C. UN DÉPLOIEMENT DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL QUI MET EN LUMIÈRE LA DÉRIVE DES COÛTS DU DISPOSITIF ET SUSCITE LE DOUTE SUR LA SOUTENABILITÉ DE SA GÉNÉRALISATION

Après une expérimentation à l'été 2019 ayant concerné 2 000 jeunes issus de treize départements, le service national universel devait être progressivement déployé sur l'ensemble du territoire en 2020. Une action dédiée avait été créée en loi de finances pour 2020, dotée de près de 30 millions d'euros, pour un objectif de 20 000 jeunes.

Pour mémoire, le service national universel se compose de deux phases :

- une première phase d'engagement à destination des jeunes de 15-16 ans, qui doit à terme être rendue obligatoire par la loi, articulée autour d'un séjour de cohésion en hébergement collectif puis d'un projet collectif devant être réalisé dans le cadre d'une mission d'intérêt général - sous la forme soit de quinze jours consécutifs, soit de quatre-vingt-quatre heures perlées - auprès d'une association, d'une collectivité publique ou d'un corps en uniforme ;

- une phase d'engagement volontaire pour les jeunes majeurs d'une durée de trois à douze mois, dont le service civique a vocation à constituer un élément central.

Pour l'heure, le développement se concentre sur la première phase, sur la base du volontariat.

La crise sanitaire a fortement perturbé la mise en oeuvre du service national universel en 2020 , tant pour l'inscription et la sélection des volontaires que pour la réalisation des missions. S'il avait été initialement décidé d'inverser les phases de cohésion et de mission d'intérêt général, permettant à cette dernière de se dérouler au cours de l'été, la phase de cohésion, prévue durant les vacances de la Toussaint, a finalement été annulée. Selon les indications transmises par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), l'exercice 2020 du service national universel ne devrait concerner que 7 000 jeunes, uniquement au titre de la mission d'intérêt général . À ce stade, aucune indication n'a été donnée s'agissant de la consommation des crédits ouverts pour 2020, ni sur leur éventuel report en 2021.

Au-delà de ces conséquences indirectes et non maîtrisées de la crise sanitaire, c'est le coût du dispositif qui retient l'attention du rapporteur spécial.

L'an dernier, la DJEPVA évaluait le coût moyen par jeune d'un séjour de cohésion à 1 500 euros , ce qui correspondait aux crédits demandés à hauteur de 30 millions d'euros. Douze mois plus tard, le coût du dispositif s'est considérablement renchéri , puisque ce sont 62,3 millions d'euros qui sont demandés pour un objectif de 25 000 jeunes.

La DJEPVA fait valoir que ce montant intègre désormais des coûts indirects liés au déploiement à plus grande échelle du service national universel, tels les développements informatiques ou les campagnes de communication, et surtout les dépenses de personnel au titre de l'encadrement des jeunes, de sorte que le coût par jeune pourrait être réévalué autour de 2 200 euros.

Sur les 62,3 millions d'euros demandés, 12,6 millions d'euros correspondent à des dépenses de titre 2 , pour l'équivalent de 373 ETPT, dont 13 ETPT transférés d'autres programmes au titre de la mise à disposition de personnels pour piloter le dispositif, et 360 ETPT pour les personnels d'encadrement des jeunes lors des séjours de cohésion. Cela correspond à une estimation de 4 382 personnes à recruter en contrats d'engagement éducatif (CEE) pour la durée du séjour de 14 jours, augmentée des temps de formation, préparation et récupération.

La réévaluation des crédits nécessaires correspond aux risques relevés par le rapporteur spécial l'an dernier, qui soulignait que « ce sont les conditions dans lesquelles l'essai sera transformé qui interrogent, du point de vue budgétaire, mais aussi du strict point de vue de l'organisation. [...] Les conditions dans lesquelles l'hébergement sera assuré et l'encadrement garanti ne sont pour l'heure pas connues ».

Surtout, la nouvelle estimation du coût du dispositif suscite deux questions :

- d'une part, au regard de la sincérité de la prévision proposée l'an dernier ;

- d'autre part, eu égard à la capacité des finances publiques de supporter un service national universel généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge de 800 000 jeunes, ce qui signifierait un coût complet du dispositif en fonctionnement de 1,76 milliard d'euros .

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