AVANT-PROPOS

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné, le 25 juin 2023, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi déposée par Jean-François Rapin (Pas-de-Calais, LR) en septembre 2022, visant à verser automatiquement une bourse d'études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap entraînant un taux d'incapacité d'au moins 80 %.

Par la voix de son rapporteur, Toine Bourrat (Yvelines, LR), la commission s'est félicitée que cette proposition de loi mette en lumière une population trop méconnue et délaissée des pouvoirs publics, celle des étudiants confrontés au handicap d'un parent et qui sont, de fait, amenés à assumer un rôle d'aidant.

Son examen intervient au moment où une profonde réforme des bourses sur critères sociaux est en cours, comme l'avait appelé de ses voeux le Sénat en 20211(*), et alors que le Président de la République a annoncé, lors de la sixième Conférence nationale du handicap, une mesure en faveur des étudiants aidants de parents handicapés ou eux-mêmes en situation de handicap, dans le cadre du système de bourses. La commission y voit l'effet de l'alerte lancée, il y a plusieurs mois, par l'auteur de cette initiative législative sénatoriale.

Sur proposition de son rapporteur, elle a enrichi la rédaction initiale du texte, afin de le rendre compatible avec la réforme en préparation et permettre son opérationnalité dès la prochaine rentrée universitaire. La commission a, par ailleurs, alerté la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessité de se saisir du chantier de l'adaptation du rythme d'études et de l'accompagnement des étudiants aidants.

I. UNE PROPOSITION DE LOI D'INITIATIVE SÉNATORIALE POUR RECONNAÎTRE ET SOUTENIR FINANCIÈREMENT LES ÉTUDIANTS DE PARENTS EN SITUATION DE HANDICAP

A. LES ÉTUDIANTS AIDANTS : DES « INVISIBLES » À LA VIE ÉTUDIANTE RENDUE PLUS COMPLEXE

En France, les « aidants familiaux » représentent 8 à 11 millions de personnes qui apportent une aide régulière, à titre non professionnel et non rémunéré, dans les activités quotidiennes ou sur le plan émotionnel, à un proche en perte d'autonomie pour des raisons liées à l'âge, à une maladie ou à un handicap. L'aidant familial est nommé « jeune adulte aidant » (JAA) lorsqu'il est âgé de 18 à 25 ans. Ce statut n'est, pour l'heure, toutefois pas juridiquement défini.

Les travaux de recherche interdisciplinaires sur les aidants familiaux s'accordent aujourd'hui pour souligner que les JAA constituent une population sous-étudiée qu'il est temps de reconnaître, de considérer et d'accompagner. Une enquête publiée en 20222(*) indique qu'en France, au moins 1 étudiant de l'enseignement supérieur sur 10 serait aidant, soit environ 290 000 jeunes. Il n'existe cependant pas, à ce jour, de données consolidées nationales sur les étudiants aidants. Le ministère de l'enseignement supérieur admet lui-même méconnaître le nombre et le profil de ces étudiants. Le rapporteur l'appelle à remédier, dans les meilleurs délais, à cette lacune statistique, qui fait obstacle à la mise en oeuvre d'une politique publique répondant aux besoins des étudiants aidants.

Selon les études disponibles, endosser un rôle d'aidant est associé à une moins bonne santé physique et mentale, ainsi qu'une limitation des opportunités d'éducation et d'emploi. Dans le contexte spécifique de l'enseignement supérieur, les JAA se retrouvent partagés entre le désir d'être un « bon » étudiant et celui d'être un « bon » proche aidant. Il est plus difficile pour eux de maintenir des routines d'études, de suivre des cours et de consacrer du temps à leur formation. De plus, l'aidance et les responsabilités qui y sont liées vont contraindre et limiter leurs aspirations professionnelles, notamment au regard de la proximité géographique domicile-université.

Dans le débat public, force est de constater que la question des aidants s'est invitée tardivement. En 2019, le Gouvernement lançait « une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants 2020-2022 », destinée à poser les bases d'une politique publique de l'aidance. Parmi les six priorités définies par cette stratégie, l'une portait sur la nécessité de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des jeunes aidants, afin qu'ils n'aient pas à endosser des responsabilités disproportionnées par rapport à leur âge.

Récemment, dans le cadre d'un classement mondial du niveau de reconnaissance et de mise en place de politique publique à destination des jeunes aidants, la France a été classée comme « pays émergent », soulignant l'ampleur de la marge de progression dans la prise en compte de la situation spécifique de ces jeunes.

B. LA MESURE PRÉVUE PAR LA PROPOSITION DE LOI : L'ATTRIBUTION D'UNE AIDE FINANCIÈRE, SOUS LA FORME D'UN NIVEAU MAXIMUM DE BOURSE, AUX ÉTUDIANTS DONT L'UN DES PARENTS EST GRAVEMENT HANDICAPÉ

La proposition de loi, déposée par Jean-François Rapin (Pas-de-Calais, LR) en septembre 2022, est née de deux constats :

· d'une part, la prise en charge du handicap d'un parent a des répercussions financières, sociales, éducatives, qui affectent inévitablement les enfants au cours de leur scolarité, et ce d'autant plus que le taux d'incapacité du parent concerné est élevé ;

· d'autre part, la reconnaissance et l'accompagnement de ces jeunes, qui subissent « un choc de vie » et qui sont naturellement amenés à aider leur parent en situation de handicap, font aujourd'hui cruellement défaut.

Aussi, son article unique vise à attribuer automatiquement à tout étudiant, dont au moins l'un des parents est porteur d'un handicap entraînant un taux d'incapacité d'au moins 80 %, et quel que soit le montant de ses ressources, un niveau maximum de bourse (ie échelon 7).

II. UN EXAMEN QUI INTERVIENT DANS LE CONTEXTE DE RÉFORME DU SYSTÈME DE BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

A. LES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX : UN SYSTÈME TRÈS DÉCRIÉ, POUR LEQUEL LE SÉNAT A APPELÉ EN 2021 À UNE RÉFORME STRUCTURELLE

Dans le cadre de ses travaux menés en 2021, la mission d'information du Sénat sur la condition de la vie étudiante en France3(*), rapportée par le président de la commission, Laurent Lafon, pointait les lacunes et les failles du système de bourses sur critères sociaux de l'enseignement supérieur, parmi lesquelles : les effets de seuil liés à l'architecture en échelons, excluant toute une partie des étudiants, notamment ceux issus des classes moyennes ; le montant des bourses ne permettant pas de financer l'ensemble des aspects de la vie étudiante ; la prévalence accordée dans les critères d'éligibilité au niveau de revenus des parents ; les disparités de traitement entre les étudiants selon leur ministère de rattachement.

Face à ce constat sévère, mais faisant l'objet d'un diagnostic partagé par l'ensemble des acteurs du secteur, la mission d'information appelait à une refonte globale du système actuel, articulée autour des volets suivants : la simplification et la restructuration de l'architecture en échelons pour lisser les effets de seuil, l'étude de l'élargissement du périmètre de l'échelon 0, l'harmonisation de la gestion des bourses entre les différents départements ministériels, la réorganisation plus rigoureuse de leur socle réglementaire.

B. LE PROJET DE RÉFORME EN COURS DU GOUVERNEMENT

Le 29 mars 2023, la ministre de l'enseignement supérieur a présenté « l'acte Ier de la réforme des bourses », laquelle avait été annoncée par le Président de la République le 19 janvier 2021, lors d'un déplacement à l'Université de Paris-Saclay.

Cette première étape de la réforme, chiffrée par le ministère à 500 millions d'euros4(*), est l'aboutissement d'un premier round de concertation sur la vie étudiante, qui a rendu ses conclusions à la fin de l'année 2022.

Elle est composée des mesures « paramétriques » suivantes :

· la revalorisation de 6 % des barèmes de revenus des parents, critère principal pour se voir affecter une bourse. Cette révision du barème entraîne deux conséquences : l'entrée de 35 000 nouveaux étudiants dans le système de bourse et le basculement d'un boursier sur cinq dans l'échelon supérieur ;

· l'augmentation du montant des bourses de 37 euros par mois (soit 370 euros par an), quel que soit l'échelon. Cette revalorisation représente une augmentation de + 34 % pour le premier échelon et une augmentation à hauteur de l'inflation (+ 6,2 %) pour le dernier échelon ;

· la neutralisation des effets de seuil5(*), le ministère ayant assuré qu'aucun étudiant ne verra sa bourse diminuée d'un montant supérieur à l'augmentation des revenus de ses parents. À la rentrée 2023, il y aura bien toujours des échelons, mais dans le cadre de la deuxième partie de la réforme, le ministère s'engage à les supprimer « de façon pérenne ».

La concertation sur la deuxième étape de la réforme des bourses, qui se veut systémique, est en cours avec les organisations étudiantes représentatives. Celle-ci est centrée sur quatre thématiques : le revenu étudiant, l'emploi étudiant, la gestion du temps et la réussite. Son entrée en vigueur est prévue pour la rentrée 2024, voire 2025 selon le périmètre retenu.

Lors d'une audition qui s'est tenue début mai à l'Assemblée nationale, la ministre a précisé que ses services travaillaient à une intégration du nouveau modèle de bourses envisagé au sein du chantier dit de « solidarité à la source », qui ambitionne de simplifier et d'harmoniser le versement de l'ensemble des aides sociales.

C. LA MESURE EN FAVEUR DES ÉTUDIANTS AIDANTS DE PARENTS EN SITUATION DE HANDICAP OU EUX-MÊMES PORTEURS D'UN HANDICAP, RÉCEMMENT ANNONCÉE LORS DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DU HANDICAP

En clôture de la sixième Conférence nationale du handicap (CNH), qui s'est tenue le 26 avril dernier, le Président de la République a annoncé que les étudiants aidants de parents en situation de handicap - ou eux-mêmes en situation de handicap - bénéficieront, à la rentrée 2023, de quatre points de charge pour le calcul de leur éligibilité aux bourses sur critères sociaux.

Le système actuel prévoit que l'éloignement du domicile familial et le nombre de frères et soeurs définissent un certain nombre de points de charge, qui, associés au niveau de revenus des parents, déterminent l'éligibilité aux bourses et l'accès à un échelon.

En pratique, la mesure prévue devrait permettre d'augmenter l'échelon des étudiants déjà boursiers et d'en faire entrer de nouveaux dans le système.

Toutefois, le rapporteur remarque qu'un certain flou a entouré cette annonce présidentielle, dont le périmètre exact, les conditions d'attribution et le chiffrage du nombre de bénéficiaires n'ont pas été publiquement précisés.

III. L'APPORT DE LA COMMISSION SUR LA PROPOSITION DE LOI INITIALE : UNE NOUVELLE RÉDACTION POUR GARANTIR L'OPÉRATIONNALITÉ DE LA MESURE, DANS LE CADRE DE LA RÉFORME EN COURS DES BOURSES SUR CRITÈRES SOCIAUX

La commission se félicite qu'une initiative législative sénatoriale offre l'occasion de mettre enfin la lumière sur la situation des étudiants confrontés au handicap d'un parent. Cette proposition de loi, dont le dépôt remonte à plusieurs mois, a permis de lancer une alerte, non sans lien avec la récente mesure annoncée par l'exécutif en faveur des étudiants aidants ou eux-mêmes en situation de handicap.

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement de réécriture visant à :

· rattacher directement la mesure proposée au système de prestations sociales accordées par la collectivité nationale aux étudiants, afin qu'elle soit pleinement opérationnelle dans le cadre de la réforme en cours des bourses sur critères sociaux, l'objectif étant une entrée en vigueur à la prochaine rentrée universitaire ;

· supprimer la référence aux échelons, car ceux-ci ont vocation à disparaître dans le nouveau modèle de bourses en préparation ;

· mentionner l'expression d'« étudiant, aidant d'un parent », qui couvre un spectre plus large des situations d'aidance. Il reviendra alors au pouvoir réglementaire de définir précisément le périmètre des bénéficiaires ;

· supprimer la référence au taux d'incapacité d'au moins 80 %, précision qui relève du domaine réglementaire.

Pour tenir compte de cette nouvelle rédaction, la commission a adopté un second amendement adaptant le titre de la proposition de loi.

Au-delà de son contenu à proprement parler, le rapporteur tient à alerter la ministre sur la nécessité de se saisir d'un autre chantier, complémentaire à celui du soutien financier apporté aux étudiants aidants : celui de l'adaptation de leur rythme d'études et de leur accompagnement. En effet, il ressort de ses échanges avec les représentants étudiants et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) que l'accueil et l'information de ces étudiants, l'aménagement de leur emploi du temps et leur accompagnement pédagogique sont globalement insuffisants et fortement disparates d'un établissement à l'autre, alors que leurs besoins sont très spécifiques du fait des responsabilités qu'ils assument au sein de leur cellule familiale.

Pour le rapporteur, il est urgent que le ministère mène, avec les établissements, un travail de fond sur la prise en charge des étudiants aidants, qui pourrait donner lieu à un cadrage national, ensuite décliné localement dans les schémas directeurs de la vie étudiante, dont il regrette d'ailleurs l'application à géométrie variable.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

JEUDI 25 MAI 2023

___________

M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons ce matin la proposition de loi visant à verser automatiquement une bourse d'études aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap, déposée le 13 septembre dernier sur le Bureau du Sénat par notre collègue Jean-François Rapin.

Lors de sa réunion du 9 mai dernier, la Conférence des présidents, à la demande du président du groupe Les Républicains, a accepté que ce texte soit examiné selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis de notre Règlement.

Selon cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce uniquement en commission. La séance publique, programmée le 30 mai prochain, sera par conséquent réservée aux explications de vote et au vote du texte que nous allons élaborer au cours de la présente réunion.

Je vous rappelle que la réunion est ouverte à l'ensemble des sénateurs, mais que seuls les membres de notre commission peuvent voter. Elle fait par ailleurs l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site internet du Sénat.

Mme Toine Bourrat, rapporteur. - Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été déposée par notre collègue Jean-François Rapin en septembre 2022. Elle est née de deux constats.

Le premier est que le handicap d'un parent a inévitablement des répercussions d'ordre psychologique, financier, social sur l'ensemble de la cellule familiale, et ce d'autant plus que le taux d'incapacité résultant de ce handicap est élevé.

La vie d'un enfant dont l'un des parents est en situation de handicap n'est évidemment pas la même que celle d'un enfant qui n'est pas confronté à ce « choc de vie ». Les enfants concernés sont naturellement amenés à aider leur parent handicapé dans les gestes de la vie quotidienne, dans les tâches domestiques, bien sûr à des degrés divers selon la prise en charge, notamment humaine, dont ce parent bénéficie.

Le parcours scolaire de ces enfants, qui assument des responsabilités parfois disproportionnées par rapport à leur âge, peut alors s'en trouver affecté. Lorsqu'arrive l'entrée dans l'enseignement supérieur, ces jeunes se retrouvent partagés entre le désir d'être un « bon » étudiant et celui d'être un « bon » proche aidant. Il est plus difficile pour eux de maintenir des routines d'études, de suivre des cours et de consacrer du temps à leur formation. Selon les travaux de recherche disponibles sur le sujet, l'aidance et les responsabilités qui y sont liées vont également contraindre et limiter leurs aspirations professionnelles, notamment au regard de la proximité géographique domicile-établissement d'enseignement supérieur.

Le second constat, c'est que la reconnaissance et l'accompagnement de ces jeunes adultes aidants par les pouvoirs publics font aujourd'hui cruellement défaut.

D'abord, il n'existe pas de statistiques consolidées au niveau national.

Vos services, madame la ministre, admettent méconnaître le nombre et le profil des étudiants qui sont aidants. Certaines données par établissement sont disponibles, mais elles ne permettent pas d'avoir une vision agrégée nationale. Une étude de recherche publiée en 2022 indique qu'en France, au moins 1 étudiant de l'enseignement supérieur sur 10 serait aidant, mais ce chiffre est à prendre avec précaution.

Ensuite, le statut de jeune adulte aidant n'est juridiquement pas défini, encore moins celui d'étudiant aidant. Seul celui d'aidant familial l'est. Cette lacune statistique et juridique est très regrettable, car elle fait obstacle à la mise en oeuvre d'une politique publique répondant aux besoins des jeunes adultes aidants et, parmi eux, de ceux qui décident de faire des études supérieures. En 2019, le Gouvernement lançait « une stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants 2020-2022 », destinée à poser les bases d'une politique publique de l'aidance. Parmi les six priorités définies par cette stratégie, l'une portait sur la nécessité de mieux prendre en compte les besoins spécifiques des jeunes aidants. Mais l'on ne sait pas trop ce qu'il est advenu de cette stratégie ni de cette priorité en particulier...

Fort de ces deux constats, notre collègue estime urgent que la collectivité nationale reconnaisse et soutienne ces jeunes dont la vie est marquée par le handicap d'un parent. Sa proposition de loi, composée d'un article unique, vise ainsi à attribuer automatiquement à tout étudiant, dont au moins l'un des parents est porteur d'un handicap entraînant un taux d'incapacité d'au moins 80 %, et quel que soit le montant de ses ressources, un niveau maximum de bourse, ce qui correspond à l'échelon 7.

Cette initiative législative intervient au moment où, madame la ministre, vous menez un chantier de réforme des bourses de l'enseignement supérieur, dont vous avez présenté « l'acte Ier » le 29 mars dernier. Je vous laisserai bien sûr en parler plus précisément.

Pour ma part, je rappellerai qu'en 2021, grâce aux travaux très approfondis menés par la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France, présidée par notre collègue Pierre Ouzoulias et rapportée par notre président Laurent Lafon, le Sénat pointait les nombreuses failles et lacunes du dispositif de bourses sur critères sociaux.

À partir de ce diagnostic, il appelait à une refonte globale du système actuel, passant par une restructuration de l'architecture en échelons, afin notamment de parvenir à lisser les effets de seuil.

Votre projet de réforme, madame la ministre, a été récemment complété par une annonce du Président de la République en clôture de la sixième Conférence nationale du handicap, qui s'est tenue le 26 avril dernier. Celui-ci a en effet annoncé que les étudiants aidants de parents en situation de handicap ou eux-mêmes en situation de handicap bénéficieront, à la rentrée 2023, de quatre « points de charge » pour le calcul de leur éligibilité aux bourses sur critères sociaux.

Le système actuel prévoit que la composition du foyer fiscal et l'éloignement entre le lieu d'études et le domicile définissent un certain nombre de points de charge, qui, associés, au niveau des revenus des parents, déterminent l'éligibilité de l'étudiant aux bourses et l'accès à un échelon. En pratique, la mesure prévue devrait donc, en accordant 4 points de charge aux étudiants en situation de handicap ou aidants de parents handicapés, permettre d'augmenter l'échelon de ceux qui sont déjà boursiers et de faire entrer de nouveaux étudiants dans le système.

Je note toutefois qu'un certain flou a entouré cette annonce présidentielle, dont le périmètre exact, les conditions d'attribution et le chiffrage du nombre de bénéficiaires n'ont pas été publiquement précisés. Madame la ministre, j'espère que vous pourrez nous en dire plus.

En tout état de cause, cette annonce a le mérite de mettre enfin la lumière sur la situation des étudiants confrontés au handicap, pour eux-mêmes ou pour un parent. Peut-être faut-il y voir d'ailleurs un effet de l'alerte, lancée voilà déjà plusieurs mois, par notre collègue au travers du dépôt de sa proposition de loi. En tant que rapporteur, je me félicite de ce que le Sénat se saisisse d'une problématique trop longtemps délaissée.

À la suite des auditions que j'ai menées, de mes échanges nourris avec Jean-François Rapin et d'autres collègues, du dialogue constructif conduit avec vos équipes, madame la ministre, je vous proposerai, mes chers collègues, un premier amendement, de réécriture, visant à rattacher directement la mesure proposée au système de prestations sociales accordées par la collectivité nationale aux étudiants, afin qu'elle soit pleinement opérationnelle dans le cadre de la réforme en cours des bourses sur critères sociaux.

Notre objectif commun est bien une entrée en vigueur dès la prochaine rentrée universitaire. Conséquence de ce rattachement au droit commun des bourses, la conditionnalité aux ressources est maintenue.

Ensuite, j'ai souhaité supprimer la référence aux échelons, car ceux-ci ont vocation à disparaître dans le nouveau modèle de bourses en préparation.

En outre, je propose de mentionner l'expression d'« étudiant, aidant d'un parent », qui couvre un spectre plus large des situations d'aidance. Il reviendra alors au pouvoir réglementaire de définir précisément le périmètre des bénéficiaires. Je crois savoir, madame la ministre, que vous avez l'intention d'ouvrir la mesure aux étudiants d'un parent collatéral handicapé, par exemple, un frère ou une soeur.

Enfin, je souhaite supprimer la mention du taux d'incapacité d'au moins 80 %, précision qui relève du pouvoir réglementaire. Personnellement, je crois qu'un seuil d'incapacité d'au moins 50 % serait pertinent, car il permettrait de prendre en compte des situations de handicap grave, mais qui ne donnent pas droit à l'automaticité de certaines aides - par exemple, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) -, comme le permet le seuil de 80 %.

Pour tenir compte de cette nouvelle rédaction qui, je crois, peut faire consensus, je vous proposerai, par un second amendement, de modifier en conséquence l'intitulé de la proposition de loi, qui deviendrait « proposition de loi visant à tenir compte, dans l'attribution des bourses de l'enseignement supérieur, de la situation de l'étudiant, aidant d'un parent en situation de handicap ».

Au-delà du contenu du texte à proprement parler, je tiens également, madame la ministre, à vous alerter sur la nécessité de vous saisir d'un chantier complémentaire à celui du soutien financier apporté aux étudiants aidants, celui de l'adaptation de leur rythme d'études et de leur accompagnement.

En effet, il ressort de mes échanges avec les représentants étudiants et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) que l'accueil et l'information de ces étudiants, l'aménagement de leur emploi du temps, leur accompagnement pédagogique sont globalement très insuffisants et fortement disparates d'un établissement à l'autre, alors que leurs besoins sont très spécifiques. Il me semble indispensable que votre ministère mène avec les établissements un travail de fond sur la prise en charge des étudiants aidants qui pourrait donner lieu à un cadrage national, ensuite décliné localement dans les schémas directeurs de la vie étudiante, dont on m'a d'ailleurs fait état de l'application encore trop à géométrie variable.

À cet égard, je vous propose d'adopter les deux amendements que je vous soumettrai dans quelques instants.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner la proposition de loi du président Rapin, qui vise à accorder aux étudiants dont l'un des parents est en situation de handicap entraînant un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % une bourse à son échelon maximal.

Cette préoccupation, je la partage.

Les étudiants aidant leur parent en situation de handicap lourd peuvent en effet être confrontés à des difficultés sociales plus importantes que d'autres étudiants. Qu'il s'agisse de besoins financiers accrus ou de la difficulté à exercer un job étudiant en marge de leurs études, leur situation appelle une réponse adaptée. J'avais été alertée sur le sujet par le président Rapin, et je l'en remercie.

Dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a annoncé que nous faciliterons, dès la rentrée 2023, l'accès aux bourses sur critères sociaux aux étudiants aidants par une bonification de 4 points de charge supplémentaires qui leur permettra également d'accéder à un échelon de bourse plus élevé.

C'est une première étape, puisqu'à terme il n'y aura plus de points de charge, une fois la réforme des bourses achevée. Il n'y aura plus non plus d'échelons pour éviter les effets de seuil.

Nous évaluons entre 10 000 et 20 000 le nombre d'étudiants concernés par cette proposition de loi, mais un travail est en cours pour mieux identifier ces étudiants et mieux les accompagner. En outre, des concertations locales vont conduire d'ici à l'été à l'adoption de schémas directeurs de la vie étudiante comportant notamment un volet handicap.

Si je ne pouvais pas être favorable au texte dans sa version initiale, pour plusieurs raisons, je tiens à saluer le travail de réécriture qui a été mené.

Vous me permettrez d'insister brièvement sur une réserve que je maintiens, même si je sais que l'argument est rarement bien accueilli au Parlement : il ne s'agit pas, dans le cas présent, d'une matière législative. L'adoption de la proposition emportera l'inscription dans la loi d'un public particulier, et de lui seul. Pour cette raison, je reste réservée.

Toutefois, j'émettrai un avis favorable à l'amendement de réécriture porté par madame le rapporteur, d'abord parce que, je l'ai dit, j'en partage l'ambition, et ensuite, parce qu'il lève les difficultés posées par la rédaction de la proposition initiale. Il supprime la mention à un échelon de bourse, et j'y suis particulièrement attentive. Vous le savez, je porte une réforme du système des bourses sur critères sociaux ambitieuse, dont j'ai déjà annoncé la première étape, et je souhaite, à terme, sortir du système par échelons. C'était d'ailleurs, monsieur le président Lafon, une recommandation de votre rapport.

En inscrivant la notion d'aidant, l'amendement permet de couvrir un large spectre de situations d'aidance et vient en complément de la préparation d'une deuxième stratégie pluriannuelle de soutien aux aidants, pilotée par le ministre des solidarités et la ministre déléguée aux personnes handicapées.

Enfin, il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir le taux d'incapacité qui ouvrira l'accès à un barème de revenus plus favorable pour l'étudiant. C'est un point important, car lorsqu'il s'agit de garantir la réussite étudiante, nous devons pouvoir prendre en compte des situations qui ne l'auraient pas été si un taux de 80 % avait été gravé dans le marbre de la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet qui nous réunit aujourd'hui est un beau et important sujet, celui de la réussite de nos étudiants qui aident un parent en situation de handicap. Nous devons leur apporter, et nous leur apporterons, une réponse adaptée. Je suis favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

Mme Sylvie Robert. - Je voudrais excuser notre collègue Sabine Van Heghe, qui a suivi avec le rapporteur les différentes auditions, mais qui, malheureusement, ne peut pas être présente ce matin.

L'article unique de cette proposition de loi complète l'article L. 821-1 du code de l'éducation. Il déroge au principe légal d'octroi de bourses sur critères sociaux en fonction du niveau de revenus des parents et des étudiants lorsqu'un des deux parents est porteur d'un taux de handicap d'au moins 80 %. C'est vrai, le dispositif de ce texte est en partie réglementaire. Lors des auditions menées par le rapporteur, un certain nombre d'interrogations sont apparues, qui vont bien au-delà de la proposition de loi.

Certaines organisations étudiantes ont insisté sur la nécessité de créer une allocation universelle d'autonomie pour répondre véritablement à la précarité affectant la jeunesse. Une réforme globale du système des bourses, dont vous avez parlé, puisqu'elle est en cours, a aussi été demandée. L'attention a été attirée sur la nécessité de ne pas remettre en cause l'attribution de bourses sur critères sociaux.

Lors de l'audition des représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), nos interlocuteurs ont insisté sur le manque d'évaluation concernant cette proposition de loi. C'est malheureusement souvent le cas avec un texte d'initiative parlementaire. Ils ont notamment déclaré craindre que son adoption ne soit l'occasion pour le Gouvernement de maîtriser les dépenses liées au handicap.

Nos interlocuteurs étudiants et du CNCPH se sont aussi interrogés sur le seuil de 80 % du taux d'incapacité. Ils penchent plutôt pour un taux de 50 %. En tout état de cause, le rapporteur propose une nouvelle rédaction de l'article unique qui semble répondre à certaines attentes, notamment en ce qui concerne le taux maximal de handicap.

Je vous livre quand même certaines interrogations quant à la suppression de l'automaticité de l'aide sous conditions du taux de handicap des deux parents. Nous sommes attachés à l'attribution de bourses sous conditions de ressources. En supprimant l'automaticité, le rapporteur restreint peut-être le champ de la proposition de loi.

J'ai également des interrogations sur la suppression de la référence au dernier échelon des bourses. Les échelons sont actuellement encore en vigueur et ils garantissent à l'étudiant concerné une aide importante.

Enfin, l'introduction d'une exigence supplémentaire, en plus du handicap, pour l'attribution de bourses, pose problème. Comment l'étudiant prouvera-t-il qu'il est aidant ?

Malgré ces réserves, le groupe SER votera ce texte tel qu'amendé par le rapporteur.

M. Stéphane Piednoir. - Cette proposition de loi traite d'un sujet qui est en quelque sorte dans l'angle mort des politiques publiques. La notion d'aidant, y compris pour les conjoints, est encore assez floue dans notre législation. Avec ce texte, nous avons l'occasion d'élargir la prise en considération de ce statut.

La vie de certains étudiants peut être fortement marquée par l'existence d'un parent handicapé. Il faut leur consacrer du temps, au détriment, parfois, de la possibilité d'occuper un emploi pour subvenir à ses besoins.

Jean-François Rapin, auteur de ce texte, a souhaité donner un coup de pouce financier à ces jeunes aidants. Évidemment, cette initiative ne règle pas tous les problèmes liés au handicap, mais elle a le mérite de porter l'attention sur cette situation particulière. Avec la réforme du système des bourses en cours et les annonces récentes du Président de la République, elle me semble aller dans le bon sens. Le groupe Les Républicains lui apportera bien entendu son entier soutien.

M. Claude Kern. - Du travail autour de ce texte est ressorti un constat alarmant : aujourd'hui, en France, la prise en compte, la reconnaissance et l'accompagnement spécifique des jeunes aidants sont très en retard, voire quasi inexistant, comparativement à d'autres pays. Les actions peuvent aller de la mise en place d'une information renforcée des jeunes publics au conseil, à la prise en charge de formations, ou encore au financement d'activités de loisirs. Depuis quelques années, des associations commencent à s'emparer de la question, mais cela n'est pas suffisant. Madame la ministre, je profite de votre présence pour vous poser la question à ce stade : quelles sont les réflexions portées par les pouvoirs publics pour venir en aide à cette population d'aidants particulièrement vulnérable ?

Ce texte est examiné, alors que, parallèlement, se construit également une réforme du système de bourses sur critères sociaux. Fin mars, vous avez d'ailleurs fait un premier point d'étape. Les premières mesures issues de la concertation menée par votre ministère vont permettre de débloquer 500 millions d'euros pour améliorer le système, et ce dès la rentrée 2023. Ainsi, plus d'étudiants, notamment ceux qui sont issus des classes moyennes, pourront bénéficier de cet accompagnement à la rentrée prochaine. Une revalorisation a également été annoncée pour tous les étudiants boursiers.

Dans un rapport sur la condition de la vie étudiante en France, le Sénat avait insisté sur la refonte nécessaire du système de bourses, appelant de ses voeux une gestion harmonisée entre les différents départements ministériels pour limiter les disparités de traitement entre les étudiants. Le rapport proposait également de cibler les étudiants ayant besoin d'un soutien financier particulier à partir de la définition d'un reste à charge. Peut-être pourriez-vous nous dire un mot de la manière dont vous avez intégré les recommandations de ce rapport à vos réflexions ?

Cette proposition de loi apporte un début de réponse pour venir en aide aux jeunes proches aidants. Cependant, plusieurs interrogations persistent à la lecture du dispositif proposé.

Tout d'abord, il semble que la mesure relève plus du domaine réglementaire. Ensuite, l'automaticité de l'attribution de cette aide semble en contradiction avec le système d'attribution des bourses sur critères sociaux. En effet, elle n'est pas conditionnée par des ressources, ce qui est contraire à la logique d'attribution des bourses dans notre système. Enfin, le texte, dans sa rédaction initiale, fait référence aux échelons, alors que la réforme envisagée par le Gouvernement les supprimerait.

Aussi, le groupe Union Centriste accueille favorablement les évolutions proposées par le rapporteur. Les amendements proposés par Toine Bourrat pour affiner le dispositif du texte le rendent plus pertinent. C'est pourquoi nous le voterons tel qu'amendé.

M. Pierre Ouzoulias. - Merci, madame le rapporteur, pour la qualité de votre travail. Je remercie également le président Rapin pour son initiative qui fera sans doute l'unanimité.

Cette proposition de loi nous donne l'occasion d'avoir un débat sur la nature des aides sociales versées par le ministère. L'État doit mettre en oeuvre des mesures pour permettre la meilleure réussite des étudiants ayant des contraintes sociales et familiales qui les empêchent de mener à bien leurs études. Je souhaite que la bourse reste une allocation sociale. Le dispositif qui nous est proposé traduit une forme d'élargissement des difficultés sociales de l'étudiant qui sont prises en compte : s'occuper d'un parent dépendant ne le met en effet pas dans les mêmes conditions d'études que les autres étudiants.

L'autre intérêt de ce texte est de permettre un débat législatif sur une disposition réglementaire. Au-delà des bourses, nous pourrions évoquer les droits d'inscription à l'université au moment de la discussion budgétaire. En tant que parlementaire, j'estime que cette question devrait relever du domaine législatif. En effet, les droits d'inscription ont été fixés par une circulaire budgétaire des années 1950, à une époque où il y avait 200 000 étudiants... Madame la ministre, cette évolution est-elle envisageable ? On ne le dit pas assez, votre budget représente le quatrième poste de dépenses ministérielles : il est considérable ! C'est la raison pour laquelle, j'y insiste, il serait très intéressant d'aborder des thèmes aussi importants que les aides sociales et les droits d'inscription lors de la discussion budgétaire.

Notre groupe votera très favorablement cette proposition de loi.

Mme Monique de Marco. - Je tiens tout d'abord à saluer le travail de notre rapporteur sur cette proposition de loi, à laquelle nous sommes favorables.

Ce texte va dans le bon sens en abordant un angle mort de nos politiques publiques. Mais il reste insuffisant pour accompagner et soutenir les jeunes aidants, car il se limite au seul accompagnement financier, en ignorant les recommandations des syndicats étudiants que nous avons auditionnés. En effet, lors de nos échanges, en particulier avec l'Union nationale des étudiants de France (Unef), les représentants étudiants ont souligné l'urgence de mettre en place deux mesures : un régime de dispense d'assiduité et la généralisation d'une offre d'enseignement à distance de qualité pour les étudiants aidants.

Par ailleurs, il serait nécessaire de soutenir les étudiants précaires. À cette fin, il serait utile de mener une réflexion sur la création d'une allocation d'autonomie pour les étudiants.

Nous allons voter favorablement cette proposition de loi, malgré nos réserves.

M. Bernard Fialaire. - Je m'associe aux réflexions de mes collègues sur l'opportunité de cette proposition de loi, qui a été enrichie par le travail du rapporteur. Ce texte nous a donné l'occasion d'élargir le débat et de lancer quelques pistes, en particulier sur la nécessité de réfléchir à la notion d'aidant.

Le sujet des étudiants qui se soutiennent entre eux devrait également être abordé. Je pense au tutorat, mais également aux étudiants qui sont des aidants pour d'autres porteurs de handicap. Il faut repérer ce type de situations. Car ces jeunes se privent des ressources complémentaires d'un petit emploi pour se consacrer à un travail d'aidant.

Mme Laure Darcos. - Comme mes collègues, je souhaite remercier Toine Bourrat pour son excellent travail. Je suis très heureuse qu'elle ait pu faire son premier rapport sur un sujet aussi important. Je salue également Jean-François Rapin, qui a pris l'initiative de cette proposition de loi. Merci, madame la ministre, pour votre compréhension, car ce texte était en quelque sorte sur une ligne de crête entre le domaine législatif et le domaine réglementaire.

Lorsque la plateforme Parcoursup a été créée, nous étions nombreux à demander que les situations particulières que nous avons examinées aujourd'hui soient mises en avant dans les dossiers. Ces jeunes qui aident des parents ou des frères et soeurs porteurs de handicaps ont peut-être plus de difficultés à être aussi assidus que les autres étudiants. Au moment de la discussion de la loi pour une école de la confiance, nous avions également demandé à l'Éducation nationale de faire preuve de compréhension pour les élèves dans ce type de situations et d'adapter leur emploi du temps. Il faut que cette prise en compte se poursuive dans l'enseignement supérieur. La société devrait prendre conscience de la spécificité de ces jeunes, qui deviennent souvent responsables plus vite que les autres. Cette proposition de loi va dans ce sens. Au-delà de la bourse, il faut aussi témoigner humainement de la reconnaissance à ces étudiants lors de leur parcours universitaire.

Mme Toine Bourrat, rapporteur. - De nombreux intervenants ont abordé la question de la définition de l'aidant, qui est un véritable sujet. La notion d'aidance doit être prise au sens large : si l'étudiant a un parent en situation de handicap, il est de fait aidant. Nous avons travaillé sur ce point avec le cabinet de la ministre, et les choses sont claires. L'étudiant ne devra en aucun cas justifier de son degré d'aidance, mais simplement justifier de la situation de handicap de son parent.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - Je vous confirme que nous allons mettre en oeuvre, dès la prochaine rentrée, un travail d'identification de ces étudiants.

Comme vient de le dire le rapporteur, l'étudiant sera supposé aidant dès lors qu'un de ses parents est en situation de handicap, sur la base d'un justificatif de cette situation de handicap. Mes services sont en lien avec ceux du ministère chargé du handicap, lesquels travaillent pour mettre en oeuvre à la rentrée 2023 cette mesure simple, claire et efficace. Je précise deux points : les situations de handicap prises en compte ne sont pas seulement celles d'un handicap supérieur à 80 % ; le périmètre familial est celui des « parents » au sens large de la parenté.

La proposition de loi porte sur un sujet important et permet de faire un focus sur les problématiques liées au handicap et aux aidants. Nous menons déjà des actions en ce domaine. Je veux citer la concertation territoriale et la concertation nationale sur la vie étudiante. Nous avons évoqué la réforme des bourses, qui est évidemment un sujet très important, mais la vie étudiante comprend aussi le logement, la restauration et l'engagement étudiant sous toutes ses formes, notamment en étant un aidant. Identifier les étudiants aidants par le système des bourses permettra aux établissements de les accompagner.

Les 4 points de charge supplémentaires seront mis en oeuvre dès la rentrée 2023. Nous prenons en compte les recommandations faites dans le rapport sénatorial quant à un modèle continu - on parle aussi de « linéarisation » - pour éviter les effets de seuil. Nous travaillons avec le ministère des solidarités pour assurer une meilleure cohérence avec l'évolution de la solidarité à la source et faire converger les modèles, afin d'intégrer l'étudiant dans une vision plus globale.

Enfin, la question des étudiants qui en aident d'autres en situation de handicap sur les campus - un point évoqué par M. Fialaire - doit être prise en compte dans les schémas directeurs de la vie étudiante. Je vous indique qu'ils sont rémunérés lorsqu'ils sont identifiés comme des tuteurs.

M. Laurent Lafon, président. - Conformément au vade-mecum sur l'application des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient à présent d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.

Mme Toine Bourrat, rapporteur. - Le périmètre inclut les dispositions relatives aux prestations accordées par la collectivité nationale aux étudiants, en application de l'article L. 821-1 du code de l'éducation nationale.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION

Article unique

Mme Toine Bourrat, rapporteur. - L'amendement COM-1 rectifié vise à rédiger ainsi l'article unique : « L'attribution de cette aide tient compte de la situation de l'étudiant, aidant d'un parent en situation de handicap, dans des conditions prévues par voie réglementaire. » J'ai exposé, dans mon intervention liminaire, les raisons de cette nouvelle rédaction.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - L'avis est favorable.

L'amendement COM-1 rectifié est adopté.

L'article unique est ainsi rédigé.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Toine Bourrat, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à rédiger comme suit l'intitulé du texte : « proposition de loi visant à tenir compte, dans l'attribution des bourses de l'enseignement supérieur, de la situation de l'étudiant, aidant d'un parent en situation de handicap ». Il s'agit de le mettre en cohérence avec la nouvelle rédaction de l'article unique.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. - Avis favorable.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.

L'article unique constituant la proposition de loi est adopté, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Laurent Lafon, président. - Nous nous retrouverons mardi 30 mai prochain dans l'hémicycle pour les explications de vote et le vote de ce texte.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article unique

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme BOURRAT, rapporteur

1 rect.

Nouvelle rédaction du dispositif

Adopté

Proposition de loi visant à verser automatiquement une bourse d'études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap (dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 %)

Mme BOURRAT, rapporteur

2

Mise en cohérence du titre

Adopté

Proposition de loi visant à verser automatiquement une bourse d'études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap (dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 %) n° 880 (2021-2022)

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »6(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie7(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte8(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a arrêté, lors de sa réunion du jeudi 25 mai 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 880 (2021-2022) visant à verser automatiquement une bourse d'études (échelon 7) aux étudiants dont au moins l'un des deux parents est porteur d'un handicap (dont le taux d'incapacité est supérieur à 80 %).

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux prestations accordées par la collectivité nationale aux étudiants, en application de l'article L. 821-1 du code de l'éducation nationale.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 10 mai 2023

Table ronde « Associations et syndicats étudiants »

- Union étudiante : M. Steve XHIHANI, référent sur le dossier handicap, et Mme Eléonore SCHMITT, élue CNESER de L'Alternative et porte-parole de l'Union étudiante,

- Union nationale inter-universitaire : M. Luca BARBAGLI, délégué national,

- Fédération des associations générales étudiantes : M. Félix SOSSO, porte-parole, et Mme Maëlle NIZAN, vice-présidente,

- Union nationale des étudiants de France : M. Adrien LIENARD, trésorier de l'UNEF en charge des questions sociales, Mme Salomé HOCQUARD, membre du bureau national de l'UNEF en charge des affaires sociales.

Mardi 16 mai 2023

Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) : Mme Marie-Pierre TOUBHANS, présidente de la commission éducation, et M. Vincent ASSANTE, président de la commission compensation et ressources.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-880.html


* 1 Rapport d'information de Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante en France : « Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités » (juillet 2021).

* 2 « Where are we in the recognition in the young adult careers in France? », B. Chevrier, A. Untas, G. Dorard, Children & Society, 2022.

* 3 Rapport précité.

* 4 Les 500 millions d'euros annoncés pour ce premier « paquet » correspondent à un budget en année pleine. Au total, l'enveloppe prévue pour la revalorisation du barème et l'augmentation du montant des bourses s'élève à 430 millions d'euros pour 2024 et à environ 200 millions d'euros pour 2023 correspondant aux quatre derniers mois de l'année. L'enveloppe de 2,3 milliards d'euros annuels dédiée aux bourses sur critères sociaux serait ainsi en hausse de 20 %. Le budget exact dépendra toutefois du nombre de boursiers constatés sur l'année universitaire 2023-2024. Par ailleurs, cette enveloppe bénéficiera aussi aux étudiants des autres ministères : entre 10 et 11 % des boursiers étudient en effet dans des établissements qui relèvent d'une autre tutelle ministérielle que celle du MESR.

* 5 Une hausse, même légère, des revenus parentaux peut en effet entraîner le basculement d'un étudiant à l'échelon inférieur, et donc une baisse conséquente de ses ressources.

* 6 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 7 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 8 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

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