EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Prolongation du plafonnement à 3,5 % de la hausse de l'indice des loyers commerciaux pour les petites et moyennes entreprises

Cet article vise à prolonger le plafonnement à 3,5 % de la hausse de l'indice des loyers commerciaux pour les petites et moyennes entreprises jusqu'au premier trimestre 2024.

La commission n'a pas adopté l'article.

I. La situation actuelle - La revalorisation des loyers commerciaux a été récemment réformée pour atténuer les effets de l'inflation

Il doit être noté en préambule que l'indice des loyers commerciaux (ILC) n'est pas utilisé pour tous les baux des entreprises mais seulement pour certaines, commerciales et artisanales. Les baux des activités tertiaires se fondent sur l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT). Les prix des baux des immeubles de bureaux ou des cinémas obéissent également à des règles spécifiques (article L. 145-36 du code de commerce). Ces baux ne sont pas concernés par la présente proposition de loi.

A. Les règles de détermination et de révision des baux commerciaux

Les principes régissant la fixation des baux commerciaux sont énumérés à l'article L. 145-33 du code de commerce. Il pose le principe selon lequel le montant du loyer doit correspondre à la valeur locative déterminée par les parties mais qui, à défaut d'accord, est fixée en fonction de cinq critères :

1- les caractéristiques du local considéré ;

2- la destination des lieux ;

3- les obligations respectives des parties ;

4- les facteurs locaux de commercialité ;

5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les baux commerciaux sont conclus pour une durée de neuf ans (article L. 145-4 du code de commerce).

La révision du bail lors de son renouvellement ou en cours de bail est régie par les articles L. 145-34, L. 145-38 et L. 145-39 du code de commerce.

· La révision à l'occasion du renouvellement

À moins d'une modification notable des caractéristiques du bail et de ses critères de fixation, le taux de variation du loyer applicable ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux.

En cas de modification notable des caractéristiques du bail ou si sa durée excède neuf ans, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

· La révision en cours de bail

En cours de bail, les demandes de révision ne peuvent intervenir que tous les trois ans. Sauf modification des caractéristiques du bail entraînant une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la variation du bail ne pourra excéder celle de l'ILC.

Toutefois, les baux peuvent être assortis d'une clause d'échelle mobile (article L. 145-39 du code de commerce) en fonction d'un indice de référence, notamment l'ILC.

B. Les modalités de calcul ont été récemment réformées pour atténuer l'impact de l'inflation

L'indice des loyers commerciaux (ILC) a été créé en 2008. Il est mentionné comme une référence pour l'indexation des loyers commerciaux par l'article L. 112-2 du code monétaire et financier. Son mode de calcul est fixé par décret.

À l'origine, il était composé de trois variables :

- pour 50 % de l'indice des prix à la consommation (IPCL), hors tabac et loyer, sur les douze mois précédents,

- pour 25 % de l'indice du coût de la construction (ICC),

- pour 25 % de l'indice du chiffre d'affaires du commerce de détail (ICAVaCD).

Mais l'ICAVaCD intégrait également le commerce en ligne, ce qui pouvait introduire un biais inflationniste pour le commerce de détail.

Il a été retiré de la composition de l'ILC par le décret du 14 mars 2022. Celui-ci est désormais composé à 75 % de l'IPCL et à 25 % de l'ICC.

C. La mesure de plafonnement décidée par la loi pouvoir d'achat

Dans le contexte inflationniste provoqué par la guerre en Ukraine, une disposition de plafonnement de la hausse de l'ILC à 3,5 % a été introduite par un amendement de M. Jean-Baptiste Lemoyne au Sénat (article 14 de la loi). Il s'appliquait jusqu'au premier trimestre 2023 et n'est donc plus en vigueur.

En effet, malgré la modification intervenue courant 2022 dans son mode de calcul, l'ILC paraissait encore trop dynamique, une hausse de 6,3 % étant anticipée au quatrième trimestre 2022.

Cet amendement a été le résultat d'une concertation qui a fait suite aux Assises du commerce et il a été décidé de n'appliquer ce plafonnement qu'aux seules PME, plus vulnérables aux hausses de leurs charges, le loyer pesant en moyenne environ 16 % du chiffre d'affaires d'un commerçant.

En séance, le rapporteur de la commission, M. Daniel Gremillet, avait donné un avis favorable à l'amendement de M. Lemoyne, relevant qu'après la réforme du mois de mars, le plafonnement n'allait pas de soi, mais prenant acte de l'accord issu de la concertation. Ce faisant, il en a écarté trois autres. Deux, portés par les sénateurs des groupes CRC et RDSE, souhaitaient plafonner l'ILC pour toutes les entreprises. Le troisième, proposé par M. Hervé Marseille, voulait restreindre son application aux très petites entreprises (moins de dix salariés, moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires et moins de 60 000 euros de bénéfice). Le rapporteur avait estimé qu'étendre la mesure aux grandes entreprises n'avait guère de sens compte tenu de leurs moyens plus importants et de leur capacité de négociation et qu'il n'était pas pertinent de distinguer, au sein des petites entreprises, celles qui avaient le plus besoin de protection.

II. Le dispositif envisagé - Prolongement du plafonnement

L'article 1er de la proposition de loi vise à prolonger la durée du plafonnement à 3,5 % de l'ILC jusqu'au premier trimestre 2024, alors qu'il aurait dû s'achever au premier trimestre 2023.

Cette mesure est motivée par la dynamique inflationniste persistante qui laisse anticiper une hausse de l'ILC entre 6,5 % et 4,5 % sur la période considérée.

Comme précédemment, le manque à gagner par le plafonnement ne pourra être récupéré ultérieurement.

III. Adoption conforme par l'Assemblée nationale

En commission des affaires économiques comme en séance publique, l'article a été adopté sans modification.

IV. La position de la commission - Une prolongation qui n'est pas une solution aux problèmes du commerce

La commission a tenu à prendre en compte non seulement le contexte inflationniste, mais également les difficultés actuelles du secteur du commerce marqué par la défaillance de plusieurs grandes enseignes.

Selon les éléments transmis au rapporteur, les commerces non alimentaires connaîtraient une baisse de fréquentation de près de 20 %. La question pouvait donc se poser d'étendre la mesure de plafonnement à un plus grand nombre d'entreprises.

La distinction reste toutefois pertinente puisque si les PME représentent la quasi-totalité des entreprises du secteur, elles ne réalisent que 40 % de la valeur ajoutée hors taxes, alors que les ETI et les grandes entreprises en réalisent plus de la moitié. Le choix de l'Assemblée nationale a donc été de maintenir le plafonnement en l'état.

Cependant, le plafonnement constitue un préjudice indéniable pour les propriétaires, dont de nombreux anciens commerçants comptant sur les loyers de leurs anciens murs pour compléter leur retraite, sans pour autant apporter de solution réelle face à la baisse de l'activité liée à la perte de pouvoir d'achat des Français.

Il faut noter qu'en dehors de Paris, selon les données transmises au rapporteur par la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT), les valeurs locatives des surfaces commerciales ont baissé entre 2010 et 2023. Par ailleurs, la plupart des baux commerciaux ne sont révisés que tous les trois ans, et le preneur a le droit à une importante indemnité d'éviction si le propriétaire souhaitait lui donner congé. Les loyers représentent entre 5 et 20 % des coûts d'un commerce, le loyer n'est donc pas un facteur déterminant du niveau des prix pratiqué pour le consommateur.

Outre les positionnements commerciaux, les difficultés actuelles du commerce résultent d'un recul récent sans précédent du pouvoir d'achat des Français, faute de hausse des salaires en proportion de la hausse des prix. La consommation alimentaire en est le symptôme le plus voyant. Selon les données de l'INSEE en mai 2023, si l'IPC progressait sur un an de 5,1 %, les prix des produits alimentaires progressaient de 14,1 %1(*). Cette très forte hausse a provoqué une baisse tout à fait inédite de l'ordre de 10 % de la consommation de produits alimentaires par les Français, selon les données de l'INSEE publiées en avril 20232(*).

La commission n'a pas adopté l'article.

Article 2

Prolongation du plafonnement de la hausse de l'indice de référence des loyers à 3,5 %

Cet article vise à prolonger le plafonnement de la hausse de l'indice de référence des loyers à 3,5 % jusqu'au premier trimestre 2024.

La commission n'a pas adopté l'article.

I. La situation actuelle - L'indexation des loyers fondée sur l'IRL a été temporairement limitée à 3,5 %

Le parc locatif privé compte 7,4 millions de logements, le parc social 5,4 millions.

A. La révision des loyers dans le parc privé

· La libre fixation du loyer

Le principe est la liberté de fixation du loyer par les parties au contrat, conformément au respect des principes constitutionnels de propriété privée et de la liberté contractuelle (articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789) et qui est traduit dans l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.

Cette liberté est encadrée en cours de bail, lors de son renouvellement et à la relocation. S'y ajoutent des obligations spécifiques aux logements énergivores.

· La révision en cours de bail

Habituellement, le loyer peut être révisé annuellement dans la limite de l'indice de référence des loyers (IRL) défini à l'article 17-1 de la loi de 1989. L'IRL correspond à la moyenne, sur douze mois, de l'indice des prix à la consommation hors tabac et loyer. Cette révision intervient si elle figure au contrat et à la date prévue par celui-ci.

Une augmentation du loyer peut également intervenir consécutivement à des travaux si le bail le prévoit.

· L'encadrement lors du renouvellement

L'augmentation du loyer lors du renouvellement du bail entre les mêmes bailleurs et locataires n'est autorisée que s'il est manifestement sous-évalué. Elle s'effectue alors en se fondant sur les loyers du voisinage.

· L'encadrement de la revalorisation des loyers à la relocation en zone tendue

Dans les 28 agglomérations situées en zone de tension locative3(*), l'augmentation du loyer entre deux locataires est encadrée par décret en application de l'article 18 de la loi de 1989.

Il ne peut excéder le montant du dernier loyer sauf dans trois cas :

- lorsque le loyer n'a pas été révisé depuis un an, la révision se fait alors sur la base de l'IRL.

- lorsque le loyer est manifestement sous-évalué ou que le propriétaire a effectué des travaux importants, la revalorisation s'effectue en référence au loyer des logements comparables dans les environs ou du montant des investissements.

- par ailleurs, dans les zones tendues où est expérimenté l'encadrement des loyers en application de l'article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi ELAN4(*), le loyer ne peut dépasser le montant du loyer fixé par arrêté préfectoral en fonction du type de logement et de sa localisation.

· L'interdiction de toute augmentation dans les « passoires thermiques »

Enfin, en application de l'article 159 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, toute augmentation de loyer est interdite en cours de bail, lors du renouvellement et à la relocation, dans les logements classés F et G depuis le 25 août 2022.

B. La révision des loyers dans le parc social

La fixation et la révision des loyers dans le parc social obéissent à des règles fondamentalement différentes.

En fonction d'une convention entre l'État et le bailleur social, le loyer maximal est fixé en fonction du financement octroyé et de sa localisation. Le type de financement est déterminant puisqu'il indique le caractère plus ou moins social du logement : PLAI (prêt locatif aidé d'intégration), PLUS (prêt locatif à usage social) et PLS (prêt locatif social)5(*).

Le loyer est révisé chaque 1er janvier dans la limite de l'IRL du deuxième trimestre de l'année précédente, soit 3,6 % cette année. En cas de travaux de réhabilitation et après autorisation administrative, la révision peut être plus importante.

Cette révision s'effectue en application de l'article L. 353-9-2 du code de la construction et de l'habitation (CCH) pour les logements conventionnés à l'APL et L. 442-1 du CCH pour les autres.

C. Le cas des fermages et de la location-accession

La révision des loyers des locaux d'habitation dans le cadre du fermage est réalisée sur la base de l'IRL en application de l'article L. 411-1 du code rural.

Dans le cadre d'une location-accession, celle du montant des redevances et du prix de vente restant dû est elle aussi capée sur l'IRL en vertu de l'article 7 de la loi n° 84-595 définissant la location-accession à la propriété immobilière.

D. Le plafonnement temporaire à 3,5 % de l'IRL par la loi du 16 août 2022

À l'été 2022, en raison de la crise inflationniste notamment provoquée par la guerre en Ukraine, le Parlement a adopté, sur proposition du Gouvernement, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Son article 12 plafonne la hausse de l'IRL à 3,5 % entre le troisième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2023.

Cette évolution est limitée à 2,5 % pour les départements et régions d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution et peut être modulée d'1,5 point à la baisse en Corse. De fait, un arrêté d'octobre 2022 l'a plafonnée à 2 %.

Cette disposition n'a pas impacté le parc social en 2023 puisque l'évolution des loyers est fondée sur l'indice du 2e trimestre de l'année précédente.

Cette disposition n'a pas non plus porté atteinte à la possibilité d'une revalorisation du loyer en cas de travaux d'amélioration alors que d'importants chantiers d'amélioration énergétique sont à prévoir.

L'IRL reproduisant, même de manière décalée et lissée, l'inflation, il fallait s'attendre à de fortes hausses menaçant le pouvoir d'achat des ménages locataires qui sont très majoritairement moins aisés que les bailleurs, et qui sont plus jeunes. Seuls 5 % des moins de 30 ans sont propriétaires.

Sur la base d'une hausse de 4,5 % de l'IRL, le Gouvernement estimait que les locataires auraient dû débourser 3,5 milliards d'euros supplémentaires se répartissant entre 2/3 pour le parc privé et 1/3 pour le parc social.

Le Gouvernement avait donc proposé de limiter cette hausse à 3,5 % afin de réduire la charge de 536 millions d'euros dans le parc privé et de 248 millions d'euros dans le parc social par rapport à cette anticipation, une augmentation des aides personnelles au logement étant par ailleurs mise en oeuvre.

À l'inverse, le Gouvernement estimait le manque à gagner par les propriétaires à 705 millions d'euros.

Pour l'État, l'impact estimé était une surcharge de 169 millions d'euros qui se répartissait entre la revalorisation anticipée des paramètres de dépense (plafond de loyer et forfait charges) pour 114 millions d'euros, et la hausse du paramètre de ressources (R0) pour 55 millions d'euros. Le mécanisme mis en place entraînait aussi un ralentissement de la dépense d'APL au regard de la hausse des loyers de l'ordre de 27,6 millions d'euros. La charge budgétaire de l'État devait donc être de l'ordre de 141 millions d'euros.

Les organisations de propriétaires estimaient que le compromis était équilibré. Un gel des loyers aurait été une perte beaucoup plus importante et aurait handicapé la rénovation thermique de logements, qui est l'une des solutions de moyen terme face à la hausse des coûts de l'énergie. Le gel des loyers aurait d'ailleurs aussi bien bénéficié aux locataires aisés qu'à ceux qui rencontrent des difficultés. Du côté des bailleurs, si une petite minorité (100 000 sur 3 millions environ) possède la moitié du parc, un tiers est au régime du micro foncier (moins de 15 000 euros de revenus locatifs) et deux tiers sont retraités.

Ils avaient donc approuvé la solution proposée par le Gouvernement visant à plafonner la hausse sur un an, et à soutenir les ménages allocataires des APL. Il faut souligner que l'IRL est en lui-même un bouclier anti-inflation, car il la retranscrit, la lisse et la fige sur une année.

L'USH, représentant les bailleurs sociaux, se satisfaisait elle-aussi de cette évolution estimant que la mesure est plutôt favorable aux locataires et que la revalorisation à un niveau satisfaisant des paramètres de calcul des APL tranche avec les années antérieures où celle-ci avait été systématiquement minorée. Pour les bailleurs sociaux, un gel des loyers aurait été une seconde réduction de loyer de solidarité (RLS) difficilement supportable.

Plusieurs associations représentatives de locataires plaidaient en faveur du gel des loyers et d'une forte hausse des APL en raison de la hausse des charges déjà très importante. Plusieurs souhaitaient également un encadrement beaucoup plus strict des loyers.

II. Le dispositif envisagé - La prolongation du plafonnement jusqu'au premier trimestre 2024

L'article 2 propose un prolongement pur et simple du plafonnement de l'augmentation de l'IRL à 3,5 % jusqu'au premier trimestre 2024.

Les plafonnements spécifiques pour les DROM et la Corse seraient eux-aussi prolongés pour la même durée.

Dans ses projections macroéconomiques publiées en mars 2023, la Banque de France prévoit une diminution progressive de l'inflation totale, à 5,4 % en moyenne sur 2023 et 2,4% en 2024. Cette baisse, liée à un ralentissement des prix de l'énergie et de l'alimentation, porterait essentiellement sur la deuxième partie de l'année, avec un glissement annuel de +3,8 % au quatrième trimestre 2023. Sur la base des prévisions de la Banque de France (et en assimilant IPC et IPC hors loyers et tabac, sachant que l'IRL est calculé sur la base de l'IPC hors loyers et hors tabac), la variation de l'IRL pourrait s'établir, sans plafonnement, aux alentours de 6,1 % au T3 2023, 5,4 % au T4 2023 et 4,4% au T1 2024, selon les informations transmises à votre rapporteur par le ministère du logement.

   

Variation IPC Insee

IRL plafonné France métro hors Corse

2022

T3

6,4%

3,49%

2022

T4

6,6%

3,50%

2023

T1

6,4%

3,49%

 

 

Prévisions IPCH Banque de France

IRL estimé hors plafonnement

2023

T2

6,0%

6,32%

2023

T3

5,3%

6,06%

2023

T4

3,8%

5,37%

2024

T1

2,6%

4,43%

2024

T2

2,3%

3,50%

Source : Ministère du logement.

III. Adoption conforme par l'Assemblée nationale

Lors de son examen par la commission des affaires économiques comme en séance publique, l'article 2 a été adopté sans modification.

IV. La position de la commission - Un prolongement qui pose question

A. Des questions de méthode

La poursuite de l'inflation, et peut-être sa lente décrue, continue de peser lourdement sur le pouvoir d'achat des ménages, le logement étant souvent le principal poste de dépense.

Dans ce contexte, le prolongement de la limitation de la hausse de l'IRL à 3,5 % vise à étendre dans le temps le compromis trouvé à l'été 2022. Cette mesure de protection est importante.

Cependant, cette prolongation pose un problème de méthode.

Elle se fait tout d'abord par le biais d'une proposition de loi inscrite à l'ordre du jour en extrême urgence avec des délais d'examen réduits à la portion congrue : une journée à peine entre l'examen en commission et en séance à l'Assemblée nationale et au Sénat et moins d'une semaine entre le vote du texte à l'Assemblée nationale et son examen au Sénat.

Ce prolongement par une proposition de loi se fait donc sans aucune étude d'impact, notamment de ses coûts pour les propriétaires et notamment pour les bailleurs sociaux, alors que le taux du livret A augmente.

Les bailleurs privés ont indiqué ne pas avoir été consulté et aucune réelle concertation n'a été menée. Cette prolongation est pour eux une rupture de la parole donnée à l'été 2022 que le plafonnement était exceptionnel et ne serait pas prolongé.

B. Un prolongement sans accompagnement ni garantie

À l'été 2022, le plafonnement de l'IRL s'était accompagné d'une mesure garantissant une hausse parallèle des APL. Ce n'est pas le cas dans cette proposition de loi et le Gouvernement, qui est le seul à pouvoir le faire en raison de l'impossibilité d'accroître les charges par un amendement parlementaire en application de l'article 40 de la Constitution, ne l'a pas fait.

Au cours des années passées, la hausse des APL a été le plus souvent déconnectée de l'IRL, au-delà même de la baisse de 5 euros décidée en 2017 et de la réduction de loyer de solidarité (RLS). En effet, les APL sont calculées à partir d'un loyer plafond qui n'a pas été revalorisé aussi rapidement que les loyers. Il est donc de plus en plus fictif au regard du loyer effectivement payé. Par rapport à une base 100 en 2000, le plafond de référence est de 123, tandis que la réévaluation sur la base de l'IRL a porté les loyers PLUS et PLAI à 142.

Il en est de même du forfait de charges dont l'augmentation a été deux fois moins rapide que la dépense réelle. Il ne couvre plus que 40 % des charges effectives.

La question se pose également de l'équilibre de la mesure et du poids pesant sur les propriétaires. Limiter la hausse des loyers, c'est limiter le revenu des propriétaires bailleurs, c'est limiter leur capacité à porter des travaux de rénovation énergétique, c'est aussi limiter leur rentabilité à l'heure où l'on pourrait chercher à donner un nouveau dynamisme à l'investissement locatif pour relancer la construction, répondre à la demande de logement et réduire l'attrait pour la location touristique ou d'autres types de placement. Selon les informations transmises par le ministère du Logement, le coût pour les propriétaires privés pour trois trimestres supplémentaires serait d'environ 490 millions d'euros supplémentaires.

Aucune mesure de compensation n'est envisagée. Sur ce sujet, les propriétaires pointent notamment l'absence de plafonnement de l'actualisation des valeurs locatives sur l'inflation pour le calcul de la taxe foncière. Or, celles-ci vont augmenter de 7 %. L'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) en évalue le coût à 3 milliards d'euros pour les propriétaires bailleurs ou occupants.

Il en est de même pour les bailleurs sociaux qui font face à l'augmentation du taux du Livret A qui est liée à l'inflation. Avec un encours de dette de l'ordre de 150 milliards d'euros soumis aux variations du taux du Livret A, les organismes Hlm sont exposés directement dans leurs charges à l'inflation. Très concrètement, avec un taux du Livret A passé de 0,5 % à 3 % en un an, les charges d'intérêts des organismes de logement social se trouveront alourdies de 3,75 milliards d'euros en année pleine, impactant très lourdement leurs résultats d'exploitation et leur capacité à investir. Or, normalement, cette hausse se répercute également dans l'IRL et donc les loyers, mais aussi les APL et les salaires. En bloquant ce mécanisme, sans compensation, le Gouvernement impose une nouvelle ponction aux bailleurs sociaux alors que la RLS représente déjà 1,3 milliards d'euros par an.

Du côté des locataires, les associations pointent la hausse toujours aussi forte des charges qui s'ajoute à la hausse des loyers. L'association consommation logement cadre de vie, la CLCV, alerte sur la hausse des impayés et la hausse moyenne de 300 euros supplémentaires par an que représenterait le plafonnement de 3,5 % de l'IRL.

En conséquence, la commission n'a pas adopté l'article.


* 1 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7625341

* 2 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7625852

* 3 La zone tendue est une zone géographique qui regroupe au total 1 149 communes composant 28 agglomérations de métropole. Il s'agit des agglomérations suivantes : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch-Arcachon, Lille, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse. Cette liste est fixée par le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 régulièrement mis à jour.

* 4 Est-Ensemble, Lyon, Plaine-Commune, Paris, Montpellier, Villeurbanne.

* 5 Classé du plus au moins social.