N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 novembre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi portant réparation des personnes condamnées
pour
homosexualité entre 1942 et 1982,

Par M. Francis SZPINER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

864 (2021-2022) et 104 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Après une première dépénalisation sous la Révolution française, qui avait fait de notre pays un précurseur à l'échelle mondiale, puis un rétablissement d'infractions pénales spécifiques en 1942 sous le régime de Vichy, l'homosexualité a été définitivement dépénalisée en France par la loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogeant le deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal. Les travaux de recherche menés sur le sujet1(*) estiment que plus de 10 000 personnes, voire 50 0002(*) - presque exclusivement des hommes - ont été condamnées pour ce motif entre 1945 et 1982 avec, pour plus de 90 % d'entre elles, une condamnation à une peine de prison ferme.

En lien avec les évènements organisés, en 2022, pour commémorer les 40 ans de la dépénalisation de l'homosexualité en France, Hussein Bourgi (Socialiste, écologiste et républicain - Hérault) et plusieurs de ses collègues issus de tous les groupes politiques du Sénat ont déposé une proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité.

La commission des lois a estimé que le système de réparation financière proposé par les auteurs soulevait des difficultés et que la contestation de la déportation des personnes homosexuelles depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale était déjà réprimée par le droit en vigueur, rendant superfétatoire la création d'un délit spécifique. En revanche, elle a jugé que la réalité de la discrimination opérée, pendant près de 40 ans, par la loi pénale sur le fondement de l'orientation sexuelle n'était pas contestable.

Ce constat appelle une reconnaissance claire, forte et sans ambiguïté du caractère discriminatoire de lois qui, aujourd'hui abrogées, instituaient une différence de traitement entre hétérosexuels et homosexuels. Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, affirmait lors de l'examen du projet de loi visant à dépénaliser l'homosexualité par l'Assemblée nationale en séance publique le 20 décembre 1981 qu'« il n'[était] que temps de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels ». Aujourd'hui, il n'est que temps de reconnaître que le législateur s'est fourvoyé en soumettant l'homosexualité à la loi pénale.

La question se pose toutefois des modalités de cette reconnaissance qui ne semble ni pouvoir juridiquement conduire à une réparation financière, ni devoir s'accompagner de la création d'un délit (déjà couvert par le droit en vigueur) de contestation de la déportation des homosexuels depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dans ce contexte, la commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi, afin que celle-ci puisse être examinée en séance publique dans la rédaction voulue par ses auteurs. Cependant, suivant les recommandations de son rapporteur, elle souhaite que le débat en séance publique puisse conduire à l'adoption d'un dispositif consensuel permettant à la fois d'affirmer la responsabilité de la République pour avoir maintenu en vigueur, entre 1945 et 1982, des infractions à caractère discriminatoire, spécifiques à l'homosexualité, et de rendre cette reconnaissance conforme aux principes généraux de notre droit.

I. LA DÉPÉNALISATION PROGRESSIVE DE L'HOMOSEXUALITÉ EN FRANCE DANS LES ANNÉES 1980

L'histoire de la dépénalisation de l'homosexualité en France est celle d'un paradoxe. Premier pays au monde à avoir supprimé, dès 1791, les infractions réprimant l'homosexualité, la France a vu cet acquis révolutionnaire être remis en cause par le régime de Vichy avec l'interdiction, à compter d'août 1942, des relations sexuelles (un « acte impudique ou contre-nature ») avec un « mineur » du même sexe.

Confirmée à la Libération par l'ordonnance du 8 février 1945, la pénalisation de l'homosexualité reposait sur :

- une circonstance aggravante à l'outrage public à la pudeur, consistant à ce qu'un tel outrage soit commis sur une personne du même sexe3(*) ; elle a été abrogée par la loi n° 80-1041 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs du 23 décembre 1980 ;

- surtout, la pénalisation (avec une peine encourue lourde, de 6 mois à 3 ans d'emprisonnement et de 60 à 20 000 francs d'amende) de « quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature avec un mineur du même sexe »4(*), l'appellation « mineur » visant ici des personnes qui, bien que mineures civilement - c'est-à-dire âgées de moins de 21 ans jusqu'à la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974, puis de moins de 18 ans -, étaient majeures sexuellement - c'est-à-dire âgées de 16 ans et plus. Appelé à se prononcer sur cette infraction, le Conseil constitutionnel avait estimé qu'elle n'était pas contraire à la Constitution5(*). En tout état de cause, elle a été abrogée par la loi précitée du 4 août 1982.

Les auteurs de ces délits ont été amnistiés par la loi du 4 août 19816(*).

Si sa suppression n'a été acquise qu'en 1982 (et contre l'avis de la majorité sénatoriale de l'époque), le Sénat avait entendu abroger, dès 1978, ce « délit d'homosexualité »7(*) : lors de l'examen du projet de loi relatif à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs, il avait en effet souhaité, « compte tenu de l'évolution des moeurs et des esprits », supprimer toute répression pénale de l'homosexualité8(*). Toutefois, face à un désaccord persistant avec l'Assemblée nationale, le Sénat avait fini par concéder aux députés (en troisième lecture, après deux ans de navette parlementaire et contre l'avis de la commission des lois de la Haute assemblée) le maintien de cette infraction. Le Sénat avait, de même, adhéré dès 1978 à l'abrogation - finalement acquise en 1980 - de la circonstance aggravante d'homosexualité en cas d'outrage public à la pudeur.

II. UNE PROPOSITION DE LOI QUI, LÉGITIME DANS SES OBJECTIFS, SOULÈVE DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES

La commission des lois a reconnu la réalité indiscutable de la discrimination opérée par la loi pénale entre 1945 et 1982 : les lois pénales visées par les auteurs et abrogées entre 1980 et 1982 constituaient, sans doute possible, une discrimination vis-à-vis des personnes homosexuelles. Elle a cependant constaté l'existence de difficultés juridiques tenant, d'une part, au système de réparation financière proposé et, d'autre part, à la création d'une nouvelle infraction pénale venant réprimer la négation ou la minoration outrancière de la déportation des homosexuels depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a estimé que ces difficultés, qui sont autant de sources de fragilité et donc d'insécurité juridique, empêchaient l'adoption de la proposition de loi en l'état et justifiaient en réécriture du texte en séance publique.

A. LA RECONNAISSANCE D'UNE RESPONSABILITÉ DE LA RÉPUBLIQUE DANS LA PÉNALISATION DE L'HOMOSEXUALITÉ

La proposition de loi entend reconnaître la responsabilité de la République française dans « la politique de criminalisation et de discrimination » envers les personnes homosexuelles entre 1942 et 1982 (article 1er) et leur accorder, après instruction de leur dossier par une commission ad hoc placée auprès du Premier ministre (article 4), une réparation financière d'un montant minimal de 10 000 € (article 3), les dépenses correspondantes étant classiquement gagées par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs (article 5).

Ce système pose trois difficultés majeures :

- premièrement, il présente des différences substantielles avec le dispositif prévu par les autres lois dites « mémorielles », avec notamment l'expression de « regret[s] » qui ont une valeur morale, mais non juridique, et avec le traitement au même degré et dans les mêmes formes d'une responsabilité de l'État du fait d'une loi mise en oeuvre par le régime de Vichy de 1942 à 1944, puis par la République de 1945 à 19829(*) ;

- deuxièmement, l'immense majorité des États ayant réhabilité les personnes condamnées pour homosexualité l'ont fait par le biais d'une reconnaissance symbolique qui s'est accompagnée d'un important travail de mémoire et de recherche historique, mais non du versement d'une indemnité financière. Ainsi, si des exemples de réparation financière existent à l'étranger, ils sont observés seulement dans trois pays (l'Allemagne, l'Espagne et le Canada) dont l'histoire diffère substantiellement de celle de la France et selon des modalités qui ne sont pas comparables avec ce que proposent les auteurs ;

- enfin et surtout, la réparation financière voulue par les auteurs ne semble pas pouvoir valablement découler, sur le plan juridique, de l'application directe d'une loi pénale.

Dans ce contexte, la commission des lois n'a pas estimé possible de retenir le principe d'une réparation financière.

Pour autant, la commission souhaite que l'examen du texte en séance publique permette l'adoption d'une rédaction consensuelle reconnaissant, sans ambiguïté, la responsabilité de la République quant à des lois pénales qui ont constitué une discrimination envers les personnes homosexuelles.

Le rapporteur, à titre personnel, appelle de ses voeux une telle évolution ; il gage qu'elle fera passer un message clair quant à l'impérieuse nécessité d'une lutte résolue contre l'homophobie et qu'elle fera écho, comme le soulignait Ariane Chemin, grand reporter, lors de son audition, aux souffrances de celles et ceux qui aujourd'hui encore sont rejetés ou subissent des discriminations en raison de leur orientation sexuelle. Il estime que ce vote incarnerait l'attachement du Sénat à une vision ouverte de la liberté et à la protection du droit de chacun au respect de sa vie privée car, ainsi que le déclarait le 20 décembre 1980 Gisèle Halimi en sa qualité de rapporteure d'un texte qui allait devenir la loi du 4 août 1982 parachevant la dépénalisation en France de l'homosexualité, « c'est bien, en dernière analyse, de culture et de liberté qu'il s'agit ».

B. LES PROBLÈMES POSÉS PAR LA CRÉATION D'UN NOUVEAU DÉLIT DE « NÉGATIONNISME »

La proposition de loi entend également créer une nouvelle infraction calquée sur le délit de « négationnisme » prévu par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qui viendrait réprimer la contestation, la négation, la minoration ou la banalisation de la déportation des homosexuels depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale. La peine encourue serait identique à celle de l'article 24 bis, soit un an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

L'article 24 bis précité couvre d'ores et déjà les crimes contre l'humanité commis par les nazis, leurs alliés et leurs collaborateurs (premier alinéa), ainsi que les crimes de génocide, les autres crimes contre l'humanité, la réduction en esclavage et autres les crimes de guerre (deuxième alinéa) : la déportation des homosexuels paraît donc entrer dans son champ. C'est en tout cas l'analyse faite par les avocats chargés d'assister plusieurs associations de défense des droits des personnes homosexuelles qui ont récemment formé un contentieux, sur le fondement de l'article 24 bis, contre une personnalité publique ayant qualifié cette déportation de « légende ». Modifier la loi du 29 juillet 1881 dans ce contexte reviendrait à préempter l'issue d'une affaire judiciaire en cours - et, en l'occurrence, à donner tort aux associations requérantes en reconnaissant, implicitement mais nécessairement, que la contestation de la déportation des homosexuels n'est pas pénalisée à ce jour.

Par ailleurs, au vu du libellé retenu par les auteurs, et à supposer que le raisonnement selon lequel la déportation des homosexuels est d'ores et déjà incluse dans le périmètre de l'actuel article 24 bis soit infondé, la création d'un nouveau délit exposerait le législateur au risque d'une censure constitutionnelle : le rapporteur rappelle ainsi que le Conseil constitutionnel a déjà censuré un texte au motif qu'il entendait « [réprimer] la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes [que le législateur] aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels »10(*).

*

* *

Réunie le mercredi 15 novembre 2023, la commission n'a pas adopté la proposition de loi.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera sur le texte initial de la proposition de loi, lors de son examen en séance publique prévu le 22 novembre 2023.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Reconnaissance de la responsabilité de la République française
du fait d'infractions pénalisant l'homosexualité

L'article 1er vise à reconnaître la responsabilité et les regrets de la République française pour « la politique de criminalisation et de discrimination mise en oeuvre entre le 6 août 1942 et le 4 août 1982 à l'encontre des personnes homosexuelles, ou présumées telles » en raison de condamnations pénales prononcées sur le fondement de dispositions abrogées entre 1980 et 1982.

Cet article soulevant des difficultés juridiques tenant à la période prise en compte, qui n'opère pas de différence entre une loi du régime de Vichy et des lois républicaines, comme au principe d'une réparation financière, la commission l'a modifié pour le recentrer sur la reconnaissance de la responsabilité de la République du fait de lois qui étaient par nature constitutives d'une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

1. Les étapes de la dépénalisation de l'homosexualité en France

Supprimée une première fois en 1791 par la Révolution française11(*)
- qui avait fait de notre pays le premier au monde à mettre fin à toute pénalisation de l'homosexualité -, la répression pénale de l'homosexualité a été réintroduite sous le régime de Vichy par une loi du 6 août 1942 qui, en alignant la majorité sexuelle sur la majorité civile pour les seules personnes homosexuelles, instaurait un consentement aux relations sexuelles (et donc l'absence d'infraction pénale) à partir de 13 ans pour les hétérosexuels et de 21 ans pour les homosexuels et pénalisait les relations entre personnes de même sexe dès lors que l'une d'entre elles avait entre 13 et 21 ans.

Confirmée à la Libération par l'ordonnance du 8 février 1945 (avec un rehaussement de la majorité sexuelle à 15 ans) et inscrite à l'article 331 du code pénal, cette infraction discriminatoire n'a été supprimée qu'avec la loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogeant le deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal. Robert Badinter, alors garde des Sceaux, avait déclaré le 20 décembre 1981 devant l'Assemblée nationale, lors de la discussion générale ouvrant les débats sur cette abrogation : « la discrimination, la flétrissure qu'implique à [l']égard [des homosexuels] l'existence d'une infraction particulière d'homosexualité les atteint -- nous atteint tous -- à travers une loi qui exprime l'idéologie, la pesanteur d'une époque odieuse de notre histoire »12(*). Cette déclaration constitue indéniablement l'édifice symbolique de la reconnaissance de responsabilité qui est examinée aujourd'hui.

Si cette avancée, vieille de plus de 40 ans, paraît déjà ancienne, elle reste plus tardive que chez la plupart de nos voisins européens, à l'instar du Royaume-Uni (1967), de l'Espagne (1977) ou encore de l'Italie (1890)13(*).

En pratique, la répression de certaines relations homosexuelles en France a reposé, de 1945 à 1982, sur deux types d'infractions pénales :

- depuis 1960, au moment de l'inscription de l'homosexualité dans la liste des « fléaux sociaux », et jusqu'à l'abrogation de cette disposition par la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs, le deuxième alinéa de l'article 330 du code pénal intégrait une circonstance aggravante à l'outrage public à la pudeur consistant à ce que celui-ci soit commis sur une personne du même sexe14(*). Outre le caractère manifestement discriminatoire de cette circonstance aggravante, l'outrage public à la pudeur permettait en pratique de réprimer des comportements qui n'étaient pas considérés comme illicites lorsqu'ils étaient le fait de couples hétérosexuels. Cette infraction était ainsi utilisée, notamment à Paris, pour pénaliser la fréquentation de lieux de rencontre homosexuelle15(*) ;

- jusqu'en 1982, le troisième (puis, à compter de la loi précitée du 23 décembre 1980, le deuxième) alinéa de l'article 331 du code pénal entendait punir « quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature avec un mineur du même sexe ». La plus récente des peines encourues était un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 60 à 20 000 francs. On insistera sur le fait que l'appellation « mineurs » est en l'espèce trompeuse et que l'infraction ne concernait que les « majeurs sexuels » (donc les personnes ayant atteint l'âge de la majorité sexuelle, qui a varié entre 13 et 15 ans pendant la période considérée, mais non encore la majorité civile, fixée à 21 ans puis à 18 ans à compter de la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974). De même, les relations ainsi réprimées étaient consenties, les cas de contrainte (agression sexuelle, viol, etc.) faisant l'objet d'infractions autonomes n'opérant pas de distinction selon le sexe de la victime ou de l'auteur. Enfin, cette répression ciblait spécifiquement les personnes de même sexe : les relations entre un majeur et un mineur âgé de 13 (ou 15) à 21 (ou 18) ans étaient, en effet, pleinement légales dès lors que les protagonistes étaient consentants et de sexes opposés.

Ce sont ainsi près de 10 000 personnes - très majoritairement des hommes, présentant une grande majorité de profils socio-professionnels et privés16(*) - qui ont été condamnées sur le fondement de l'ancien article 331, avec un nombre de condamnations prononcées très variable selon les départements. Les condamnations connaissent une augmentation constante jusqu'aux années 1960 puis deux mouvements de diminution : le premier après mai 1968 et le second à compter de la fixation à 18 ans de l'âge de la majorité en 1974.

Comme le rappelait Sherine Berzig dans la contribution écrite qu'elle a remise au rapporteur, on dénombre 106 femmes condamnées pour ce motif entre 1953 et 1978.

Source : contribution écrite remise par Régis Schlagdenhauffen

Selon Régis Schlagdenhauffen17(*), le nombre de condamnations pourrait même aller jusqu'à 50 000 si l'on intègre les « outrages publics à la pudeur homosexuels » de l'article 330, qui n'apparaissent pas « en toutes lettres » dans le compte général de la justice, et qui font à ce jour l'objet d'un travail de recherche visant à les quantifier.

L'ensemble des personnes condamnées ont été amnistiées par la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie, entraînant l'effacement des mentions correspondantes au casier judiciaire et, de jure, la reconnaissance de l'innocence des personnes concernées.

Il est intéressant de rappeler que le Sénat avait, dès 1978, non seulement été le premier à se rallier à la suppression, proposée par le Gouvernement, de la circonstance aggravante d'homosexualité en cas d'outrage public à la pudeur, mais surtout qu'il avait dès cette époque souhaité abroger le « délit d'homosexualité » prévu par l'article 331 du code pénal. Lors de la première lecture du projet de loi relatif à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs, la Haute assemblée avait ainsi délibéré en faveur d'une abrogation de dispositions dont le maintien lui semblait contraire à « l'évolution des moeurs et des esprits »18(*) et qui constituaient à ses yeux « des dispositions discriminatoires à l'encontre des homosexuels »19(*). L'Assemblée nationale n'avait pas partagé cette analyse : comme le rappelait le rapporteur de la commission des lois Edgar Tailhades dans son rapport de troisième lecture, « le seul point de désaccord qui subsiste entre l'Assemblée nationale et le Sénat a trait à la nécessité d'une incrimination spéciale de l'homosexualité. On sait que, depuis la Révolution française, les actes d'homosexualité ne sont plus pénalement réprimés. Convient-il dans ces conditions de maintenir dans notre droit la disposition, issue du régime de Vichy, qui érige en délit les rapports sexuels avec un mineur de même sexe, alors qu'en principe ces rapports ne sont considérés, au sens de la loi pénale, comme un attentat à la pudeur que si le mineur est âgé de moins de quinze ans ? ».

L'Assemblée nationale étant restée inflexible, et pour éviter de retarder plus longtemps l'adoption des autres mesures contenues dans un projet de loi qui devait garantir une meilleure répression des viols et qui était en navette entre les deux assemblées depuis plus de deux ans, le Sénat avait toutefois fini par accepter, en troisième lecture et contre l'avis de sa commission des lois, le maintien de cette infraction20(*).

2. Une reconnaissance de responsabilité légitime dans ses objectifs et qu'il convient de sécuriser sur le plan juridique

C'est dans ce contexte que les auteurs de la proposition de loi souhaitent consacrer la responsabilité de la France du fait des infractions pénales décrites ci-dessus et abrogées entre 1980 et 1982.

S'il en comprend les objectifs, le rapporteur relève que le dispositif proposé soulève plusieurs difficultés juridiques.

En premier lieu, le texte proposé entend reconnaître la responsabilité de la République française21(*) du fait de « la politique de criminalisation et de discrimination mise en oeuvre entre le 6 août 1942 et le 4 août 1982 à l'encontre des personnes homosexuelles, ou présumées telles, et condamnées en application des dispositions » du code pénal déjà citées. Cette formulation diffère de celle qui a été retenue par le législateur dans les lois « mémorielles » déjà adoptées :

cette reconnaissance de responsabilité se double de l'expression de « regrets » (« La République reconnaît et regrette... ») qui constituent une notion morale, et non juridique. Le verbe « regretter » est d'ailleurs absent de notre corpus législatif, y compris dans les lois « mémorielles » les plus récentes, à l'instar de la loi n° 2022-229 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie du 23 février 2022 ;

la proposition de loi reconnaît au même degré et dans les mêmes formes la responsabilité de l'État pour une loi mise en oeuvre par le régime de Vichy de 1942 à 1944, puis par la République de 1945 à 1982, ce qui pose un problème de principe, la répression pénale vichyste s'étant accompagnée d'une politique globale d'État ouvertement homophobe. Ainsi, si les discriminations ont existé, si elles ont pendant trop longtemps perduré et si elles ont pour certaines été gravées dans la loi, on ne saurait affirmer qu'elles étaient le fait d'une « politique de discrimination » globale menée par l'État de manière continue et indistincte entre 1942 et 1982 ;

- la reconnaissance prévue par les auteurs ouvre le droit, comme le rappelle le dernier alinéa de l'article 1er, à une réparation financière sur laquelle on reviendra à l'article 3 mais dont le principe se cumule difficilement, au plan juridique, avec l'amnistie prononcée en 1981 comme avec les règles de droit commun en matière de prescription, qui fixent à trente ans la durée maximale pendant laquelle un préjudice peut être indemnisé, sans même évoquer le principe général de prescription quadriennale ;

- enfin et surtout, la soutenabilité juridique d'une telle réparation financière n'est pas acquise : à l'inverse de la réparation accordée aux harkis (qui était liée, aux termes de l'article 1er de la loi précitée du 23 février 2022, à « l'indignité des conditions d'accueil et de vie [des personnes concernées] sur [le] territoire national » et à des « conditions de vie particulièrement précaires »), elle serait liée aux conséquences directes de l'application de la loi pénale (soit la condamnation elle-même et la peine exécutée), ce qui n'apparaît pas compatible avec les principes généraux dégagés par le Conseil d'État22(*) en la matière.

La commission des lois, attachée à ce que la reconnaissance de la responsabilité de la République ne souffre aucune contestation, n'a pas estimé possible d'adopter une rédaction qui présentait des risques juridiques et dont l'articulation avec les grands principes du droit pénal était malaisée. Elle a donc, à l'initiative de son rapporteur, renoncé à adopter l'article 1er dans la rédaction proposée, tout en affichant son intention d'adopter en vue de la séance publique un amendement permettant :

- de recentrer l'article 1er sur la période allant du 8 février 1945, date de l'adoption de l'ordonnance intégrant les infractions concernées dans le code pénal applicable par la République, jusqu'en 1982 ;

- de simplifier la description du motif de la responsabilité ainsi consacrée, liée au caractère discriminatoire des anciennes lois pénalisant l'homosexualité ;

- de supprimer la référence à une réparation financière, le principe même de celle-ci apparaissant peu compatible avec les principes généraux de notre droit.

La commission n'a pas adopté l'article 1er ainsi rédigé.

Article 2
Création d'un délit réprimant la contestation ou la minoration outrancière
de la déportation des personnes homosexuelles depuis la France
pendant la Seconde Guerre mondiale

L'article 2 crée un délit de contestation, négation et banalisation ou minoration outrancière de la déportation des personnes homosexuelles depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale.

Considérant que cette infraction était déjà couverte par le droit en vigueur, la commission n'a pas adopté l'article 2.

1. Un nouveau délit inspiré par l'infraction de « négationnisme » prévue par la loi du 29 juillet 1881

L'article 2 vise à mettre en place un nouveau délit, largement inspiré du délit de « négationnisme » intégré à la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 par la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe (ou « loi Gayssot ») et plusieurs fois modifié depuis lors. Cette infraction constitue aujourd'hui l'article 24 bis de la loi précitée de 1881 et est ainsi caractérisée :

- elle concerne toute expression publique effectuée par l'un des moyens prévus par l'article 23 de la même loi : discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics ; écrits, imprimés, dessins, images ou « tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics » ; diffusion par tout moyen de communication au public par voie électronique ;

- elle concerne, d'une part, la contestation de l'existence des crimes contre l'humanité définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, donc les crimes commis par les nazis, leurs alliés et ceux qui ont collaboré avec eux et, d'autre part, la négation, la minoration ou la banalisation « outrancière » de l'existence d'un autre crime de génocide, crime contre l'humanité, crime de guerre ou crime de réduction en esclavage, dès lors que ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale.

L'article 24 bis fixe une peine maximale d'un an d'emprisonnement de 45 000 euros d'amende, portée à trois ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si l'infraction est commise dans l'exercice de ses fonctions par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Le tribunal peut, en outre, prononcer l'affichage ou la diffusion de sa décision.

Sur le modèle ainsi décrit, les auteurs proposent l'introduction dans la loi de 1881 d'un nouvel article 24 ter créant un délit applicable à celles et ceux qui auront « contesté [...] l'existence de la déportation de personnes en raison de leur homosexualité depuis la France, en zone occupée comme en zone libre, pendant la Seconde Guerre mondiale » ou qui auront « nié, minoré ou banalisé de façon outrancière » l'existence de ces mêmes faits.

2. Une infraction déjà couverte par le droit en vigueur et dont l'autonomisation serait porteuse d'effets pervers

Comme le rappellent les auteurs de la proposition de loi, la réalité de la déportation des homosexuels depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale n'est plus à prouver. Connue des historiens, elle est reconnue par la France depuis près de trente ans : après une reconnaissance implicite intervenue dès 1995, lorsque des militants homosexuels ont été conviés à participer pour la première fois aux cérémonies de la Journée du souvenir de la déportation, des reconnaissances explicites sont intervenues d'abord en 2001 avec des déclarations du Premier ministre de l'époque Lionel Jospin, puis le 24 avril 2005 avec un discours du Président de la République Jacques Chirac à l'occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation, au cours duquel il déclarait : « En Allemagne, mais aussi sur notre territoire, celles et ceux que leur vie personnelle distinguait, je pense aux homosexuels, étaient poursuivis, arrêtés et déportés ».

Pour être incontestable, la déportation des homosexuels depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale doit-elle faire l'objet d'un « délit de négationnisme » spécifique ? Le rapporteur considère, au contraire, que non seulement la contestation de cette déportation est couverte par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, mais surtout que la création d'un nouveau délit, parce qu'elle impliquerait le contraire, serait susceptible de perturber des contentieux en cours.

Sur le premier point, en effet, l'article 6 du statut du tribunal militaire appelé à juger les crimes commis par les nazis, auquel renvoie l'article 24 bis précité, définit les crimes contre l'humanité comme « l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre ». Or la déportation des homosexuels pendant la Seconde Guerre mondiale concerne un crime expressément cité par le statut du tribunal militaire (la déportation) ayant touché des civils et ayant eu lieu pendant la guerre : elle répond pleinement aux critères fixés par cette définition et semble, en tant que telle, incluse dans le champ de l'actuel article 24 bis. En d'autres termes, la négation de la déportation des homosexuels peut d'ores et déjà faire l'objet d'une répression pénale sur le fondement du droit en vigueur, sans qu'il soit besoin de créer un délit autonome - ce qui prive de son objet le dispositif proposé par l'article 2.

Ce raisonnement est partagé par l'avocat chargé de représenter six associations qui ont déposé une plainte avec constitution de partie civile en mai 2022 à la suite de la publication, par une personnalité publique, d'un ouvrage au sein duquel il qualifie de « légende » la déportation des homosexuels depuis la France. L'instruction sur ce dossier est en cours.

Dans ce contexte, l'intervention du législateur ne serait-elle pas une prise de parti préjudiciable à la sérénité des débats sur un contentieux en cours ? Plus encore, ne se ferait-elle pas au détriment de l'une des parties dans la mesure où, en créant un nouveau délit, le Sénat viendrait reconnaître implicitement mais nécessairement que l'action qu'il est proposé de réprimer (donc, en l'espèce, la contestation de la déportation des homosexuels) n'est pas encore punie par notre droit pénal et ne peut donc pas, à ce jour, être sanctionnée ? Ainsi, la mise en place du délit porté par la présente proposition de loi, superfétatoire, pourrait également avoir des effets pervers qui ne semblent pas avoir été parfaitement mesurés par les auteurs du texte. Ce constat invite à la prudence et doit, à tout le moins, pousser le législateur à refuser toute intervention sur le sujet d'ici à ce qu'une décision définitive soit rendue par les juges du fond.

À titre complémentaire, lors de leur audition par le rapporteur, les représentants de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice ont craint que la rédaction proposée s'avère contraire à la Constitution au vu des décisions les plus récentes du Conseil constitutionnel23(*).

Suivant ce raisonnement, la commission n'a pas adopté l'article 2.

La commission n'a pas adopté l'article 2.

Article 3
Réparation financière des personnes
condamnées pour homosexualité

L'article 3 fixe les modalités de la réparation financière pouvant être versée aux personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982.

Par cohérence avec la position prise à l'article 1er, la commission n'a pas adopté l'article 3.

Conformément au principe posé par l'article 1er, l'article 3 précise les modalités de la réparation financière susceptible d'être versée aux personnes condamnées pour homosexualité sur décision de la commission ad hoc instituée par l'article 4 (voir ci-dessous) les ayant reconnues « victimes d'une discrimination ».

La réparation se composerait :

- d'une part fixe, d'un montant de 10 000 euros ;

- d'une part variable, correspondant à 150 euros par jour de privation de liberté ;

- du remboursement du montant (actualisé dans des conditions fixées par décret) de l'amende dont elles se sont acquittées en application de la condamnation.

Ni les échanges menés par le rapporteur avec l'auteur de la proposition de loi, avec les associations comme avec la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice, ni les contributions qu'il a sollicitées auprès de chercheurs et de la délégation interministérielle chargée de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et l'homophobie (Dilcrah) n'ont permis de déterminer ou même d'estimer le nombre de personnes qui pourraient prétendre à cette réparation. Celles-ci seraient toutefois vraisemblablement peu nombreuses, les dernières condamnations remontant à plus de 40 ans. À titre de comparaison, en Allemagne, sur une estimation de 5 000 personnes éligibles (i.e. condamnées sur le fondement de dispositions abrogées et encore en vie au moment de la création du système de réparation financière), 188 ont demandé réparation et 146 ont effectivement obtenu une indemnisation.

Outre les problèmes déjà relevés à l'article 1er quant à la difficile articulation d'une telle indemnisation avec l'amnistie prononcée en 1981 comme avec les principes dégagés, en matière de responsabilité de l'État du fait des lois, par le Conseil d'État, cette réparation appelle plusieurs remarques.

Tout d'abord, si des systèmes de réparation financière existent à l'étranger, la plupart des États ont fait le choix d'une reconnaissance exclusivement symbolique (souvent doublée d'un effacement des casiers judiciaires, comme en Nouvelle-Zélande, ou de réhabilitation, comme au Royaume-Uni - qui, pour la France, sont déjà couverts par l'amnistie de 1981 évoquée ci-dessus) qui s'est accompagnée d'un travail de mémoire et de commémoration, mais non d'une réparation financière : seuls trois pays (l'Espagne, l'Allemagne et le Canada) ont fait un choix inverse.

Or, sur le fond, l'histoire de deux de ces États diffère sensiblement de celle de la France. Le versement d'une indemnité y est ainsi lié au caractère massif des condamnations (en Allemagne, outre les 42 000 hommes qui ont été condamnés pour homosexualité sous le IIIe Reich, 50 000 autres l'ont été par la République fédérale pour le même motif) ou à l'existence d'une politique globale d'État homophobe (en Espagne, le franquisme pratiquait une lutte contre l'« homosexualisme » vu comme un danger pour la société emportant une large privation de droits dans un système politique qui interdisait aux homosexuels de manifester, de se réunir et d'enseigner en école primaire, et qui les soumettait à un régime carcéral spécifique : la réparation est d'ailleurs inscrite dans une loi de mémoire historique de 2007 qui concerne plus généralement la période franquiste). Dans le troisième cas, c'est le mécanisme retenu qui diverge : au Canada, la réparation est limitée à celles et ceux qui ont subi des discriminations en raison de leur orientation sexuelle dans la sphère publique (à savoir les personnes discriminées en raison de leur homosexualité dans la fonction publique, la police et l'armée).

En outre, dans ces États, les montants prévus apparaissent plus faibles que ceux envisagés par la proposition de loi.

Les modalités de réparation financière à l'étranger

En Allemagne, l'indemnisation est plafonnée à 3 000 euros par condamnation et 1 500 euros pour chaque année d'emprisonnement. En complément de ce mécanisme, le Bundestag a, le 23 novembre 2018, étendu l'indemnisation aux homosexuels ayant fait l'objet d'une enquête judiciaire sans que l'acte ait abouti à une condamnation (500 euros), à ceux ayant subi une mesure de sûreté privative de liberté dans le cadre d'une telle enquête (1 500 euros par année de privation de liberté commencée), et enfin, à ceux ayant subi un préjudice exceptionnel en rapport avec l'incrimination des actes homosexuels consensuels (conséquences négatives d'ordre professionnel, économiques, sanitaires ou comparables : 1 500 euros).

En Espagne, le décret royal du 17 avril 2009 a créé la Commission d'indemnisation des anciens prisonniers sociétaux, chargée de traiter les demandes d'indemnisation d'anciens prisonniers de la dictature franquiste condamnés sur le fondement de la loi du 4 août 1970 en raison de leur orientation sexuelle. Les demandes devaient être présentées via un formulaire et appuyées de la décision judiciaire de condamnation d'un mois minimum. L'indemnisation était fixée à 4 000 euros pour les homosexuels emprisonnés un à six mois, 8 000 euros pour des emprisonnements de six mois à trois ans, 12 010,12 euros au-delà, avec 2 402,02 euros supplémentaires par tranche de trois ans de détention. Le demandeur devait également fournir une attestation des périodes effectives de détention via le formulaire officiel de demande. Par ailleurs, ce dernier consentait à ce que le secrétaire de la commission d'indemnisation obtienne, en son nom, les documents mentionnés, lorsque ceux-ci n'étaient pas fournis par l'intéressé, et notamment questionner les services de police, les autorités gouvernementales, les organes juridictionnels ou autres registres.

Au Canada, l'indemnisation des agents publics sanctionnés, libérés ou congédiés en raison de leur orientation sexuelle s'est réalisée selon trois niveaux. Un premier niveau octroyait 5 000 dollars aux demandeurs qui avaient notamment subi un interrogatoire minimalement intrusif, de courte durée, un harcèlement ciblé de supérieurs ou une absence de promotions. Un second niveau octroyait 20 000 dollars en raison de sanctions plus importantes, d'accusations criminelles, d'une incarcération, de la suspension des fonctions, d'obstacles importants à la progression de la carrière, un harcèlement extrême. Un troisième niveau octroyait 50 000 dollars aux demandeurs libérés ou congédiés, qui ont démissionné ou qui ont été forcés de démissionner en raison des incidents qu'ils ont vécus au niveau 1 ou 2. L'indemnisation pouvait aller jusqu'à 100 000 [dollars] en cas de préjudices exceptionnels, en raison de blessures physiques ou morales graves et à long terme, y compris découlant d'une agression physique ou sexuelle.

Source : réponse écrite au questionnaire du rapporteur transmise par
la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice.

Enfin, et comme l'ont relevé les représentants associatifs auditionnés par le rapporteur, à supposer qu'une indemnisation doive être envisagée, elle pourrait avoir d'autres bases juridiques que celle que les auteurs proposent : ainsi, l'association Mousse a proposé qu'elle puisse être prononcée, au cas par cas et en fonction de la réalité des dommages individuels, par le juge. Cette piste supposerait la reconnaissance de la pénalisation de l'homosexualité comme un crime contre l'humanité, rendant imprescriptibles les préjudices subis et permettant la formation d'un contentieux spécifique.

Pour ces motifs, la commission, suivant l'avis de son rapporteur et avec l'accord de l'auteur de la proposition de loi, n'a pas adopté l'article 3.

La commission n'a pas adopté l'article 3.

Article 4
Création d'une commission chargée de statuer sur les demandes
de réparation financière

L'article 4 crée une commission chargée de statuer sur les demandes de réparation financière formulées en application de l'article 3.

N'ayant pas adopté l'article 3, la commission n'a pas adopté l'article 4.

Souhaitant limiter l'attribution de l'indemnisation décrite ci-dessus et prévue par l'article 3 aux personnes ayant effectivement subi une discrimination, les auteurs de la proposition de loi ont prévu la mise en place d'une commission ad hoc placée auprès du Premier ministre.

Par cohérence avec sa position sur l'article 3, la commission n'a pas adopté l'article 4.

La commission n'a pas adopté l'article 4.

Article 5
Compensation financière (« gage »)

L'article 5 est un article de « gage » permettant la compensation financière des dépenses créées par les articles 3 (réparation financière) et 4 (création d'une commission placée auprès du Premier ministre).

Par cohérence, la commission n'a pas adopté cet article.

Les dispositifs que la présente proposition de loi entend créer se traduiraient de toute évidence par des dépenses nouvelles, liées non seulement au versement de la réparation prévue par l'article 3 mais aussi aux frais de fonctionnement de la commission créée par l'article 4. Les auteurs de la proposition prévoient de compenser financièrement ces dépenses sous la forme d'un « gage » prévu par l'article 5 et consistant, de manière classique, en une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.

Par cohérence avec ses positions sur les articles 3 et 4, la commission n'a pas adopté l'article 5.

La commission n'a pas adopté l'article 5.

*

* *

La commission n'a pas adopté de texte sur la proposition de loi n° 864 (2021-2022) portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera sur le texte initial de la proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 15 NOVEMBRE 2023

M. François-Noël Buffet, président. - Nous passons à l'examen de la proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Il convient tout d'abord de rappeler la situation historique justifiant le texte que Hussein Bourgi et plusieurs de ses collègues ont déposé. Depuis 1791, la France a dépénalisé l'homosexualité. Les pratiques homosexuelles, depuis la Révolution française, n'étaient plus considérées comme un délit. Le régime de Vichy a cependant réinstauré une pénalisation des relations homosexuelles. Cette dernière était discriminatoire, car si étaient tolérées les relations hétérosexuelles incluant une personne mineure sur le plan civil, mais majeure sur le plan sexuel, celles-ci étaient pénalisées lorsqu'elles étaient de nature homosexuelle. Ce régime juridique de répression, mettant en place une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, n'a pas été abrogé à la Libération. De 1942 à 1982, ce texte est donc resté en vigueur et a conduit à la condamnation d'un certain nombre de personnes.

Entre-temps, et ce fait a son importance, un certain nombre de lois d'amnistie ont été votées : des lois d'amnistie ordinaire, c'est-à-dire les lois d'amnistie au quantum, et la loi spécifique du 4 août 1981 qui amnistiait les personnes condamnées pour homosexualité. Celles-ci, dès lors, n'avaient plus de casier judiciaire et n'étaient plus considérées comme condamnées aux yeux de la justice. L'amnistie n'est pas la grâce, l'amnistie n'est pas la réhabilitation. L'amnistie est l'oubli de la condamnation.

Tel est le contexte dans lequel s'inscrit cette proposition de loi, qui a trois objectifs.

Il vous est proposé d'instaurer un délit de négationnisme et de contestation de la déportation subie par les personnes homosexuelles pendant la Seconde Guerre mondiale. J'estime que ce point est, sur le plan juridique, inutile, voire dangereux.

Tout d'abord, depuis le tribunal de Nuremberg de 1945, la déportation est considérée comme un crime contre l'humanité, qu'elle concerne les juifs, les tziganes, les communistes ou les homosexuels. Le débat n'a donc pas lieu d'être : une personne déportée à raison de son homosexualité s'inscrit dans le cadre de la protection des victimes de crime contre l'humanité. Je m'en réjouis, car j'estime qu'il faut continuer à défendre l'indivisibilité des droits de l'homme plutôt que d'opérer de constantes sections.

Par ailleurs, la loi sur la presse, notamment l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, me parait déjà sanctionner la contestation de la déportation des homosexuels. D'ailleurs, un certain nombre de procédures ont été enclenchées sur cette base et sont en cours d'instruction contre un ancien candidat à la présidence de la République. Adopter cette loi permettrait à l'avocat représentant cette personne d'arguer qu'il est impossible de condamner son client pour de tels propos, puisqu'ils font l'objet d'une nouvelle loi spécifique. J'estime donc que cette dernière, sur le plan juridique, est aussi inutile qu'inopérante.

Le deuxième objectif concerne la question de la réparation financière. Je reconnais que le coût pour l'État serait dérisoire, même s'il est difficile d'évaluer le nombre de personnes concernées. La direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice n'a pas de statistiques spécifiques, ce qui est heureux sur le plan du respect de la vie privée, mais regrettable du point de vue historique. Le nombre de personnes susceptibles d'être concernées par cette mesure n'est pas connu, et ce en raison de la difficulté à rassembler des preuves plus de quarante ans après la condamnation. La proposition de loi évoque une réparation calculée sur la base des journées de détention, ce qui me paraît très complexe. Je précise que les trois pays qui ont accordé une telle réparation financière n'avaient pas fait voter de lois d'amnistie, et cette réparation financière allait donc de pair avec une réhabilitation.

Venons-en donc à l'article 1er, qui porte sur la reconnaissance effective de la discrimination subie par les homosexuels.

Cette affirmation est incontestable, et je pense qu'il existe parmi nous un consensus sur la nature discriminatoire de la répression dont ils ont été victimes, ainsi que sur les souffrances, les drames qui en ont découlé. Malgré tout, ces souffrances ont souvent été causées non pas par la loi, mais par certains éléments extérieurs. Ainsi, dans certaines villes de province, la presse locale pouvait provoquer de véritables drames en rendant publique la condamnation d'une personne, et donc son homosexualité. L'opprobre, la mort sociale, ont pu pousser des personnes au suicide ou à la fuite. Ces maux ne découlaient pas de la loi en elle-même, mais des préjugés de la société, et cette dernière ne peut alors accorder de réparation.

Enfin, si nous sommes d'accord pour reconnaître cette discrimination, je conteste la période retenue. La proposition de loi englobe la période 1942 à 1982. Or, la République ne doit pas endosser les crimes du régime de Vichy. Le gaulliste que je suis propose donc de retenir la période allant de 1945 à 1982.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à rejeter cette proposition de loi à ce stade, ce qui permet de la laisser intacte pour son examen en séance publique. La commission, avec l'accord de son président, pourrait déposer pour la séance un texte consensuel indiquant que la République reconnaît l'existence de cette discrimination de 1945 à 1982, ainsi que les souffrances qui en ont découlé.

M. Hussein Bourgi, auteur de la proposition de loi. - Je souhaite tout d'abord saluer le travail réalisé par le rapporteur dans des délais fortement contraints par le renouvellement de la Haute Assemblée et le calendrier des travaux parlementaires.

Je souhaite cependant apporter des informations complémentaires aux trois points évoqués.

Je n'ai pas la même approche concernant le délit de négationnisme, car je me réfère à une jurisprudence récente. La première personne à avoir été poursuivie pour contestation et révisionnisme est notre ancien collègue Christian Vanneste, député du Nord. Il fut le premier à tenir des propos de cette nature, et a été relaxé par la justice. Actuellement, Éric Zemmour est poursuivi pour avoir tenu des propos similaires. Le parquet n'avait pas l'intention de le poursuivre ; seule l'intervention des associations concernées a motivé le juge d'instruction à renvoyer M. Zemmour devant le tribunal correctionnel. C'est la raison pour laquelle je pense que, en tant que législateurs, nous ne devons pas être liés par l'issue d'un procès spécifique, nous ne devons pas établir la loi par convenance. Je ne m'appuie que sur une décision définitive, à savoir la relaxe de M. Vanneste. Je suis d'un naturel pessimiste et j'estime donc qu'il est possible que M. Zemmour, dont les propos sont similaires, puisse bénéficier de la même jurisprudence.

Le rapporteur a soulevé le point de la réparation financière. Celle-ci aurait en effet un coût dérisoire pour la République française. En Espagne, où cette mesure a été instaurée, environ 150 personnes se sont manifestées pour en bénéficier. Le nombre est faible, mais s'explique par le fait que nombre des victimes sont mortes, que d'autres sont très âgées ou n'ont plus les preuves nécessaires. Au total, cette loi a coûté 650 000 euros à l'Espagne. En Allemagne, entre 325 et 350 personnes ont déposé des dossiers et obtenu réparation. Il me semble donc que les mesures que nous avons prises pour les harkis pourraient nous inspirer.

En effet, l'objectif n'est pas de verser une réparation à l'euro près, mais d'être dans une logique de réparation. Dès lors qu'un tort, qu'un préjudice, qu'une perte de chance est reconnu, il me semble normal de nous aligner sur les mesures prises par d'autres pays européens.

Je rejoins le rapporteur pour souligner qu'au-delà des amendes et des privations de liberté l'opprobre social a joué un grand rôle dans les souffrances des personnes homosexuelles. Je pense en particulier à un brillant avocat du Nord qui avait réussi le concours du barreau. Du fait de sa condamnation, il a fini sa vie comme surveillant dans l'internat d'un lycée. Des révocations de la fonction publique ont aussi été prononcées, de même que des licenciements. Certaines personnes ont été condamnées à une forme d'exil intérieur en raison des dénonciations de journalistes peu scrupuleux qui entachaient l'honorabilité de leur famille.

Ce préjudice est celui qu'il nous est possible de réparer, comme d'autres pays l'ont fait avant nous. Mon raisonnement est le suivant : il y a un préjudice, il y a un tort, il convient de le réparer.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Il ne s'agit pas pour moi de faire plaisir à un confrère au sujet de l'éventuelle condamnation d'Éric Zemmour. Je peux rappeler la décision de 2012 du Conseil constitutionnel, qui avait consisté à censurer une loi instaurant un délit analogue à celui qui découlerait de la proposition de loi. Par ailleurs et par principe, je pense que de tels propos s'inscrivent dans le cadre du procès de Nuremberg, et sortir de ce cadre pour des raisons spécifiques serait contraire à l'idée que je me fais de l'indivisibilité des droits humains.

Vous dites qu'un préjudice doit donner lieu à une réparation. Nous sommes dans le droit commun, et je puis donc vous opposer la notion de prescription, qui s'applique ici. De plus, la situation ne me paraît pas comparable à celle des harkis. En effet, il y avait alors un lien de causalité entre une action politique très claire et la réparation. Dans le cas qui nous occupe, des magistrats ont appliqué la loi de la République, qui était discriminatoire et scandaleuse. Dans les pays ayant accordé une réparation, cette dernière n'a pas été généralisée à l'ensemble des personnes victimes, mais a été réservée à certaines catégories. Je rappelle enfin, puisque vous évoquiez la fonction publique, que la loi d'amnistie a permis aux personnes concernées de récupérer leurs droits. Une réparation a donc déjà eu lieu.

Le principe de la réparation se heurte donc, à mes yeux, à la prescription. Malgré son montant dérisoire, il créerait un danger de possible contournement de la prescription. Je suis donc contre la réparation pécuniaire, mais pour la réparation symbolique, c'est-à-dire l'affirmation de la faute de la République et la reconnaissance de sa responsabilité, en modifiant l'article unique.

M. François-Noël Buffet, président. - Vous l'aurez compris, le rapporteur devrait nous soumettre un amendement visant à adopter un article unique, en concertation avec l'auteur du texte.

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 5

L'article 5 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »24(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie25(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte26(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial27(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 15 novembre 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 864 (2021-2022) portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions aux modalités de réparation susceptibles d'être mises en oeuvre au bénéfice des personnes condamnées sur le fondement :

- du deuxième alinéa de l'article 330 du code pénal dans sa rédaction antérieure à la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs ;

- du troisième alinéa de l'article 331 du code pénal dans sa rédaction antérieure à la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 précitée ;

- du deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal dans sa rédaction antérieure à la loi n° 82-683 du 4 août 1982 abrogeant le deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

AUTEUR DE LA PROPOSITION DE LOI

M. Hussein Bourgi, sénateur de l'Hérault

MINISTÈRE DE LA JUSTICE - DIRECTION DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRÂCES

Mme Sophie Macquart-Moulin, adjointe du directeur

M. Benjamin Mouraud, rédacteur au bureau de la législation pénale générale

Table ronde d'associations de défense des droits des personnes LGBTQIA+

SOS HOMOPHOBIE

M. David Raynaud, administrateur national de SOS homophobie

ASSOCIATION MOUSSE

M. Étienne Deshoulières, représentant de l'association

STOP HOMOPHOBIE

M. Terrence Katchadourian, secrétaire général

Personnalité qualifiée

Mme Ariane Chemin, grand reporter, Le Monde

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

M. Régis Schlagdenhauffen, maître de conférences de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS)

Mme Sherine Berzig, doctorante en histoire à l'Université de Cergy-Pontoise

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-864.html


* 1 «  Les sexualités `contre-nature' face à la justice pénale. Une analyse des condamnations pour `homosexualité' en France (1945-1982) », Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen ; article publié dans Déviance et Société 2019/3 (volume 43), p. 421 à 459, accessible en ligne sur le site https://www.cairn.info.

* 2 Selon le chiffre évoqué par Régis Schlagdenhauffen auprès du rapporteur.

* 3 Deuxième alinéa de l'article 330 du code pénal.

* 4 Troisième puis, à compter de 1980, deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal.

* 5 Décision du Conseil constitutionnel n° 80-125 du 19 décembre 1980.

* 6 12° de l'article 2 de la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie.

* 7  Rapport n° 242 (1979-1980) d'Edgar Tailhades, déposé le 13 mai 1980.

* 8 Idem.

* 9 La recherche sociologique et historique distingue l'analyse de la période 1942-1945 de celle qui s'étend de 1945 à 1982, comme en témoigne l'article précité de Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen.

* 10 Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012, « Loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi », considérant 6.

* 11 L'Ancien régime faisait de la sodomie un crime puni par le feu.

* 12 Le texte intégral de l'intervention de Robert Badinter est disponible sur le site de l'Assemblée nationale.

* 13 L'Allemagne fait exception à ce constat : après une dépénalisation partielle en 1969, elle ne supprimera toute infraction pénale relative à l'homosexualité qu'en 1994.

* 14 « Lorsque l'outrage public à la pudeur consistera en un acte contre nature avec un individu du même sexe, la peine sera un emprisonnement de six mois à trois ans et une amende de 1 000 à 20 000 F [francs] » ; hors cette circonstance, l'outrage public à la pudeur était puni « d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, et d'une amende de 500 F à 15 000 F » (premier alinéa de l'article 330 du code pénal).

* 15 Voir, par exemple, l'article précité de Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen.

* 16 33 % des personnes condamnées sur le fondement de l'article 331 (ancien) étaient mariées.

* 17 Source : contribution écrite remise au rapporteur.

* 18  Rapport n° 242 (1979-1980) d'Edgar Tailhades, déposé le 13 mai 1980.

* 19  Rapport n° 27 (1980-1981) d'Edgar Tailhades, déposé le 9 octobre 1980.

* 20 De manière non moins marquante, le Sénat avait combattu avec vigueur l'adoption de la loi du 4 août 1982 abrogeant le deuxième alinéa de l'article 331 du code pénal, comme en attestent les rapports parlementaires d'Etienne Dailly.

* 21 Ce terme est déjà discutable dans un contexte où les lois dites « mémorielles » tendent, à l'exception de la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité qui cite elle aussi la République française, à faire s'exprimer la Nation.

* 22 Conseil d'État, section, avis n° 315499 du 16 février 2009.

* 23 Si la DACG n'a cité aucune décision particulière à l'appui de son raisonnement, il est possible qu'elle ait entendu faire référence à la décision constitutionnelle n° 2012-647 DC du 28 février 2012 (« Loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi »), par laquelle le Conseil avait prononcé une censure fondée sur l'impossibilité de « [réprimer] la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes [que le législateur] aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels » au vu de l'atteinte excessive qu'un tel choix porterait à la liberté d'expression.

* 24 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 25 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 26 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 27 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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