B. LE DIFFICILE COMPTAGE DU NOMBRE DE LOCUTEURS

La plupart des personnes auditionnées ont souligné à votre rapporteure l'absence de chiffres précis concernant le nombre de locuteurs de langues régionales . La dernière enquête au niveau national date de 1999, à l'occasion du recensement. L'INSEE estimait alors à 5,5 millions le nombre de personnes dont les parents leur parlaient dans une langue régionale.

L'INSEE dressait le constat d'une moindre transmission de ces langues dans le milieu familial : « avant 1930, une personne sur quatre parlait une langue régionale avec ses parents, le plus souvent de façon habituelle. Cette proportion passe à une personne sur dix dans les années 1950, puis une sur vingt dans les années 1970. De plus, depuis le milieu des années 1950, les langues régionales sont deux fois plus souvent reçues comme langue occasionnelle que comme langue habituelle. La tendance ne s'est pas retournée dans les années 1980 et 1990. Les enfants nés durant cette période n'ont pas été interrogés à l'enquête, n'ayant pas atteint 18 ans. Mais leur faible contact avec les langues régionales peut être appréhendé indirectement : 3 % seulement des adultes interrogés ayant des enfants nés durant cette période disent leur avoir parlé une langue régionale » .

La DGLFLF estime pour sa part à 4,9 millions le nombre actuel de locuteurs des principales langues de France , selon la répartition suivante :

Langue

Nombre de locuteurs estimé

Occitan (tous dialectes confondus)

1 000 000

Alsacien

800 000

Picard

700 000

Créole réunionnais

600 000

Créole martiniquais

400 000

Créole guadeloupéen

400 000

Créole guyanais

250 000

Breton

200 000

Mahorais

150 000

Corse

120 000

Catalan

100 000

Tahitien

65 000

Francoprovençal

60 000

Basque

50 000

Drehu

16 000

Wallisien

10 000

Tayo

1 500

Ces chiffres appellent deux constats :

- ils n'incluent pas toutes les langues régionales , comme par exemple le flamand occidental, parlé selon Jean-Pierre Couché, président de l'institut régional pour le flamand occidental et auditionné par votre rapporteure, par 40 à 50 000 personnes, ou encore le gallo (parlé par 191 000 locuteurs, selon un sondage réalisé à la demande du conseil régional de Bretagne en 2018) ;

- ils posent la question de la définition d'un locuteur, et plus précisément, de la maîtrise de la langue pour être considéré comme tel.

La pratique du gallo et du breton dans la région Bretagne
Résultats de l'enquête sociolinguisitique réalisée par l'institut TMO Régions
pour le conseil régional de Bretagne en 2018

5,5 % de la population parlent breton, soit environ 207 000 personnes dans les 4 départements de la Bretagne et en Loire-Atlantique. L'âge moyen des locuteurs est de 70 ans. Il a augmenté de 7 ans 1/2 depuis l'enquête de 2007. 3,5 % de la population déclarent comprendre très bien ou assez bien le breton sans le parler. 31 % maîtrisent quelques mots ou expressions.

5 % de la population parlent gallo, soit environ 191 000 personnes. 4 % de la population déclarent comprendre très bien ou assez bien le gallo sans le parler. 15 % maîtrisent quelques mots ou expressions.

27 % de la population entendent parler breton et/ou gallo au moins une fois par mois.

À l'instar de la région Bretagne, certaines collectivités locales, établissements publics ou associations de promotion des langues régionales ont pris l'initiative de mener des études sur le nombre de locuteurs. Toutefois, ces informations sont parcellaires et les questions posées peuvent varier (sur la pratique de la langue, sa maîtrise,...). Aussi, pour votre rapporteure, il serait intéressant qu'une nouvelle enquête nationale sur la transmission et la pratique des langues régionales soit réalisée . En effet, 20 ans se sont écoulés depuis la dernière enquête de ce type, soit une génération. Une telle demande ne relève pas du domaine de la loi, mais votre rapporteure appelle l'INSEE et de manière générale, les pouvoirs publics à se saisir de cette question. Une connaissance précise du nombre de locuteurs et de la situation des langues régionales est un préalable indispensable pour leur promotion.

Même en l'absence de données précises, l'ensemble des personnes auditionnées s'accordent pour dire que la pratique des langues régionales est aujourd'hui en diminution , dans des proportions plus ou moins importantes. Si les langues d'outre-mer résistent plutôt bien - à l'exception du tahitien - tout comme les langues bretonnes ou le basque 4 ( * ) , d'autres connaissent une forte diminution. Ainsi, l'institut de la langue régionale flamande estime que le nombre de locuteur du flamand occidental a été divisé par deux en l'espace de 20 ans.

Une action volontariste est nécessaire afin de promouvoir les langues régionales. En effet, pour de très nombreuses langues, la transmission se fait de moins en moins dans le cadre familial.


* 4 Selon la 6 ème enquête sociolinguistique menée en 2016, le nombre de locuteurs basques en France s'est stabilisé entre 2011 (date de la précédente enquête) et 2016, alors qu'il était en diminution constante depuis la première enquête menée en 1996.

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