N° 28

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
instaurant la
vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 ,

Par M. Bernard JOMIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe .

Voir les numéros :

Sénat :

811 (2020-2021) et 29 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 6 octobre 2021 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de M. Bernard Jomier sur la proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 .

Sûre et efficace, la vaccination contre la covid-19 reste le seul moyen d'atteindre une protection collective suffisante pour espérer maîtriser durablement l'épidémie et permettre un retour à une vie quotidienne normale. Si l'annonce à la mi-juillet 2021 de l'extension du passe sanitaire a permis de relancer le rythme des vaccinations, le nombre de premières injections ne cesse de diminuer depuis le 31 juillet , si bien que la part des personnes entièrement vaccinées, qui s'établit au 5 octobre 2021 à un peu plus de 72 % de la population totale 1 ( * ) , ne progresse désormais plus que très lentement.

Or le taux d'immunité, vaccinale ou acquise par infection, nécessaire au contrôle de la propagation du virus, initialement évalué entre 70 % et 75 % de la population totale, se situerait désormais entre 90 % et 95 % , compte tenu du haut degré de transmissibilité du variant Delta. En l'état actuel du rythme des primo-vaccinations, il paraît peu probable d'atteindre ce niveau de protection dans un horizon proche. Outil puissant de réduction des inégalités sociales et territoriales , la vaccination universelle obligatoire s'impose dès lors, selon le rapporteur, comme la seule solution pour parvenir à une immunité collective permettant de transformer l'épidémie en un phénomène à bas bruit avec d'éventuelles résurgences saisonnières , tout en conciliant l'impératif de protection de la santé publique et un traitement égalitaire de nos concitoyens.

La commission des affaires sociales a néanmoins jugé que la mise en place d'une obligation vaccinale soulève des difficultés de mise en oeuvre dans le contrôle de son effectivité et qu'une politique incitative articulée autour du passe sanitaire et du déploiement de dispositifs d'« aller-vers » reste la plus efficace pour augmenter la couverture vaccinale. Dans ces conditions, elle n'a pas adopté la proposition de loi. Aussi la discussion en séance publique portera-t-elle sur le texte de la proposition de loi dans sa rédaction initiale.

I. UNE PROGRESSION DE LA VACCINATION ENCORE INSUFFISANTE POUR PARVENIR À MAÎTRISER DURABLEMENT L'ÉPIDÉMIE

A. LA MISE EN PLACE AU DÉBUT DE L'ÉTÉ 2021 DE MESURES DESTINÉES À RELANCER LA VACCINATION

À la suite du ralentissement du rythme de la vaccination contre la covid-19 observé au mois de juin 2021 et face à la propagation rapide du variant Delta - sensiblement plus transmissible que les précédents variants du SARS-CoV-2 -, le Président de la République a annoncé, lors de son allocation aux Français du 12 juillet 2021, plusieurs mesures destinées à relancer la vaccination au sein de la population. En conséquence, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire comporte deux dispositifs poursuivant cet objectif :

- une obligation de vaccination contre la covid-19 pour différentes catégories de professionnels au contact de personnes vulnérables dans le cadre de leur activité , dont en particulier les professionnels de santé hospitaliers et libéraux ;

- l' extension du périmètre des lieux et établissements dont l'accès est conditionné à la présentation du passe sanitaire 2 ( * ) , afin d'y inclure notamment les restaurants et débits de boisson, les établissements sanitaires et médicosociaux, les transports publics interrégionaux de longue distance et, sur décision motivée du préfet, certains grands magasins et centres commerciaux.

Le Gouvernement a fait le choix de limiter l'obligation vaccinale aux professionnels de santé, au nom de leur responsabilité éthique et déontologique de protection de la santé des patients, ainsi qu'aux autres professionnels amenés, dans le cadre de leur activité, à entrer en contact avec des personnes susceptibles de développer des formes graves de la covid-19. Afin néanmoins de susciter une nouvelle dynamique dans la vaccination au-delà de ces catégories de personnes, l'extension du passe sanitaire à des lieux de fréquentation relativement courante, combinée avec l'annonce du déremboursement 3 ( * ) à l'automne des tests sans ordonnance , est censée encourager le recours à la vaccination en population générale plutôt qu'aux tests.

Le déploiement de ces dispositifs est échelonné dans le temps :

- rendue possible par la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, l'exigence du passe sanitaire est entrée en vigueur à compter du 8 juin 2021 4 ( * ) - d'abord essentiellement pour l'accès à des établissements, lieux et évènements accueillant plus de 1 000 personnes - et devait initialement être levée le 1 er octobre 2021. La loi du 5 août 2021 a étendu la possibilité d'exiger la présentation du passe sanitaire jusqu'au 15 novembre inclus ;

- l'obligation vaccinale applicable à certains professionnels est entrée en vigueur à compter du 8 août 2021 5 ( * ) mais son déploiement a été progressif :

du 8 août 2021 au 14 septembre 2021 : s'ils ne justifient pas d'une contre-indication médicale, les professionnels soumis à l'obligation vaccinale n'ont pu continuer à exercer leur activité qu'à la condition de présenter l'un des documents suivants : le justificatif de l'administration des doses de vaccin requises, un certificat de rétablissement en cours de validité ou un test virologique négatif de moins de 72 heures ;

du 15 septembre 2021 au 15 octobre 2021 : à défaut de contre-indication médicale ou de certificat de rétablissement en cours de validité, les professionnels doivent au moins justifier de leur engagement dans une démarche vaccinale en attestant de l'administration d'au moins une des doses requises en cas de schéma vaccinal à plusieurs doses ;

à compter du 16 octobre 2021 : s'ils ne justifient pas d'une contre-indication médicale, les professionnels ne pourront continuer à exercer leur activité qu'à la condition de présenter un schéma vaccinal complet ou, à défaut, un certificat de rétablissement en cours de validité.

Bilan de la mise en oeuvre de l'obligation vaccinale des personnels
des établissements sanitaires et médicosociaux

Selon les données publiées par Santé publique France, au 20 septembre 2021, 92 % des professionnels exerçant dans les établissements de santé avaient reçu au moins une dose - dont 86,6 % présentaient un schéma vaccinal complet -, 96,6 % des agents en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - dont 92,4 % étaient entièrement vaccinés - et 95,5 % des soignants libéraux avaient reçu au moins une dose - dont 93,2 % présentaient un schéma vaccinal complet.

En Île-de-France, les données communiquées par l'agence régionale de santé (ARS) confirment ces tendances, étant entendu que les chiffres officiels de couverture vaccinale des établissements de santé sont sous-estimés - les données transmises par ces derniers sur la vaccination de leur personnel ne sont alimentées que par les vaccinations effectuées sur le lieu de travail ainsi que par les contrôles du respect de l'obligation vaccinale assurés par les établissements - si bien que le taux de respect de l'obligation serait vraisemblablement plus important que 90 % :

• 82 % des professionnels des établissements de santé en Île-de-France présentent un schéma vaccinal complet, et 86 % ont reçu une première dose. Les suspensions représentent au global 0,6 % des effectifs (729 suspensions dans le public et 335 dans le privé, celles-ci étant plus importantes au sein de la filière soignante non médicale - infirmiers, aides-soignants, agents des services hospitaliers...) et les démissions 0,1 % (43 démissions dans le public et 40 démissions dans le privé) ;

• 94 % des personnels exerçant en établissements sociaux et médicosociaux seraient engagés dans une démarche vaccinale. Les suspensions représenteraient 1,3 % des effectifs et les démissions 0,1 % ;

• concernant les professionnels de santé libéraux conventionnés, on dénombrerait près de 2 700 professionnels de santé non vaccinés au 17 septembre 2021, soit 5 % des effectifs.

Source : Point de Santé publique France sur la couverture vaccinale des professionnels exerçant dans le secteur de la santé ( http://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/enquetes-etudes/quelle-est-la-couverture-vaccinale-contre-la-covid-19-des-professionnels-exercant-dans-la-sante-donnees-au-20-septembre-2021 ) et agence régionale de santé d'Île-de-France


* 1 48 848 474 personnes ont reçu une deuxième dose au 5 octobre 2021 (Covidtracker - http://covidtracker.fr/vaccintracker/ ). Selon l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la France compte, au 1 er janvier 2021, 67 422 000 habitants.

* 2 La condition du passe sanitaire est satisfaite lorsque la personne est détentrice de l'un des trois documents suivants : un résultat de test virologique négatif de moins de 72 heures établi par un dépistage RT-PCR, un test antigénique ou un autotest réalisé sous la supervision d'un professionnel de santé habilité ; un justificatif de statut vaccinal attestant d'un schéma vaccinal complet ; un certificat de rétablissement établissant une positivité à l'infection par le SARS-CoV-2 de plus de dix jours et de moins de six mois.

* 3 Les tests antigéniques coûtent en moyenne 25 euros et les tests RT-PCR entre 40 et 50 euros.

* 4 Jour de la parution du décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1 er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

* 5 Jour de la parution du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1 er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page