteur des nouvelles technologies bénéficie de certains crédits nouveaux ainsi que de ceux du programme d'investissements d'avenir

L'exposé général des motifs présente enfin des mesures prises en faveur du secteur des nouvelles technologies .

Dans ce cadre, les crédits budgétaires mobilisés sont de 30 millions d'euros , abondant un dispositif de garantie de prêts accordés par Bpifrance à des entreprises en difficulté (programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » de la mission « Recherche et enseignement supérieur »).

Des crédits sont également redéployés au sein d'autres dispositifs. Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), une enveloppe de 150 millions d'euros, dénommée « French tech souveraineté », doit permettre d'investir dans des start-ups afin d'éviter leur prise de contrôle par des acteurs étrangers, l'objectif d'indépendance technologique et numérique ayant été renforcé par la crise sanitaire. La constitution de cette enveloppe fait l'objet, par un amendement adopté à l'Assemblée nationale sur la proposition du Gouvernement, d'un transfert d'autorisations d'engagement de 150 millions d'euros entre les programmes 421 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » et 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » de la mission « Investissements d'avenir ».


* 31 Plan de soutien à l'automobile , dossier de presse, 26 mai 2020.

* 32 Le financement du projet d'usine de batteries reposerait ainsi, selon l'amendement précité du Gouvernement, sur la répartition suivante : programme d'investissements d'avenir (PIA) : 295 millions d'euros ; fonds pour l'innovation : 314,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 380 millions d'euros en crédits de paiement ; programme 192 : 80,9 millions d'euros en autorisations d'engagement » et 15 millions d'euros en crédits de paiement.

* 33 Plan de soutien à l'aéronautique , dossier de presse, 9 juin 2020.

* 34 Union des aéroports français, « Les aéroports français en péril » , communiqué de presse, 25 mai 2020.

* 35 Comité interministériel du tourisme, dossier de presse , 14 mai 2020.

* 36 Ce coût a été chiffré par l'évaluation préalable de l'article à 6 millions d'euros pour le domaine public de l'État, auquel il convient d'ajouter le coût, non connu, relatif au domaine de ses établissements publics.

* 37 Pascal Bois, député de l'Oise et Émilie Cariou, députée de la Meuse, ont été chargés de cette mission de préfiguration.

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