TITRE II
RENFORCER LE STATUT DE PUPILLE DE L'ÉTAT ET AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DES CONSEILS DE FAMILLE

Article 12
Réaffirmation du caractère protecteur du statut de pupille de l'État et obligation de réaliser un bilan d'adoptabilité

Cet article vise à réaffirmer le caractère protecteur du statut de pupille de l'État indépendamment du projet d'adoption éventuellement défini pour l'enfant. Il instituerait dans ce cadre un bilan médical, psychologique et social pour tout pupille de l'État « susceptible de faire l'objet d'un projet d'adoption ».

La commission n'a pas souhaité conserver les dispositions relatives au statut des pupilles de l'État compte tenu de leur faible apport normatif.

Elle a toutefois adopté l'obligation de bilan d'adoptabilité pour tout pupille de l'État, sans le limiter à ceux qui seraient adoptables, ce bilan étant justement un préalable utile.

La commission a adopté cet article ainsi modifié .

L'article 12 de la proposition de loi vise à créer une section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code de l'action sociale et des familles intitulée « Statut des pupilles de l'État », en lieu et place de la section actuelle consacrée aux organes de la tutelle, qui reprendrait partiellement l'article L. 225-1 102 ( * ) , tout en l'enrichissant de dispositions.

Il s'agirait :

- de définir l'objet du statut de pupille de l'État qui serait de « protéger un enfant mineur, français ou non, privé durablement de sa famille en organisant sa tutelle et en confiant sa prise en charge au service départemental de l'aide sociale à l'enfance », tout en précisant que le statut de pupille de l'État n'a pas de conséquence sur la filiation de l'enfant ;

- et de préciser les modalités de sortie du statut de pupille de l'État.

Ces dispositions n'ont pas d'apport réel par rapport au droit existant et le rapporteur n'a pas souhaité suivre les auteurs de la proposition de loi dans leur volonté de réorganiser le code de l'action sociale et des familles.

L'article 12 propose par ailleurs d'inscrire dans la loi une pratique existante qui fait l'objet d'une recommandation du rapport
« Limon-Imbert » : « généraliser le bilan d'adoptabilité conformément au souhait du CNPE, en développant une méthodologie pluridisciplinaire et en tenant compte des besoins spécifiques de certains enfants » 103 ( * ) .

Compte tenu du large consensus existant sur l'intérêt d'instituer un bilan d'adoptabilité pour chaque enfant admis au statut de pupille de l'État - et non pas seulement susceptible de faire l'objet d'un projet d'adoption - le rapporteur a proposé d'insérer ce dispositif à
l'article L. 225-1 relatif au projet de vie de l'enfant. Ainsi que l'a souligné le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) qui a émis un avis favorable sur cette disposition, « le projet de vie doit s'appuyer sur ce bilan médical, afin de déterminer si l'adoption est la réponse adéquate aux besoins de l'enfant ou si un autre projet doit être pensé pour lui ».

Le rapporteur a toutefois souhaité relativiser les effets d'un tel ajout législatif au regard du décalage constaté entre les dispositions légales et les pratiques existantes ; selon la Fédération nationale des associations départementales d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance (FNADEPAPE), ce bilan d'adoptabilité, déjà pratiqué, ne se réalise souvent que lorsqu'une famille est déjà pressentie et que le conseil de famille le demande.

La commission a adopté l'amendement COM-54 du rapporteur.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13
Clarification des conditions d'admission
en qualité de pupille de l'État et suppression de la possibilité de confier un mineur pour l'adoption à un organisme autorisé pour l'adoption

Cet article a pour double objet de clarifier le rôle du consentement des parents en cas de remise de l'enfant au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) en vue d'une admission en qualité de pupille de l'État et de supprimer la possibilité pour les organismes autorisés pour l'adoption (OAA) de recueillir des enfants en France.

Compte tenu de son importance tant pour les parents qui remettent un enfant à l'ASE que pour l'enfant lui-même, la commission a souhaité maintenir le consentement à l'adoption des parents , tout en clarifiant son articulation avec le consentement du conseil de famille des pupilles de l'État.

Elle a par ailleurs supprimé les dispositions interdisant à un OAA de recueillir des enfants en France, souhaitant conserver aux familles une alternative à l'ASE, tout en rappelant qu'un contrôle administratif et judiciaire est opéré sur les OAA exerçant cette activité d'intermédiation à l'adoption et peut, au besoin, être renforcé.

La commission a adopté cet article ainsi modifié .

1. Le consentement des parents à l'adoption de leurs enfants remis à l'ASE : une clarification qui ne peut passer par une suppression

L'article 13 de la proposition de loi vise tout d'abord à clarifier les conditions d'admission en qualité de pupille de l'État en cas de remise de l'enfant par les parents au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE), en distinguant le consentement à l'admission en qualité de pupille de l'État du consentement à l'adoption. Ce faisant, il propose de supprimer toute mention du consentement à l'adoption des parents qui confient leur enfant à l'ASE, une situation qui concerne 10 % des enfants pupilles 104 ( * ) .

Cette disposition est analysée comme une clarification souhaitable apportant une meilleure coordination entre le code de l'action sociale et des familles et le code civil par la direction des affaires civiles et du Sceau et la direction générale de la cohésion sociale. En effet, d'un côté, le code de l'action sociale et des familles prévoit que lorsque des parents remettent un enfant à l'ASE en vue de son admission au statut de pupille de l'État, ils doivent être « invités à consentir à l'adoption » 105 ( * ) . De l'autre, le code civil 106 ( * ) dispose que « pour les pupilles de l'État dont les parents n'ont pas consenti à l'adoption, le consentement est donné par le conseil de famille de ces pupilles » ; celui-ci peut donc passer outre la volonté des parents et inversement, ce n'est pas parce que les parents ont consenti à l'adoption de leur enfant que ce dernier sera nécessairement adopté. Ce choix dépend du projet de vie défini par le tuteur en accord avec le conseil de famille, si tel est l'intérêt de l'enfant.

La rédaction proposée, qui supprime toute mention du consentement à l'adoption des parents, est très contestée, en particulier par les associations familiales, ATD Quart Monde et la Fédération française des organismes autorisés pour l'adoption (FFOAA), qui souhaitent que le droit fondamental des parents à consentir à l'adoption de leur enfant continue de figurer dans les dispositions relatives à la remise d'un enfant à l'ASE. Toutes soulignent également l'importance de ce consentement pour l'enfant lui-même, pour qui « c'est un témoignage d'attention de ses parents à son égard et réconfortant par rapport à son histoire pré-adoptive » 107 ( * ) . Elles y voient « un grave retour en arrière , un retour au procès-verbal d'abandon » 108 ( * ) .

Le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), également défavorable à cet article, regrette le choix opéré par les rédacteurs de la proposition de loi de lever l'ambiguïté des textes en supprimant cette possibilité de consentement.

La commission a jugé nécessaire de préserver la possibilité d'un consentement des parents à l'adoption , tout en levant l'ambigüité sur les conséquences de cette décision qui, en l'état des textes, pourrait laisser croire que les parents restent maîtres de décider si leur enfant sera adopté ou pas 109 ( * ) .

Elle a adopté l' amendement COM-55 du rapporteur à cet effet.

2. Le recueil des enfants en France : maintenir la possibilité d'un choix pour les parents

À l'instar de l'article 11 bis, l'article 13 de la proposition de loi vise également à supprimer la possibilité d'un recueil d'enfants en France en vue de leur adoption par un OAA, cette mission devenant alors une mission exclusive de l'ASE.

En cohérence avec sa position précédemment exposée 110 ( * ) , la commission a supprimé ces dispositions, étant rappelé, comme l'a souligné le CNPE, l'importance pour une mère ayant été confiée à l'ASE de pouvoir symboliquement et effectivement choisir un autre mode de recueil pour son enfant. Elle a également relevé qu'il appartenait aux services de l'ASE et à l'autorité judiciaire d'exercer un contrôle adéquat sur l'activité des OAA en France.

Tel est également l'objet de l' amendement COM-55 du rapporteur qu'elle a adopté.

La commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .

Article 14
Composition du conseil de famille des pupilles de l'État,
obligation de formation préalable de ses membres
et création d'une procédure de recours spécifique contre ses décisions

Cet article a pour objet d'améliorer le fonctionnement des conseils de famille des pupilles de l'État, notamment en inscrivant dans la loi de nouvelles règles de composition, en créant une obligation de formation préalable, et en créant une nouvelle procédure de recours contre les décisions et délibérations du conseil de famille.

La commission a refusé d'adopter des dispositions qui ne faisaient que reprendre certaines dispositions d'ordre réglementaire ou des obligations de la charte de déontologie des membres du conseil de famille des pupilles de l'État.

Elle a par ailleurs rejeté les nouvelles règles de composition des conseils de famille, considérant que les difficultés rencontrées étaient plutôt d'ordre pratique et pouvaient être résolues notamment grâce à la formation. En conséquence, elle a accepté de rendre obligatoire une formation préalable des membres du conseil de famille .

Tout en état favorable à la création d'une procédure de recours plus intelligible à l'encontre des décisions du conseil de famille, elle a estimé que les effets d'une ouverture d'un recours à un grand nombre de personnes étaient par trop incertains et a réduit la liste des personnes susceptibles d'y recourir.

La commission a adopté cet article ainsi modifié .

L'article 14 de la proposition de loi s'inspire d'une recommandation du rapport « Limon-Imbert » 111 ( * ) tendant à « améliorer le fonctionnement des conseils de famille qui devront mettre en application la charte élaborée en juillet 2019 » en suggérant une série d'adaptations : désignation de suppléants, meilleure formation des membres, cadre éthique, présidence tournante, rapport annuel, présence d'un expert en matière d'aide sociale, vote secret.

Le rapporteur note que celles-ci auraient pu être mises en oeuvre par décret , les règles de composition et de fonctionnement des conseils de famille des pupilles de l'État relevant en effet du pouvoir réglementaire 112 ( * ) .

L'article 14 propose d'inscrire certaines de ces dispositions, parfois en les modifiant, dans la partie législative du code. Il reprendrait également certaines obligations posées par la charte de déontologie des membres du conseil de famille des pupilles de l'État élaborée par le ministère des solidarités et de la santé à la suite du rapport de l'inspection générale des affaires sociales de mars 2019 113 ( * ) .

Au regard du droit existant, les ajouts ou modifications apportées porteraient sur trois points :

- le choix des personnes composant le conseil de famille ;

- l'obligation de formation des membres du conseil de famille avant leur prise de fonction ;

- la création d'une procédure de recours spécifique contre les décisions du conseil de famille.

L'article 14 a fait l'objet de divers amendements rédactionnels et de précisions en commission puis en séance, sans que le fond en soit affecté.

1. Une évolution de la composition du conseil de famille contestée

L'article 14 modifierait ainsi la composition des conseils de famille des pupilles de l'État :

- le tuteur, c'est-à-dire le représentant de l'État dans le département, en deviendrait membre à part entière et y aurait le droit de vote , alors qu'actuellement il se contente d'en convoquer les réunions, d'y assister et d'établir les procès-verbaux des réunions 114 ( * ) ;

- les deux personnalités qualifiées ne seraient plus nommées « en raison de l'intérêt qu'elles portent à la protection de l'enfance et de la famille », mais en raison de leur compétence et leur expérience professionnelles en matière d'éthique et de lutte contre les discriminations pour la première et en matière médicale, psychologique ou sociale pour la seconde.

Ces deux évolutions ne font pas consensus. Le Conseil national de la protection de l'enfant (CNPE) a analysé la première comme étant un affaiblissement du rôle du préfet , représentant légal du pupille et garant de la loi. Les associations familiales estiment que ces dispositions ajoutent de la confusion dans le rôle de représentant légal de l'enfant exercé par le tuteur et priverait les conseils de famille de personnes qualifiées susceptible d'aider à la définition du projet de vie des pupilles au profit de personnes sensibilisées à la discrimination exercée envers les candidats adoptants 115 ( * ) .

Le Défenseur des droits 116 ( * ) pour sa part relève le caractère secondaire de cette modification : « une évolution des pratiques au sein des conseils de famille doit se faire grâce à une meilleure par information et formation de ses membres, plutôt qu'en agissant sur sa composition » .

Dans les faits, les difficultés semblent plutôt être d'ordre pratique que de relever des règles légales existantes. Ainsi la Fédération nationale des associations départementales d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance (FNADEPAPE) fait état de manquements dans le respect des procédures , d'absence de bilan d'adoptabilité, de présentation d'une famille au lieu de trois tel que préconisé, du manque d'information des délégués territoriaux sur le suivi des jeunes pupilles et du manque de connaissance des membres sur les évolutions précises des textes, etc.

Dans ces conditions, la commission n'a pas souhaité adopter ces dispositions.

2. Une obligation de formation des membres du conseil de famille unanimement saluée

L'article 14 prévoit également une formation obligatoire préalablement à la prise de fonction des membres du conseil de famille . Cette obligation de formation est largement approuvée. Elle a fait l'objet d'une recommandation du Comité consultatif national d'éthique 117 ( * ) , du Défenseur des droits 118 ( * ) et de Mmes Limon et Imbert. Elle est jugée très favorablement par le CNPE, qui a par ailleurs émis un avis défavorable sur le reste de l'article.

En conséquence, la commission a souhaité conserver ce dispositif en l'intégrant dans l'article L. 224-2 du code de l'action sociale et des familles, tel qu'il existe aujourd'hui.

3. Une nouvelle procédure de recours contre les décisions du conseil des familles aux conséquences incertaines

En application de l'article L. 224-3 du code de l'action sociale et des familles, les décisions et délibérations du conseil de famille des pupilles de l'État peuvent être attaquées selon deux procédures :

- soit par la voie d'une action en nullité en cas de dol , fraude ou non-respect de formalités substantielles, en application de l'article 402 du code civil. Cette action peut être exercée par le tuteur, les membres du conseil de famille et le procureur de la République dans les deux années de la délibération, ainsi que par le mineur devenu majeur ou émancipé dans les deux années de sa majorité ou de son émancipation ;

- soit par la voie de l'appel formé en application de l'article 1239 du code de procédure civile dans les quinze jours de la délibération. Cet appel est formé par requête signée par un avocat . Il est ouvert à tous les membres du conseil de famille, au ministère public, ainsi qu'aux « personnes énumérées aux articles 430 et 494-1 du code civil, même si elles ne sont pas intervenues à l'instance ». Sont ainsi visées les personnes susceptibles de présenter une demande d'ouverture de mesures judiciaires 119 ( * ) ou d'être habilitées dans le cadre d'une habilitation familiale 120 ( * ) en matière de protection juridique des majeurs, ce qui manque d'intelligibilité .

L'article 14 de la proposition de loi prévoit de créer un recours spécifique pour les délibérations et décisions du conseil de famille des pupilles de l'État en instituant une procédure, sans ministère d'avocat, devant le tribunal judiciaire, suivie d'un appel devant la cour d'appel.

Outre au tuteur et aux membres du conseil de famille, ce recours serait ouvert :

- aux personnes à qui le service de l'aide sociale à l'enfance a confié un pupille de l'État pour en assurer la garde et qui souhaitent l'adopter, pour les décisions et délibérations relatives à ce projet d'adoption ;

- aux personnes agréées choisies par le conseil de famille pour adopter un pupille de l'État, à compter de la communication de ce choix et pour les seules décisions qui les concernent personnellement ;

- au pupille de l'État lui-même pour les décisions relevant d'actes non usuels de l'autorité parentale.

Cette procédure aurait le mérite de la clarté, ce qui ne peut qu'être salué, de même qu'elle semble aller dans le sens d'une meilleure prise en compte du droit au recours et du respect de la vie privée et familiale des personnes qui peuvent être affectées par une décision du conseil des familles, dans le respect de la Convention européenne des droits de l'homme.

Toutefois, il convient également de mettre en balance les effets que ces recours pourraient avoir sur le parcours de l'enfant et le fait qu'ils pourraient retarder inutilement des décisions prises dans son intérêt. Les associations familiales craignent ainsi qu'une multiplication des possibilités de recours ne paralyse les décisions prises par les conseils de famille dans l'intérêt des enfants pupilles, d'autant que l'on ignore si ce recours est suspensif ou pas. La FNADEPAPE y est également très réticente car elle y voit une « voie ouverte aux pressions sur les décisions du conseil de famille ».

Le cas de recours exercé par le pupille de l'État lui-même semble particulièrement problématique. Il serait dérogatoire au droit commun de la tutelle des mineurs : les mineurs sous tutelle ne peuvent pas faire appel des décisions des délibérations du conseil de famille, du temps de leur minorité. Selon la direction des affaires civiles et du Sceau, il serait préférable de s'en tenir au droit existant sur ce sujet, étant rappelé les garanties déjà offertes par le caractère collégial du conseil de famille et l'ouverture du recours à chacun de ses membres 121 ( * ) .

Dans ces conditions, les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale ne semblent pas suffisamment abouties . Le rapporteur a préféré proposer à la commission d'accepter la création d'une procédure de recours spécifique, tout en supprimant de la liste des requérants les assistants familiaux, les personnes agréées choisies par le conseil de famille, pour ne pas qu'elles interfèrent pendant la délicate période de mise en relation et les pupilles, compte tenu de la dérogation que cela introduirait par rapport à la tutelle de droit commun.

La commission a adopté son amendement COM-56 en conséquence.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié.

Article 15
Information du pupille de l'État par le tuteur et rôle des associations départementales d'entraide entre les pupilles ou anciens pupilles de l'État

Cet article a deux objets : un renforcement de l'obligation d'information du pupille et une modification du rôle des associations départementales d'entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l'État (ADEPAPE).

La commission a adopté le dispositif permettant une meilleure information du pupille de l'État par le tuteur , tout en supprimant le délai de mise en oeuvre de quinze jours. Elle a refusé une réforme non consensuelle et sans lien avec le texte des ADEPAPE.

La commission a adopté cet article ainsi modifié .

L'article 15 de la proposition de loi, qui est présenté comme renforçant les droits des pupilles de l'État, procède tout d'abord à un changement d'ordre sémantique : la section 3 du chapitre IV consacré aux pupilles de l'État dénommée « Statut des pupilles » serait rebaptisée « Droits des pupilles ». Au-delà de cette modification purement formelle, seraient modifiés deux dispositifs.

1. Un renforcement de l'obligation d'information du pupille

L'article 15 viendrait inscrire dans le code de l'action sociale et des familles un nouvel article L. 224-8-7 spécialement dédié à l'information du pupille de l'État par le tuteur , c'est-à-dire le représentant de l'État dans le département. Celui-ci devrait informer le pupille de l'État de toute décision prise à son égard et lui apporter toute précision utile lorsque l'avis de ce dernier n'a pas été suivi . À l'initiative des députés 122 ( * ) , le délai pour délivrer cette information a été fixé à quinze jours suivant la décision.

En l'état du droit, le pupille de l'État est déjà associé et informé des décisions le concernant. Ainsi l'article L. 223-4 pose-t-il le principe selon lequel le service d'aide sociale à l'enfance examine avec le mineur toute décision le concernant et recueille son avis . Ce principe est ensuite rappelé dans les dispositions relatives aux principales décisions pouvant concerner l'enfant : par exemple, à l'article L. 225-1, lors de la définition du projet d'adoption ou, à l'article L. 224-1, lors de toute décision du président du conseil départemental relative au lieu et au mode de son placement.

Le droit d'information est également rappelé au niveau réglementaire ; ainsi l'article R. 224-9 dispose-t-il que, « à sa demande, le pupille capable de discernement s'entretient avec son tuteur ou le représentant de celui-ci sur toutes questions relatives à sa situation ; le tuteur veille à ce que le pupille soit en mesure d'exercer ce droit ».

La proposition de loi viendrait ici ajouter une information a posteriori systématique par le tuteur, assortie d'une explication dans l'hypothèse où l'avis du mineur n'aurait pas été suivi.

Cette disposition, bien que d'un apport limité au regard des règles existantes, favoriserait une meilleure compréhension du pupille de l'État des décisions le concernant et a été accueillie favorablement par le rapporteur. À l'initiative de Thani Mohamed Soilihi, la commission a souhaité toutefois supprimer le délai de mise en oeuvre de l'obligation d'information de quinze jours qui ne semble pas toujours adéquat.

Elle a adopté les amendements COM-57 du rapporteur et
COM-30 rect . de Thani Mohamed Soilihi à cet effet.

2. Une évolution non consensuelle du rôle des associations départementales d'entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l'État

Le deuxième dispositif vise à renommer et revoir le rôle des associations départementales d'entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l'État (ADEPAPE) :

- le texte permettrait qu'il y ait plusieurs associations d'entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l'État dans un même département , là où il n'y en a qu'une aujourd'hui, à l'instar des unions départementales des associations familiales ;

- il rebaptiserait ces associations en « associations départementales d'entraide entre les pupilles ou anciens pupilles de l'État ou personnes admises ou ayant été admises à l'aide sociale à l'enfance » ;

- il effacerait leur rôle historique de « participer à l'effort d'insertion sociale des personnes admises ou ayant été admises dans le service de l'aide sociale à l'enfance » pour leur attribuer un rôle de représentation 123 ( * ) et d'accompagnement de ces personnes.

Ces modifications apportées à l'identité et aux missions des associations représentatives des personnes accueillies en protection de l'enfance ont reçu un avis défavorable du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) qui a relevé avec raison qu'elles sont sans rapport direct avec la question de l'adoption portée par la proposition de loi.

La Fédération nationale des associations départementales d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance (FNADEPAPE) a quant à elle fait connaître une opposition marquée à cette réforme , qui sans consultation préalable, remet en cause, à la fois les missions des ADEPAPE et la spécificité d'une ADEPAPE dans chaque département.

En conséquence, la commission a souhaité supprimer ce dispositif. C'est également l'objet de l' amendement COM-57 du rapporteur qu'elle a adopté.

La commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .


* 102 En procédant à une coordination pour remplacer, en matière de définition du projet de vie, le rôle du tuteur avec l'accord du conseil de famille, par le conseil de famille seul.

* 103 Recommandation n°6.

* 104 Voir « La situation des pupilles de l'État », enquête au 31 décembre 2018 publiée par l'Observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE).

* 105 Article L. 224-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 106 Article 349 du code civil.

* 107 Réponse de la FFOAA au questionnaire du rapporteur.

* 108 Réponses communes de l'Union nationale des associations familiales (UNAF) et Enfance & Familles d'adoption (EFA) au questionnaire du rapporteur.

* 109 Elle n'a pas souhaité conserver la mention aux données médicales, introduite par l'amendement n° 487 de M. Eliaou en séance, déjà satisfait par le 4° de l'article L 224-5.

* 110 Voir le commentaire de l'article 11 bis .

* 111 Recommandation n° 7.

* 112 Articles R 224-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles.

* 113 Contrôle des procédures d'adoption dans le département de Seine Maritime, Rapport IGAS n° 2018-098R, mars 2019.

* 114 La présente proposition de loi ne remet pas en question le rôle du représentant de l'Etat comme tuteur. L'article 38 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale proposait quant à lui de transférer la tutelle des pupilles de l'Etat au président du conseil départemental. Cette disposition a été supprimée par le Sénat lors de la discussion en première lecture.

* 115 De même la mention de membres « issus de l'union départementale des associations familiales » disparaitrait au profit de « membres d'associations familiales concourant à la représentation de la diversité des familles », ce qui semble pourtant être le cas des UDAF.

* 116 Avis du Défenseur des droits n°20-07 du 25 novembre 2020.

* 117 Avis du CCNE n° 2020-134 publié le 7 mai 2020.

* 118 Décision du Défenseur des Droits n° 2020-119 du 15 juillet 2020, à la suite de la saisine de plusieurs associations, des couples homosexuels et des personnes célibataires qui allèguent d'une discrimination de la part des services de la protection de l'enfance dans le cadre du processus d'adoption d'un enfant.

* 119 « par son conjoint, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux, ou par un parent ou un allié, une personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables, ou la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique ».

* 120 « parmi ses ascendants ou descendants, frères et soeurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ».

* 121 Ce recours existe en matière d'assistance éducative, mais la décision est prise par le juge des enfants seul.

* 122 Amendement de Mme Jacquier-Laforge et ses collègues du groupe Modem n° 301.

* 123 Le rôle de représentation a été ajouté par amendement de la rapporteure en commission (amendement de Mme Limon n° CL197).

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