EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Création d'un comité d'évaluation des textes
restreignant l'accès à certaines professions

Cet article vise à créer un comité d'évaluation des textes relatifs aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de maladies chroniques dont une personne est atteinte.

La commission a adopté cet article avec modifications en supprimant notamment la présence des parlementaires au sein du comité.

I - Le dispositif proposé

La rédaction initiale de l'article 1 er prévoyait la création d'un « comité interministériel d'évaluation des textes obsolètes réglementant l'accès au marché du travail , et par conséquent à certaines formations, du fait de problèmes médicaux, [...], tenant compte des évolutions médicales et technologiques ».

La composition du comité était sommairement prévue, celui-ci devant comprendre des représentants d'administration, des parlementaires, des représentants de patients et du corps médical.

II - Les modifications de l'Assemblée nationale

A. En commission

À l'initiative de sa rapporteure, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté une nouvelle rédaction à l'article 1 er .

Le I créé supprime le caractère « interministériel » du comité et lui assigne quatre missions .

Trois concernent directement les textes règlementant l'accès au marché du travail avec le recensement de ceux-ci, l'évaluation de leur pertinence et la formulation de propositions visant à les actualiser . La quatrième vise, plus généralement à formuler des propositions sur l'inclusion des personnes atteintes d'une maladie chronique dans le marché du travail.

Le II concerne la composition du comité , précisée notamment avec l'inscription de personnalités qualifiées et le renvoi au code de la santé publique concernant les représentants d'associations agréées.

Le III renvoie à un décret d'éventuelles précisions sur la composition et le fonctionnement du comité.

B. En séance publique

Plusieurs amendements ont été adoptés en séance publique à l'initiative de la rapporteure, visant à préciser la rédaction issue des travaux de la commission .

Les députés ont notamment supprimé la notion de textes « obsolètes » et défini une mission générale pour le comité : favoriser l'égal accès au marché du travail de toute personne, quel que soit son état de santé.

III - La position de la commission : des réserves et des ajustements sur cet article

Comme l'auteure et rapporteure de la proposition de loi à l'Assemblée nationale l'a rappelé dans son rapport, ce texte et particulièrement la création de ce comité sont proposés alors qu' une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'administration, annoncée par le Gouvernement au début de l'année 2019, n'a jamais vu le jour .

En outre, la commission constate que cet article visant à créer un comité d'évaluation ne relève pas du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution et que l'intention même de cet article est bien, in fine , de l'ordre de la production d'un rapport remis au Parlement avec un double objet : le recensement exhaustif des textes portant restrictions d'accès, d'une part, et la formulation éventuelle de modifications à prévoir, d'autre part.

Aussi, le rapporteur et la commission regrettent qu'il faille passer par la loi pour contraindre le Gouvernement à tenir ses propres engagements de commandes de missions aux inspections générales.

Sur la proposition du rapporteur, la commission a cependant choisi de conserver cet article, en y apportant plusieurs modifications.

Alors que la loi prévoit régulièrement la création de comités chargés de missions précises, le Sénat regrette souvent leur multiplication et ne peut que constater que des projets de loi de simplification viennent régulièrement supprimer ces mêmes instances quelques années après leur création. Aussi, si la mission attribuée à ce comité d'évaluation est bien de faire un bilan du droit existant et des modifications nécessaires, il convient de considérer ce problème comme un problème de « stock » et non de « flux » qui requerrait une instance pérenne . En conséquence, la commission a adopté un amendement de son rapporteur visant à limiter l'existence du comité à trois ans, modification qui a également pour objectif de le contraindre à travailler « en temps limité » (amendement COM-1) .

À l'initiative de son rapporteur, la commission a également apporté des modifications rédactionnelles visant notamment à :

- préciser que la pertinence des normes doit s'apprécier au regard des risques et sujétions que peuvent revêtir les fonctions ou emplois accessibles, et ce pour la personne comme pour les tiers (amendement COM-2) ;

- prévoir la composition paritaire du comité (amendement COM-3).

Par ailleurs, suivant la position du Sénat sur la limitation au strict nécessaire de la présence des parlementaires au sein des organismes extra-parlementaires , la commission a, sur proposition de son rapporteur, supprimé la participation des parlementaires à ce comité (amendement COM-4).

Enfin, et en cohérence avec l'objet de l'article 4, la commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que le comité rende régulièrement compte de ses travaux au Gouvernement et au Parlement (amendement COM-5).

Article 2
Principe de non-discrimination à l'accès à l'emploi ou à une formation
en raison d'une maladie chronique

Cet article vise à inscrire dans la loi un principe de non-discrimination en raison d'une maladie chronique dont une personne est atteinte, ainsi que des dérogations possibles.

La commission a adopté une nouvelle rédaction de cet article afin de concentrer le dispositif sur l'encadrement des restrictions possibles.

I - Le dispositif proposé

L'article 2 prévoyait dans sa rédaction initiale l'abrogation de l'ensemble des « listes interdisant a priori l'accès des personnes diabétiques aux professions réglementées » .

Le dispositif visait en outre à conditionner l'accès des personnes diabétiques à ces fonctions à une évaluation individuelle menée par le médecin inspecteur du travail.

II - Les modifications de l'Assemblée nationale

A. En commission

À l'initiative de sa rapporteure, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a réécrit cet article.

Le premier alinéa du I prévoit ainsi un principe de non-inaptitude à un emploi ou une formation en raison d'une maladie chronique .

Le second alinéa du I précise que la décision d'inaptitude ne peut être prise qu'à l'issue d' une évaluation « au cas par cas » de l'état de santé de la personne par le médecin du travail et que cette décision doit d'être adaptée aux fonctions visées par la personne.

Le II prévoit un délai pour l' entrée en vigueur du dispositif, au plus tard deux ans après la promulgation de la loi .

B. En séance publique

À l'initiative du Gouvernement, une nouvelle rédaction de l'article 2 a été adoptée en séance publique par l'Assemblée nationale.

Le I prévoit désormais un principe de non-discrimination sur l'ensemble des aspects professionnels , du recrutement à la rupture du contrat de travail, en l'appliquant au motif précis d'être atteint d'une maladie chronique , le texte précisant « notamment de diabète ». La rédaction retenue reprend celle de l'article L. 1132-1 du code du travail .

Le I bis inséré prévoit des dérogations au I , en raison de décisions prévues par voies législative ou réglementaire. Celles-ci doivent être individuelles et prises en cohérence avec les fonctions visées, l'état des traitements possibles et la sécurité de la personne et des tiers .

Le II maintient l'entrée en vigueur différée pour les I et I bis .

Le III créé prévoit une révision, dans un délai de deux ans après la promulgation de la loi, des restrictions d'accès prévues par voies législative et réglementaire. Cette révision doit se faire sur la base des travaux du comité d'évaluation créé à l'article 1 er .

III - La position de la commission : une réécriture du dispositif conservant l'intention de l'article

A. Un corpus de textes assurant un principe de non-discrimination en raison de l'état de santé

1. Un principe de non-discrimination au motif de l'état de santé déjà établi dans différents textes

Différentes dispositions légales comportent déjà des principes de non-discrimination au motif de l'état de santé .

C'est ainsi le cas du code pénal, à son article 225-1 : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement (...) de leur état de santé , de leur perte d'autonomie, de leur handicap ».

Le code du travail, à son article L. 1132-1 prévoit lui qu'« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de (...) son état de santé , de sa perte d'autonomie ou de son handicap ».

Ce principe de non-discrimination a également été consacré par la loi de 2008 8 ( * ) transcrivant le droit communautaire, à son article 1 er . Ainsi, « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. ».

2. Des restrictions admises dans l'accès à certains emplois

Ces principes généraux inscrits dans la loi sont à mettre en balance avec certaines restrictions admises par des textes législatifs ou réglementaires mais aussi par des réglementations internationales et européennes qui s'imposent en droit français.

Ces restrictions d'accès sont toujours liées à des impératifs de sécurité ou de santé , tant pour la personne que les tiers avec qui elle peut être en contact dans les fonctions qui lui sont ouvertes.

a) Des conditions de santé exigibles conformément au droit du travail

En droit français, le code du travail prévoit à son article L. 1133-3 que « Les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées ».

L'article L. 4624-2 prévoit également que pour des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du travailleur, de ses collègues ou des tiers, un suivi individuel renforcé est prévu afin de s'assurer de la compatibilité de l'état de santé du travailleur avec le poste .

Toujours pour des emplois relevant du secteur privé, certaines réglementations internationales sont applicables en France. Pour des raisons de sécurité , certaines restrictions sont ainsi prévues dans le domaine des transports. La réglementation européenne 9 ( * ) prévoit ainsi par exemple des conditions d'aptitude médicale pour l'aviation civile .

Exemple du cas des gens de mer

Le métier de marin est soumis à des conditions d'accès notamment d'aptitude médicale. Ceci découle de conventions internationales : convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW) et convention de travail maritime de 2006 pour la marine marchande, STCW-pêche et convention n°188 pour le secteur de la pêche.

Compte-tenu des impératifs du traitement et des complications potentielles de cette maladie, ces postes ainsi que l'éloignement en mer sont limités. En particulier, les postes nécessitant un haut niveau de vigilance en permanence (postes de conduite) ne sont pas accessibles aux personnes diabétiques.

L'impact pour les entreprises est lié aux risques d'une décompensation en pleine mer de la pathologie chronique du marin avec comme répercussions des opérations délicates d'évacuation sanitaire, des perturbations des opérations commerciales ou des actions de pêche et la mise en jeu de la sécurité de la navigation si cette personne occupe un poste de sécurité à bord.

L'Arrêté du 16/04/86 relatif aux conditions d'aptitude physique à la profession de marin, à bord des navires de commerce, de pêche et de plaisance a été remplacé par l'Arrêté du 3 août 2017 relatif aux normes d'aptitude médicale à la navigation des gens de mer. L'aptitude médicale s'est substituée à l'aptitude physique. Ces normes sont régulièrement évaluées (notamment par les retours des Collèges médicaux maritimes) et actualisées en fonction de l'avancée de la science médicale. En septembre 2019, l'arrêté du 3 août 2017 a été modifié pour autoriser l'accès à la profession de marins pour les personnes atteintes d'un diabète insulino-dépendant dans des postes ne mettant pas en jeu la sécurité collective du navire.

Au cours des années précédentes, d'autres adaptations ont été apportées à ces normes : par exemple, en 2017 pour prendre en compte le port de prothèses auditives et en 2015, les femmes enceintes.

Source : Réponses du ministère de la transition écologique

b) Des restrictions présentes pour l'accès aux emplois civils et militaires

Concernant la fonction publique civile , la loi Le Pors 10 ( * ) prévoyait jusqu'en 2020 que « Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire (...) s'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap ». La prise en compte des possibilités de compensation du handicap dans la loi de 1983 a été introduite par la loi de 2005 sur le handicap 11 ( * ) .

Il est en outre inscrit au sein du décret de 1986 12 ( * ) modifié que « Lorsque la nature des fonctions exercées par les membres de certains corps de fonctionnaires le requiert, l'admission dans ces corps peut, à titre exceptionnel, être subordonnée à des conditions d'aptitude physique particulières ».

Pour ce qui concerne les emplois militaires, l'article L. 4132-1 du code de la défense dispose que « Nul ne peut être militaire (...) s'il ne présente pas les aptitudes exigées pour l'exercice de la fonction ». Ces aptitudes sont vérifiées sur la base du référentiel « SIGYCOP » défini et par les armées. Ce référentiel est également utilisé pour certains cadres d'emplois du ministère de l'intérieur.

Référentiel SIGYCOP des armées

Les données recueillies au cours d'un examen médical effectué dans l'optique de l'appréciation ou de la détermination d'une aptitude sont exprimées par la formule dite profil médical.

Ce profil est défini par sept sigles (ou rubriques) auxquels peuvent être attribués un certain nombre de coefficients. L'éventail de ces coefficients couvre les différents degrés allant de la normalité qui traduit l'aptitude sansrestriction jusqu'à l'affection grave ou l'impotence fonctionnelle majeure qui commande l'inaptitude totale.

De ce fait, les résultats d'un bilan médical se trouvent transposés en niveaux qui permettent d'émettre un avis sur l'aptitude du personnel à servir ou à l'emploi , à partir de critères ou normes définis par le commandement.

Sept sigles définissent le profil médical, ils correspondent respectivement :

- S : à la ceinture scapulaire et aux membres supérieurs ;

- I : à la ceinture pelvienne et aux membres inférieurs ;

- G : à l'état général ;

- Y : aux yeux et à la vision (sens chromatique exclu) ;

- C : au sens chromatique ;

- O : aux oreilles et à l'audition ;

- P : au psychisme.

Source : Instruction du 1 er octobre 2003 modifiée relative à la détermination de l'aptitude médicale à servir

La satisfaction aux critères d'aptitude est vérifiée au recrutement . C'est pour cette raison que les formations intégrées au recrutement de certains corps sont souvent considérées comme « fermées aux malades chroniques ». C'est le cas de l'école des mines ou de l'école nationale supérieure des techniques avancées de Bretagne : leurs formations civiles ne prévoient pas de restrictions d'accès sur motif médical mais les formations dispensées par ces écoles au titre de la formation de corps militaires sont réservées aux candidats éligibles à ces derniers.

c) Des évolutions récentes ou en cours dans la fonction publique

Concernant l'accès à la magistrature , la loi organique du 8 août 2016 13 ( * ) a modifié l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 qui prévoyait que les candidats à l'École nationale de la magistrature devaient « remplir les conditions d'aptitude physique nécessaires à l'exercice de leurs fonctions et être reconnus indemnes ou définitivement guéris de toute affection donnant droit à un congé de longue durée ». La nouvelle rédaction dispose désormais qu'ils doivent « remplir les conditions d'aptitude physique nécessaires à l'exercice de leurs fonctions compte tenu des possibilités de compensation du handicap ».

Dans la fonction publique civile, une nouvelle rédaction a été apportée en 2020 14 ( * ) à la loi Le Pors, qui supprime la notion d' « aptitude physique » et prévoit que l'exclusion d'accès se fait « Le cas échéant, s'il ne remplit, compte tenu des possibilités de compensation du handicap, les conditions de santé particulières exigées pour l'exercice de certaines fonctions relevant du corps ou du cadre d'emplois auquel il a accès, en raison des risques particuliers que ces fonctions comportent pour les agents ou pour les tiers et des sujétions que celles-ci impliquent. Les statuts particuliers fixent la liste de ces fonctions ainsi que les règles générales suivant lesquelles les conditions de santé particulières sont appréciées ».

La notion de « conditions de santé particulières » est ainsi insérée, celles-ci étant nécessairement induites par les sujétions ou risques liés aux fonctions accessibles dans le cadre d'emploi. La nouvelle rédaction entend mieux proportionner les restrictions d'accès aux modalités effectives d'exercice des postes auquel l'agent à accès.

Un délai est prévu 15 ( * ) pour l'application de la nouvelle rédaction. L'ordonnance de 2020 prévoit que « les conditions d'aptitude physique particulières existantes » sont maintenues jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires attendues dans la limite de deux ans suivant sa publication.

3. Une exigence de proportionnalité confirmée par la jurisprudence

La jurisprudence a bien consacré un principe de proportionnalité dans les différences de traitement admises . En outre, la prise en compte de l'état de santé réel de la personne, avec les éventuels traitements possibles, est également consacrée.

Ainsi, le Conseil d'État a annulé en 2008 16 ( * ) certaines dispositions d'un arrêté prévoyant une restriction d'accès à un concours pour toute personne atteinte d'une affection médicale évolutive .

Le Conseil d'État avait notamment conclu, sur le fondement de la loi Le Pors et du décret de 1986 relatif aux conditions d'aptitude 17 ( * ) , « que l'appréciation des conditions d'aptitude physique particulières pour l'admission dans des corps de fonctionnaires ne peut porter que sur la capacité de chaque candidat, estimée au moment de l'admission, à exercer les fonctions auxquelles ces corps donnent accès ; que si l'appréciation de l'aptitude physique à exercer ces fonctions peut prendre en compte les conséquences sur cette aptitude de l'évolution prévisible d'une affection déclarée, elle doit aussi tenir compte de l'existence de traitements permettant de guérir l'affection ou de bloquer son évolution ».

Le juge administratif a encore récemment eu l'occasion de rappeler les exigences qui doivent être retenues pour justifier de restrictions d'accès à certains emplois , avec une décision de la Cour administrative d'appel de Bordeaux 18 ( * ) dans le cas d'une personne diabétique souhaitant se présenter au concours d'adjoint de sécurité de la police nationale.

Si les contentieux permettent de faire cesser les restrictions jugées disproportionnées faites sur le motif des conditions de santé requises ou conditions d'aptitude physique, ils occasionnent des délais et en conséquence d'éventuelles pertes de chance dans la carrière de la personne, qu'il convient d'éviter .

B. Une préoccupation partagée de faire avancer le droit lorsque nécessaire

Lors de l'examen en commission, l'auteure et rapporteure du texte à l'Assemblée nationale s'est attachée à renforcer juridiquement le dispositif de l'article 2. Le rapporteur partage cette intention : cette cause mérite mieux qu'un texte uniquement symbolique et il est du rôle du législateur que de s'assurer de la sécurité juridique mais également de veiller au caractère opérationnel des dispositions qu'il adopte .

Aussi, comme l'a souligné la rapporteure de l'Assemblée nationale dans son rapport, « il ne s'agit pas dans cette proposition de loi d'ouvrir à toutes les personnes diabétiques ou atteintes d'une maladie chronique, quel que soit leur état de santé, l'ensemble de ces métiers . La fixation de conditions minimales d'aptitude physique est bien évidemment parfois légitime et nécessaire pour des raisons de sécurité. En revanche, cet état de santé doit être évalué au cas par cas, sur la base de critères précis ».

Cependant, au cours des échanges menés pour l'examen de ce texte, le rapporteur a constaté que, si le droit existant apparaît pouvoir satisfaire les intentions de ce texte, les restrictions imposées dans les faits ne semblent pas toujours proportionnées .

Ce texte a donc, en partie, une vocation de réaffirmation du principe d'inclusion dans le monde du travail des personnes atteintes de maladies chroniques, mais aussi et surtout pour objectif de forcer à une révision des conditions de santé particulières exigibles lorsqu'elles sont légitimes et assurer que celles-ci soient proportionnées aux fonctions réellement accessibles .

C. Le souci d'un texte efficace

1. Un dispositif transmis présentant des risques juridiques

a) Un nouveau principe potentiellement peu opérant

Concernant les I et I bis , la commission considère que l'inscription dans la loi d'un nouveau principe de non-discrimination ne serait pas de nature à renforcer juridiquement le droit existant, dans la loi ou codifié, confirmé par la jurisprudence.

Ainsi, il apparaît inexact de considérer qu'une discrimination au motif d'être atteint d'une maladie chronique ne saurait relever d'une discrimination en raison de l'état de santé, déjà proscrite par différents textes . En outre, le I bis met sur le même plan des justifications devant être appréciées comme ouvrant a priori l'accès aux emplois, à savoir l'état des traitements possibles, et d'autres nécessitant de légitimes restrictions, comme l'impératif de sécurité.

Surtout, la conjugaison du I et du I bis introduit en séance conduit à postuler un principe im médiatement neutralisé et à une tournure conservant en réalité le droit existant . Le dispositif proposé apparaît donc peu opérationnel pour atteindre l'objectif recherché.

b) Une notion de « maladies chroniques » incertaine

Le rapporteur s'est interrogé sur la notion de maladies chroniques retenue dans la formulation de l'article 2 . Si cette question ne pose pas réellement de problème pour l'article 1 er , le comité pouvant le cas échéant ajuster ses travaux selon l'appréciation qu'il jugera pertinente, elle doit être posée pour la formulation d'un principe de non-discrimination.

Ainsi, en matière de prise en charge médicale, la définition peut varier et toutes les maladies chroniques ne donnent pas nécessairement lieu à une prise en charge par l'assurance maladie au titre des « affections de longue durée ».

En outre, comme le souligne l'agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) à votre rapporteur, cette terminologie appelle à être précisée, alors que le code du travail comporte depuis 2017 une mention de « personnes atteintes de maladies chroniques évolutives » 19 ( * ) . L'Anact finance actuellement une thèse sur l'emploi des travailleurs atteints de maladies chroniques évolutives, qui s'intéresse notamment à la définition juridique de ces maladies.

c) Une révision des textes en vigueur aux contours à clarifier

Enfin, la rédaction du III prévoit en l'état une révision dans un délai de deux ans de restrictions dont l'existence n'est établie qu'à l'issue de ce même délai, ce qui prive assez largement le texte d'une réelle portée.

Surtout, concernant ce même III, la commission estime la révision des textes en vigueur, si elle apparait souhaitable, ne saurait être prescrite par la loi qu'à l'égard des textes réglementaires . Le législateur ne peut se contraindre lui-même, sauf à envisager une caducité automatique qui ne saurait être conforme à l'objectif à valeur constitutionnelle de sécurité juridique.

2. Une nouvelle rédaction adoptée

Ainsi, à l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté une nouvelle rédaction de l'article 2 (amendement COM-6) .

Le premier alinéa du I issu de la rédaction de la commission prévoit ainsi que, lorsque des restrictions d'accès au motif de la satisfaction de conditions de santé particulières sont prévues par des normes internationales, européennes ou nationales, celles-ci doivent être proportionnées aux risques pour la santé et la sécurité de la personne et des tiers dans les fonctions potentiellement assurées par la personne .

Le deuxième alinéa conserve l'intention d'une appréciation « au cas par cas » et tenant compte de l'état des traitements possibles de la pathologie.

Le troisième alinéa renvoie au pouvoir réglementaire les éventuelles précisions nécessaires à l'application du I.

Le II issu de la rédaction de la commission prévoit une actualisation régulière des conditions d'aptitude fixées pour l'accès à certains emplois, afin de rendre cette nécessité d'adaptation pérenne et non seulement dans les deux ans suivants la promulgation de la loi.

Le III conserve l'entrée en vigueur différée, modifiée au 1 er décembre 2022 pour la mettre en cohérence avec l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 25 novembre 2020 précitée, qui doit produire ses effets dans les deux ans.

Article 3
Rapport au Parlement sur les travaux du comité d'évaluation

Cet article vise à prévoir la remise au Parlement d'un rapport sur les travaux du comité créé par la proposition de loi.

La commission a supprimé cet article qu'elle estime ne pas relever du domaine de la loi.

I - Le dispositif proposé

La rédaction initiale de l'article 3 prévoyait la remise au Parlement avant le 31 décembre 2019, d'un rapport du Gouvernement « évaluant les progrès réalisés » par le comité créé à l'article 1 er . Ce rapport devait également intégrer d'éventuelles propositions de modifications législatives ou réglementaires.

L'article 3 prévoyait en outre la possibilité pour le comité d'évaluation de formuler des propositions quant à l'accès à certaines professions.

II - Les modifications de l'Assemblée nationale

Lors de l'examen en commission puis en séance publique, l'Assemblée nationale a, sur proposition de sa rapporteure, modifié cet article afin de le mettre en cohérence avec les modifications apportées à l'article 1 er :

- sur le nom du comité ;

- sur la mission donnée au comité en matière de préconisations , celle-ci étant en conséquence supprimée au sein de l'article 3.

La date de remise du rapport a en outre été modifiée au stade de la commission, au profit d'un délai fixé à un an après la promulgation de la loi.

III - La position de la commission : la suppression de cet article

Suivant une position régulièrement réaffirmée par le Sénat, la commission des affaires sociales est par principe opposée aux dispositions prévoyant la remise par le Gouvernement de rapports au Parlement , particulièrement lorsqu'elle estime que ce dernier est en capacité de les produire.

La notion retenue dans la rédaction de l'article transmis de « progrès réalisés » par le comité pose question dans la mesure où le comité n'est pas doté de pouvoirs d'action et ne saurait se substituer aux pouvoirs législatif et réglementaire dans le cas d'une modification nécessaire des normes en vigueur. Aussi, il semble plus opportun de considérer que le rapport attendu porte sur l'avancée des travaux de recensement menés par le comité et, le cas échéant, ses préconisations. Auquel cas, il apparaît préférable de prévoir la publication d'un rapport d'activité annuel plutôt que la remise d'un rapport unique produit par le Gouvernement .

En conséquence et en cohérence avec la modification apportée à l'article 1 er , la commission a supprimé cet article (amendement COM-7) .

Article 4
Campagne d'information sur le diabète

Cet article vise à prévoir une campagne de communication sur le diabète.

La commission n'a pas adopté cet article qu'elle estime ne pas relever du domaine de la loi.

I - Le dispositif proposé : une campagne de communication sur les maladies chroniques

La rédaction initiale de l'article 4 prévoyait une campagne publique d'information sur le diabète ainsi que sur les autres maladies chroniques, cette campagne ayant également vocation à sensibiliser à l'inclusion sur le marché du travail.

II - Les modifications apportées à l'Assemblée nationale : un recentrage sur le diabète

Lors de l'examen du texte en commission, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a, sur proposition de sa rapporteure, supprimé la mention d'autres maladies chroniques et, ainsi, restreint cette campagne au diabète et à l'inclusion sur le marché du travail des personnes atteintes de diabète .

Un délai de deux ans après la promulgation de la loi a également été prévu pour la réalisation de cette campagne.

III - La position de la commission : la suppression de cet article

Le rapporteur et la commission souscrivent à l'intention de cet article d'une meilleure information de la population sur le diabète et, plus généralement, sur les maladies chroniques et partagent la préoccupation d'une meilleure inclusion sur le marché du travail des personnes atteintes de telles pathologies.

Cependant, la commission estime que la prescription d'une campagne de communication menée par le Gouvernement ou par l'une des agences de l'État, notamment l'agence nationale de santé publique - Santé publique France, ne relève pas du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution.

Aussi, malgré les réserves du rapporteur, la commission n'a pas adopté cet article.

Article 5 (supprimé)
Gage

Cet article prévoyait un gage sur les droits à tabac visant à compenser les conséquences financières pour l'État de la proposition de loi .

Le Gouvernement a, lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale, déposé un amendement visant à supprimer cet article et ainsi « lever le gage » ; cet amendement a été adopté par l'Assemblée nationale.

La commission a maintenu la suppression de cet article .


* 8 Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

* 9 Règlement (UE) n° 1178/2011 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l'aviation civile conformément au règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil.

* 10 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, article 5.

* 11 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 12 Décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation de médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires.

* 13 Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 14 Ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique.

* 15 Article 14 de l'ordonnance précitée.

* 16 Section du contentieux, 8 ème et 3 ème sous-sections réunies, Séance du 14 avril 2008, Lecture du 6 juin 2008 N° 299943 - Union générale des syndicats pénitentiaires CGT.

* 17 Décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires.

* 18 Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 28 septembre 2020.

* 19 Article L. 2312-8 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

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