B. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Un maintien de crédits sur le programme 551, qui ne doit pas devenir une solution de facilité

L'ouverture de crédits à destination des différents programmes concernés a permis de financer la revalorisation du régime indemnitaire de la filière sociale interministérielle - appelée également convergence indemnitaire - qui avait été annoncée lors du rendez-vous salarial entre le ministre de l'action et des comptes publics et les organisations syndicales.

Comme cela a été souligné par les rapporteurs spéciaux à plusieurs reprises dans les discussions budgétaires précédentes, l'ouverture de crédits sur le programme 551 pour financer ces mesures de revalorisation peut interroger dans la mesure où le rendez-vous salarial a eu lieu six mois avant le vote de la loi de finances initiale .

En effet, le programme 551 a bien vocation à financer des mesures qui, au moment de l'élaboration du budget, n'ont pas pu faire l'objet d'une définition précise.

Les rapporteurs spéciaux ont pris note du fait que le recours à cette dotation était justifié en 2020 par la difficulté à définir le périmètre exact de ces mesures de revalorisation au moment où elle a été décidée, et la nécessité de réaliser une étude pour le préciser, comme cela a été indiqué par la Cour des comptes dans sa note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission.

Toutefois, le maintien de crédits sur le programme 551 après le rendez-vous salarial pour la deuxième année consécutive peut laisser penser que cette pratique deviendra systématique 32 ( * ) . La mission « Crédit non répartis » déroge au principe de spécialisation des crédits, qui vise à favoriser la bonne information du Parlement. Il apparait dès lors souhaitable que les souplesses offertes par l'existence de ce programme soient utilisées à bon escient et ne constituent pas à l'avenir, une « solution de facilité » 33 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement vigilants sur ce point lors de la prochaine programmation budgétaire .

2. Les crédits du programme 552, exclusivement utilisés pour répondre à la crise, ont respecté le critère du dernier recours
a) Pour la première fois depuis 2008, le programme 552 n'a pas servi à abonder les Fonds spéciaux

Il convient de noter que la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a été utilisée exclusivement pour financer les mesures destinées à faire face aux conséquences de la crise. Or depuis 2008, une partie de la dotation inscrite sur le programme 552 permettait de majorer les crédits disponibles de la sous-action « Fonds spéciaux » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Si ce recours fréquent aux crédits non répartis se justifiait compte tenu de l'imprévisibilité inhérente aux opérations financées par les fonds spéciaux, il a suscité par le passé la circonspection des rapporteurs spéciaux, compte tenu de l'absence d'emploi préalable des mesures de gestion de droit commun (dégel, transfert etc. ). La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles doit en effet faire l'objet d'un emploi en dernier recours, conformément au principe d'auto-assurance .

b) L'utilisation de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles a été conforme au critère du dernier recours

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI) a été sollicitée une première fois le 17 avril 2020 à hauteur de 100 millions d'euros au profit du Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire , prévu par le programme 357. Ce fonds, créé par l'ordonnance du 25 mars 2020 et initialement doté de 750 millions d'euros, a rapidement été confronté à une explosion des demandes et s'est rapidement trouvé dans l'incapacité de répondre aux besoins des entreprises. La DDAI a donc bien été utilisée en dernier recours pour faire face à des dépenses imprévisibles pour répondre à la crise sanitaire.

Le décret du 18 mai 2020 a également mobilisé des crédits de la dotation pour permettre le financement de marchés d'acquisition de masques textiles à usage non sanitaire, à hauteur de 284,2 millions d'euros . Ce transfert est intervenu après l'ouverture par la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 de 221,6 millions de crédits sur ce programme, et le dégel de la réserve de précaution du programme. Il apparait en ce sens conforme au principe du dernier recours.

Les décrets du 14 octobre 2020 et du 23 décembre 2020 ont été pris respectivement pour compenser les pertes d'exploitation des établissements culturels dues au prolongement des mesures de distanciation sociale et pour soutenir ces établissements après la décision de ne pas permettre leur réouverture. Ils ont permis d'abonder, comme détaillé dans le tableau ci-dessus, les programmes Création (131) et Livre et industries culturelles (334) Le recours aux crédits de la DDAI est intervenu après le dégel des réserves de précaution des deux programmes. Il est donc bien conforme au critère du dernier recours.

c) Une information du Parlement respectée pendant la crise, mais qui gagnerait à être précisée

La crise sanitaire a justifié une majoration de 1,62 milliard d'euro de crédits du programme 552 dans le cadre de la loi de finances rectificative du 25 avril 2020. Le Gouvernement entendait constituer une réserve de budgétisation en vue d'abonder d'autres missions du budget général en cours de gestion, et ainsi de financer rapidement des besoins urgents et non prévisibles. Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, dans le cadre de l'examen du PLF 2020, sans s'opposer à ce procédé, soulignait qu'il fallait :

- « d'une part, limiter l'utilisation de cette « réserve de budgétisation » à des dépenses ayant pour objet soit de lutter contre la crise sanitaire, notamment par l'acquisition de matériel médical, soit d'apporter un complément aux plans de soutien d'urgence aux entreprises déjà présentés en loi de finances rectificative ;

- d'autre part, informer la commission des finances de chaque utilisation faite de cette dotation » avant que les décrets de répartition ne soient publiés au Journal officiel.

De fait, le Gouvernement a bien adressé au Président de la commission des finances du Sénat des courriers présentant les projets de décrets quelques jours avant leur publication. Ces courriers gagneraient toutefois à préciser le respect de la condition de dernier recours à la dotation pour dépenses accidentelles . En effet, ils n'indiquent pas si des mesures de redéploiements de crédits ont eu lieu au sein du programme de destination avant le recours à cette dotation.


* 32 Une crainte par ailleurs confirmée par la programmation budgétaire pour l'année 2021, qui a de nouveau prévu la dotation de crédits sur le programme 551 pour financer des mesures décidées lors du rendez-vous salarial.

* 33 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2020 de la mission « Crédits non répartis » , avril 2021.

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