Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Marc LAMÉNIE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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N° 138

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 5

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

Rapporteur spécial : M. Marc LAMÉNIE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s'établit à 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement.

2. De son côté, l'effort de la Nation vis-à-vis de ses anciens combattants peut être évalué à 3 milliards d'euros (2,85 milliards d'euros hors soutiens en provenance des programmes de la mission « Défense » principalement destinés à la journée « défense et citoyenneté ») lorsqu'on intègre les transferts liés à certaines dépenses fiscales dont bénéficient les anciens combattants.

3. La catastrophe sanitaire en cours a exercé peu d'impacts sur l'exécution 2020 fait de la composition d'une mission qui sert principalement à financer des transferts aux ménages, mais elle a nécessité des adaptations sur certains volets plus opérationnels, en particulier pour les principaux opérateurs de la mission, l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC VG) et l'Institution nationale des Invalides (INI). Leurs missions ont été rendues plus difficiles même si l'INI semble avoir anticipé un certain nombre de décisions plus tardivement prises ailleurs et n'avoir pas subi certaines pénuries éprouvées dans d'autres circonstances. Il n'est pas sûr que la décision de maintenir le plus possible calendrier de la Journée Défense et Citoyenneté ait été pleinement pertinente dans la mesure où ce rendez-vous, qui reste important, déjà très limité dans son ambition a été encore « rétréci » au point de perdre une partie de son sens tout en mobilisant des moyens qui auraient pu être mieux employés. La catastrophe sanitaire a gêné le déroulement de certaines procédures, dont la lourdeur devrait conduire à une redéfinition, et il faut souhaiter que les droits dans anciens combattants n'en soient pas lésés. Enfin, elle jette un doute sur certains aspects de la budgétisation pour 2021 (voir infra ).

4. Les dotations proprement budgétaires baissent de 3,2 % en crédits de paiement (70 millions d'euros), cette réduction étant attribuable en quasi- totalité au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

5. La trajectoire des charges publiques portées par ce dernier programme (qui concentre 94 % des enjeux financiers de la mission) rejoindrait la tendance naturelle à la baisse du nombre de bénéficiaires des prestations assurées par ce programme (par exemple, - 5,1 % pour la pension militaire d'invalidité et - 7,3 % pour la retraite du combattant). Seules, ou peu s'en faut (voir infra pour les mesures réellement nouvelles), l'extension en année pleine de mesures acquises, mais aussi, fait exceptionnel ces dernières années, une légère accélération de l'indexation des allocations, maintiendrait un écart entre les profils d'évolution du budget et de sa démographie. Elle atténuerait les économies traditionnellement fortes sur les dépenses de la mission liées à ces dynamiques démographiques.

6. La programmation budgétaire pour 2021 reflète l'absence de revalorisation significative des prestations du programme 169. Elle suit le fil de l'eau, une seule mesure de portée limitée (au plus 197 bénéficiaires sur un total de réversions de plus de 50 000, pour 1 million d'euros), intervenant dans le sens d'une amélioration très nécessaire des conditions de réversion des pensions militaires d'invalidité versées aux anciens combattants lourdement invalides. Le rapporteur spécial souhaite que les soutiens aux aidants soient plus significativement renforcés et que la retraite du combattant fasse l'objet de propositions d'amélioration de son régime.

7. De son côté, le « rapport constant », c'est-à-dire le facteur déterminant l'indexation des principales allocations de reconnaissance et de réparation dues aux anciens combattants, qui, ces deux dernières années, avait freiné les dépenses en-deçà du rythme de l'inflation, jouerait moins défavorablement avec une hausse de la valeur du point de PMI de 0,7 %, un peu plus forte que l'inflation anticipée en 2020.

8. Ce constat inusuel n'empêche pas de relever que l'indexation a joué très défavorablement pour le pouvoir d'achat des allocations dont s'agit ces dernières années, engendrant en retour des économies de dépenses publiques non négligeables. C'est ainsi que si les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant avaient suivi l'inflation entre 2015 et 2019, le niveau des dépenses constatées en 2019 aurait été supérieur de près de 80 millions d'euros. Il conviendra que les travaux annoncés pour résoudre les problèmes de décrochage de la valeur réelle des soutiens aux anciens combattants débouchent sur des solutions positives d'autant plus nécessaires que le mécanisme de l'indexation conduit à des rappels extrêmement lourds à gérer et qui peuvent altérer la situation des bénéficiaires.

9. En dépit des observations de la Cour des comptes et des rapports sur l'exécution budgétaire par le rapporteur général de la commission des finances du Sénat , le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2021 continue de ne pas recenser la totalité des dépenses fiscales (et sociales) résultant de dispositifs au bénéfice de certaines catégories d'anciens combattants alors même que leur poids relatif dans l'effort de la Nation au profit des anciens combattants ne cesse de s'alourdir de sorte que par un effet de ciseaux entre la trajectoire baissière des charges de la mission et celle plutôt haussière des dépenses fiscales, celles-ci représentent désormais plus de 35 % des dépenses d'intervention des programmes 169 et 158 de la mission .

10. Combinée avec l'alourdissement du poids des dépenses fiscales et sociales dans l'effort de la Nation au profit des anciens combattants, la déformation des prestations financées sur dépenses publiques vers un renforcement relatif des mesures sélectives comme la majoration des rentes mutualistes altère le rôle des prestations plus universelles que sont les PMI et la retraite du combattant.

11. Le rapporteur spécial insiste pour que des situations mal couvertes, comme celle des forces participant aux opérations de sécurité conduites dans le cadre de la protection des Français contre les actions terroristes ou celle des personnes en charge, ou l'ayant été, de grands invalides de guerre soient mieux prises en compte. Par ailleurs, il convient de faciliter l'existence des invalides de guerre en améliorant les conditions générales de révision des PMI.

12. Dans ce contexte, il importe tout particulièrement que la restructuration des deux opérateurs de la mission (l'Institution nationale des Invalides et l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre), qui est en cours, ne soit pas l'occasion d'une perte de la qualité de leurs missions.

13. La restructuration de l'ONAC VG répond à un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) qui, tout en multipliant les missions de l'ONAC VG de façon parfois assez peu « pondérable », s'accompagne de la perspective d'un affadissement de l'ambition de proximité. Que l'ONAC VG s'adapte aux perspectives d'un allègement des certaines de ses missions n'a rien que de normal, mais il ne doit pas pour autant perdre les moyens de ses missions et son fonds de roulement ne saurait servir de caisse de réserve pour combler les déficits créés par des débudgétisations non soutenables. Le rapporteur spécial appelle à considérer le bilan des mesures adoptées par le ministère de l'Intérieur à l'occasion du plan « préfecture nouvel génération » pour adapter les orientations du COP.

14. Quant à l'INI, les conditions de la programmation budgétaire pour 2021 ne paraissent pas compatibles avec sa situation financière, qui est marquée par une baisse de ses recettes propres due notamment à la catastrophe sanitaire en cours et par des charges importantes, et non budgétées, en lien avec des travaux immobiliers de grande ampleur et les conséquences de toutes sortes de la catastrophe sanitaire.

15. Les recommandations formulées par votre commission des finances dans son rapport sur la journée défense et citoyenneté (JDC) doivent recevoir une application plus complète dans l'attente d'une rénovation en profondeur annoncée par le Président de la République. Compte tenu du format du service national obligatoire envisagé, les coûts du nouveau rendez-vous citoyen seraient sans commune mesure avec ceux qu'occasionne la JDC. Quant au service militaire volontaire , son coût, dont le financement reste à consolider, apparaît assez peu compatible avec une extension d''une formule dont les résultats, sans être négligeables, demeurent perfectibles.

16. La politique de mémoire financée par la mission voit ses moyens renforcés mais principalement du fait du moindre recours à la débudgétisation. Le programme de rénovation et d'entretien des lieux de mémoire et des sépultures rencontre des difficultés d'exécution, dont une part paraît liée à des difficultés de gestion d'opérations alourdies par certaines exigences. Le rapporteur spécial relève l'importance du dépassement du budget d'érection du monument aux combattants des opérations extérieures (OPEX) très attendu. Il convient de surmonter au plus vite ces difficultés et de ne pas négliger la participation active des bénévoles et des porte-drapeaux aux commémorations régulières qui sont l'un des éléments forts de la politique de mémoire. De même, l'effort des collectivités territoriales pour ancrer dans les territoires la mémoire et l'histoire combattantes doit être mieux soutenu.

17. L'activité d'indemnisation des spoliations a fait l'objet d'un rapport présenté par votre rapporteur spécial. Elle mérite de recevoir un élan plus soutenu, notamment pour que la commission d'indemnisation des victimes de spoliations puisse pleinement agir en vue de la restitution des objets d'art spoliés et pour que les indemnisations déjà accordées puissent être pleinement honorées .

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est une mission interministérielle qui regroupe trois programmes :

- le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » , dont l'objectif est de promouvoir l'esprit de défense et de citoyenneté au sein de la population ;

- le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , dont l'objectif est de témoigner la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants et des victimes de guerre.

Ces deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministre des armées .

- le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » , qui porte les trois dispositifs d'indemnisation en faveur des victimes de la Seconde Guerre mondiale et de leurs ayants-cause, et relève du Premier ministre .

Après les quelques évolutions du périmètre de la mission enregistrées au cours des deux derniers exercices exposées dans le rapport de l'année dernière, ce dernier est stable en 2021 comme en 2020.

A. UNE NOUVELLE RÉDUCTION DES CRÉDITS DE LA MISSION MAIS MOINS PRONONCÉE QUE L'AN DERNIER

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » enregistre une diminution régulière de ses crédits , dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État.

De 2012 à 2019, les dépenses auront reculé de presque 900 millions d'euros. En 2020, les crédits programmés avaient encore reculé de 142 millions d'euros, soit - 6,2 % par rapport à l'année précédente.

Pour 2021, les crédits demandés baissent de 70,1 millions d'euros, soit un nouveau repli de 3,2 %

1. Les économies programmées dépassent 70 millions d'euros soit un recul de 3,2 % par rapport à 2020

Les crédits programmés pour 2021 s'élèvent à 2 089,8 millions d'euros contre 2 159,9 millions d'euros l'an dernier, faisant ressortir une économie de 70,1 millions d'euros (contre 142 millions d'euros l'an dernier).

Les crédits de la mission sont consacrés pour plus de 70 % à deux catégories de droits viagers, les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant (1 495,7 millions d'euros au total) de sorte que leurs évolutions d'une année à l'autre sont très sensibles aux variations touchant la valeur unitaire de ces allocations et à la population des allocataires, deux variables à la dynamique (trop) souvent inerte.

La programmation budgétaire de la mission emporte un repli des dotations budgétaires de l'ordre de 3,2 %, contre 6,2 % l'an dernier, qui répond ainsi largement à des évolutions au fil de l'eau en l'absence de mesures significatives concernant les droits ouverts aux anciens combattants.

Les trois programmes de la mission connaissent toutefois des évolutions contrastées.

Évolution par programme des crédits de paiement de la mission
entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

2020

2021

Écart
2021/2020

Programme 167

29,4

38,8

+ 9,4

Programme 169

2 037

1 957,8

- 79,2

Programme 158

93,5

93,1

- 0,4

Total

2 159,9

2 089,8

- 70,1

Source : commission des finances du Sénat

Comme souvent, la quasi-totalité des économies prévues est attribuable au programme 169 qui est, pour l'essentiel, un « programme de guichet » correspondant à la vocation de la mission de regrouper principalement des dépenses de prestations (de titre 6) accordées en témoignage de la reconnaissance de la Nation à ses anciens combattants.

Les dotations de ce programme correspondant à des allocations et prestations diverses aux anciens combattants (hors subventions aux opérateurs) sont à nouveau en repli, de 3,9 %, soit un peu moins que lors de l'année 2020 (- 5,8 %), les variations structurelles liées aux dynamiques naturelles étant limitées par la dynamique des dépenses devant bénéficier aux rapatriés (essentiellement les harkis).

De leur côté, les dotations programmées au titre du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » qui avaient connu ces deux dernières années un fort recul (- 20 % et -12,8 % respectivement en 2019 et 2020) suspendent cette tendance et augmentent de près de 32 %, principalement en raison des crédits destinés à la politique de la mémoire.

Enfin, les crédits prévus au titre du programme 158 sont à peu près stabilisés.

Malgré le ralentissement des réductions de crédits prévu pour 2021, on relèvera qu'à périmètre constant, la mission aura perdu en cumulant les années 2020 et 2021 près de 10 % de ses crédits, dégageant plus de 210 millions d'euros d'économies budgétaires.

2. Un projet de budget pour 2021 à nouveau sans ambition, calé sur une trajectoire baissière tendancielle de la mission dès lors qu'aucune revalorisation significative des droits des anciens combattants n'intervient, mais un effet moins défavorable de l'indexation des allocations

Après le ralentissement de la réduction des dépenses de la mission relevé en 2018, sous l'effet des revalorisations de la retraite du combattant mises en oeuvre à la fin du mandat du précédent Président de la République, les dotations de la mission avaient été réinstallées en 2019 sur une trajectoire fortement descendante, que le projet de budget pour 2020 avait prolongée.

Face à l'impact modéré des élargissements de droits réalisés ces dernières années, l'attrition des populations bénéficiaires des allocations de reconnaissance envers les anciens combattants et le « quasi- gel » de la valeur de ces dernières déterminent des économies substantielles.

L'an dernier, les économies avaient été amplifiées par quelques « artifices budgétaires » tirés des équilibres entre le budget de la mission et les finances de ses opérateurs, qui avaient été fortement sollicitées, en particulier s'agissant de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC VG).

Pour l'an prochain, cette technique de ponction des trésoreries des opérateurs est moins utilisée, arrivant à la limite de sa faisabilité.

Évolution du budget de la mission depuis 2012

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Compte tenu de la place occupée par les dépenses de transferts sociaux dans la mission, dont une des variables majeures réside dans la démographie des bénéficiaires, celle-ci, qui a pour particularité, en lien avec l'historique des conflits, de se contracter inexorablement, comme le montre le graphique ci-après, est un déterminant majeur de la dynamique des dépenses de la mission (voir infra les développements propres au programme 169).

Évolution du nombre des bénéficiaires des pensions militaires
d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant (RC) (2008-2021)

Source : projet annuel de performances pour 2021

Cependant, d'autres facteurs peuvent influer sur le niveau des dépenses.

En premier lieu, une petite partie d'entre elles peut être pilotée. C'est le cas des opérations financées par le premier programme de la mission (programme 167). En 2021, les dotations correspondantes sont marquées par un certain dynamisme (+ 9,4 millions d'euros en affichage, un peu plus en réalité compte tenu d'une mesure de périmètre ; voir infra ).

En second lieu, en ce qui concerne les prestations financées par la mission, l'extension des droits ouverts et les choix portant sur la valeur de chacune des prestations doivent bien entendu être pris en compte. Il en va de même des effets des règles d'indexation.

Ces deux facteurs jouent très peu dans un contexte marqué par une faible extension des droits reconnus aux anciens combattants et de très grande modération de l'indexation des allocations.

En 2021, l'extension des droits reconnus aux anciens combattants joue fort peu, le projet de loi de finances ne comptant qu'une mesure utile mais de peu d'impact budgétaire (1 million d'euros). En outre, si des mesures acquises jouent en année pleine, en particulier la très nécessaire extension des droits des forces présentes en Algérie au-delà du 2 juillet 1962, leur effet reste modéré.

En ce qui concerne l'indexation des allocations servies à partir des crédits de la mission, la rigueur salariale imposée à la fonction publique en limite la dynamique, l'inertie de l'indexation étant toutefois un peu moindre que l'an dernier du fait de mesures catégorielles à effets indiciaires (principalement l'application du protocole des revalorisations des carrières dit « PPCR ».

3. Une trajectoire qui prolonge une loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, sur laquelle le budget pour 2020 avait surenchéri

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dessine une trajectoire de repli tendanciel des crédits de paiement consacrés à la mission « Anciens combattants ».

Faute d'actualisation formelle, la norme de dépense n'est précisée au-delà de 2020 que par référence à une annexe du débat d'orientation des finances publiques. Pour 2021, elle est de 2,09 milliards d'euros, en baisse par rapport à 2020 (2,16 milliards d'euros). Le projet de budget pour 2021 respecte donc la loi de programmation, même si cette donnée n'a pas grand sens une fois prises en comptes les dépenses fiscales rattachées à la mission.

Il est utile de rappeler les éléments sur lesquels reposait le premier « triennal » de la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

Évolution des crédits de la mission
dans la loi de programmation des finances publiques (2018-2022)

(en milliards d'euros et en %)

Montant

Évolution par rapport
à l'année précédente

Évolution cumulée

LFI 2017

2,54

NS

NS

PLF 2018

2,46

-3,10%

-3,10%

2019

2,34

-4,80%

-7,90%

2020

2,25

-3,80%

-11,40%

Total

9,59

NS

NS

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Au total, les crédits de la mission étaient appelés à se trouver réduits en cumulé de 11,4 % entre 2017 et 2020 soit un recul annuel moyen de l'ordre de 3,9 % .

Cette programmation s'appuyait sur la diminution des contingents de bénéficiaires des prestations financées par la mission.

Elle impliquait également une très grande inertie de la valeur du point de pension militaire d'invalidité, dans le cadre plus global d'une absence de toute revalorisation significative des différentes prestations financées par la mission (en particulier, par le programme 169), d'autant que celui-ci devrait assumer des charges exceptionnelles en lien avec la rénovation de l'Institution nationale des Invalides.

Dans ce contexte, les programmes 167 et 158 devaient subir, de leur côté, une stagnation de leurs dotations.

Le budget pour 2020 avait surenchéri sur la loi de programmation avec un niveau de dotations inférieur de l'ordre de 100 millions d'euros.

Force est de supposer que dans l'hypothèse où la norme de dépenses avait été actualisée elle aurait été largement respectée.

B. UN EFFORT DE LA NATION AU PROFIT DES ANCIENS COMBATTANTS QUI DÉPASSE LARGEMENT LE CADRE DES DOTATIONS DE LA MISSION MAIS SE RÉDUIT AUSSI, BIEN QUE PLUS MODÉRÉMENT

Il convient de compléter la présentation des moyens de la mission par la prise en compte de transferts que ses crédits ne retracent pas, soit qu'ils soient financés à partir d'autres missions budgétaires, soit, c'est l'essentiel, qu'ils résultent d'avantages fiscaux ou sociaux attribués à tout ou partie des anciens combattants.

La prise en compte des seuls avantages fiscaux « hors-mission », conduit à rehausser significativement l'effort de la Nation envers les anciens combattants.

Ils ne sont pas complètement évalués, ce qu'il faut déplorer, les seules dépenses faisant l'objet d'une évaluation conduisant à rehausser l'effort de la Nation envers les anciens combattants de 725 millions d'euros en 2021.

Sur cette base incomplète, l'effort pour les anciens combattants 1 ( * ) atteint un peu plus de 2,629 milliards d'euros en 2021 contre 1,957 milliard d'euros quand on ne prend en compte que les crédits budgétaires.

Observation : les transferts découlant d'aménagements des prélèvements obligatoires en faveur des anciens combattants sont incomplètement exposés et évalués.

Recommandation : procéder à une revue des aménagements des prélèvements obligatoires en faveur des anciens combattants afin d'en assurer un compte rendu et une estimation exhaustifs dans les annexes aux documents budgétaires.

1. Les déversements de crédits à partir d'autres missions abondent particulièrement les moyens consacrés à la Journée défense et citoyenneté

Les politiques publiques financées par la mission sollicitent des moyens qui sont loin d'être exhaustivement retracés par les dotations ouvertes en loi de finances au titre de la mission elle-même.

On doit regretter sur ce point une déperdition de l'information budgétaire du fait de la disparition des éléments permettant d'apprécier les crédits complets dédiés à une action publique donnée dans les documents budgétaires.

Toutefois, le ministère des Armées, se singularisant avec bonheur sur ce point par rapport à nombre d'autres ministères, a développé une comptabilité analytique selon laquelle les soutiens apportés par la mission Défense aux activités prises en charge par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » atteindrait 136,6 millions d'euros en 2021.

Recommandation : revenir à un état plus satisfaisant de l'information budgétaire en reprenant la présentation des crédits complets consacrés aux actions publiques financées par les programmes budgétaires.

Selon les données transmises au rapporteur spécial, les concours reçus d'autres missions budgétaires se limiteraient au programme 167, dont ils multiplieraient les dotations par plus qu'un facteur 4.

À ce niveau, force est de s'interroger sur la justification de l'inscription initiale de certains crédits sous la bannière budgétaire de la présente mission.

Les actions concernées sont l'organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC) avec une participation du ministère des Armées de 91,5 millions d'euros en 2021 et le Service militaire volontaire (SMV) pour lequel la participation du même ministère s'élèverait à 45,3 millions d'euros.

Par rapport aux prévisions pour 2020, la première contribution serait un peu supérieure (+1,2 million d'euros) tandis que la seconde s'inscrirait en retrait (- 3,2 millions d'euros).

Les déversements dont s'agit portent essentiellement sur les dépenses de masse salariale et de façon plus marginale, sur les soutiens fournis au titre des dépenses de soutien commun, d'infrastructure, de systèmes d'information et de santé.

Les données relatives aux soutiens dont bénéficie la mission ne semblent pas complètes.

Des contributions financières ne sont pas comptabilisées au motif qu'elles ne sont pas prises en charge par les services gestionnaires des fonds réunis dans la mission. Il en va ainsi de la dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé à l'institution nationale des invalides, dont le montant est fixé par arrêté pris par le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre des solidarités et de la santé, se traduit par une délégation de crédits de l'assurance maladie à destination de l'INI. Il en va également ainsi des concours que peuvent apporter les collectivités territoriales à l'accomplissement des actions publiques mises en oeuvre.

L'évaluation du concours de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » à la politique de réparation en faveur des victimes de l'Occupation couvert par le programme 158 n'est pas davantage accessible. Ne l'est pas davantage une quelconque information quant à la contribution, en termes de coûts, du ministère de la culture aux objectifs poursuivis par la politique de réparation des préjudices subis par les victimes de spoliations antisémites alors même qu'une cellule spécifiquement dédiée a été instituée à cet effet.

Le rapporteur spécial, s'il ne juge pas comme dépourvu de tout fondement les choix analytiques du ministère, regrette toutefois qu'ils aboutissent à édulcorer la réalité des efforts publics effectivement consacrés aux actions mises en oeuvre.

Au total, la logique suivie par la loi organique relative aux lois de finances se perd sourdement, du moins quant à l'information fournie aux Français et à leurs élus sur les moyens consacrés aux politiques publiques, ce qu'il convient de déplorer très vivement.

Le rapporteur spécial recommande que le retour à une présentation complète des crédits budgétaires mobilisés par les différentes interventions financées par la mission soit l'occasion de préciser dans les documents budgétaires correspondants l'ampleur du financement versé par le ministère de la santé au profit de l'Institution nationale des Invalides (INI).

De la même manière, compte tenu de la rénovation des missions de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), il conviendrait que le coût des entités animées par le ministère des affaires étrangères et, surtout, le ministère de la culture puisse être recensé au titre des coûts complets engagés pour apurer notre dette de réparation des spoliations antisémites.

2. Les transferts au profit des anciens combattants passent de plus en plus massivement par des dépenses fiscales et sociales non retracées dans les crédits de la mission

Si les interventions en faveur des anciens combattants financées sur crédits budgétaires suivent une tendance très nettement baissière qu'illustre le projet de budget pour 2021, il en va différemment des soutiens passant par les avantages fiscaux accordés aux anciens combattants.

Ces derniers, qui sont mal recensés dans la documentation budgétaire, situation d'autant plus regrettable que les avantages concernant les prélèvements sociaux ne le sont pas du tout, se rétractent quelque peu, mais dans des proportions plus réduites.

a) 725 millions d'euros de dépenses fiscales recensées

Si l'appréciation des coûts complets de la mission n'est pas rendue accessible dans la documentation budgétaire courante du fait d'un manque d'informations sur les compléments de moyens apportés par d'autres missions budgétaires aux objectifs qu'elle finance, ce sont principalement les différentes prestations au bénéfice des anciens combattants , financées par les dotations budgétaires du programme 169 , qui font l'objet de compléments par des transferts publics empruntant la voie alternative aux crédits budgétaire des dépenses fiscales.

Les dépenses fiscales s'analysent comme des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour le contribuable, un allégement de la charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application des principes généraux du droit fiscal français.

Si une disposition applicable à la grande majorité des contribuables n'est pas considérée comme une dépense fiscale, à l'inverse, l'avantage accordé à une catégorie particulière de contribuables, ou d'opérations économiques, constitue une dépense fiscale.

Pouvant être assimilée à une dépense publique (il y a équivalence entre un prélèvement obligatoire suivi d'une dépense de même montant et l'abstention dudit prélèvement lorsqu'on analyse les relations entre les administrations publiques et les autres agents économiques), les dépenses fiscales doivent figurer dans les documents budgétaires, projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP) conformément aux prescriptions de l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finances.

Elles sont évaluées à 725 millions d'euros pour 2021 contre un chiffrage, révisé à la baisse, de 740 millions d'euros en 2020, révision malgré laquelle les dépenses fiscales devraient augmenter de 19 millions d'euros en 2020 par rapport à l'année 2019.

La baisse escomptée en 2021 laisserait l'empreinte des dépenses fiscales à un niveau supérieur à celui de 2019, constat à mettre en regard de celui d'une réduction de 204 millions d'euros des dépenses d'intervention sur crédits budgétaires (dans le périmètre du programme 169).

Les six dépenses fiscales rattachées à la mission

Six dispositifs de dépenses fiscales sont liés au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » et sont évaluées par les services du ministère de l'action et des comptes publics, comme suit :

a) DF 100101 : déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant :

- 34 millions d'euros pour 2020

- 34 millions d'euros pour 2021

b) DF 110103 : demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant :

- 550 millions d'euros pour 2020

- 540 millions d'euros pour 2021

c) DF 120126 : exonération de la retraite du combattant, des pensions militaires d'invalidité, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l'allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie (harkis) et à leurs veuves :

- 155 millions d'euros pour 2020

- 150 millions d'euros pour 2021

d) DF 520108 : exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d'opérations militaires ou d'actes de terrorisme :

- non chiffré

e) DF 520302 : réduction de droits en raison de la qualité du donataire ou de l'héritier (mutilé, etc.) :

- non significatif

f) DF 120143 : exonération des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires français et à leurs ayants-droit :

- 1 million d'euros pour 2020

- 1 million d'euros pour 2021

Même si l'impact des dépenses fiscales serait plus réduit en 2021 qu'en 2020, son atténuation serait moins forte que pour les allocations versées sur crédits de sorte qu' il faut prolonger l'observation régulière du rapporteur spécial selon laquelle, au fil du temps, l'effort de la Nation en faveur des anciens combattants tend à se déformer, le poids relatif des dépenses fiscales dans le total des transferts qui leur sont destinés ne cessant de se renforcer.

Comme l'indique le graphique ci-dessous ceux-ci représentent des masses financières, qui, pour apparaître stabilisées ces dernières années, ont connu une forte hausse depuis la fin des années 2000.

Évolution du montant des dépenses fiscales associées à la mission
dans les documents budgétaires (2004-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances et des programmes annuels de performances

b) Des dépenses fiscales et sociales toujours mal recensées qui sous-estiment les transferts en faveur de certains anciens combattants

Encore faut-il faire trois observations.

La première tend à regretter que les documents budgétaires ne restituent pas les dépenses sociales, qui pour porter sur des cotisations ou autres prélèvements destinés à financer la protection sociale, n'en représentent pas moins des transferts publics au bénéfice des anciens combattants.

La seconde oblige, une fois de plus, à relever que toutes les dépenses fiscales recensées par le projet annuel de performances ne sont pas évaluées, un léger progrès devant toutefois être salué.

La troisième doit faire valoir que par rapport à l'inventaire des transferts alloués aux anciens combattants et à leurs ayants droits par la Cour des comptes, le recensement proposé par la documentation budgétaire continue d'être incomplet.

Recensement par la Cour des comptes des dépenses fiscales et sociales
non mentionnées par les documents budgétaires

L'impôt sur le revenu (IR)

Le projet annuel de performances (PAP) ne fait pas figurer :

- la part des dépenses fiscales découlant des dispositifs prévus par le programme 158 qui correspondrait à 3,5 % de la dépense n° 120126 ; le ministère de la défense, la direction du budget et le Secrétariat général du Gouvernement ont indiqué qu'ils étaient disposés à répartir la dépense fiscale qui figure aujourd'hui au titre du programme 169 entre les deux programmes 158 et 169 et à rattacher les montants correspondants dans le PAP. Des travaux seront entrepris à ce sujet ;

- l'exonération d'impôt sur le revenu des PMI reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ;

- pour le programme 158, les indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation qui sont exonérées d'impôt sur le revenu (IR).

Les droits de mutation

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158). Le ministère des Armées indique n'avoir pas de responsabilité sur ce dispositif. Pour être exacte cette affirmation n'empêche pas que les indemnités dont s'agit sont financées sur les crédits de la mission et, à ce titre, mériteraient d'être recensés comme des dépenses fiscales les avantages mentionnés.

Les droits de succession

Le PAP ne mentionne pas que :

- la transmission du capital de la rente mutualiste, lorsqu'il a été opté pour le régime réservé viagèrement, se fait hors droit de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Le ministère des armées indique que les droits de succession frappent tous les biens qui composent le patrimoine du défunt au jour du décès et qui, de ce fait, sont transmis à ses héritiers ou légataires. Dès lors que les indemnités versées antérieurement au décès sont inscrites au crédit d'un compte bancaire ou constituent une créance au nom du défunt, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit prévus en matière de succession. Concédant que les indemnités versées postérieurement au décès du défunt, mais au nom des héritiers (sans constituer une créance certaine du défunt au moment du décès) bénéficient d'un avantage fiscal, il ajoute toutefois qu'elles n'ajoutent alors pas au patrimoine taxable en matière de droit de succession du défunt.

Les prélèvements sociaux

Certaines aides bénéficient d'exonérations de prélèvements sociaux :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. Cette exonération est d'ailleurs codifiée par l'article L. 136-2-III-3° du code de la sécurité sociale ; sur ce sujet, lors de différents échanges, le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes a été estimé, en 2013, à 80 millions d'euros ; quant à la retraite du combattant, l'exonération est estimée à 67 millions d'euros ; il faut regretter qu'aucune nouvelle estimation ne soit intervenue depuis 2013 ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde Guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

Bien que ces deux exonérations ne relèvent pas de la loi de finances initiale stricto sensu, et ne doivent pas figurer dans le PAP à ce titre, mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les montants correspondants viennent augmenter le coût global de cette politique. Ils pourraient donc être mentionnés dans les documents budgétaires pour porter à la connaissance de la représentation nationale le coût de cette politique. Néanmoins, à ce stade, le ministère des Armées concède que « le coût des dispositifs en matière de prélèvements sociaux n'est pas évalué par le ministère des armées ».

L'impôt sur la fortune (ISF)

Le PAP ne faisait pas figurer les dispositifs suivant qui sont exonérés d'ISF :

- l'exonération des sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts ;

- la rente mutualiste, sa valeur de capitalisation n'est pas imposable ;

- l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF. Lorsque ces indemnités sont versées aux ayants droit des victimes elles sont également exonérées d'ISF.

Depuis la disparition de cet impôt, cet avantage n'est plus réservé aux personnes indiquées.

Source : note d'analyse budgétaire 2015. Cour des comptes et réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La répartition des bénéficiaires des dépenses fiscales mentionnées ne semble pas connue du ministère. Ni le nombre des bénéficiaires, nécessairement cantonné s'agissant de la dépense fiscale la plus significative (la demi-part accordée aux contribuables de plus de 74 ans et à leurs conjoints survivants) aux assujettis à l'impôt sur le revenu et alors nécessairement proportionnellement plus avantageuse à mesure que l'assiette fiscale est élevée, ni la répartition de ces dépenses fiscales selon les bénéficiaires ne sont accessibles. Compte tenu du luxe de conditionnalités qui entourent certaines prestations versées aux anciens combattants et à leurs ayants cause, cette situation présente une anomalie, qu'il convient de corriger.

Observation : l'affectation des dépenses fiscales au bénéfice des anciens combattants et de leurs ayants cause semble inconnue du ministère des Armées.

Recommandation : corriger au plus tôt une situation d'ignorance qui contraste avec le luxe de conditionnalités exigées par le ministère pour l'attribution des transferts sur crédits budgétaires.

En ce qui concerne la répartition entre les ayants droit et les ayants cause, la question ne se pose pas pour le retraite du combattant, qui n'est pas réversible. Pour les autres prestations bénéficiant d'un avantage fiscal, le ministère indique que « (l) a rente mutualiste du combattant est, elle, réversible au conjoint survivant. Cependant, le ministère des armées ne dispose pas des informations permettant de différencier les rentes mutualistes qui bénéficient directement aux anciens combattants de celles qui font l'objet d'une réversion. En effet, ces rentes sont versées par des organismes mutualistes. De même, le ministère des armées ne dispose pas des informations permettant de connaitre la répartition de la dépense fiscale relative à l'octroi d'une demi-part supplémentaire entre les anciens combattants et leurs conjoints survivants. Cette évaluation relève éventuellement des services du ministère de l'action et des comptes publics ».

La montée en puissance des transferts fiscaux et sociaux dans le total des expressions de la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants, que l'alourdissement du taux de CSG a encore alourdis, conjointe avec celle des majorations accordées aux rentes mutualistes, conduit à une concentration des manifestations de soutien de la Nation à ses anciens combattants dans un contexte où les allocations les plus « universelles » ne bénéficient qu'exceptionnellement et de façon très irrégulière de revalorisations significatives.

On relèvera à cet égard que la demi-part attribuée à partir de 74 ans aux titulaires de la carte du combattant et de PMI, pour bénéficier, semble-t-il, à près de 900 000 foyers fiscaux (cette dépense fiscale représente 72 % du total des dépenses fiscales recensées et 20 % du montant des dépenses budgétaires au titre des PMI et de la retraite du combattant) exerce des effets nettement différenciés selon le niveau de revenu des bénéficiaires. En particulier, cet avantage ne profite pas aux contribuables exonérés d'impôt sur le revenu.

Un même constat s'impose en ce qui concerne l'exonération d'imposition sur le revenu de la plupart des allocations versées par le programme 169 (165 millions d'euros de transferts vers les anciens combattants). On peut illustrer l'impact de cette disposition en indiquant que, pour un titulaire de la retraite du combattant non imposable, elle équivaut à un avantage nul quand pour un titulaire de la retraite du combattant dont le taux moyen d'imposition tend vers le taux marginal supérieur du barème elle représente une économie d'impôt de 346 euros.

Bien entendu, ces données individuelles ont leur pendant macrofinancier. Ainsi, l'extension des conditions d'attribution de la carte du combattant dite « 62-64 » devrait coûter 30 millions d'euros en année pleine, à financer sur des crédits budgétaires, mais également, une trentaine de millions d'euros de dépense fiscale, moyennant toutefois une répartition différenciée. Selon la situation fiscale des uns et des autres, la mesure équivaudra, de la part de l'Etat, à un avantage net du montant de la retraite du combattant ou à un avantage correspondant majoré de l'évitement fiscal dû au régime d'exonération de la retraite du combattant.

3. Un suivi de la performance qui pourrait être plus... performant

Le suivi de la performance pourrait être complété pour mieux tenir compte de la vocation principale de la mission d'assurer des transferts au bénéfice des anciens combattants.

La maquette de performances, inchangée pour 2021, avait connu en 2020 des évolutions mais peu susceptibles d'améliorer significativement le suivi de la performance.

Le dispositif de performance du programme 167 « Lien entre la Nation et son armée » avait évolué au PAP 2020.

L'indicateur 2.1 portant sur le « Taux d'insertion professionnelle des volontaires du SMV (service militaire volontaire) » avait été ajouté afin de mesurer le niveau d'insertion des jeunes accueillis par ce dispositif dans la vie active. La cible 2020 de plus de 70 % est inchangée, choix qui peut apparaître quelque peu volontariste au vu des événements en cours, mais qui, surtout, n'a qu'une signification très faible du fait de la définition d'un indicateur, qui agrège des situations post SMV très hétéroclites et non suivies dans le temps.

L'indicateur 1.1 a été renommé « Taux de satisfaction du jeune au regard de la JDC 2 ( * ) » pour plus de lisibilité.

Cet indicateur est régulièrement doté d'un objectif très élevé, qui est atteint. Pour autant, sa signification apparaît des plus médiocres. On comprend que les jeunes suivant la JDC n'en éprouvent pas une répulsion considérable au vu du contenu de la JDC, qui, il faut le reconnaître a une dimension récréative affirmée.

Le dispositif de performance du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » avait également évolué au PAP 2020.

L'indicateur 3.2 portant sur le « Nombre de titres/cartes d'anciens combattants traités et délai moyen des dossiers » avait ajouté afin de rendre compte du délai de traitement des dossiers.

La cible 2020 était de 58 725 dossiers traités pour un délai moyen de traitement de 135 jours. Elle a été révisée à la baisse (44 800 titres pour un délai de 140 jours) du fait de la catastrophe sanitaire en cours mais aussi d'un nombre de demandes moindre que prévu. Pour 2021, il est prévu de délivrer 32 000 titres dans un délai de 135 jours.

Ces modifications ne changent guère une situation marquée par l'attention quasi-exclusive donnée à des éléments de gestion, c'est-à-dire à des processus administratifs portant sur la productivité des services sans considération des impacts des interventions financées par la mission sur ses publics.

Dans ces conditions, les indicateurs en cause apportent une information bienvenue, mais ils sont loin de traduire les enjeux sociaux et sociétaux auxquels entendent répondre les transferts au bénéfice des anciens combattants.

L'impact social des choix budgétaires devrait être intégré à la maquette de performance du programme.

Le ministère fait valoir que la mission ne poursuit aucun objectif de cette nature pour justifier de s'en abstenir.

Cette justification n'est pas de nature à emporter l'adhésion puisqu'aussi bien les instruments mobilisés ont objectivement des impacts sociaux, qui peuvent être asymétriques, sans que les situations comparées des anciens combattants et la reconnaissance qui leur est due ne puissent le justifier.

Par ailleurs, en restant dans le cadre de l'actuel suivi de la performance, le rapporteur spécial avait pu observer que les résultats, pour s'être légèrement redressés, demeuraient fréquemment en deçà des cibles.

Il apparaissait, en particulier, que, le délai de traitement des dossiers de PMI était excessivement élevé.

Le rapporteur spécial s'était inquiété que la modification de l'indicateur mise en oeuvre en 2018 (qui réduisait l'assiette des dossiers pris en compte aux seuls flux, à l'exclusion de nombre de demandes en stock), vienne affadir l'objectif d'une forte réduction des délais de traitement de l'ensemble des dossiers.

Les délais ont pu être raccourcis ce dont il fallait se féliciter.

Néanmoins, le délai de traitement d'un dossier de PMI demeure trop élevé (230 jours pour les nouvelles demandes, soit 10 jours de plus que prévu), et l'on ne peut exclure que dans certaines régions il dépasse encore plus l'admissible.

Il importe de remédier à cette situation qui, selon le ministère, provient moins de l'efficacité de la sous-direction des pensions, que de la trop faible disponibilité des médecins conseils experts, étiologie qui peut sans doute être augmentée d'autres facteurs (voir infra ).

Quant au dispositif de performance concernant le programme 158, il n'apporte guère d'informations sur les enjeux réels de la réparation due aux personnes auxquelles les actions publiques qu'il finance sont censées apporter satisfaction.

II. ANALYSE PAR PROGRAMME

En tant que programme portant la plus grande part des interventions de la mission, le programme 169 est déterminant pour l'évolution des dépenses de la mission. Il obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation des droits ainsi financés. Sous ce dernier angle, le projet de budget pour 2021 déçoit à nouveau.

Les deux autres programmes qui composent la mission sont, l'un, le programme 167, lié à des actions destinées à favoriser le lien entre la Nation et sa défense. Ce programme est tributaire du calendrier commémoratif mais peut aussi faire l'objet de régulations non-négligeables, compte tenu de son volume, en exécution.

L'autre programme (le programme 158) est un réservoir de moyens destinés à réparer les préjudices subis par les victimes d'actes de barbarie et de spoliations commis lors de la Seconde Guerre mondiale. En ce sens, ce dernier programme est également surtout destiné à provisionner des transferts vers les personnes concernées mais traduit également la réunion des moyens employés pour l'indispensable action de recherche et d'identification des spoliations et de leurs victimes. L'impérative amélioration de son efficacité ne paraît pas bénéficier dans le budget 2021 des efforts qu'elle appelle.

A. LE PROGRAMME 167, UN PROGRAMME AU FIL DE L'EAU ET DES INTERROGATIONS POUR L'AVENIR

Les crédits du programme 167 (qui comporte deux actions : l'action 01 « Liens armées-jeunesse » et l'action 02 « Politique de mémoire »), après un recul lors des derniers exercices, sont prévus en nette hausse (-+ 9,4 millions d'euros hors fonds de concours, soit + 32%). Ils ne retrouvent toutefois pas le niveau atteint en 2018, année marquée par des commémorations exceptionnelles.

Les crédits consacrés à l'action 01 augmentent de plus de 16 % (+ 3 millions d'euros) tandis que les crédits de l'action 02 s'accroissent de 60 % (+ 6,6 millions d'euros).

Des fonds de concours et attributions de produits sont rattachés à cette action. Ils sont en baisse de 598 000 euros (- 44 %).

Cette vue d'ensemble porte cependant sur des données largement faciales du fait de l'ampleur de la participation de programmes extérieurs à la mission au financement de la JDC.

Les formules d'association de la jeunesse à la Défense tendent à se démultiplier (« Journée défense et citoyenneté », service militaire volontaire, service militaire adapté en outre-mer et service national universel) moyennant une altération de la lisibilité des relations ainsi instaurées. Cette confusion se retrouve au niveau budgétaire, les financements inscrits à la mission sous revue paraissant de moins en moins justifiés au vu de la part réduite de sa contribution aux coûts des différents dispositifs.

L'articulation entre la JDC et le futur service national universel ainsi que l'impact financier du service universel demeurent à, ce jour, particulièrement incertains.

Il faut ajouter des relations croisées entre les programmes 167 et 169 de la mission ainsi que des pratiques récurrents, de sens souvent opposés, de prélèvements sur le principal opérateur de la mission, l'ONAC VG étant appelé, ou non, à financer sur sa trésorerie des charges qui devraient être budgétées.

Évolution des crédits du programme 167
entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du projet annuel de performances 2021

Répartition des crédits du programme 167

Source : projet annuel de performances 2021

1. Les crédits de l'action « Liens armées-jeunesse » (21,3 millions d'euros de crédits de paiement) augmentent (+ 2,8 millions d'euros)

Le budget 2021 de l'action « Liens armées-jeunesse » du programme 167 s'établit à 21,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 21,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP), en hausse par rapport à 2020 (soit +2,9 millions d'euros en AE et 2,8 millions d'euros en CP).

Il se compose de deux unités opérationnelles respectivement dédiées à la journée défense et citoyenneté (JDC) et au service militaire volontaire (SMV).

La dotation prévue pour l'organisation de la JDC est en hausse significative (+ 2,3 millions d'euros en CP) tandis que les moyens du SMV s'accroissent de 500 000 euros.

L'action reste ainsi principalement consacrée au financement de la JDC, qui absorbe près de 90 % de ses dotations.

2. Le service militaire volontaire, 3 millions d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, près de 50  millions d'euros de crédits

La dotation du SMV inscrite au budget de la mission s'élève à 3 millions d'euros, en hausse de 20 %.

Elle est constituée de deux opérations budgétaires (OB) :

- les crédits de l'OB « Formation et soutien formation » : 2,1 millions d'euros contre 1,8 million d'euros l'an dernier, soit + 16,7 %. Ils comprennent l'ensemble des dépenses liées à la formation des volontaires et le soutien inhérent à la formation ;

- les crédits de l'OB « Rayonnement et recrutement » : 0,9 million d'euros contre 700 000 euros l'an dernier (+ 28,6 %) sont consacrés aux actions de relations publiques , de promotion du SMV et de recrutement auprès de la jeunesse et des acteurs du secteur de la formation professionnelle.

Le service militaire volontaire est né en 2015 et a une vocation d'insertion puisqu'aussi bien s'y trouve dispensées des formations professionnelles destinées à préparer les volontaires à des métiers en entreprise. Les jeunes de 18 à 25 ans se trouvent placés en internat sous statut militaire dans des établissements de formation avec encadrement militaire.

Pérennisé à compter du 1 er janvier 2019 par la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le SMV propose aujourd'hui plus de 50 formations métiers.

Sur le plan organisationnel, il se compose d'un état-major implanté à Arcueil et de six régiments et centres localisés dans cinq régions. Chaque centre offre plusieurs filières, soit à vocation nationale (agent d'entretien du bâtiment) ou régionale, soit créées en coopération avec une entreprise partenaire (SNCF, Disney).

Répartition territoriale des centres SMV

Source : réponse à la question du rapporteur spécial

Avec une cible de 1 000 volontaires par an, le SMV après un début hésitant semble désormais rencontrer le succès, du moins sous cet angle.

Effectifs engagés par promotion

Promotion

Année

Nombre de volontaires stagiaires recrutés

2ème

01/09/2016 - 31/08/2017

686

3ème

01/09/2018 - 31/12/2018

1148

4ème

01/01/2019 - 31/12/2019

1090

5ème

01/01/2020 - 31/12/2020

514 (situation intermédiaire : juin 2020)

Source : réponse à la question du rapporteur spécial

Les résultats pour 2020 se révèlent toutefois en-deçà des attentes sans qu'il soit possible d'identifier la responsabilité de la situation sanitaire en cours, qui a certainement joué un rôle.

C'est par d'autres aspects que le SMV peut être estimé fournir une réponse assez peu soutenable à un problème réel.

En premier lieu, les résultats fonctionnels du SMV ne sont pas particulièrement favorables. Globalement, le taux d'insertion professionnelle des volontaires stagiaires, jugé tout à fait probant par le ministère, n'apparaît pas réellement tel sauf à considérer qu'un taux de 74 % (en 2019) puisse être acceptable. D'un point de vue plus spécifique aux armées, en 2019, seuls 21 volontaires avaient rejoint les armées soit 4,3% de la promotion insérée, ce qui apparaît faible.

Par ailleurs, force est de constater que le coût du dispositif, qu'il est difficile de reconstituer, est élevé.

Selon les données adressées au rapporteur spécial, le SMV coûterait entre 30 000 et 35 000 euros par volontaire. Hormis une solde de 313 euros par mois, il faut compter avec les coûts de fonctionnement du dispositif.

Au total, moyennant la mobilisation de 358 cadres militaires, issus des trois armées et du service du commissariat des armées appuyés par des personnels extérieurs (médecins et psychologues du service de santé des armées, assistantes sociales des armées, professeurs du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, volontaires du service civique, membres d'associations, et d'experts engagés dans la réserve opérationnelle ou citoyenne du SMV), les coûts pris en charge sur crédits budgétaires d'Etat auraient atteint 39 millions d'euros pour 1 090 engagés en 2019, soit effectivement un coût de 35 779 euros par volontaire. Néanmoins, il faut ajouter à ces coûts, les contributions des partenaires du SMV, parmi lesquels certaines collectivités territoriales, qui peuvent apporter des financements sans médiation du ministère des armées. Le niveau de ces engagements est incertain ; il en va de même de celui des organismes privés qui peuvent financer directement les formations professionnelles.

Une fois relevé que les crédits budgétaires prévus pour 2021 sont en hausse significative, l'on peut avancer que chaque stagiaire du SMV coûte un peu au-delà de la limite supérieure de l'évaluation fournie au rapporteur spécial, pour des durées de formation qui vont de six à douze mois.

Cette estimation peut être rapprochée de celle du coût d'un étudiant qui, pour les formations les plus onéreuses (classes préparatoires aux grandes écoles), s'élevait en 2017 à 15 760 euros par an, mais encore de celle concernant l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi des écoles de la deuxième chance (EPIDE) qui est du même ordre.

Au total, le coût complet du dispositif semble avoisiner 50 millions d'euros, soit environ la moitié des crédits nécessaires à l'organisation de la JDC, proportion qui peut être mise en rapport avec l'étendue des populations concernées, la JDC concernant près de 800 000 jeunes par an quand le SMV n'en accueille que de l'ordre de 1 000.

Si le contenu de ces deux opérations et leurs objectifs sont très différents, une évaluation du SMV paraît devoir être conduite au regard du coût d'autres formations spécifiques envisageables et de sa capacité à répondre aux besoins des jeunes les plus en difficultés.

Observation : le coût du SMV semble très élevé au vu de l'étendue assez modeste des jeunes qui le suivent.

Recommandation : évaluer le SMV .

Le rapporteur spécial, pour conclure sur ce point, relève la concentration du positionnement des centres de SMV sur le territoire, certaines zones se trouvant sans recours de proximité. Une évolution pourrait intervenir utilement sur ce point.

3. La journée « défense et citoyenneté » (JDC) en quête d'une plus grande efficacité dans l'attente d'une transformation plus radicale ?

L'action 01 reste principalement consacrée à la Journée « défense et citoyenneté » (JDC) chargée, depuis la réorganisation du service militaire 3 ( * ) , d'assurer la diffusion de l'esprit de défense auprès des jeunes Français dès 18 ans.

Les dotations budgétaires consacrées à la JDC inscrites dans la mission après avoir significativement rétrogradé connaissent ces dernières années une augmentation.

Le projet de loi de finances pour 2021 prolonge ce dernier phénomène, avec un alourdissement des crédits, annoncé par le rapporteur spécial l'an dernier, mais qui pourrait ne pas suffire à couvrir les coûts d'organisation de la JDC en 2021, année évidemment marquée par de lourdes incertitudes.

L'impact en année pleine de la revalorisation de la prise en charge du coût de transport des appelés

Les coûts de transport des jeunes, qui, avec le poste alimentation, regroupent plus des trois quarts des coûts de la JDC imputés au programme, étaient appelés à augmenter en lien avec la revalorisation du barème d'indemnisation de ce transport à partir du 1 er septembre 2020.

L'indemnité correspondante, fixée à huit euros depuis 1998, est à juste titre apparue trop faible pour couvrir les frais réels engagés par une part importante des familles. La revalorisation est effectuée sur la base de la prise en compte de deux zones tarifaires autour de chaque site JDC (zone 1 inférieure ou égale à 20 km : 10 euros ; zone 2 supérieure à 20 km : 20 euros). Le coût de cette mesure avait été évalué à 950 000 euros en 2020, le ministère estimant qu'elle coûterait 2,2 millions d'euros en année pleine. Finalement, du fait des besoins de rattrapage accusés en 2020 du fait de la catastrophe sanitaire en cours, les crédits nécessaires pour 2021 sont estimés à 2,7 millions d'euros.

Le rapporteur spécial avait approuvé cette mesure qui devrait permettre de rapprocher l'indemnité de transport des conditions réelles subies par les jeunes. Toutefois, il lui apparaît possible de mieux réaliser ce rapprochement, l'indemnité pouvant paraître largement calculée dans certaines zones, urbaines notamment, et encore assez loin des coûts réellement engagés dans des zones moins bien desservies.

Observation : le rapprochement des conditions d'indemnisation des coûts de transports des participants à la JDC est bienvenu.

Recommandation : progresser vers une meilleure adéquation entre l'indemnité versée et les coûts réellement engagés par les participants, notamment dans les zones mal desservies.

Cette journée voit sa mise en oeuvre assurée par la direction du service national (DSN), devenue depuis l'adoption du décret n° 2017-818 « direction du service national et de la jeunesse » dont les effectifs sont portés par la mission « Défense ».

Bénéficiant d'une enquête réalisée à sa demande par la Cour des comptes, le rapporteur spécial avait établi un rapport sur la JDC au cours de l'année 2016 4 ( * ) , pour lequel il avait assuré le suivi d'une journée entière.

Ses principales conclusions sont récapitulées dans l'encadré ci-dessous :

Principales conclusions du rapport d'information sur la JDC

Les coûts de la journée défense et citoyenneté sont globalement maîtrisés, mais l'évaluation des coûts complets et l'information apportée au Parlement doivent être améliorées.

La journée défense et citoyenneté doit s'appuyer sur les acquis du parcours scolaire obligatoire des jeunes Français pour se recentrer sur l'esprit de défense .

La journée défense et citoyenneté doit véritablement réunir tous les jeunes Français.

La détection des jeunes en difficulté de lecture et des décrocheurs ne doit pas se limiter à alimenter un outil statistique mais permettre la mise en place d'un suivi personnalisé.

Ces recommandations qui visaient à donner encore plus d'efficacité à un rendez-vous majeur pour la Nation sont loin d'avoir reçu tous les prolongements nécessaires.

En outre, son articulation avec la mise en oeuvre d'un service national universel obligatoire demeure incertaine.

a) La situation sanitaire affecte le déroulement de la JDC, mais avec un retard notable

Les annulations de JDC ont commencé début mars dans le Nord-Est du territoire à la suite de la détection d'un « cluster » sur la base aérienne de Creil (Oise), lieu d'hébergement d'un site JDC et d'un centre du service national dont le personnel organise et encadre l'ensemble des JDC pour la Picardie.

Le rapporteur spécial relève, et déplore fortement, la tardiveté de la réaction des responsables de l'organisation de la JDC dans la mesure où selon toute apparence des contaminations auraient pu être constatées beaucoup plus tôt sur la base de Creil. En toute hypothèse, un réflexe de précaution ne s'est pas déclenché assez tôt 5 ( * ) .

L'aggravation de la situation sanitaire a ensuite conduit à la fermeture successive de plusieurs sites JDC jusqu'à l'annonce du confinement national mi-mars.

Alors que les lycées ont rouvert avant les congés d'été, la JDC a été suspendue jusqu'au 30 août 2020, à l'exception de la Polynésie française et de la Nouvelle Calédonie qui ont pu accueillir 1 528 jeunes entre mai et juillet 2020.

L'impact de la crise sanitaire sur JDC se traduit par un défaut de convocation de 336 000 jeunes français (voir infra ).

L'impact sanitaire (le nombre des contaminations survenues au cours de la JDC) n'a pas été communiqué au rapporteur spécial, qui le regrette.

La reprise effective de la JDC a commencé le 31 août, avec une série d'adaptations visant à respecter des prescriptions sanitaires. Par ailleurs, le ministère des armées a adapté la durée et le contenu de la JDC : réduite à 3 heures 30 au lieu de 8 heures (déjeuner inclus), la session a été concentrée sur les modules défense (présentation de l'appareil de défense et des formes d'engagement). Le rapporteur spécial considère qu'il s'agit d'une saine priorisation...

Les volets portant sur la citoyenneté (informations diverses, don du sang, sécurité routière...) sont mis à disposition des jeunes sur le site majdc.fr.

Le format allégé de la JDC adaptée a permis de doubler les sessions JDC sur un même site (une première le matin, une seconde l'après-midi) si bien que, malgré un taux d'occupation des salles sensiblement réduit, une partie, jugée significative, du déficit de mise en oeuvre de la journée pourrait être comblée dès 2020, sous réserve d'éventuels nouveaux confinements.

Au titre des semaines 36 à 39 (septembre), ce sont d'ores et déjà 108 000 jeunes qui sont convoqués en JDC, soit une hausse de 30 % par rapport à la même période en 2019.

Ce cadencement exceptionnel, et dont la pertinence reste tout à fait discutable au vu des progrès des contaminations, qui demande un investissement important des agents, devrait perdurer jusqu'au mois de mai 2021, avec la résorption totale du retard, si la situation sanitaire nationale demeure stable, ce que ne souhaite pas le rapporteur spécial, qui évidemment appelle de ses voeux une issue favorable de la catastrophe en cours.

b) Les coûts réels de la JDC sont désormais mieux identifiés mais en dehors des documents budgétaires annexés au projet de loi de finances

Les coûts de la JDC pris en charge par le programme 167 sont loin de recouvrir les coûts complets qu'elle occasionne pour l'État.

En 2021, moyennant une augmentation significative des dotations nécessaires (+ 14,3 %), le programme 167 consacrerait 18,3 millions d'euros à la JDC.

Ces crédits ne représentent que 16,7 % des dépenses engagées par le seul État à ce titre, qui s'élèvent à 109,8 millions d'euros (prévision pour 2021).

À la suite du rapport précité, une comptabilité analytique des coûts de la JDC a été mise en oeuvre en 2018 sur une base rénovée. Elle demeure inachevée.

Il est regrettable que cet effort louable qui n'empêche pas quelques approximations (voir infra ) ne trouve pas de traduction dans l'information budgétaire du fait de l'élimination dans celle-ci des exposés concernant les coûts complets des missions. Les coûts de la JDC devraient s'alourdir malgré une baisse du nombre des jeunes concernés

Évolution des coûts complets de la JDC entre 2010 et 2021

En M€

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020 (LFI)

2021 (PLF)

Alimentation

4,4

5,4

5,2

6,2

6,2

6,4

5,8

5,9

5,4

7,2

6,5

4,4

Transport des jeunes

4,4

4,5

4,2

4,8

4,8

5,6

4,7

5,1

5,5

5,4

6,2

10,2

Formation secourisme + sécurité routière

6,2

6,7

6,2

4,8

4,4

4,6

0,1

0

0

0

0

0

Fonctionnement des sites (location de locaux civils)

0,2

0,3

0,2

0,2

0,3

0,3

0,3

0,3

0,2

0,4

0,3

0,5

Autres charges

8,1

3,7

2,9

2,1

3

2

3

2,3

2,4

2,8

2,8

3,2

Total dépenses réalisées sur le BOP P 167 « Lien Armée-Jeunesse »

23,3

20,6

18,7

18,1

18,7

18,9

13,9

13,6

13,5

15,8

15,9

18,3

T2 : Masse salariale (programme 212) et CAS Pension*

90,3

88,2

93

86,7

83,9

84,2

83,7

86

83,8

85,4

85,3

85,3

T3 : Autres charges de fonctionnement (programme 178)

0

4

0

4

4

4

4

4

3,9

3,9

3,9

3,9

T5 : Infrastructures et SIAG (programme 212)

2,5

5,1

5,1

5,1

5,1

4,1

3,1

3

3,4

2,6

2,3

2,3

Total dépenses estimées hors BOP « Lien Armée-Jeunesse »

92,8

97,3

98,1

95,8

93

92,3

90,8

93

91,1

91,9

91,5

91,4

Total dépenses JDC en M€

116,1

117,9

116,8

113,9

111,7

111,2

104,7

106,6

104,6

107,7

107,4

109,8

Nombre de jeunes présents

725 347

752 059

748 593

763 842

783 266

795 293

774 785

786 515

770 245

793 534

766 382

785 815

Coût complet par jeune en € (Total dépenses JDC/nombre de jeunes présents)

160,00 €

156,60 €

155,90 €

149,10 €

142,61 €

139,82 €

135,13 €

135,53 €

135,80 €

135,72 €

140,19 €

139,68 €

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les ressources mobilisées en dehors du programme s'élèveraient donc à 91,4 millions d'euros, en provenance de la mission « Défense ».

Cette estimation est incomplète compte tenu des besoins d'amélioration de la comptabilité analytique, processus toujours en cours.

Sur plus longue période, la JDC a pu être organisée en réduisant ses coûts globaux (- 10,5 millions de date à date entre 2011 et 2019, soit - 9 %) ainsi que, plus encore, le coût par participant (- 10,5 %).

Toutefois, appréciée à partir de 2016, l'inflexion des coûts, qui semble avoir été obtenue grâce à la suppression d'un module de secourisme, relativement coûteux, mais certainement utile, s'est interrompue. Depuis, le coût moyen par participant a repris une légère tendance haussière.

Le projet de loi de finances pour 2020 illustrait ces besoins croissants tout en ne les traduisant pas complètement encore. Le projet de budget pour 2021 les traduit plus complètement.

Ils concernent en premier lieu les personnels mobilisés par la JDC.

Le ministère les explique par l'élargissement des missions de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) dans le cadre de la JDC.

Effectifs de la DSNJ participant à l'organisation de la JDC

ANNÉE

Effectifs réalisés (ETP) et prévisionnels pour 2020 et post 2020*

T Total
PM
PC

MILITAIRES (PM)

CIVILS (PC)

OFF

S/OFF

MDR

Total

Militaires

A

B

C

OE

APR

Total
civils

2014

67

171

51

289

62

206

704

48

-

1 020

1 309

2015

65

174

53

292

60

205

693

46

-

1 004

1 296

2016

61

173

48

282

62

200

675

50

-

987

1 269

2017

58

166

46

270

65

186

631

52

-

934

1 204

2018

59

157

48

264

74

194

620

51

-

939

1 203

2019(1)

57

164

45

266

73

199

611

41

-

924

1 190

2020(2)

56

166

51

273

72

201

622

40

-

935

1 208

2021(3)

56

175

54

285

76

243

567

41

-

927

1 212

2022(4)

56

175

54

285

76

257

553

41

-

927

1 212

2023

56

175

54

285

76

271

539

41

-

927

1 212

2024

56

175

54

285

76

274

536

41

-

927

1 212

2025

56

175

54

285

76

274

536

41

-

927

1 212

(1) Pour 2019, il s'agit des effectifs constatés au 31 décembre 2019 issus des éléments de la BDRH;

(2) Pour 2020, il s'agit des effectifs prévisionnels au 31 décembre 2020 arrêtés au 30 juin 2020 issus des éléments de la BDRH ;

(3) Pour 2021, la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) s'appuie sur la notification du cadrage des effectifs en organisation pour l'élaboration du REO A+1 (2021) ;

(4) A partir 2022, la DSNJ s'appuie sur la notification du cadrage complémentaire de la maquette A+6 2026 « trajectoire des effectifs 2021-2026 ».

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les informations fournies au rapporteur spécial récapitulées dans le tableau ci-dessus confirment une augmentation des personnels contribuant à la JDC de 18 ETP entre 2019 et 2020, qui serait pérennisé en 2021.

Cette plus forte sollicitation ne paraît justifiée par aucun événement particulier. Le rapporteur spécial relève que la plupart des personnels mobilisés par la JDC sont des civils dans une proportion de près de 75 %.

L'augmentation des coûts de la JDC n'est pas fondée sur l'élargissement de la population concernée, qui tend, au contraire, à se réduire.

Évolution du nombre des jeunes convoqués
à la Journée défense et citoyenneté (2015-2021)

Nombre de jeunes prévus en JDC

par classe d'âge

Nombre de jeunes

présents (A)

Nombre de jeunes

Présents/prévision actualisée

(A)/(B) (en %)

Prévision

PAP

Prévision

de gestion (B)

2015

790 000

790 000

795 293

101

2016

760 000

782 000

774 785

99

2017

807 000

780 000

786 515

101

2018

804 000

775 000

770 245

99

2019

792 745

777 665

793 534

102

2020

766 382

585 515

- -

-

2021

960 815 (1)

sans objet

-

-

(1) La prévision d'effectif 2021 antérieure à la crise sanitaire était de 785 815 jeunes. Consécutivement à la suspension des sessions JDC sur 2020, la prévision 2021 est majorée du report de 175 000 jeunes dont la tenue de la JDC serait reportée de 2020 à 2021, soit un total de 960 815 jeunes.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

En dehors des effets délétères de la catastrophe sanitaire en cours, on peut relever une baisse substantielle des effectifs convoqués est considérable (- 21 000 en 2020 par rapport à 2017).

La réduction des effectifs convoqués contribue, même si in fine elle apparaît, sous cet angle, tributaire de la fréquentation effective de la JDC, à ce que la cible de coût par participant s'élève dans le dispositif de performances du programme, dont elle constitue l'un des deux indicateurs, ce qu'il faut regretter.

Il convient, du reste, de rappeler, outre les incertitudes relevées sur le nombre exact des effectifs de la DSNJ participant à la JDC (voir supra ), le maintien d'une incertitude sur les évaluations des coûts du soutien assuré par certaines composantes du ministère de la Défense.

Sur ce point, l'on peut rappeler que les conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances au titre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) déjà mentionnée paraissaient établir que, du fait de ces imprécisions, le coût moyen par participant, de 150 euros en 2015, semblait largement supérieur à celui mentionné dans les documents budgétaires.

Le ministère convient qu'existent encore des incertitudes.

c) La JDC doit être mieux suivie

À l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2016, le rapporteur spécial avait pu relever un problème lié à l'assiduité des jeunes appelés au rendez-vous de la JDC.

Il semble qu'un certain rattrapage soit intervenu. Cependant, les données communiquées au rapporteur spécial posent des problèmes de significativité pour certaines.

Les résultats annuels sont exprimés en confrontant les prévisions de fréquentation des projets annuels de performances avec la fréquentation effective.

Mais, les prévisions des documents budgétaires paraissent ajustées d'emblée pour tenir compte d'un certain niveau de défaut. Par ailleurs, des difficultés liées à la mauvaise qualité du recensement, mais aussi à l'efficacité des renouvellements de convocation paraissent affecter le diagnostic accessible.

En toute hypothèse, si les résultats établis à partir d'un indicateur de respect des obligations de JDC par génération, ne sont pas « catastrophiques », ils montrent que la JDC est éludée régulièrement par un peu plus de 3 % des jeunes (la quasi-constance du taux de manquement définitif ayant de quoi étonner), soit plus de 20 000 jeunes par génération.

Proportion de jeunes en règle avec la JDC
par classe d'âge*

Année de naissance

Classe d'âge (données INSEE-Nb naissances France et OM) pour information

Taux de la classe d'âge
en règle avec la JDC
(en %)

1991

799 983

96,70

1992

784 469

96,60

1993

750 942

96,90

1994

750 150

96,96

1995

768 204

96,94

1996

773 277

96,23

1997

766 581

95,96

1998

776 826

95,01

1999

784 947

95,13

2000

816 903

94,68

2001

812 429

92,15

2002

801 697

78,10

2003

801 642

15,78

*Par année de naissance : jeunes ayant effectué leur JDC, exemptés et décédés.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Dans ce contexte, il est conduit à plaider pour que, les efforts accomplis, le taux d'assiduité à la JDC soit activement redressé.

À cet égard, il n'est pas satisfaisant de relever que les jeunes s'étant soustraits à leur obligation du fait du non-accomplissement de leur devoir de recensement puissent, du fait de la réglementation, une fois atteint l'âge de 25 ans, échapper aux suites prévues pour non accomplissement de la JDC.

d) La JDC doit être davantage orientée vers la culture de la défense et l'illustration de la citoyenneté

Le format de la JDC se trouve naturellement au coeur d'interrogations renforcées par le contexte de très fortes tensions que connaît la société française ainsi que par les interrogations récurrentes sur l'identité nationale.

Dans sa courte histoire, le contenu de la JDC a certes évolué constamment mais ces changements n'ont pas pu éteindre la réflexion sur des transformations plus profondes.

La diversité des thématiques abordées en un temps très bref et sur des sujets relevant de plus en plus du « sociétal » conduit à s'interroger sur l'identité de la JDC.

Elle ne paraît pas tout à fait cohérente avec les intentions affichées par le ministère. Celui-ci indique que « la démarche de modernisation de la JDC est devenue une nécessité, compte tenu de l'évolution récente des modes de consommation de l'information et des usages des jeunes. Elle vise essentiellement à la simplification et à la réduction du nombre de messages... ».

Le rapporteur a relevé que, parmi les intentions du ministère figurait celle de rendre la JDC « plus visuelle et (qu'elle) captera ainsi plus facilement l'attention des appelés avec des messages plus clairs et plus percutants ».

Il est précisé qu' « une assistance externe est prévue pour bâtir l'économie générale du besoin et le cahier des charges associé. Les travaux devraient débuter en octobre prochain et nourrir la réflexion relative au volet « lien armées-nation » du service national universel ».

Le rapporteur spécial estime qu'à l'heure où une tentative de restauration des conditions d'un enseignement satisfaisant est poursuivie, il serait judicieux de poursuivre l'ambition d'une transmission des fondamentaux de la Défense.

À cet égard, il n'est guère satisfaisant de paraître céder à l'air du temps, en suivant une démarche impliquant « le recours à des instruments numériques, la réduction et la simplification des messages ainsi que la diversification des postures pédagogiques » .

Par ailleurs, il conviendra de s'interroger sur les coûts supposés par un recours aux outils numériques dans un projet qui, d'ores et déjà, entraînera des charges supplémentaires sans doute très conséquentes.

Un projet de JDC dématérialisée serait actuellement à l'étude, à la fois pour les ressortissants français à l'étranger, compte tenu du désengagement du ministère des affaires étrangères (en charge de l'organisation de la journée), pour tous ceux qui aujourd'hui en sont exemptés, mais aussi pour faire face à une nouvelle situation exceptionnelle contraignant le ministère à en suspendre l'exécution.

Le rapporteur spécial réserve son appréciation sur un projet susceptible d'éloigner encore un peu les jeunes citoyens de leurs Armées et qui peut également poser de sérieux problèmes financiers et d'ingénierie.

Il observe qu'apparemment le contenu de la JDC n'a pas évolué pour tenir compte de la catastrophe sanitaire en cours, et il le regrette.

Enfin, les conditions de l'articulation de la JDC avec le service national universel obligatoire méritent d'être clarifiées. Apparemment, la JDC deviendrait un module intégré à ce projet. Il semble peu vraisemblable et peu souhaitable que cette intégration laisse la JDC inchangée.

Compte tenu d'un coût par jeune de 1 500 euros, le service national universel pourrait supposer près de 1,5 milliard d'euros de coûts.

Son impact sur la mission demeure inconnu.

e) Les informations réunies lors de la JDC sur les jeunes en difficulté doivent être mieux traduites en actes contre le « décrochage »

La direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) contribue au service public de l'orientation dans le cadre législatif créé par la loi de 2009 relative à la formation professionnelle et à l'orientation tout au long de la vie et par celle de 2010 sur le service civique.

Elle est associée depuis la fin de l'année 2009 aux travaux initiés par le Haut-commissariat à la jeunesse et aux solidarités actives avec, notamment, le ministère de l'éducation nationale et le conseil national des missions locales, qui visent à mettre en place un repérage des jeunes en situation de décrochage scolaire. Ce dispositif doit aboutir à une formation, un accompagnement ou un accès à l'emploi.

Au cours de la journée de défense et de citoyenneté, les jeunes en difficulté sont identifiés. Un entretien leur est proposé au cours duquel des solutions leur sont présentées. Par ailleurs, un circuit d'échange d'informations existe avec des organismes susceptibles de venir en aide à ces jeunes.

La DSNJ intervient ainsi en aval du dispositif de repérage des « décrochés scolaires » en informant les appelés identifiés lors de la JDC, afin de contribuer à ce que « tout jeune de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi soit effectivement inscrit dans un parcours de formation, d'accompagnement ou d'exercice d'une activité d'intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active ».

Le dispositif tel qu'il fonctionne actuellement n'est pas à la mesure des enjeux. On rappelle que de 100 000 à 150 000 jeunes sont réputés « sortir » du système scolaire sans la sanction d'un titre de formation.

Les résultats des tests effectués en 2017 étaient très inquiétants.

Sur 786 515 tests effectués en 2017

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Rien n'indique qu'une amélioration soit intervenue depuis.

En 2019, les informations relatives à 34 405 jeunes (dont 3 979 outre-mer) repérés en situation de décrochage scolaire ont ainsi été transmises aux coordonnateurs locaux.

C'est fort peu compte tenu du nombre de jeunes frappés par une issue défavorable de leur parcours scolaire tandis qu'il faut encore tenir compte de ce que les suites données par les structures d'insertion demeurent fort incertaines.

Certes, les jeunes décrocheurs sont systématiquement signalés aux plateformes de décrochage. Ils peuvent également, dans la mesure où ils sont volontaires, voir leurs coordonnées transmises à l'Établissement Public d'Insertion dans l'emploi (EPIDE), au service militaire adapté - SMA- (dispositif outre-mer) et, depuis fin 2015, au service militaire volontaire- SMV- (dispositif métropole).

Au demeurant, l'intérêt manifesté pour ces formes de réinsertion n'est pas négligeable.

En 2019, 3 432 jeunes se sont déclarés intéressés par le SMV, 2 798 par le SMA et 5 756 par un EPIDE. Pour le SMA, relevant du ministère de l'outre-mer, un protocole d'accord a été signé le 19 septembre 2017.

Ces données peuvent être comparées à celles réunies en 2018, année pendant laquelle 2 901 jeunes s'étaient déclarés intéressés par le SMV, 2 415 par le SMA et 5 771 par l'EPIDE. Les ordres de grandeur restent les mêmes, ce qui n'est pas loin de suggérer une forme d'automaticité des réponses peut-être suscitée par le format de l'entretien individuel qui, pour ces jeunes, conclut la journée.

Toutefois, outre que ces manifestations d'intérêt ne sont pas à la mesure du problème du décrochage, les structures destinataires paraissent éprouver des difficultés considérables pour assurer la prise en charge de ces jeunes. À titre d'exemple, on relèvera que, si 2 901 jeunes se déclarent intéressés par le service militaire volontaire, seuls 1 000 jeunes peuvent en bénéficier chaque année.

Le rapporteur spécial souhaite que la JDC soit l'occasion de mesures plus actives destinées à prévenir et réparer le décrochage, ce qui suppose un renforcement des liens avec les organismes susceptibles d'offrir une seconde chance scolaire ou, plus globalement, un accompagnement à des jeunes dont la détection ne doit être qu'un pas dans un parcours réellement requalifiant.

4. La politique de mémoire, une augmentation significative des crédits (+ 60,3 %) à vocation principalement patrimoniale, sans suffisante dynamique pour le travail de mémoire

La définition et la conduite de la politique de mémoire sont assurées par les services de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), le ministère des Armées se revendiquant comme le premier acteur de la politique mémorielle en France, ce qui semble quelque peu audacieux.

Quoiqu'il en soit, la politique mémorielle est organisée autour de trois pôles consacrés :

- à la programmation et à l'organisation de manifestations mémorielles, ainsi qu'au soutien du monde combattant ;

- à la protection et à la mise en valeur du patrimoine mémoriel de l'État, ainsi qu'au développement du tourisme de mémoire ;

- à la valorisation de l'activité commémorative et du patrimoine mémoriel auprès de tous les publics, ainsi qu'au soutien de la mission d'enseignement de défense auprès de la communauté éducative.

Le spectre est à la fois large (l'enseignement de la défense auprès de la communauté éducative débordant quelque peu le champ mémoriel) et, en même temps, logiquement limité à la mémoire des Armées et des conflits.

Outre les onze journées ou cérémonies nationales annuelles prévues par des textes législatifs ou réglementaires, le ministère propose les manifestations relatives aux grands événements liés à la mémoire combattante et organise les commémorations exceptionnelles, nationales ou internationales, inscrites au calendrier validé par « les plus hautes autorités de l'État », notamment à l'occasion des anniversaires quinquennaux ou décennaux des conflits contemporains.

La direction s'appuie sur l'Office national des Anciens Combattants et des Victimes de guerre (ONAC- VG) auquel elle délègue notamment l'importante mission d'assurer l'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale, ce dernier schéma faisant l'objet en 2021 d'une forme de réorganisation (voir infra ).

L'action « mémoire » correspond à deux « opérations stratégiques » (OS) : l'OS « Mémoire » et l'OS « Sépultures de guerre et lieux de mémoire », chacune d'entre elles étant déclinée en plusieurs chapitres.

Après une ouverture de 11 millions d'euros dans la loi de finances pour 2020, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une enveloppe de l'ordre de 17,6 millions d'euros, donc en nette augmentation.

En réalité, la variation est encore un peu plus importante puisque 2,5 millions d'euros sont sortis du champ du programme 167 pour être inclus dans la subvention pour charges de service public de l'ONAC VG portée par le programme 169.

Dans ces conditions, les crédits de l'action augmentent concrètement, à périmètre constant, de plus de 80 % (+ 9,1 millions d'euros).

Les financements budgétés sont regroupés en deux « opérations stratégiques » (OS) : l'OS « Mémoire » qui est dotée de 6,9 millions d'euros (contre 5,9 millions d'euros en 2020) ; l'OS « Sépultures de guerre et lieux de mémoire » bénéficiant de 10,7 soit une augmentation, apparente, de 5,7 millions d'euros , et, réelle, de 8,2 millions d'euros .

Les données financières relatives à cette « opération stratégique » sont cependant opacifiées par des arbitrages qui, non seulement, modifient les périmètres des programmes de la mission, mais encore, impliquent des transvasements entre crédits budgétés et trésorerie de l'ONAC VG.

Ainsi, l'an dernier, le ministère avait-il pu relativiser la forte réduction des dotations budgétées à ce titre en faisant état de la perspective d'un prélèvement sur la trésorerie de l'ONAC-VG de 4,4 millions d'euros consacré à financer l'entretien des sépultures et, plus largement, du patrimoine mémoriel de l'État.

La sollicitation de la trésorerie de l'ONAC VG à cet effet avait suscité certaines interrogations sur son opportunité.

Pour 2021, aucun nouveau prélèvement sur la trésorerie de l'ONAC VG ne paraît programmé pour financer les opérations relatives aux sépultures de guerre. Dans ces conditions, les moyens effectivement disponibles s'ils seront bien en augmentation, ne croîtront que de l'ordre de 3,8 millions d'euros.

L'inclusion des 2,5 millions d'euros autrefois fléchés vers les actions de rénovation des sépultures à partir du programme 167 dans la subvention pour charges de service public de l'ONAC VG versée à partir du programme 169 peut faire craindre un emploi de ces fonds étranger à leur objectif, diversion sur laquelle il faudra exercer une forte vigilance.

Celle-ci sera d'autant plus nécessaire que la programmation des interventions des enveloppes correspondantes fait apparaître la disproportion entre les moyens ouverts et les plans de charge identifiés.

Programmation de crédits de l'OS « sépultures de guerre
et lieux de mémoire » pour 2021

Source : projet annuel de performances 2021

Les ratios rapportant les crédits prévus au nombre de sépultures prises en charge, pour être inégalement significatifs, atteignent des niveaux d'une faiblesse préoccupante.

L'OS distingue les opérations conduites par l'État lui-même (1,6 million d'euros) et celles réalisées par le truchement de l'ONAC-VG (9,1 millions d'euros).

Pour les premières, les dotations seraient stabilisées au niveau de 2020, lui-même marqué par une baisse consécutive à l'achèvement du laborieux projet d'érection d'un monument aux soldats morts pour la France lors des OPEX.

Son coût avait été estimé à 1,2 million d'euros, (dont 0,5 million d'euros pour l'acquisition de l'oeuvre elle-même) ; il aura été finalement de 1,5 million d'euros.

Coûts complets du monument d'hommage aux soldats
morts pour la France lors des OPEX

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Cet écart semble ainsi être attribuable aux travaux réalisés dans le jardin, le marché de travaux confié à l'entreprise Segex (devenue depuis Terideal) ayant atteint près de 1 million d'euros, soit un montant qu'il n'est pas interdit de considérer comme particulièrement élevé.

Pour le reste, le travail de rénovation et d'entretien des lieux de mémoire et des sépultures et ossuaires se poursuivrait.

Établie par la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives, la programmation pluriannuelle de rénovation des sépultures de guerre pour les années 2011 à 2018 fixe la liste des cimetières nationaux et des carrés militaires à rénover et le calendrier des travaux à conduire. Elle concerne au total près de 100 000 tombes et 66 ossuaires.

La programmation pluriannuelle de ces opérations a fait l'objet, en exécution, d'une très regrettable lenteur, comme l'illustre le tableau ci-après.

Bilan de la programmation pluriannuelle de la rénovation
des sépultures de guerre en millions d'euros

Année de programmation

Nombre de sites inscrits dans la program-
mation initiale 2011-2018

Nombre de sites ajoutés dans les program-
mes annuels (1)

Total sites inscrits dans le program-
me annuel

Nombre de restaura-
tions lancées (2)

Nombre de restaura
tions de sites terminées

Nombre de tombes restaurées

Nombre d'ossuaires restaurés

2011

6

0

6

7

4

1 391

2

2012

7

0

7

4

1

0

0

2013

11

1

12

7

5

3 470

2

2014

7

5

12

6

8

20 393

6

2015

5

3

8

4

4

1 806

2

2016

6

15

21

19

9

6 123

3

2017

8

8

16

11

11

18 852

8

2018

6

8

14

16

14

27 803

14

TOTAL

56

40

96

74

56

79 838

37

(1) en concertation entre les services de l'ONAC-VG et la DPMA.

(2) les différences entre les colonnes s'expliquent par le lancement en N+1 d'opérations programmées les années antérieures (délai de préparation des marchés notamment).

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les cibles initiales n'ont pas été atteintes, le nombre des tombes restaurées accusant un déficit de plus de 20 000 (soit 20 % de l'objectif) et seuls 56 des 96 sites concernés ayant connu une restauration achevée.

Bilan de l'exécution de la programmation financière
du programme de rénovation des sépultures

(en millions d'euros)

Année

Crédits prévus par le programme pluriannuel

Crédits délégués par la DPMA à l'ONAC-VG

Crédits consommés par l'ONAC-VG

2010

3,02

0,00

Programmation 2011-2018

2011

2,46

2,42

1,01

2012

3,15

4,96

3,35

2013

4,27

3,61

1,26

2014

5,22

0,6

3,20

2015

5,35

5,81

3,04

2016

5,92

5,86

5,33

2017

3,83

5,05

4,10

2018

5,58

4,45

5,98

Total 2011-2018

35,78

32,76

27,27

2019

0,82

0,82

0,37

2020

2,68

0

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les difficultés rencontrées, outre des problèmes de compétence de maîtrise d'ouvrage au sein de l'ONAC VG, paraissent devoir être également rangées du côté du sous-financement de la programmation et du coût très élevé des opérations réalisées sous le contrôle de la direction nationale de l'architecture.

Une nouvelle programmation pour les années 2020 à 2025 a été finalisée. Son détail n'a pas été communiqué au rapporteur spécial mais elle semble être inscrite dans la continuité de sa devancière tout en prenant en compte les nouvelles exigences environnementales (mise en oeuvre de la charte paysagère des nécropoles, arrêt de l'utilisation de produits phytosanitaires). L'effort porterait prioritairement sur les sites les plus dégradés et sur ceux qui concernent les deux cycles mémoriels qui seront commémorés au cours de la période 2020-2025, les 150 ans de la guerre franco-prussienne de 1870 et les 80 ans de la Seconde Guerre mondiale. L'accent est aussi mis sur la rénovation des quelques 2 200 carrés militaires.

En l'absence de précisions sur les enjeux du nouveau cycle, il est difficile de se prononcer sur le calibrage des dotations prévues en 2021 mais il faut souhaiter que les problèmes rencontrés lors de la mise en oeuvre de la programmation précédente soient dépassés.

Le rapporteur spécial tient ici à saluer la contribution des bénévoles de toutes provenances, qui apportent un concours précieux et particulièrement estimable à la nécessaire conservation de ces hauts lieux de mémoire.

Au demeurant, c'est plus généralement que le rapporteur spécial entend très solennellement rappeler que, sans l'implication forte des bénévoles des associations et de leurs porte-drapeaux, qu'il faut honorer, les actions mémorielles qu'entend conduire notre pays seraient autrement plus difficiles à mettre en oeuvre tandis que leur prolongement dans l'espace culturel de la Nation manquerait de l'influx que ces bénévoles lui confèrent.

Cet engagement mérite une pleine reconnaissance et, peut-être, une plus forte organisation pour que l'engagement de ces femmes et hommes demeure vivifiant pour chacun.

Le rapporteur spécial souhaite également que soient mieux favorisés les projets par lesquels les collectivités territoriales s'attachent à mettre en valeur ces deux composantes majeures du patrimoine que sont la mémoire et l'histoire combattante.

Les crédits prévus (0,8 million d'euros contre 0,9 million d'euros l'an dernier) ne semblent pas correspondre à ce que pourrait être une politique ambitieuse d'inscription de ce patrimoine dans nos territoires.

Enfin, il paraît nécessaire de progresser sur la question de la sécurisation des hauts lieux de mémoire et des sépultures. Les conditions de gardiennage sont assez hétéroclites et la préservation des sites ouverts, en particulier, le site OPEX et le mémorial des guerres d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, doit être garantie, dans une période marquée par une sorte de furie iconoclaste.

En ce qui concerne l'OS « mémoire », dont les crédits de paiement augmenteraient de l'ordre de 900 000 euros, les dotations prévues au titre des commémorations et des publications et actions pédagogiques seraient inchangées, le supplément de moyens étant consacré à augmenter les moyens de soutien à divers projets mémoriels, « de toute nature ».

L'effort programmé apparaît faible et la légère augmentation des crédits n'a pour vocation que de combler le déficit de financement résultant de la liquidation du groupement d'intérêt public (GIP) constitué dans le cadre du cycle commémoratif du centenaire de la Première Guerre mondiale. Le GIP créé au mois d'avril 2012 par l'État était constitué par seize membres fondateurs, parmi lesquels sept ministères 6 ( * ) , six établissements publics 7 ( * ) , deux associations nationales 8 ( * ) et une mutuelle d'épargne privée, la CARAC.

De 2013 à 2017, il a accordé 5,1 millions d'euros de subventions pour soutenir 5 255 projets mémoriels, dont une bonne partie a été validée par les comités départementaux du centenaire (projets CDC à côté des projets du comité académique du centenaire- projets CAC).

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Le supplément de crédits demandé en 2021 paraît être de nature a priori à poursuivre un financement utile, qui ne devra pas négliger la dimension territoriale des projets mémoriels.

Il conviendra, cependant, de vérifier que les besoins suscités par la catastrophe sanitaire en cours (suspension des représentations mémorielles qui handicapent des projets théâtraux ou d'expositions, réduction des visites aux différents musées soutenus par le programme) seront satisfaits ce qui au vu de la programmation budgétaire n'est en rien assuré.

En toute hypothèse , préemptés par les besoins de l'organisation du défilé du 14 juillet (2,4 millions d'euros sont prévus), une organisation évidemment sous fort aléa (et dont l'édition 2020 à Paris a surtout été marquée par une mobilisation d'une exceptionnelle envergure au vu du format concret du défilé des forces de sécurité au point de créer des concentrations de population réellement déraisonnables en certains sites de la capitale) auparavant à la charge du ministère de l'éducation nationale, les crédits destinés à des commémorations nationales seraient réduits à la portion congrue de même que les subventions et transferts permettant de soutenir des projets mémoriels décentralisés.

Chronique du coût des cérémonies nationales

(en euros, estimations pour 2020)

Cérémonie

2017

2018

2019

2020

19 mars, journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

65 000

55 000

52 000

4 800

Dernier dimanche d'avril, journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation

10 000

13 000

14 000

1 125

8 mai, commémoration de la victoire de 1945

103 000

108 000

112 000

3 900

Deuxième dimanche de mai, fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme

0

0

0

0

27 mai, journée nationale de la Résistance

0

18 000

0

0

8 juin, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine

34

0

86 000

0

18 juin, journée nationale commémorative de l'appel du général de Gaulle le 18 juin 1940 à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi

21 400

43 000

54 000

13 000

Le 16 juillet (si c'est un dimanche) ou le dimanche qui suit le 16, journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France

185 000

99 000

86 000

72 610

25 septembre, journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives

12 000

36 000

46 000

46 000

11 novembre, commémoration de l'armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France

115 000

30 000 *

120 000

150 000

5 décembre, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France », aux rapatriés d'Afrique du Nord, aux personnes disparues, aux populations civiles victimes de massacres ou d'exactions et aux victimes civiles de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie

55 000

55 000

39 000

39 000

Cérémonie d'hommage à Jean Moulin célébrée traditionnellement le 17 juin

7 500

12 000

13 000

0

* cérémonie internationale du 11 novembre 2018 organisée principalement par le GIP Mission du centenaire.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Le coût des cérémonies nationales assumé par la mission (hors 14 juillet) a été successivement entre 2017 et 2019 de 576 934 euros, 469 000 euros et 622 000 euros.

Compte tenu de la pandémie en cours, les prévisions de coûts sont à ce stade de 327 000 euros, dont 235 000 euros sont encore à dépenser.

Les cérémonies nationales sont unitairement d'un coût qu'on peut considérer comme plutôt modeste, les deux anniversaires de la cessation des conflits mondiaux concentrant environ la moitié des coûts totaux.

On relève toutefois une tendance à une certaine augmentation et parfois des dépenses difficilement compréhensibles (statistiquement). Tel fut le cas de la cérémonie de commémoration des victimes des crimes racistes et antisémites de 2017 (avec un coût deux fois plus élevé qu'en régime ordinaire).

Mais il est difficile d'identifier les facteurs à l'oeuvre, certains enrichissements ponctuels de chaque cérémonie pouvant justifier des écarts, tandis que les données transmises ne semblent pas de nature à rendre compte de l'ensemble des coûts des cérémonies, des modifications dans la structure de financement par financeur pouvant perturber les comparaisons.

Le rapporteur spécial tend à considérer que les cérémonies nationales, dont certaines pourraient mériter un regroupement (ainsi, par exemple, des cérémonies en lien avec la guerre d'Algérie) ou des clarifications (la fête du patriotisme ne devrait-elle pas prendre rang au moment de la célébration du 14 juillet quitte à faire ressortir particulièrement la dimension du personnage de Jeanne d'Arc), devraient être revalorisées.

En l'état, elles ont le mérite d'être des temps de mémoire, mais elles sont affectées d'une cérémonialité quelque peu protocolaire qui pourrait être sublimée dans une mémoire demeurant respectueuse de la solennité du souvenir, mais plus vivante.

La France a réussi à organiser des journées du patrimoine ou des fêtes populaires autour de disciplines s'y prêtant plus ou moins, il convient que les cérémonies nationales qui scandent le roman national puissent parvenir au même lustre, sans, bien entendu galvauder ni la vérité historique, ni la commémoration des souffrances mais aussi des élans propres à l'histoire de chaque pays.

L'an dernier le rapporteur spécial s'était interrogé  sur la programmation budgétaire dans le sens du financement d'une action spécifique de lutte contre la haine et les préjugés prévu pour 0,5 million d'euros 9 ( * ) . Cette action semble n'avoir pas tout à fait porté ses fruits et elle n'est plus mentionnée au titre des éléments de la programmation pour 2021.

Au-delà de cette dernière péripétie, il n'est pas satisfaisant que la politique de mémoire doive s'effacer par défaut de coïncidence chronologique avec des événements passés. Ces derniers ont trouvé un prolongement historique, qui justifie d'ailleurs assez largement, leur commémoration, de sorte que cette dernière doit pouvoir trouver des suites dans des initiatives tendant à restaurer un lien avec le temps long qui tend à se diluer dans des sociétés guettées par l'amnésie.

En bref, l'attention portée à la mémoire collective combattante, qui est l'affaire du ministère des Armées, mérite une attention plus soutenue.

B. L'EFFORT EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS PORTÉ PAR LE PROGRAMME 169 ENTRE ATONIE ET DÉBUDGÉTISATIONS

Les crédits de paiement du programme 169, qui regroupe la plus grande part des dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant (ayants droit et ayants cause), baissent de 4,5 % dans le projet de loi de finances pour 2020 (- 79,1 millions d'euros contre - 126,2 millions d'euros, l'an dernier).

Évolution des crédits du programme 169
entre 2020 et 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet annuel de performances pour 2021

La diminution en autorisations d'engagement est un peu moins forte (- 4,1 %, mais après une baisse de plus de 7 % l'an dernier), du fait d'une augmentation des autorisations d'engagement prévues au bénéfice de l'Office national des Anciens Combattants et Victimes de guerre (ONAC-VG) et l'Institution nationale des Invalides (INI) après le fort repli observé l'an dernier.

On rappelle qu'en 2019, la diminution des crédits de ce programme avait été la plus marquée observée depuis 2015.

Pour être plus contenue cette année, elle n'en demeure pas moins nette, ce qui correspond largement à une tendance naturelle à la contraction de la population bénéficiaire des allocations de reconnaissance et à une déformation de la structure des allocataires, qui est composée de plus en plus par des pensions dérivées.

Néanmoins, sous l'effet d'une dynamique, toutefois très relative, du point de pension militaire d'invalidité (PMI) qui sert d'étalon aux principales allocations servies aux anciens combattants, le programme 169 tout en poursuivant sa tendance naturelle à la décrue, qui en fait un contributeur régulier à la réduction des dépenses publiques, perd un peu moins de crédits que ces dernières années, tout en devant rattraper, sur certaines lignes de crédits, le retard accumulé ces dernières années.

Évolution des crédits de paiement d'intervention du programme 169
par type de prestation (2020-2021)

(en millions d'euros)

Dispositif

PLF
2020

PLF 2021

Différence

PMI

911,7

850,9

- 60,8

Retraite du combattant

660,2

644,8

- 15,4

Soins médicaux gratuits, appareillage, expertises

45,4

40,5

- 4,9

Remboursement réductions de transport

1,8

1,3

- 0,5

Remboursement prestations sécurité sociale

73,8

75,4

+1,6

Majoration des rentes mutualistes

226,1

221,2

- 4,9

ONAC (action sociale)

26

25

- 1

Actions en faveur des rapatriés

18,6

24,8

+ 6,2

TOTAL

1 963,6

1 883,9

- 79,7

Source : commission des finances du sénat d'après le projet annuel de performances pour 2021

La réduction relative des crédits est dans la ligne de l'évolution global des dotations de la mission, mais cependant un peu plus forte (-4,8 %), pour les deux interventions regroupées au titre de l'administration de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraites du combattant), qui concentrent les trois quarts des crédits du programme, interventions qui avaient toutefois beaucoup plus baissé l'an dernier ( 6,1 %).

Cette évolution pèse à son tour sur les dépenses prévues du fait de l'exercice des droits liés à la perception d'une pension d'invalidité (soins médicaux, transports, remboursements des prestations de sécurité sociale) tout en se trouvant légèrement amortie (- 3,1 %) du fait de l'inertie relative des dépenses liées à ces derniers.

Les dotations prévues au titre de l'action sociale baissent à nouveau, de 3,8 %.

Après avoir connu un net recul l'an dernier, les crédits provisionnés pour payer les allocations de reconnaissance aux rapatriés sont marqués par une forte progression (+ 33 %).

Les crédits destinés à financer la majoration des rentes mutualistes, dont le classement sous la rubrique « solidarité » pourrait être discuté, reculent un peu moins que les allocations versées aux anciens combattants (- 2,2 %).

Enfin, les crédits provisionnés au programme 169 à destination des opérateurs de la mission ressortent en hausse (+0,9 %), mais pour des raisons essentiellement conventionnelles.

La réduction des dépenses programmées pour 2021 est largement le produit de deux variations : l'une porte sur la population des bénéficiaires, qui se replie plus fortement que les dotations provisionnées, l'autre est liée à l'évolution de la valeur du point de PMI, qui tout en étant mineure, est plus forte que l'an dernier et limite l'impact des évolutions démographiques. L'intervention d'une mesure nouvelle qui coûterait 1 million d'euros en 2021, ne joue qu'un très modeste rôle. L'extension en année pleine de mesures adoptées les années précédentes va quant à elle au soutien des dépenses du programme.

Une particularité liée à la « tuyauterie budgétaire » mérite attention

Le suivi des dépenses de PMI et de la retraite du combattant doit tenir compte de ce que la consommation des crédits inscrits à ce titre au programme 169 peut ne pas se traduire par des transferts équivalents au bénéfice des titulaires de droits en raison des modalités de la maquette budgétaire. Les dépenses sur crédits du programme 169 sont, en effet, versées en direction du compte d'affectation spéciale « Pensions » (en particulier du programme 743 de ce compte).

Elles en constituent les recettes, à partir desquelles sont effectués les versements effectifs aux bénéficiaires. Pour suivre la consommation des crédits correspondants du programme 169, il convient donc de mesurer les dépenses effectives du programme 743 qui correspondent aux recettes ainsi apportées à ce compte.

C'est ainsi qu'en 2019, s'agissant des PMI, pour des crédits inscrits en loi de finances initiale de 965,3 millions d'euros au titre du programme 169, les dépenses effectives réalisées à partir du compte d'affectation spéciale « Pensions » devraient s'élever à 990 millions d'euros (soit un excédent de 24,7 millions d'euros). Pour la retraite du combattant, un constat inversé tend à faire valoir que les crédits consommés à partir du programme 169 (708,5 millions d'euros) excéderont les dépenses effectives (697,3 millions d'euros) de 11,2 millions d'euros.

Pour 2021, les ressources du programme 743 du CAS « pensions » ayant été sollicitées ces dernières années, les écarts entre les dotations du programme 169 et celles du programme 743 sont nettement plus faibles. Nul pour les PMI, il s'élève à 800 000 euros pour la retraite du combattant (soit l'excédent des dépenses programmées dans le CAS « Pensions » par rapport aux dépenses provisionnées dans le programme 169 de la mission sous revue).

1. Des extensions de droits de portée limitée ces dernières années, un manque d'initiatives nouvelles réellement significatives en 2021, comme en 2020

Au cours des cinq dernières années, une série de mesures d'extension des droits en faveur des anciens combattants sont intervenues.

Les modifications apportées aux droits des anciens combattants (propres ou dérivés) n'ont eu qu'un assez faible impact sur leur situation.

Les données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur spécial ne permettent pas de l'évaluer avec une précision complète, mais elles suggèrent des ordres de grandeur permettant d'aboutir à cette conclusion.

Évolutions législatives intervenues entre 2015 et 2020 pour modifier
les droits des anciens combattants

Mesure

Références

Impact sur le nombre de bénéficiaires

Valeur unitaire des droits (prise en compte de la valeur du point PMI à 14,68 €)

Pension militaire d'invalidité

Revalorisation des majorations spéciales de pensions des conjoints survivants ayant donné des soins constants à un pensionné grand invalide. Abaissement de la condition de mariage ou de PACS et de soins constants de 15 à 10 ans.

Article 85 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

66

Selon la situation de l'invalide avant son décès :

• 7 340 €

• 6 018,8 €

Proportionnalité de la majoration spéciale des conjoints survivants ayant donné des soins constants à un pensionné grand invalide, selon la durée de mariage ou de PACS et de soins.

Article 131 de la loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

27

Selon la situation de l'invalide avant son décès :

• 4 404 €

• 3 376 €

• 2 202 €

• 1 541 €

Octroi d'un supplément de pension aux conjoints ou partenaires survivants âgés de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge.

Article 119 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Pas de demande reçue

Valeur maximale :

1 307 €

Alignement des pensions des militaires titulaires d'une pension militaire d'invalidité (PMI) rayés des contrôle avant le 3 août 1962 (taux du soldat) et leurs ayants-cause sur les PMI des militaires rayés des contrôle depuis le 3 août 1962 (taux du grade) et leurs ayants-cause.

Article 125 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

5 286 dossiers traités au 31 décembre 2018, dont 363 ne peuvent être valorisés.

Coût global estimé au 31 décembre 2018 à 3,4 M€, soit 644 € par personne. N.B. : Ce coût unitaire ne reflète pas l'hétérogénéité des PMI et le public concerné (conjoints survivants, orphelins, invalides).

Carte du combattant

Carte « à cheval » permettant aux militaires déployés en Algérie au moins 4 mois, au-delà du 2 juillet 1962, et ce sans interruption.

Article 109 de la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

Au 31 décembre 2019 14 364 cartes du combattant attribuées

Retraite du combattant

763,36 € par an au 1 er janvier 2020

Une durée d'au moins quatre mois de service en OPEX permet d'obtenir la carte du combattant.

Article 87 de la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Au 31 décembre 2019: 35 813 10 ( * ) cartes du combattant attribuées à des personnes âgées de 65 ans et plus

Retraite du combattant

763,36 € par an au 1 er janvier 2020

Retraite du combattant

Augmentation de la retraite du combattant de 2 points PMI au 1 er janvier 2017 et de 2 autres points au 1 er septembre 2017.

Décret n° 2016-1904 du 28 décembre 2016 modifiant l'article D. 321-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre 11 ( * )

Néant
les conditions d'attribution sont inchangées

763,36 € par an 1 er janvier 2020

Allocations versées aux anciens membres des forces supplétives et à leurs conjoints survivants

Augmentation de 167 € de l'allocation de reconnaissance. Le montant de l'allocation option 1 (rente viagère seule) est fixé à 3415 € et le montant de l'allocation viagère option 2 (rente diminuée du versement d'un capital) est fixé à 2322 €.

Article 86 de la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Néant. Les conditions sont inchangées. De plus, l'accès au dispositif est frappé de forclusion à compter du 20 décembre 2014 (LPM 2014-2019, article 52).

Allocation de reconnaissance option 1 : 3415 €

Allocation de reconnaissance option 2 : 2322 €

Création de l'allocation viagère indexé sur le taux d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages, hors tabac, destinée aux conjoints et ex-conjoints, mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France. Les conjoints survivants ne doivent être ni remariés ni avoir conclu de PACS. Le montant est identique à celui de l'allocation de reconnaissance, option 1 (3415 €).

Article 133 de la loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

Au 1 er juillet 2020, l'allocation viagère est versée à 1 092 bénéficiaires.

3 415 €

Revalorisation du montant de l'allocation de reconnaissance (option 1) et de l'allocation viagère à 3515 € et de l'allocation de reconnaissance (option 2) à 2422 €.

Article 120 de la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Néant. Les conditions sont inchangées.

Allocation de reconnaissance option 1 et allocation viagère : 3 515 €

Allocation de reconnaissance option 2 : 2 422 €

Revalorisation du montant de l'allocation de reconnaissance (option 1) et de l'allocation viagère à 3663 € et de l'allocation de reconnaissance (option 2) à 2555 €.

Article 124 de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018

Néant. Les conditions sont inchangées.

Allocation de reconnaissance option 1 et allocation viagère : 3 663 €

Allocation de reconnaissance option 2 : 2 555 €

Revalorisation du montant de l'allocation de reconnaissance (option 1) et de l'allocation viagère à 4 109 € et de l'allocation de reconnaissance (option 2) à 2 987 € (portées respectivement à 4 150 € et 3 017 € au 1 er octobre 2019 au terme des arrêtés d'indexation sur l'augmentation des prix à la consommation hors tabac)

Article 223 de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019

Néant. Les conditions sont inchangées.

Allocation de reconnaissance option 1 et allocation viagère : 4 109 € (4 150€)

Allocation de reconnaissance option 2 : 2 987 € (3 017€)

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les mesures législatives adoptées ont assez modérément élargi la population des titulaires effectifs de droits.

Hors attribution de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie au-delà du 2 juillet 1962, qui ne relevait pas de la compétence du législateur, les bénéficiaires des nouvelles mesures ont été au nombre d'un peu plus de 21 492 personnes.

Si l'on inclut les premiers, la population supplémentaire des bénéficiaires effectifs des droits liés à la reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants s'élève à 56 600 personnes , dont 50 447 au titre du bénéfice de la retraite du combattant.

Dans ce contexte, deux mesures ont eu un réel impact  sur le nombre des bénéficiaires des droits : l'attribution de la « carte à cheval » en 2013 par la loi de finances pour 2014 (+14 364 personnes ), et, surtout, la reconnaissance par la loi de finances pour 2015 de l'éligibilité à la carte du combattant des effectifs ayant passé quatre mois en OPEX .

Les bénéficiaires de cette mesure ayant dépassé l'âge de 65 ans, qui est une condition de versement de la retraite du combattant, sont au nombre de 35 813 .

Mais, la population couverte par l'attribution de la carte de combattant au titre des OPEX est nettement plus nombreuse. Au 1 er juillet 2020, 110 752 cartes du combattant ont été attribuées à ce titre.

Impact sur la population des titulaires de la carte du combattant de l'article 87 de la loi de finances pour 2015 élargissant le bénéfice de la carte aux militaires ayant participé à des OPEX

Années

Demandes reçues

Attributions

Rejets

En cours d'instruction en fin d'année

2015*

19 787

13 524

1 109

5 154

2016

21 891

19 177

840

3 280

2017

14 069

13 780

1 039

2 530

2018

23 249

11 891

888

13 026

2019

38 177

46 187

2 016

3 000

2020**

7 000

6 193

786

3 021

* à partir du 1 er octobre 2015

** état au 1 er juillet 2020

*** dont 35 108 cartes attribuées au titre de la mesure 62/64

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Le contingent des titulaires de la carte du combattant au titre des OPEX est marqué par l'impact de la mesure adoptée en 2019, sur une base réglementaire, ouvrant le droit à la carte du combattant aux militaires présents sur le sol algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964.

Cette mesure régulièrement et fermement soutenue par le Sénat a été officialisée le 16 décembre 2018 par la publication au Journal officiel de la République française de l'arrêté du 12 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter (devenu l'article L. 311-2) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG). Cette mesure devait bénéficier principalement aux appelés, les militaires de carrière bénéficiant souvent de la carte du combattant à un autre titre.

Sa portée numérique est encore entourée d'incertitudes.

Les prévisions réalisées par la direction des affaires financières du ministère des armées et le service historique de la défense avaient fixé à 50 000 le nombre de bénéficiaires potentiels de cette mesure. Le nombre de bénéficiaires au seul titre de l'année 2019 a, quant à lui, été estimé à 35 000.

Au 1 er juillet 2020, à la suite de 9 réunions de la commission nationale de la carte du combattant, 37 878 demandes de carte du combattant présentées au titre de cette mesure avaient été examinées. 36 368 avaient reçu un avis favorable dont 35 108 en 2019. Ainsi, le taux de satisfaction des demandes d'attribution s'élève à 96 %, ce qui est plutôt satisfaisant. En 2020 une diminution notable des demandes est toutefois constatée . Après deux commissions, 1 260 cartes du combattant supplémentaires ont été délivrées au titre de cette mesure .

Le début de l'année 2020 marqué par la catastrophe sanitaire ne permet pas de dire précisément s'il s'agit d'une tendance durable ou si cette diminution est conjoncturelle, imputable à la pandémie de la COVID 19. D'ici la fin de l'année, deux commissions nationales de la carte du combattant devraient se tenir. D'ores et déjà, 346 dossiers sont en attente de passer à la commission prévue le 15 septembre 2020 .

À ce stade, selon le ministère, il est difficile de se prononcer sur l'atteinte de la prévision initiale, qui à ce jour se situe autour de 72 %. Si celle-ci est atteinte, ce sera vraisemblablement sur une durée plus longue.

En toute hypothèse, le nombre des cartes délivrées illustre la significativité d'une demande qui, trop longtemps, n'a pas été satisfaite.

La contrepartie financière des élargissements de la population des titulaires de droits ne peut être estimée qu'avec une certaine approximation.

En ce qui concerne l'extension de l'éligibilité à la carte du combattant dite carte 62/64, l'impact budgétaire en avait été estimé à 6,6 millions d'euros en 2019 , sans compter les transferts induits sous forme de dépenses fiscales.

Il ne s'agit que d'une fraction du coût du dispositif puisque, sous réserve d'une application complète aux 49 819 bénéficiaires potentiels, le coût budgétaire en dépenses s'élèverait entre 30 millions d'euros et 37 millions d'euros , dont une partie substantielle (mais non précisée par l'information budgétaire) impactera le budget de la retraite du combattant en 2020.

Il conviendra d'y ajouter un impact de 30 millions d'euros au titre des dépenses fiscales associées à la détention de la carte du combattant.

En comparaison, l'unique mesure nouvelle annoncée pour 2020, une majoration des pensions militaires d'invalidité perçues par les conjoints survivants de grands invalides ayant agi comme tierce personne en apportant des soins constants pendant une durée minimum de quinze années de vie commune avait été assortie d'un faible poids budgétaire (0,6 million d'euros).

Cette mesure, qui s'inscrit dans une longue séquence de revalorisation des pensions des ayants cause, avec une priorité donnée aux conjoints survivants ayant apporté un concours constant à l'invalide, fournit l'occasion de s'interroger sur les conditions dans lesquelles les « aidants » sont accompagnés dans leur oeuvre par la solidarité nationale.

Rappels sur les pensions de réversion

Aux termes du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), pour ouvrir un droit à pension pour les ayants cause, il faut que le décès soit imputable au service, ou que le décès soit en relation avec une infirmité pensionnée ou que le militaire soit pensionné d'un taux supérieur ou égal à 60 %.

Les conjoints survivants ont droit à pension au taux dit « normal » (500 points) lorsque le décès est imputable au service ou en relation avec une infirmité pensionnée, ou que l'ouvrant droit était pensionné pour un taux d'invalidité de 85 % au moins.

Les conjoints dont le militaire était pensionné à un taux d'invalidité inférieur à 85 % et au moins égal à 60 % ont droit à une pension au taux dit « simple », soit les 2/3 de la pension au taux normal.

Ces dernières années des modifications des droits sont intervenues.

1°) La loi de finances pour 2004 (article 121) a permis l'augmentation uniforme de quinze points d'indice de toutes les pensions de veuves à compter du 1 er juillet 2004.

2°) La loi de finances pour 2006 (article 124) a institué le principe d'égalité hommes-femmes pour les bénéficiaires du CPMIVG, en substituant dans ce dernier, à compter du 1 er janvier 2006, au terme de « veuve » celui de « conjoint survivant » ou de « partenaire d'un pacte civil de solidarité » (PACS).

3°) La situation des conjoints survivants des plus grands invalides a été prise en compte lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2010. En effet, son article 115 a augmenté de cinquante points la majoration de pension des conjoints survivants ayant soigné l'invalide, obligé de recourir aux soins constants d'une tierce personne, pendant au moins quinze ans . Ces conjoints bénéficient d'une majoration de leur pension égale à 310 points (au lieu de 260) pour les conjoints des titulaires de l'allocation 5 bis a (cas général) et à 400 points (au lieu de 350), si l'invalide était titulaire de l'allocation 5 bis b (aveugles, paraplégiques ou bi-amputés).

4°) La loi de finances pour 2011 (article 147) a majoré de 360 points d'indice les pensions d'ayants cause d'invalides titulaires d'une pension relevant du CPMIVG dont l'indice était égal ou supérieur à 12 000 points. Cette disposition s'appliquait aux pensions de conjoints ou partenaires survivants et d'orphelins en paiement au 1 er janvier 2011, à compter de la demande des intéressés.

5°) L'article 117 de la loi de finances pour 2012 a étendu cette majoration de 360 points, à compter du 1 er janvier 2012, aux pensions d'ayants cause d'invalides titulaires d'une pension du CPMIVG dont l'indice était égal ou supérieur à 11 000 points.

6°) L'article 110 de la loi de finances pour 2014 a étendu la majoration de 360 points lorsque le bénéficiaire du droit à pension était, à son décès, titulaire d'une pension dont l'indice était égal ou supérieur à 10 000 points. Cette disposition s'applique aux pensions de conjoints ou partenaires survivants et aux pensions d'orphelins en paiement au 1 er janvier 2014, à compter de la demande des intéressés. Il en résulte que les pensions d'ayants cause concédées à compter du 1 er janvier 2014, issues de pensions d'invalides au moins égales à 10 000 points, sont systématiquement assorties d'une majoration de pension de 360 points, sans que la date d'effet de cette majoration ne puisse être antérieure au 1 er janvier 2014. Par ailleurs, les ayants cause concernés par ces nouvelles dispositions et déjà pensionnés au 1 er janvier 2014 peuvent demander, à compter de cette date, une majoration de pension de 360 points et obtenir la révision de leur pension avec effet à la date du dépôt de leur demande.

7°) L'article 85 de la loi de finances pour 2015 a modifié l'article L. 52-2 en augmentant de cinquante points, dès le 1 er janvier 2015, la pension des conjoints survivants des grands invalides de guerre , et en réduisant la durée minimale pour l'acquisition des droits de quinze à dix ans.

Une a ugmentation supplémentaire de 50 points a également été accordée le 1 er janvier 2016. Ainsi, depuis cette date, les conjoints survivants bénéficient d'une majoration de leur pension égale à 500 points pour le conjoint survivant d'un invalide titulaire de l'allocation 5 bis b (aveugles, bi-amputés, paraplégiques), ou 410 points pour le conjoint survivant d'un invalide titulaire de l'allocation 5 bis a (toute autre infirmité justifiant de l'attribution de l'article L. 18 du CPMIVG (article L. 133-1 du nouveau CPMIVG)).

8°) L'article 131 de la loi de finances pour 2016 a modifié l'article L52-2, à compter du 1 er juillet 2016 :

- afin d'o uvrir le droit à la majoration spéciale aux conjoints survivants et aux partenaires liés par un PACS qui justifient d'une durée, inférieure à dix ans, d'union et de soins donnés d'une manière constante après l'attribution de la majoration de l'article L18 (tierce personne) (article L. 133-1 du nouveau CPMIVG) et de l'allocation 5 bis (b ou a) à un grand invalide ;

- afin de moduler le nombre de points d'indice de la majoration spéciale proportionnellement à cette durée et selon la catégorie d'allocation 5 bis (b ou a, spécifiées respectivement 16 ou 15).

9°) L'article 119 de la loi de finances pour 2017 attribue, aux conjoints âgés de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge, un supplément social qui a pour effet de porter la PMI au taux dit « normal ». Cette mesure vise à soutenir les conjoints survivants les plus jeunes.

10°) L'article 125 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 harmonise les pensions des conjoints survivants des militaires radiés des cadres, rayés des contrôles ou décédés avant l'entrée en vigueur de la loi n° 62-873 du 31 juillet 1962 de finances rectificative pour 1962, avec ceux radiés après 1962, en élevant leur pension au taux du grade. Cette nouvelle disposition a pour conséquence une réévaluation de la PMI à compter du 1 er janvier 2018.

À l'issue du processus exposé ci-dessus, les majorations de pensions accessibles sont les suivantes.

Conditions d'attribution de la majoration spéciale et progression
du nombre de points d'indice de cette majoration

Date d'effet

Années de mariage ou de PACS et de soins donnés de manière constante, postérieures à l'ouverture de l'avantage prévu à l'article L18 (tierce personne) (article L. 133-1 du nouveau CPMIVG)

Conjoint survivant ou partenaire lié par un PACS d'un grand invalide titulaire de l'allocation aux grands invalides

Allocation GI

n° 5 bis 16

Allocation GI

n° 5 bis 15

Avant le 01/01/2002

Au moins 15 ans

230

140

A/C du 01/01/2002

Au moins 15 ans

350

260

A/C du 01/01/2010

Au moins 15 ans

400

310

A/C du 01/01/2015

Au moins 10 ans

450

360

A/C du 01/01/2016

Au moins 10 ans

500

410

A/C du 01/07/2016

Au moins 5 ans

150

105

Au moins 7 ans

300

230

Au moins 10 ans

500

410

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La mesure adoptée l'an devait augmenter les dépenses de réversion de 0,16 % des dépenses cumulées au profit des conjoints survivants et des orphelins.

Les personnes bénéficiaires seraient au nombre de 461 , sur un total de 54 000 pensionnés au titre du veuvage et de l'orphelinat. Autant dire que, même si elle avait constitué une avancée (un soutien de 1 301 euros par bénéficiaire), cette mesure symbolique était tout à fait insusceptible d'offrir une solution à la problématique des sacrifices consentis par les aidants des grands invalides.

Il en va de même de la seule mesure nouvelle positive proposée en 2021.

Il s'agit de desserrer les conditions à l'éligibilité des majorations de pensions de droit dérivé.

Cette initiative ne peut qu'être approuvée. Néanmoins, force est d'en mettre en évidence la portée limitée.

Elle bénéficierait à 197 personnes selon le recensement réalisée au 31 décembre 2019, pour un coût complet sur crédits budgétaires de 1 million d'euros .

Si le bénéfice de la mesure ne serait pas négligeable apprécié individuellement, il resterait cependant assez modeste (360 points d'indice, soit 5 285 euros par an, - 440 euros par mois).

En toute hypothèse, la mesure proposée ne peut être considérée comme suffisante dans un contexte où les difficultés rencontrées par les aidants sont considérables, que les aidants soient les conjoints et partenaires ou d'autres personnes déployant leur dévouement au bénéfice des invalides qui ne trouvent pas nécessairement dans l'offre de soin et d'accueil des soutiens à la hauteur de leurs besoins.

Le rapporteur spécial avait l'an dernier rappelé à quel point l'attrition des moyens des établissements d'accueil des personnes dépendantes dans notre pays confronté de ce point de vue à un formidable défi, y compris dans les établissements les plus prestigieux de l'AP-HP, devrait être pleinement mesurée et combattue.

Elle fait des « aidants » des collaborateurs volontaires sans guère de reconnaissance d'un service public qui s'étiole et n'assure plus les soins les plus élémentaires. Les anciens combattants invalides, comme les personnes qui les assistent bénévolement subissent comme le reste de la population française une situation souvent inadmissible.

La mesure proposée cette année, qui est conditionnée au déclenchement d'un droit d'ayant cause n'est évidemment pas de nature à apporter une solution à un problème qu'il faut résoudre de toute urgence.

Observation : la revalorisation des réversions promise aux conjoints survivants des grands invalides toute symbolique est insusceptible de compenser les sacrifices consentis par les aidants de ces patients.

Recommandation : réaliser au plus vite une évaluation des besoins réels d'accompagnement des aidants dans un contexte de sérieuse dégradation des conditions d'accueil des personnes dépendantes par les établissements de santé, même les plus prestigieux.

Le rapporteur spécial signale une évolution moins favorable. Conformément aux dispositions visées par le dernier alinéa du 2 de l'article 7 de l'ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015, les résidents des départements ou régions d'outre-mer (DROM), collectivités d'outre-mer (COM) ou de Nouvelle-Calédonie ne pourront plus bénéficier de la retraite du combattant dès leurs 60 ans et entrent désormais dans le droit commun (perception à 65 ans).

2. L'impact des faits démographiques
a) Une réduction à nouveau forte des populations bénéficiaires des allocations du programme pour les titulaires de la retraite du combattant

En l'absence de toute revalorisation réellement significative des deux principales prestations de reconnaissance de la Nation pour ses anciens combattants (les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant) et du fait de modalités d'indexation qui freinent leur dynamique, la réduction de la population bénéficiaire de ces prestations tend à jouer un rôle déterminant dans l'évolution des crédits de rente viagère.

Malgré un impact moins défavorable des règles d'indexation l'an prochain, les évolutions démographiques conservent ce rôle en 2021.

Les prévisions sont en la matière évidemment entourées d'une marge d'incertitude, qui, hélas, s'est élargie ces derniers temps. Mais, la tendance est structurellement sans ambiguïté.

Évolution des effectifs titulaires d'une pension d'invalidité
et d'une retraite du combattant en dix ans

Source : projet annuel de performances pour 2021

Entre 2010 et 2018, les deux populations bénéficiant des deux prestations majeures du programme ont reculé d'environ un tiers (- 30 %). La baisse tend à s'accélérer.

Pour 2021, la baisse du nombre des bénéficiaires se poursuivrait. Elle serait légèrement plus faible que l'an dernier pour les PMI (- 9 562 contre - 9 891 contre - 10 080 en 2020), mais nettement plus élevée pour les titulaires de la retraite du combattant 63 414, soit une baisse de 7,3 % par rapport à 2020, contre - 50 067 en 2020 par rapport à 2019).

L'accélération des sorties nettes du dispositif de la retraite du combattant se constate dans un contexte où les effets de l'extension de l'attribution de la retraite du combattant aux militaires présents en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964 a conduit à augmenter le contingent des bénéficiaires de la retraite du combattant mais tend à s'épuiser et, par un effet retour, constitue un facteur de l'accélération de la réduction de la population titulaire d'une retraite du combattant.

L'âge moyen des titulaires de la retraite du combattant joue d'autant plus que cette allocation n'est ni réversible, ni modulable.

La répartition des titulaires de la carte du combattant attribuée en fonction des opérations de combat auxquelles ils ont participé laisse envisager que l'accélération du rythme de réduction du nombre des bénéficiaires anticipée pour 2021 devrait se prolonger dans les années à venir mais qu'un ressaut interviendra lorsque les titulaires d'une carte du combattant trop jeunes pour bénéficier de la retraite du combattant atteindront l'âge de la percevoir.

Répartition des cartes de combattant attribuées
en fonction des combats justifiant les attributions

Conflits

Cartes du combattant attribuées au 1 er juillet 2020

Première guerre mondiale et TOE

4 425 379

Seconde guerre mondiale

2 605 181

Guerres d'Indochine et de Corée

211 030

Guerre d'Algérie, combats en Tunisie et au Maroc

1 687 391

Opérations extérieures

230 530

Total

9 159 511

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ce ressaut resterait cependant limité.

Si le nombre des titulaires d'une carte du combattant au titre des OPEX a nettement augmenté depuis 2019 passant de 176 107 à 230 530 (+ 54 423), c'est pour beaucoup à l'extension de la population éligible au titre de la Guerre d'Algérie que cela est dû.

Dans ce contexte, le nombre des cartes de combattant correspondant à des opérations postérieures à 1964 est inférieur à 200 000 soit un quart de la population actuellement admise au bénéfice de la retraite du combattant.

b) Des effets de composition démographique réduisent la valeur unitaire des pensions militaires d'invalidité

La confrontation sur longue période de l'évolution des crédits avec celle des bénéficiaires montre que si les crédits de PMI sont inscrits sur une trajectoire constamment descendante, qui amplifie l'impact de la réduction des bénéficiaires, pour les dépenses liées à la retraite du combattant, les liens entre les deux variables présentent des évolutions à la fois amorties et plus fluctuantes.

En ce qui les concerne, une sorte de cycle électoral semble se dessiner. Même si les ruptures d'évolution ne sont pas très franches, tous les cinq ans se produisent des inflexions consécutives à des engagements politiques de revalorisation de la retraite du combattant. Si l'inertie est plus forte pour les PMI, c'est qu'elles sont encadrées par un mécanisme d'indexation qui n'est guère revisité lors de ces échéances charnières 12 ( * ) . Cette discordance entre les deux prestations n'est pas satisfaisante. Elle fait naître le sentiment d'une attention à deux vitesses portée à des anciens combattants de mérite identique.

Le projet de budget pour 2021 s'inscrit pleinement dans ce cadre traditionnel tout en faisant ressortir une élasticité élevée des crédits par rapport aux dynamiques des populations bénéficiaires.

Pour les PMI, pour 2021, le taux moyen de baisse des effectifs serait de 5,1 % alors que les dépenses baisseraient de 7,4 %, soit une élasticité des crédits proche de 1,45.

Évolution des titulaires et des dépenses de PMI
entre 2006 et 2021

Source : commission des finances du Sénat

Pour la retraite du combattant, la baisse du nombre des bénéficiaires atteindrait 7,3 % en 2021, soit une baisse relative parmi les plus fortes enregistrées dans l'histoire récente.

De leur côté, les dépenses ne se replieraient que de 6,2 % suivant une élasticité inférieure à l'unité, situation pouvant résulter d'effets de composition infra-annuels, mais, également, cette année, d'une dynamique, toute relative, de l'indexation (voir infra ) qui pour jouer aussi pour les PMI se trouve globalement privée de sa portée budgétaire par une déformation de la structure de la population bénéficiant de ces allocations.

Les valeurs prises par les élasticités des dépenses correspondant aux deux prestations s'expliquent par des facteurs propres à chacune d'elles.

En ce qui concerne les PMI, leur valeur unitaire baisse régulièrement, du fait d'une recomposition de la population des allocataires.

Le nombre relatif des pensions « reversées », d'une valeur moindre que les pensions de droit direct, a eu tendance à s'élever au cours du temps même s'il s'est stabilisé ces dernières années mais moyennant un repli relativement plus fort des pensions de réversion aux conjoints survivants mieux dotées.

Pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre-évolution
entre 2009 et 2019

Années*

Conjoints

Orphelins

Ascendants

Total

2009

101 289

3 276

5 507

110 072

2010

96 713

3 257

5 223

105 193

2011

87 776

3 139

4 348

95 263

2012

83 312

3 139

4 119

90 570

2013

78 255

3 050

3 926

85 231

2014

73 631

2 939

3 730

80 300

2015

69 246

2 854

3 541

75 641

2016

64 455

2 779

3 371

70 605

2017

60 497

2 682

3 246

66 425

2018

54 962

2 608

3 102

60 672

2019

51 484

2 543

2 995

57 022

* Effectifs au 1 er janvier

Source : DGFIP, service des retraites de l'État, base des PMIVG

Part des pensions aux ayants cause dans le total des dépenses PMI

2017

2018

Effectif
au 31/12

Montant annuel au 31/12 (1)

Effectif au 31/12

Montant annuel au 31/12

(1)

Invalides (ayants-droits)

155 824

577 795 392

149 654

540 550 248

Conjoints et orphelins

57 570

403 450 560

54 027

382 511 160

Ascendants

3 102

9 454 896

2 995

9 164 700

Total PMI

216 496

990 700 848

206 676

932 226 108

Part des ayants-cause
(conjoints et orphelins; ascendants)

42 %

42 %

(1) Calculé sur la base du montant mensuel moyen au 31/12.

Champ : Pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en paiement au 31/12/2017 et au 31/12/2018.

Source : DGFiP, Service des retraites de l'État, bases des PMIVG 2017 et 2018

En outre, la dispersion des droits versés est assez nette, de sorte qu'au cas où les pensions les plus élevées tendent à une attrition plus forte, cette dernière conduit à une accélération de la baisse des dépenses constatées.

L'éventail des valeurs indiciaires sur lesquelles sont calculées les pensions est large, en particulier pour les pensions d'invalidité, depuis que le plafond au-delà duquel les infirmités n'étaient plus indemnisées, fixé à 100 % et dix degrés par la loi du 31 mars 1919 (un degré valant 10 %), a été supprimé par la loi du 31 décembre 1953.

Les pensions au montant le plus élevé correspondent à un taux de 100 % + 100 degrés et plus (un degré valant 10 %). Il s'agit de cas isolés qui illustrent la multiplicité des paramètres de calcul des pensions et traduisent les effets cumulés des nombreuses dispositions introduites au fil du temps dans la législation.

La répartition exhaustive du nombre de bénéficiaires par taux et par indice aboutit au constat que le nombre d'indices auxquels les pensions sont payées se chiffre en milliers pour les invalides et à plusieurs centaines pour les veuves .

À cet égard, le rapporteur spécial considère qu'il pourrait être souhaitable de simplifier le barème des pensions, tant pour améliorer l'équité dans la détermination des allocations que pour permettre une application plus fluide des dispositions d'indemnisation.

Si l'on considère les pensions égales ou supérieures à 100 % (6 462 bénéficiaires contre 8 025 selon les estimations précédentes) comme étant celles qui indemnisent les invalides se trouvant dans l'incapacité d'assurer une activité professionnelle, les anciens combattants qui se trouvent dans cette situation constituent une faible partie (4,5 %) des 143 499 titulaires d'une pension d'invalidité, et une partie en baisse. À l'inverse, les pensions inférieures ou égales à 55 % sont au nombre de 117 669, soit 82 % de l'ensemble des pensions d'invalides tandis que 78 197 invalides perçoivent une pension d'invalidité inférieure à 30 %, soit 54,5 % de l'effectif.

De fait, la dispersion des pensions versées est très forte en fonction des taux d'invalidité reconnus.

Une analyse synthétisant des données très dispersées avait été transmise au rapporteur spécial il y a deux ans.

Il en mentionne les résultats.

Répartition des charges de PMI
par taux d'invalidité

Taux

Article L 16 13 ( * )

Effectif

Montant annuel en euros

10

39 416

28 338 127

15

15 700

17 004 200

20

19 829

28 912 451

25

7 361

13 591 013

30

16 165

35 373 609

35

5 425

14 237 338

40

8 274

24 399 280

45

3 891

13 141 862

50

6 388

23 719 041

55

3 158

13 132 030

60

3 978

17 923 678

65

4 047

19 605 309

70

2 694

14 109 048

75

3 000

16 564 388

80

2 327

14 047 570

85

2 444

19 309 595

90

2 013

18 366 501

95

1 689

18 219 072

100

2 912

38 102 563

100

de 1 à 9 degrés

1 993

37 473 060

100

de 10 à 19

1 100

31 018 665

100

de 20 à 29

584

22 561 156

100

de 30 à 39

408

19 757 219

100

de 40 à 49

320

18 445 948

100

de 50 à 59

219

14 935 079

100

de 60 à 69

144

10 503 772

100

de 70 à 79

88

7 870 497

100

de 80 à 89

74

6 465 726

100

de 90 à 99

59

5 857 574

100

de 100 à 109

79

8 663 229

100

de 110 à 119

37

4 759 791

100

de 120 à 129

5

807 099

100

de 130 et plus

3

611 214

Total

155 824

577 826 704

Source : DGFIP, service des retraites de l'État, base des PMIVG 2017

Quoiqu'il en soit, la valeur unitaire des pensions militaires d'invalidité se replierait une fois de plus très fortement, évolution au terme de laquelle, en euros courants, la PMI individuelle moyenne aura reculé depuis 2017 de 393 euros, soit un repli de sa valeur unitaire de 7,7 %.

De 5 073 euros en 2017 et 4 793 euros en 2020, elle ne serait plus que de 4 680 euros en 2021 (soit un nouveau repli de 2,4 %).

Pour la retraite du combattant, la valeur unitaire fixée par la réglementation serait inchangée par rapport à sa valeur au 1 er janvier 2020, à 763,36 euros, en attente d'éventuelles futures réindexations rétroactives (voir infra ).

Le nombre des titulaires de la carte du combattant percevant une retraite du combattant, après avoir été quelque peu soutenu par les attributions réalisées à l'occasion des opérations extérieures ainsi qu'à la mesure d'attribution de la carte de combattant aux soldats présents en Algérie après le 2 juillet 1962, se replierait franchement (- 7,3 %).

Dans les années à venir les dépenses liées à la retraite du combattant devraient connaître une baisse significative, que ne viendrait freiner que l'atteinte de l'âge de service par les titulaires de la carte du combattant au titre des OPEX.

Or, comme l'indiquent les données ci-dessous, ces derniers ne représentent qu'une faible proportion des titulaires de la carte tandis que les flux d'attributions nouvelles de la carte du combattant nettes des extinctions sont voués à baisser.

Point sur les titulaires de la carte du combattant

Aucune statistique ne recense le nombre de titulaires de la carte du combattant en vie chaque année. Toutefois, une estimation relativement précise peut être réalisée à partir du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant.

Années

(a)

Titulaires de la retraite du combattant au

1 er janvier

(b)

Titulaires de la carte du combattant OPEX au 1 er janvier âgés de moins de 65 ans au 1 er janvier**

+ (b)

Nombre total estimé de titulaires de la carte du combattant

2010

1 393 201

36 000

1 429 201

2011

1 339 730

36 000

1 375 730

2012

1 287 388

40 000

1 327 388

2013

1 237 694

48 000

1 285 694

2014

1 200 185

63 000

1 263 185

2015

1 159 167

78 000

1 237 167

2016

1 108 996

100 000

1 208 996

2017

1 059 106*

124 000

1 182 947

2018

1 003 202

140 000

1 143 202

*Donnée consolidée RAP 2017.

** Estimations.

Flux d'attributions nettes de la carte du combattant de 2013 à 2021

Années

Effectifs au 1er janvier

Attributions au cours de l'année

Extinctions au cours de l'année

Effectifs au 31 décembre
(*)

Solde

2013

1 237 694

18 327

55 836

1 200 185

-37 509

2014

1 200 185

17 058

58 076

1 159 167

-41 018

2015

1 159 167

11 395

61 637

1 108 925

-50 242

2016

1 108 925

8 741

58 745

1 058 921

-50 004

2017

1 058 921

5 472

63 843

1 000 550

-58 371

2018

1 000 550

4 731

65 210

940 071

-60 479

2019

940 071

33 196

60 255

913 012

-27 059

Prévisions2020

913 012

13 333

63 400

862 945

-50 067

Prévisions 2021

862 945

12 126

75 540

799 531

-63 414

(*) Pour les années 2015 à 2017, le service des retraites de l'Etat a réévalué les effectifs de bénéficiaires de la retraite du combattant (source RAP 2018)

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Aux yeux du rapporteur spécial, le statut des titulaires de la carte du combattant appelle une réflexion.

Certes la possession de la carte du combattant ouvre un accès appréciable à un certain nombre de droits connexes. Mais, c'est au regard de la retraite du combattant qu'il existe un problème non résolu. Mais la revalorisation de la retraite du combattant pourrait également passer par d'autres initiatives.

Il convient de relever que la retraite du combattant n'est, dans la plupart des cas, accessible qu'après 65 ans et que sa jouissance n'est pas réversible.

On r appelle également que si cette allocation n'est pas une retraite, elle témoigne de la reconnaissance de la Nation pour un engagement, qui est souvent celui suprême de la personne même.

Dans ces conditions, il est pour le moins paradoxal que des conditions de travail, certes pénibles, mais ne présentant pas les mêmes risques que l'engagement militaire, ouvrent des droits à prestation très précoces, beaucoup plus que dans le cas de la retraite du combattant.

Par ailleurs, il existe des considérations, plus techniques, qui plaident pour davantage d'équité.

Ainsi que le suggèrent les données relatives à la population des anciens combattants percevant une pension d'invalidité, une proportion non négligeable d'entre eux décèdent avant d'avoir perçu les sommes correspondant à la retraite du combattant. Cette situation, qui n'est pas réservée aux militaires titulaires d'une pension d'activité, crée une forme d'inégalité viagère. Des militaires et leurs familles, particulièrement éprouvés par des conflits, peuvent être privés par les aléas de l'existence du bénéfice d'une allocation de reconnaissance, qui pour n'être pas davantage une indemnité qu'une retraite n'en a pas moins une vocation partiellement indemnitaire.

Le rapporteur spécial souhaite qu'une réflexion soit conduite pour faire évoluer ces conditions.

3. Une indexation des droits légèrement moins atone que ces dernières années

Si les dépenses du programme sont allégées par la baisse du nombre des bénéficiaires (effet de volume) dans un contexte de faible revalorisation des allocations, une autre composante des économies doit être attribuée à la perte du pouvoir d'achat des principales prestations qu'il finance du fait d'une indexation des allocations du programme 169 très inerte .

En l'absence de mesures de revalorisation des allocations, qui, ces dernières années ont pris la forme d'une amélioration du nombre de points de PMI pris en compte pour calculer la retraite du combattant (+4 points en deux fois au 1 er janvier et au 1 er septembre 2017, pour un montant de 58,7 euros en valeur actuelle, soit 47 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2021) ainsi que celle de revalorisations successives des allocations de reconnaissance attribuées aux rapatriés et à leurs ayants droit (voir supra ), seule joue l'indexation des allocations.

Il convient, à cet égard, de rappeler les principes de base de l'indexation des principales prestations financées par le programme, marqués par la préoccupation d'assurer un « rapport constant » entre la valeur de ces allocations et celle des traitements des fonctionnaires.

Principes d'indexation des prestations versées au monde combattant
à partir du programme 169

Les prestations assurées au titre de la dette viagère (pensions militaires d'invalidité et retraite du combattant), la majoration des rentes mutualistes et de l'allocation de reconnaissance font l'objet de mécanismes de « revalorisation », qu'il vaudrait mieux appeler « indexation ». Les règles suivies varient selon les allocations considérées.

Les autres prestations subventionnées par le programme 169 sont attribuées au cas par cas à partir de l'étude particulière des besoins (soins médicaux, dépenses d'appareillages, remboursement de prestations de sécurité sociale, frais de transport, aides sociales, prestations aux rapatriés...) des différents bénéficiaires.

Action 01 - « Administration de la dette viagère »

Pensions militaires d'invalidité :

Le montant des pensions d'invalidité est calculé, selon le taux d'invalidité, en nombre de points d'indice de pension militaire d'invalidité (point PMI). La valeur du point PMI évolue selon les variations de l'«indice de traitement brut - grille indiciaire » , publié conjointement et trimestriellement par l'INSEE et la DGAFP. C'est le mécanisme dit du « rapport constant ».

Retraite du combattant :

La retraite du combattant est calculée également en nombre de points PMI . Le nombre de points d'indice était fixé à 48 depuis le 1 er juillet 2012 (article 116 de la loi de finances pour 2012) mais il a été accru dans le cadre de la loi de finances pour 2017. Il est aujourd'hui de 52 contre 50 avant le 1 er septembre 2017. Pour le reste, la retraite du combattant évolue à raison de la valeur du point de PMI.

Action 03 - Solidarité

Majoration des rentes mutualistes :

Le plafond donnant lieu à majoration est également déterminé depuis 1998 par référence à l'indice du point PMI .

Le plafond annuel majorable a été fixé à 125 points PMI à compter du 1 er janvier 2007 (article 101 de la loi de finances pour 2007).

Action 07 - « Actions en faveur des rapatriés »

Allocation de reconnaissance :

Avant la loi de finances pour 2019, il était prévu par voie législative que l'allocation de reconnaissance versée aux rapatriés soit indexée sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac). Ce type de disposition paraissant ne pas devoir figurer au rang des dispositions d'une loi de finances, en ce qu'elle conduirait à outrepasser les limites de l'annualité budgétaire aux yeux du Conseil Constitutionnel, l'indexation des allocations de reconnaissance est désormais entièrement aux mains du pouvoir exécutif. Un vide juridique s'ensuit, les conditions d'indexation de cette allocation n'étant plus encadrées par la loi, ce qui est fâcheux. La sécurité juridique de l'indexation en ressort affectée de même que la qualité des textes puisqu'aussi bien le visa du dernier arrêté fixant la valeur des allocations correspondantes est erroné.

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La valeur du point de pension militaire d'invalidité sert ainsi de référence à de nombreuses prestations servies à partir des crédits du programme.

Conformément au « rapport constant », elle est révisée en fonction de l'indice de traitement brut-grille indiciaire publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique.

Cet agrégat statistique dépend de l'évolution de la valeur de l'indice de la fonction publique mais aussi de certaines mesures catégorielles ayant des incidences sur l'échelle indiciaire des fonctionnaires.

L'indice de traitement brut-grille indiciaire

Il s'agit d'un indice de salaire à structure de qualifications annuelle constante qui vise à apprécier les évolutions du traitement brut des agents de la fonction publique de l'État. Le traitement brut d'un agent est le produit de son indice par la valeur du point fonction publique.

L'ITB-GI (et son équivalent en net, l'ITN-GI) évoluent notamment sous l'effet de l'évolution de la valeur du point fonction publique, de la revalorisation du minimum de traitement, et des mesures générales et des réformes catégorielles qui modifient la grille indiciaire. Les réformes sont prises en compte de la manière suivante : pour chaque mesure catégorielle concernant un corps donné, une table de correspondance indiciaire (avant/après) est construite. Elle permet de calculer la proportion des agents de l'ancien échelon Y qui, en passant à l'échelon Z de la nouvelle grille, obtiennent un gain indiciaire T. Cette table de passage est associée à l'estimation de la répartition de la population par corps/grade/échelon, et l'indice résulte de la pondération de chacune de ces entités dans le total des salariés de la fonction publique.

Or, l'indice est fort peu dynamique.

Pour un indice 100 au quatrième trimestre 2000, il se situe « vingt ans après » à 117,88 soit une croissance de 17,9 % en vingt ans (moins de 0,8 % par an).

Encore faut-il relever qu'après avoir été un peu (plus) dynamique dans la première décennie (+ 11,2 % entre 2000 et 2010), l'indice suit un parcours de hausse très ralentie depuis (6,7 %, soit moins de 0,6 % l'an).

Ainsi, chaque année, les allocations indexées sur le point de PMI tendent elles à voir leur valeur réelle diminuer plus ou moins en fonction de l'inflation.

Sous cet angle, l'année 2020 pourrait représenter une exception dans la mesure où en lien avec la pandémie en cours les prix à la consommation ne progresseraient que de 0,2 % contre une hausse légèrement plus forte de l'ITB-GI (+0,7% entre le deuxième trimestre 2020 et le deuxième trimestre 2019) ayant conduit à une augmentation de la valeur du point de PMI consacrée par un arrêté du 28 août 2020 et appliqué au 1 er janvier de 2020.

Ainsi le point de PMI fixé à 14,57 euros depuis 2019 est passé à 14,68 euros à compter du 1 er janvier 2020, soit une hausse de 0,75 %.

Il n'en reste pas moins que le jeu du « rapport constant » est généralement défavorable aux allocataires.

Il faut ajouter que le mécanisme d'indexation tend à se déclencher avec des délais qui, outre qu'ils créent une incertitude budgétaire, peuvent être défavorables aux bénéficiaires.

Comme l'a utilement rappelé la Cour des comptes dans sa dernière note d'exécution budgétaire, « dans tous les cas, il existe un décalage entre la date de publication de l'indice et la date d'effet de la mesure. En revanche, cela n'explique pas un décalage d'une telle durée, qui peut atteindre deux années, alors même qu'un tel étalement de la rétroactivité sur une période aussi longue « crée de facto un risque budgétaire sur la gestion de la dette viagère du ministère déjà sous forte tension », selon le contrôleur budgétaire et comptable ministériel » .

Le rapporteur spécial remarque encore que, si des rappels peuvent être réalisés, ils ne le peuvent qu'au seul bénéfice des titulaires encore vivants ou de leurs éventuels ayants droit.

Quant à ces derniers, la Cour des comptes avait pu préciser dans le document mentionné qu'une indexation rétroactive portant sur un centime d'euro avait obligé à rechercher les héritiers de quelques 10 000 ayants droit disparus entre l'année 2017 et la date (octobre 2019) où était survenue cette opération.

Le tableau ci-dessous présente les évolutions de l'indice ITB-GI ces trois dernières années ayant entraîné des conséquences sur la valeur du point PMI :

(*) Arrêté fixant la valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité en application des articles L. 125-2 et R. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

(**) 14,57 € * (117,88/117,02) =14,68 € (arrondi).

Le coût en année pleine de la revalorisation de la valeur du point à 14,68 euros est estimé à 12 millions d'euros dont 6,9 millions d'euros au titre des pensions militaires d'invalidité et 5,1 millions d'euros au titre de la retraite du combattant.

Dans la réponse transmise au questionnaire du rapporteur spécial, le ministère tend à faire valoir l'ampleur des charges résultant des revalorisations ci-dessus exposées.

Il les évalue pour la période 2017-2019 à 47,41 millions d'euros pour les PMI et 27,05 millions d'euros pour la retraite du combattant. Il convient d'ajouter 1,6 million d'euros pour l'année 2020 si bien qu'au total la revalorisation du point PMI aura eu un impact à la hausse des dépenses correspondantes de 76,06 millions d'euros de 2017 à 2020.

Il faut ajouter les montants résultant de l'indexation intervenue en août 2020 (voir ci-dessus).

Cette présentation doit être remise dans un contexte où, au cours de cette période (2017 à 2021), les économies réalisées sur ces deux prestations ont atteint, en glissement, 302 millions d'euros 14 ( * ) tandis que l'indexation effectuée n'a pas suivi l'inflation.

Il faut donc retenir que les modalités d'indexation du point de PMI se sont traduites par un effritement du pouvoir d'achat des prestations principales allouées aux anciens combattants.

S'agissant des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant, le tableau ci-dessous présente les estimations des économies de charges résultant de la sous-indexation de ces allocations par rapport à l'évolution des prix au cours des cinq années écoulées entre 2015 et 2019.

Évolution des PMI et de la retraite du combattant sous différentes hypothèses
de revalorisation du point de PMI

PMI et retraite du combattant

Année

Valeur réelle du point PMI au 1er janvier

taux d'inflation (source INSEE)

Valeur du point PMI indexé sur le taux d'inflation

Dépenses selon indexation

Dépenses réelles

Surcoût

Montant selon indexation selon l'inflation

Montant selon indexation selon l'inflation

PMI CAS P

RC CAS P

PMI

RC

2015

14,00 €

0,00%

14,64 € 15 ( * )

1 342 979 000 €

821 147 000 €

1 278 408 380 €

771 498 790 €

64 570 620 €

49 648 210 €

2016

14,04 €

0,20%

14,67 €

1 253 444 000 €

789 161 000 €

1 191 863 333 €

737 259 266 €

61 580 667 €

51 901 734 €

2017

14,42 €

1,00%

14,81 €

1 170 120 000 €

813 447 000 €

1 133 370 077 €

744 993 857 €

36 749 923 €

68 453 143 €

2018

14,45 €

1,80%

15,08 €

1 105 916 037 €

765 207 048 €

1 064 811 467 €

733 269 402 €

41 104 570 €

31 937 646 €

2019

14,57 €

1,10%

15,25 €

1 036 571 826 €

745 768 288 €

990 659 826 €

712 736 603 €

45 912 000 €

33 031 685 €

Source : calcul en variante réalisé à la demande du rapporteur spécial par les services du ministère

Les économies réalisées se montent à 78,9 millions d'euros en 2019 contre 70,9 millions d'euros en 2018.

Elles se décomposent en 45,9 millions d'euros pour les PMI et 33  millions d'euros pour la retraite du combattant.

Encore faut-il tenir compte de ce que la réduction du nombre des bénéficiaires de ces prestations contribue à limiter les économies ainsi calculées, mais aussi de ce que les revalorisations exceptionnelles mises en oeuvre en 2017 ont pu transitoirement les plafonner.

Si aux contraintes financières du moment les anciens combattants ne sauraient, ni ne souhaitent, se soustraire, encore faut-il qu'elles ne pèsent pas davantage sur eux que sur les reste des Français.

Sur ce point, il convient de rappeler que l'argument avancé pour défendre l'absence d'indexation des traitements publics, à savoir l'existence d'un glissement-vieillesse-technicité, ne saurait en rien s'appliquer à une population qui de toute évidence n'est pas positivement concernée par lui.

Le rapporteur spécial engage chaque année le Gouvernement à veiller à ce que l'accélération des prix n'aboutisse pas à dégrader la situation faite aux anciens combattants.

Il regrette qu'une fois encore cet appel n'ait pas été entendu.

Par ailleurs, les différences réglementaires concernant les conditions d'indexation des allocations versées par le programme (et plus encore par la mission, une fois prise en compte la réglementation des allocations du programme 158 ; voir infra ) peuvent créer un trouble.

S'agissant des allocations à destination des rapatriés, les anciens membres des forces supplétives de la guerre d'Algérie et leurs conjoints survivants ont droit à des allocations financées par le programme 169 intitulées « allocation de reconnaissance » 16 ( * ) et « allocation viagère » 17 ( * ) dont l'article 223 de la loi n°2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 précise que, désormais, les montants annuels sont fixés par arrêté signé conjointement par les ministres chargés des Rapatriés et du Budget.

Leur montant est revalorisé annuellement en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac 18 ( * ) , qui est souvent plus favorable que le « rapport constant ».

La perspective de la constitution d'une commission tripartite pour examiner les conditions de revalorisation des allocations annoncée par le Gouvernement appelle quelques précisions sur son format, ses missions et son calendrier.

En l'état, elle inspire une certaine perplexité, conduisant le rapporteur spécial à souhaiter qu'intervienne au plus vite une solution permettant d'obvier aux pertes de valeur réelle de l'effort en faveur des anciens combattants.

4. Une déformation des équilibres de la politique de reconnaissance en faveur du monde combattant malgré des avantages peu mobilisés

Les interventions financées par le programme 169 sont composites. Certaines à vocation universelle (PMI, retraite du combattant) sont versées à tous ceux qui réunissent des conditions objectives tenant à leur situation de combattant ou de santé et à raison de celles-ci, d'autres impliquent un choix du bénéficiaire, et l'influence de variables tierces par rapport à celles en rapport avec la seule situation d'ancien combattant.

En dehors de l'effet asymétrique des dépenses fiscales déjà relevé, il en va tout particulièrement ainsi de la majoration des rentes mutualistes qui, pour concerner 315 175 bénéficiaires 19 ( * ) , n'est servie qu'à un peu plus de 28 % des titulaires de la carte du combattant (et à moins de 20 % des bénéficiaires potentiels, qui incluent les titulaires du titre de reconnaissance de la Nation).

La rente mutualiste

La retraite mutualiste du combattant, devenue rente mutualiste du combattant, bénéficie d'un certain nombre d'avantages, de nature fiscale ou liés au régime de majoration légale institué par la loi du 4 mai 1948.

Les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leur revenu imposable, dans la limite d'un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d'une rente donnant lieu à majoration de l'État.

Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère (mais sans limite de plafond de ressources), d'une majoration spécifique de l'État de 12,5 % à 60 % selon le titre détenu et sa date d'obtention.

Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond, dit « plafond majorable » dont la dynamique dépend de celle du point de PMI (en hausse, à ce titre, de 1 821,25 euros en 2019 à 1 835 euros à compter de janvier 2020).

La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond légal. Au-delà de ce plafond, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.

Or, cet avantage mobilise une part importante des dotations du programme comme le montre le tableau ci-dessous (11,7 % du total).

Évolution de la réparation des principales interventions
du programme

Dispositif

Part dans le total 2020

Part dans le total 2021

PMI

46,4 %

45,2 %

Retraite du combattant

33,6 %

34,2 %

Soins médicaux gratuits, appareillage, expertises

2,3 %

2,1 %

Remboursement réductions de transport

0,1 %

0,07 %

Remboursement prestations sécurité sociale

3,8 %

4 %

Majoration des rentes mutualistes

11,5%

11,7%

ONAC (action sociale)

1,3%

1,3 %

Rapatriés

1 %

1,3 %

TOTAL

100,00 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2021

La part de la charge budgétaire liées aux majorations de rentes mutualistes augmente plus ou moins chaque année, mais au total, inexorablement. Le rapporteur spécial rappelle que la majoration des rentes mutualistes n'absorbait que 8 % des dépenses du programme en 2011.

Le montant unitaire de la rente mutualiste a augmenté de l'ordre de 8 % entre 2014 et 2019 et de 5,7 % entre 2016 et 2020.

Données relatives aux rentes mutualistes (2016-2020)

Année de facturation

Montant des remboursements des majorations légales (M€)

Montant des remboursements des majorations spécifiques (M€)

Total
(M€)

Nombre de bénéficiaires
(au 1 er janvier de l'année en cours)

Montant moyen annuel des majorations remboursées

2016

116,78

133,75

250,53

362 770

690,61

2017

113,12

131,55

244,67

353 031

693,05

2018

107,59

129,44

237,03

340 918

695,18

2019

105,95

126,62

232,57

328 943

707,01

2020

106,91

123,14

230,05

315 175

729,91

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Cette évolution a limité l'impact de la baisse du nombre des bénéficiaires sur la réduction des dépenses.

Les dépenses correspondantes ont connu une certaine résistance, qui contraste avec les prestations plus universelles financées par le programme 169.

Évolution de la charge des avantages attribués aux rentes mutualistes
des anciens combattants et des effectifs bénéficiaires
(2009-2020)

Source : commission des finances du Sénat

Le déficit de revalorisation mentionné plus haut a toutefois, comme pour les autres prestations liées à la valorisation du point de PMI, également altéré la dynamique de dépense correspondante, avec pour effet l'extériorisation d'économies budgétaires (voir le tableau infra ).

Évolution des majorations de rentes mutualistes sous l'hypothèse d'une indexation
sur l'inflation du point de PMI

(en euros)

Rentes mutualistes du combattant

Année

Valeur réelle du point PMI au 1er janvier

taux d'inflation (source INSEE)

Valeur du point PMI indexé sur le taux d'inflation

Plafond majorable (125 points d'indice PMI)

Plafond selon indéxation

Différence de plafond

Nombre de bénéficiaires au plafond

Surcoût

A

B

C = B - A

D

E = C X D

2015

14,00 €

0,00%

14,64 €

1 750 €

1 829,60 €

79,60 €

47 127

3 751 356 €

2016

14,04 €

0,20%

14,67 €

1 755 €

1 833,26 €

78,26 €

48 600

3 803 445 €

2017

14,42 €

1,00%

14,81 €

1 803 €

1 851,59 €

49,09 €

41 540

2 039 314 €

2018

14,45 €

1,80%

15,08 €

1 806 €

1 884,92 €

78,67 €

39 164

3 081 089 €

2019

14,57 €

1,10%

15,25 €

1 821 €

1 905,66 €

84,41 €

35 764

3 018 682 €

* Le plafond majorable équivaut à 125 points PMI.

Source : calcul en variante réalisé à la demande du rapporteur spécial par les services du ministère

Par rapport à une indexation du plafond majorable sur l'inflation, qui aurait porté ce plafond à 1 905,66 euros en 2019, compte tenu d'un nombre de bénéficiaires au plafond qui reste limité par rapport au nombre des porteurs (35 764 contre 328 943 bénéficiaires), la sous-indexation du plafond a permis de dégager 3 millions d'euros d'économies en 2019.

La contribution de l'État aux rentes mutualistes (751 euros par bénéficiaire en 2021) apporte aux bénéficiaires, un quasi doublement de la valeur de la retraite du combattant qu'ils perçoivent.

Il convient de considérer que ce doublement touche un nombre des bénéficiaires limité par rapport aux prestataires de la retraite du combattant.

Dans ces conditions, le rapporteur spécial est conduit à s'interroger sur les facteurs expliquant une éventuelle sous-utilisation de la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État.

Elle appelle une élucidation. Le ministère renvoie sur ce point à la décision individuelle des souscripteurs. Il conviendrait de vérifier que le dispositif fait l'objet d'une publicité suffisante de sa part ou de celle des organismes gestionnaires.

À ce stade, le rapporteur spécial se limitera à relever que cette sous-utilisation conduit à des économies significatives.

Le ministère avance à ce propos un chiffre de 40 millions d'euros sur la base du ratio des militaires âgés de 50 ans et plus (soit 4,5 % des bénéficiaires potentiels non entrés dans le dispositif) susceptible de bénéficier de la majoration instantanément.

Sur plus longue période, les économies liées à la faible mobilisation de l'avantage sont en cumulé nettement plus fortes et allègent très significativement les engagements financiers de l'État par rapport à une situation de saturation des droits.

En outre, il conviendra de suivre avec attention le sort de cet avantage dans le cadre de la mise en place d'un régime universel de retraites dans la mesure où celui-ci devrait déboucher sur une revue générale des dispositifs de solidarité pouvant impacter la situation des personnes en retraite.

5. Les opérateurs du programme, quel avenir pour l'ONAC-VG ?

Les évolutions cycliques imprimées à l'effort financier de la Nation pour ses anciens combattants - en lien avec le décrochage de la valeur des prestations par rapport à l'inflation et une tendance à la déformation de la structure des transferts vers une forme de sélectivité aux effets globalement peu redistributifs - conduit à souligner l'importance de développer le rôle et les moyens des deux principaux opérateurs du programme 169, l'Institution nationale des Invalides (INI) et, surtout, l'ONAC-VG.

L'an dernier, les dotations des deux principaux opérateurs de la mission (l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre - ONAC-VG - et l'Institution nationale des Invalides-INI) avaient évolué dans un sens différent.

Les dotations pour l'ONAC-VG avaient été très fortement réduites, de 12,5 millions d'euros, soit un repli de près de 15 %, celles destinées à l'INI progressant de 11 millions d'euros, soit un peu moins qu'un doublement par rapport aux 14,8 millions d'euros de 2019. Cette dernière évolution ne concernait toutefois que les crédits de paiement, les autorisations d'engagement s'inscrivant en forte baisse (- 35 millions d'euros) ce qui pouvait être de nature à faire anticiper pour les exercices postérieurs une réduction des crédits de paiement.

De fait, les crédits de paiement prévus au profit de l'INI en 2021 sont en nette réduction (-11,8 millions d'euros, soit - 57,6 %).

Inversement, les crédits de paiement réservés à l'ONAC VG, qui avaient été installés sur une trajectoire non soutenable, identifiée comme telle par le rapporteur spécial, augmentent de l'ordre de 10,4 millions d'euros (+ 22,9 %) par rapport à une année 2020 où l'ONAC VG avait été appelé à financer des charges courantes sur son fonds de roulement. Cette augmentation est cependant partiellement optique comme exposé ci-après.

Une fois mentionné que les crédits fléchés pour financer le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » sont stables à 1,7 million d'euros, au total, les dotations destinées aux opérateurs de la mission (subventions pour charges de service public et dotations financières) et financées par cette dernière seraient en très légère hausse, largement apparente, par rapport à l'an dernier.

Elles atteindraient 73,7 millions d'euros contre 73 millions d'euros en 2020, soit 3,8% des crédits du programme 169.

Évolution des dépenses versées aux deux principaux opérateurs
du programme 169 (2013-2021)

(en milliers d'euros)

Exécution 2013

Exécution 2014

Exécution 2015

Exécution 2016

Exécution 2017

2018

2019

PLF 2020

PLF 2021

INI

12 154

11 839

12 089

12 089

12 089

12 889

14 789

25 789

16 012

ONAC-VG

56 871

56 432

56 978

57 149

55 937

57 424

51 383

45 533

55 918

Total

69 025

68 271

69 067

69 238

68 026

70 313

66 172

71 322

71 930

Source : commission des finances du Sénat

L'accroissement des crédits de paiement inscrits pour l'INI était venu l'an dernier des premiers besoins immobiliers de l'établissement, dans le cadre de sa modernisation. La subvention pour charges de service public était restée constante. Pour 2021, une dotation en fonds propres est à nouveau budgétée mais sur une base nettement réduite (3,7 millions d'euros au lieu de 13,7 millions d'euros). La subvention pour charges de service public est, quant à elle, à peu près maintenue à son niveau de 2020. Elle est portée à 12,312 millions d'euros contre 12,089 millions d'euros l'an dernier (+223 000 euros). Les bases de budgétisation de l'INI apparaissent, à plusieurs égards, fragiles.

De son côté, la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG, qui avait été fortement réduite l'an dernier, le rapporteur spécial mettant alors en évidence une forme de débudgétisation, serait ramenée à un niveau plus habituel et compatible avec la préservation des ressources de l'ONAC VG. Les évolutions portant sur la subvention pour charges de service public attribuée à l'ONAC VG n'en apparaissent pas moins assez « optique », cette caractéristique dissimulant mal une opération de réduction de la voilure de l'établissement, programmée dans le dernier contrat d'objectifs et de performance 2020-2025.

Ces évolutions se dérouleraient dans un contexte marqué par la poursuite de la réduction des plafonds d'emplois des deux opérateurs.

L'an dernier, le recul s'était amplifié par rapport aux années précédentes avec - 64 ETPT, dont - 14 pour l'INI et - 60 pour l'ONAC-VG.

En 2021, le total des emplois serait en diminution apparemment moins marquée (- 15 ETPT), mais cela proviendrait d'une hausse relative des emplois hors plafond, les emplois sous plafond se réduisant de 50 ETPT, soit une baisse moins forte qu'en 2020 mais présentée, à raison, par le projet annuel de performances de la mission comme « forte ».

Évolution des emplois ouverts aux deux principaux opérateurs du programme
(2013-2020)

Exécution 2013

Exécution 2014

Exécution

2015

Exécution 2016

Exécution 2017

Exécution

2018

PLF 2019

PLF 2020

PLF 2021

INI

440

439

434

439

429

435

432

418

421

dont sous plafond

438

436

432

436

424

430

424

418

412

ONAC-VG

1 604

1 594

1 604

1 636

1 053

901

895

845

827

dont sous plafond

873

860

863

871

848

883

878

845

801

Total

2 044

2 033

2 038

2 075

1 482

1 336

1 327

1 263

1 248

dont sous plafond

1 311

1 296

1 295

1 307

1 272

1 313

1 327

1 263

1 213

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial de la commission des finances

a) L'ONAC-VG, une nette attrition des moyens en perspective dans le cadre d'un projet de restructuration aux contours très incertains
(1) Un organisme de proximité aux procédures parfois un peu lourdes

L'ONAC VG est confronté à la multiplication des missions qui lui sont confiées, missions très hétéroclites, dont certaines, qualitatives, prennent le relais d'une certaine paupérisation des allocations de reconnaissance servies aux anciens combattants mais aussi, sans doute, du renforcement des difficultés subies par le monde combattant, dans un contexte marqué par un contrat d'objectifs et de performance (COP) très contraignant.

Aperçu sur la gouvernance de l'ONAC VG

Établissement public administratif sous tutelle du Ministère des Armées, l'Office est géré conjointement par l'Etat et les grandes associations du monde combattant et des victimes de guerre (et d'actes de terrorisme). Cette gestion paritaire permet aux ressortissants de l'ONAC-VG de participer aux grandes décisions concernant leur avenir à travers différentes structures : le conseil d'administration, les conseils départementaux et un ensemble de commissions spécialisées.

Cette gouvernance repose sur le dialogue entretenu avec les autorités de tutelle dans le cadre du pilotage stratégique exercé par celles-ci, notamment à travers le suivi de la mise en oeuvre des orientations fixées dans le contrat d'objectifs et de performance.

Le conseil d'administration

Actuellement présidé par la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, le conseil d'administration définit la politique générale de l'Office et se prononce, notamment, sur le budget, le compte financier et les orientations relatives à l'action sociale de l'établissement.

Les travaux préparatoires au conseil d'administration sont examinés au sein de trois commissions et du collège du Bleuet de France.

La commission permanente donne son avis sur les projets de textes réglementaires modifiant l'organisation et le fonctionnement de l'Office, délibère sur l'acceptation des dons et legs, propose le règlement intérieur du conseil et examine toutes les questions à l'ordre du jour des réunions du conseil d'administration.

Présidé par la directrice générale de l'ONAC-VG, le collège du Bleuet de France donne, en amont du conseil d'administration, les grandes orientations de la politique de promotion et de valorisation des actions sociales et mémorielles soutenues par le Bleuet de France.

Les conseils départementaux pour les anciens combattants et victimes de guerre et la mémoire de la Nation

Au sein de chaque conseil, présidé par le préfet ou son représentant, plusieurs commissions peuvent être constituées pour se prononcer sur : les demandes d'aides relevant de la solidarité ; les projets relatifs à la politique de mémoire ; les demandes de délivrance des diplômes d'honneur de porte-drapeau. Par ailleurs, le conseil départemental peut émettre un avis sur les demandes de cartes du combattant soumises à la commission nationale de la carte.

La commission nationale de la carte

La commission nationale de la carte du combattant 20 ( * ) est chargée d'examiner les demandes de cartes du combattant ou de retrait de cartes entrant dans le champ d'application des articles R. 311-1 à R. 311-20 du CPMIVG.

La commission nationale du diplôme d'honneur de porte-drapeau

Présidée par la secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire, elle est chargée :

- d'étudier les demandes d'attribution des diplômes d'honneur de porte-drapeau émanant des associations nationales ou basées à l'étranger ;

- d'instruire les recours en cas de refus d'attribution ou de retrait d'un diplôme d'honneur par les commissions départementales ;

- d'étudier les demandes de subvention à l'achat ou à la restauration des drapeaux associatifs émanant des associations nationales ou basées à l'étranger ;

- de se prononcer sur les questions relatives à la mission et à la fonction de porte-drapeaux.

Le tissu associatif du monde combattant

Il est constitué de près de 8 000 associations : 467 associations nationales , répertoriées dans un annuaire actualisé chaque année par la direction générale de l'ONAC-VG; plus de 7 500 associations départementales.

Ces associations, se répartissent en quatre catégories :

- les associations d'anciens combattants ;

- les associations de victimes de guerre ;

- les associations de victimes d'actes de terrorisme ;

- les associations mémorielles et/ou patriotiques qui oeuvrent pour promouvoir la mémoire combattante et défendre les valeurs du monde combattant.

L'ONAC-VG agit en relais de leurs attentes auprès de la secrétaire d'État et, de façon plus générale, auprès de toutes les autorités compétentes.

La généralisation de partenariats est censée permettre à l'ONAC-VG de soutenir l'implication sociale des associations qui ne disposent pas de fonds propres pour intervenir financièrement.

Les caractéristiques institutionnelles de l'ONAC VG semblent relever d'intentions, fréquentes dans l'organisation administrative française, d'association des bénéficiaires de l'action de l'ONAC VG à la gestion de l'établissement, cette association paraissant être plus ou moins profonde selon les volets de l'action de l'ONAC VG mais aussi plus ou moins effective, l'ensemble pouvant poser quelques difficultés au regard d'un objectif justifié de fluidité.

Englobée dans cette « philosophie » organisationnelle générale, figure une départementalisation du déploiement de l'ONAC VG. Toutefois, cet  élément de proximité paraît plus ou moins effectif et se trouve menacé par le nouveau COP.

Les instances collégiales de l'ONAC VG sont essentiellement consultatives. Par exemple, la commission nationale de la carte (qui siège en formation complète ou restreinte) ne fait que donner un avis sur les attributions et retraits de cartes du combattant qui sont de la compétence du ministre chargé des anciens combattants (compétence qu'il peut déléguer).

Par ailleurs, le collège de l'oeuvre nationale du Bleuet de France constitué au sein de l'ONAC VG est chargé de promouvoir les valeurs civiques et morales attachées au Bleuet de France et de garantir une gestion saine des fonds récoltés. Il se réunit au moins une fois par an en amont des réunions du conseil d'administration de l'ONAC-VG. Mais, pour les fonds, contrepartie de la générosité publique qui reviennent effectivement dans les ressources de l'ONAC VG (voir infra pour d'autres développements à ce sujet), le collège n'en est pas le gestionnaire.

Le passage obligé par cette instance pourrait être réévalué. Autant, son existence est utile et nécessaire, autant sa consultation systématique peut sembler superflue. Sans doute faudrait-il le réserver à certaines situations ou, peut-être mieux, attribuer à la commission nationale de la carte un rôle de supervision a posteriori des décisions d'attribution ou de rejet des demandes d'attribution.

En ce qui concerne le maillage avec le tissu associatif, il est l'une des justifications à un maillage territorial de l'ONAC VG suffisamment serré pour appréhender les réalités auxquelles sont confrontés les anciens combattants.

Les associations locales notamment permettent de fournir une incarnation au monde des anciens combattants, jouant un rôle, qui s'il ne peut être de décision, n'en est pas moins très important.

Par exemple, en 2019, le nombre de dossiers d'aides sociales « parrainés » par les associations a été de 3 931 pour un montant d'aides versées de 2 millions d'euros, montant certes en baisse depuis 2017 après une augmentation de 67 % en 2016 (3,85 millions d'euros versés) du fait de la diminution du nombre des adhérents dans les associations du monde combattant au niveau local, mais qui reste très significatif (9,5 % du nombre total de dossiers validés).

(2) Un organisme au défi de son nouveau contrat d'objectifs et de performance

Un nouveau contrat d'objectifs et de performance a été approuvé par les tutelles (dont la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées) et voté par le conseil d'administration de l'ONAC VG, présidé par la même ministre le 2 juillet 2020.

Les objectifs fixés à l'ONAC sont variés. Il doit :

- assurer le meilleur service aux anciens ressortissants ;

- ancrer la politique de mémoire et de citoyenneté dans les territoires ;

- renforcer l'accompagnement des combattants dans la durée ;

- porter une nouvelle ambition pour le Bleuet de France ;

- poursuivre la modernisation de l'Office.

Ces objectifs, dessinés à grands traits, ont de quoi surprendre pour certains d'entre eux. Que l'ONAC VG soit un acteur de la citoyenneté n'est pas nécessairement incongru mais qu'il soit chargé d'ancrer la citoyenneté dans les territoires pourrait bien paraître tel, sauf à ce que cette orientation se résume à viser l'action mémorielle de l'ONAC VG. De la même manière, transformer l'ONAC VG, maison des anciens combattants en une maison des combattants implique un élargissement de la mission dont les contours ne sont pas d'une totale netteté.

Mais, l'essentiel est, peut-être, qu'une fois reconnue la contribution de l'ONAC VG comme chargé de missions de proximité ou l'impliquant par nécessité, la définition des moyens de l'établissement semble contredire frontalement cette vocation.

Il est peu contestable que le nombre des ressortissants de l'ONAC-VG accuse une baisse tendancielle, reflétant ainsi les évolutions mentionnées plus haut dans le présent rapport.

Évolution passée et prévue des ressortissants de l'ONAC-VG

2013

2018

(estimation rapport CGA)

2018

(estimation actualisée)

2023

Combattants 21 ( * )

1 419 300

1 187 400

1 195 108

922 400

PMI et pensions de victimes civiles (PVC) hors double titre & VG non pensionnées 22 ( * )

131 500

93 000

93 000

64 200

Total des ayants droit

1 550 800

1 280 400

1 288 108

986 600

Ayants cause PMI et PVC 23 ( * )

80 200

72 300

72 300

45 800

Veuves de ressortissants

1 128 400

799 500

799 500

655 300

Orphelins de guerre

222 700

200 600

200 600

147 100

Total des ayants cause

1 431 300

1 072 400

1 072 400

848 200

Total des ressortissants

2 982 100

2 352 800

2 360 508

1 834 800

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Par rapport à 2013, le nombre des ressortissants a diminué de 622 000, soit un repli de 20 %. La baisse devrait se poursuivre.

Pour autant, cet indicateur est à la fois trop global et trop incomplet pour apprécier les conditions du plan de charges de l'ONAC-VG.

Du premier point de vue, force est de nuancer l'impression suscitée par les données globales mentionnées ci-dessus que ces dernières permettraient de réduire les moyens de l'ONAC-VG.

Les ressortissants de cet établissement ne sont pas une masse compacte d'individus pouvant constituer un public unique. Les ressortissants de l'ONAC-VG sont répartis sur le territoire national, ce qui justifie le déploiement des services de l'ONAC-VG sur le territoire, en proximité, et même sur des territoires étrangers ; les problématiques auxquelles ils sont confrontés sont souvent individuelles.

En bref, les ressortissants de l'ONAC-VG constituent une population à tous égards composite qui ne saurait relever d'une approche aux termes de laquelle toute réduction du nombre des ressortissants de l'ONAC-VG pourrait être mise à profit pour appliquer des « rabots budgétaires » à due proportion.

Aperçu sur les ressortissants de l'Office national des anciens combattants
et victimes de guerre

Sont ressortissants de l'ONAC-VG :

1-Les invalides pensionnés de guerre et des opérations extérieures ;

2-Les titulaires de la carte du combattant ;

3-Les combattants volontaires de la Résistance ;

4- Les conjoints et partenaires survivants pensionnés au titre du présent code ou qui auraient bénéficié d'une pension militaire ou de victime civile, s'ils n'avaient pas opté pour un autre régime de pension ;

5- Les ascendants de militaires ou de civils morts pour la France ;

6-Les pupilles de la Nation et orphelins de guerre ;

7-Les déportés et internés résistants et politiques ;

8-Les anciens prisonniers de guerre ;

9-Les patriotes résistant à l'occupation des départements du Rhin et de la Moselle, incarcérés en camps spéciaux ;

10-Les réfractaires ;

11- Les patriotes transférés en Allemagne ;

12- Les patriotes réfractaires à l'annexion de fait ;

13-Les victimes civiles de guerre ;

14-Les personnes contraintes au travail en pays ennemi ;

15-Les victimes de la captivité en Algérie ;

16-Les titulaires du titre de reconnaissance de la Nation ;

17-Les prisonniers du Viet-Minh ;

18-Les conjoints ou partenaires survivants de titulaires de la carte du combattant ou de bénéficiaires du présent code.

Au demeurant, les compétences attribuées à l'établissement n'ont cessé d'être diversifiées et complexifiées.

Ainsi, l'action sociale de l'ONAC-VG a été reconfigurée dans le sens d'interventions plus qualitatives. De même, il s'est vu confié la charge de gérer la totalité des allocations de reconnaissance aux rapatriés et à leurs enfants, ce qui peut susciter des traitements complexes.

En bref, il faut pondérer d'une dimension qualitative les indicateurs purement quantitatifs sur la base desquels on pourrait trouver justifié de réduire la voilure de l'établissement.

Il faut d'ailleurs ajouter que ce dernier est prié de contribuer à la politique mémorielle qui tend à se complexifier à mesure des exigences des autorités publiques elles-mêmes et implique souvent d'épouser des réalités locales.

Les voies d'atténuation des impacts de la restructuration de l'ONAC-VG ne sont pas clairement appréciables. Il est question de mutualisation mais jusqu'à présent les suppléments de mission confiés à l'ONAC-VG se sont plutôt traduits par des désengagements des ministères (intérieur, Outre-mer) tandis que l'étiolement des services déconcentrés de l'État ne laisse pas percevoir de grandes opportunités de mutualisation.

Dans ce contexte, l'augmentation de la subvention pour charges de service public prévue pour 2021 est passible d'une appréciation ambivalente : d'un côté, elle témoigne du peu de poids réel des optimisations envisagées, ce qui signe l'irréalisme du nouveau COP, d'un autre côté, elle pourrait être jugée comme représentative d'une inflexion bienvenue. Mais, cette dernière conclusion ne saurait être admise sans sérieuses nuances.

En premier lieu, l'augmentation de la subvention pour charges de service public versée à l'ONAC VG (+10,4 millions d'euros) est assez optique. Un changement de méthode de budgétisation voit une dotation fléchée en provenance du programme 167 de la mission, et destinée à assurer l'entretien courant des sépultures de guerre, est intégrée, pour 2,5 millions d'euros, à la subvention versée à partir du programme 169. Il est exposé que cette intégration permettra davantage de souplesse de gestion. Compte tenu des retards fréquemment constatés dans l'entretien des sépultures de guerre, on doit craindre que les fonds correspondants ne soient utilisés à des fins étrangères à leur destination.

C'est d'autant plus à craindre que les moyens de l'ONAC VG sortiront inférieurs à leur situation d'entrée au terme de la budgétisation pour 2021.

L'an dernier, le projet annuel de performances de la mission avait justifié la forte réduction de la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG (un recul de 12,1 millions d'euros), qui tendait à amputer les ressources attribuées à l'ONAC-VG pour assurer son fonctionnement de plus d'un cinquième, par la « déflation des effectifs dans le cadre d'une démarche de réorganisation impulsée par l'ONAC-VG » .

Le rapporteur spécial avait remarqué qu'en réalité, la réduction de la subvention de fonctionnement allait très au-delà des baisses d'effectifs qui, pour atteindre une réelle ampleur, s'élevait à - 3,7 %.

Il en avait déduit que la trésorerie de l'établissement, déjà engagée par les charges qui lui étaient imputées dans le cadre de la rénovation des sépultures et des hauts lieux de mémoire (pour un montant de plus de 4 millions d'euros, voir supra ), serait ponctionnée afin de couvrir l'impasse de financement de la masse salariale de l'ONAC-VG suscitée par la baisse de la subvention de fonctionnement.

Le projet de budget pour 2020 se traduisait ainsi par de lourds transferts de charges reportées sur la trésorerie de l'ONAC-VG, et le rapporteur spécial jugeait que la débudgétisation ainsi opérée n'était pas soutenable en l'état actuel de la réorganisation de l'ONAC-VG.

De fait, le fonds de roulement de l'ONAC VG serait considérablement sollicité en 2020, à hauteur de près de 23 millions d'euros (plus de 60 % du fonds de roulement constaté en 2019).

En bref, comme annoncé par le rapporteur spécial, l'Office a dû mobiliser sa trésorerie afin de compléter les moindres subventions reçues en 2020 des programmes 167 et 169. Trois domaines sont concernés par cette mobilisation de la trésorerie :

- les dépenses en faveur des sépultures de guerre et lieux de la mémoire (rénovation en particulier) ;

- les dépenses d'intervention concernant les harkis-rapatriés, dans le cadre du fonds pour les enfants de harkis, qui, du fait de l'élargissement des conditions d'accès à l'aide sociale de l'ONAC VG formalisé par le décret n° 2020-513 du 4 mai 2020, ont été révisées en nette hausse, le dispositif devant finalement coûter 5,5 millions d'euros eu lieu des 3,1 millions initialement prévus;

- la subvention pour charges de service public elle-même.

Impact des baisses de dotations 2020 sur la trésorerie et le fonds de roulement
(au 31 juillet 2020)

(en euros)

PLF 2020

Prélèvement prévu sur la trésorerie au PLF 2020

Prélèvement prévu sur la trésorerie au 31/07/2020

SCSP

45 532 659

9 940 000

9 940 000

Actions en faveur des rapatriés

0

3 100 000

5 500 000

Sépultures de guerre et lieux de mémoire

220 000

4 410 000

4 410 000

Total

45 752 659

17 450 000

19 850 000

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La baisse de la subvention pour charges de service public non compensée par une utilisation de la trésorerie, c'est-à-dire correspondant à des réelles économies structurelles, s'est élevée à 2,1 millions d'euros.

Cette baisse correspond à l'économie prévisionnelle du fait de la restructuration :

- masse salariale : - 2,1 millions d'euros ;

- économie de fonctionnement : - 350 000 euros ;

- accompagnement des restructurations : + 300 000 euros.

La budgétisation de la subvention pour charges de service public impliquait ainsi un taux de couverture des dépenses salariales et de fonctionnement par cette subvention particulièrement dégradé.

La dotation prévue pour 2021 ne fait que suspendre partiellement les effets délétères d'un exercice budgétaire 2020 insoutenable.

Évolution du taux de couverture des dépenses courantes de l'ONAC VG par la subvention pour charges de service public

EMPLOIS SOUS PLAFOND LFI

Fonctionnement courant

(en millions d'euros)

SCSP

(en millions d'euros)

Taux de couverture par la SCSP

Plafond autorisé

ETPT réalisés

Masse salariale (millions d'euros)

PLF 2021*

801

-

49

9,5

55,92 24 ( * )

95,6 %

Budget initial 2020

845 25 ( * )

-

49,73

7,19

44,84

78,8 %

Exécuté 2019

878

853,10

51,22

6,44

51,38

89,1%

Exécuté 2018

883

872,77

52,32

6,19

57,42

98,1%

Exécuté 2017

865

848,04

53,58

6,3

55,94

93,4%

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Si l'augmentation de la subvention pour charges de service public comble une partie du déficit de financement spectaculairement creusé en 2020, elle n'équivaut pas à un rattrapage complet. La ponction exercée en 2020 sur le fonds de roulement de l'ONAC VG ne serait pas comblée, le déficit de la subvention pour 2021 par rapport aux charges courantes anticipées rajoutant la perspective d'une nouvelle ponction, il est vrai plus limitée (2,6 millions d'euros).

Ces montages financiers s'inscrivent dans une forme de continuité puisque le fonds de roulement de l'ONAC-VG a été considérablement ponctionné ces dernières années.

Évolution du fonds de roulement de l'ONAC-VG en exécution

(en euros)

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Budget

2015

2016

2017

2018

2019 *

45 151 213

34 483 177

35 271 962

41 263 061

28 260 508

* Estimation budgétaire

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Entre 2015 et 2016, la baisse du fonds de roulement de l'ONAC-VG a été suscitée par les frais liés au transfert des établissements médico-sociaux, transfert dont les conditions ont été largement exposées dans les rapports budgétaires des années précédentes, et qui étaient principalement liés à la remise à niveau du bâti et à l'ajustement de leur trésorerie.

Les évolutions à la hausse du fonds de roulement observées les années suivantes ont tenu davantage à des inscriptions comptables liées notamment à des reprises qu'à des flux réels. Depuis l'exercice 2019 la trésorerie de l'ONAC VG est constamment (même si c'est plus ou moins) sollicitée pour combler des impasses de financement budgétaire.

Cette situation est d'autant moins acceptable que la restructuration en cours crée des besoins, qui, en l'état, ne semblent pas financés.

En toute hypothèse, la contrainte financière exercée sur l'établissement force à une restructuration à marche forcée qui tend à réduire les capacités de l'ONAC-VG à poursuivre ses missions.

Les effectifs de l'ONAC-VG devraient être considérablement réduits à l'avenir.

Ces orientations sont franchement problématiques alors même que les missions attribuées à l'établissement ont été constamment diversifiées et sont accomplies avec quelques difficultés.

Il est également question de recours à l'e-administration. Mais, là encore les potentialités de cette dernière semblent plus vagues que concrètement étayées.

La restructuration de l'ONAC-VG ainsi entamée doit susciter l'inquiétude d'autant que les plans de charge de l'ONAC-VG sont souvent mal anticipés par le ministère.

L'on a mentionné plus haut l'augmentation des charges liées au fond consacré aux soutiens aux enfants de harkis, qui paraît ne pas avoir été anticipée et a encore accru un prélèvement déjà contestable exercé sur les réserves de l'ONAC VG du fait de cette action sociale, par ailleurs si absolument nécessaire qu'on aurait dû la financer sur des ressources nouvelles.

Il faut également renvoyer aux données fournies dans le cadre de la maquette de performance du programme 169, qui ne manquent pas de susciter une certaine perplexité.

Il s'agit du domaine particulièrement important de la gestion des cartes et titres ; l'ONAC-VG assure la chaîne complète de l'instruction des demandes relatives à la reconnaissance, que constituent les demandes de carte du combattant et de titre de reconnaissance de la Nation ainsi que l'ensemble des demandes de statuts. Il est également chargé de la certification, de l'instruction et, in fine de la liquidation de la retraite du combattant et exerce un rôle majeur, par ses unités départementales de guichet unique en matière de pensions militaires d'invalidité (PMI), les demandes en la matière devant leur être adressées. Par-là, les services de l'ONAC sont le contact des ressortissants afin de les renseigner sur l'état d'avancement de leur dossier.

Sur ce point, le rapporteur spécial s'interroge régulièrement sur les sous-performances des indicateurs de gestion mesurant l'efficacité des services de l'ONAC.

Un premier indicateur mesure le nombre de cartes et titres traités par agent. À cet égard, les objectifs peuvent se résumer comme suit : amplifier les économies de moyens provenant de la baisse du nombre des demandes par une augmentation de la charge individuelle de travail. C'est ainsi que les cibles sont constamment revues à la hausse. Pour autant, c'est structurellement qu'elles ne sont pas atteintes. Ainsi, en 2020, l'objectif initial a été revu à la baisse (de 1340 cartes et titres par agent à 1 220).

Il n'est pas certain qu'une nouvelle révision doive intervenir dans le contexte sanitaire actuel.

Face à des déconvenues à peu près structurelles, deux analyses peuvent être avancées, l'une suggérant en même temps qu'un déficit de productivité des agents, une certaine rigidité dans la gestion des ressources humaines ; l'autre faisant valoir une limite « quasi-naturelle » aux progrès de productivité exigés des agents et mal identifiée par les gestionnaires.

Il est évidemment hors de portée du rapporteur spécial de trancher. En revanche, certains aspects qualitatifs méritent considération.

Parmi les voies envisagées pour améliorer la production des services chargés de la délivrance des cartes du combattant figurent, outre un recours accru aux procédures numériques, une centralisation des centres de délivrance des cartes et titres. Il s'agit en particulier de transférer un tiers de l'activité des services départementaux de l'ONAC VG au niveau central, avec la perspective d'une nette réduction des effectifs.

Ce type de restructuration a été conduit à grande échelle par le ministère de l'intérieur, dans le cadre du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), avec un succès inégal. On a pu constater que les redéploiements d'effectifs n'atteignaient pas le niveau anticipé et que la qualité du service rendu aux usagers en sortait, parfois très gravement, détériorée. Un allongement des délais de délivrance des titres sécurisés, des coûts d'administration transférés aux usagers, des difficultés d'accès aux services ont figuré parmi les problèmes rencontrés.

Le rapporteur spécial appelle à ce que ces écueils soient évités.

Le projet annuel de performances pour 2021 n'apporte à cet égard pas de quoi rassurer.

Le second indicateur du dispositif de performance (le délai moyen de traitement des demandes d'obtention de titres et de cartes de combattant) montre qu'en dépit d'une baisse du nombre des cartes et titres traités et alors même que l'indicateur n'inclut pas les dossiers donnant lieu à contentieux, le délai moyen de traitement (140 jours en prévision révisée pour 2020) demeure très long et doit être presque systématiquement revu à la hausse.

Encore ne s'agit-il ici que d'un indicateur moyen, qui doit admettre une dispersion certaine, de sorte que certaines demandes doivent être traitées dans des délais inacceptables.

Le rapporteur spécial a indiqué plus haut que, par certains aspects, la procédure de délivrance des titres mériterait d'être simplifiée. Il n'en reste pas moins nécessaire d'ajouter une certaine perplexité face à la combinaison d'objectifs, qui peuvent être contradictoires, de réduction des effectifs et d'amélioration des services rendus aux anciens combattants.

Le rapporteur spécial exhorte le ministère à mettre tout en oeuvre pour que les délais d'instruction des dossiers soient réduits (un délai de 140 jours étant inacceptable) et que l'accès aux services (les difficultés d'accès avec les délais supplémentaires qu'elles supposent ne sont pas décomptées dans l'indicateur) soit rendu plus fluide. Il convient, en particulier, que les services départementaux, mais également les antennes au maillage territorial plus serré soient suffisamment armés pour, à tout le moins, servir de relais efficaces entre les usagers et les instances de décision.

Aux impératifs que doit respecter l'importante mission de délivrance des titres et cartes, doit être ajoutée, notamment, la considération du rôle de l'établissement dans la gestion de la solidarité plus ponctuelle au bénéfice des anciens combattants, en sus de l'activité sociale conduite par le ministère des Armées lui-même.

La subvention versée par l'État pour couvrir les besoins serait réduite de 3,8 % (de 26 millions d'euros à 25 millions d'euros) dans un contexte de baisse des personnes éligibles.

Cependant, des besoins nouveaux interviennent du faits des suites des engagements de la France, et, en particulier, de la hausse tragique du nombre des pupilles de la Nation, et des actes de terrorisme.

ONAC-VG, OPEX et terrorisme

L'accompagnement des militaires engagés dans les OPEX et des victimes d'actes de terrorisme mérite une attention sans failles.

Les militaires et les civils qui, en exécution des décisions des autorités françaises, ont participé, au sein d'unités françaises, ou alliées, ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France (OPEX), peuvent :

- obtenir la carte du combattant s'ils justifient une durée de quatre mois de services sur l'un ou des théâtre(s) pris en compte par arrêté,

- ou prétendre au titre de reconnaissance de la nation (TRN) s'ils justifient une durée de trois mois de services sur ces mêmes théâtres.

La détention de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation rend éligibles ces « jeunes anciens combattants » aux dispositifs mis en place par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) pour les aider, en cas de difficultés, à se réinsérer dans la vie civile.

En 2019, plus de 421 dossiers (contre 330 dossiers en 2017) d'aide à la reconversion ont été traités, pour un montant d'aides de 526 000 euros, correspondant à une aide unitaire moyenne de 1 249 euros ( 1 666 euros en 2017), qui, de prime abord, se caractérise par sa modicité.

Sur cet aspect de la reconversion, l'ONAC indique avoir lancé un marché public pour la mise en oeuvre d'un accompagnement complémentaire en amont (bilan de compétences, bilan d'orientation) et en aval (proposition d'emploi) permettant aux ressortissants qui n'ont pas pu bénéficier du soutien de l'Agence de reconversion de la défense d'aller jusqu'au terme de la démarche d'accès à l'emploi.

En somme, l'ONAC-VG est appelé à se substituer aux efforts normalement assignés à l'agence de reconversion de la défense et à Pôle Emploi, dont les guichets pourraient être mieux accueillants aux personnes concernées. Ce dispositif reste ainsi à évaluer.

Au-delà du dispositif de reconversion, l'Office propose aux ressortissants de la 4 ème génération du feu des aides pouvant contribuer à couvrir les dépenses liées à l'état de santé et au handicap : subventions pour des frais médicaux, pour l'adaptation du logement, pour l'aménagement du véhicule...

Le nombre et le montant des aides financières ont progressé de près de 45 % au cours de la période 2016-2017, pour atteindre une dépense de 1,3 million d'euros au 31 décembre 2017. Depuis, une nouvelle progression se constate : le nombre et le montant des aides financières ont progressé de plus de 32 % entre 2017 et 2019, pour atteindre une dépense de 1,76 million d'euros au 31 décembre 2019.

Au 31 décembre 2019, le suivi de 274 blessés a été confié à l'Office par les cellules d'aide aux blessés (222 en 2017).

Les services de proximité de l'ONAC-VG accompagnent également de nombreux blessés ressortissants de l'Office, qui ne sont pas nécessairement suivis par les cellules d'aide.

Ils sont aujourd'hui plus de 1 000 à bénéficier ainsi d'un soutien administratif et social (1 151) .

Quant aux victimes d'actes de terrorisme , la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 leur a étendu le bénéfice des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de guerre applicables aux victimes civiles de guerre. Elles ont donc théoriquement la qualité de ressortissants de l'ONAC-VG. Cette qualité leur permet de bénéficier de l'action sociale et de l'assistance administrative mises en oeuvre par les services de proximité de l'Office.

Sont concernées les personnes victimes d'un acte de terrorisme sur le territoire français, quelle que soit leur nationalité, ainsi que les victimes de nationalité française lorsque l'acte de terrorisme intervient à l'étranger.

À ce jour, 4 082 victimes directes d'actes de terrorisme, familles des victimes décédées, victimes blessées et victimes de traumatismes sont prises en charge par l'Office au titre des actes perpétrés de 2015 à 2019 (contre 3600 en 2017 pour la période de 2015 à 2017).

Au coeur de cet accompagnement, se trouve notamment la procédure d'adoption par la Nation des enfants des victimes d'actes de terrorisme tuées ou gravement blessées, ou des enfants victimes directes de ces attentats. Le budget consacré aux pupilles de la Nation a ainsi augmenté de 55% entre 2017 et 2019.

Par ailleurs, un nouvel accompagnement est désormais proposé aux victimes du terrorisme qui souhaiteraient être assistées dans leur démarche de réinsertion professionnelle. Elles peuvent être suivies par des spécialistes qui les conseillent et les orientent vers les secteurs les plus adaptés à leurs compétences.

La présence des services de proximité de l'ONAC-VG au sein des comités locaux d'aide aux victimes d'actes de terrorisme présidés par les préfets est une source d'amélioration de leur accompagnement.

Il importe tout particulièrement de soutenir les efforts fait par l'ONAC-VG pour apporter des réponses à des situations qu'un filet de sécurité consistant en des prestations monétaires ne saurait toutes contenir.

b) L'Institution nationale des Invalides

Le projet de budget témoigne d'une quasi- stabilité de la subvention de fonctionnement versée par la mission à l'Institution nationale des Invalides (INI).

Celle-ci est portée de 12,09 millions d'euros, niveau auquel elle était accrochée depuis 2015 à 12,312 millions d'euros, soit un supplément assez modeste de 223 000 euros.

En revanche, les crédits de paiement pour dépenses d'opérations financières, ouverts à hauteur de 13,7 millions d'euros en 2020, reculent à 3,7 millions d'euros en 2021 (soit un repli très significatif de 10 millions d'euros). Une dotation en fonds propres de 35 millions d'euros en autorisations d'engagement avait été inscrite en 2019 26 ( * ) , accompagnée de 2,7 millions d'euros de crédits de paiement.

Il s'agissait d'accompagner le projet de rénovation de l'établissement.

Au total, sur les 35 millions d'euros ouverts au titre des autorisations d'engagement dans ce cadre, en 2019, seuls 20,1 millions d'euros de crédits de paiement auront été dégagés au cours des années 2019, 2020 et 2021.

La mise en oeuvre du projet médical est dépendante du projet d'infrastructure qui, en raison d'une exécution en site occupé, avec maintien de l'activité hospitalière, prévoit une phase d'exécution des travaux sur une durée de 7 ans.

La consommation des autorisations d'engagement est susceptible de prendre un certain retard comme c'est également le cas pour les paiements correspondants, d'autant plus que le contexte sanitaire est plus que tendu.

Par ailleurs, comme c'est trop souvent le cas, l'estimation initiale du coût du projet immobilier a dû être revue.

Estimé initialement à 51,5 millions d'euros avec pour clef de financement 11,5 millions d'euros financés sur le fonds de roulement de l'INI et 40 millions d'euros 27 ( * ) financés par l'Etat (versés en totalité entre 2017 et 2019) le coût prévisionnel de l'opération de restructuration et de rénovation immobilière a été réévalué dernièrement à 56,2 millions d'euros soit un surcoût de 4,7 millions d'euros. Les modalités de financement de ce surcoût, dont l'impact budgétaire en crédits de paiement se manifestera à compter de 2024, sont actuellement à l'étude.

Compte tenu de la pression programmée sur le fonds de roulement de l'INI, il paraît exclu que ce dernier soit à nouveau sollicité.

Si le fonds de roulement de l'INI ressort comme ayant été relativement préservé ces dernières années, cette situation provient principalement d'un étalement des opérations immobilières et de leur paiement.

Évolution du fonds de roulement de l'INI (2015-2020)

(en millions d'euros)

M€

COFI 2015

COFI 2016

COFI 2017

COFI 2018

COFI 2019

BR1 2020

FDR

21,40

21,27

19,94

20,28

24,08

25,73

Variation N/N-1

ND

-0,13

-1,33

+0,34

+3,80

+1,65

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Par ailleurs, la perspective d'une réduction des ressources propres ne contribue pas à imaginer la reconstitution d'une capacité de financement qui pourrait résoudre l'équation financière résultant de la révision des enjeux du projet immobilier de l'INI.

La subvention pour charges de service public versée par le ministère des Armées représente un peu plus d'un tiers des ressources de l'INI qui est par ailleurs attributaire d'une dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé (11,8 millions d'euros) et s'efforce de développer des ressources propres.

La pandémie en cours a, d'un point de vue financier 28 ( * ) , entamé les recettes propres de l'établissement et alourdi ses charges de fonctionnement, dans des proportions qui, pour être à préciser, ne sont sans doute pas financées par la subvention pour charges de service public telle qu'elle est budgétée.

La pandémie a suscité une perte de recettes d'ores-et-déjà estimée à hauteur de 1,3 million d'euros au regard du nombre de lits fermés, l'impact final étant tributaire de prévisions, incertaines, sur la reprise d'activité complète des services cliniques début septembre 2020. Si le cadencement des dépenses de fonctionnement a pu être flexibilisé, pour certaines dépenses, toutes ne peuvent être sollicitées en ce sens.

Au contraire, la masse salariale ressort augmentée de 0,39 million d'euros. En effet, conformément aux dispositions du décret du 14 mai 2020 29 ( * ) , les personnels concernés ont perçu, en juillet 2020, la prime exceptionnelle dite « COVID ». Si, pour 2021, l'augmentation de la subvention pour charges de service public répond aux besoins, tels qu'estimés à ce jour, de la prime d'attractivité territoriale pour les personnels soignants de la fonction publique hospitalière en Ile-de-France, une éventuelle réitération de la prime dite « COVID » n'est pas financée. Par ailleurs, les suites du Ségur de la santé ne paraissent pas provisionnées. Nul doute qu'il en résultera une difficulté entre le ministère des Armées et le ministère des Affaires sociales.

Ce dernier qui verse une dotation gelée à l'INI devrait être sollicité pour financer des avantages consentis par lui.

Par ailleurs, l'INI a bénéficié, durant la crise sanitaire, du soutien de ses prestataires et fournisseurs et a pris en compte toutes les difficultés réciproques rencontrées ce qui a permis qu'aucune pénalité financière, pour retard de livraison, n'ait été appliquée. La question du maintien de cette orientation peut se poser, ainsi que celle de la responsabilité éventuelle de l'établissement dans l'accomplissement du plan de charges de ses fournisseurs, prestataires et maîtres d'ouvrage.

En bref, la programmation 2021, comme celles des années précédentes, paraît témoigner d'une dynamique de financement courant de l'INI qui, dans le passé, s'est révélée insoutenable comme l'a exposé le rapporteur spécial dans son rapport de contrôle sur l'établissement 31 ( * ) et semble promis à un constat analogue pour l'avenir.

Le rapporteur spécial veut rappeler quelques-unes des observations formulées par lui l'an dernier relativement à la gestion des ressources humaines de l'INI.

Les évolutions en matière de ressources humaines liées au nouveau projet d'établissement 2016-2020 de l'INI décrites dans le contrat d'objectifs et de performance (COP 2017-2021), signé le 27 avril 2017 prévoient que « l'adaptation de ses effectifs à ses missions implique une diminution de 10 % des postes en organisation sur la période du COP, soit un objectif cible à 400 équivalents temps plein (ETP) fin 2021 » .

Le rapporteur spécial s'interroge, à nouveau, sur ces orientations alors même que les patients et pensionnaires accueillis par l'établissement supposent souvent d'être très entourés. L'an dernier, il avait souligné combien, si les taux d'encadrement par les personnels soignants paraissent supérieurs à l'INI à ce qu'ils sont dans des établissements comparables, ces derniers qui assument de plus en plus difficilement leurs missions ne devaient pas être considérés comme susceptibles de servir de référence indépassable.

C'est peu dire que les événements survenus depuis n'ont fait que renforcer la justification que le rapporteur spécial trouvait déjà à son propos dans les faits.

De surcroît, la cible du COP devrait faire l'objet d'une révision afin d'assurer un effectif médical et paramédical suffisant lors de l'ouverture du nouveau service de réhabilitation psychiatrique dont l'ouverture a, hélas, été reportée à l'automne 2022.

Le rapporteur spécial, qui s'interroge sur le principe apparemment adopté d'une exclusivité de la participation des budgets militaires au financement du projet, dès lors que la patientèle de l'INI est principalement civile, restera attentif aux prolongements des impulsions données pour rénover l'INI.

6. De quelques situations à mieux prendre en considération

Les interventions de l'ONAC-VG et de l'INI sont d'autant plus stratégiques que, sans elles, certaines situations ne seraient que peu, voire nullement, prises en compte au titre de l'effort en faveur des anciens combattants.

Il convient notamment de rappeler que les conditions d'âge exigées pour disposer de la retraite du combattant (65 ans ou 62 ans mais sous certaines conditions) peuvent éloigner considérablement l'apparition des besoins de reconnaissance de la reconnaissance effective. Dans ces conditions, l'attribution d'une carte du combattant permet d'accéder à un certain nombre de processus d'accompagnement des anciens combattants, en particulier aux soutiens procurés par l'ONAC-VG.

Celui-ci fait alors office de filet de sécurité, ce qui, à défaut d'être optimal, doit être considéré comme précieux.

Les perspectives ouvertes par la réforme des retraites en cours de définition, qui appellent des clarifications, pourraient être de nature à aviver cette problématique. Les conditions dans lesquelles le bénéfice d'une retraite à jouissance immédiate pourra être maintenu doivent être au plus vite éclaircies.

En outre, il faut rappeler que le ministère a mis en oeuvre en 2018 une revue de certaines de ses interventions et des sollicitations qui lui sont adressées par le monde « anciens combattants ». Il convient de saluer cette initiative. Toutefois, sur les vingt-six sujets abordés, seul un petit nombre d'entre eux a fait l'objet d'une suite favorable.

Le rapporteur spécial insiste pour que des situations mal couvertes, comme celle des forces participant aux opérations de sécurité conduites dans le cadre de la protection des Français contre les actions terroristes (les opérations intérieures- OPINT) ou celle des personnes en charge, ou l'ayant été, de grands invalides de guerre soient mieux prises en compte. Sur ce dernier point, la mesure annoncée (voir supra) pour constituer une avancée, demeure trop partielle.

Le rapporteur spécial s'en est expliqué.

Quant à la situation des rapatriés , s'il faut certes signaler la revalorisation substantielle de l'allocation de reconnaissance versée aux supplétifs de l'armée française en Algérie - une nouvelle revalorisation de 400 euros étant intervenue l'an dernier - il convient d'en souligner l'impact limité sur la situation des bénéficiaires malgré la création d'un dispositif de solidarité pour les enfants de harkis. Au demeurant, ces limites se retrouvent dans la charge budgétaire correspondante.

Les dispositifs actuels en faveur des harkis

Les dispositifs au bénéfice des rapatriés sont les suivants :

- l'allocation de reconnaissance, instituée en 2002, versée aux harkis rapatriés âgés d'au moins soixante ans et qui ont déposé leur dossier avant le 19 décembre 2014, ce dispositif étant à ce jour forclos ; 4 787 harkis et veuves en bénéficiaient en juillet 2020 ;

- l'allocation viagère, créée par l'article 133 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 au profit des conjoints et ex-conjoints mariés survivants de harkis qui ont fixé leur domicile en France ; 1117 veuves d'anciens supplétifs en bénéficiaient en juillet 2020 ;

- les compléments de bourses pour les enfants scolarisés et les étudiants éligibles aux bourses de l'Éducation nationale ; 99 enfants de harkis en ont bénéficié pour l'année scolaire 2019-2020 (121 en 2018-2019) avec un accroissement des boursiers de l'enseignement supérieur ;

- l'aide spécifique aux conjoints survivants, instituée en 1994, destinée aux veuves de plus de 60 ans dont le revenu n'excède pas l'allocation aux vieux travailleurs salariés ; cette aide a bénéficié en 2019 à 35 personnes ;

- l'aide au rachat de trimestres de cotisation retraite pour des enfants de harkis ; aucun bénéficiaire à ce jour, en raison d'une condition d'âge restrictive 32 ( * ) ;

- le dispositif de solidarité 33 ( * ) qui prévoit jusqu'au 31 décembre 2022 (soit 3 ans) un dispositif d'aide en faveur des enfants d'anciens supplétifs ayant séjourné dans les camps et les hameaux de forestage. Le budget prévisionnel annuel de ce dispositif (7,35 millions d'euros en LFI 2019) a été reconduit en 2020 34 ( * ) . Au 31 décembre 2019, 466 dossiers approuvés (contre 161 rejetés) ont généré une dépense de 2 475 701euros ; à la suite de l'élargissement des conditions d'octroi en mai 2020, une tendance à la hausse se dessine : ainsi au 1 er août 2020, ce sont 429 dossiers (contre seulement 52 rejets) qui ont été approuvés pour un montant total de 3 113 691 euros. En 2021 il est prévu une dépense de 7 millions d'euros financée par des crédits budgétaires à hauteur de 4,9 M et un recours à la trésorerie de l'établissement pour 2,1 M.

D'autres dispositifs visent plus particulièrement les rapatriés :

- la sauvegarde du toit familial : le décret du 23 mars 2007 offre aux préfets la possibilité d'accorder des secours exceptionnels aux rapatriés qui n'ont pu bénéficier des précédentes mesures de désendettement et dont la propriété de leur toit familial se trouve menacée par les poursuites de créanciers ;

- le désendettement : le décret n° 99-469 du 4 juin 1999 a mis en place « un dispositif de désendettement au bénéfice des rapatriés qui exerçant une profession non salariée ou ayant cessé leur activité professionnelle ou cédé leur entreprise, rencontrent de graves difficultés financières les rendant incapables de faire face à leur passif » ; ce dispositif est forclos depuis le 31 janvier 2002 ;

- les secours exceptionnels : la loi du 26 décembre 1961 et les articles 41 et 41-1 du décret n° 62-261 du 10 mars 1962 prévoient la mise en oeuvre de secours exceptionnels ; en 2019, 75 personnes en ont bénéficié pour un montant total de 48 138 euros ;

- les cotisations retraites : cette dernière mesure concerne le paiement des retraites complémentaires dues aux anciens salariés du service des eaux d'Oran et des manufactures de tabac en Algérie.

En 2019, 42 associations de rapatriés et de harkis (38 en 2018) ont bénéficié, pour leurs actions sociales et mémorielles, d'une subvention (soit un montant cumulé de 136 970 euros contre 123 780 euros en 2018).

En 2020, les crédits prévus étaient en repli de 4,7 millions d'euros, le ministère recourant une fois de plus à la débudgétisation par prélèvement de la trésorerie de l'ONAC-VG d'une partie du coût des dispositifs correspondants.

En 2021, malgré un accroissement des crédits budgétaires consacrés aux rapatriés de 6,2 millions d'euros résultant d'une débudgétisation partielle des aides en faveur des rapatriés les poids des allocations de reconnaissance demeurant stable, la trésorerie de l'ONAC VG devra à nouveau contribuer à hauteur de 2,1 millions d'euros.

Tant le traitement budgétaire de ces allocations que leur niveau beaucoup trop éloigné de la logique de réparation qui devrait les inspirer ne peuvent être vus avec faveur par le rapporteur spécial.

C. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 158 : UNE STABILITÉ DES CRÉDITS TRADUISANT UNE BUDGÉTISATION AU FIL DE L'EAU QUI NE PEUT RECUEILLIR L'ASSENTIMENT DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le programme 158 porte les indemnisations versées sous forme de rente ou de capital aux victimes de spoliations et de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie perpétrés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il finance également les moyens mis en oeuvre pour instruire les dossiers de spoliations antisémites.

Les indemnisations versées correspondent à trois dispositifs distincts, relativement récents, régis par les différents décrets suivants : n° 99-778 du 10 septembre 1999 sur la réparation des spoliations antisémites et n° 2000-657 du 13 juillet 2000 sur les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes antisémites (action 01 « Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ») et le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 (action 02 « Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale ») qui instaure un dispositif d'indemnisation décalqué du précédent, mais ouvert aux ayants droit de tous les déportés et victimes d'actes de barbarie

Le rapporteur spécial a consacré un rapport d'évaluation et de contrôle aux résultats de l'action de réparation des spoliations antisémites, qui a connu au cours des années 2018 et 2019 une évolution dont le principe doit être salué.

Le projet de budget pour 2020 ne permettait pas d`en envisager la complète concrétisation ; il en va de même du projet de budget pour 2021, même si les crédits sont préservés.

Évolution des dotations du programme 158 entre 2020 et 2021

1. Une stabilisation des crédits

Les crédits prévus pour le programme 158 étaient en repli de 12,4 millions d'euros l'année dernière.

Cette évolution touchait les deux actions du programme mais elle provenait très majoritairement de la baisse des moyens programmés au titre de la première d'entre elles consacrée à l'indemnisation des victimes d'actes antisémites (les orphelins et les victimes de spoliations).

Les indemnisations dues à ce dernier titre étaient particulièrement concernées, ce qui constituait un motif d'inquiétude.

Pour 2021, les dotations demandées sont à peu près stabilisées (93,1  millions d'euros contre 93,5 millions d'euros en 2020), n'inspirant guère d'espoir que les problèmes récurrents touchant la réparation des spoliations antisémites puissent être surmontés.

Données sur la programmation budgétaire
(2019 à 2021)

(en euros)

Note : l'avant-dernière colonne compare en réalité le projet de loi de finances pour 2021 à la loi de finances pour 2019.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les dotations correspondent pour l'essentiel (98 %) à des crédits d'intervention répartis en deux actions dont les moyens restent, pour chacune, à peu près inchangés :

- l'action 01 réunit 41,9 millions d'euros contre 42,5 millions d'euros de crédits en 2020 (45,1 % des dotations du programme). Elle est majoritairement dédiée (34,1 millions d'euros, soit plus de 81 % de ses moyens) aux versements des indemnités dues aux orphelins des victimes de persécutions antisémites. Au total, les crédirentiers bénéficiant de cette catégorie d'interventions seraient au nombre de 4 489 (en baisse de 125 contre 216 l'an dernier, soit -2,7%) pour une rente annuelle de 7 566 euros (630,46 euros par mois). Ces dotations sont complétées par les moyens réservés à la réparation des spoliations commises pendant la Seconde Guerre mondiale aux dépens des juifs. Ils s'élèvent à 7,8 millions d'euros (comme l'an dernier mais contre 16,9 millions d'euros en 2019) dont des crédits de l'ordre de 1,8 million d'euros pour assurer le fonctionnement de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (1,5 million d'euros de crédits de personnel) ;

- de son côté, l'action 02 sert également des arrérages, mais aux orphelins des victimes d'actes de barbarie commis pendant la Seconde Guerre mondiale, dont les droits ont été aménagés en 2004 quelques années après ceux des orphelins des victimes de persécutions antisémites (2000) 35 ( * ) . Elle est dotée de 51 millions d'euros (54,9 % du total) soit approximativement le montant prévu en 2020.

Le calibrage des dotations est, en partie, hypothétique, mais il témoigne également du degré de volontarisme choisi pour accomplir l'oeuvre de réparation.

Si la valeur unitaire de plusieurs indemnisations est aisément prévisible, quand elles sont versées sous forme de rentes, dont les conditions d'indexation sont prédéterminées, il n'en va pas de même pour les indemnisations correspondant aux spoliations antisémites.

Deux variables peuvent en influencer le montant effectif.

Les enjeux de chaque demande sont fortement variables et sont mal anticipés du fait d'un insuffisant travail d'élucidation des dettes à honorer. La présentation de nouvelles demandes à très forts enjeux intervenue ces dernières années vient amplement le confirmer.

En outre, l'existence d'un stock important de dossiers à traiter combinée avec un problème particulier au mécanisme d'indemnisation, longtemps demeuré sans réponse satisfaisante (voir infra ) peut perturber les prévisions budgétaires.

Pour l'ensemble des indemnisations cette fois, joue encore l'incertitude, relative parfois, sur les évolutions de la population des crédirentiers.

2. Des horizons d'indemnisation différenciés selon le dispositif envisagé

Il y a lieu de distinguer les réparations accordées aux orphelins des victimes des persécutions antisémites et d'actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale de celles prévues dans le cadre du dispositif portant sur les spoliations.

a) Les réparations accordées aux orphelins des victimes de persécutions antisémites et d'actes de barbarie méritent une mise à jour légale d'un avantage fiscal au demeurant peu contestable...

À ces deux régimes correspondent des indemnisations suivant un régime identique. Les allocataires disposent d'une option entre le versement d'un capital dont le montant est invariablement de 27 440,82 euros et l'attribution d'une rente mensuelle, qui, quant à elle, est revalorisée.

Son niveau atteint 615,1 euros à partir du 1 er janvier 2020 contre 600,8 euros l'an dernier.

Les modalités de revalorisation des rentes ont été fixées par deux décrets de 2009 au taux de 2,5 % chaque 1 er janvier, soit une modalité de revalorisation déliée de toute considération de nature économique, mais supérieure à la cible d'inflation visée par les autorités monétaires (2 %) et plus encore à l'inflation constatée.

Ces modalités d'indexation impliquent un fort dynamisme - les rentes ont connu une revalorisation de près de 35 % depuis 2009 - qui peut apparaître contestable au vu des évolutions économiques et des contraintes, certes très critiquables, exercées sur d'autres prestations financées par la mission.

Par ailleurs, les crédirentiers bénéficient d'une exonération de l'imposition sur le revenu des indemnités qui leur sont versées.

Même s'il faut affirmer qu'elle correspond en tous points à l'esprit des exonérations que le législateur a entendu réserver à des indemnités analogues, cette exonération manque de base légale, situation que le rapporteur spécial recommande de corriger chaque année, en vain.

b) ..et appellent une actualisation du dispositif prévu pour les orphelins de victimes d'actes de barbarie...

La direction des missions de l'ONAC-VG, chargée d'instruire les demandes reçues au titre du décret du 27 juillet 2004, continue d'enregistrer à ce titre un nombre significatif de nouvelles demandes : en 2018, 139 nouvelles demandes ont été enregistrées ; au 31 juillet 2019, la direction des missions a comptabilisé 40 nouvelles demandes. Quant aux orphelins de victimes d'actes de persécution antisémite, les demandes nouvelles sont en faible nombre : 11 nouvelles demandes en 2018 et 3 nouvelles demandes en 2019 (juillet de l'année).

Le rapporteur spécial estime que le dispositif d'indemnisation des orphelins de victimes d'actes de barbarie pourrait être étendu, les dispositions du décret ouvrant les droits correspondants en excluant des populations qui pourraient être assimilées. Il relève au demeurant que la réponse à son questionnaire semble le concéder, en creux.

Ainsi y est-il indiqué que, « conformément à l'esprit du décret du 27 juillet 2004, et malgré le sentiment d'iniquité que pouvait susciter une telle position , sont exclus tous ceux qui avaient choisi le combat dans les rangs de l'armée régulière comme dans les rangs de la Résistance. De la même manière, n'a pu être envisagée l'indemnisation des orphelins de victimes civiles qui ont trouvé la mort lors des affrontements armés entre Allemands et Alliés ou lors de bombardements » .

c) ... tout en présentant des difficultés sensibles d'administration

L'instruction des dossiers d'indemnisation est réalisée par le département Reconnaissance et réparations de la direction des missions de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG) pour les dossiers d'indemnisation des orphelins.

Conformément aux dispositions réglementaires, les décisions accordant les mesures de réparation financière sont prises par le Premier ministre, le paiement des indemnisations étant effectué par l'ONAC-VG. Dans ce cadre, le versement des crédits à l'ONAC-VG est assuré par les services du Premier ministre en vertu des trois décrets instituant les indemnisations et d'une convention-cadre entre les différents organismes.

Selon les informations disponibles, le nombre des demandes reçues dans le cadre de ces deux dispositifs a été inégal, le dispositif le plus récent (orphelins de victimes d'acte de barbarie) ayant suscité 34 384 demandes depuis 2004 quand celui réservé aux victimes d'actes antisémites a engendré 17 660 demandes au 1 er juillet 2020.

Le taux de réponse aux demandes transmises apparaît au premier regard comme peu satisfaisant, les services instructeurs ayant été quelque peu débordés, tout particulièrement les premières années, par le flux des dossiers reçus.

Pour les demandes formulées dans le cadre du dispositif de 2004, le taux de décision apparaît encore insuffisant même s'il a augmenté pour se situer à 78,8 %. Il est vrai que dans le contingent des non-réponses figurent les dossiers classés sans suite. En ce qui concerne les orphelins de persécutions antisémites, le taux de réponse est un peu supérieur (81,2 %).

Les taux de satisfaction sont également différents.

Dans le dernier cas mentionné (actes de barbarie), le taux de décision favorable atteindrait 66,2 % tandis qu'il ne serait que de 77,3 % pour les orphelins de victimes d'actes antisémites.

Le taux de conflictualité des décisions administratives n'est pas négligeable.

En ce qui concerne l'indemnisation des orphelins des victimes d'actes de barbarie, 1 037 recours ont été formés :

- 492 recours déposés par des personnes qui perçoivent l'aide financière prévue par le décret de 2004 mais qui ont demandé à bénéficier de la revalorisation du capital obtenu ou de la rétroactivité de la rente obtenue, à compter du 1 er août 2000, date à partir de laquelle les orphelins de victimes de l'antisémitisme ont été admis à l'indemnisation. Aucun des 492 recours déposés n'a prospéré, pour des raisons juridiquement fondées, mais difficiles à approuver en équité ;

- 545 recours déposés contre des décisions explicites ou implicites de rejet, contre 528 un an plus tôt, ce qui démontre une certaine aspérité contentieuse au vu d'un nombre de nouvelles demandes relativement faible (82 de janvier 2019 à fin juin 2020). Sur les 545 recours déposés, 476 ont été rejetés, 41 sont en cours et 28 décisions d'annulation ont été prononcées dans ces dossiers où le risque contentieux est plus élevé dès lors qu'il s'agit d'interpréter les conditions dans lesquelles un décès est survenu, plus de soixante-dix ans après les faits.

Au total, le nombre des bénéficiaires varie selon le dispositif envisagé 36 ( * ) . Les victimes de persécutions antisémites qui ont été indemnisées ont été au nombre de 13 651 (chiffre qui demanderait une évaluation du dispositif au regard de l'histoire). Moyennant quelques marges, le coût du dispositif pourrait avoir été jusqu'à présent de l'ordre de 887 millions d'euros.

Pour les victimes d'actes de barbarie, le nombre des crédirentiers a été nettement supérieur (22 773) pour un coût qui avoisine 1 131 millions d'euros.

Le coût moyen cumulé par bénéficiaire ressort ainsi supérieur pour le dispositif de réparation accordé aux orphelins de victimes d'actes antisémites du fait d'une ancienneté plus grande que vient tempérer la forte baisse du nombre des crédirentiers.

Ils ne sont plus que 4 489 contre un nombre de 6 652 au titre de l'indemnisation accordée aux orphelins de parents victimes d'acte barbarie.

d) Les indemnisations pour spoliations, un horizon beaucoup plus incertain anticipé a minima

Les réparations accordées aux victimes de spoliations antisémites présentent un enjeu financier difficile à établir.

Les crédits ouverts en 2019 (15 millions d'euros au titre des indemnités) avaient été nettement supérieurs à ceux de l'exercice précédent dernier. Pour 2020, un reflux considérable avait été programmé (6 millions d'euros seulement) ; il est confirmé en 2021.

La crédibilité de cette prévision n'est pas en cause, mais la dimension indemnitaire, qui n'est pas sans susciter des interrogations sur les estimations des préjudices pratiquées par la CIVS, est loin d'épuiser le problème du bilan actuel et prévisible de la réparation des spoliations antisémites, auquel le rapporteur spécial a consacré un rapport d'information publié en juin 2018 37 ( * ) .

Le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 modifié a institué auprès du Premier ministre la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées ».

Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l'État français ou, en application des accords de Washington passés entre le gouvernement des États-Unis et celui de la France, le 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu'il s'agit d'indemniser des avoirs bancaires spoliés.

Depuis octobre 2000, début de la campagne d'indemnisation, et jusqu'au 30 juin 2020, 24 336 dossiers ont été transmis aux services du Premier ministre, 22 384 dossiers présentent une indemnisation mise à la charge de l'État français 38 ( * ) (22 326 l'an dernier) et 1 953 dossiers portent rejet ou désistement.

Au 30 juin 2020, 22 364 demandes (22 262 au dernier pointage) ont été traitées par le Premier ministre et concernent, compte tenu des partages successoraux, 49 178 bénéficiaires (48 947 l'an dernier), qui perçoivent des indemnités, uniquement sous la forme d'un capital, pour un coût total de 500 millions d'euros.

Bilan de la procédure « indemnisations des spoliations antisémites »
au 30 juin 2020

Année

Nombre de recommandations traitées

Nombre de
bénéficiaires indemnisés

Coût complet

en M€

2000/2001

726

1 576

13,65

2002

1 883

4 353

35,73

2003

2 117

4 719

53,38

2004

1 970

4 465

46,21

2005

2 381

5 290

44,04

2006

2 560

5 345

66,23

2007

2 712

5 565

59,34

2008

1 872

4 119

51,26

2009

1 318

3 090

27,59

2010

939

2 104

14,65

2011

927

1 998

17,22

2012

974

2 119

11,70

2013

470

972

7,79

2014

333

728

7,61

2015

352

847

7,55

2016

231

512

4,79

2017

205

417

4,80

2018

184

443

8,21

2019

164

413

17,03

Du 01/01 au 30/06/2020

46

103

1,51

Total au 30/06/2020

22 364

49 178

500,29

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

De nouvelles requêtes sont enregistrées chaque année : 129 dossiers en 2018 dont 95 dossiers matériels et 34 dossiers bancaires ; 126 demandes en 2019, dont 64 dossiers matériels, 31 bancaires et 31 demandes de biens culturels spoliés. Pour l'année 2020 une centaine de nouvelles demandes est attendue correspondant principalement à des spoliations matérielles et d'objets culturels.

La prévision des besoins pour 2021, de 6 millions d'euros, s'appuie sur un coût moyen par nouveau dossier accepté de 20 000 euros. Ce coût moyen prévisionnel est calculé sur l'ensemble des indemnités allouées en dix-sept années de campagne, ainsi que sur les coûts prévisionnels des dossiers à fort enjeu financier dont l'instruction est susceptible d'arriver à terme en 2021.

Il existe évidemment des incertitudes qui tiennent à l'ampleur de la dette de réparation non assumée et à l'éventualité que des demandes à très forts enjeux soient accueillies. Il convient de ne pas négliger, par ailleurs, certains risques juridiques précisément envisagés dans le rapport plus haut mentionné.

Au demeurant, la réponse adressée au questionnaire du rapporteur spécial mentionne que « les missions élargies de la CIVS, telles que définies par le décret n° 2018-829 du 1 er octobre 2018 (voir infra ), et relatives à l'instruction des demandes de restitution des biens culturels spoliés du fait du national-socialisme 39 ( * ) , ainsi que sa compétence nouvelle d'auto-saisine en la matière, pourraient amener à un accroissement du nombre de demandes » .

Cette anticipation, logique compte tenu de la masse considérable des objets culturels spoliés pendant la Seconde guerre mondiale et des conditions particulièrement désastreuses dans lesquelles les restitutions ont été effectuées après la Libération (voir le rapport du rapporteur spécial mentionné plus haut), ne reçoit pas de prolongements dans la programmation budgétaire pour 2021.

Il faut s'en inquiéter et d'ores et déjà se pose la question de l'efficacité de la réponse mise en place à compter de 2018 pour répondre au devoir de pleine réparation.

Le rapporteur spécial renvoie, pour l'essentiel, aux quarante observations et trente recommandations du rapport précité pour apprécier les enjeux et les confronter aux décisions budgétaires qui fondent la programmation 2021.

Quelques rappels s'imposent.

Un temps menacée dans son existence même, la CIVS a été prolongée. Le décret n° 2018-829 du 1 er octobre 2018 l'a dotée d'une mission plus étendue, qui tient compte de la nécessaire proactivité dans la recherche de réparation de la dette rémanente.

Les conditions pratiques de cette extension de responsabilité ont été précisées en 2019.

Le décret n° 2018-829 du 1 er octobre 2018 (modifiant le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999) se veut traduire la volonté de la France de renforcer son organisation pour la restitution des biens culturels spoliés du fait du national-socialisme.

Dans cette nouvelle configuration, une procédure spécifique de recherche des propriétaires ou de leurs héritiers est mise en place en vue de restituer, ou à défaut d'indemniser, les biens culturels ayant été spoliés pendant l'Occupation, notamment ceux conservés par les institutions publiques.

Les articles 1-1 et 1-2 du décret n° 99-778 modifié par le décret n° 2018-829 confient à la CIVS le soin de formuler des recommandations au Premier ministre après instruction des demandes par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945, créée au sein du ministère de la culture (décret n° 2019-328 et arrêté du 16 avril 2019).

L'article 3-1 du décret n° 99-778 modifié par le décret n° 2018-829 prévoit que, lorsque la Commission statue en application des articles 1-1 à 1-3, elle comprend, outre les dix membres du Collège délibérant, quatre personnalités qualifiées respectivement dans les domaines de l'histoire de l'art, du marché de l'art, de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale, et du droit du patrimoine.

L'arrêté du 16 avril 2019 détaille les attributions de la nouvelle Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 qui est rattachée au secrétariat général du ministère de la culture.

Il lui délègue l'instruction des cas de spoliations de biens culturels mentionnés à l'article 1-1 du décret instituant la CIVS, dans les conditions fixées à l'article 1-2 de ce décret : « Dans ce cadre, elle assure, en lien avec la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation, la recherche des propriétaires de ces biens et de leurs héritiers ».

Le dispositif issu de ces textes instaure par principe les étapes suivantes :

a) ouverture d'un dossier par la CIVS sur auto-saisine, ou sur saisine d'un requérant ou à la demande de toute personne concernée, soit auprès de la CIVS, soit par l'intermédiaire de la Mission ;

b) instruction du cas de spoliation par la Mission ;

c) proposition de restitution ou d'indemnisation par les membres du Collège délibérant de la CIVS, siégeant en commission élargie aux quatre nouvelles personnalités qualifiées ;

d) décision de restitution ou d'indemnisation par le Premier ministre.

Le 1 er juillet 2019, le Président de la CIVS et le chef de la Mission ont signé une convention de service qui précise le fonctionnement né de cette nouvelle organisation et, en particulier, les relations entre les deux services.

Le rapporteur spécial relève que la nouvelle mission n'a semble-t-il pas établi de rapport d'activité tandis que le dernier rapport d'activité disponible quant à la CIVS porte sur l'année 2018. Il est donc difficile d'apprécier le fonctionnement du nouveau dispositif.

D'ores et déjà, l'articulation entre la CIVS et la mission lui paraît poser problème dans le contexte d'une réduction des moyens de la CIVS, qui subissent une ponction continue en plein décalage avec l'extension de ses missions.

Le plafond d'emplois autorisé pour la CIVS en 2018 s'élevait à 23 ETPT 40 ( * ) . Il se décomposait en 10 emplois de catégorie A, 4 emplois de catégorie B, 5 emplois de catégorie C et 4 emplois d'agents contractuels.

Au 31 décembre 2018, ce plafond a été consommé à hauteur de 24 ETPT compte tenu du décalage dans le temps de certains départs. Il se décompose comme suit : 9 ETPT en catégorie A ; 4 ETPT en catégorie B ; 4 ETPT en catégorie C ; 7 ETPT pour des agents contractuels.

Un schéma d'emplois de -7 ETP a été arbitré pour 2019 faisant passer le plafond autorisé à 19 ETPT en 2019 et à 16 ETPT en 2020. Ce dernier plafond d'emplois est maintenu en 2021.

L'impact de cet héritage ainsi que de l'absence de nouveaux moyens tend à être relativisé par la mention de l'affectation de sept emplois à la mission placée auprès du ministère de la culture. En réalité, il y aurait six emplois rattachés à cette entité qui disposerait encore d'un budget de 200 000 euros destinés à rémunérer des recherches de provenance conduites par des experts extérieurs.

Dans ces conditions, il faut se féliciter que des établissements publics aient décidé de consacrer des moyens spécifiques à la recherche de provenance. Tel est le cas, en particulier, du musée du Louvre, qui doit être encouragé dans cette initiative. Il serait utile que d'autres grands musées de région s'engagent plus systématiquement dans cette voie.

À l'occasion de son évaluation, le rapporteur spécial avait pu s'entretenir avec des agents de ce ministère se disant en charge, même partiellement, de la réparation des spoliations. Il faudra donc vérifier que l'effort cité se traduira par un renforcement réel des moyens. Il faut, à cet égard, rappeler que la période en cause est très large puisque c'est à juste titre qu'on envisage les spoliations commises dès 1933. Compte tenu de l'ampleur du problème, les 200 000 euros prévus pour faire appel à des chercheurs extérieurs et prolonger la mission de la nouvelle structure en région apparaissent totalement hors de proportion.

La réunion de moyens suffisants paraît seule de nature à améliorer le bilan des restitutions, qui en dépit de succès appréciables, demeure très insuffisant.

On relève toutefois un certain élan vers davantage de restitutions du moins pour des oeuvres classées dans la catégorie MNR (oeuvres récupérées après la Libération et confiées à la garde des musées nationaux).

Bilan des restitutions sur recommandation de la CIVS depuis 2013

En mars 2013 :

Abraham et les trois anges de Sebastiano Ricci (MNR 315) ;

Le portrait de Bartoloméo Ferracina , ou portrait d'un architecte , d'Alessandro Longhi (MNR 89) ;

Le Saint François de Paule représenté dans une niche (MNR 945) ;

L'Allégorie de Venise de Gaspare Diziani, également attribué à Tiepolo, école vénitienne du 18 ème Siècle (MNR 368) ;

L'apothéose de Saint Jean Népomucène de François-Charles Palko, également attribué à Johan Christian Winck (MNR 677) ;

Le miracle de Saint Eloi de Gaetano Gandolfi (MNR 796).

En janvier 2015 :

Portrait de Jacopo Foscarini de G. Moroni (MNR 801).

En février 2017 :

Tapisserie : Une soumission, Tenture de l'histoire d'Alexandre, Entrée sous le titre : Tenture de l'histoire des Consuls romains, BB et F.V.H. ; Atelier de Franz Van den Hecke (OAR 45) ;

Tapisserie : Diogène dans son tonneau, Entrée sous le titre : Diogène assis dans un tonneau reçoit la visite d'Alexandre, BB et F.V.H. ; Atelier de Franz Van den Hecke ( OAR 474).

Le Louvre vu du Pont Neuf de Pissaro, tableau restitué par la Taskforce Gurlitt.

En 2018 :

La vallée de la Stour de John Constable, tableau conservé auparavant par le Musée de la Chaux-de-Fonds (Suisse) ;

Chaise (OAR 545) ;

D'autres restitutions concernant des oeuvres qui ne sont pas répertoriées dans les MNR et pour lesquelles les ayants droit ont ouvert un dossier à la CIVS sont intervenues.

Actuellement :

Carrefour à Sannois, de Maurice Utrillo, conservé par le Musée Utrillo-Valadon de Sannois .

La CIVS a recommandé la restitution du tableau le 16 février 2018.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Depuis 2019, 2 restitutions concernant 11 oeuvres ont été effectuées en 2019 et 1 restitution portant sur 19 oeuvres MNR lato sensu pour 2020.

Selon la réponse au questionnaire du rapporteur spécial, 9 nouvelles oeuvres devraient être restituées prochainement en 200, dont 8 MNR tandis que pour 2021 une douzaine d'autres oeuvres pourraient être restituées aux ayants droit de cinq propriétaire spoliés.

On remarque que les restitutions portent essentiellement sur des oeuvres MNR, dont tant les conditions d'identification que celles concernant la restitution sont les plus propices à des restitutions.

Manifestement, dans un domaine d'une très grande complexité, il est nettement plus ardu d'avancer sur des oeuvres autres que relevant de la simple garde des musées nationaux. Il en va ainsi pour les oeuvres entrées dans les collections nationales françaises et encore plus étrangères ou pour les oeuvres sous propriété privée.

Il reste qu'il s'agit là du vivier le plus significatif des oeuvres spoliées, vivier que les faibles moyens réunis ne permettent pas de sonder avec une totale efficacité.

Quant aux indemnités, le tableau ci-dessous qui recense les indemnisations recommandées en 2018 et 2019 au titre des objets d'art spoliés traduit leur grande variabilité.

Si, en moyenne, le chef de préjudice « OEuvres d'art » dans un dossier est indemnisé à hauteur de 162 419 euros, il existe des dossiers pour lesquels les indemnisations recommandées par le collège délibérant de la CIVS sont bien en dessous ou à l'inverse bien plus importantes.

Bilan des dix premières recommandations d'indemnisation de la CIVS au titre des objets d'art et de culture en 2018 et 2019

Date de la présentation du dossier lors d'une séance restreinte ou plénière

Indemnisation recommandée par le Collège délibérant

Types de biens culturels concernés

22/06/2018

1 000 euros

Divers biens culturels mobiliers

29/03/2018

2 260 euros

Divers biens culturels mobiliers

15/03/2018

2 400 euros

Instrument de musique

18/01/2019

164 000 euros

Divers biens culturels mobiliers

05/07/2019

180 900 euros

Tableaux

23/03/2018

377 000 euros

Divers biens culturels mobiliers

01/06/2018

400 000 euros

Divers biens culturels mobiliers

09/03/2018

656 112 euros

Divers biens culturels mobiliers

12/04/2019

925 550 euros

Divers biens culturels mobiliers

16/11/2018

12 276 000 euros

Divers biens culturels mobiliers

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il faut encore envisager le stock de demandes à traiter et la question des parts réservées .

Le stock de demandes à traiter, longtemps resté stable, a entamé une réduction, dont il faut se féliciter, en 2019.

Au 31/12/2017

Au 31/12/2018

Au 31/12/2019

Stock

537

540

435

Nombre de dossiers enregistrés (cumul)

29 457

29 586

29 711

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Quant aux parts réservées , nées des difficultés rencontrées dans l'instruction des demandes d'indemnisation des spoliations antisémites, leur estimation est fluctuante.

Le problème se présente lorsque la commission, constatant l'existence d'une pluralité d'ayants-droit, mais sans pour autant avoir pu les identifier avec précision, est conduite à diviser la réparation qu'elle accorde en réservant les parts de ceux des ayants-droit concernés par son ignorance. Cette dernière peut conduire à minorer excessivement les indemnités accordées aux spoliés identifiés ou à retarder l'identification de personnes spoliées. Dans les deux cas, une dette non acquittée doit être constatée.

La Cour des comptes dans un rapport de septembre 2011 avait relevé que sur les 30 000 dossiers examinés alors par la CIVS, une recommandation sur deux comportait des parts ainsi réservées, sans qu'un suivi attentif de ces parts ne soit mis en oeuvre. Cette négligence a accru l'acuité d'un problème, qui, plus tôt considéré, aurait été plus facile à résoudre, ne serait-ce que par la complexification inévitable des chaînes successorales au fil du temps. Elle a conduit à ne pas donner tous leurs prolongements pratiques aux recommandations de la CIVS et, ainsi, à priver de leur portée des attributions de réparation prononcées par la commission au bénéfice de victimes.

Une première estimation les avait chiffrées à 100 millions d'euros, mais, après un audit plus systématique, impliquant la réouverture de 18 000 dossiers d'indemnisation de préjudices matériels, leur montant a été ramené à quelque 27 millions d'euros.

L'écart entre les deux estimations aurait mérité davantage d'informations, et le degré de vraisemblance de la nouvelle estimation fondée sur les seuls dossiers de spoliations matérielles aurait mérité plus de justifications. Au demeurant, à la suite de nouvelles recherches portant sur les dossiers les plus importants, de nouvelles parts réservées ont été constituées.

En toute hypothèse, le montant des parts réservées demeure considérable et il doit être déduit des évaluations rendant compte de l'activité d'indemnisation de la commission. Surtout, il apparaît nécessaire de trouver une issue à la difficulté ainsi constatée puisque si une légère décrue est intervenue depuis, le montant des parts réservées étant passé de 27,5 millions d'euros à la fin de l'année 2016 à 26,3 millions d'euros au 31 décembre 2017, la dette correspondante reste élevée. Elle correspond à des réductions sourdes qui affectent les indemnisations dues aux spoliés.

Outre le travail toujours en cours de mise à jour des parts réservées, qui pourrait aboutir à une augmentation des engagements financiers de l'État et à devoir résoudre des problèmes de partage négligés dans le cadre de certaines indemnisations, la CIVS a conclu avec le Cercle des généalogistes juifs une convention visant à identifier les bénéficiaires potentiels de ses recommandations. Par ailleurs, un mécénat de compétence a été mis en oeuvre par le ministère de la culture avec des experts de la généalogie, formule qui permet au ministère d'épargner ses dotations et aux parties compétentes de réduire leur imposition.

Ces solutions, d'attente, appelaient des compléments de moyens que le projet de budget pour 2019 ne programmait pas. Il n'en est plus question dans les informations transmises au rapporteur spécial.

Peut-être faut-il y voir l'une des raisons pour lesquelles la levée des parts réservées n'est pas telle que la dette de réparation constatée soit acquittée comme il faudrait.

« Au 31 décembre 2019, 4 687 recommandations de levée de parts ont été émises, dont 859 se rapportent à des dossiers bancaires. Le montant total des parts en attente de versement s'élevait à cette date à 25 435 990 euros (1 694 486 euros sur fonds bancaires) » .

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 54

Revalorisation du seuil à partir duquel est ouvert l'octroi d'une allocation pour conjoints survivants de très grands invalides

Le présent article vise à réduire l'écart entre le montant de la pension militaire d'invalidité versée à l'ayant droit et celui de la pension reversée à certains ayants cause.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

Le chapitre premier du titre IV du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) détermine les droits des ayants cause des titulaires d'une pension militaire d'invalidité

Sa section 2 traite de la détermination des taux et des montants des pensions de droit dérivé 41 ( * ) .

En son sein, l'article L.141-16 du CPMIVG arrête les taux de réversion des pensions des conjoints et partenaires survivants. Ils diffèrent selon le taux d'invalidité du titulaire du droit direct (entre la moitié -dit « taux normal » - et 33 % - taux dit « taux simple » - d'une pension allouée à un invalide pensionné au taux de 100 % bénéficiant d'allocations spéciales dont le bénéfice est ouvert à raison de situations particulièrement graves d'invalidité).

La détermination du taux du droit dérivé principal se réfère ainsi à un indice, celui de la pension militaire d'invalidité du détenteur du droit principal. Dans le présent rapport, le rapporteur spécial a exposé l'extrême complexité que suit la détermination de la pension militaire d'invalidité, produit d'un barème qui aboutit à des situations indiciaires très variées. Toute une gamme de handicaps sont considérés et plus l'ancien combattant cumule de handicaps plus lui est attribuée une pension fondée sur un indice élevé.

Quant à eux, les articles L. 141-18 et L. 141-21, que le présent article a pour objet de modifier, prévoient pour les conjoints et partenaires survivants de titulaires de pensions d'invalidité réunissant certaines caractéristiques la possibilité de percevoir un complément de pension de réversion.

Au vrai, l'article L. 141-18 énumère les compléments de pension accessibles, dont les conditions de liquidation sont ensuite déterminées par les articles subséquents, avec d'ailleurs une précision variable.

Parmi les régimes complémentaires figure au 4° de l'article L. 141-18 une majoration versée lorsque l'invalide était détenteur d'une pension attribuée dont l'indice, défini à l'article L. 125-2 du CPMIVG, est d'au moins 10 000 points, soit une situation de très grand handicap, qui concerne peu de pensionnés.

L'article L. 141-21 se contente de reprendre cette disposition, y ajoutant toutefois que la pension assortie du supplément social en application de l'article L. 141-19 est majorée dans les mêmes conditions.

Ces conditions sont fixées par décret. C'est ainsi que l'article D141-8 du CPMIVG attribue 360 points d'indice supplémentaires en guise de majoration aux personnes ainsi éligibles.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article soumis au vote du Sénat consiste à abaisser le seuil de la pension principale qui conditionne l'éligibilité à la majoration.

Il passerait de 10 000 points d'indice à 6 000 points d'indice.

Ainsi, les conjoints et partenaires survivants d'un pensionné titulaire d'une pension calculée sur un indice inférieur à 10 000 points mais égale ou supérieure à 6 000 points pourraient accéder à la majoration fixée par l'article D141-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

Les conditions de détermination de la pension de droit direct et de la pension de droit dérivé ne sont pas homogènes, la seconde étant calculée sur une base forfaitaire, qui peut aboutir à une référence plus ou moins éloignée de la pension versée à l'ayant droit.

C'est, en particulier, le cas lorsque la pension de droit direct correspondait à des invalidités profondes.

Le Sénat a, de longue date, considéré que la situation des conjoints survivants des grands invalides de guerre n'était pas satisfaisante, malgré les mesures ponctuelles adoptées par le Parlement depuis 2010.

La majoration prévue à l'article L. 141-21 du CPMIVG avait été créée par l'article 147 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, afin de résoudre ce problème. La condition alors posée était que la pension principale soit égale ou supérieure à 12 000 points d'indice. Cette condition avait été assouplie par l'article 117 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 qui avait abaissé le seuil d'ouverture de la majoration à 10 000 points d'indice.

Mais, force est de constater que la majoration prévue à l'article L.141-21 du CPMIVG profite à peu de successeurs. Au 31 décembre 2019 seuls 70 conjoints ou partenaires survivants, de militaires ou de victimes civiles de guerre pouvaient en bénéficier.

Dans ces conditions, les survivants de très grands invalides se retrouvent dans une grande précarité au décès du pensionné dont ils ont, dans la plupart des cas, pris soin pendant plusieurs années, en raison du caractère forfaitaire de leur pension de réversion , qui conduit à fixer une valeur à leur droit indépendante de celle de la pension d'invalidité perçue par le titulaire du droit principal.

La mesure proposée, en procédant à un nouvel abaissement du seuil indiciaire de la pension principale donnant droit à la majoration, va dans le bon sens . Elle devrait profiter à un peu moins de 197 personnes qui verraient leur « réversion » majorée de 360 points d'indice de PMI, soit 5 248 euros par an.

Le dispositif coûterait 1 million d'euros en année pleine. La portée du dispositif reste limitée. D'autres moyens d'améliorer la situation des conjoints et partenaires survivants pourraient être envisagés, comme, par exemple, l'instauration d'un barème de réversion plus continu et progressif selon la situation de handicap de l'invalide.

Les règles de notre constitution financière ne permettent pas d'aller en ce sens.

C'est pourquoi, tout en demandant qu'une simplification des droits principaux et « dérivés » ouverts aux anciens combattants invalides puisse être mise à l'étude le rapporteur spécial vous propose l'adoption de cet article sans modification .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 octobre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et article 54).

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons le rapport spécial sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi que l'article 54 rattaché.

M. Marc Laménie , rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » . - C'est un honneur de commencer notre saison budgétaire par cette mission.

L'an dernier, cette mission présentait bien des raisons de s'inquiéter ; cette année, la programmation budgétaire est moins décevante, sans offrir cependant beaucoup de motifs de satisfaction. La mission regroupe trois programmes avec des enjeux financiers très inégaux.

Le programme 167 est consacré au financement de la Journée défense et citoyenneté (JDC) et des actions de mémoire, pour 38,8 millions d'euros - l'augmentation de 32 % est largement optique.

Le programme 158 finance les indemnités accordées aux victimes d'actes de barbarie et de persécution commis pendant l'Occupation, pour un montant stable de 93,1 millions d'euros.

Le programme 169 regroupe la majeure partie des crédits - un peu moins de 2 milliards d'euros - pour financer les témoignages de reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants. La baisse des dotations atteint 3,9 %.

Au total, la mission réduit ses crédits de 70 millions d'euros, après un recul de 142 millions d'euros l'an dernier.

La mission étant principalement destinée à financer des allocations de reconnaissance, elle a été assez peu touchée par la catastrophe sanitaire. Néanmoins, dans ses volets plus opérationnels que sont l'organisation des commémorations, de la JDC, l'accomplissement des missions de l'Institution nationale des Invalides (INI), ou de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC-VG), il y a eu des perturbations. Des décisions ont été prises pour s'adapter à la situation.

La volonté de reprendre à toute force la JDC pourrait être discutée puisque son format, déjà très léger, a encore été réduit, de sorte que les moyens consacrés à ce rendez-vous, qui demeure important, auraient sans doute transitoirement été mieux employés ailleurs.

Ensuite, les procédures d'attribution de la carte du combattant et de révision des pensions militaires d'invalidité ont été gênées et je souhaite que cela ne conduise pas à affecter les droits des personnes appelées à bénéficier des compensations correspondantes. C'est aussi l'occasion de réfléchir à une simplification de procédures qui sont très lourdes et qui entraînent des délais administratifs trop longs.

Enfin, l'INI, qui est à la fois une sorte d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et d'hôpital, a été touché par les mesures de confinement ; il a apparemment anticipé sur les annonces de l'exécutif, et, d'après les informations transmises, il semble avoir échappé aux problèmes de pénurie de certains matériels de protection, grâce à des réserves de l'agence régionale de santé d'Île-de-France.

La situation financière des principaux opérateurs de la mission est extrêmement tendue. J'avais relevé l'an passé la ponction considérable opérée sur le fonds de roulement de l'ONAC-VG, qui a constitué une vaste débudgétisation. Même si, faute de réserves, son ampleur est inférieure dans le budget de 2021, ce qui d'ailleurs explique en partie que la baisse des crédits de la mission soit moindre que l'an dernier, une nouvelle ponction est prévue en 2021. Se pose la question de la capacité de l'ONAC-VG à exercer des missions de proximité dans un contexte marqué par un contrat d'objectif et de performances conclu avant la catastrophe sanitaire. Pour l'INI, il est à craindre que la programmation budgétaire ne soit inadaptée à ses contraintes financières ; l'Institution a perdu des recettes propres du fait de la crise et la budgétisation de sa subvention ne semble pas intégrer les résultats du Ségur de la santé. Comme son fonds de roulement doit être sollicité pour boucler son programme immobilier, il y aura besoin de rallonges, peut-être dans un quatrième projet de loi de finances rectificative.

D'une manière générale, ce budget permet de financer les principaux soutiens aux anciens combattants, mais, n'améliorant que très modiquement leur situation, il n'est guère plus qu'un budget au fil de l'eau. C'est peut-être un moindre mal dans la situation que nous traversons, d'autant que l'indexation des allocations versées aux anciens combattants jouera moins en leur défaveur en 2021. Vous connaissez le problème du « rapport constant » entre les allocations au monde combattant et un indice représentatif de la « dynamique » salariale dans la fonction publique. Cette année, ce mécanisme qui, par rapport à une indexation sur l'inflation des allocations entre 2015 et 2019, a permis d'économiser près de 80 millions d'euros en 2019, joue plus positivement en 2021 puisque les prestations sont relevées un peu plus que l'inflation prévue et que pour les retraites de base.

Un mot sur le programme 158, qui finance des indemnités pour les personnes spoliées ou les orphelins des victimes de la barbarie nazie, mais aussi une partie des moyens opérationnels de recherche des biens spoliés. Il y a quelques progrès sur l'identification des personnes victimes d'objets spoliés se retrouvant dans ces collections publiques, c'est une bonne chose. Mais c'est encore trop peu et, surtout, les moyens prévus ne permettront pas d'identifier les dizaines de milliers de biens culturels spoliés et remis en circulation après la Libération, ni des millions de livres volés ou encore des capitaux et immeubles ayant fait l'objet de diversion pendant l'Occupation.

Compte tenu de la date avancée de notre réunion, je vous propose de réserver notre vote sur une mission qui, pour devoir mieux prendre en compte les ambitions qu'elle porte, me semble cependant appeler un avis d'adoption des crédits.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je me rallie à la position du rapporteur spécial, dans sa grande sagesse : des questions demeurent, mais des efforts ont été consentis.

M. Dominique de Legge . - Quel est l'impact de la crise sanitaire sur la JDC ? Des journées ont-elles été annulées ? Avons-nous une visibilité sur l'année 2021 ? Par ailleurs, la JDC faisait partie d'un projet plus global de réhabilitation de ce qu'il est convenu d'appeler le service national. En savez-vous plus en la matière ?

Depuis le 1 er janvier 2020, les anciens combattants d'Algérie après juillet 1962 peuvent bénéficier de la carte du combattant. Connaît-on le nombre de cartes qui ont été délivrées dans le cadre de cette évolution législative ?

M. Roger Karoutchi . - Ces derniers mois, ont été restituées un certain nombre d'oeuvres d'art confisquées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Les choses avancent même s'il est parfois difficile de retrouver les oeuvres d'art soixante-quinze ans après.

Vous avez évoqué les 93 millions d'euros destinés aux « victimes » de l'Occupation, mais de qui s'agit-il ? Il reste en France très peu d'anciens déportés.

M. Michel Canevet . - Je remercie le rapporteur spécial pour la qualité de sa présentation. En cette période sanitaire compliquée, comment la JDC est-elle mise en oeuvre et avez-vous des éléments d'information sur le service national universel ?

Enregistre-t-on de nouvelles avancées concernant les demandes d'avantages fiscaux ou de droits à pension en faveur des veuves civiles et militaires, dont les associations d'anciens combattants relaient habituellement les préoccupations ?

La durée de traitement des dossiers de pension militaire ou d'invalidité est de 230 jours. Pourquoi les délais augmentent-ils par rapport aux années précédentes ?

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Merci au rapporteur général pour son soutien.

Dominique de Legge et Michel Canevet, je vous renvoie au rapport d'information que nous avons commis voilà quelques années sur le devenir de la JDC et ses limites, à la suite de l'enquête sur la JDC demandée par notre commission des finances à la Cour des comptes. La crise sanitaire a eu un impact sur l'organisation de cette journée, avec environ 300 000 jeunes présents, contre de l'ordre de 750 000 habituellement.

Concernant l'extension de la carte d'ancien combattant aux militaires ayant servi en Afrique du Nord ou en opérations extérieures (OPEX), un peu plus de 35 000 cartes ont été distribuées, contre 50 000 attendues.

Roger Karoutchi, sur le programme 158, ce sont les orphelins ou, plus largement, les ayants droit qui bénéficient des indemnisations.

Michel Canevet, le service national universel est hors champ de la mission. Le budget de la mission « Anciens combatttants, mémoire et liens avec la Nation » s'établit à quelque 2 milliards d'euros, auquel s'ajoute la dépense fiscale qui est de l'ordre de 750 millions d'euros. Le statut fiscal des veuves de plus de 74 ans a évolué l'an dernier, ainsi que celui des veuves des grands invalides cette année. Le délai d'attribution des cartes d'invalidité est effectivement trop long ; nous attirerons de nouveau l'attention de la ministre sur ce point. Il faut en simplifier les procédures d'obtention.

Permettez-moi de présenter l'article 54 rattaché à la mission que je viens d'évoquer : il vise à améliorer les conditions des survivants mariés ou pacsés d'un titulaire d'une pension militaire d'invalidité fixée à un taux correspondant à des situations de grande invalidité.

Les conditions d'accès à la majoration prévue dans ce cas sont assouplies. Je vous propose d'approuver cette initiative demandée de longue date par le Sénat. On aurait pu sans doute faire mieux ; la mesure ne concernera qu'au plus 197 personnes pour un montant maximal de 1 million d'euros. Comme nous sommes limités par l'article 40 de la Constitution, prenons ce nouveau dispositif comme un premier pas pour répondre aux enjeux des sacrifices consentis par les conjoints et partenaires survivants des grands invalides.

Là encore, je vous propose de réserver notre vote dans l'attente de l'examen du texte par l'Assemblée nationale.

La commission décide de proposer au Sénat de réserver sa position sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », de même que sur l'article 54 rattaché.

*

* *

Réunie à nouveau le mercredi 18 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et l'article 54 rattaché, précédemment réservés.

M. Claude Raynal , président . - Nous débutons cette réunion par l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », précédemment réservés, et de l'article rattaché 54.

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Je confirme mon avis favorable.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation ».

La commission décide également de proposer au Sénat l'adoption de l'article 54, rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » sans modification.

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission. Elle a également confirmé sa décision d'adopter l'article 54 sans modification.


* 1 Mesuré à partir des seules dépenses du programme 169.

* 2 Journée défense et citoyenneté.

* 3 Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme (et non suppression) du service national.

* 4 Rapport d'information de Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, Sénat, n °475 (2015-2016), 16 mars 2016.

* 5 On rappelle que les personnels militaires ayant voyagé sur l'Esterel à partir de Wuhan ont regagné la base aérienne de Creil fin janvier. Non soumis à des tests d'infection virale, ils ont été placés sous observation, cette dernière ne révélant aucun symptôme selon la ministre des Armées. Mais, l'on sait que la contagiosité des porteurs du virus est indépendante de leur symptomaticité.

* 6 Ministères de l'Intérieur, de l'Europe et des Affaires étrangères, des Armées, de l'Économie et des Finances, de la Culture, de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.

* 7 Bibliothèque nationale de France, Institut français, musée de l'Armée, Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, Canopé, Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

* 8 Association des maires de France et Souvenir Français.

* 9 La définition du contenu de cette action n'est pas connue du rapporteur spécial, qui s'interroge, non sur la justification d'un rappel de l'impérieuse nécessité d'un endiguement des passions mauvaises, mais sur celle d'en faire un élément singulier, tant tout ce qui soutient la culture et la civilisation lui semble devoir continument y contribuer.

* 10 Dont 35 108 au titre de la carte 1962-1964

* 11 Le montant de la retraite du combattant était prévu par la loi jusqu'au 1 er janvier 2017.

* 12 Voir infra pour de plus amples développements sur les conditions d'indexation.

* 13 L'article L. 16 accorde des majorations de pensions aux victimes de motifs multiples d'invalidité.

* 14 Évidemment, les économies cumulées sont sensiblement supérieures.

* 15 Valeur du point d'indice telle qu'elle aurait évoluée au regard de l'inflation constatée depuis 2011.

* 16 Loi n° 2005-158 du 23 février 2005, article 6 modifié.

* 17 Loi n°2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 133 modifié.

* 18 Évaluations préalables des articles du PLF 2019, page 483.

* 19 Données pour 2020 hors rentes en cours de constitution (57 000).

* 20 R. 311-27 et suivant du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).

* 21 Titulaires de la carte du combattant (CC) et/ou du titre de reconnaissance de la Nation (TRN). Ce chiffre, pour 2018, tient compte des nouvelles attributions de cartes et titres ainsi que des décès survenus en 2017.

* 22 Il s'agit des titulaires de pensions militaires d'invalidité (PMI) et de pensions de victimes civiles (PVC), hors détention de CC ou TRN, et des autres victimes de guerre non pensionnées.

* 23 Conjoints survivants, ascendants et orphelins de titulaires d'une PMI et PVC.

* 24 Dont 0,08 M€ correspondant au solde positif des transferts en construction du PLF 2021.

* 25 Source : lettre plafond 2020.

* 26 En complément d'une dotation de 5 millions d'euros mise en place en 2017.

* 27 35 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) ont été alloués par l'État en 2019, en complément de 5 millions d'euros mis en place en 2017, portant ainsi le financement déjà accordé par l'État pour cette opération à 40 millions d'euros (dotation en fonds propres, crédits de titre 7).

* 28 Voir l'annexe n° X pour les autres adaptations mises en oeuvre.

* 29 Décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 30 relatif au versement d'une prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé et à certains agents civils et militaires du ministère des armées et de l'Institution nationale des invalides

* 31 Rapport d'information de Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances, n° 72 (2016-2017)-25 octobre 2016.

* 32 Avoir entre 16 et 21 ans au moment du séjour dans les camps.

* 33 Décret n° 2018-1320 du 28 décembre 2018 modifié par décret n°2020-513 du 4 mai 2020.

* 34 En 2020 il est prévu de financer le dispositif en recourant intégralement à la trésorerie de l'ONAC.

* 35 Cette « postériorité » a donné lieu à des contentieux qui n'ont pas prospéré.

* 36 Le nombre des bénéficiaires effectifs dépasse les bénéficiaires immédiats du fait des règles de partage successoral.

* 37 « La commission d'indemnisation des victimes de spoliations antisémites : vingt ans après, redonner un élan à la politique de réparation »Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances n° 550 (2017-2018) - 6 juin 2018

* 38 Les indemnisations peuvent être à la charge de l'État ou à celle des fonds constitués par les banques dans le cadre de l'accord de Washington.

* 39 Des spoliations antisémites auraient été mieux rapporter ce dont il s'agit puisqu'aussi bien « l'État français » ne saurait être considéré comme national-socialiste tout en ayant été fort actif dans la politique de spoliations.

* 40 Il existe également des personnels hors plafond d'emploi : au nombre de 27, il s'agit des 14 membres du Collège délibérant de la CIVS (y compris le Président et le Vice-Président de la Commission) ; du rapporteur général et de 11 magistrats rapporteurs.

* 41 La qualification de droit dérivé n'est pas admise par la doctrine du ministère des anciens combattants. Cependant, si elle n'est pas strictement exacte, elle rend bien compte des logiques à l'oeuvre dans le versement aux ayants cause des allocations dont s'agit ainsi que des problématiques que ces droits entendent résoudre.

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