TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (10 JUIN 2020)

Réunie le mercredi 10 juin 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques.

M. Vincent Éblé , président . - Nous retrouvons aujourd'hui avec plaisir Pierre Moscovici, nommé la semaine dernière Premier président de la Cour des comptes et, à ce titre, nouveau président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

En cette qualité, il vient nous présenter l'avis du Haut Conseil relatif au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020.

Permettez-moi d'abord en votre nom à tous de le féliciter pour sa nomination, qui s'inscrit dans un contexte inédit puisque la France traverse ce que d'aucuns considèrent comme sa plus grave crise économique de l'après-guerre, qui s'accompagne naturellement d'une forte dégradation de nos comptes publics.

L'avis du Haut Conseil est donc particulièrement important pour éclairer la représentation nationale sur le scénario macroéconomique et budgétaire retenu par le Gouvernement.

Je vous laisse donc la parole pour une présentation de l'avis du Haut Conseil, après quoi, comme le veut la tradition parlementaire que vous connaissez bien, mes collègues et moi-même vous poserons des questions.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques . - Je vous remercie de m'inviter à présenter les conclusions de l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020, que nous avons rendu ce matin.

Je me suis présenté à de nombreuses reprises devant votre commission dans mes fonctions précédentes. Je suis très heureux de vous retrouver à nouveau ; vous pouvez compter sur ma totale disposition. Le lien avec le Parlement sera essentiel à mes yeux, car nous sommes, la Cour des comptes comme le Haut Conseil, à équidistance entre l'exécutif et le législatif.

Cet avis est mon premier acte en tant que premier président de la Cour des comptes. Quelques heures après que le Président de la République m'eut confié la mission de diriger la Cour des comptes, le Haut Conseil était saisi pour avis sur ce troisième collectif budgétaire.

J'ai un attachement particulier pour le HCFP, que j'ai porté sur les fonts baptismaux en 2012 en tant que ministre de l'économie et des finances. Commissaire européen aux affaires économiques et financières à partir de 2014, j'ai voulu maintenir un dialogue étroit avec les institutions budgétaires des États membres, à commencer, naturellement, par le Haut Conseil. À Bruxelles, j'ai toujours fait en sorte que ses avis soient pris en compte par la direction générale des affaires économiques et financières (DG ECFIN). À Paris, j'ai été convié par de nombreuses institutions, dont votre commission et le HCFP, pour alimenter un dialogue constructif sur les règles de gouvernance des finances publiques et leur mise en oeuvre.

C'est nourri de ces expériences que je présiderai cette institution, qui se tient au coeur de la gouvernance des finances publiques, tout en étant très orientée vers l'Europe. Comme vous le savez, le Haut Conseil est chargé de veiller à la sincérité des prévisions macroéconomiques et de finances publiques, ainsi qu'à la cohérence de la trajectoire de ces finances avec les engagements européens. Finances publiques, France, Europe : autant d'enjeux qui me sont chers. En 1997, alors ministre des affaires européennes, j'ai accompagné les premières années du pacte de stabilité et de croissance. C'est un fil directeur de ma vie publique - je n'ose dire de ma vie politique puisque celle-ci s'est achevée il y a une semaine, le Premier président de la Cour des comptes ayant un devoir d'indépendance et d'impartialité. Vous pouvez compter sur moi pour y veiller scrupuleusement.

J'aurai à coeur de répondre à toutes vos invitations, en qualité de Premier président de la Cour des comptes comme de président du Haut Conseil. Voici le message que je souhaite vous transmettre : les liens entre nos institutions doivent se resserrer. Je le dis en tant qu'ancien parlementaire, mais aussi par conviction : le Haut Conseil doit éclairer le législateur, parce qu'un examen indépendant est indispensable à la qualité et à la sincérité des prévisions gouvernementales sur lesquelles sont établis les textes financiers qui vous sont soumis, que vous débattez et que vous votez.

Dans les prochains mois, je m'attacherai à étendre la portée du travail du Haut Conseil et ses moyens pour tirer tout le profit de son potentiel. Au niveau européen, une institution de ce type existe dans tous les États membres, dans la plupart des cas avec des moyens et des compétences plus importants. Le Haut Conseil emploie deux équivalents temps plein (ETP), quatre en période de pointe, qui travaillent en un temps record : nous avons été saisis de cet avis jeudi dernier. Le Gouvernement et le Parlement ont besoin de ce tiers de confiance, indépendant et disposant d'une vision plus large. Je compte sur vous pour m'aider à élargir la focale.

J'aborde maintenant le contexte de la saisine. Le Haut Conseil est saisi d'un avis sur un PLFR pour 2020 pour la troisième fois en moins de trois mois. C'est sans précédent depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), et bien sûr dans la jeune histoire de cette institution. N'y voyez nulle critique : c'est le reflet de la crise économique et sanitaire. L'incertitude qui pèse sur le contexte économique amène effectivement de fréquentes révisions des textes financiers pour tenir compte des évolutions macroéconomiques ainsi que des mesures décidées par les pouvoirs publics face à cette crise dont personne, il y a trois mois, ne pouvait prédire l'ampleur. Chaque PLFR a donc apporté des ajustements très significatifs aux prévisions.

Ainsi, dans le troisième PLFR, la prévision de baisse du PIB est augmentée de trois points, celle de l'augmentation du déficit de plus de deux points et celle de l'augmentation de la dette de plus de cinq points. Entre la loi de finances initiale et ce PLFR, la croissance prévue pour 2020 est passée de + 1,3 % à - 11 %, le déficit public s'est dégradé de 9,2 points, la dette de 22,2 points. C'est considérable et à la hauteur du choc que nous traversons.

Quelques éléments de cadrage général sur l'environnement économique. Ce PLFR intervient dans le contexte de la crise économique la plus grave que le monde ait connue depuis la seconde guerre mondiale. L'épidémie a touché l'ensemble de la planète, conduisant à des mesures de confinement dans presque tous les États. D'où une récession inédite dont l'impact se fait sentir dès le premier trimestre : la Chine a vu son PIB baisser de 9,8 %, les États-Unis de 1,3 % et l'Union européenne de 3,2 % par rapport au quatrième trimestre 2019.

Dans la plupart des pays, la chute est encore plus forte au deuxième trimestre, les économies ayant été mises volontairement à l'arrêt. Un rebond est attendu au second semestre, mais malgré une réaction massive et rapide, la baisse du PIB sera marquée sur toute l'année 2020. Ainsi, la Banque centrale européenne, dans sa dernière estimation, prévoit une baisse de PIB de 8,7 % sur la zone euro. La France, naturellement, n'y échappe pas, avec une baisse de 5,3 % au premier trimestre et, d'après l'Insee, une baisse de l'ordre de 20 % au deuxième. Depuis un mois, les efforts de déconfinement et le redémarrage partiel ont entraîné un rebond qui se poursuivra au second semestre. Le Haut Conseil et tous les prévisionnistes que nous avons entendus estiment toutefois que cela ne permettra pas un retour au niveau de la fin 2019. La Banque de France estime même que ce retour n'interviendra pas avant mi-2022.

Contrairement au scénario retenu dans le deuxième PLFR, le troisième ne repose pas sur l'hypothèse d'un retour rapide à la normale. Nous nous rapprochons de la vérité des prix : ce PLFR prévoit un niveau d'activité qui restera très inférieur au second semestre à son niveau de fin 2019. Dans les deux hypothèses retenues d'une fin de l'État d'urgence sanitaire au 10 juillet et d'une levée progressive des restrictions sur les déplacements internationaux, le Gouvernement prévoit ainsi une baisse du PIB de 11 % en 2020.

Le Haut Conseil estime que d'importants aléas pèsent sur cette prévision. Les aléas négatifs sont le risque de résurgence de l'épidémie, qui n'est pas à écarter, et une dégradation de la situation financière des entreprises entraînant une augmentation des faillites et un repli de l'investissement encore plus marqué. Il y a deux aléas positifs : le dispositif d'activité partielle et les exonérations sectorielles de cotisations, qui pourraient entraîner un rebond de l'activité, et l'importance de l'épargne contrainte des ménages, estimée à 100 milliards d'euros, qui, utilisée en partie, pourrait relancer la consommation et contenir la chute du PIB.

Même si l'aléa pèse dans les deux sens, la prévision d'une baisse de PIB de 11 % semble prudente. Il n'est pas impossible que la récession soit moins importante qu'attendu. Ces analyses sont globalement congruentes avec les autres prévisions, dont celles de l'OCDE qui sont plus pessimistes, mais dans un scénario de très forte dégradation de la situation sanitaire.

Le Haut Conseil a examiné les scénarios d'emploi et d'inflation du Gouvernement. Sous l'effet du recul de la demande globale et de la baisse du prix des matières premières, l'inflation est estimée à 0,4 %, ce qui, aux yeux du Haut Conseil, semble encore légèrement surévalué - en revanche, cette prévision est compatible avec une reprise d'activité plus forte que prévu.

Le recul de l'emploi sera très important : 1,2 million d'emplois en moins à la fin 2019 selon le scénario du Gouvernement, avec des pertes d'emploi non limitées par l'activité partielle. Par conséquent, le Haut Conseil estime que les destructions d'emplois pourraient être légèrement inférieures.

Au total, le scénario retenu par le Gouvernement nous semble donc crédible et raisonnable.

J'en viens aux prévisions du Gouvernement relatives aux finances publiques. La trajectoire est révisée pour prendre en compte la dégradation des hypothèses macroéconomiques et les nouvelles mesures de soutien. Le montant prévisionnel de certaines de ces mesures, en particulier l'activité partielle et le fonds de soutien pour les entreprises, dont le Haut Conseil avait pointé un risque de dépassement, se confirme. Ce PLFR est donc plus réaliste.

Le déficit prévisionnel est estimé à 11,4 points de PIB. C'est une dégradation de 9,2 points par rapport à la loi de finances initiale et de 2,3 points par rapport au deuxième PLFR.

Les prévisions de recettes ont été abaissées, dans une hypothèse de recul des prélèvements obligatoires équivalent à celui du PIB, soit une élasticité unitaire. C'est une prévision atteignable mais il y a des aléas négatifs sur l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, dont les prévisions n'ont pas été révisées entre le deuxième et le troisième PLFR.

Le montant prévisionnel de dépenses exceptionnelles pesant sur le déficit public passe de 42 à 57 milliards d'euros. C'est une composante du plan d'ensemble de 133,5 milliards d'euros présenté par le Gouvernement, qui inclut aussi 76,5 milliards d'euros de mesures sans impact immédiat sur les finances publiques. Le soutien à l'économie prend également la forme de garanties de prêts aux entreprises d'un montant de 327 milliards d'euros. Là aussi, le Haut Conseil estime qu'il existe des aléas à la baisse et à la hausse.

Au total, des aléas à la hausse et à la baisse portent sur les recettes et les dépenses des administrations publiques. D'un côté, des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient permettre de rehausser les recettes publiques et limiter à due concurrence le creusement du déficit public. De l'autre, les mesures de soutien de l'activité annoncées par le Gouvernement, notamment les plans sectoriels de relance, n'ont pas toutes été traduites dans ce PLFR - c'est le cas d'une partie des annonces faites sur l'aéronautique - et certaines mesures que le Gouvernement considère comme n'ayant pas d'effet direct sur le solde pourraient finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année.

J'en viens maintenant au solde structurel et à sa cohérence avec la trajectoire pluriannuelle prévue. Pour mémoire, le solde structurel est le solde public corrigé des fluctuations conjoncturelles et des mesures ponctuelles et temporaires. Il est estimé par le troisième PLFR à 2,2 points de PIB en 2019 et 2020, contre 2,0 points dans le précédent PLFR sur ces deux années. Le Gouvernement tient compte des modifications apportées par l'Insee à l'estimation du PIB sur les années 2017 à 2019 : le déficit structurel est ainsi révisé en hausse de 0,2 point en 2019, à 2,2 points de PIB.

En cumul sur les années 2018 et 2019, le déficit structurel est in fine supérieur d'un peu moins de 0,4 point à l'objectif qui avait été fixé en loi de programmation : cet écart reste inférieur au seuil de déclenchement du mécanisme de correction du Pacte de stabilité et de croissance, mais supérieur à celui estimé dans le projet de loi de règlement pour 2019 sur lequel s'est prononcé le Haut Conseil à la mi-avril et actuellement examiné par le Parlement. Notre présent avis sur le PLFR actualise donc notre avis sur le projet de loi de règlement.

Pour 2020, le solde structurel de 2,2 points de PIB estimé par le Gouvernement s'écarterait désormais de 0,6 point de PIB de celui inscrit dans la loi de programmation de janvier 2018. Un tel écart, s'il se confirmait lors de l'examen du projet de loi de règlement de 2020 par le Haut Conseil au printemps 2021, conduirait alors à déclencher le mécanisme de correction.

À l'automne dernier, avant même que la récession ne frappe durement la France, la Commission européenne avait conclu que le projet de loi de finances pour 2020 risquait d'être non-conforme au Pacte de stabilité et de croissance. En effet, le projet de loi de finances initiale était construit sur un objectif d'ajustement structurel quasi nul, alors que l'objectif requis par les règles européennes s'établissait à plus de 0,5 point de PIB, soit environ 15 milliards d'euros. Je dois néanmoins nuancer ma propre appréciation : le Pacte est désormais de facto suspendu et sa révision en profondeur est nécessaire. Dans le contexte extraordinaire que nous connaissons, les règles ne s'appliquent plus comme elles s'appliquaient ordinairement. Notre trajectoire budgétaire s'écartait donc déjà de nos engagements européens, avant la crise.

Le Haut Conseil considère que le déficit structurel pourrait être plus élevé que prévu.

D'une part, certaines des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire pourraient être prolongées au-delà de 2020 et donc ne plus être considérées comme des mesures ponctuelles et temporaires.

D'autre part, l'évaluation du PIB potentiel pourrait être revue à la baisse en raison de la crise sanitaire : la hausse du chômage pourrait entraîner des pertes considérables de capital humain ; la hausse des faillites d'entreprises et la baisse des investissements devraient affecter les capacités de production ; enfin, la productivité pourrait ressortir affaiblie de la crise sanitaire en raison de la mise en oeuvre des mesures de protection sanitaire.

Le déficit structurel pourrait donc s'éloigner encore un peu plus que prévu dans ce PLFR de la trajectoire programmée. Ce sont des éléments de réalisme que nous devons garder en tête.

Les conséquences de la crise sur nos finances publiques sont tout à fait exceptionnelles. L'augmentation exceptionnellement forte des dépenses publiques prévue par le Gouvernement - + 6,3 % en 2020 par rapport à 2019 -, jointe à la baisse du PIB, conduirait les dépenses publiques à 63,6 % du PIB, un niveau jamais atteint au cours des soixante-dix dernières années. Ce taux traduit une solidarité et une socialisation extrêmement fortes de l'économie.

Ce troisième PLFR révise la prévision de dette publique rapportée au PIB de plus de 5 points par rapport au précédent PLFR et de 22 points par rapport à la loi de finances initiale - on passe de 98 % à plus de 120 %. Depuis la création de l'euro en 1999, un tel niveau de dette n'avait été atteint que par très peu de pays. Aujourd'hui, la crise entraîne, partout, une poussée de la dette et l'on s'éloigne, partout, du critère des 60 % fixé dans le Pacte de stabilité et de croissance.

Notre jugement doit être très équilibré. Certes, les conditions de financement de la dette française sont favorables, la signature de l'État français est de très bonne qualité et l'action résolue de la BCE y contribue. Mais cette hausse de la dette fait suite à une augmentation quasi ininterrompue depuis dix ans et toute dette doit un jour être remboursée : elle ne peut s'évaporer ni être totalement mutualisée ou monétisée - ce n'est pas la mission de la BCE. Nous devons donc faire preuve de vigilance et d'intelligence collective, loin de tout catastrophisme et de tout irénisme.

Je me tiens prêt à répondre à vos questions, dans le cadre de mes fonctions de président du Haut Conseil des finances publiques. À l'Assemblée nationale, ce matin, vos collègues députés attendaient parfois de moi des jugements de valeur et des appréciations personnelles ; cela ne fait pas partie de ma mission, mais j'aurai néanmoins l'audace d'essayer de vous faire part de quelques positions personnelles.

M. Vincent Éblé , président . - La crise sanitaire a conduit à l'activation de la clause pour récession économique sévère, prévue par le Pacte de stabilité et de croissance. Le Haut Conseil considère en outre que cette crise relève des circonstances exceptionnelles au sens de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Cela autorise le Gouvernement à s'écarter de ses obligations budgétaires en 2020. Mais qu'en est-il pour 2021 et les exercices suivants ? Lors de la précédente crise, les pays de la zone euro, en cherchant à redresser leurs comptes publics trop rapidement, ont fragilisé la reprise...

Des réflexions avaient été lancées avant la crise sanitaire afin de faire évoluer les règles budgétaires. Ces réflexions doivent-elles être reprises, voire accélérées ? Qu'en est-il au niveau national ?

Le Haut Conseil n'est pas le gardien des engagements européens de la France, mais celui des engagements gouvernementaux au regard de la loi de programmation budgétaire. Or celle-ci n'a pas été révisée depuis le début du quinquennat, ce qui rend l'exercice de plus en plus artificiel. Appelez-vous, comme moi, à sa révision rapide ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je m'associe aux propos du président Éblé pour vous souhaiter la bienvenue dans vos nouvelles fonctions. Le sous-titre du Soulier de satin de Paul Claudel est : « le pire n'est pas toujours sûr », ce qui ressemble un peu à ce que vous nous dites. Mais la difficulté de l'exercice est flagrante.

Le Gouvernement anticipe un recul du PIB de 11 % en 2020 - le pire recul depuis la guerre -, mais ne nous fournit pas le profil infra-annuel de sa prévision, ce qui rend très difficile d'en apprécier la crédibilité. Cela semble néanmoins supposer un retour de l'activité instantanée au niveau d'avant-crise avant la fin de l'année. Avez-vous des éléments à nous apporter sur cette question ?

On estime à 100 milliards d'euros le montant de l'épargne de précaution. Cela peut se comprendre pour des actifs qui risquent de perdre leur emploi, mais cela se justifie moins pour des retraités ou des fonctionnaires. Comment inciter cette épargne à aller vers la consommation et l'investissement ? Quel pourcentage de cette épargne pourrait être utilisé ? C'est sans doute l'une des clés de la reprise.

Je suis un peu déçu à la lecture de ce projet de loi de finances rectificative, qui comporte essentiellement la prorogation de dispositifs existants. Le Sénat a soutenu et amélioré ces dispositifs - chômage partiel, garantie des prêts par l'État - tant dans le premier que dans le deuxième PLFR. Mais ce troisième PLFR comporte assez peu de mesures de relance, hormis quelques mesures sectorielles pour l'automobile, le tourisme ou encore l'aéronautique. Certaines mesures présentées ne sont pas chiffrées. Ne faudrait-il pas arrêter la « perfusion » de l'économie pour passer à des mesures de relance de l'investissement des entreprises et de la consommation des ménages ? Quelles sont les impasses de ce PLFR ?

M. Pierre Moscovici . - Je reprends volontiers à mon compte le sous-titre de Paul Claudel, « le pire n'est pas toujours sûr », et suis même prêt à faire mienne cette devise.

Pour 2021, aucune prévision ne figure dans le PLFR.

Par rapport à la crise de la zone euro, soyons conscients que nous ne sommes pas dans le même contexte, le niveau des taux d'intérêt n'était pas le même, les réactions de marché étaient différentes et la BCE n'avait pas déployé le même arsenal. Nous pouvons donc nous permettre une réaction différente. Et nous avons tiré les leçons de la crise de 2008 : nous n'avons pas perdu de temps et la réponse européenne au sens large - celle de l'Union européenne et celle des États membres - a été rapide et très forte.

Sur la question des règles budgétaires européennes, permettez-moi de m'exprimer en tant qu'ancien commissaire européen. Je vous l'avais dit lors de ma dernière audition devant vous dans mes anciennes fonctions : nous atteignons les limites du Pacte de stabilité et de croissance, mais il en faut un ! Il est indispensable d'avoir des règles de finances publiques. La Cour des comptes doit veiller à la bonne gestion des deniers publics. Quand on dépense beaucoup d'argent - cela peut être justifié par des circonstances exceptionnelles, voire historiques -, il faut que cela soit une dépense publique de qualité. La révision du Pacte de stabilité et de croissance va s'imposer, car il est trop rigide, trop automatique, peu lisible, extrêmement complexe et ses effets sont souvent procycliques. Il faudra donc collectivement réfléchir à de nouvelles règles plus lisibles, plus intelligentes et plus favorables à la croissance. Mais nous avons absolument besoin de règles de finances publiques.

Il me semble difficile en revanche de construire une nouvelle loi de programmation tant que la visibilité est aussi faible.

Le Gouvernement n'a manifestement pas l'intention de déposer de quatrième projet de loi de finances rectificative. Toutes les prochaines mesures - mesures sectorielles ou plan de relance - devront donc faire partie du projet de loi de finances pour 2021.

Sur le profil de l'activité en 2020, le Gouvernement ne prévoit pas un retour à la normale si rapide. La Banque de France évoque un retour à la normale du PIB trimestriel à la mi-2022.

Les administrations comme les économistes constatent qu'une surépargne de l'ordre de 100 milliards d'euros s'est constituée très rapidement. Tout ce qui ira dans le sens de son dégonflement, total ou partiel, sera bénéfique à la consommation et à la croissance. Nous avons là un gisement massif de croissance - ou de moindre récession. Comment transformer cette épargne en consommation et en investissement ? C'est tout l'enjeu des mois qui viennent et cela a été bien identifié.

M. Jean Bizet . - Permettez-moi d'abord de vous féliciter pour votre nomination au poste de Premier président de la Cour des comptes. Dans un article de ce jour, Le Monde explique que l'euro a décroché et n'a pas réussi à concurrencer le dollar comme monnaie internationale : la part de l'euro - que ce soit pour les réserves financières, le libellé des contrats, les prêts internationaux... - s'effrite depuis une décennie. Cette part avait atteint 24 % avant la crise financière de 2008. Elle est désormais de 19 %, contre 60 % pour le dollar. Comment redonner à l'euro cette dimension géopolitique qui lui permettrait de faire obstacle à l'extraterritorialité des lois américaines ? Vous avez aussi affirmé votre volonté de rapprocher l'institution de la rue Cambon des institutions européennes. Quelle sera votre politique en la matière ?

M. Éric Bocquet . - Comment expliquez-vous la différence de croissance de 0,5 % entre la zone euro et l'Union européenne ? Le ralentissement est de - 3,2 % dans l'Union européenne, mais de - 3,6 % dans la zone euro.

En avril 2019, vous aviez déclaré que répondre à la crise des Gilets jaunes par la dette serait un mauvais calcul. Le Gouvernement a fait le choix de la dette, refusant de taxer les gros patrimoines. Or vous venez de nous dire qu'il ne fallait pas sombrer dans le catastrophisme à propos de la dette française et que la France a une bonne signature. Je m'en réjouis, mais comment comprendre ce décalage entre vos propos d'il y a un an et ceux d'aujourd'hui ?

Enfin l'épargne atteint des niveaux exceptionnellement élevés. Pourrait-on envisager un emprunt d'État populaire qui permettrait de rémunérer les souscripteurs tout en desserrant l'étreinte des marchés financiers ?

M. Marc Laménie . - Toutes mes félicitations pour votre nomination. Quelles sont les perspectives d'évolution à long terme des finances publiques, alors que les dépenses de l'État et de la sécurité sociale augmentent fortement tandis que les recettes baissent ? Vous n'avez pas évoqué la situation des collectivités territoriales, que le Sénat représente. Elles sont pourtant des investisseurs importants, des donneurs d'ordre, et contribuent à soutenir l'emploi ou la relance économique. Or les élus sont inquiets. Quelle est votre analyse ?

M. Philippe Dallier . - Vous regrettez de disposer de peu de moyens pour remplir votre mission, mais le Parlement est un petit peu dans la même situation ! Il est regrettable que nous n'ayons pas la capacité de mener nos propres analyses et simulations.

Je veux revenir sur votre analyse. Est-elle trop optimiste ou pas assez pessimiste ? Telle est la question. Lors de l'examen du PLFR 2, on avait tous estimé que les prévisions du Gouvernement semblaient optimistes. Il me semble cette fois, en écoutant les ministres du budget et de l'économie, qu'elles sont plutôt pessimistes.

La hausse de l'épargne s'explique parce que les Français n'ont pas pu dépenser pendant la période récente ou alors mettent de l'argent de côté par précaution. Vous espérez que l'on pourra débloquer une partie de ces sommes. Toutefois, on a aussi constaté une hausse de l'épargne après la crise des Gilets jaunes, en dépit des mesures du Gouvernement pour inciter à consommer. Le comportement d'épargne et de consommation des Français ne dépendra-t-il pas de la confiance des Français dans la situation économique ou face à l'évolution du chômage ? N'êtes-vous pas trop optimiste à cet égard ? J'ai du mal à croire que les Français se mettent à consommer massivement : en dépit d'une hausse ponctuelle lors du déconfinement, les signaux actuels laissent craindre une baisse de la consommation.

Enfin, j'ai été très heureux d'entendre vos propos sur la dette et le risque qu'elle fait peser sur les finances publiques, même si M. Bocquet a retenu un autre versant de votre analyse... Voilà longtemps que notre commission des finances alerte sur le risque d'une dette trop élevée. À 120 % du PIB, on atteint un sommet. Il faudra trouver les moyens d'inverser la courbe. Nous n'avons pas su le faire après la crise de 2008, à la différence des Allemands. Il ne faudrait pas que les taux d'intérêt remontent, sinon la situation serait difficile...

M. Jean-François Rapin . - Le plan de relance européen ne peut être pris en compte dans les comptes de l'année, mais peut-être aura-t-il un effet les années suivantes, car la Commission souhaite aller vite dans sa mise en oeuvre. Comment estimez-vous son impact sur la croissance, notamment par rapport au plan de relance du Gouvernement ? Il va s'accompagner aussi d'un surcroît de dette. Comme vous le dites, celle-ci n'est pas monétisable et sera à rembourser. À partir de 2028, il faudra commencer à rembourser ce que l'on peut appeler les avances remboursables de l'Europe. Cela aura alors un impact non négligeable sur nos finances publiques.

M. Patrice Joly . - Ce PLFR est-il, selon vous, en termes de dépenses, au niveau de ce que font nos voisins, en particulier l'Allemagne ? Vous avez rappelé que la signature de la France était reconnue et que sa capacité d'emprunt restait bonne. L'épargne est importante. Comment faire pour la réorienter vers l'achat des emprunts français et donc le financement du budget national, ce qui permettrait de préserver notre souveraineté en exposant moins la France aux aléas du marché ? Enfin, que pensez-vous des analyses d'économistes sérieux qui considèrent que la dette pourrait, au moins en partie, faire l'objet d'une annulation et que l'on pourrait réduire sa charge par des mécanismes budgétaires et comptables ?

M. Gérard Longuet . - Je vous félicite pour votre nomination comme Premier président de la Cour des comptes et me réjouis que ce poste soit occupé par une personne ayant une expérience parlementaire et ministérielle, comme c'était aussi le cas de vos deux derniers prédécesseurs. Le HCFP a-t-il pu établir une correspondance entre les 76 milliards d'euros de dépenses nouvelles présentées et la totalité des sommes qui ont été annoncées par le Gouvernement pour soutenir des secteurs exposés, comme l'aéronautique, la culture, l'automobile ou le tourisme ?

Ma deuxième question concerne les concepts séduisants, mais difficiles à manier, de déficit structurel et de PIB potentiel. Certains facteurs macroéconomiques pourraient-ils affecter à moyen terme notre PIB potentiel ? Je pense en particulier à la durée du travail moyenne par Français, qui est l'une des plus faibles d'Europe.

Mme Christine Lavarde . - Il me semble, après avoir lu l'avis du Haut Conseil, que l'on a connu des avis plus tranchés... Le conditionnel est très largement employé. Avez-vous pu réaliser des simulations selon différentes hypothèses pour préciser la fourchette d'incertitude dans laquelle s'inscrit le scénario du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici . - Si le Haut Conseil emploie le conditionnel, c'est parce que nous avons le sentiment que le scénario du Gouvernement se rapproche d'une certaine plausibilité. Je n'étais pas en fonction pour les deux précédentes lois de finances rectificatives, mais, à chaque fois, on pouvait pressentir qu'une dégradation plus poussée de la situation économique allait suivre. Désormais, le confinement est terminé, on voit mieux comment évoluent la crise sanitaire et l'économie, et un certain consensus se dégage sur le plan macroéconomique. L'écart entre le scénario du Gouvernement et le consensus des économistes est réduit, et ce dernier est même légèrement plus optimiste. Le HCFP en tient compte, tout en envisageant, avec prudence, les aléas à la hausse ou à la baisse, mais les écarts sont faibles et nous pouvons estimer que le scénario du Gouvernement est robuste. Le métier du Haut Conseil n'est pas de faire des prévisions ni des simulations, mais il serait sans doute utile qu'il puisse se voir doté de cette capacité. Donc notre avis n'est pas un avis mièvre, mi-figue mi-raisin, mais il résulte de l'analyse des membres du Haut Conseil qui estiment que la prévision est solide.

Monsieur Bizet, vos questions dépassent mon champ de compétences en tant que président du HCFP. Le « décrochage », que vous évoquez, de l'euro comme monnaie de réserve par rapport au dollar, n'a pas commencé avec la crise. Celle-ci ne fait que l'accentuer. Les solutions sont à définir au niveau européen ; elles passent par l'approfondissement de l'Union des marchés de capitaux et la création d'un véhicule permettant de développer le rôle international de l'euro, deux sujets mis en avant par la Commission européenne. Ce dernier point est important si l'on veut éviter les sanctions extraterritoriales. Souvenons-nous de l'accord de Vienne avec l'Iran sur le nucléaire : l'Union européenne ne souhaitait pas dénoncer l'accord, mais nos entreprises étaient dans une situation de grande vulnérabilité en raison de la menace des sanctions. Pour y répondre, il faut créer un véhicule financier. La Commission pourrait sans doute le proposer.

J'ai exprimé, et je le referai demain lors de mon installation, mon souhait de renforcer la visibilité de la Cour des comptes et du Haut Conseil au niveau européen. Il ne s'agit pas là de l'expression d'un narcissisme d'institutions, mais, simplement, j'ai pu constater à Bruxelles que les institutions indépendantes sont un gage de crédibilité fort pour les finances publiques nationales. Il est important que les perspectives budgétaires soient discutées, soumises à expertise, et c'est la raison pour laquelle je vous demanderai de soutenir ma démarche en ce sens. Un de mes premiers déplacements aura d'ailleurs lieu, de manière symbolique, à la Commission européenne. La Cour des comptes et le Haut Conseil doivent se situer à l'interface entre le Gouvernement et le Parlement, mais aussi entre l'administration nationale et l'administration européenne. Monsieur Longuet, je crois, indépendamment de ma personne, qu'il est bon que le Premier président de la Cour des comptes ait à la fois une expérience parlementaire et ministérielle, comme vous l'avez souligné, et même une expérience européenne. J'essaierai de mettre cette expérience au service de l'institution et du pays.

Monsieur Bocquet, je n'ai pas l'impression d'avoir changé ! L'écart de croissance entre l'Union européenne dans son ensemble et la zone euro n'est pas forcément significatif, car les instituts de statistiques ne mesurent pas nécessairement de la même façon l'activité pendant la phase de confinement. Il faut aussi prendre en considération les différences qui tiennent aux dates d'entrée et de sortie du confinement entre les pays. Au final, je pense que les écarts vont s'ajuster.

En ce qui concerne la dette, il ne faut faire preuve ni de catastrophisme, ni d'irénisme. La dette créée à la suite de la crise des Gilets jaunes était de fonctionnement, tandis que la dette créée actuellement vise à répondre à la crise sanitaire, à un choc macroéconomique de grande ampleur, et est détenue en grande partie par la Banque centrale européenne. Il ne s'agit pas de dire qu'il y a une bonne et une mauvaise dette, mais on ne peut pas comparer les deux, la seconde s'inscrivant aussi dans le cadre d'une réponse européenne. Nous aurons à vivre avec des dettes publiques élevées pendant des années et j'aurai certainement à évoquer ce sujet de nombreuses fois au cours de mon mandat.

Il ne m'appartient pas de trancher la question de l'annulation ou de la monétisation de la dette. La BCE a fait un effort considérable, mais il n'est pas dans sa mission de la prendre en charge en totalité. Un effort de mutualisation commence à se mettre en place au niveau européen. Dès lors que la BCE achète une grande partie de la dette, que les taux d'intérêt restent bas et que la signature du pays est bonne, la dette peut être soutenable à court terme. Nous ne sommes pas dans la même situation qu'en 2008. Pour autant, être endetté à hauteur de 120 % du PIB n'est pas anodin. La dette doit être remboursée. Nous devons aussi penser aux générations futures : qui sait si les taux d'intérêt ou l'inflation ne remonteront pas à moyen terme. La dette doit être soutenable et l'objectif doit rester de la diminuer. Je n'ai pas changé à cet égard.

L'épargne a augmenté de 100 milliards d'euros ces derniers mois. C'est considérable. Nul ne sait si elle sera, in fine , consommée intégralement, mais son niveau laisse de la marge pour une hausse de la consommation. Le HCFP estime que cette hypothèse constitue un aléa positif, qui n'est pas certain, mais qui n'est pas impossible. Si l'évolution de la pandémie était favorable, comme semblent le penser les épidémiologistes, on pourrait assister à une amélioration de la situation plus rapide et importante que prévu. Il vous appartiendra alors de trouver politiquement les moyens de flécher cette épargne vers la consommation. Le niveau d'épargne en France a toujours été élevé en France, même si les niveaux actuels sont historiquement hauts.

Vous m'avez aussi interrogé sur les collectivités territoriales. Je serai très attentif à ce qui se passe au Sénat. En tant que Premier président de la Cour des comptes, je suis aussi le chef des juridictions financières et donc des chambres régionales et territoriales des comptes. J'aurai à coeur de les associer aux travaux et aux réflexions de la Cour. Un de mes premiers déplacements sera d'ailleurs pour la chambre régionale des Hauts-de-France, début juillet, ce qui témoigne symboliquement de ma volonté de soutenir le développement de ces instances. Quant à l'impact de la crise sur les comptes des collectivités territoriales, il est important, à cause de la baisse des recettes fiscales ou tarifaires, mais il est, au total, moindre que pour l'État ou la sécurité sociale : de l'ordre de quelques milliards contre plus de 180 milliards d'euros pour les comptes publics.

J'en viens au plan de relance européen. J'observe des évolutions importantes au niveau européen. Plusieurs tabous ont été levés : alors que traditionnellement nos voisins, notamment allemands ou néerlandais, évoquaient la nécessité de maintenir l'équilibre entre le partage et la réduction des risques - autrement dit privilégier la responsabilité à la solidarité -, aujourd'hui un choix a été fait, celui de la solidarité, notamment dans l'initiative franco-allemande puis dans le plan de la Commission. Un autre tabou s'est estompé, notamment en Allemagne : celui de la mutualisation de la dette. Nous verrons si ce plan aboutit, mais je ne suis pas pessimiste. Si tel est le cas, il renforcera les plans de relance nationaux, même si je ne suis pas capable de dire à quel moment il sera intégré dans les comptes : au moment du plan de relance national ? L'année prochaine ? Mais, incontestablement, le plan de relance fournira une ressource supplémentaire pour aider notre économie à sortir de l'ornière.

Il est difficile de faire des comparaisons entre les plans allemands et français. Certains dispositifs sont plus favorables en Allemagne, notamment ceux en faveur des petites entreprises, ou moins favorables, comme le chômage partiel. N'oublions pas non plus que l'Allemagne est un petit peu moins touchée que la France par le Covid-19. Nous verrons à la fin, dans le plan allemand, ce qui est destiné à soutenir la consommation. En attendant gardons-nous des prévisions à l'emporte-pièce.

Nous ne sommes pas en mesure d'apprécier les mesures nouvelles dans leur totalité. Nous constatons, toutefois, une prise en compte sérieuse dans le PLFR des mesures qui ont été annoncées en faveur de l'automobile, de la culture ou du tourisme. Celles en faveur de l'aéronautique le sont partiellement. Nous aurons une vision d'ensemble lors de la prochaine loi de finances initiale. Il ne m'appartient pas de dire si un PLFR 4 sera nécessaire, même si, par définition tout n'a pas pu être totalement pris en compte, car le plan de soutien à l'aéronautique a été annoncé la veille de la présentation du PLFR 3. Comme le disait le président Chirac, c'est à la fin de la foire que l'on peut faire les comptes...

En ce qui concerne le PIB potentiel et le déficit structurel, je partage vos interrogations, mais les relativise. Je les partage, car j'ai constaté quand j'étais commissaire européen, qu'il nous arrivait de nous tromper sur le déficit structurel ou le potentiel de croissance. Cela pose la question de la lisibilité. Ces notions ne sont pas simples - peut-être pourront-elles évoluer le moment venu -, mais elles constituent en même temps des ancres utiles pour fonder des jugements ou des appréciations. Elles ne sont pas dénuées de sens. Le PIB potentiel est le PIB qui résulte, indépendamment des évolutions conjoncturelles, de la capacité de production d'un pays. On peut l'apprécier à travers l'évolution de ses composantes : la consommation, l'épargne, l'investissement, le capital humain, etc . Autant de signaux utiles. Nous redoutons une évolution négative du PIB potentiel de la France. Il en va de même pour le déficit structurel, qui est indépendant de la conjoncture. Cette notion est utile, même si on devrait s'efforcer de trouver mieux. Peut-être la Cour des comptes pourrait-elle faire des propositions à cet égard. En tout cas, ces notions constituent, en l'état, les indicateurs les plus solides dont nous disposions.

En conclusion, je voudrais vous dire mon plaisir d'être parmi vous. J'essaierai de venir aussi souvent que possible, comme Premier président de la Cour des comptes, chef des juridictions financières régionales ou président du HCFP. Comme le Conseil constitutionnel, je pense que la Cour des comptes doit être à équidistance du Parlement et du Gouvernement. Je serais ainsi heureux de venir vous présenter, si vous le souhaitez, à la fin du mois, le rapport substantiel de la Cour sur la situation des finances publiques, qui comportera des éléments de perspective et permettra de débattre de la dette.

M. Vincent Éblé , président . - Nous aurons plaisir à vous entendre. Je vous remercie.

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