LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »

A. UN EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ CIVILE DE MOINS EN MOINS LISIBLE

1. Un programme qui ne contribue que minoritairement au financement de la politique nationale de sécurité civile

En raison de son caractère interministériel, la politique de sécurité civile fait l'objet d'un document de politique transversale , annexé chaque année au projet de loi de finances, et retrace l'ensemble des crédits nationaux qui y sont dévolus. S'il permet d'en avoir une visibilité globale, il consiste surtout en une agrégation des crédits de chaque action liée à la sécurité civile, qui ne rend donc pas compte d'une mise en oeuvre « réelle » d'une politique publique coordonnée au niveau interministériel.

Ainsi neuf autres programmes , portés par 6 ministères différents, contribuent à la politique publique de sécurité civile, pour près d'1,2 milliard d'euros en 2021 . Depuis 2014 4 ( * ) , les crédits du programme 161 représentaient environ la moitié du budget de l'État consacré à la sécurité civile . En 2021, ils n'en représenteront plus que 43,5 %, alors même qu'ils sont stables par rapport à 2020.

Cette mise en minorité du programme 161 s'explique par une forte hausse du programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, mobilité et développement durables », qui s'élèvent à 351 millions d'euros de CP en 2021 contre 145 millions d'euros en 2020, du fait de l'intégration au budget général du « Fonds de prévention des risques naturels majeurs » (205 millions d'euros de CP).

Évolution des crédits affectés à la sécurité civile

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI+LFR 2020

LFI 2021

Programme 161

436,9

433,2

448,6

507,7

515,1

537,1

519,5

546,9

520,4

Montant consolidé - tous programmes confondus

919

883,9

894,4

946,5

979,5

1024,3

975,1

1013,2

1196,9

Part du programme 161

47,5%

49%

50,2%

53,6%

52,6%

52,4%

53,3%

54%

43,5%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents de politique transversale relatifs à la sécurité civile)

2. Dès 2020, des crédits transférés au programme support du ministère de l'intérieur qui complique le suivi des projets informatiques de la sécurité civile

La création d'une direction du numérique (DNUM) en janvier 2020, s'est accompagnée d'un transfert de crédits d'environ 15 millions d'euros du programme 161 vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Ainsi que l'avait relevé le rapporteur spécial lors de l'examen du PLF pour 2020, un tel transfert n'est pas neutre pour la DGSCGC, qui n'assure plus le pilotage de grands projets informatiques tels que SYNAPSE, ANTARES, le MCO de l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT) ou encore le volet numérique du SAIP.

De plus, ce transfert a suscité un éclatement de l'information et même une documentation moins fournie quant à ces projets informatiques : le projet annuel de performance pour 2020 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ne faisait aucune mention du SAIP à titre d'exemple.

À cet égard, il est satisfaisant que, cette année, le document de politique transversale relatif à la sécurité civile ait inclus les projets informatiques financés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », même s'il ne détaille pas la ventilation des crédits par projet. Ainsi, un total de 12,2 millions d'euros en AE et 13,4 millions d'euros en CP seront consacrés en 2021 à ces projets.

3. Une contribution artificielle du plan de relance à la sécurité civile, qui appelle à la vigilance quant à la gestion des crédits à venir

Il est cependant regrettable que le document de politique transversale relatif à la sécurité civile pour 2021 ne fasse aucune mention des crédits inscrits dans la nouvelle mission « Plan de relance » , alors que celle-ci prévoit plusieurs dizaines de millions d'euros en faveur de la sécurité civile. Le rapporteur spécial souhaite a minima que le prochain document de politique transversale en tienne compte, en vue du PLF pour 2022 .

Les réponses au questionnaire budgétaire, ainsi que le projet annuel de performance de la mission « Plan de relance », permettent néanmoins d'identifier ces crédits, lesquels, pour la plupart, ne correspondent pas à des financements nouveaux.

La DGSCGC précise ainsi que 37,5 millions d'euros s'ajoutent aux crédits du programme 161 pour compléter les crédits pour le MCO des avions et le projet SAIP et couvriront les restes à payer de la commande de nouveaux hélicoptères autorisée par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 5 ( * ) .

En effet, les crédits correspondant aux projets précités sont retracés dans l 'action 04 « Mise à niveau numérique de l'État, des territoires et des entreprises - modernisation des administrations régaliennes », du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance ». Il faut toutefois souligner que ces crédits ne sont pas des financements supplémentaires , mais sont « prélevés » sur le programme d'origine , ainsi qu'évoqué supra : par exemple la baisse des dépenses de fonctionnement du programme 161 au titre du MCO des avions est ainsi compensée par l'inscription de 22 millions d'euros sur la mission « Plan de relance ».

Ce procédé, pour le moins surprenant et quelque peu artificiel, peut s'apparenter à une forme de débudgétisation et risque de compromettre les marges de manoeuvre des responsables de programmes.

De fait, les crédits associés au MCO des avions de la sécurité civile seront à la fois gérés par le responsable du programme « Compétitivité » du plan de relance , un sous-directeur du ministère de l'économie et des finances, chargé des budgets de l'enseignement scolaire, de la recherche, de l'enseignement supérieur, de l'industrie, et par le responsable du programme 161 .

Par ailleurs, le financement des restes à payer de la commande d'hélicoptères par la mission « Plan de relance » est contraire au vote du Parlement , qui s'était prononcé en faveur d'une hausse des AE sur le programme 161 lors de l'adoption de la troisième LFR pour 2020. Cette hausse d'AE, correspondant au marché d'acquisition d'hélicoptères, supposait en effet que des CP supplémentaires couvriraient ces AE sur le même programme 161 dès 2021.

La commande de deux nouveaux hélicoptères pour la Sécurité civile

Cette commande s'inscrit dans le cadre du Plan de soutien à l'aéronautique et pour une industrie verte et compétitive du 9 juin 2020, en vue de l'acquisition de 2 hélicoptères de type H145-D3 Airbus Helicopters en tranche ferme, 2 supplémentaires étant en option . La notification du marché est prévue pour octobre 2020, avec des livraisons programmée en octobre et décembre 2021.

La DGSCGC précise en outre que le maintien en condition opérationnelle (MCO) de 2 ans par le constructeur a été intégré dès le départ dans le montant total du marché d'acquisition, soit 32 millions d'euros . Une intégration dans les marchés de MCO gérés par la DMAé du ministère des armées sera ensuite réalisée.

Échéancier de la commande de nouveaux hélicoptères

*Le montant prévu en 2020 est issu des travaux préalables au vote de la troisième loi de finances rectificatives pour 2020. Il sera éventuellement actualisé à la notification du marché.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Il faut néanmoins saluer le financement de projets numériques de grande ampleur que prendra en charge le plan de relance. Plus de 94 millions d'euros de CP y seront consacrés. Pilotés par la DNUM, ces projets concernent de près la sécurité civile, tels que le réseau radio du futur ou le « 112 inversé » (voir infra) .

Enfin, la DGSCGC disposera d'un droit de tirage sur les crédits mutualisés du plan de relance , notamment en matière de réfection immobilière (12 millions d'euros), de verdissement du parc automobile, à travers l'acquisition de 78 véhicules électriques (2 millions d'euros), et l'acquisition de véhicules de lutte contre l'incendie, exclusivement fabriqués en France (4,6 millions d'euros).

Projets liés à la sécurité civile et financés par le plan de relance en 2021

(en millions d'euros)

Projets

Programme « initial »

AE

CP

MCO des avions

161 « Sécurité civile

33,7

33,7

MCO des sirènes SAIP + extension outremer

161 « Sécurité civile

2,2

2,2

Acquisition d'hélicoptères H145-D3

161 « Sécurité civile

0

1,6

Radio haut débit/radio du futur (RRF)

216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur »

21,7

27,8

112 inversé (alertes sur portables)

216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur »

37

37

MARCUS 112 (plateformes communes d'appel)

216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur »

3,5

3,5

Sous-total titre 3 (dépenses de fonctionnement)

70,7

70,7

Sous-total titre 5 (dépenses d'investissement)

27,4

35,1

TOTAL - Sécurité civile

98,1

105,8

TOTAL - Ministère de l'intérieur

494,1

482

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performance de la mission « Plan de relance » pour 2021

La contribution du plan de relance au financement de la sécurité civile complexifie donc davantage sa lisibilité, et sans donner la garantie que cette dispersion des crédits permette une meilleure mise en oeuvre des projets considérés.


* 4 Depuis cette date, le programme 161 a été rattaché à la nouvelle mission « Sécurités », et concentre désormais tous les crédits précédemment inscrits sur l'ancienne mission « Sécurité civile ».

* 5 Les crédits correspondants à cette commande ont été ouverts par amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3074/AN/2403

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