B. LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE DU SPORT DOIT ÊTRE POURSUIVIE

1. Le financement de l'Agence nationale du sport ne doit pas être dépendant de la conjoncture

Depuis 2019, le soutien au mouvement sportif s'exerce pour sa majeure partie par l'intermédiaire de l'Agence nationale du sport (ANS) . Celle-ci est constituée sous forme de groupement d'intérêt public (GIP) agrégeant l'État, le mouvement sportif, les associations représentant les collectivités territoriales 6 ( * ) et les acteurs du monde économique 7 ( * ) . Ses missions ont été énoncées par la loi du 1 er août 2019 8 ( * ) : elle intervient dans une double perspective de développement de l'accès à la pratique sportive pour tous et de structuration de la haute performance.

En dépit du statut juridique de GIP, la convention constitutive 9 ( * ) de l'agence prévoit que seul l'État apportera des contributions financières , sous la forme d'une dotation du programme 219 et de taxes affectées.

C'est à l'agence qu'il revient de soutenir et de suivre les fédérations sportives , avec lesquelles elle doit directement conclure les conventions d'objectifs, ainsi que d'accompagner les collectivités territoriales et leurs groupements, en reprenant les missions exercées précédemment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Pour 2023, la subvention versée à l'Agence est en augmentation de 7,5 %, pour atteindre 264,7 millions d'euros . Le montant des taxes affectées perçues par l'agence est de 166,1 millions d'euros, ce qui porte l'ensemble de ses ressources à 430,8 millions d'euros.

Le montant des taxes affectées est en diminution de 14,4 millions par rapport à 2022, en raison de la baisse de rendement de la taxe Buffet . Cette somme est compensée par une augmentation de crédits équivalente. Les autres évolutions des crédits consacrés à l'Agence nationale du sport sont les suivantes :

- 6 millions d'euros sont déduits car alloués à titre exceptionnel aux Centres de préparation Jeux olympiques et paralympiques de 2024 (CPJ) ;

- 10 millions d'euros supplémentaires sont inscrits en loi de finances pour reprendre des politiques du plan de relance, et la subvention pour charge de service public ;

- 1 million d'euros sont accordés pour prendre en compte l'augmentation des effectifs de l'Agence.

Au total, le montant des crédits alloués à l'ANS augmente donc de 19,4 millions d'euros.

L'Agence nationale du sport bénéficie pour 2023 d'un plafond d'emplois de 70 ETPT. Ce plafond était de 63 ETP en LFI, et il a été rehaussé de 7 ETP au courant de l'année 2022.

La « contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives » (taxe Buffet) continue de représenter une part substantielle du financement de l'ANS. La défaillance de Médiapro a toutefois montré qu'elle présente des risques au niveau budgétaire .

La taxe Buffet

La « contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives », plus communément appelée taxe Buffet , est une taxe introduite en 2000, qui a vocation à financer le sport amateur grâce au sport professionnel, dans une logique de solidarité . La contribution est assise sur les sommes hors taxe sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion .

La taxe est inscrite à l'article 302 bis ZE du code général des impôts. L'article dispose que le « taux de la contribution est fixé à 5 % du montant des encaissements » et que la « contribution est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ».

Depuis 2019, le produit de la taxe est affecté intégralement à l'Agence nationale du sport .

En 2021, pour renforcer les moyens de l'Agence, le Gouvernement a préféré le relèvement du plafond de fiscalité affectée à une majoration de sa dotation budgétaire. Contestable au regard de l'orthodoxie budgétaire et des pouvoirs de contrôle du Parlement, cette orientation prenait acte de la forte progression du rendement de la taxe Buffet entre 2019 et 2020 (+ 37 %) et d'une forte demande du mouvement sportif pour que « le sport finance le sport ».

La défaillance de Médiapro a toutefois eu pour conséquence une diminution des droits de la ligue 1 de football estimée à 575 millions d'euros . Fin août 2021, le rendement de la taxe Buffet s'élevait ainsi à 41,75 millions d'euros, et il a été constaté un écart de plus de 25 millions d'euros entre le rendement initialement prévu de la taxe et son rendement effectif 10 ( * ) , qui a finalement été évalué à 14,4 millions d'euros .

Le rapporteur spécial souligne une nouvelle fois le risque d'une systématisation de la compensation de la taxe Buffet en cas de recettes inférieures aux prévisions . La mise en place d'une compensation systématique reviendrait à transférer des risques financiers au budget de l'État. Or, les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives .

En effet, d'autres facteurs de risque, comme la réduction du nombre de diffuseurs susceptibles de proposer une offre ou le dynamisme des championnats concurrents, sont extérieurs à la crise, et relèvent du fonctionnement « normal » du marché.

En sens inverse, durant les années qui ont précédé la crise, la forte appréciation des droits de la ligue 1 a été en partie le résultat d'une bulle de marché. La progression du produit de la taxe Buffet provenait quasi exclusivement de l'appréciation des droits télévisés de la Ligue 1 au titre du contrat de diffusion, passés de 726 millions d'euros par saison pour la période 2016-2020 à 1,153 milliard d'euros pour la période 2020-2024. Le relèvement du plafond de la taxe apparaissait dès lors précipité.

La question des droits télévisés illustre la complexité du financement de l'Agence nationale du sport . Dans son rapport de juillet 2022, « L'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport », la Cour des comptes qualifiait le financement de l'Agence d' « inutilement complexe », et préconisait de financer l'opérateur intégralement sur le montant de la dotation budgétaire issue du programme 219.

Le rapporteur spécial ne plaide pas pour la suppression de l'affectation des taxes à l'Agence nationale du sport, celles-ci étant un symbole fort de la solidarité entre le sport professionnel et amateur , mais il soutient leur limitation, afin d'éviter que le financement du sport soit dépendant de la conjoncture du marché des droits télévisés .

2. Les missions de l'Agence nationale du sport et de la direction des sports doivent être clarifiées

L'actualité a été marquée par les difficultés rencontrées dans la gouvernance de plusieurs instances du sport français , et notamment la Fédération française de football (FFF) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), qui ont eu un écho important dans les médias.

Ces problématiques ne sont pas directement liées à la mission Sport, jeunesse et vie associative, mais elles ont mis en avant la nécessité d'avoir une gouvernance du sport solide à l'échelle nationale .

La Cour des comptes a consacré un rapport à ce sujet, qui a été publié en juillet 2022 . La Cour fait le constat d'une réorganisation « inachevée » de la direction des sports, et d'une articulation insuffisante entre l'action de la direction et celle de l'ANS. Elle recommande donc de clarifier les missions respectives la direction des sports et de l'ANS, et de réaffirmer la tutelle stratégique de la direction sur l'agence .

Le rapporteur spécial partage cette conclusion . La « nouvelle gouvernance du sport » doit bien entendu laisser une place importante aux acteurs du sport, mais elle ne doit pas se traduire par un désengagement de l'État . Le sport touche à des politiques régaliennes, qui ne peuvent être assumées que par la puissance publique.

La direction des sports a signalé au rapporteur spécial qu'une conférence avait été organisée par la ministre le 18 juillet 2022 au sujet de la gouvernance du sport, et que le rôle de la direction a été réaffirmé sur trois points :

- le pilotage des politiques publiques ;

- les sujets régaliens ;

- l'évaluation des politiques publiques.

La direction des sports et l'ANS ont par la suite procédé à une cartographie de leurs missions, et il est prévu que la Convention d'objectifs et de moyens qui lie l'État à l'ANS soit révisée.

La collaboration entre l'ANS et l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) doit également être renforcée. D'après la direction des sports, les réseaux du grand INSEP et les maisons régionales de la performance seront mis à profit en 2023 dans ce but.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial réitère son approbation de l'abandon du projet de transfert des conseillers techniques et sportifs (CTS) aux fédérations , acté par le ministère des sports en septembre 2020. Dès avant la crise sanitaire, ce projet suscitait l'inquiétude de nombreuses fédérations de taille modeste, dont les ressources propres ne permettent pas de préserver ces compétences en leur sein.

Cette décision laisse toutefois ouverte la question de la modernisation des conditions de la gestion de ces fonctionnaires d'État mis à disposition des fédérations sportives.

Une mesure catégorielle, d'un montant de 228 000 euros , a été inscrite dans la loi de finances pour 2022 pour revaloriser les fonctions de directeur technique national adjoint, mais celle-ci ne concernait que 80 postes parmi l'ensemble des conseillers techniques et sportifs .

D'après la direction des sports, deux chantiers sont actuellement engagés :

- le premier vise à refondre leur lettre de mission , pour que la direction puisse être capable de donner précisément le nombre de CTS travaillant dans différents domaines d'intervention. Les CTS ont en effet vocation à exercer leur mission dans quatre domaines : la stratégie sportive, le développement des pratiques, la haute performance et le contrôle de la réglementation de l'enseignement du sport ;

- le second a pour objectif de revoir la répartition des CTS entre les fédérations . Une trajectoire de répartition doit encore être définie puis présentée à la ministre.

La refonte de la lettre de mission des CTS doit être l'occasion de donner plus de visibilité à leur action , et de davantage les mobiliser dans la conduite des politiques publiques du sport ou des projets de développement interfédéraux.

3. La fin du déménagement du laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage devra permettre de poursuivre la montée en charge du programme de contrôle et d'analyse

Le programme 219 « Sport » retrace également les dotations versées aux principaux établissements du sport , comme le détaille le tableau ci-après.

Tableau récapitulatif de l'évolution des dotations
aux principaux établissements du sport

(en millions d'euros)

Opérateur ou Agence

Subvention 2019

Subvention 2020

Subvention 2021

Subvention 2022

Subvention prévue en 2023

Évolution 2022-2023

ANS

-

137,6

135,2

245,2

264,7

+ 8,0 %

INSEP

23,4

22,9

23,7

24,8

28,1

+ 13,3 %

Écoles nationales des sports (1)

12,5

12,4

12,5

13,1

13,6

+ 3,8 %

Musée national du sport

2,9

3,0

3,0

3,1

3,2

+ 3,2 %

AFLD

9,6

9,6

10,7

9,4 11 ( * )

11,0

+ 17,0 %

(1) École nationale de la voile et des sports nautiques ; École nationale des sports de montagne ; Institut français du cheval et de l'équitation

Source : commission des finances du Sénat

Hors ANS, les deux augmentations les plus notables sont celles de la subvention à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), et celle de la subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

La progression de la subvention à l'INSEP résulte notamment de l'augmentation de son plafond d'emploi , passant de 277 en 2022 à 282 ETPT en 2023. Ce gain de 5 ETPT vise des emplois relatifs à la préparation des athlètes dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) connaît une croissance significative de ses crédits entre 2022 et 2023, passant de 9,4 millions à 11,5 millions d'euros, soit une hausse de 17,0 %. Cette montée en puissance est justifiée par la nécessité d'atteindre le niveau de contrôles attendu pour la coupe du monde de Rugby ainsi que les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. L'AFLD gagne ainsi 5 ETPT et voit ses moyens matériels renforcés.

L'objectif est que le laboratoire puisse être en capacité de traiter 7 000 à 8 000 échantillons supplémentaires sur une période courte de deux semaines, pour un rendu de résultats sous 24h. L'Agence mondiale antidopage exige en outre que 7 % du budget d'un laboratoire accrédité soit consacré à la recherche.

La progression des crédits de l'AFLD s'intègre dans une subvention globale de 12,1 millions d'euros prévue en 2023 pour lutter contre le dopage , qui regroupe également la contribution annuelle de la France au fonctionnement de l'Agence mondiale antidopage (AMA, 1,1 million d'euros).

Le déménagement du laboratoire d'analyses médicales, qui a été sources de nombreuses difficultés, devrait s'achever au début de l'année prochaine. La livraison du bâtiment était initialement prévue pour novembre 2022, mais il a été repoussé à février 2023 en raison de retards dans la construction. Selon la direction des sports, ce retard ne s'est pas aggravé depuis l'année dernière, et il ne remet pas en cause l'opérationnalité du laboratoire pour la coupe du monde de rugby. Elle indique enfin que « les travaux de sécurisation du site liés spécifiquement à l'organisation des JOP 2024 intervenant ultérieurement à la livraison du bâtiment sont en cours de chiffrage et relèvent du financement des JOP 2024. »

Il conviendra de rester vigilant sur la capacité de l'AFLD à poursuivre la montée en charge de son programme de contrôle et d'analyses .


* 6 À savoir l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France, France urbaine et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.

* 7 Les droits de vote sont répartis à 30 % chacun pour l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif, et à 10 % pour le monde économique.

* 8 Loi n° 2019-812 du 1 er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

* 9 Arrêté du 20 avril 2019 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public dénommé « Agence nationale du sport ».

* 10 D'après les documents budgétaires.

* 11 3,14 millions d'euros ont été transférés en 2022 au programme 150 « Enseignement supérieur et vie étudiante » dans le cadre du déménagement du Laboratoire d'analyse à Paris-Saclay.

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