B. LA TRÈS FORTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 114 TÉMOIGNE DE LA MOBILISATION DE SES ACTIONS POUR SOUTENIR L'ÉCONOMIE DURANT LA CRISE

1. La multiplication par 26 des crédits du programme est destinée à pallier une hausse anticipée des appels en garantie en 2021

Dans le cadre du présent projet de loi de finances , les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » sont multipliés par 26, passant ainsi de 94,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2020 à 2,5 milliards d'euros dans le PLF 2021 . De programme mineur dans la mission (0,24 % des crédits de paiement en LFI 2020), il devient bien plus significatif pour apprécier l'évolution de la mission (6,38 % des crédits de paiement selon le PLF 2021).

À l'exception de la première, toutes les actions du programme présentent une hausse importante de leurs crédits pour tenir compte de la crise , comme le montre le tableau ci-après.

Évolution des crédits des actions du programme 114 entre 2020 et 2021 (AE = CP)

(en millions d'euros)

2020

2021

Part dans les crédits du programme

Évolution 2021/2020

01 - Agriculture et environnement

0,9

1,1

0,04 %

22,22 %

02 - Soutien au domaine social, logement, santé

43,0

57,0

2,28 %

32,56 %

03 - Financement des entreprises et industrie

1,2

1 602,2

63,97 %

133 416,67 %

04 - Développement international de l'économie française

48,5

113,0

4,51 %

132,99 %

04.02 Assurance-prospection

41,5

107,0

4,27 %

157,83 %

04.03 Garantie de change

1,0

1,0

0,04 %

0,00 %

04.06 Garantie du risque exportateur

6,0

5,0

0,20 %

- 16,67 %

Autres garanties

0,5

731,5

29,20 %

146 200%

Total

94,1

2 504,8

100,00 %

2561,85 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Là-encore, le rapporteur spécial rappelle que les crédits de ce programme sont évaluatifs et s'appuient sur de multiples hypothèses sur les risques de défaillance des acteurs bénéficiaires de la garantie de l'État. Le rapporteur spécial reconnait qu' il s'agit là pour l'administration d'un exercice délicat : les prévisions sont construites au début du second semestre 2020, en regardant à la fois le passé (appels en garantie en 2019 et en cours d'année) et le futur (les risques à venir en fonction du contexte macroéconomique et des comportements des agents, pour le moins incertains dans la période actuelle).

C'est pour cette raison que le rapporteur spécial s'est attaché à évaluer les estimations, en reconnaissant que le Gouvernement pouvait se montrer prudent, pour conserver une marge de précaution . Il vaut mieux une situation dans laquelle les parlementaires votent une légère surévaluation des crédits dès la loi de finances initiale pour 2021 qu'une situation dans laquelle ils se rendraient compte lors de la loi de règlement en 2022 que les risques ont été sous-évalués par le Gouvernement .

Ainsi :

- l'augmentation de 32,56 % des crédits sur l'action 02 (logement, santé, social) provient à la fois de la hausse constatée des dépenses en 2019 et 2020 , du fait de l'augmentation du nombre moyen de sinistres déclarés, ainsi que de la probable augmentation de la sinistralité en 2021 avec la crise sanitaire ;

- la mobilisation inédite de l'action 03 dans le cadre du présent projet de loi de finances (crédits multipliés par 1 335) se décompose de la manière suivante :

* 1 266 millions d'euros au titre des prêts garantis par l'État (PGE), avec un premier pic d'appels attendus en 2021 et plus particulièrement au second semestre. Selon le tableau de bord tenu par le Gouvernement, le montant des prêts garantis par l'État à l'échelle nationale serait, au 26 octobre 2020, de 120,71 milliards d'euros, pour 588 240 aides 44 ( * ) . Aucun remboursement de ce prêt n'est exigé la première année, les entreprises pouvant ensuite choisir d'amortir le prêt sur une durée maximale de cinq ans. Selon Bpifrance, la sinistralité nette pourrait approcher 3 %, soit un coût potentiel pour l'État de 3,6 milliards d'euros. Dans ce cadre , la prévision inscrite pour l'année 2021 paraît cohérente au rapporteur spécial et de nature à couvrir les sinistres éventuellement constatés en 2021 . Elle pourra sans doute être affinée lors des prochains projets de loi de finances, en tenant compte de l'évolution du contexte macroéconomique et des appels en garantie ;

* 57 millions d'euros pour les appels en garantie au titre de l'affacturage à la commande , une garantie octroyée par l'État aux sociétés d'affacturage en contrepartie de la mise à disposition des lignes de financement dès la prise de commande par les entreprises. Cela fait également partie des dispositifs mis en place durant la crise.

- la multiplication par 2,3 des crédits de l'action 04 s'explique par l'effet combiné des mécanismes propres à l'assurance prospection et de la crise : depuis 2018, les dépenses de prospection couvertes sont avancées, ce qui conduit à une hausse faciale temporaire des dépenses. Tant, en 2019 et en 2020, la moitié de ces dépenses avait été financée par un recours aux excédents de l'assurance-crédit, tant, cette année, les incertitudes sur l'équilibre de cette dernière conduisent à faire porter l'intégralité des dépenses sur le programme 114 ;

- l'abondement très significatif de l'action 05, dont la part dans le programme 114 bondit de 0,53 % à 29,20 %, est également une conséquence directe de la crise puisque cette action retrace les dépenses liées au fonds de garantie paneuropéen (PEGF) 45 ( * ) porté par la Banque européenne d'investissement (BEI). Ce fonds a été créé en 2020 pour attribuer des financements au profit des PME européennes, par le biais d'instruments de partage de risques. La France s'est engagée pour 4,7 milliards d'euros, sur les 25 milliards d'euros de garantie prévus pour l'ensemble des États membres contributeurs. La BEI estime que le taux brut de sinistralité serait de 33,6 %, soit un impact budgétaire potentiel de 1,6 milliard d'euros pour la France, qui pourrait être concentré sur les premières années d'existence du fonds, puisqu'il vise surtout à garantir les portefeuilles de prêts de court-terme. Toutefois, la sinistralité nette, qui tient compte de la rémunération de la garantie et des gains escomptés sur le portefeuille, serait plutôt de l'ordre de 20 %, soit un coût potentiel pour la France de
940 millions d'euros
. Par conséquent, le rapporteur spécial estime la prévision inscrite dans le PLF 2021 prudente et en ligne avec les engagements français .

2. L'impact de la crise sanitaire se reflète également dans les indicateurs de performance du programme

Les indicateurs de performance du programme 114 sont très sensibles à la conjoncture, nationale comme internationale . Il n'est donc pas surprenant que leurs cibles aient dû être ajustées pour tenir compte de la crise sanitaire et économique, donnant ainsi une vision plus juste des objectifs et de la trajectoire du programme.

Pour 2021, l'indice moyen pondéré du portefeuille des risques de l'assurance-pays en flux a été abaissé de 4,40 (prévision actualisée pour 2020) à 2, pour tenir compte du fait que, généralement, en période de crise, l'aversion au risque est plus forte. À ce niveau, l'indicateur serait tout juste au niveau souhaité (entre 2 et 5). En effet, s'il est trop bas, cela signifie que l'État se substitue au marché privé pour des catégories de risque que ce dernier serait tout à fait en mesure d'assumer. Si cet effet d'éviction n'est pas souhaitable, le rapporteur spécial peut admettre qu'il y ait une légère déviation en période de crise.

De même, le pourcentage des moins bons risques exportateurs parmi les entreprises bénéficiaires des garanties du risque exportateur devrait aussi augmenter (18 % contre 13,53 % en 2020 selon la prévision actualisée). Cela reste conforme à la cible de long-terme (< 20 %), mais proche de la limite haute, exposant davantage l'État aux risques.

Le rapporteur spécial constate enfin que le dispositif de garantie de change à destination des petites et moyennes entreprises (PME) a encore du mal à convaincre : sa montée en charge est bien plus lente que prévue (47 PME bénéficiaires en 2019) et la crise pourrait venir interrompre la redynamisation espérée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.


* 44 Ministère de l'économie, des finances et de la relance. Prêt garanti par l'État - Tableau de bord interactif. https://www.economie.gouv.fr/covid19-soutien-entreprises/aides-versees-pge

* 45 Pour une description détaillée, se reporter au commentaire de l'article 14 du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Rrapport n° 634 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 juillet 2020. https://www.senat.fr/rap/l19-634-2/l19-634-2.html

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