B. BIODIVERSITÉ ET LUTTE CONTRE L'ARTIFICIALISATION

L'action 02 « Biodiversité, lutte contre l'artificialisation » comprend une enveloppe de 1,25 milliard d'euros d'autorisations d'engagement . Elle représente 7 % des AE du programme 362 « Écologie ».

426,5 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus pour 2021 s'agissant de cette action, soit 6 % des crédits de paiement du programme, ce qui représente un taux de couverture des AE par des CP de 34 % en 2021.

Part de l'action « Biodiversité et lutte contre l'artificialisation »
dans le programme « Écologie » en 2021

(en milliards d'euros et en %)

AE

CP

Taux de couverture
des AE en CP

Action 2

1 250,0

426,5

34 %

Programme 362 « Écologie »

18 358,0

6 586,0

36 %

Part de l'action dans le programme

7 %

6 %

Source : commission des finances

Cette action recouvre les activités en faveur de la reconquête de la biodiversité sur les territoires et de la lutte contre l'artificialisation des sols. D'après le projet annuel de performance, « l'objectif est le maintien des écosystèmes terrestres, littoraux, maritimes et aquatiques en bon état, de manière à permettre aux territoires de s'adapter plus facilement aux effets du changement climatique et à divers risques pour ainsi être plus résilients ».

Plusieurs sous-actions composent l'action « Biodiversité, lutte contre l'artificialisation », dont les crédits sont répartis comme représenté dans le tableau suivant. Comme pour la première action, le projet annuel de performances indique toutefois que cette répartition de crédits est à ce stade indicative et pourra évoluer « au regard des capacités de décaissement des différents bénéficiaires », afin que les effets du plan soient maximisés d'ici 2022-2023.

Répartition de l'action 2 en sous-actions
proposée pour 2021

(en millions d'euros et en %)

AE

Part des AE de la sous-action dans le programme

CP

Part des CP de la sous-action dans le programme

Densification et renouvellement urbain

650

52 %

279

65 %

Biodiversité, prévention des risques et résilience

300

24 %

70

16 %

Réseaux d ' eau et modernisation des stations d'assainissement

300

24 %

78

18 %

Total action

1 250

100 %

427

100 %

Source : commission des finances

1. La densification et le renouvellement urbain

Les crédits consacrés à la densification et au renouvellement urbains sont de 650 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 279 millions d'euros en crédits de paiement, selon quatre axes dont deux regroupent la quasi-totalité des crédits :

- le recyclage des friches et du foncier artificialisé (99,5 millions d'euros de crédits de paiement) ;

- l'aide aux maires qui accordent des permis de construire pour des opérations de logements denses ou de projets ambitieux en termes de densité du bâti (aide à la relance de la construction durable, 175 millions d'euros de crédits de paiement) ;

- la dépollution de sites industriels, qui fait l'objet d'un appel à manifestation d'intérêt de l'ADEME (4 millions d'euros de crédits de paiement) ;

- l'appui aux outils de d'accompagnement développés par le CEREMA (0,5 million d'euros).

Seuls les deux premiers dispositifs font l'objet d'observations spécifiques dans le présent rapport.

a) Le recyclage des friches et du foncier artificialisé

Un fonds de 300 millions d'euros est annoncé en faveur d'opérations de réhabilitation des friches urbaines et industrielles, et plus généralement du foncier déjà artificialisé.

Ces terrains nécessitent souvent des opérations de dépollution et démolition, nécessaires pour conduire des opérations d'aménagement urbain, de revitalisation des centres-villes, centres bourgs ou zones périphériques.

Ce fonds doit attribuer des subventions dont l'instruction relèvera des services déconcentrés. L'objectif est de réhabiliter environ 900 hectares de friches sur près de 230 sites.

Ce dispositif recouvre partiellement des dispositifs existants : une dotation de 40 millions d'euros sur deux ans est ainsi consacrée au 11 e appel à projets « Reconversion des friches polluées » lancé par l'Agence de la transition écologie (ADEME), ouvert le 5 novembre 2020 36 ( * ) .

La réhabilitation des friches permet de mieux maîtriser l'étalement urbain et d'améliorer l'environnement de la ville. Par rapport à l'étalement urbain, le processus de reconversion permet d'éviter de l'ordre de 35 % des impacts associés au transport urbain (trafic et émissions associées) et 50 % à 75 % d'impacts en moins sur le cycle de vie d'un projet de construction (selon l'indicateur d'impact concerné : changement climatique, épuisement de ressources, occupation des sols, etc.) 37 ( * ) .

En outre, les travaux , comme dans toutes les opérations de bâtiment et de travaux publics, favorisent l'emploi local .

Il ressort enfin des appels à projets ADEME que l'aide apportée joue un rôle significatif, les coûts de dépollution représentant un facteur d'accroissement de la charge foncière, de l'ordre de 30 % 38 ( * ) .

Le rapporteur spécial attire toutefois l'attention sur la complexité de ce type de projets , qui peuvent prendre du temps à se matérialiser, par rapport à l'objectif de consommation rapide des fonds qui est celui du plan de relance. 60 % des opérations suivies par l'ADEME ces dernières années sont confrontées à des difficultés, se concrétisant par des prolongements de durée ou des modifications des modalités techniques et financières de réalisation des travaux. Or le principe de fongibilité des crédits pourrait favoriser des dispositifs pour lesquels la mobilisation des fonds est plus aisée .

b) L'aide à la relance de la construction durable

D'abord qualifiée d' « aide aux maires densificateurs », par référence à l'ancienne « aide aux maires bâtisseurs », ce dispositif doté de 350 millions d'euros sur deux ans tend à attribuer une subvention aux communes en fonction des caractéristiques de densité des permis de construire accordés.

L'aide sera versée en novembre 2021, puis en novembre 2022, au titre des permis de construire accordés pendant la période allant du 1 er septembre de l'année précédente au 31 août de l'année en cours (donc entre le 1 er septembre 2020 et le 31 août 2021 pour la première période).

Les communes sont classées en cinq catégories présentant des caractéristiques homogènes de densité de population et de bâti, de population et d'état du parc de logement 39 ( * ) . Un seuil de densité est associé à chacune de ces zones, à partir de la densité moyenne constatée des programmes de logements autorisés en 2019 sur les communes de la catégorie majorée d'un même coefficient.

Classement des communes en cinq zones de densité

Source : Ministère chargé du logement 40 ( * )

L'aide est alors proportionnelle au nombre de mètres carrés dépassant ce seuil dans chaque projet. Un décret et un arrêté doivent préciser les modalités du dispositif au mois de mars 2021. Le niveau de l'aide serait, selon le Gouvernement, d' environ 100 euros par mètre carré dépassant le seuil, mais il sera en fait défini a posteriori afin que le coût du dispositif ne dépasse pas l'enveloppe prédéfinie de 175 millions d'euros par an.

Les opérations de démolition-reconstruction sont également concernées. Les projets de construction neuve en zone C (peu dense) sont exclus du dispositif, afin de ne pas encourager à l'étalement urbain : seule la densification d'une parcelle existante pourra donc bénéficier de l'aide dans cette zone. Enfin, les communes faisant l'objet d'un arrêté de carence pour non-respect des obligations de construction de logement social imposées par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et le renouvellement urbains (SRU) ne pourront pas en bénéficier.

Le rapporteur spécial apprécie le soutien ainsi apporté aux maires qui poussent des projets de construction conformes aux objectifs de non artificialisation.

Il constate toutefois qu'il s'agit d'un nouveau dispositif de zonage , avec tous les risques qu'il comporte : des effets de seuil sont ainsi susceptibles de faire varier l'aide entre deux communes dans des proportions difficilement compréhensibles (voire en exclure une plutôt que l'autre).

2. La biodiversité, la prévention des risques et la résilience : des compléments budgétaires aux programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité » et 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

Un volet de l'action est consacré à la biodiversité dans les territoires et à la prévention des risques. Ce volet est doté de 300 millions d'euros en AE et de 70 millions d'euros en CP (soit 24 % des AE du programme et 16 % des CP de l'action).

D'après le projet annuel de performances, cette sous-action comprend une forte dimension territoriale . Les crédits seront ainsi « mis en oeuvre par les opérateurs et services déconcentrés de l'État dans un but de territorialisation renforcée de l ' action ». Plusieurs objectifs sont ainsi visés, comme la valorisation des territoires , l'amélioration du cadre de vie des citoyens dans un contexte d'adaptation et de résilience face au changement climatique mais également la création d'emplois non délocalisables puisque rattachés à des actions de territoires données.

Ainsi, s'agissant de la biodiversité, 250 millions d'euros d'AE sont prévus pour soutenir les opérations relevant des champs suivants :

- 135 millions d'euros d'AE sont prévus pour la réalisation de chantiers d'adaptation et de restauration écologique sur les principaux points noirs (adaptation d'infrastructures routières et ferroviaires par exemple) par des travaux de continuité écologique, de restauration des milieux marins et littoraux, de désartificialisation, etc. ;

- 60 millions d'euros d'AE seraient alloués à la réalisation d'opérations de restauration et d'infrastructures dans les aires protégées , qui constituent des vecteurs d'attractivité touristique et d'emplois locaux ;

- 40 millions d'euros seront alloués à la protection du littoral vers davantage de résilience face au changement climatique (aménagements pour faire face à l'érosion du trait de côte) ;

- 15 millions d'euros seront dédiés au renforcement de la sécurité des barrages .

Cet effort en faveur de la biodiversité est à saluer lorsque l'on sait qu'un euro dépensé au titre de la protection de la biodiversité génère, en moyenne, 2,64 euros de production et 1,31 euro de valeur ajoutée, et qu'un million d'euros de ces dépenses engendre 19 emplois 41 ( * ) .

Les projets devront être identifiés en 2020 mais plusieurs appels à projets pourront également être organisés.

50 millions d'euros d'AE sont également prévus pour la prévention du risque sismique dans les Antilles , dont :

- 25 à 30 millions d'euros pour le confortement des hôpitaux en Martinique et en Guadeloupe, afin de lancer les premières tranches de travaux ;

- 10 à 15 millions d'euros pour les opérations de réduction de la vulnérabilité du bâti de l'État dédié à la gestion de crise ;

- 5 à 10 millions d'euros pour des projets concernant les établissements d'enseignement privés sous contrat, une fois actualisées les études de vulnérabilité aux risques, par appel à projets. Ces projets mobilisent déjà le FEDER et le fonds de prévention des risques naturels majeurs mais ne peuvent aujourd'hui faire l'objet de cofinancement.

L'allocation des 70 millions d'euros de CP proposés sur la sous action est clairement détaillée, et démontre que les projets qui seront soutenus par le plan de relance sur cet axe sont d'ores et déjà en cours.

Affectation des CP de la sous-action « Biodiversité sur les territoires,
prévention des risques et renforcement de la résilience »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Ainsi, 30 millions d'euros sont alloués à la réalisation de chantiers d'adaptation et de restauration écologique sur les principaux points noirs écologiques . Un des projets importants sera la mise en place de passes à poissons sur les barrages de Rhinau et Markholsteim sur le Rhin , grand projet de coopération avec les pays riverains du Rhin qui mobilisera 80 millions d'euros d'investissement en partenariat avec EDF, dont les travaux commenceront en 2021.

10 millions d'euros seront alloués aux aires protégées (notamment parcs nationaux, réserves naturelles, parcs naturels régionaux, parcs naturels marins) pour la réalisation d'opérations de restauration ou de gestion des écosystèmes, ainsi que pour des investissements permettant d'améliorer l'accès au public, l'éco-tourisme et l'éducation à l'environnement .

Cet effort en faveur des aires protégées s'inscrit dans le contexte de l'annonce faite par le Président de la République d'une augmentation de la part des espaces naturels protégés, avec un objectif de 30 % d'aires protégées , dont un tiers sous protection forte d'ici 2022 (soit 10 %) . La nouvelle stratégie en faveur des aires protégées 2020-2030 sera d'ailleurs adoptée avant la fin de l'année 2020, après un processus de consultation conduit jusqu'en septembre 2020.

Il y a lieu de saluer cet effort tant attendu en faveur de la protection de la biodiversité. Toutefois, l'attribution de crédits à ce titre sur la mission « Plan de relance » complexifie la lecture des moyens alloués à cette politique. En effet, 8 millions d'euros de crédits supplémentaires pour 2021 sont également proposés à ce titre sur le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » . Ils s'ajoutent d'ailleurs aux crédits spécifiques déjà prévus par le « Plan biodiversité ». L'ajout de 10 millions d'euros de crédits complémentaires proposé par le plan de relance aurait très bien pu se traduire par un effort budgétaire sur le programme 113, qui porte d'ores et déjà cette politique, d'autant que ces projets sont déjà en cours.

10 millions d'euros sont alloués à la protection du littoral pour la valorisation de ce patrimoine, la lutte contre son érosion et la gestion du trait de côte, et 5 millions d'euros au renforcement des barrages avec des actions ponctuelles et limitées dans le temps sur des barrages présentant des intérêts majeurs, pour l'alimentation en eau ou pour le tourisme.

Enfin, 15 millions d'euros sont prévus pour renforcer la résilience au risque sismique et cyclonique des bâtiments publics, notamment des hôpitaux, des préfectures et des établissements scolaires, dans les Antilles .

3. Les réseaux d'eau et la modernisation des stations d'assainissement

Le dernier volet de l'action, consacré aux réseaux d'eau et à la modernisation des stations d'assainissement, est doté de 300 millions d'euros en AE et de 78 millions d'euros en CP en 2021 (soit 24 % des AE du programme et 18 % des CP de l'action).

Cet axe vise la résilience de l'alimentation en eau potable face aux risques de sécheresse et la lutte contre les sources de contamination de l'eau à travers un traitement plus efficace en station d'épuration .

Dans un contexte où la multiplication des épisodes de sécheresse est susceptible de mettre en péril la capacité à assurer un service public de l'eau solide en tout point du territoire, cet effort budgétaire est bienvenu.

Le plan de relance prévoit en effet de sécuriser les infrastructures de distribution d'eau potable, d'assainissement et de gestion des eaux pluviales en métropole (250 millions d'euros) et dans les outre-mer (50 millions d'euros).

En métropole, les crédits seront directement versés aux six agences de l'eau (220 millions d'euros pour les réseaux d'eau et la modernisation des stations d'assainissement, 30 millions d'euros pour l'hygiénisation des boues).

Pour l'Outre-mer, 47 millions d'euros seront versés à l'Office français de la biodiversité et 3 millions d'euros aux services déconcentrés.

Ainsi, 78 millions d'euros de CP sont prévus pour 2021 et seront affectés pour :

- 55 millions d'euros à la modernisation en métropole des réseaux d'eaux potables , la mise aux normes de stations de traitements d'eaux usées , la rénovation de réseaux d'assainissements et le dé-raccordement les rejets d'eaux pluviales des réseaux d'assainissement et leur infiltration à la source ;

- 8 millions d'euros à la mise en place de traitement d'hygiénisation des boues des stations d'épuration notamment dans le cadre de la gestion du risque COVID ;

- 15 millions d'euros aux réseaux d'eau potable et d'assainissement en Outre-Mer dans le cadre de la mise en oeuvre du « Plan Eau DOM ».


* 36 ADEME, Travaux de dépollution pour la reconversion de friches .

* 37 Études scientifiques citées dans le rapport cité infra sur la reconversion des friches polluées de l'ADEME.

* 38 Yann Milton, Ségolène Petit, Benjamin Pauget, Cédric Challaye, ADEME, Reconversion des friches polluées au service du renouvellement urbain : enseignements technico-economiques , novembre 2018.

* 39 Une carte présente sur le site du ministère de l'écologie permet de savoir à quelle zone appartient chaque commune : https://www.ecologie.gouv.fr/aide-relance-construction-durable.

* 40 Ministère chargé du logement, Aide à la relance de la construction durable .

* 41 « La biodiversité, une opportunité pour le développement économique et la création d'emplois », rapport d'Emmanuel Delannoy remis à la Ministre de l'Environnement, de l'énergie et de la mer en novembre 2016.

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