B. UNE FOCALISATION SUR L'ARTICLE 24 DE LA PROPOSITION DE LOI RENFORCÉE PAR UNE RÉDACTION HEURTANT LA LIBERTÉ DE LA PRESSE ET DES INITIATIVES GOUVERNEMENTALES VISANT À MINORER LE RÔLE DU PARLEMENT

Si les mesures relatives à l'usage des drones (articles 21 et 22 de la proposition de loi) ont suscité des mobilisations et des demandes de retrait, les débats dans la presse et l'opinion publique ont été particulièrement vifs sur l'article 24 de la proposition de loi.

La volonté de mettre en place un dispositif protégeant les forces de l'ordre contre la diffusion de leur identité à l'occasion de leurs interventions s'est heurtée à la crainte d'une entrave à la liberté d'information. En faisant le choix de saisir le Parlement de deux textes parallèles comportant des dispositions analogues pour la protection des fonctionnaires, puis en affirmant sa volonté de l'en dessaisir, le Gouvernement n'a fait qu'ajouter au sentiment d'impréparation de cette mesure.

1. Deux dispositions aux objectifs proches dans des textes discutés simultanément au Parlement

Le Gouvernement a soumis au Parlement deux textes parallèles pour traiter de la question de la diffusion des données personnelles sur les réseaux sociaux, l'article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale (dont le Ministre de l'Intérieur a revendiqué la paternité lors de son audition par la commission des Lois) et l'article 18 du projet de loi tendant à conforter les principes républicains, élaboré par les services du Garde des Sceaux après l'assassinat de Samuel Paty. Le périmètre de l'article 24 est plus circonscrit puisqu'il réprime la diffusion malveillante de l'image du visage ou les données identifiantes des forces de l'ordre. L'article 18 est plus large puisqu'il réprime la diffusion de données permettant l'identification ou la localisation de toute personne dans le but de lui nuire, à elle ou à sa famille. La peine prévue est aggravée si la personne est dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Enfin l'article 24 modifie la loi de 1881 sur la presse, l'article 18 le code pénal général.

La coexistence de ces deux mesures pose d'importantes difficultés, la nécessité de l'article 24 relevant dès lors plus de la volonté de reconnaître le risque auxquels les agents et militaires des forces de sécurité intérieurs sont soumis du fait des opérations de police auxquels ils participent que de la nécessité de compléter les dispositifs légaux pour assurer leur protection.

2. Une volonté initiale du Gouvernement et de sa majorité d'élaborer un dispositif en dehors du débat parlementaire

Face à la contestation sur l'article 24, la majorité de l'Assemblée nationale n'a pas jugé utile de le modifier en commission, mais a adopté en séance un amendement du Gouvernement et l'ensemble du texte. Une fois celui-ci transmis au Sénat, le groupe majoritaire de l'Assemblée a cependant prétendu vouloir réécrire complétement cet article voire le faire disparaître alors que l'Assemblée venait de s'en dessaisir.

Parallèlement, le Premier ministre annonçait la création d'une commission spéciale chargée de la réécriture de l'article 24 et des relations entre la presse et les forces de l'ordre, pour ensuite indiquer qu'elle ne présenterait pas de texte puis en changer le Président.

Enfin, le Président de la République annonçait le 8 décembre le lancement d'un Beauvau de la sécurité destiné à « améliorer les conditions d'exercice » et à « accélérer la transformation engagée », objectifs auxquels le Ministre de l'Intérieur a ajouté l'amélioration des relations avec la population.

La première des réunions du Beauvau, qui s'est tenue le 9 février, était consacrée à ce thème.

Malgré la multiplication des initiatives, les rapporteurs n'ont eu communication d'aucun texte émanant du Gouvernement ou de la majorité afin de faire évoluer l'article 24. Ils se trouvent donc confortés dans l'idée, rappelée tant par la Président du Sénat que par la Président de la commission des Lois, que seul le travail de la navette parlementaire et la discussion successive par les deux chambres du Parlement tel que fixé par la Constitution permet l'élaboration efficace d'un texte de loi.

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