B. LA NÉCESSITÉ POUR LA FRANCE DE RÉAFFIRMER SON ATTACHEMENT À PLUSIEURS PRINCIPES FONDAMENTAUX D'ORGANISATION DES MUSÉES DE FRANCE

1. Le caractère essentiel de l'inaliénabilité des collections

Le principe d'inaliénabilité des collections constitue le corollaire, pour le patrimoine culturel, du principe d'inaliénabilité du domaine public, mis en place dès l'Ancien Régime pour protéger le domaine de la couronne contre les prodigalités et les dilapidations des rois. L'édit de Moulins de 1566 a fixé la différence entre le domaine qui appartient au roi en propre et le domaine de la Couronne. Ce principe repose sur l'idée que la personne publique est la simple gardienne, et non la propriétaire du domaine public. Il se justifie également par l'intérêt culturel public attaché à la conservation de ces oeuvres.

Ce principe a joué un rôle particulièrement protecteur pour l'enrichissement et la valorisation de nos collections publiques . Combiné avec le principe de l'interdiction du déclassement des dons et legs, il contribue à la préférence accordée aux musées de France par les collectionneurs au moment de donner ou léguer leurs oeuvres, dans la mesure où beaucoup de musées étrangers n'offrent pas les mêmes garanties. Au moins la moitié des oeuvres appartenant aux collections publiques y est entrée par le biais de dons ou de legs.

Il a également permis de préserver et de renforcer la cohérence scientifique de nos collections , la mission du musée ne se résumant pas, loin s'en faut, à présenter ses collections au public, mais aussi à garantir une connaissance scientifique de l'humanité. La première mission assignée aux musées de France par l'article L. 441-2 du code du patrimoine est de « conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ».

C'est la raison pour laquelle il demeure essentiel que le principe d'inaliénabilité des collections ne soit pas remis en cause, tant il constitue la colonne vertébrale des musées français . Dans un rapport de 2008 consacré à une réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d'aliéner des oeuvres de leurs collections, Jacques Rigaud indiquait que « les quelques avantages financiers que les musées pourraient tirer de la vente d'oeuvres [lui paraissaient] dérisoires par rapport à l'effet déplorable qui en résulterait, en France et dans le monde, pour l'image des musées et pour le crédit même de l'État, garant de la sauvegarde et du rayonnement du patrimoine de la nation ».

La commission de la culture souscrit donc pleinement à l'amendement inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative de Constance Le Grip destiné à rappeler le cadre général applicable aux collections nationales, à savoir leur inaliénabilité, et par conséquent, le caractère strictement dérogatoire, ponctuel et limité qui s'appliquerait au retour de certaines oeuvres d'art accepté par la représentation nationale .

2. La pertinence de la conception universaliste des musées dans une période marquée par des replis identitaires porteurs de tensions

Les nombreuses critiques dont les musées à vocation universelle font aujourd'hui l'objet dans les enceintes internationales nécessitent également de réaffirmer la pertinence du concept de musée universel, constitutif des musées français depuis leur origine. La commission de la culture, de l'éducation et de la communication estime que la connaissance de l'humanité perdrait beaucoup si ces institutions disparaissaient au profit de musées à vocation strictement nationale, qui feraient perdre toute capacité à confronter, mais aussi à rapprocher les points de vue. Le succès rencontré par le Louvre Abu Dhabi depuis son ouverture il y a trois ans témoigne du fait que le concept n'est pas nécessairement occidental.

C'est parce que les musées donnent aujourd'hui à voir des oeuvres originaires de différentes époques, cultures et civilisations qu'ils peuvent aujourd'hui contribuer à améliorer la connaissance et la compréhension du monde, au travers non seulement d'un dialogue entre les cultures, mais également du regard critique sur l'histoire que la présence d'oeuvres originaires de différents pays et de différentes cultures leur permet de porter . Un mouvement de restitution de grande ampleur contraindrait les musées à n'aborder l'histoire que du seul point de vue français, en contradiction avec la demande qui leur est faite de renforcer les approches historique et sociale dans les parcours muséographiques, y compris dans les musées qui n'ont pas une vocation historique.

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