III. ALORS QUE LA LOGIQUE DE RABOT SUR DES DISPOSITIFS PRÉEXISTANTS SE POURSUIT, DE NOUVEAUX OUTILS, DÉPLOYÉS DANS LE CADRE DU PLAN DE RELANCE, DOIVENT PERMETTRE D'APPORTER UN SOUTIEN RENFORCÉ AUX ENTREPRISES

A. SI LA LOGIQUE DE RABOT SUR LES DISPOSITIFS EXISTANTS SE POURSUIT, CERTAINS DISPOSITIFS ONT ÉTÉ « SAUVÉS » PAR LA CRISE

1. La défense du dispositif des zones de revitalisation rurale a permis de les sauver

Créées en 1995, les zones de revitalisation rurale (ZRR) ont pour objectif de compenser le différentiel d'attractivité que subissent les territoires ruraux . Ce dispositif « vise à compenser les handicaps territoriaux [et] fixe des dispositions dérogatoires modulant les charges imposées à chacun » 21 ( * ) .

Le dispositif permet d'adapter le niveau de la fiscalité pour favoriser le développement de territoires moins bien dotés en services, tant publics que privés et dont la faible densité de population a des conséquences importantes sur le niveau d'activité . Comparée aux territoires les plus densément peuplés, l'attractivité des territoires ruraux est en effet limitée.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que ce constat justifie le recours à une logique de traitement différencié : il est indispensable de conforter les choix de l'implantation en milieu rural en offrant des avantages spécifiques visant à compenser les difficultés inhérentes à la création et au développement de leurs activités.

De plus, il est nécessaire d'aider directement le maintien et le développement d'activités dans les territoires les plus fragiles en offrant notamment des exonérations fiscales à destination des entreprises.

Ces exonérations permettent, comme le soulignaient déjà les députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier dans leur rapport de 2014, « de sécuriser les projets en phase de démarrage en leur donnant une meilleure lisibilité financière et de pérenniser les activités en accompagnant dans la durée les petites entreprises » 22 ( * ) .

Ainsi, la rapporteure spéciale Frédérique Espagnac a mené un travail de contrôle sur l'avenir des ZRR 23 ( * ) avec ses collègues sénateurs Bernard Delcros et Rémy Pointereau. À l'issue de ce travail, les trois co-rapporteurs ont dressé plusieurs constats et appelé à des mesures d'urgence pour sauver les ZRR et en améliorer l'efficience.

Alors que la prorogation des communes sortantes et les principaux dispositifs fiscaux des ZRR arrivent à échéance au 1 er janvier prochain, la ministre Jacqueline Gourault a indiqué que le dispositif allait être prorogé jusque fin 2022. Le rapport « Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020 » soulignant le caractère complexe et insuffisamment ciblé des ZRR, la ministre a indiqué que des travaux étaient toujours en cours pour mettre en oeuvre une nouvelle géographie prioritaire.

2. La poursuite de la hausse des montants de la compensation carbone ne doit pas masquer la poursuite d'une logique de rabot sur les dispositifs d'intervention du programme.

Le programme 134 comporte un certain nombre de dispositifs de soutien aux entreprises , et notamment aux petites et moyennes entreprises (PME) des secteurs de l'industrie, du commerce et de l'artisanat sous la forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d'exonérations fiscales . Le programme porte également les crédits des structures chargées de ces politiques évoqués plus haut.

Les dépenses d'intervention du programme devraient, comme en 2020, afficher une nette hausse en 2021. Cependant, derrière ce rebond apparent, on ne retrouve qu'un seul dispositif : la compensation carbone.

Les rapporteurs spéciaux considèrent évidemment que ce dispositif, en faveur des entreprises électro-intensives (sidérurgie, papier/carton, chimie, etc.), est pleinement justifié par les risques de délocalisation. Les coûts du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité pourraient avoir des effets très négatifs sur les entreprises très consommatrices en énergie. Il est donc nécessaire d'offrir transitoirement une compensation pour accompagner les entreprises. L'aide est actuellement prévue jusqu'en 2021 (au titre des coûts 2020).

Le dispositif, notifié et validé par la Commission européenne, est régi par l'article L. 122-8 du code de l'énergie. Ainsi, en 2021, les coûts indirects supportés au cours de l'année 2020 seront compensés à hauteur de 75 %, en prenant en compte la moyenne observée en 2019 du prix à terme du quota carbone pour décembre 2020.

D'autre part, deux autres dispositifs pèsent de façon importante sur le programme 134 : la compensation par l'État des surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse par La Poste 24 ( * ) (87,8 millions d'euros, en baisse de 8,1 %, pour 2021, après deux années de baisse de 7 % par an ) ; ainsi que la subvention à Bpifrance Assurance Export évoquée plus haut (51,3 millions d'euros, - 1,5 %).

Le programme comprend par ailleurs un certain nombre de dispositifs de soutien aux entreprises, de nature et de fonction très diverses . Le montant qui leur est alloué est cependant en baisse continue depuis plusieurs années. Ainsi, une fois exclue la compensation carbone, les crédits alloués aux différents dispositifs d'intervention du programme sont passés de 350,2 millions d'euros en 2017 à 165,3 millions d'euros en 2021, soit une diminution de 53 %.

Si les rapporteurs spéciaux souscrivent à l'objectif de rationalisation des dispositifs d'intervention, celle-ci ne doit pas pour autant se traduire par une réduction systématique des moyens alloués .

Ils constatent en effet que la situation actuelle résulte d'une sédimentation historique de dispositifs. Le soutien aux entreprises souffre d'une absence de pilotage global, d'objectifs trop imprécis, et, le plus souvent, d'une absence de coordination entre les différents outils.

Il en résulte une faiblesse structurelle du pilotage budgétaire et une incapacité à définir de réelles priorités. Les rapporteurs considèrent donc qu'il est indispensable d'une part de maintenir les crédits alloués au soutien aux entreprises, et d'autre part d'organiser une réelle coordination entre ces dispositifs.

Sans remettre en cause le bien-fondé des crédits portés par le plan de relance, les rapporteurs spéciaux regrettent la création d'une mission ad hoc , comportant des dispositifs d'intervention radicalement nouveaux. Ils considèrent en effet que certains outils de la mission auraient pu être mobilisés pour soutenir l'économie.


* 21 Loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire .

* 22 Rapport d'information précité.

* 23 Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020, rapport d'information de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau, 9 octobre 2019 .

* 24 Le contrat d'entreprise signé entre l'État et la Poste le 1er janvier 2018 a succédé au contrat d'entreprise qui couvrait la période 2013-2017. Il fixe le montant de la compensation de l'État pour les trois prochaines années.

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