B. DANS LE CADRE DE LA NÉGOCIATION DES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION DE 2018, LA FRANCE ET LE LUXEMBOURG ONT RETENU LA MÉTHODE DE L'IMPUTATION POUR ÉLIMINER LES DOUBLES IMPOSITIONS

Aux termes de l'article 14 5 ( * ) de la convention de 1958, les traitements, salaires et autres rémunérations analogues n'étaient imposables que dans l'État sur le territoire duquel s'exerçait l'activité ainsi rémunérée . Concrètement, la France avait prévu un dispositif d'exonération de l'impôt français de ces revenus d'emploi, mais tenait néanmoins compte de leur niveau pour définir le taux d'imposition sur les autres revenus imposables en France. Également, si l'article 3 prévoyait que les revenus des biens immobiliers ne fussent imposés que dans l'État où les biens sont situés , l'article 20 précisait que, pour déterminer le montant des impôts sur la fortune, chacun des États conservait le droit de les calculer à partir du taux correspondant à l'ensemble de la fortune du contribuable, puis d'appliquer ce taux aux seuls éléments qui lui revenait d'imposer ( principe dit de l'imposition partagée ).

Dans la convention de 2018, ces diverses dispositions ont été modifiées, avec un objectif principal : éviter que certains contribuables ne bénéficient d'une double exonération . En effet, selon les observations du rapporteur lors d'examen du projet de loi autorisant l'approbation de cette convention, la définition de la résidence fiscale retenue dans la convention de 1958 ne permettait pas d'éviter toutes les situations de double exonération.

L'article 6 de la convention du 10 mars 2018 porte ainsi sur les revenus immobiliers . Si un résident français (respectivement luxembourgeois) perçoit des revenus de biens immobiliers situés au Luxembourg (ou en France), ceux-ci sont imposables au Luxembourg (ou en France). L'article 14 dispose quant à lui que les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident français (ou luxembourgeois) reçoit au titre d'un emploi exercé au Luxembourg (en France) sont imposés au Luxembourg (ou en France).

Le modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune propose deux modèles pour éliminer les doubles impositions :

- la méthode d'exemption (article 23 A du modèle). Si le résident de l'État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l'État B, l'État A exempte d'impôt ces revenus. Il peut toutefois les prendre en compte pour déterminer le montant de l'impôt à percevoir sur le reste des revenus ;

- la méthode d'imputation , via une déduction d'impôt (article 23 B ). Si le résident de l'État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l'État B, l'État A accorde sur l'impôt qu'il perçoit du contribuable et calculé sur la base du montant total des revenus une déduction d'un montant égal à l'impôt sur le revenu payé dans l'État B.

Lors des négociations, la France et le Luxembourg ont fait le choix de retenir, pour une partie des revenus d'emplois des transfrontaliers et pour les revenus immobiliers, celle de l'imputation, par le biais d'un crédit d'impôt . Pour éliminer la double imposition, l'administration fiscale française octroie au résident un crédit d'impôt égal à l'impôt français pour les revenus dont l'imposition est exclusivement réservée au Luxembourg ( a du 1 de l'article 22 de la convention de 2018) et un crédit d'impôt égal à l'impôt payé au Luxembourg, mais limité au montant de l'impôt français, pour les revenus dont l'imposition est partagée entre les deux États ( b du 1 de l'article 22 de la convention de 2018). Selon les éléments d'information transmis au rapporteur, cette méthode permettait de maintenir la progressivité de l'impôt français et d'éliminer les risques de double exonération .

Concrètement, dans le second cas ( b du 1 de l'article 22 ) , pour calculer le montant de l'impôt dû par le travailleur frontalier sur ses revenus d'emploi, l'administration fiscale française calcule l'impôt dû par le salarié sur ses rémunérations en lui appliquant les dispositions fiscales françaises, inscrites aux 1 et 2 de l'article 197 du code général des impôts (le quotient familial et son plafonnement, le barème progressif). Elle applique ensuite à ce montant un crédit d'impôt correspondant à l'impôt déjà payé au Luxembourg. La méthode est similaire pour les revenus immobiliers. Dans le premier cas ( a du 1 de l'article 22), le montant du crédit d'impôt est égal à l'impôt calculé en France, ce qui revient à l'annuler totalement. Selon les situations, les revenus d'emploi des travailleurs frontaliers et les revenus immobiliers imposables au Luxembourg pourraient donc être traités différemment entre la convention de 1958 et la convention de 2018 .

La convention de 2018 est entrée en vigueur le 19 août 2019 et s'applique à compter des revenus perçus ou réalisés au 1 er janvier 2020 . Toutefois, les dispositions précitées ont suscité de fortes contestations de la part des travailleurs frontaliers et ont conduit à la signature de l'avenant que le présent projet de loi propose d'approuver.


* 5 Ainsi modifié par l'article 7 de l'avenant du 8 septembre 1970.

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