B. CETTE HYPOTHÈSE APPARAÎT TRÈS PRUDENTE AU REGARD DES PREMIÈRES ESTIMATIONS DISPONIBLES

La prévision de croissance du Gouvernement apparaît particulièrement prudente au regard des premières estimations de l'effet du reconfinement sur l'activité économique.

D'une part, il faudrait que le reconfinement se prolonge jusqu'à la fin de l'année pour que la chute du PIB soit de 11 % à l'issue de l'exercice , compte tenu du rebond très rapide enregistré au troisième trimestre. Le scénario de croissance gouvernemental table donc implicitement sur une prolongation du confinement en décembre.

D'autre part, l'effet du reconfinement sur l'activité pourrait être plus faible qu'escompté par le Gouvernement .

Sur la base d'une enquête à laquelle les chefs d'entreprise ont très majoritairement répondu postérieurement au reconfinement, la Banque de France estime ainsi que la perte d'activité atteindrait 12 % en novembre. Elle serait donc près de trois fois inférieure à celle enregistrée en avril.

Estimation de la perte d'activité de la Banque de France

(écart au niveau d'activité d'avant-crise en pourcentage, sauf indication contraire)

Poids
(en % du PIB)

Perte d'activité en avril

Perte d'activité en octobre

Perte d'activité en novembre

Agriculture et industrie

15

- 31

- 4

- 5

Agriculture et industrie agroalimentaire

4

- 10

1

0

Énergie, eau, déchets, cokéfaction et raffinage

3

- 21

- 4

- 5

Reste de l'industrie manufacturière

9

- 44

- 5

- 7

Construction

6

- 65

- 6

- 8

Services marchands

57

- 27

- 5

- 17

Commerce de gros et de détail, transports, hébergement et restauration

18

- 46

- 9

- 40

Services financiers et immobiliers

17

- 5

0

- 1

Autres services marchands

22

- 30

- 6

- 12

Services non marchands

22

- 30

0

- 5

Total

100

- 31

- 4

- 12

Source : commission des finances du Sénat (Banque de France, « Point sur la conjoncture française à fin octobre 2020 », 9 novembre 2020)

Au total, la perte serait très concentrée dans les services marchands , tandis que l'industrie, l'agriculture, les services non marchands et la construction devraient être relativement préservés.

Même en conservant l'hypothèse d'un confinement de deux mois, une perte d'activité de 12 % aboutirait à une chute de PIB de 9,6 % en 2020, significativement inférieure à celle prévue par le Gouvernement (11 %).

Illustrations des effets possibles du reconfinement sur la croissance 2020

(écart au niveau d'activité d'avant-crise, en pourcentage)

Octobre

Novembre

Décembre

Croissance 2020

Scénario pessimiste : confinement aussi strict qu'en avril jusqu'à la fin de l'exercice

- 5

- 30

- 30

- 12,7

Scénario implicite du Gouvernement : perte d'activité de 20 % en novembre et décembre

- 5

- 20

- 20

- 11,0

Scénario inspiré de la Banque de France : perte d'activité de 12 % en novembre et en décembre

- 4

- 12

- 12

- 9,6

Source : commission des finances du Sénat

Le Gouvernement reconnaît d'ailleurs le caractère particulièrement prudent de sa prévision de croissance puisque ce recul supplémentaire du PIB ne le conduit pas à revoir à la baisse sa prévision de recettes pour 2020 , alors qu'en principe ces dernières évoluent en ligne avec l'activité.

En réalité, les recettes sont même légèrement revues à la hausse (+ 0,7 milliard d'euros) par rapport au projet de loi de finances pour 2021, ce qui ne manque pas d'interroger.

À ce titre, il convient de rappeler que la prévision de croissance doit être établie en fonction du scénario le plus probable en l'état des informations disponibles .

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