EXAMEN DES ARTICLES
DE LA PROPOSITION DE LOI

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX POLICES MUNICIPALES

CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRÉROGATIVES DES POLICES MUNICIPALES ET RURALES

Article 1er
Expérimentation du renforcement des prérogatives judiciaires des polices municipales

L'article 1 er de la proposition de loi prévoit d'élargir à titre expérimental, les prérogatives judiciaires des agents de police municipale.

La commission a adopté cet article en encadrant davantage le dispositif, afin d'en assurer l'opérationnalité et la constitutionnalité. Elle a porté la durée de l'expérimentation à cinq ans pour que le législateur puisse bénéficier d'une évaluation et d'un recul suffisants sur ces nouveaux pouvoirs. Elle a également institué une obligation de formations complémentaires pour les agents de police municipale participant à l'expérimentation, qui devra être remplie au cours de la première année de mise en oeuvre de l'expérimentation.

En ce qui concerne le contenu même de l'expérimentation, la commission a conservé la grande majorité des infractions proposées, mais a supprimé la possibilité pour les policiers municipaux de procéder à des saisies judiciaires, estimant qu'il s'agissait d'un acte impliquant une appréciation en opportunité à laquelle les policiers municipaux n'étaient pas formés.

Souvent présentées comme la « troisième force de sécurité », les services de police municipale se sont multipliés et professionnalisés depuis la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales .

Ils interviennent désormais en complément des forces nationales dans un grand nombre de communes. L'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure dispose ainsi que « Sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents de police municipale exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ».

Prenant acte de la montée en puissance des polices municipales dans un grand nombre de communes, l'article 1 er de la proposition de loi prévoit d'élargir, à titre expérimental, les prérogatives judiciaires des agents de police municipale en leur permettant de constater davantage d'infractions, sous l'autorité du parquet .

1. Un essor important des polices municipales au cours des vingt dernières années

1.1 Une reconnaissance progressive des polices municipales

La loi du 14 décembre 1789 relative à l'organisation des communes du royaume de France attribue aux maires la responsabilité des pouvoirs de police. Son article 50 dispose ainsi que « les fonctions propres au pouvoir municipal [sont ...] de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics ». La loi municipale du 5 avril 1884 a par la suite réparti les pouvoirs de police entre les maires et les préfets en fonction de la population de la commune.

Ce n'est que par la loi du 23 avril 1941 portant organisation générale des services de police en France qu'une police étatisée est mise en place dans les villes de plus de 10 000 habitants. En 1966 est créée la police nationale. Le mouvement général tend alors à l'étatisation des polices municipales, le décret n° 76-831 du 24 août 1976 fixant par exemple les modalités d'intégration des agents de la police municipale de villes étatisées dans le corps des gardiens de la paix de la police nationale. Parallèlement, la gendarmerie nationale est chargée de la sécurité publique dans les villes situées en dehors des zones de police d'État.

Dès les années 1980 cependant et face à la montée d'un sentiment d'insécurité, les polices municipales se développent à nouveau . Cet essor est encouragé par le rapport de Gilbert Bonnemaison, Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité déposé le 1 er février 1983 4 ( * ) , qui recommande la mise en oeuvre de politiques locales de sécurité. La création d'un service de police municipale permet en effet au maire d'instituer une police de proximité, plus accessible aux citoyens que la police ou la gendarmerie nationales.

En 1999 5 ( * ) , le législateur, prenant acte de l'essor des polices municipales, leur octroie un véritable statut et réaffirme leur rôle 6 ( * ) . L'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure dispose désormais que « Sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents de police municipale exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ».

1.2 Des missions de police administrative et de police judiciaire

Les agents de police municipale exercent à la fois des missions de police administrative et de police judiciaire.

En matière administrative, ils exercent tout d'abord les missions classiques de protection de l'ordre public . Ils sont ainsi chargés de la protection de l'ordre public municipal tel que défini par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Ils ne peuvent toutefois être chargés de missions de maintien de l'ordre, comme l'a rappelé une circulaire du ministère de l'intérieur en 2011 7 ( * ) .

Ils exercent par ailleurs d'autres missions ponctuelles, comme l'exécution des arrêtés de police du maire ou la sécurisation de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, de périmètres de protection ou de bâtiments communaux.

Les agents de police municipale ont qualité d'agents de police judiciaire adjoints 8 ( * ) . Ils ont compétence sur le territoire de la commune. Les compétences judiciaires des agents de police municipale ont été progressivement accrues. Ils sont ainsi habilités à verbaliser :

- les contraventions aux arrêtés de police du maire ;

- les contraventions à de nombreuses dispositions du code de la route ne nécessitant pas d'actes d'enquête et ne réprimant pas des atteintes à l'intégrité des personnes ;

- des contraventions en matière d'environnement, de police de la conservation du domaine public routier, de lutte contre les nuisances sonores, de police des gares, d'outrage sexiste, etc. ;

- depuis la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 , les infractions à la règlementation édictée dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire si cela ne nécessite pas de leur part d'acte d'enquêtes 9 ( * ) . Cette dernière extension dans le champ de compétence de l'État, bien que temporaire, est symptomatique du positionnement ambivalent des polices municipales dans l'exécution des missions de sécurité publique 10 ( * ) .

Pour l'exercice de leurs compétences, les agents de police municipale ont accès à certains fichiers de police , indirectement et aux seules fins d'identifier les auteurs des infractions au code de la route qu'ils sont habilités à constater. Il s'agit du fichier national des permis de conduire (FNPC) et du système d'immatriculation de véhicule (SIV) 11 ( * ) .

1.3 Les limites constitutionnelles à l'extension des prérogatives des agents de police municipale

Les agents de police municipale disposant de prérogatives administratives et judiciaires, ils sont sous l'autorité du maire et du procureur de la République. Du fait de cette double autorité, et alors que le législateur accroit régulièrement les compétences judiciaires des agents de police municipale, le Conseil constitutionnel a posé des limites à l'extension de leurs prérogatives.

Dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 relative à la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure , il a ainsi censuré l'attribution de la qualité d'agent de police judiciaire aux membres du cadre d'emplois des directeurs de police municipale ainsi que la possibilité pour les policiers municipaux de procéder à des contrôles et à des vérifications d'identité, au motif que ces agents, relevant des autorités communales, ne sont pas placés à la disposition des officiers de police judiciaire . Le commentaire de cette décision précise qu'« il résulte en effet de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire, en particulier pour les crimes et délits qui sont punis de peines privatives de liberté. [...] La « chaîne de contrôle » serait par trop distendue entre le procureur de la République et l'agent chargé de l'enquête si ce dernier n'était pas sous l'autorité directe et immédiate des officiers de police judiciaire ».

Deux limites se dégagent de cette décision :

- en premier lieu, les agents de police municipale, lorsqu'ils exercent leur mission de police judiciaire, doivent être placés sous l'autorité du procureur de la République . Cette exigence a été rappelée par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 21 mars 2018, a précisé qu' un maire ne pouvait pas donner instruction à des policiers municipaux placés sous son autorité de ne pas constater certaines contraventions qu'il leur appartenait cependant de relever dans le cadre de leur mission d'agents de police judiciaire adjoints , qu'ils exercent sous la seule autorité du procureur de la République 12 ( * ) ;

- en second lieu, il ne peut être confié aux agents de police municipale des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle , dès lors qu'ils ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire 13 ( * ) .

2. Des missions diverses, exercées en coordination avec les forces de sécurité intérieure

2.1 Des doctrines d'emploi différentes en fonction des communes

Dans l'usage de leurs prérogatives, les polices municipales sont plurielles, à l'image des collectivités qui les ont créées. Il est donc aujourd'hui impossible de parler d'une police municipale unifiée.

Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport de 2011 sur l'organisation et la gestion des forces de sécurité publique, « les communes n'utilisent pas toutes de la même manière la large palette des missions autorisées par la loi. Dans l'ensemble, les polices municipales partagent un socle commun d'activités, marquées par une dimension de proximité, consistant à assurer une présence rassurante sur la voie publique et le respect des arrêtés municipaux. Les services de sécurité de certaines communes agissent essentiellement dans cette optique préventive. D'autres appliquent une doctrine d'emploi plus interventionniste et répressive, qui tend à leur faire jouer un rôle d'appoint, voire parfois de substitution, aux services de sécurité de l'État » 14 ( * ) . Ce constat demeure d'actualité. Comme le souligne ce rapport, l'on peut considérer qu'il existe trois formes de police municipale :

- les polices de proximité et de prévention, chargées de la surveillance de l'espace public, de la verbalisation du stationnement, de la police de la route, du dialogue et de l'assistance aux personnes ;

- les polices de proximité et de répression, qui suivent une doctrine d'emploi davantage axée sur l'intervention et la lutte contre la délinquance ;

- les polices intermédiaires enfin, qui occupent le terrain de manière visible, ce qui peut les conduire à faire des interpellations en flagrant délit. Elles répriment principalement les incivilités et la petite délinquance routière.

Les doctrines d'emploi des polices municipales s'expliquent en premier lieu par la situation des territoires face à la délinquance et aux enjeux de sécurité publique. Mais elles traduisent également les différents positionnements politiques des exécutifs locaux. Quoi qu'il en soit, elles ne se manifestent qu'au-delà d'un socle minimal d'attributions communes liées à la tranquillité publique, incluant la sécurisation des manifestations, la police de la route et du stationnement et la surveillance des bâtiments privés 15 ( * ) .

2.2 Une coordination opérationnelle avec les forces de sécurité intérieure

Quel que soit le positionnement de la police municipale, la coordination avec les forces de sécurité intérieure est fondamentale. Elle repose sur des conventions de coordination, dont la signature est obligatoire dès lors que la commune emploie plus de trois agents 16 ( * ) .

L'ensemble des forces en présence saluent l'efficacité de ces instruments, qui permettent d'organiser la complémentarité sur le terrain des policiers ou gendarmes nationaux et des policiers municipaux.

Comme le soulignent les syndicats de policiers municipaux entendus par les rapporteurs, « la montée en puissance de la police municipale permet d'améliorer l'efficacité des actions propres à chaque entité ». Dans ce cadre, « la convention de coordination constitue un maillon essentiel dans [la coopération avec les forces de sécurité intérieure], elle permet de définir les rôles de chacun, pour une meilleure coordination et une plus grande efficacité sur le terrain des forces en présence ».

3. L'article 1 er de la proposition de loi : étendre à titre expérimental les prérogatives judiciaires des agents de police municipale

L'article 1 er de la proposition de loi propose d'élargir, à titre expérimental, les prérogatives judiciaires des agents de police municipale. L'expérimentation proposée aurait une durée de trois ans à compter de l'entrée en vigueur des mesures d'application de l'article 1 er . Il est précisé que ces mesures d'applications interviendront au plus tard le 30 juin 2021.

3.1 L'accès à l'expérimentation

• Communes éligibles

L'article 1 er proposait initialement d'ouvrir l'expérimentation aux communes employant au moins vingt agents de police municipale, comprenant au moins un directeur de police municipale ou un chef de service de police municipale.

Par l'adoption de plusieurs amendements, l'Assemblée nationale a :

- intégré les gardes champêtres parmi les agents pris en compte pour l'appréciation du seuil de vingt agents ;

- ouvert l'expérimentation aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre employant plus de vingt agents de police municipale ou gardes-champêtres ;

- ouvert l'expérimentation aux communes employant en commun au moins vingt agents de police municipale 17 ( * ) .

Ce seuil de vingt agents correspond à celui à compter duquel il est possible de créer le grade de directeur de police municipale 18 ( * ) . Plus concrètement, il est celui à partir duquel un service de police municipale est organisé et structuré, ce qui est un préalable nécessaire à la mise en place de l'expérimentation.

• Choix des communes participant à l'expérimentation

La candidature d'une commune devra faire l'objet d'un débat en conseil municipal. Il peut être déduit de cette disposition que la décision de candidature relève en fait du maire. L'Assemblée nationale n'a pas prévu les modalités de candidature d'un EPCI.

Il reviendra ensuite aux ministres de la justice et de l'intérieur de déterminer les communes entrant dans l'expérimentation, « au regard des circonstances locales ». Ces circonstances seront définies par un décret en Conseil d'État. Contrairement aux expérimentations relevant de l'article 72 de la Constitution, il n'y a donc pas de « droit à » participer à l'expérimentation pour les communes répondant aux critères définis par la loi.

3.2 L'expérimentation

Une fois les services de police municipale sélectionnés pour participer à l'expérimentation, ceux-ci verraient leurs prérogatives en matière de police judiciaire largement renforcées.

Les agents de police municipale seraient ainsi habilités à constater 19 ( * ) , par procès-verbal, lorsqu'ils sont commis sur le territoire communal et qu'ils ne nécessitent pas d'actes d'enquête de leur part, les délits suivants :

- la vente à la sauvette (article 446-1 du code pénal) ;

- le défaut de permis de conduire (I de l'article L. 221-2 du code de la route) ;

- le défaut d'assurance (article L. 324-2 du code de la route) ;

- l'entrave à la circulation routière (article L. 412-1 du code de la route) ;

- l'occupation des espaces communs des immeubles en empêchant délibérément l'accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté (article L. 126-3 du code de la construction et de l'habitation) ;

- l'usage de stupéfiants (article L. 3421-1 du code de la santé publique) ;

- l'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte (article 226-4 du code pénal) lorsque le local appartient à la commune ;

- l'installation en réunion, en vue d'y établir une habitation, sur un terrain appartenant à une commune s'étant conformée au schéma départemental d'accueil des gens du voyage (article 322-4-1 du code pénal) ;

- la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui ainsi que le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain (article 322-1 du code pénal) ;

- le port ou le transport d'armes de catégorie D (3° des articles L. 317-8 et L. 317-9 du code de la sécurité intérieure).

Ils pourront également constater les contraventions suivantes :

- l'acquisition de produits du tabac manufacturé vendus à la sauvette ;

- des contraventions relatives à la lutte contre l'alcoolisme contenue dans le titre V du livre III de la troisième partie du code de la santé publique, dont la liste sera fixée par un décret en Conseil d'État.

Afin de procéder à la constatation des infractions, les agents de police municipale concernés pourraient :

- relever l'identité des auteurs des délits qu'ils sont autorisés à constater. Si l'auteur refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, l'agent de police municipale en rendrait compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent, qui pourrait alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ le contrevenant ou de retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d'un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle. À défaut de cet ordre, le contrevenant ne pourrait être retenu 20 ( * ) ;

- obtenir de l'organisme d'information prévu à l'article L. 451-1 du code des assurances, les informations nécessaires au contrôle de l'obligation d'assurance de responsabilité civile automobile 21 ( * ) .

Ils pourraient également procéder à la saisie des objets ayant servi à la commission des infractions ou qui en sont le produit et pour lesquelles la peine de confiscation du produit est prévue. La saisie serait constatée par procès-verbal, et les objets saisis inventoriés et placés sous scellés 22 ( * ) .

Le directeur de police municipale, le chef de service de police municipale ou le garde champêtre pourraient aussi, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, faire procéder à l'immobilisation et à la mise en fourrière d'un véhicule en cas de commission d'un délit ou d'une contravention pour lesquels la peine de confiscation du véhicule est encourue 23 ( * ) .

Les procès-verbaux dressés dans le cadre de l'expérimentation seraient adressés, simultanément, au maire et, par l'intermédiaire du directeur ou du chef de service de la police municipale dûment habilité, au procureur de la République. Une copie serait également envoyée aux officiers de police judiciaire de la police ou de la gendarmerie nationales territorialement compétents 24 ( * ) .

3.3 Une condition d'habilitation des directeurs de police municipale ou des chefs de service de police municipale, qui exerceraient leurs fonctions sous le contrôle de l'autorité judiciaire

L'article prévoit, dans son VII, que les directeurs de police municipale et les chefs de service de police municipale des services participant à l'expérimentation devront être personnellement habilités en vertu d'une décision du procureur général près la cour d'appel dans le ressort duquel est affecté le fonctionnaire, après avoir suivi une formation et passé un examen technique . Les modalités de la formation et de l'examen seront déterminées par un décret en Conseil d'État.

La décision d'habilitation serait valable pour toute la durée de ses fonctions, y compris en cas de changement d'affectation au sein de la même cour d'appel.

L'habilitation pourrait être retirée ou suspendue dans les conditions définies par un décret en Conseil d'État.

L'article 1 er prévoit enfin, dans son dernier alinéa, que lors de la transmission des rapports et procès-verbaux et l'immobilisation des véhicules, les directeurs de police municipale et les chefs de service de police municipale sont placés sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et le contrôle de la chambre de l'instruction du siège de leur fonction dans mêmes conditions que celles du contrôle qu'elle exerce sur l'activité des officiers et des agents de police judiciaire 25 ( * ) . Une procédure disciplinaire pourrait ainsi être engagée, allant de la simple observation à l'interdiction définitive d'exercer des fonctions de police judiciaire.

4. La position de la commission : favoriser l'opérationnalité et la constitutionnalité du dispositif

Le renforcement des prérogatives judiciaires des agents de police municipale repose sur un triple constat :

- l'importance grandissante accordée par les élus et les administrés à la sécurité et à la tranquillité publique, ainsi que l'intolérance croissante face aux petites et grandes incivilités subies ;

- l'insuffisance des moyens des forces de sécurité intérieure pour constater les infractions en matière de délinquance du quotidien, car elles doivent s'investir sur une délinquance de plus grande envergure ;

- le manque d'autonomie des polices municipales et la limitation de leurs prérogatives.

L'expérimentation a donc pour ambition de donner aux policiers municipaux des pouvoirs qui leur permettront de réaliser au mieux leurs missions de sécurité du quotidien , en disposant de davantage d'autonomie par rapport aux forces nationales.

Si la commission des lois comprend l'ambition générale de l'expérimentation, celle-ci soulève des questions importantes d'opérationnalité du dispositif, d'égalité entre les communes et entre les citoyens, et de constitutionnalité.

Le risque est en effet celui d'un glissement des prérogatives des forces de sécurité intérieure nationales vers les polices municipales , alors même que la création de ces dernières relève de la libre appréciation des communes. L'on observe en effet déjà, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur les polices municipales, un effet de substitution entre police municipale et forces de sécurité intérieure dans les villes ayant une doctrine d'emploi de leur police municipale très interventionniste.

La commission a donc choisi de porter la durée de l'expérimentation à cinq ans , considérant qu'une durée de trois ans n'est pas suffisante pour apprécier pleinement ses effets ( amendement COM-246 rectifié des rapporteurs ).

Elle a également indiqué explicitement que la convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État devra être modifiée afin de préciser les modalités de mise en oeuvre des nouvelles prérogatives judiciaires des agents de police municipale dans le cadre de l'expérimentation (même amendement COM-246 rectifié ).

4.1 Préciser les modalités de candidature et de choix des communes et EPCI participant à l'expérimentation

La commission des lois a tenté de contribuer, par l'adoption du même amendement COM-246 rectifié de ses rapporteurs, à l'amélioration du dispositif proposé par les députés. Elle a ainsi précisé le dispositif afin d'en garantir l'opérationnalité. Elle a donc complété la procédure de choix des communes et EPCI participant à l'expérimentation, en :

- précisant les modalités de candidature des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à l'expérimentation . Pour les communes, la candidature sera décidée par le maire, après avis du conseil municipal. Pour les EPCI à fiscalité propre, elle sera présentée par le président de l'établissement public, après avis de l'organe délibérant, pour le territoire des seules communes dont le maire aura préalablement approuvé la candidature après avis de son conseil municipal. Le maire étant le titulaire du pouvoir de police générale, il est légitime qu'il dispose d'un droit de regard sur les prérogatives dont disposent les agents de police municipale sur le territoire de sa commune ;

- définissant les « circonstances locales » au regard desquelles les ministres de la justice et de l'intérieur décideront des communes participant à l'expérimentation . Deux critères seraient ainsi pris en considération pour définir les communes et EPCI autorisés à mettre en oeuvre les nouvelles prérogatives judiciaires proposées : l'état de la délinquance locale, et l'organisation de la coopération locale entre les services de police municipale, les forces de sécurité de l'État et le procureur de la République ;

- indiquant explicitement que l'expérimentation entrera en vigueur au plus tard le 30 juin 2021 . Serait pour cela supprimée la mention selon laquelle les mesures d'application de cet article, conditionnant l'entrée en vigueur de l'expérimentation, interviennent avant le 30 juin 2021. La volonté du Parlement d'autoriser cette expérimentation ne saurait en effet être tributaire de la date d'adoption de textes réglementaires.

4.2 Garantir l'adéquation de la formation des agents de police municipale à leurs nouvelles missions

L'article 1 er , s'il prévoit une formation obligatoire pour les directeurs ou chefs de service de la police municipale, ne prévoit aucune formation spécifique pour les agents de police municipale qui seront amenés à mettre en oeuvre les nouvelles prérogatives judiciaires. Ces derniers seront toutefois amenés à établir des procès-verbaux pour des délits, alors que la formation initiale d'application ne dispense aucun élément sur les procédures judicaires au-delà de la contravention. Les procès-verbaux ne transiteront par ailleurs plus par les OPJ territorialement compétents, mais simplement par les directeurs ou chefs de service de la police municipale. Ils auront donc une part déterminante dans la mise en oeuvre de certaines dispositions de la procédure pénale.

Entendus par les rapporteurs, les syndicats de police municipaux ont insisté sur la nécessité d'une formation aux nouvelles prérogatives accordées par l'article 1 er . Le centre national de la fonction publique territoriale, chargé de la formation des policiers municipaux, a également souligné qu' il lui semblait indispensable d'adapter les formations qu'ils dispensent afin de les adapter aux nouveaux pouvoirs de police judiciaire des agents de police municipale . Ces adaptations interviendront à la fois au niveau de la formation initiale et au niveau des formations continues obligatoires.

Rien ne garantit toutefois que les agents de police municipale des communes et EPCI participant à l'expérimentation suivront ces nouvelles formations. Par l'adoption du même amendement COM-246 rectifié de ses rapporteurs, la commission a donc renvoyé à un décret le soin de déterminer les obligations de formation complémentaire s'imposant aux agents de police municipale et aux gardes champêtres exerçant les compétences de police judiciaire prévues par l'expérimentation. Ces nouvelles formations devraient obligatoirement être suivies pendant la première année de mise en oeuvre de l'expérimentation .

En ce qui concerne le contenu même de l'expérimentation, la commission a décidé, par l'adoption de ce même amendement, de modifier la liste des infractions que les agents de police municipale seraient autorisés à constater afin de mieux les protéger et des rendre cette liste plus adaptées aux réalités locales . Elle a supprimé la possibilité de constater la consommation de stupéfiants ainsi que la contravention relative à l'acquisition de produits du tabac manufacturé vendus à la sauvette, et a ajouté la possibilité, pour les agents de police municipale employés par un EPCI à fiscalité propre, de constater l'occupation illicite d'un local ou terrain appartenant à une personne publique (même amendement COM-246 rectifié ). Elle a également, par l'adoption de l' amendement COM-102 de Valérie Boyer, ajouté la possibilité de constater les délits de rodéos-motorisés .

La commission des lois s'est également intéressée aux moyens attribués aux agents de police municipale pour l'exercice de ces nouvelles prérogatives. L'accès aux informations relatives aux assurances ainsi que l'élargissement des possibilités de relevé d'identité lui ont paru totalement légitimes, et cohérentes avec leurs nouvelles missions . Elle s'est toutefois interrogée sur la possibilité pour les agents de police municipale de procéder à des saisies . Il ne s'agit en effet pas d'un acte anodin - un guide de la direction des affaires criminelles et des grâces expliquant en 197 pages les modalités de saisie 26 ( * ) -, impliquant une appréciation de son opportunité à laquelle les polices municipales ne sont pas habituées, et aucune des administrations contactées n'a été en mesure de préciser comment et où s'effectuerait le placement sous scellé par les polices municipales. Elle a donc préféré supprimer cette possibilité par l'adoption du même amendement COM-246 rectifié , en invitant les policiers municipaux concernés à recourir à l'OPJ territorialement compétent.

La commission a enfin supprimé la possibilité pour les gardes champêtres de procéder eux-mêmes à des immobilisations et mises en fourrière des véhicules . Cela ne lui a en effet pas semblé pertinent dans le cadre de l'expérimentation, où seuls les directeurs et chefs de service de la police municipale sont agréés par le procureur.

4.3 Assurer un contrôle effectif de l'autorité judiciaire sur l'expérimentation

La commission des lois s'est interrogée sur la constitutionnalité de l'expérimentation proposée . Le Conseil constitutionnel s'est en effet montré particulièrement exigeant quant aux garanties assortissant les prérogatives des policiers municipaux, qui sont sous l'autorité hiérarchique du maire.

• Des actions exercées sous l'autorité du procureur

Le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 relative à la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure , indiqué que les agents de police municipale étant placés sous l'autorité hiérarchique du maire, ils ne pouvaient disposer de pouvoirs de police judiciaire étendus.

Selon les directions ministérielles entendues par les rapporteurs, deux options existaient dès lors pour assurer la constitutionnalité de l'expérimentation : reconnaître aux polices municipales un statut d'officier de police judiciaire, et les soustraire à l'autorité du maire ; ou élargir leurs compétences d'attribution, en prévoyant un lien direct avec le Parquet. C'est cette seconde option qui a été choisie.

Le dispositif proposé tente ainsi de répondre à l'exigence du Conseil constitutionnel en plaçant les agents de police municipale sous l'autorité exclusive de l'autorité judiciaire lorsqu'ils exerceront les prérogatives prévues par l'expérimentation. C'est la raison pour laquelle l'article prévoit l'exigence d'une habilitation des directeurs et chefs de services de la police municipale ainsi que l'existence de trois degrés de contrôles par l'autorité judiciaire (la direction du procureur, la surveillance par le procureur général et le contrôle par le président de la chambre d'accusation) lorsqu'ils transmettent les rapports et procès-verbaux au procureur de la République et lorsqu'ils procèdent à l'immobilisation d'un véhicule.

Le contrôle de l'institution judiciaire sur les forces exerçant des prérogatives judiciaires découle directement - comme le souligne le Conseil constitutionnel - de l'article 66 de la Constitution , qui dispose que l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle. L'article 1 er fait donc le choix de définir une procédure d'habilitation des directeurs de police municipale ou des chefs de service municipale similaire à celle s'appliquant aux officiers de police judiciaire 27 ( * ) . La précision selon laquelle ils exercent leurs fonctions sous la direction du procureur de la République, la surveillance du procureur général et le contrôle de la chambre de l'instruction tend également à satisfaire à l'exigence selon laquelle la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République 28 ( * ) .

Par l'adoption de l' amendement COM-246 rectifié de ses rapporteurs, la commission des lois a précisé que l'habilitation des directeurs de police municipale et des chefs de service de police municipale ne reste valable que tant qu'ils exercent leurs fonctions dans une commune ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre participant à l'expérimentation .

L'article proposé ne prévoit cependant aucun dispositif d'habilitation pour les agents de police municipale, considérant que ceux-ci sont sous l'autorité du directeur ou du chef de service. Ce n'est toutefois pas le cas des gardes champêtres, dont la participation à l'expérimentation a été rendue possible par l'Assemblée nationale. Afin d'assurer la constitutionnalité du dispositif, il semble nécessaire d'assurer l'effectivité du contrôle de l'autorité judiciaire également sur ces acteurs. La commission des lois, par l'adoption de l' amendement COM-246 rectifié de ses rapporteurs, a donc indiqué que dans le cadre de l'expérimentation, les gardes champêtres exerçaient leurs prérogatives sous l'autorité du directeur ou du chef de service de la police municipale dûment habilité .

La jurisprudence précitée de la Cour de cassation interdit par ailleurs toute immixtion du pouvoir hiérarchique - le maire - dans l'exercice de leurs pouvoirs de police judiciaire 29 ( * ) .

• L'interdiction d'actes d'enquête

Les crimes et délits étant punis de peines privatives de liberté, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2011-625 DC précitée, a indiqué que « l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire » 30 ( * ) .

Les infractions qui pourront être constatées par les agents de police municipale dans le cadre de l'expérimentation sont donc limitées à celles qui ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête. Cette précision est, selon la commission des lois, absolument nécessaire .

Enrichi de ces modifications, la commission des lois a adopté l'article 1 er .

La commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 1er bis
Renforcement de l'information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur leur commune

L'article 1 er bis de la proposition de loi prévoit de rendre permanente l'information du maire par le procureur de la République des suites judiciaires (classements sans suite, mesures alternatives, poursuites engagées, jugements définitifs, appels interjetés) données aux infractions constatées sur le territoire de sa commune par les agents de police municipale ou signalées par lui.

Considérant les avancées récentes sur ce sujet et estimant l'équilibre actuel satisfaisant, la commission a concilié la nécessaire information du maire avec la charge que cela pourrait représenter pour les parquets.

Depuis la loi Engagement et Proximité 31 ( * ) , les maires sont informés à leur demande des suites judiciaires données aux infractions réalisées sur le territoire de leur commune et causant un trouble à l'ordre public, qui sont constatées par les agents de police municipale ou qu'ils signalent au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.

Introduit à l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative de Maud Petit et Josy Poueyto avec un avis favorable des rapporteurs et un avis de sagesse du Gouvernement, l'article 1 er bis de la proposition de loi tend à rendre cette information permanente, sans que le maire n'ait à la demander.

1. L'obligation d'information du maire par les autorités judiciaires

Le maire concourt, en application de l'article L. 132-1 du code de la sécurité intérieure, à l'exercice des missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance.

Afin de lui donner les moyens d'exercer ses missions, la loi prévoit depuis 2007 son information sur les infractions réalisées sur le territoire de sa commune dans plusieurs cas :

- les services de la police et de la gendarmerie nationales sont tout d'abord tenus d'informer, sans délai, le maire des « infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire de sa commune » 32 ( * ) ;

- à sa demande, le maire peut être informé par le procureur de la République des suites judiciaires, c'est-à-dire des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites ou des poursuites engagées, données à ces mêmes infractions ainsi que des jugements définitifs et des appels interjetés ;

- le maire dispose, par ailleurs, d'un droit à l'information s'agissant des suites judiciaires données aux infractions qu'il signale au parquet en application de l'article 40 du code de procédure pénale 33 ( * ) ;

- il peut être informé des mesures ou décisions de justice dont la communication apparaît nécessaire à la mise en oeuvre d'actions de prévention, de suivi ou de soutien, engagées ou coordonnées par l'autorité municipale ou intercommunale 34 ( * ) .

À l'initiative du Sénat, la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique a étendu l'obligation d'informer le maire , dès lors que celui-ci le demande, aux suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipale 35 ( * ) .

L'ajout de cette information répondait à la demande de nombreux maires, exprimée à l'occasion de la consultation préalable au « Plan d'action pour une plus grande sécurité des maires », adopté par la commission des lois le 2 octobre 2019 36 ( * ) . La commission s'était alors efforcée de concilier la nécessaire information des maires et de leurs adjoints avec les moyens dont dispose l'autorité judiciaire. Soucieuse de ne pas générer une charge excessive pour les parquets, la commission des lois avait limité cette dernière obligation d'information aux seuls cas où le maire en ferait la demande .

2. Rendre permanente l'information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipale : une charge démesurée pour les parquets ?

L'article 1 er bis de la proposition de loi, introduit par l'Assemblée nationale en séance publique à l'initiative de Maud Petit et Josy Poueyto, prévoit de rendre systématique l'information du maire par le procureur de la République des suites judiciaires (classements sans suite, mesures alternatives, poursuites engagées, jugements définitifs, appels interjetés) données aux infractions constatées sur le territoire de sa commune :

- causant un trouble à l'ordre public ;

- constatées par les agents de police municipale ;

- signalées par le maire en application de l'article 40 du code de procédure pénale.

Ce faisant, l'article 1 er bis va à l'encontre de la position exprimée par la commission des lois lors de la loi Engagement et proximité et risque de représenter une charge démesurée pour les parquets .

Comme le confirme la direction générale des affaires criminelles et des grâces, entendue par les rapporteurs, « une telle information constitue une charge considérable pour les juridictions dont on peut par ailleurs douter de l'intérêt dans un grand nombre de cas. Sa mise en oeuvre pratique apparaît difficilement réalisable . »

La commission des lois a considéré qu'il était légitime que le maire soit informé des suites judiciaires données aux infractions qu'il signale, dès lors qu'il en ressent le besoin. Il est donc nécessaire que les parquets répondent systématiquement aux demandes du maire . C'est l'objet des amendements identiques COM-229 des rapporteurs et COM-138 rectifié bis de Françoise Gatel adoptés par la commission.

La commission a adopté l'article 1 er bis ainsi modifié.

Article 2
Élargissement des manifestations sportives, récréatives et culturelles à la sécurité desquelles les agents de police municipale peuvent être affectés

L'article 2 de la proposition de loi tend à élargir les prérogatives des agents de police municipale dans le cadre de manifestations sportives, récréatives ou culturelles.

La commission a adopté cet article en y ajoutant une coordination manquante.

Les agents de police municipale peuvent, sur décision du maire, être affectés à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs. L'article 2 de la proposition de loi tend à supprimer ce seuil, afin que les maires puissent décider d'affecter des policiers municipaux à la sécurité de toute manifestation sportive, récréative ou culturelle, quelle que soit son importance.

1. La possibilité pour les agents de police municipale de procéder à l'inspection visuelle des bagages ou à leur fouille ainsi qu'à des palpations de sécurité dans le cadre d'une manifestation

L'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure définit les missions des agents de police municipale. Son sixième alinéa indique que ceux-ci peuvent être affectés, sur décision du maire :

- à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle rassemblant plus de 300 spectateurs ;

- à la sécurité d'un périmètre de protection 37 ( * ) ;

- à la surveillance de l'accès à un bâtiment communal.

Dans ce cadre, ils peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. Ils peuvent également procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité par une personne du même sexe 38 ( * ) .

2. Suppression du seuil permettant l'affectation de la police municipale à la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles

Le livre blanc de la sécurité intérieure, publié le 16 novembre 2020, indique que « dans le cadre des missions de surveillance et d'assistance à la population lors des manifestations sportives, culturelles et récréatives, la police municipale a toute sa place pour réguler le public, surveiller les accès et gérer la circulation. En liaison avec les forces de sécurité intérieure, la référence au seuil de 300 spectateurs attaché aux manifestations sportives, récréatives et culturelles n'a plus lieu d'être et il est proposé d'ouvrir le champ de compétence des polices municipales sur toutes les activités locales sans niveau de seuil » 39 ( * ) .

Tel est l'objet de l'article 2 de la proposition de loi qui prévoit d'élargir à l'ensemble des manifestations sportives, récréatives ou culturelles la possibilité d'affectation des agents de police municipale, sur décision du maire. À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté l' amendement COM-233 de coordination.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (non modifié)
Compétence des agents de police municipale et des gardes champêtres en matière de répression de l'ivresse publique

L'article 3 de la proposition de loi tend à préciser que la procédure suivie par les forces de l'ordre en cas d'ivresse publique ne pourra être mise en oeuvre que si un examen médical atteste que l'état de santé de la personne ne s'y oppose pas. Il définit également les personnes habilitées à mettre en oeuvre cette procédure, en ajoutant aux forces de sécurité intérieure les policiers municipaux et les gardes champêtres.

La commission a adopté cet article sans modification.

L'article 3 de la proposition de loi donne compétence aux agents de police municipale et aux gardes champêtres en matière de répression de l'ivresse publique. Il précise également que le placement en rétention d'une personne ne peut se faire que si un examen médical a préalablement attesté que son état de santé ne s'y oppose pas.

1. Le traitement des ivresses publiques et manifestes

Depuis la loi du 23 janvier 1873 tendant à réprimer l'ivresse publique et à combattre les progrès de l'alcoolisme , l'ivresse publique et manifeste (IPM) est réprimée en droit français. Cette infraction ne sanctionne pas un taux d'alcoolémie, mais un état alcoolique qui représente un risque pour les personnes et crée un trouble à l'ordre public. Une personne trouvée en état d'ivresse publique et manifeste encourt une contravention de seconde classe 40 ( * ) .

Les forces de l'ordre en charge de l'interpellation doivent établir l'ivresse de la personne de manière précise , au regard de sa façon de se déplacer, de son élocution ou de son regard. Une fois celle-ci établie, la personne est, « par mesure de police, conduite à ses frais dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, pour y être retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison » 41 ( * ) . L'article L. 3341-1 du code de la santé publique précise que, par dérogation et s'il n'est pas nécessaire de procéder à l'audition de la personne en question, il est possible de la placer sous la responsabilité d'une personne qui se porte garante d'elle.

Cette procédure a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui s'est prononcé par voie de question prioritaire de constitutionnalité . Le Conseil a relevé qu'il s'agit de « mesures relevant de la police administrative dont l'objet est de prévenir les atteintes à l'ordre public et de protéger la personne dont il s'agit » et que « la privation de liberté ne peut se poursuivre après que la personne a recouvré la raison ». Il en a conclu que la procédure ne constitue pas une détention arbitraire méconnaissant l'article 66 de la Constitution ou tout autre droit ou liberté que la Constitution garantit, sous réserve que « la durée du placement en chambre de sûreté, qui doit être consignée dans tous les cas par les agents de la police ou de la gendarmerie nationales, soit prise en compte dans la durée de la garde à vue » 42 ( * ) .

Ainsi, le placement en cellule de dégrisement n'est pas du même ordre qu'un placement en garde à vue, celui-ci pouvant toutefois éventuellement lui succéder. L'article L. 3341-2 du code de la santé publique dispose en effet que « lorsqu'il est mis fin à la rétention en chambre de sûreté de la personne, son placement en garde à vue , si les conditions de cette mesure prévues par le code de procédure pénale sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée des droits mentionnés à l'article 61-1 du code de procédure pénale ».

Progressivement, et comme l'ont confirmé aux rapporteurs les syndicats de la police nationale et le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, la réalisation d'un examen médical préalable au placement en cellule de dégrisement s'est imposée afin de vérifier que l'état de santé de la personne ne s'y opposait pas .

La procédure de gestion des IPM, qui a régulièrement évolué, comporte donc désormais trois étapes : un temps policier avec l'interpellation et le placement en cellule de dégrisement et une audition, un temps médical ou hospitalier qui s'est progressivement imposé avec un examen médical et la délivrance d'un justificatif lorsque l'état de la personne est compatible avec la rétention, et un temps judiciaire car le contrevenant encourt une contravention de deuxième classe.

2. L'inscription de l'examen médical préalable dans la loi

Bien qu'un examen médical préalable au placement en cellule de dégrisement se soit progressivement imposé, cette exigence n'est pas prévue dans la loi et relève de la bonne volonté des services.

Le Défenseur des droits recommandait dans sa décision n° 2017-057 du 24 mars 2017 que « tout placement en cellule de dégrisement soit précédé d'un examen médical obligatoire et effectif, et que cette obligation soit inscrite dans la loi - en ce qu'il s'agit d'une garantie importante pour la personne interpellée ainsi que pour les fonctionnaires qui en ont la garde - et que le certificat de non hospitalisation établi à l'issue de cet examen médical fasse mention des éléments objectifs constatés mais également des examens médicaux de contrôle pratiqués ».

C'est le premier objet de l'article 3 de la proposition de loi, qui viendrait préciser à l'article L. 3341-1 du code de la santé publique que la conduite aux frais de la personne dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté ne peut avoir lieu qu'après que les personnes en charge de cette conduite aient « fait procéder à un examen médical, qu'il soit réalisé sur le territoire communal ou en dehors de celui-ci » .

Les rapporteurs se sont interrogés sur les modalités précises de réalisation de cet examen et l'applicabilité de cette disposition. Le livre blanc de la sécurité intérieure donne quelques indications quant à la prise en charge envisagée : il y est indiqué que « la prise en charge des ivresses publiques et manifestes fait l'objet de discussions avec les réseaux de médecine de proximité pour réformer la prise en charge médicale de ces personnes. L'objectif est de permettre l'examen médical et la délivrance du certificat de non-admission de ces personnes dans les locaux de police et non plus dans les hôpitaux, afin d'éviter aux forces de l'ordre des temps de transport coûteux en temps et en effectifs » 43 ( * ) . Il semble donc qu'un travail soit en cours pour que cet examen médical systématique puisse être réalisé à court terme.

3. La participation des polices municipales et des gardes champêtres à la procédure de traitement des IPM

Aujourd'hui, seuls les policiers nationaux et les gendarmes peuvent, conformément à l'article L. 3341-1 du code de la sécurité publique, conduire à ses frais dans le local de police ou de gendarmerie le plus voisin ou dans une chambre de sûreté, une personne trouvée en état d'ivresse dans les lieux publics pour qu'elle y soit retenue jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison.

Afin d'assurer un meilleur service de proximité, le livre blanc de la sécurité intérieure propose d'élargir à la police municipale le traitement des ivresses publiques et manifestes 44 ( * ) . C'est le second objet de l'article 3 de la proposition de loi, qui prévoit que les policiers municipaux et les gardes champêtres pourront également, après avoir fait procéder à un examen médical, conduire la personne au local de police ou de gendarmerie le plus proche . En revanche, il ne sera pas de leur responsabilité d'assurer la garde de la personne en état d'ivresse publique et manifeste, qui continuera de relever des seuls policiers et gendarmes nationaux, les cellules de dégrisement restant par ailleurs dans les locaux de police ou de gendarmerie nationale.

Dans ces conditions, la commission des lois ne s'est pas opposée à l'extension des missions des agents de police municipale et a adopté l'article 3 sans modification.

La commission a adopté l'article 3 sans modification.


* 4 Gilbert Bonnemaison, Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité : rapport au Premier ministre , consultable à l'adresse suivante : https://www.vie-publique.fr/rapport/24987-face-la-delinquance-prevention-repression-solidarite-rapport-au .

* 5 Loi n° 99-291 du 15 avril 1999 relative aux polices municipales .

* 6 Désormais inscrit dans le cinquième livre du code de la sécurité intérieure.

* 7 Circulaire NOR : IOCD1119121C du 20 juillet 2011 relative à l'interdiction des missions de maintien de l'ordre aux agents de police municipale.

* 8 2° de l'article 21 du code de procédure pénale.

* 9 Article L. 3136-1 du code de la santé publique.

* 10 Comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur les polices municipales (2020), p 47.

* 11 Décret n° 2018-387 du 24 mai 2018 précisant les conditions d'accès aux informations des traitements de données à caractère personnel relatifs au permis de conduire et à la circulation des véhicules .

* 12 Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mars 2018, 17-81.011.

* 13 Dans le considérant 59 de cette décision, le Conseil constitutionnel explique en effet que « l'exigence de direction et de contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire ne serait pas respectée si des pouvoirs généraux d'enquête criminelle ou délictuelle étaient confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire ».

* 14 Cour des comptes, Organisation et gestion des forces de sécurité publique , 2011, p 111.

* 15 Comme l'explique la Cour des comptes dans son rapport public thématique sur les polices municipales (2020), p 81.

* 16 Article L. 512-4 du code de la sécurité intérieure.

* 17 Dans le cadre de l'article L. 512-1 du code de la sécurité intérieure.

* 18 Article 2 du décret n° 2006-1392 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des directeurs de police municipale .

* 19 V de l'article.

* 20 VI de l'article.

* 21 VI bis de l'article, introduit par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en commission.

* 22 IV de l'article.

* 23 III de l'article.

* 24 II de l'article.

* 25 Défini aux articles 224 à 230 du code de procédure pénale.

* 26 Direction des affaires criminelles et des grâces, Guide des saisies et confiscations .

* 27 Article 16 du code de procédure pénale.

* 28 Article 12 du code de procédure pénale.

* 29 Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 mars 2018, 17-81.011.

* 30 Considérant n° 59.

* 31 Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique .

* 32 Article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure.

* 33 Article L. 132-2 du code de la sécurité intérieure.

* 34 Article L. 132-2 du code de la sécurité intérieure.

* 35 Article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure.

* 36 Rapport d'information de Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois n° 11 (2019-2020), déposé le 2 octobre 2019.

* 37 Article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure. Créé par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme , cet article dispose que les périmètres de protection sont institués par le préfet afin d'assurer la sécurité d'un lieu ou d'un événement exposé à un risque d'actes de terrorisme à raison de sa nature et de l'ampleur de sa fréquentation. En leur sein, l'accès et la circulation des personnes sont réglementés. Cette disposition, de nature expérimentale, expirera le 30 décembre 2021.

* 38 Les policiers municipaux étant des agents publics assermentés et agréés par le préfet et le procureur de la République, le législateur n'a pas prévu que les palpations de sécurité doivent demeurer sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, comme cela est le cas pour celles effectuées par les agents privés de sécurité ou les membres des services d'ordre.

* 39 Livre blanc de la sécurité intérieure, publié le 16 novembre 2020, p. 137.

* 40 Article R. 3353-1 du code de la santé publique.

* 41 Article L. 3341-1 du code de la santé publique.

* 42 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-253 QPC du 8 juin 2012.

* 43 Livre blanc de la sécurité intérieure, 16 novembre 2020, p127.

* 44 Livre blanc de la sécurité intérieure, 16 novembre 2020, p. 137.

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