TITRE VI
MESURES DE DÉCONCENTRATION

Article 45
Octroi au préfet de la fonction
de délégué territorial d'agences nationales

L'article 45 tend à faire du préfet de région le délégué territorial de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Favorable à cette évolution, la commission a dupliqué cette mesure, s'agissant du préfet de département, pour l'Office français de la biodiversité (OFB) et adopté l'article ainsi modifié.

1. Une évolution attendue de longue date

En tant que délégués de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), les préfets de région président d'ores et déjà le comité régional d'orientation ainsi que la commission régionale des aides et coordonnent les actions conduites par les services déconcentrés placés sous son autorité et celles de l'ADEME. L'octroi aux préfets de région de la qualité de « délégué territorial » revient à leur attribuer de nouvelles prérogatives :

- ils représenteraient localement l'agence , ce qui implique en particulier qu'ils recevraient délégation de pouvoir du conseil d'administration pour négocier et conclure au nom de l'agence toute convention avec les collectivités territoriales et leurs groupements ;

- ils coordonneraient l'action de l'agence avec celles des services de l'État placés sous leur autorité , notamment vis-à-vis des collectivités territoriales ;

- ils auraient enfin une autorité sensiblement accrue sur le représentant territorial de l'agence . Ils pourraient en particulier édicter des directives d'action territoriale (DAT) à l'adresse du responsable territorial de l'agence et contribueraient à l'évaluation de celui-ci.

Le décret n° 2012-509 du 18 avril 2012 pris en application de l'article 59-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 modifié relatif aux pouvoirs des préfets avait ajouté l'ADEME à la liste des établissements pour lesquels le préfet était institué comme délégué territorial.

Cette évolution avait néanmoins été privée d'effet par le Conseil d'État dès 2013 au motif que l'octroi au préfet de la qualité de délégué territorial lui conférant un pouvoir hiérarchique au sein de l'agence, une telle disposition avait le caractère de règle constitutive de l'ADEME que seul le législateur avait compétence pour modifier 161 ( * ) .

2. Une disposition bienvenue, dont la commission a souhaité l'extension

L'article 45 du présent projet de loi tire les conséquences de cette censure et attribue donc aux préfets de région la qualité de délégué territorial de l'ADEME. La commission a accueilli favorablement cette mesure , attendue de longue date. S'inscrivant dans la droite lignée de cette évolution la commission a souhaité, par l'adoption de l' amendement COM-1084 des rapporteurs , compléter cette disposition afin que le préfet de département soit le délégué territorial de l'Office français de la biodiversité (OFB). De création récente, l'OFB est un établissement public d'État contribuant « à la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité » au titre de l'article L. 131-9 du code de l'environnement.

Ainsi complété, l'article doit permettre aux préfets de région et de département de s'assurer de la nécessaire coordination des politiques conduites par l'État et les collectivités territoriales en matière de protection de l'environnement .

La commission a adopté par ailleurs un amendement COM-1085 des rapporteurs, procédant à une coordination .

La commission a adopté l'article 45 ainsi modifié .

Article 46
Renforcement du rôle du préfet
dans l'attribution des aides des agences de l'eau

L'article 46 tend à renforcer le rôle du préfet coordonnateur de bassin dans le fonctionnement des agences de l'eau en systématisant l'attribution à celui-ci de la présidence du conseil d'administration et en renforçant son rôle dans l'attribution des aides versées par les agences de l'eau.

Soucieuse de préserver le rôle des comités de bassin, la commission a précisé que le rapport sur les priorités de l'État dans les territoires ne serait pas présenté par le préfet coordonnateur de bassin devant le conseil d'administration, mais par les préfets de département devant le comité de bassin. Elle a en conséquence adopté l'article ainsi modifié.

1. Un renforcement des attributions des préfets coordonnateurs de bassin, entre efficacité de l'action publique et recentralisation

Dans l'Hexagone, six agences de l'eau, établissements publics de l'État à caractère administratif dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière, sont chargées d'assurer une gestion coordonnée de la ressource en eau à l'échelle du bassin . Elles ont notamment pour rôle de prélever des redevances en application de l'article L. 213-10 du code de l'environnement, et de verser des subventions aux personnes publiques et privées, notamment pour financer des travaux d'intérêt commun à l'échelle du bassin.

Elles sont administrées par un conseil d'administration , dont la composition est prévue à l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement. Ce conseil d'administration est adossé à un comité de bassin, qui assure une représentation des élus du territoire, dont les collectivités territoriales et leurs groupements , qui composent 40 % de celui-ci 162 ( * ) .

Décisionnaire, le conseil d'administration est tenu de consulter le comité de bassin , notamment sur celles de ses délibérations qui sont relatives au programme pluriannuel d'intervention et aux taux des redevances, qui ne peuvent être arrêtés qu'après avis conforme du comité de bassin. Le comité de bassin dispose donc d'un rôle qui, bien que consultatif, lui permet de prendre part une pleine part aux décisions de l'agence.

L'article 46 du présent projet de loi modifie l'architecture institutionnelle des agences de l'eau en procédant à un double renforcement du rôle du préfet de région coordonnateur de bassin au sein des agences de l'eau :

- les préfets coordonnateurs de bassin présideraient désormais systématiquement le conseil d'administration , ce qui n'est le cas que de la moitié d'entre eux à l'heure actuelle ;

- ils présenteraient devant le conseil d'administration les priorités de l'État ainsi que la synthèse des projets de l'État et des collectivités territoriales.

La première de ces dispositions semble aux rapporteurs gage d'efficacité pour l'action publique, le préfet coordonnateur de bassin ayant vocation, comme l'intitulé de sa fonction l'indique, à coordonner les actions des personnes publiques et de l'État à l'échelle du bassin.

La seconde de ces dispositions soulève néanmoins des difficultés. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil national d'évaluation des normes a ainsi jugé cette disposition comme une « recentralisation manifeste » de la politique de l'eau .

2. La position de la commission : garantir l'association des élus aux décisions des agences de l'eau

Si la commission ne voit aucun obstacle à ce que le préfet de région joue un rôle de coordination plus affirmé au sein des agences de l'eau, elle partage le souci, exprimé par plusieurs associations d'élus, de ne pas priver de leurs prérogatives les comités de bassin . En effet, la présentation des priorités de l'État directement devant le conseil d'administration pourrait conduire à marginaliser, au sein de la gouvernance des agences de l'eau, les comités de bassin dont le rôle est précisément de définir les orientations de l'action de l'agence 163 ( * ) .

La commission a en conséquence, par l'adoption de l'amendement COM-1086 des rapporteurs , prévu que le rapport sur les priorités de l'État dans les territoires ne serait pas présenté devant le conseil d'administration, mais devant le comité de bassin . Ce faisant, elle a souhaité éviter que ces comités, dans lesquels les élus locaux représentent leur territoire, ne soient privés de leur fonction d'instance stratégique.

Par ailleurs, la commission a prévu que ce rapport soit présenté par les préfets de département relevant du bassin, et non par le préfet de région, qui n'a pas nécessairement une appréhension détaillée des enjeux posés par la gestion de l'eau en proximité .

Enfin, la commission a créé une obligation d'information des collectivités territoriales et de leurs groupements, de la part de l'agence de l'eau, sur les subventions que celle-ci leur verse.

La commission a adopté l'article 46 ainsi modifié .

Articles 46 bis à 46 quinquies (nouveaux)
Renforcement de l'État déconcentré

Les articles 46 bis à 46 quinquies , introduits par la commission à l'initiative des rapporteurs, tendent à renforcer le pouvoir des préfets, en particulier de département.

1. Le nécessaire renforcement de la déconcentration, en particulier au niveau départemental

Comme le rappelait le rapport « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales », le renforcement de la déconcentration constitue une « garantie d'efficacité » dans une République décentralisée . Il précisait ainsi que « l'épidémie de covid-19 a mis en évidence les difficultés posées par la fragmentation de l'État territorial entre les services placés sous l'autorité hiérarchique des préfets et ceux qui ne le sont pas », soulignant que le « fonctionnement en « tuyaux d'orgue » de l'État territorial et « l'agenciarisation » des services de l'État peuvent en effet rendre difficile la coordination de l'action publique ».

Il apparaît, donc, particulièrement nécessaire de renforcer le rôle du préfet de département , largement affaibli depuis la décennie 2010.

La perte de substance de l'État départemental

La réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE), lancée au tournant des années 2010 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), a procédé d'un double objectif de renforcement de l'échelon régional et de maîtrise des effectifs.

Cette réforme a notamment consacré l'autorité de principe des préfets de région sur les préfets de département (hors droit des étrangers, police administrative et contrôle de légalité des actes des collectivités territoriales) 164 ( * ) .

La RéATE a en outre fortement restructuré les services départementaux en substituant aux douze anciennes directions départementales deux à trois directions départementales interministérielles (DDI) 165 ( * ) :

- la direction départementale de la protection des populations (DDPP), qui est notamment compétente en matière de sécurité alimentaire, de surveillance des marchés et de prévention des risques sanitaires ;

- la direction départementale des territoires (DDT) et, le cas échéant, de la mer (DDTM), chargée de l'aménagement et du développement durable du territoire ;

- la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) lorsque la population excède 400 000 habitants (autrement, celle-ci est fusionnée avec la DDPP), chargée des politiques de cohésion sociale et relatives à la jeunesse, aux sports, à la vie associative et à l'éducation populaire.

Surtout, dans un rapport de 2017, la Cour des comptes a relevé qu' entre 2011 et 2015, la baisse des effectifs a concerné la totalité des services départementaux de l'État, à l'exception des services du Premier ministre, qui ne représentent qu'une part minime des agents. Au total, les effectifs des services départementaux ont connu une diminution de 16,7 % (- 31 184 ETPT) en quatre ans seulement, quand ceux des services régionaux ne baissaient que de 2,5 % (- 1 742 ETPT).

Source : rapport n° 706 (2019-2020) de Cécile Cukierman précité

2. Renforcer l'État déconcentré

La commission a ainsi souhaité renforcer l'État déconcentré par l'adoption de quatre amendements des rapporteurs, reprenant des dispositions de la proposition de loi pour le plein exercice des libertés locales.

En premier lieu, elle a prévu, par l'adoption de l'amendement COM-1157 des rapporteurs, l'insertion de l'article 46 bis prévoyant la possibilité de dérogation des collectivités territoriales , dans leurs domaines de compétences , aux règles fixées par décret , lorsque le législateur a attribué au pouvoir réglementaire national l'édiction des normes d'application. Ce faisant, le rôle des préfets serait renforcé, puisqu'ils seraient chargés d'autoriser ces dérogations par arrêté motivé . Une telle modification paraît également de nature à renforcer l'application du principe de différenciation .

En deuxième lieu, la commission a inscrit dans la loi le principe selon lequel toute décision prise au niveau territorial relève prioritairement du préfet de département par l'adoption de l'amendement COM-1156 des rapporteurs créant l'article 46 quinquies . Si ce principe a été affirmé dans le cadre de la charte de la déconcentration 166 ( * ) , il semble souffrir de trop nombreuses exceptions. Afin de réaffirmer le rôle du préfet de département, l'article 46 quinquies prévoit que toute décision de l'État territorial soit prise par défaut au niveau du préfet de département ; celui-ci pourrait néanmoins déléguer son pouvoir de décision au préfet de région.

En troisième lieu, la commission a réaffirmé, par l'adoption de l'amendement COM-1188 ajoutant l'article 46 quater , sa position constante, de favoriser l'attribution de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) au niveau départemental . À titre principal, l'article ainsi ajouté vise à ce que les subventions de l'État au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) soient principalement attribuées par le préfet de département, et non par le préfet de région. En pratique, les préfets de région délèguent cette tâche aux préfets de département, qui la subdélèguent parfois aux sous-préfets d'arrondissement, ce qui ralentit considérablement le circuit de décision . En outre, les enveloppes régionales sont, dans les faits, réparties entre les départements au prorata de leur population, ou peu s'en faut. Afin que les préfets de région puissent néanmoins opérer une forme de redistribution entre les départements, s'ils l'estiment nécessaire, et financer d'éventuels projets d'ampleur régionale, la commission a réservé une quote-part égale à 20 % du montant de la DSIL, qui continuerait à être répartie par le préfet de région . Cette disposition a été votée par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 167 ( * ) .

Enfin, à titre plus subsidiaire, la commission a généralisé, par l'adoption d'un amendement COM-1158 des rapporteurs ajoutant l'article 46 ter , l'information des élus sur les fermetures ou déplacements envisagés sur leur territoire des services déconcentrés et des services des autres collectivités territoriales. Actuellement prévue pour les seules communes signataires d'une convention relative à une opération de revitalisation de territoire 168 ( * ) , cette procédure de bon sens gagnerait à s'appliquer à l'ensemble du territoire.

La commission a adopté les articles 46 bis , 46 ter , 46 quater et 46 quinquies ainsi rédigés .

Article 47
Révision des contrats de cohésion territoriale

L'article 47 tend à réviser les contrats de cohésion territoriale aux fins d'en faire une catégorie de contrats incluant divers modes de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales.

Si la commission partage le souci d'une meilleure lisibilité du paysage des contrats conclus entre l'État et les collectivités territoriales, elle a néanmoins jugé que le dispositif prévu par l'article n'apportait pas une réponse suffisamment solide juridiquement à cette difficulté. Elle a en conséquence supprimé l'article.

1. Face à la multiplication des modes de contractualisation entre État et collectivités, une tentative d'unification du cadre des relations contractuelles entre l'État et le bloc communal

La contractualisation tend à devenir un mode privilégié de relations entre l'État et les collectivités territoriales . Parmi la multitude de contrats que peuvent conclure l'État et les collectivités, les contrats de plan État-Région, créés et régis par les articles 11 à 13 de la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, se sont imposés comme un cadre lisible et unifié de la coopération entre État et les régions .

Il n'existe pas de cadre similaire pour les départements ni, a fortiori , pour le bloc communal. La multiplicité des cadres contractuels existants concourt ainsi, comme le relève le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi, à « un manque de cohérence, à la perte d'efficacité et à la faible lisibilité de l'action publique territoriale » .

L'article 47 prévoit ainsi l'unification des contrats conclus entre l'État et les communes et EPCI à fiscalité propre au sein de la catégorie préexistante des contrats de cohésion territoriale. La valeur ajoutée des dispositions de l'article est néanmoins particulièrement faible.

2. La position de la commission : supprimer un dispositif qui manque son objectif

En premier lieu, l'emploi de la catégorie de « contrat de cohésion territoriale » ne mettra pas fin à lui seul à la complexité qui caractérise actuellement la multiplicité des types de contrats auxquels les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent être parties : comme le précise l'étude d'impact 169 ( * ) , la catégorie de contrat de cohésion territoriale n'aurait vocation qu'à « intégrer » les contrats existants, qui sont parfois définis par la loi, et qui perdureront dans le droit comme dans les faits. Or, prévoir qu'une catégorie de contrats territoriaux constitue elle-même une sous-catégorie des contrats de cohésion territoriale ne semble aucunement, du point de vue des élus concernés, constituer une simplification .

En second lieu, l'article élève au rang législatif des principes de la charte interministérielle de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, publiée en 2019. Or, une telle disposition n'est pas exempte de risques juridiques . En toute logique, un contrat de cohésion territoriale ne respectant pas l'ensemble des principes mentionnés par la loi
- et qui, à titre d'exemple, ne favoriserait pas l'innovation ou n'aurait pas prévu les modalités d'association des citoyens à la définition des projets envisagés - pourrait être considéré comme illégal. Le dispositif fragiliserait donc plusieurs contrats en cours.

Inutile et ouvrant des risques de contentieux pour les personnes impliquées, cet article a été jugé superflu par la commission. Elle a en conséquence, par l'adoption des amendements COM-1087 des rapporteurs et COM-895 de Louis-Jean de Nicolaÿ, supprimé cet article .

La commission a supprimé l'article 47.

Article 48
Habilitation à réviser par voie d'ordonnance
le statut, les missions et la gouvernance du Cérema

L'article 48 tend à habiliter le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance diverses dispositions législatives tendant à renforcer le rôle des collectivités territoriales dans la gouvernance et le financement du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema).

Attentive à la préservation des prérogatives du Parlement, la commission des lois a réécrit cet article pour inscrire directement dans la loi les dispositions envisagées pour la réforme du Cérema. Elle a adopté l'article ainsi rédigé.

1. Orienter davantage l'expertise du Cérema vers les collectivités territoriales

Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État, qui met à disposition de l'État et des collectivités territoriales son expertise et son ingénierie pour les assister dans divers projets ayant trait, notamment à l'aménagement et au développement durable.

Les missions du Cérema

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public à caractère administratif créé le 1 er janvier 2014.

Il apporte son concours à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des politiques publiques du ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) et du ministère de la cohésion des territoires (MCT) dans ses différents domaines de compétence, offrant une vision transversale au service du développement durable.

Ses principales missions sont de promouvoir les modes de gestion des territoires qui intègrent les facteurs environnementaux, économiques et sociaux, d'accompagner les acteurs publics et privés dans la transition vers une économie sobre en ressources et décarbonée, respectueuse de l'environnement et équitable, et d'apporter à l'État et aux acteurs territoriaux un appui d'ingénierie et d'expertise sur les projets d'aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire. Il a vocation à les assister dans la gestion de leur patrimoine d'infrastructures de transport et leur patrimoine bâti, et à renforcer leur capacité à faire face aux risques. En outre, il a pour mission de capitaliser et promouvoir au niveau territorial et international les savoir-faire qu'il développe.

Le Cérema accomplit ses missions essentiellement à la demande de l'État, mais son dispositif spécifique de gouvernance assure la prise en compte des attentes des collectivités, notamment grâce à la mise en place d'un conseil stratégique constitué à parts égales de représentants de l'État et d'élus représentant les collectivités territoriales. Ces dernières seront également présentes, aux côtés des services déconcentrés de l'État, au sein des comités d'orientations territoriaux, permettant d'adapter l'activité au plus près des besoins des acteurs des territoires.

Source : projet annuel de performances pour 2020, programme 159

Concurrencé par divers opérateurs et agences sur son offre de services, le Cérema a engagé un plan de transformation pour orienter son action à destination des collectivités territoriales . Comme le relevait Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget sur le programme 159, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2021, le « Céréma doit se tourner résolument vers les collectivités territoriales et apporter son soutien à la future Agence nationale de la cohésion des territoires » pour garantir, au vu de la diminution continue des moyens qui lui sont alloués, son avenir 170 ( * ) .

Cette transformation pourrait en particulier passer par la modification des statuts du Cérema, pour en faire un établissement public géré, dans le cadre d'une quasi-régie conjointe, par l'État et des collectivités territoriales membres .

2. La position de la commission : inscrire directement dans la loi une réforme consensuelle

Le Gouvernement justifie son choix de procéder à cette réforme, au demeurant consensuelle, par voie d'ordonnance, par sa technicité, notamment au regard du droit européen .

Les conditions dans lesquelles plusieurs personnes publiques peuvent entretenir avec une tierce personne une relation de quasi-régie conjointe peuvent ainsi poser des difficultés juridiques au regard des critères posés par la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Les conditions de validité de la quasi-régie conjointe
sont posées par l'article 12.3 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen
et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics

« Un pouvoir adjudicateur qui n'exerce pas de contrôle sur une personne morale régie par le droit privé ou le droit public au sens du paragraphe 1 peut néanmoins attribuer un marché public à cette personne morale sans appliquer la présente directive, lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :

« a) le pouvoir adjudicateur exerce, conjointement avec d'autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale concernée, analogue à celui qu'ils exercent sur leurs propres services;

« b) plus de 80 % des activités de cette personne morale sont exercées dans le cadre de l'exécution des tâches qui lui sont confiées par les pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent ou par d'autres personnes morales contrôlées par les mêmes pouvoirs adjudicateurs; et

« c) la personne morale contrôlée ne comporte pas de participation directe de capitaux privés à l'exception des formes de participation de capitaux privés sans capacité de contrôle ou de blocage requises par les dispositions législatives nationales, conformément aux traités, qui ne permettent pas d'exercer une influence décisive sur la personne morale contrôlée.

« Aux fins du premier alinéa, point a), les pouvoirs adjudicateurs exercent un contrôle conjoint sur une personne morale lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies:

« i) les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l'ensemble d'entre eux;

« ii) ces pouvoirs adjudicateurs sont en mesure d'exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée; et

« iii) la personne morale contrôlée ne poursuit pas d'intérêts contraires à ceux des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent; »

Ces critères sont notamment précisés, en droit national, par l'article L. 2511-4 du code de la commande publique, qui prévoit que les pouvoirs adjudicateurs sont réputés exercer un contrôle conjoint sur une personne morale lorsque trois conditions sont cumulativement réunies :

- les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l'ensemble d'entre eux ;

- ces pouvoirs adjudicateurs sont en mesure d'exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée ;

- la personne morale contrôlée ne poursuit pas d'intérêts contraires à ceux des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent.

Par l'adoption des amendements COM-1088 des rapporteurs et COM-1209 de Daniel Gueret, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable , la commission a fait le choix d'inscrire « en dur » cette réforme, en respectant les critères énumérés ci-avant permettant à l'État et aux collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales membres associés du Cérema d'exercer sur celui-ci une « quasi-régie conjointe ». La commission a en particulier explicitement prévu que 80 % de l'activité du Cérema serait exercée au profit de l'État et des collectivités territoriales. Elle par ailleurs attribué à l'État comme aux collectivités territoriales, par la place dont ils disposeraient au sein du conseil d'administration, une influence décisive sur les objectifs stratégiques et décisions importantes de l'établissement .

Les modalités d'application de cette réforme, en particulier relatives au montant des contributions annuelles et au fonctionnement du conseil d'administration (constitution de collèges au sein du conseil d'administration, par exemple), seraient déterminées par le décret en Conseil d'État déjà prévu à l'article 51 de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013.

La commission a adopté l'article 48 ainsi modifié .

Article 49
Transformation des maisons de services au public
en espaces « France Services »

L'article 49 tend à tirer les conséquences dans la loi de la transformation des maisons de services au public en espaces « France Services », annoncée par le Président de la République le 25 avril 2019.

La commission a approuvé cette évolution tout en maintenant les garanties bénéficiant jusqu'alors aux acteurs locaux par l'adoption de trois amendements. Elle a adopté cet article ainsi modifié .

1. Les maisons de services au public existent sur le territoire depuis les années 2000

Créée par l'article 27 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, la « maison des services publics », devenue « maison de services au public » (MSAP) depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, a « pour objet d'améliorer l'accessibilité et la qualité des services, en milieu rural et urbain, pour tous les publics ».

Elle peut réunir dans un même lieu des services publics relevant de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, d'organismes nationaux ou locaux chargés d'une mission de service public (dont les organismes de sécurité sociale) ainsi que des « services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population ».

Une telle structure est créée par voie de convention-cadre conclue entre les participants et ne dispose pas de la personnalité morale . La convention définit les services rendus aux usagers, la zone dans laquelle la maison de services au public exerce son activité ainsi que les missions et prestations qu'elle assure. Elle doit se conformer aux prescriptions du schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public 171 ( * ) . L'offre de services peut d'ailleurs être organisée de manière itinérante ou selon des modes d'accès dématérialisés.

La loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a permis à des personnes morales dont l'activité ne relève pas d'une mission de service public d'y participer 172 ( * ) . Les maisons de services au public situées dans les zones de montagne telles que définies par la loi « Montagne » 173 ( * ) peuvent également intégrer des « maisons des saisonniers ».

Enfin, conformément aux articles L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, la « création et [la] gestion » de maisons de services au public et la définition des obligations de service public correspondantes relèvent des compétences facultatives pouvant être exercées par les communautés de communes ou d'agglomération en lieu et place des communes.

L'article 30 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (dite « ESSoC ») a introduit, à titre expérimental pour une durée de trois ans, la mise en place d'un référent unique doté de pouvoirs de décision au sein de ces structures. Il est désigné par certains participants à la MSAP pour traiter, dans le cadre de procédures et de dispositifs déterminés, les demandes qui lui sont adressées et prendre, s'il y a lieu, les décisions correspondantes au nom de ces participants. Malgré une échéance prévue en août 2021, l'étude d'impact du projet de loi ne mentionne aucun bilan de cette expérimentation.

2. La commission a approuvé l'évolution des maisons de services au public en espaces « France Services », tout en maintenant les garanties bénéficiant jusqu'alors acteurs locaux

Sans opérer de réelle modification de fond quant à l'objet des maisons de services au public, l'article 49 du projet de loi tend à tirer les conséquences dans la loi du changement de dénomination annoncé par le Président de la République le 25 avril 2019 à la suite du grand débat national 174 ( * ) . L'ensemble des services offerts porteront désormais le label « France Services », dès lors qu'ils seront compris dans le champ d'une convention elle-même conforme à un référentiel approuvé par le ministre chargé des collectivités territoriales.

S'il aurait sans doute été plus rigoureux de procéder à la modification des textes législatifs avant d'opérer la « refonte des MSAP en espaces France Services », les rapporteurs n'ont pas d'objection à ce changement purement formel .

Au total, 1 340 MSAP 175 ( * ) seraient susceptibles d'être labellisés « France Services » - dont 715 portées par une collectivité territoriale, 122 par des associations et 503 par La Poste - s'ils adhèrent à une convention qui doit respecter un « référentiel » approuvé par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. Seules 856 MSAP l'étaient au mois d'octobre 2020, alors que le Gouvernement vise 2 500 espaces « France Services » d'ici 2022 176 ( * ) .

Par l'adoption de l' amendement COM-1089 des rapporteurs, la commission a toutefois supprimé l'obligation pour les parties prenantes d'une convention « France Services » de se conformer à un référentiel défini par arrêté du ministre en charge des collectivités territoriales . S'il est logique que la convention soit conforme au schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public, il n'y a pas lieu d'introduire de nouvelles contraintes dans la création de ces structures, au risque de décourager les acteurs locaux et de porter atteinte à la liberté conventionnelle des collectivités territoriales.

La commission a également rétabli par le même amendement le remboursement - prévu au IV de l'article 30 de la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire - par l'État, aux collectivités territoriales concernées, de tout ou partie des rémunérations et des charges directes ou indirectes liées à la mise à disposition de personnels et de locaux pour le développement d'espaces « France Services », dès lors que ces structures sont situées dans des zones de revitalisation rurale ou dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il n'est en effet pas acceptable que le Gouvernement profite d'une modification présentée comme purement formelle pour en réalité supprimer un financement bénéficiant aux collectivités territoriales .

Enfin, outre l'adoption d'un amendement COM-1090 de coordination des rapporteurs, la commission a également rétabli la possibilité pour les territoires de montagne d'intégrer des maisons de saisonniers parmi les signataires des structures « France Services », en adoptant un amendement COM-133 présenté par Loïc Hervé.

La commission a adopté l'article 49 ainsi modifié .

Article 49 bis (nouveau)
Création d'une commission consultative pour la reconnaissance
de l'état de catastrophe naturelle

L'article 49 bis a été introduit par la commission des lois à travers l'adoption de l'amendement COM-442 de Dominique Estrosi-Sassone. Il fait suite à la mission d'information relative à la gestion des risques climatiques et à l'évolution des régimes d'indemnisation et reprend la recommandation n° 5 du rapport de Nicole Bonnefoy 177 ( * ) qui visait à « Inscrire dans la loi l'existence de la commission interministérielle, en revoyant sa composition pour une représentation plus équilibrée des parties prenantes » .

Le présent article tend à créer au niveau législatif une commission ayant pour rôle d'émettre un avis public sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle . Elle serait composée d'au moins deux titulaires de mandats locaux pouvant assister aux délibérations avec une voix consultative ainsi que d'un représentant du ministère chargé de la transition écologique.

Sa création a pour objet de répondre à l'opacité de la procédure de la décision de déclaration de l'état de catastrophe naturelle. En effet, comme le relève l'objet de l'amendement adopté, trop souvent, l'opacité de la prise de décision empêche les acteurs locaux, à commencer par les élus et les populations sinistrées, d'avoir accès à l'information .

La commission a adopté l'article 49 bis ainsi rédigé .


* 161 Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 20 février 2013, n° 360307.

* 162 Voir le 1° de l'article L. 213-8 du code de l'environnement.

* 163 Neuvième alinéa de l'article L. 213-8 du code de l'environnement.

* 164 Décret n° 2010-146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

* 165 Décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles.

* 166 Article 6 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015

* 167 Amendement n° II-326 de Loïc Hervé, rapporteur pour avis de la commission des lois, contre l'avis du Gouvernement.

* 168 Voir l'article L. 2255-1 du code général des collectivités territoriales.

* 169 Etude d'impact du projet de loi, pp. 550 et 553.

* 170 Rapport général n° 138 (2020-2021) de Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020, accessible à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l20-138-311-3/l20-138-311-3.html .

* 171 Voir l'article 26 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 172 Article 27-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

* 173 Article 5 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

* 174 Étude d'impact du projet de loi p. 441.

* 175 Chiffres au 1 er juillet 2019, étude d'impact précitée.

* 176 Circulaire du Premier ministre n° 6094-SG du 1er juillet 2019 relative à la création de France Services.

* 177 Rapport d'information n° 628 (2018-2019) fait au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation.

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