B. - MESURES FISCALES

ARTICLE 2

Indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu
pour les revenus de 2023 et des grilles de taux par défaut
du prélèvement à la source

Le présent article prévoit de revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu du niveau de l'inflation prévisionnelle hors tabac pour 2023, soit 4,8 %. Il propose, par conséquent, d'ajuster les grilles de taux de prélèvement à la source pour tenir compte de cette indexation et de revaloriser dans la même proportion les seuils et les limites associés au calcul de l'impôt sur le revenu.

Pour la deuxième année consécutive, l'indexation du barème représente un coût budgétaire conséquent. Pour l'exercice 2023, en l'absence d'indexation du barème, le rendement de l'impôt sur le revenu aurait été majoré de 6,1 milliards d'euros.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, QUE LE LÉGISLATEUR A PRESQUE SYSTÉMATIQUEMENT INDEXÉ SUR L'INFLATION DEPUIS 1982, DÉTERMINE L'ARCHITECTURE DE SA PROGRESSIVITÉ

A. LE BARÈME GÉNÉRAL ET LE MÉCANISME DE DÉCOTE FONDENT LA PROGRESSIVITÉ DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

1. Le barème de l'impôt sur le revenu actuellement en vigueur est structuré en cinq tranches avec un taux marginal supérieur d'imposition de 45 %

L'impôt sur le revenu (IR) est, depuis la loi du 15 juillet 1914, un impôt progressif, c'est-à-dire dont le taux moyen croît avec le revenu imposable. En pratique, la progressivité de l'impôt sur le revenu repose sur un barème prévoyant d'appliquer des taux d'imposition différenciés et croissants à chaque tranche de revenu. Le barème général de l'impôt sur le revenu a été institué dans son principe par la loi du 28 décembre 19592(*). Il comprenait alors huit tranches d'imposition dont les taux étaient échelonnés entre 5 % et 65 %.

Le barème actuellement en vigueur, inscrit à l'article 197 du code général des impôts, comporte cinq tranches dont les taux varient de 0 % à 45 %. Il résulte de nombreuses réformes de l'architecture du barème depuis 1959, dont notamment les réformes suivantes, adoptées depuis le début des années 2000, et qui ont confirmé la réduction tendancielle du nombre de tranches d'imposition :

- la refonte du barème opéré par la loi de finances initiale pour 2006 qui a réduit le nombre de tranches d'imposition de sept à cinq, a intégré dans le barème l'ancien abattement de 20 % pour les revenus salariaux et assimilés et a réduit le taux marginal supérieur d'imposition pour le porter à 40 %. Elle s'est traduite par une réduction du rendement de l'IR estimée à 3,5 milliards d'euros en 2007 ;

- la majoration d'un point de la tranche supérieure d'imposition par la loi de finances initiale pour 2011 ayant pour objet de contribuer au financement de la réforme des retraites, qui s'est traduite par une croissance du rendement estimée à 495 millions d'euros en 2011 ;

- la création d'une nouvelle tranche supérieure d'imposition au taux de 45 % par la loi de finances initiale pour 2013, qui a affecté environ 58 000 foyers fiscaux et s'est traduite par une croissance du rendement estimée à 344 millions d'euros en 2013 ;

- la suppression de la tranche à 5,5 % par la loi de finances initiale pour 2015 qui a ramené le nombre de tranches d'imposition à cinq, qui s'est traduite par une réduction du rendement de l'IR estimée à 3,2 milliards d'euros en 2015 ;

- enfin la réduction de trois points du taux d'imposition de la deuxième tranche du barème fixé à 11 % par la loi de finances initiales pour 2020, qui a affecté environ 16,9 millions de foyers fiscaux et s'est traduite par une réduction du rendement de l'IR estimée à 5 milliards d'euros en 2020.

Évolution du barème général de l'impôt sur le revenu depuis 2005

 

2005

2006-2010

2011-2012

2013-2014

2015-2020

2021-2023

1ère tranche

0

0

0

0

0

0

2e tranche

6,83 %

5,5 %

5,5 %

5,5 %

14 %

11 %

3e tranche

19,14 %

14 %

14 %

14 %

30 %

30 %

4e tranche

28,26 %

30 %

30 %

30 %

41 %

41 %

5e tranche

37,38 %

40 %

41 %

41 %

45 %

45 %

6e tranche

42,62 %

-

-

45 %

-

-

7e tranche

48,09 %

-

-

-

-

-

Source : commission des finances

Barème général de l'impôt sur le revenu avant l'indexation prévue
par le présent article

Tranche de revenu

Taux d'imposition

Inférieur à 10 777 €

0 %

De 10 777 € à 27 478 €

11 %

De 27 478 € à 78 570 €

30 %

De 78 570 € à 168 994 €

41 %

Supérieur à 168 994 €

45 %

Source : commission des finances

2. La décote a pour objet de réduire la charge fiscale des ménages modestes

Le mécanisme de la décote, inscrit au a du 4 du I de l'article 197 du code général des impôts (CGI), a été introduit en 1981 dans l'objet de retarder l'entrée dans l'impôt des contribuables célibataires pour tenir compte de leur impossibilité de bénéficier du quotient familial (QF). Le périmètre de la décote a ensuite été généralisé à l'ensemble des contribuables en 1986.

La décote a pour objet, depuis sa généralisation à l'ensemble des contribuables, de retarder l'entrée dans l'impôt des contribuables ayant un revenu proche du seuil d'imposition et plus largement de réduire la charge fiscale qui pèse sur les ménages modestes.

Le mécanisme de la décote consiste à diminuer l'impôt brut3(*) d'un montant qui décroît parallèlement à la progression des revenus. Le montant de la décote est calculé selon une formule qui a évolué au cours des années et qui repose sur deux paramètres : le plafond et la pente de la décote. La loi de finances initiales pour 2015 a introduit une dimension conjugale de la décote en prévoyant des plafonds distincts pour les célibataires et pour les contribuables soumis à l'imposition commune.

Dans l'état du droit, avant l'indexation proposée par le présent article, la décote bénéficie aux contribuables célibataires, veufs ou divorcés dont l'impôt brut est inférieur à 1 840 €, et sa formule d'application de la décote est la suivante :

Impôt après décote (IAD) = impôt brut (IB) - (833 - 0,4525*IB)

Pour un couple soumis à une imposition commune, le bénéfice de la décote lui est ouvert lorsque son impôt brut est inférieur à 3 045€ et sa formule est la suivante :

IAD = IB - (1 378 - 0,4525*IB)

Évolution de la formule de calcul de la décote

 

Pour un célibataire, veuf ou divorcé

Pour un couple soumis à imposition commune

Impôt sur le revenu 2020 (revenus 2019)

IAD = IB - (1 208 - ¾*IB)

IAD = IB - (1 190 - ¾*IB)

Impôt sur le revenu 2021 (revenus 2020)

IAD = IB - (779 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 289 - 0,4525*IB)

Impôt sur le revenu 2022 (revenus 2021)

IAD = IB - (790 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 307 - 0,4525*IB)

Impôt sur le revenu 2023 (revenus 2022)

IAD = IB - (833 - 0,4525*IB)

IAD = IB - (1 378 - 0,4525*IB)

Source : commission des finances

La formule de calcul actuelle de la décote résulte d'une réforme du dispositif opérée par la loi de finances initiales pour 20204(*) qui a réduit le plafond et adouci la pente de la décote pour qu'elle intègre et se substitue à la réduction d'impôt pour les foyers modestes5(*). La superposition entre les deux dispositifs contribuait auparavant à réduire la lisibilité de l'imposition et se traduisait par des taux marginaux d'entrée dans l'impôt particulièrement élevés pour les contribuables modestes.

Au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, la commission des finances avait, tout en soulignant son manque d'efficacité pour les contribuables relevant de la tranche à 30 %, soutenu cette simplification du dispositif qui a permis :

- d'adopter une nouvelle formule de calcul de la décote bénéficiant d'un plafond abaissé et d'une pente adoucie, ce qui a contribué à réduire les taux marginaux d'entrée dans l'impôt pour les contribuables modestes ;

- de simplifier le dispositif en supprimant la réduction d'impôt pour le ménages modestes, le bénéfice de cette réduction d'impôt ayant été intégré dans la conception de la nouvelle formule de la décote.

B. LES GRILLES DE DÉTERMINATION DU TAUX NEUTRE POUR LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE TIENNENT COMPTE DU BARÈME PROGRESSIF ET DE LA DÉCOTE

Depuis le 1er janvier 2019, le prélèvement à la source (PAS) est le régime de droit commun de paiement de l'impôt sur le revenu.

À ce titre, les articles 204 A et 204 B du CGI prévoient que les revenus imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions et aux rentes viagères à titre gratuit donnent lieu à une retenu à la source effectuée par le débiteur lors du paiement de ces revenus. L'assiette du prélèvement à la source est constituée des revenus nets des cotisations sociales et de la part déductible de cotisation sociale généralisée (CSG), mais avant déduction des frais professionnels pour les salaires ou de l'abattement forfaitaire de 10 % pour les pensions ou rentes viagères à titre gratuit.

En principe, le prélèvement à la source est opéré selon un taux individualisé, ou taux de droit commun, qui est calculé par l'administration fiscale en tenant compte des revenus et de l'impôt sur le revenu des années précédentes.

Par dérogation, soit lorsque le taux individualisé ne peut être déterminé soit lorsque les salariés ne souhaitent pas voir leur taux réel de prélèvement communiqué à leur employeur, le prélèvement peut être opéré selon un taux neutre, ou taux par défaut. Les grilles de détermination du taux par défaut ont été élaborées à partir du barème progressif de l'impôt sur le revenu en intégrant les effets de la décote. En plus de la grille applicable aux contribuables domiciliés en métropole, deux grilles spécifiques permettent de tenir compte des avantages fiscaux dont bénéficient certains contribuables domiciliés outre-mer.

C. L'INDEXATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EST UNE PRATIQUE CONSTANTE ET APPLIQUÉE DE MANIÈRE PRESQUE SYSTÉMATIQUE DEPUIS 1969

L'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu est une mesure traditionnelle des lois de finances initiales, dont le principe a été inscrit dès la fin des années 1960 à l'article 3 de la loi de finances pour 1968 qui prévoit que le Parlement est saisi de propositions d'aménagement du barème lorsque l'indice d'évolution des prix augmente de plus de 5 %6(*). Cette indexation a pour objet de faire obstacle à l'augmentation du taux d'imposition des contribuables dont les revenus auraient augmenté moins vite que l'inflation.

L'indexation du barème est une pratique constante et systématique depuis 1969, à laquelle seules les lois de finances initiales pour 2012 et 2013 ont dérogé. Il est du reste à relever que la commission des finances s'était opposée à la mesure de non-indexation inscrite dans la quatrième loi de finances rectificatives pour 2011 en estimant qu'elle constituait une mesure d'injustice fiscale7(*).

Depuis la loi de finances initiales pour 1982, l'aménagement annuel prend la forme d'une indexation intégrale sur l'inflation de toutes les tranches du barème, qui a été systématiquement adoptée à l'exception de la non-indexation (« gel ») décidée pour les impôts dus au titre des années 2011 et 2012.

Le taux retenu pour l'actualisation du barème de l'impôt sur le revenu correspond à l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac durant l'année de perception des revenus, inscrite dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.

En l'occurrence, le présent projet de loi de finances retient un taux d'indexation de 4,8 % pour l'année 2023, étant entendu que ce taux pourrait différer légèrement du niveau définitif d'inflation qui ne pourra être déterminé qu'a posteriori.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INDEXATION SUR L'INFLATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, QUI IMPLIQUE UNE REVALORISATION DES SEUILS ET DES LIMITES ASSOCIÉS AU CALCUL DE L'IMPÔT SUR LE REVENU AINSI QU'UN AJUSTEMENT DES GRILLES DE TAUX DE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

A. UNE REVALORISATION DE 4,8 % DES SEUILS DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Le 1 du B du I du présent article prévoit l'indexation en fonction de l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu défini au I de l'article 197 du CGI. Cette revalorisation est de 4,8 % pour l'impôt dû au titre des revenus perçus ou réalisés en 2023. Ce taux correspond à l'évolution prévisionnelle de l'indice des prix hors tabac en 2023 par rapport à 2022 et figurant dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances8(*).

Pour procéder à cette indexation, le présent article modifie les seuils du barème tels qu'issus du 3 du I de l'article 2 de la loi de finances pour 2022.

Indexation des limites des tranches du barème de l'impôt sur le revenu

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'article 2 du présent projet de loi de finances)

B. ... QUI ENTRAÎNE L'INDEXATION ET L'AJUSTEMENT DES GRILLES DE TAUX APPLICABLES POUR LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE

Le C du I du présent article modifie les trois grilles du taux neutre prévues à l'article 204 H du CGI et respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III de l'article 204 H), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du 1 du III), ainsi qu'en Guyane et à Mayotte (c du 1 du III). Les bornes des bases mensuelles de prélèvement de chacune de ces grilles sont ainsi revalorisées de 4,8 %.

Aux termes du II du présent article, les nouvelles grilles de taux par défaut entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

C. ... AINSI QUE L'INDEXATION DE DIFFÉRENTS SEUILS ET LIMITES ASSOCIÉS AU CALCUL DE L'IMPÔT

1. L'indexation des seuils relatifs au quotient familial

Le a du 2 du B du I du présent article modifie le 2 du I de l'article 197 du CGI afin de procéder, dans la même ampleur que pour le barème de l'impôt sur le revenu, à l'indexation du plafonnement de la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial (+ 4,8 %).

Pour les contribuables concernés par le plafonnement, cette mesure tend à diminuer l'avantage résultant de l'application du quotient familial par rapport à l'impôt dû. Les montants correspondant au plafonnement de parts ou demi-parts supplémentaires accordées au titre de quatre situations particulières sont indexés dans les mêmes conditions (b à e du 2 du B du I du présent article), tout comme le plafond de l'abattement accordé en cas de rattachement d'un enfant majeur marié ou chargé de famille (A du I du présent article).

Indexation des seuils relatifs au quotient familial

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'article 2 du présent projet de loi de finances)

2. L'indexation des autres limites et seuils associés au calcul de l'impôt sur le revenu

Pour de nombreux dispositifs, fiscaux ou non, une évolution automatique en fonction de la revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu est prévue. 18 d'entre eux concernent le calcul de l'impôt sur le revenu9(*), trois la fiscalité directe locale et quatre des domaines fiscaux autres. La revalorisation de 4,8 % appliquée aux seuils des tranches du barème de l'impôt sur le revenu s'applique donc également à l'ensemble de ces montants.

Liste des dispositifs dont les seuils, plafonds ou abattements évoluent
en fonction de la revalorisation du barème de l'IR

Dispositifs

Référence

Dans le domaine de l'impôt sur le revenu

 

Seuils de chiffre d'affaires du régime micro-entreprise

article 50-0 du CGI (1)

Seuils de recettes (moyennes) des régimes d'imposition de l'exploitant agricole

article 69 du CGI (VI)

Seuil de recettes (moyennes) du régime réel d'imposition du groupement agricole d'exploitation en commun

article 71 du CGI (1)

Seuils de bénéfices des exploitants bénéficiant des aides à l'installation des jeunes agriculteurs prévues à l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime pour l'application de l'abattement prévu au titre des soixante premiers mois d'activité

article 73 B du CGI

Limite d'exonération des titres-restaurant

article 81 du CGI (19°)

Déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut

article 83 du CGI (3°)

Seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial

article 102 ter du CGI (1)

Régime du micro entrepreneur

article 151-0 du CGI

Modalités d'imputation des déficits agricoles

article 156 du CGI (1° du I)

Déductibilité du revenu global d'une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable

article 156 du CGI
(2° ter du II)

Abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes modestes invalides ou âgées de plus de 65 ans

article 157 bis du CGI

Abattement applicable aux pensions et retraites

article 158 du CGI (a du 5)

Évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie

article 168 du CGI (1)

Retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France

article 182 A du CGI

Retenue à la source sur les sommes de source française payées à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliée en France en contrepartie de prestations artistiques

article 182 A bis du CGI

Application du taux minimum aux personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France

article 197 A du CGI

Réduction d'impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers

article 200 du CGI (1 ter)

Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d'imposition en bénéfices industriels et commerciaux (BIC)

article 302 septies bis
du CGI

En matière de fiscalité directe locale

 

Exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, afférente à leur habitation principale

article 1391 du CGI

Dégrèvement d'office de 100 € de la TFPB afférente à l'habitation principale des redevables âgés de plus de 65 ans au 1er janvier de l'année d'imposition

article 1391 B du CGI

Dégrèvement de la fraction de la cotisation de TFPB afférente à l'habitation principale supérieure à 50 % des revenus

article 1391 B ter du CGI

Autres domaines fiscaux

 

Barème de la taxe sur les salaires (TS)

article 231 du CGI (2 bis)

Seuil de chiffre d'affaires pour la franchise en base de TVA

article 293 B du CGI (IV)

Exigibilité de la TS pour les associations

article 1679 A du CGI

Seuil de revenu imposable pour l'application d'une majoration de l'amende pour faits de flagrance fiscale

article 1740 B du CGI

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'évaluation préalable du présent article

3. L'indexation de la décote

Le 3 du B du I du présent article modifie le a du 4 du I de l'article 197 du CGI tel qu'issu de l'article 2 de la loi de finances pour 2023 en procédant à la revalorisation de 4,8 % des seuils de la décote, parallèlement à l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu. Cette revalorisation s'applique donc à la nouvelle méthode de calcul de la décote.

Formule de calcul de la décote

 

Pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé

Pour un couple soumis à imposition commune

Impôt sur le revenu 2024 (revenus 2023) après indexation

IAD = IB - (877-0,4525*IB)

IAD = IB - (1 444-0,4525*IB)

Source : commission des finances du Sénat

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Cet article n'a pas été modifié dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'INDEXATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU EST UNE MESURE D'ÉQUITÉ DANS LE CONTEXTE ACTUEL D'INFLATION, QUI EST OPPORTUNE EN DÉPIT DE SON COÛT

A. LE DYNAMISME DES SALAIRES PERMET DE MAINTENIR UN RENDEMENT CROISSANT DE L'IMPÔT SUR LE REVENU MALGRÉ LE COÛT DE L'INDEXATION DE SON BARÈME SUR L'INFLATION

L'objectif de la mesure d'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu est de neutraliser les effets de l'inflation sur le niveau d'imposition des ménages. Cette mesure est désormais une pratique établie qui a été adoptée systématiquement pour l'ensemble des lois de finances initiales depuis 1969, à l'exception des lois de finances initiales pour 2012 et 2013.

La mesure d'indexation, qui présentait un caractère technique et des enjeux financiers limités en période de faible inflation, est désormais revendiquée par le Gouvernement comme un de ses principaux dispositifs de lutte contre les effets de l'inflation.

Lors de la présentation du projet de loi de finances devant la commission des finances le 27 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a ainsi déclaré que : « l'État prend toute sa part à la lutte contre l'inflation en indexant les prestations sociales, les retraites et le barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation. Le bouclier anti-inflation, il est là : il représente (...) 6 milliards d'euros pour l'impôt sur le revenu »10(*).

Alors que le coût de la mesure était estimé à seulement 230 millions d'euros par la loi de finances pour 2021, il atteint désormais des montants très élevés du fait de la reprise de l'inflation. Alors que le coût de l'indexation avait été évalué à 6,2 milliards d'euros pour l'imposition des revenus de 2022, le projet de loi de finances initiale pour 2024 estime le coût de cette mesure à 6,1 milliards d'euros pour les revenus de l'année 2023.

Le rapporteur général relève néanmoins que ce coût important de la mesure d'indexation doit être mis en perspective au regard du dynamisme des recettes de l'impôt sur le revenu, qui ont augmenté de plus de 25 % depuis 2019. Ainsi, d'après les prévisions inscrites dans les documents budgétaires, le rendement de l'impôt sur le revenu, après actualisation du barème, serait de 94,1 milliards d'euros, soit une hausse de 3,4 milliards d'euros par rapport à 2023.

Évolution du rendement de l'impôt sur le revenu net depuis 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Note : rendements constatés jusqu'en 2022, valeurs prévisionnelles pour 2023 et 2024

Inflation, coût de l'indexation du barème et rendement de l'IR
depuis 2016

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Inflation de l'année N- 1

0,1 %

0,1 %

1,6 %

1,6 %

1,0 %

0,2 %

1,4 %

5,4 %

4,8 %

Coût de l'indexation

(en Md€)

0,1

0,1

1,1

1,76

1,1

0,23

1,5

6,2

6,1

Rendement de l'IR

(en Md€)

71,8

73,0

73,0

71,7

74,0

78,8

86,8

86,9

94,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Note : les taux d'inflations indiqués sont ceux retenus dans les documents budgétaires, ils peuvent légèrement différer de la valeur définitive constatée a posteriori.

Le dynamisme du rendement de l'impôt sur le revenu se traduit par une révision de la prévision de rendement de l'IR pour l'année 2023, qui connaît une augmentation de 3,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiales pour 2023. Cette hausse s'explique principalement par la croissance de la masse salariale assujettie qui a crû de 6,2 % en 2023.

Il est enfin à relever que le prélèvement à la source supporté pendant l'année 2023 est fondé sur le barème de l'impôt sur le revenu avant indexation par le présent article, c'est-à-dire le barème fixé par l'article 2 de la loi de finances initiales pour 202311(*). Les contribuables ayant supporté une retenue à la source trop importante au regard du barème actualisé fixé par le présent article bénéficieront d'un crédit d'impôt dans le courant de l'année 2024.

Évolution du rendement de l'impôt net sur le revenu entre 2022 et 2024

en milliards d'euros

 

Exécution 2022

Prévision 2023

Prévision 2024

Prélèvement à la source (PAS)

80,3

85,1

117,6

Hors prélèvement à la source

29,5

28,3

29,3

Remboursement et dégrèvement de l'IR

- 20,8

- 22,7

- 23,5

Impôt net sur le revenu

89,0

90,7

94,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. L'ABSENCE D'INDEXATION DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU CONDUIRAIT À ALOURDIR LA PRESSION FISCALE SUR LES MÉNAGES

L'absence d'indexation du barème conduirait, pour un contribuable dont les revenus ont progressé au même rythme que l'inflation, à augmenter son taux d'imposition alors même que son pouvoir d'achat n'a pas progressé.

Ainsi, en l'absence de revalorisation du barème de l'IR le taux d'imposition moyen sur les revenus pesant sur les ménages serait amené à augmenter.

Tout d'abord, sans indexation du barème, une partie des contribuables serait soumis à l'imposition d'une partie de leurs revenus au titre d'une tranche supérieure à un taux plus élevé. De même, à revenu réel inchangé, certains foyers fiscaux jusqu'ici non imposables seraient assujettis à l'impôt sur le revenu. Par exemple, une personne dont le revenu en 2023 était de 11 000 euros serait imposable sur la tranche à 11 % en cas d'absence de revalorisation du barème, tandis qu'elle ne le serait pas avec la revalorisation prévue au présent article.

Ensuite, de nombreux régimes dérogatoires en matière d'impôt sur le revenu ou de contributions sociales ont des seuils et limites de déclenchement indexés, chaque année, sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Sans revalorisation, de nombreux ménages perdraient le bénéfice de ces dispositifs.

Enfin, tous les salaires n'augmentent pas au même rythme que l'inflation. Hormis pour le SMIC où elle est automatique, l'indexation est liée à la négociation pour les autres salaires. Selon le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances pour 2024, la diffusion retardée du choc de prix aux salaires, déjà observée pour 2022, se poursuivrait en 2023. L'absence de revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu constituerait dès lors une double peine pour les salariés qui n'auraient pas vu leurs salaires indexés sur l'inflation.

La décision de ne pas revaloriser le barème de l'impôt sur le revenu reviendrait, par conséquent, à alourdir la pression fiscale sur les ménages.

Un accroissement de l'impôt sur le revenu aurait ainsi des conséquences importantes sur le pouvoir d'achat.

La progressivité de l'impôt sur le revenu est réelle. Les ménages se trouvant entre le 3ème et le 7ème déciles payent 34,8 % de l'impôt sur le revenu, ce qui représente 30,97 milliards d'euros, au regard du rendement de l'impôt sur le revenu net exécuté en 2022. Les ménages se trouvant dans le dernier décile payent 33,1 % de l'impôt sur le revenu, soit 29,46 milliards d'euros.

Répartition de l'impôt sur le revenu selon le décile de revenus en 2022

Décile

Borne inférieure du revenu imposable

(milliers d'euros)

Borne supérieure du revenu imposable

(milliers d'euros)

Nombre de foyers fiscaux imposés

(en milliers)

Revenu imposable

(millions d'euros)

Impôt sur le revenu net

(millions d'euros)

1

0,0

2,7

67

1

0,1 %

0,0

0,1 %

2

2,7

9,5

113

26

2,4 %

- 0,1

- 0,1 %

3

9,5

13,7

106

46

4,2 %

- 0,2

- 0,3 %

4

13,7

17,1

637

61

5,6 %

- 0,1

- 0,1 %

5

17,1

20,4

2 267

73

6,8 %

0,7

0,9 %

6

20,4

24,7

2 376

88

8,1 %

1,9

2,4 %

7

24,7

31,2

2 310

109

10,1 %

3,4

4,3 %

8

31,2

39,9

2 870

138

12,7 %

5,6

7,2 %

9

39,9

55,9

3 340

184

16,9 %

10,3

13,2 %

10

55,9

 

3 756

359

33,1 %

56,3

72,4 %

Total

17 841

1 084

100,0 %

77,8

100,0 %

Source : commission des finances, d'après le questionnaire du rapporteur général

Note : un montant (ou pourcentage) négatif d'impôt négatif signifie que le montant de restitutions à reverser par l'État est supérieur au montant d'impôt à payer par les redevables.

Compte tenu de son effet en faveur de l'équité fiscale, la mesure portée par le présent article doit être soutenue.

Cependant, si la revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu présente, pour la deuxième année consécutive, un coût important pour nos finances publiques, il ne s'agit pas d'une « mesure nouvelle ». Le présent article constitue une application classique du mécanisme d'évolution du barème de l'impôt sur le revenu. L'augmentation du coût de la revalorisation est parallèle à celle de la progression du rendement de l'impôt sur le revenu net, qui découle de la dynamique des salaires et de l'inflation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Régime fiscal du plan d'épargne avenir climat

Le présent article définit le régime fiscal du plan d'épargne avenir climat (PEAC), créé dans le cadre de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte. Le PEAC est un plan d'épargne destiné aux mineurs, auquel sont principalement éligibles les titres financiers affectés à la transition écologique et au financement de la décarbonation des entreprises. Ses modalités de fonctionnement ont été largement définies par le Sénat, à l'initiative du rapporteur pour avis de la commission sur le projet de loi, Mme Christine Lavarde : son fonctionnement sera proche de celui du plan d'épargne retraite (PER), avec une gestion pilotée par horizon permettant une désensibilisation progressive au risque.

Les titulaires du PEAC bénéficieraient d'un régime fiscal favorable, avec une exonération d'impôt sur le revenu des gains de cession et des produits de placement, qui ne seraient pas non plus soumis aux prélèvements sociaux.

Par ailleurs, dans ce qui est présenté par le Gouvernement comme le pendant de la création du PEAC, le présent article prévoit qu'à compter du 1er janvier 2024, les versements volontaires ne seront plus possibles sur les PER détenus par des mineurs et que tout nouveau titulaire d'un PER devra être âgé d'au moins 18 ans. Or, loin d'être substituables, le PEAC et le PER répondent à des logiques différentes, qu'il s'agisse des horizons d'investissement, de la diversification des titres financiers éligibles et, surtout, de l'utilisation des fonds. Contrairement au PEAC, dont les sommes pourront être librement utilisées à l'issue de la période de blocage des fonds, tout déblocage anticipé d'un PER obéit à de strictes conditions, telles que l'affectation à l'acquisition de la résidence principale.

Mettre fin à la possibilité pour un mineur d'ouvrir un PER est non seulement contraire à la volonté du Gouvernement et du Parlement exprimée dans le cadre de la loi « Pacte » mais, surtout, remet en cause les droits acquis et escomptés par les détenteurs de PER, et en particulier par ceux qui auraient récemment ouvert ce plan pour leurs enfants. À aucun moment le Gouvernement n'avait fait part de cette intention lors de l'examen du projet de loi relatif à l'industrie verte.

La commission a donc adopté un amendement n° I-158 (FINC.1) pour supprimer les dispositions conduisant à interdire, au 1er janvier 2024, tout versement sur le PER d'un mineur ou toute souscription d'un PER par un mineur. Par ailleurs, elle a adopté un amendement n° I- 159 (FINC.2) visant à ce que soit remise au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2025, une évaluation par le Conseil consultatif du secteur financier (CCSF) des produits d'épargne disponibles pour les mineurs

La commission a également adopté un amendement rédactionnel n° I-160 (FINC.3).

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT, UN NOUVEAU PRODUIT D'ÉPARGNE RÉSERVÉ AUX MINEURS POUR LE FINANCEMENT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. LE PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT, UN PRODUIT CRÉÉ DANS LE CADRE DE LA LOI RELATIVE À L'INDUSTRIE VERTE

Le plan d'épargne avenir climat (PEAC) est un nouveau produit d'épargne, créé par l'article 34 de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte12(*). Ses modalités de fonctionnement ont été largement définies par le Sénat13(*), à l'initiative de Mme Christine Lavarde, rapporteur pour la commission des finances du titre III du projet de loi relatif au financement de l'industrie verte.

1. Un produit réservé aux mineurs et aux jeunes adultes

Aux termes du nouvel article L. 221-34-2 de la section 7 ter du chapitre Ier du titre II du livre II du code monétaire et financier (CMF), le PEAC est réservé aux personnes physiques âgées de moins de 21 ans et résidant en France à titre habituel. Une personne ne peut être titulaire que d'un seul PEAC, ouvert auprès d'un établissement de crédit, d'une entreprise d'investissement, d'une entreprise d'assurance, d'une mutuelle ou d'une institution de prévoyance.

Les rachats partiels effectués sur le PEAC n'entraîneront pas sa clôture, sous réserve que les deux conditions suivantes soient respectées : le titulaire a atteint l'âge de 18 ans et le plan a été ouvert depuis plus de cinq ans. Dès lors que ces deux conditions sont atteintes, le PEAC n'est pas clôturé mais les nouveaux versements sont impossibles. Si l'une de ces deux conditions n'est pas réunie, les rachats sont impossibles, sauf en cas d'invalidité du titulaire, de son décès ou de celui de ses parents.

Le PEAC est clôturé dès que le titulaire atteint l'âge de 30 ans

2. Un plan d'épargne, et non un livret règlementé

Alors que les modalités de fonctionnement du PEAC, telles qu'initialement définies à l'article 16 du projet de loi relatif à l'industrie verte, étaient particulièrement imprécises, avec une hésitation entre la forme du livret règlementé14(*) et du produit financier, le Sénat a conçu le PEAC comme un véritable plan d'épargne, sur le modèle du plan d'épargne retraite (PER). À l'initiative de la commission des finances, l'abondement de l'État a été supprimé, tout comme la centralisation d'une partie des fonds auprès d'un établissement public, qui devait être la Caisse des dépôts et des consignations.

Ainsi, comme pour le PER, le PEAC peut donner lieu à l'ouverture d'un compte de titres et d'un compte en espèces associés ou d'un contrat de capitalisation s'il est ouvert auprès d'une assurance, avec la souscription de droits exprimés en unités de compte dans ce cas. Il s'agit donc d'un produit financier, constitué principalement d'actions, et dont les droits individuels en cours de constitution peuvent être transférés vers un autre PEAC, sans modification des conditions de rachat ou de liquidation. Les frais de transferts seront plafonnés par un décret du ministre chargé de l'économie.

Le plafond des versements, défini par arrêté du ministre chargé de l'économie, serait identique à celui du livret A, à savoir 22 950 euros15(*).

3. Un produit en gestion par horizon et destiné au financement de la transition écologique

À l'instar de ce qui est prévu pour le PER, les versements dans un PEAC devront permettre, sauf décision contraire et expresse du titulaire, de réduire progressivement les risques financiers pour le titulaire, au fur et à mesure que s'approche l'âge de déblocage des fonds. Il s'agit d'une gestion pilotée dite à horizon.

L'article L. 221-34-3 du CMF dispose que les versements dans un PEAC seront affectés à l'acquisition de titres financiers qui contribuent au financement de la transition écologique et d'instruments financiers bénéficiant d'un faible niveau d'exposition aux risques, dans la logique précédente de désensibilisation progressive au risque. S'ils ne s'y résumeront pas, les instruments financiers éligibles pourront inclure les titres labellisés « investissement socialement responsable » ou « Greenfin » ainsi que des obligations vertes.

Labels ISR et Greenfin16(*)

Le label ISR (investissement socialement responsable) permet d'identifier les placements responsables et durables. Créé par le ministère des finances, il doit garantir aux investisseurs que le fonds a développé une méthodologie d'évaluation des acteurs financiers sur la base des critères ESG (environnementaux, sociaux et gouvernance) et qu'il les intègre dans sa politique d'investissement.

Le label Greefin (ou « France finance verte » depuis le mois de septembre 2022) entend garantir la qualité « verte » des placements financiers, en raison de leurs pratiques transparences et durables. Créé par le ministère chargé de l'environnement, il est orienté vers le financement de la transition énergétique et écologique et exclu les fonds qui investissent dans des entreprises opérant dans le secteur du nucléaire et des énergies fossiles.

Source : Autorité des marchés financiers, « Glossaire de la finance durable », 12 mai 2021

4. Pour le plan d'épargne avenir climat, l'application, en l'état, du régime fiscal de droit commun pour les produits financiers

Au regard de ses caractéristiques, le PEAC serait soumis aux dispositions de droit commun s'agissant de l'imposition des revenus de capitaux mobiliers et des gains nets tirés des cessions de titres, à savoir :

- pour les revenus de capitaux mobiliers, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, dont 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux (article 200 A du code général des impôts (CGI)). Le titulaire peut néanmoins opter pour l'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu. À noter, les revenus et intérêts de certains comptes sur livret (livret A, livret jeune, livret d'épargne populaire, plan d'épargne logement) sont exonérés du PFU ;

- pour les plus-values de cessions mobilières, qui peuvent correspondre aux rachats ou retraits sur un plan, l'intégration au revenu imposable (article 150-0-A du CGI), avec l'application d'un taux forfaitaire de 12,8 % auxquels s'ajoutent les prélèvements sociaux, au taux de 17,2 %. Le titulaire peut également choisir d'opter pour le barème progressif. Là encore, il convient de noter que des exonérations ont pu être prévues, s'agissant par exemple des titres détenus dans un plan d'épargne en actions (PEA) en cas de retrait après cinq ans ou de la cession de titres détenus dans un plan d'épargne retraite (PER).

B.LE PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT, UN INSTRUMENT FINANCIER QUI S'AJOUTE AUX LIVRETS ET PRODUITS D'ÉPARGNE AUX RÉGIMES FISCAUX FAVORABLES ET OUVERTS À LA SOUSCRIPTION DES MINEURS

L'épargne des mineurs représentait environ 40 milliards d'euros en 2021, dont la majorité placée sur des produits liquides et réglementés (livret A, livret jeune et plan épargne logement [PEL])17(*). Plus de la moitié des mineurs dispose ainsi d'un produit d'épargne, 40 % disposant d'un livret A, 15 % d'un livret jeune, 5 % d'un PEL et 5 % d'une assurance vie.

1. La possibilité, pour les mineurs, de détenir des livrets d'épargne règlementée

a) Le livret jeune, un produit créé en 1996 et destiné aux mineurs et jeunes adultes

Créé par la loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier18(*), le livret jeune est réservé aux personnes physiques âgées de 12 à 25 ans et résidant à titre habituel en France (article L. 221-24 du CMF).

Une même personne ne peut être titulaire que d'un livret jeune, dont le plafond est fixé par décret à 1 600 euros (article D. 221-85 du CMF), hors capitalisation des intérêts. Le taux ne peut être inférieur à celui du livret A, les établissements bancaires pouvant proposer un taux supérieur. Aux termes de l'article 157 du code général des impôts, les intérêts n'entrent pas dans le calcul du revenu net imposable de son titulaire.

Les encours du livret jeune s'élevaient à 5 milliards d'euros en 2022, après une décollecte annuelle nette de 400 millions d'euros19(*). Ils représentaient 0,1 % des placements financiers des ménages résidant en France au 31 décembre 2022.

b) Le livret A, produit d'épargne règlementée le plus distribué, y compris parmi les mineurs

Le livret A est un produit d'épargne règlementée, proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s'engage à cet effet par convention avec l'État (article L. 221-1 du CMF). Une personne physique ne peut être titulaire que d'un seul livret A. Aux termes de l'article L. 221-3 du CMF, « les mineurs sont admis à se faire ouvrir des livrets A sans l'intervention de leur représentant légal », même si les sommes placées ne peuvent pas être utilisées avant l'âge de 12 ans.

Le taux d'intérêt de ce livret d'épargne règlementée est fixé par un arrêté du ministre chargé de l'économie (article R. 221-4 du CMF) ; il s'élève aujourd'hui à 3 %. Le plafond est fixé à 22 950 euros pour les personnes physiques (article R. 221-2 du CMF). À l'instar du livret jeune, les intérêts n'entrent pas dans le calcul du revenu net imposable de son titulaire (article 157 du CGI).

Les encours du livret A s'élevaient à 375 milliards d'euros en 2022, après une collecte annuelle nette de 31,9 milliards d'euros20(*). Ils représentaient 6,1 % des placements financiers des ménages résidant en France au 31 décembre 2022, pour 55,9 millions de livrets ouverts21(*). Selon les données de la Banque de France, les ouvertures de livret A par les mineurs et les étudiants ont représenté 34 % des ouvertures totales. 18 % des livrets A sont détenus par des personnes de moins de 18 ans, 27 % par les moins de 25 ans, pour respectivement 7 % et 12 % des encours, contre une part de 29 % dans la population totale22(*).

2. La possibilité, pour les mineurs ou les jeunes adultes, de souscrire ou d'être le bénéficiaire de produits financiers

a) L'assurance vie, un produit pouvant être souscrit au nom du mineur

La détention d'un contrat d'assurance vie est réservée aux personnes physiques ayant la capacité juridique de souscrire ce contrat. Un mineur ne peut donc le faire seul mais ses représentants légaux peuvent ouvrir ce produit à son nom. Ils sont également chargés d'assurer la gestion du contrat jusqu'aux 18 ans de l'enfant, en choisissant la composition du contrat, entre fonds euros, sécurisés, et unités de compte, plus risquées.

Lors de la liquidation du contrat, le titulaire peut bénéficier d'un taux réduit d'impôt sur le revenu de 7,5 % sur les produits attachés au contrat, à condition que ce dernier ait été souscrit depuis plus de huit ans (article 125-0-A du CGI), contre 12,8 % ou 15 % pour le taux de droit commun, selon les contrats.

b) Le plan d'épargne retraite, un produit pouvant être ouvert pour un mineur par son représentant légal

Aux termes de l'article L. 224-1 du CMF, le plan d'épargne retraite (PER) peut être ouvert par toute personne physique, sous la forme d'un compte-titres ou d'une assurance. Concrètement, cela signifie que les représentants légaux d'un mineur peuvent ouvrir un PER à son nom et y effectuer des versements.

Le PER fonctionne selon le principe de la gestion pilotée à horizon : la gestion est déléguée au gestionnaire du plan qui alloue les fonds en fonction du profil du titulaire et de façon à réduire progressivement la prise de risque au fur et à mesure que le titulaire approche de l'âge de son départ en retraite. La gestion pilotée est l'option de gestion « par défaut » du PER.

De fait, elle vise également à encourager l'investissement en titres d'entreprises, cotées ou non : la durée du placement, avec une épargne « bloquée », sauf circonstances très particulières23(*), permet d'une part de pouvoir investir sur le temps long et de diversifier davantage les actifs investis et, d'autre part, de faire prendre un peu plus de risque à l'épargnant lorsqu'il est encore loin de l'échéance de son plan. Cette prise de risque permet le plus souvent d'obtenir des rendements plus élevés, avec une « désensibilisation » au risque au fur et à mesure de la vie du produit.

À la fin du mois d'avril 2023, 4,1 millions de personnes disposaient d'un PER, sans possibilité de distinguer entre titulaires majeurs et mineurs. Les seules informations disponibles indiquent que 15,7 milliards d'euros ont été versés par 2 700 foyers fiscaux sur des PER ouverts au bénéfice de personnes à charge en 202024(*).

Le PER s'accompagne lui aussi d'un avantage fiscal : le titulaire imposable à l'impôt sur le revenu peut déduire de son revenu global les sommes versées sur son PER, dans la limite de 10 % de ses revenus professionnels ou de 10 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (article 163 quatervicies du CGI). Cette disposition s'apprécie à l'échelle du foyer fiscal et pour chacun de ses membres : le plafond sera alors, pour le mineur qui ne dispose pas de ressource, de 10 % le plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 4 114 euros.

Concrètement, les représentants légaux du mineur titulaire d'un PER peuvent déduire de leur revenu imposable les versements effectués sur le plan du mineur, en plus des versements effectués sur leur propre plan. C'est principalement pour cette raison qu'il a parfois été affirmé que l'ouverture d'un PER pour un mineur était utilisée pour contourner le plafond de déductibilité fiscale des versements des parents.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DÉFISCALISER LES GAINS ET LES PRODUITS DU PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT ET FERMER LES PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE À LA SOUSCRIPTION DES MINEURS

Le présent article vise à tirer les conséquences fiscales de la création du plan d'épargne avenir climat (PEAC) et de ses modalités de fonctionnement. Il crée un régime fiscal favorable, aligné à la fois sur celui prévu pour le plan d'épargne en actions et sur celui prévu pour les livrets règlementés.

A. UNE EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU SUR LES REVENUS ET GAINS PROCURÉS PAR LE PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT

Aux termes du A du III du présent article, le nouveau régime fiscal du PEAC s'appliquerait à compter de la date prévue au II de l'article 34 de la loi relative à l'industrie verte25(*), c'est-à-dire de la date d'entrée en vigueur du PEAC. Cette date devra être fixée par décret, au plus tard le 1er juillet 2024.

1. Une exonération des gains de cession des valeurs mobilières du PEAC proche de celle mise en place pour le plan d'épargne en actions

Le 1° du I du présent article complète tout d'abord le III de l'article 150-0 A du code général des impôts (CGI) afin d'exonérer d'impôt sur le revenu les gains nets réalisés dans le cadre d'un PEAC lors du retrait de titres ou de liquidités ou du rachat du plan. C'est ce qui est prévu pour le plan d'épargne en actions (PEA), à condition qu'il soit détenu depuis plus de cinq ans. Dans le cadre d'un PEAC , le gain net s'entendrait de « la différence entre, d'une part, le montant du retrait ou du rachat et, d'autre part, une fraction du montant total des versements effectués sur le plan depuis la date de son ouverture diminué du montant des versements correspondant aux retraits ou rachats effectués antérieurement ». La fraction serait quant à elle égale « au rapport entre le montant du retrait ou rachat effectué et la valeur liquidative totale du plan à la date du retrait ou du rachat ».

Concrètement, pour un PEAC sur lequel ont été versés 10 000 euros et dont le montant des produits s'élève à 2 000 euros, le gain net d'un rachat partiel de 3 000 euros serait de 500 euros26(*), dans l'hypothèse où aucun retrait ou rachat n'aurait été effectué antérieurement.

Le 2° du I du présent article procède aux coordinations nécessaires au sein de l'article 150-0 D du CGI, qui concerne la définition des gains nets de cession de valeurs mobilières après la clôture des plans d'épargne ainsi que les conditions d'imputation des moins-values.

Ainsi, pour le PEAC, en cas de cession de titres après la clôture de ce produit ou de retrait, le prix d'acquisition de ces titres serait réputé égal à leur valeur à la date de la clôture ou du retrait (a du 2° du I), conduisant de fait à l'absence de plus-values imposables.

Quant à l'imputation des moins-values, à l'instar de ce qui est prévu pour le PEA, les pertes constatées afférentes à des valeurs mobilières détenues dans un PEAC ne seront pas imputables sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année (b du 2° du I).

2. Une exonération des revenus des capitaux mobiliers du PEAC alignée sur celle prévue pour les produits des livrets règlementés

Le 3° du I du présent article modifie l'article 157 du CGI afin d'ajouter que les produits et plus-values de placements effectués dans un PEAC n'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global et sont donc exonérés d'impôt sur le revenu. La même disposition est prévue pour la rémunération des sommes déposées sur les livrets A, les livrets jeunes ainsi que pour les produits et plus-values procurés par les placements effectués sur un PEA, à la condition pour ce dernier qu'aucun retrait ne soit intervenu sur le plan pendant un délai de cinq ans à compter du premier versement27(*).

3. Des clauses d'encadrement conformes à celles prévues pour le plan d'épargne en actions

Le 4° du I du présent article modifie deux articles du CGI afin de prévenir le cumul de deux avantages fiscaux sur les mêmes titres financiers. Ainsi, les réductions d'impôt sur le revenu de 18 % au titre de la souscription au capital d'une entreprise en phase de développement et non cotée (article 199 terdecies-0 A du CGI) ou au capital d'une entreprise solidaire d'utilité sociale (article 199 terdecies-0 AB) ne seraient pas applicables aux titres détenus dans un PEAC. Les mêmes restrictions sont prévues pour les titres détenus dans un PEA ou dans un PER.

En parallèle, s'agissant de l'exonération de taxe foncière sur la résidence principale des contribuables les moins aisés, le 5° du I du présent article complète le d du 1° du VI de l'article 1417 du CGI afin de prévoir que, pour l'appréciation du seuil de revenus permettant de bénéficier de l'exonération, les gains nets réalisés dans le cadre d'un PEAC sont réintégrés aux revenus des contribuables (gains désormais visés à l'article 150-0 A du CGI tel que modifié par le présent article). La détermination du revenu fiscal de référence tient en effet compte des revenus de capitaux mobiliers, des produits et des plus-values de cession soumis à un prélèvement obligatoire, même si ces gains sont par ailleurs exonérés totalement ou partiellement d'impôt sur le revenu.

B. LA FIN, POUR LES MINEURS, DE LA POSSIBILITÉ D'ÊTRE TITULAIRE D'UN PLAN D'ÉPARGNE RETRAITE

Les dispositions du II du présent article ne concernent pas le régime fiscal du PEAC mais les modalités de détention d'un plan d'épargne retraite (PER). Elles ont pour effet de mettre fin à la possibilité, pour les mineurs, de disposer d'un PER. 

D'une part, les PER dont le titulaire est âgé de moins de 18 ans ne pourraient plus recevoir de versements volontaires du titulaire (article L. 224-2 du CMF, tel que modifié par le 1° du II). Pour les PER existants, cela signifie qu'ils ne pourraient plus accepter de versements mais que les titulaires ne seraient pas obligés de les clôturer, au risque de perdre les avantages qui y sont attachés, en termes fiscaux comme de gestion de l'épargne.

D'autre part, pour tout nouveau PER, les titulaires devraient être âgés d'au moins 18 ans à la date de l'ouverture du plan (article L. 224-28 du CMF, tel que modifié par le 2° du II). Aucun représentant légal ne pourrait donc ouvrir de PER pour le mineur dont il a la charge.

Aux termes du B du III du présent article, ces dispositions entreraient en vigueur dès le 1er janvier 2024.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement rédactionnel déposé par le rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, a été retenu.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA COMMERCIALISATION DU PLAN D'ÉPARGNE AVENIR CLIMAT ET LA DÉFINITION DE SON RÉGIME FISCAL NE JUSTIFIENT PAS LA SUPPRESSION DE LA POSSIBILITÉ POUR LES MINEURS D'ÊTRE TITULAIRES D'UN PLAN D'ÉPARGNE RETRAITE

Sur la forme, la commission des finances relève avec un certain étonnement que le présent article, inséré dans le projet de loi de finances pour 2024 dès sa présentation en Conseil des ministres, anticipait l'examen par le Parlement de l'article 16 du projet de loi relatif à l'industrie verte, à l'origine du plan d'épargne avenir climat. Il est assez peu courtois d'avoir ainsi anticipé les résultats de la commission mixte paritaire (CMP), d'autant que le Gouvernement disposait toujours de la possibilité d'introduire ce dispositif par la voie d'un amendement portant article additionnel - l'évaluation préalable étant très limitée et n'apportant quasiment aucun élément chiffré sur les modifications proposées par le présent article.

A. UNE HARMONISATION FISCALE SOUTENUE PAR LE SÉNAT DÈS L'EXAMEN DU PROJET DE LOI RELATIF À L'INDUSTRIE VERTE

À l'initiative de son rapporteur Christine Lavarde, la commission des finances avait soutenu la création du plan d'épargne avenir climat (PEAC), sans toutefois que ne soient émises certaines réserves.

Le PEAC, tel que largement réécrit par le Sénat, doit permettre d'accompagner et de financer la transition écologique tout en permettant aux mineurs de se constituer un capital en vue de leur entrée dans la vie active. Le choix d'un produit financier est plus adapté au profil du mineur, à savoir un profil de long terme, avec la possibilité de bloquer plus facilement les sommes versées sur le plan - la constitution d'une épargne pour les mineurs n'étant généralement pas soumise à des contraintes de liquidité ou de mise à disposition immédiate des fonds.

Concrètement, des actifs plus risqués, mais généralement plus rémunérateurs, seront choisis en début de « vie » du produit tandis que, au fur et à mesure que l'âge de déblocage des fonds se rapproche, des actifs moins rémunérateurs mais plus sécurisés seront privilégiés.

La commission des finances avait conclu de ses travaux sur le plan d'épargne avenir climat qu'il ne constituerait probablement pas un produit d'épargne « grand public » comme le livret A mais qu'il serait d'abord utilisé, dans un premier temps, par les ménages les plus avertis et disposant d'une épargne disponible suffisante pour investir pour eux et pour leurs mineurs, en plus de détenir des produits sécurisés. Ceux disposant d'une plus faible capacité d'épargne privilégieront sans doute d'abord des produits dont le capital est garanti, avec un taux d'intérêt fixe, comme le livret A et le livret jeune.

C'est pour cette raison que, à l'initiative de la commission des finances, le Sénat avait supprimé l'abondement par l'État pour toute ouverture d'un PEAC, dispositif qui soulevait en outre des questions opérationnelles. Elle avait privilégié une exonération d'impôt sur le revenu sur les produits des versements effectués sur le PEAC, à l'instar de celle qui est prévue par le présent article. Ce régime fiscal favorable, similaire à celui des livrets A et jeune, devait venir contrebalancer le risque attaché au produit et bénéficier directement au titulaire du plan, à sa liquidation, au moment de son entrée dans les études ou dans la vie active.

B. UNE HARMONISATION FISCALE DONT LE COÛT NE PEUT PAS ÊTRE ÉVALUÉ MAIS QUI DEVRAIT ÊTRE LIMITÉ

La définition du régime fiscal du PEAC s'inspire très largement de celui prévu pour les plans d'épargne en actions ainsi que pour les livrets règlementés. Les gains nets comme les revenus des capitaux mobiliers seraient exonérés d'impôt sur le revenu et ne seraient pas non plus soumis aux prélèvements sociaux.

Aucune estimation du coût de ce régime social et fiscal favorable n'a été transmise dans l'évaluation préalable du présent article. Les estimations sont logiquement difficiles, s'agissant d'un produit qui n'a encore été ni créé, ni commercialisé. La commission relève toutefois que le Gouvernement s'était montré moins prudent dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'industrie verte, en estimant que la perte de recettes due à l'exonération des prélèvements obligatoires serait de l'ordre de 10 millions d'euros à 17 millions d'euros, pour un montant de versements annuels allant de 682 millions d'euros à 1,14 milliard d'euros28(*).

Ces estimations présentent néanmoins quelques faiblesses puisqu'elles ont été calculées selon la double hypothèse qu'il y aurait un abondement de l'État au moment de l'ouverture de chaque PEAC et qu'il y aurait 677 000 ouvertures de plans par an, ce qui semble assez peu réaliste à court terme. Ce ne sera déjà pas le cas en 2024, au regard du temps nécessaire aux établissements financiers et aux entreprises d'assurance pour créer ce produit.

La rapporteur du titre III du projet de loi relatif à l'industrie verte, Mme Christine Lavarde, avait ainsi estimé que les annonces du Gouvernement étaient trop optimistes, et ce du fait de trois facteurs.

D'abord, le PEAC ne sera pas un « produit grand public » mais s'adressera aux ménages disposant d'un certain niveau d'éducation financière et d'une épargne disponible suffisante pour pouvoir diversifier leurs placements.

Par ailleurs, le livret jeune, créé spécifiquement pour les mineurs et les jeunes adultes, n'a pas rencontré le succès escompté, puisque seulement 15 % des mineurs étaient titulaires d'un livret jeune en 2021, pour un taux de rendement similaire à celui du livret A.

Enfin, il est sans doute présomptueux de considérer que 2,5 % de l'épargne liquide des mineurs, estimée à 40 milliards d'euros, sera réalloué vers ce produit. Une telle estimation présume à la fois des préférences « vertes » des mineurs et de leurs représentants légaux ainsi que de l'appétence au risque des ménages, s'agissant d'un produit plus risqué.

Il n'en demeure pas moins que le PEAC est un produit propre à permettre la diversification de l'épargne des mineurs, à leur offrir un rendement supplémentaire tout en soutenant la transition des entreprises et leurs stratégies de décarbonation et à encourager leur éducation financière. Ce produit doit donc être soutenu, même s'il convient d'être prudent sur son déploiement à moyen terme.

C. LA FERMETURE DE LA SOUSCRIPTION DES PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE PAR LES MINEURS, UNE MESURE INJUSTIFIÉE

La commission ne partage pas la ligne du Gouvernement, selon laquelle le PEAC devrait mécaniquement entraîner la fermeture du PER pour les mineurs. Considérer la fermeture de l'un comme la contrepartie de l'ouverture de l'autre, c'est se méprendre sur la nature et les objectifs de ces produits d'épargne, qui ne sont pas substituables mais complémentaires. De fait, il est loin d'être garanti, comme le Gouvernement le laisse entendre, que les ménages vont basculer du PER vers le PEAC pour leurs enfants.

D'abord, la position adoptée par le Gouvernement ne tient pas compte des préférences des ménages qui épargnent pour leurs enfants. Le PER, contrairement au PEAC, ne peut pas être débloqué à la majorité du titulaire et cinq ans au moins après son ouverture, c'est donc un objectif de placement de très long terme auquel ne répond pas nécessairement le PEAC. Le risque de « dilapidation des fonds » est ainsi bien plus élevé dans le cadre du PEAC, qui sera forcément clôturé aux 30 ans du titulaire et qui pourra accepter des rachats bien avant, pour n'importe quel type d'usage.

Or, certains parents peuvent souhaiter une plus grande maîtrise de l'utilisation des fonds transmis à leurs enfants. Un PER ne peut être débloqué de manière anticipée, avant l'âge de la retraite, qu'en cas d'invalidité, de décès de l'époux ou du partenaire de pacs, d'expiration des droits aux allocations chômage, de surendettement, de cessation d'activité non salariée à la suite d'un jugement de liquidation judiciaire et d'acquisition de la résidence principale. Ce dernier cas est absolument primordial, en particulier dans le contexte actuel de tensions sur le logement. Le PER est un outil permettant aux parents de pouvoir éventuellement contribuer à l'achat de leur premier logement par leurs enfants et apparaît donc bien davantage comme un instrument de transmission que le PEAC.

Sur un plan financier, la perspective d'un investissement de plus long terme du PER peut également permettre d'escompter des rendements plus élevés, avec une prise de risque plus forte en début de vie du produit. Toutefois, contrairement au PEAC, le PER ne permet pas de consacrer la quasi-totalité des fonds à la transition écologique et à la décarbonation des entreprises, même s'il doit désormais, depuis la loi relative à l'industrie verte et à l'initiative du Sénat, mieux intégrer les préférences des souscripteurs en matière de durabilité.

Ensuite, le présent article, en rendant impossible tous les versements sur les PER des mineurs après le 1er janvier 2024, peut remettre en cause les stratégies d'épargne des ménages et les avantages qu'ils en escomptaient, notamment pour ceux qui ont souscrit à un PER pour leurs enfants avant le mois de septembre 2023, et donc avant l'annonce de cette mesure par le Gouvernement. C'est d'autant plus le cas que le PEAC ne sera pas commercialisé dès le 1er janvier 2024, les acteurs de marché considérant qu'il faudra bien au moins six mois pour disposer d'une offre diversifiée et concurrentielle pour ce nouveau produit. Par ailleurs, faut-il également le rappeler, les règles relatives au fonctionnement du PER, et donc à l'âge de ses titulaires, ont été définies récemment, dans le cadre de la loi « Pacte »29(*). Il semble prématuré de les remettre en cause si tôt, et en l'absence de toute évaluation.

Enfin, si le Gouvernement a annoncé qu'il serait possible de transférer un PER vers un PEAC, aucune autre précision n'a été apportée sur ces modalités de transfert, qui soulèveraient d'importantes difficultés opérationnelles s'agissant de deux produits différents, avec une composition de titres financiers et des horizons différents. De nouveau, le PEAC et le PER, s'ils sont proches dans leurs modalités de gestion, ne sont pas substituables. Le Gouvernement devra également résoudre le problème du régime fiscal, sans qu'aucune information n'ait été donnée sur ce point jusqu'ici, la question étant de savoir si les produits du PEAC pourront bénéficier du régime fiscal favorable de droit commun de ce plan alors même qu'une partie des versements, effectués dans ce qui était alors un PER, ont bénéficié de la déductibilité du revenu imposable, créant de fait un double régime de faveur.

Il ne peut en outre pas s'agir d'une mesure de rationalisation budgétaire. Si le gain fiscal lié à l'impossibilité pour un mineur d'être titulaire d'un PER après le 1er janvier 2024 ou de recevoir des versements sur son plan s'il a été ouvert avant cette date se heurte à des difficultés de chiffrage, le Gouvernement estime que la possibilité pour les représentants légaux de déduire du revenu imposable du foyer fiscal les versements effectués sur le PER d'une personne à charge - qui n'est donc pas forcément mineure - représente une perte de recettes de l'ordre de 3,5 millions d'euros par an30(*). Non seulement cette perte est limitée, mais l'estimation n'est pas fiable, s'agissant d'un ordre de grandeur calculé à partir du taux marginal d'imposition de la population déclarant des cotisations versées sur les nouveaux PER et de la masse des cotisations des PER des personnes à charge.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la commission a considéré que fermer l'accès des mineurs aux PER n'était ni souhaitable ni justifié et a donc adopté un amendement n° I-158 (FINC.1) visant à supprimer ces dispositions.

Il est vrai toutefois que le PEAC ajoute un nouveau produit d'épargne pour les mineurs dans un paysage marqué par une abondance de produits et une préférence pour les supports très liquides et sécurisés, tels que le livret A. Pourtant, il n'existe pas de données précises et exhaustives sur la détention de ces produits par les mineurs et les jeunes adultes.

Il conviendrait dès lors de procéder à une évaluation de l'ensemble des produits d'épargne disponibles pour les mineurs, qui permettrait d'en connaître les usages (épargne de précaution, financement des études, entrée dans la vie active, achat du premier logement) ainsi que la performance et les frais. Ce dernier point sera primordial dans le cadre du PEAC, s'agissant d'un produit nouveau, pour lequel le Gouvernement avait refusé l'idée d'un plafonnement des frais par décret lors de l'examen au Sénat de l'article 16 du projet de loi relatif à l'industrie verte.

Or, comme l'avait démontré une étude31(*) du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur le plan d'épargne retraite (PER), commandée moins de deux ans après le début de la commercialisation de ce produit, les frais peuvent être rapidement très élevés et grignoter la plus grande majorité de la performance du produit. En l'occurrence, le CCSF avait constaté que « les frais des PER individuels assurance [...] sont nombreux, quels que soient les acteurs et les contrats considérés et cette accumulation de frais pèse sur le rendement des contrats ».

Une telle évaluation, confiée au CCSF, permettrait de mieux connaître le paysage de l'épargne des mineurs et, le cas échéant, de procéder à une rationalisation des produits disponibles ou à leur adaptation. La commission des finances a adopté en ce sens l'amendement n° I-159 (FINC.2), avec une date de remise du rapport au Parlement fixée au plus tard au 31 décembre 2025. Le PEAC ne serait en effet pas commercialisé avant l'été 2024 et il convient de laisser un délai suffisant pour son déploiement et son développement, afin de pouvoir en mesurer pleinement les effets.

La commission des finances a également adopté un amendement rédactionnel n° I-160 (FINC.3).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 bis (nouveau)

Exonération fiscale des indemnités journalières versées
aux travailleurs non-salariés agricoles

Le présent article prévoit d'aligner le traitement fiscal des indemnités journalières versées aux travailleurs non-salariés agricoles sur celui des salariés, dès lors qu'ils sont imposés au régime réel.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE INÉGALITÉ DE TRAITEMENT FISCAL PEU JUSTIFIABLE ENTRE LES TRAVAILLEURS NON-SALARIÉS AGRICOLES ET LES AUTRES

Conformément à l'article 13 du code général des impôts, les revenus dits « de remplacement » sont, par principe, pris en compte dans la détermination du bénéfice ou du revenu imposables. Ces revenus de remplacement, versés par des régimes assurantiels, visent à compenser la perte de rémunération pendant une période d'inactivité partielle ou totale (invalidité, maladie, maternité, dispositif de pré-retraite, retraite, réduction temporaire d'activité).

Ils font toutefois l'objet de dispositions spécifiques, en particulier, les travailleurs salariés bénéficient d'une exonération partielle des indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et par la mutualité sociale agricole, à raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, à hauteur de 50 % de leur montant.

La loi du 30 novembre 2001 portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles31(*) avait instauré le principe d'une obligation de couverture assurantielle, pour les maladies professionnelles et les accidents du travail, des travailleurs non-salariés agricoles. En effet, ces derniers faisaient jusqu'alors l'objet d'un niveau de couverture jugé largement insuffisant. Cette évolution législative a contribué à un rattrapage partiel de leur situation.

Toutefois, les évolutions ultérieures du régime salarié (agricole ou non) ont, de nouveau, accru le fossé entre les droits ouverts aux travailleurs salariés et les droits ouverts aux travailleurs non-salariés agricoles.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : RÉTABLIR D'AVANTAGE D'ÉQUITÉ FISCALE ENTRE LES TRAVAILLEURS NON-SALARIÉS AGRICOLES ET LES AUTRES

Le dispositif retenu par le Gouvernement dans la version du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, conformément au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, reprend un amendement de M. Nicolas Turquois et plusieurs de ses collègues.

L'article 3 bis du présent projet de loi de finances insère au sein du B du 3 du IV de la 1ère sous-section de la section 2 du chapitre 1er du titre Ier de la première partie du Livre premier du code général des impôts un nouvel article 72 bis A visant à aligner le traitement fiscal des indemnités journalières versées au titre d'un régime d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles aux travailleurs non-salariés agricoles victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, et soumis à un régime réel d'imposition, sur celui des salariés, en exonérant lesdites indemnités journalières à hauteur de 50 % de leur montant.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER L'ARTICLE 3 BIS SANS MODIFICATION

Bien que l'objet de l'amendement duquel il s'inspire ne soit assorti d'aucune donnée chiffrée, et que ni l'impact sur le montant des polices d'assurance, ni celui sur l'état des finances publiques ne soit d'avantage évalué, cet article, s'il était définitivement adopté, mettrait fin à une différence de traitement fiscal entre contribuables relevant d'un régime d'assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 ter (nouveau)

Extension du bénéfice du forfait forestier

Le présent article prévoit d'inclure les recettes issues du label « Bas-Carbone » au bénéfice du forfait forestier mentionné à l'article 76 du code général des impôts.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE FISCALISATION PARADOXALE DES ENTREPRISES VERTUEUSES

Conformément à l'article L. 121-2 du code forestier, « [l]a politique forestière privilégie les mesures incitatives et contractuelles, notamment à l'égard des propriétaires organisés en groupement. Elle favorise la recherche de contreparties pour les services rendus en matière environnementale et sociale par les bois et forêts qui présentent une garantie de gestion durable ».

Modifié par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets32(*), l'article L. 121-2 précité prévoit, depuis 2021, que ces projets sont désormais favorisés par l'attribution potentielle de « crédits carbone »33(*). S'inspirant du « droit à polluer », peu à peu apparu sur la scène internationale, qui vise à limiter les émissions de gaz à effet de serre en attribuant aux entreprises des quotas qu'elles peuvent négocier entre elles au niveau mondial, les crédits carbone trouvent leur déclinaison dans un label « Bas-Carbone » qui cherche à favoriser l'émergence de projets contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serres sur le territoire français.

Les réductions d'émissions sont calculées comme la différence entre la quantité de carbone captée dans le cadre d'un scénario avec mise en oeuvre des pratiques décrites dans un projet donné et la quantité de carbone captée dans un scénario de référence, c'est-à-dire en l'absence de projet. La quantité de carbone additionnelle captée, séquestrée et ainsi évaluée peut donner lieu au versement de sommes de la part d'acteurs désireux de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. Fiscalement, les sommes perçues constituent un « bénéfice agricole », de facto imposable.

Le premier alinéa du 1 de l'article 76 du code général des impôts prévoit, en ce qui concerne les bois, oseraies, aulnaies et saussaies situés en France, que « le bénéfice agricole imposable provenant des coupes de bois est fixé à une somme égale au revenu ayant servi de base à la taxe foncière établie sur ces propriétés au titre de l'année de l'imposition », c'est-à-dire à un revenu cadastral forfaitaire évalué à partir de la production estimée de chaque type de peuplement. On qualifie cette modalité particulière de détermination du bénéfice agricole pour les exploitations forestières de « forfait forestier ». Ce forfait forestier a donc pour objet principal de lisser dans le temps les impositions issues de coupe de bois.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : ÉTENDRE LE BÉNÉFICE DU FORFAIT FORESTIER

Le dispositif retenu par le Gouvernement dans la version du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité conformément au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, reprend un amendement de Mme Danielle Brulebois et plusieurs de ses collègues.

L'article 3 ter du présent projet de loi de finances étend le bénéfice du forfait forestier aux sommes perçues en contrepartie de la captation de carbone réalisée dans le cadre de projets forestiers labellisés « Bas-Carbone ».

Afin d'encourager particulièrement ces deux modalités de contribution aux projets forestiers, le présent article 3 ter vise spécifiquement les projets conduits selon la méthode « Boisement » et la méthode « Reconstitution de peuplements forestiers dégradés ».

Pour rappel, ces deux méthodes, promues par le Centre national de la propriété forestière (CNPF), organe chargé de promouvoir la gestion durable des forêts privées, ont respectivement pour objet de :

- comptabiliser les réductions d'émissions résultant du boisement de terrains qui n'étaient pas boisés durant les 10 années précédentes ;

- certifier les réductions d'émissions issues d'un projet de reboisement anthropique de forêts ayant subi des dégâts lourds, comme un incendie, une tempête ou une crise sanitaire.

Le dispositif d'extension du forfait forestier est ainsi circonscrit à deux des trois méthodes forestières labellisées « bas carbone » par le CNPF, la troisième méthode actuellement labellisée, dite de balivage (ou conversion de taillis en futaie sur souches) n'étant pas réellement susceptible de concerner un type de bois à la découpe générant un bénéficie agricole imposable et n'entrant donc potentiellement pas dans le champ du forfait forestier.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER L'ARTCLE 3 TER SANS MODIFICATION

Bien que l'objet de l'amendement duquel il s'inspire ne soit assorti d'aucune donnée chiffrée, cet article, s'il était définitivement adopté, irait dans le sens d'une fiscalité forestière tenant d'avantage compte de critères environnementaux.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 quater (nouveau)

Augmentation du plafond d'exonération
de la prime carburant et de la prime de transport

Le présent article prévoit une majoration pérenne de 100 euros, à compter de 2025, des plafonds d'exonérations fiscale relatifs au forfait mobilités durables et à la « prime transport », y compris pour cette dernière dans sa composante aide aux carburants dite « prime carburant », ainsi qu'aux avantages résultant des bénéfices cumulés du forfait mobilités durables et de la prise en charge partielle par l'employeur des abonnements de transports.

Cet article, et notamment son entrée en vigueur au moment de l'imposition des revenus 2025, doit être analysé en regard des dispositions de l'article 3 quatervicies qui prolonge d'une année, jusqu'en 2024, les relèvements temporaires de ces différents plafonds qui avaient été adoptés par le Parlement dans le cadre de l'article 2 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES DISPOSITIFS SONT PRÉVUS POUR QUE L'EMPLOYEUR PRENNE EN CHARGE UNE PARTIE DES FRAIS DE MOBILITÉ DE SES SALARIÉS

Trois dispositifs autorisent ou obligent aujourd'hui un employeur à prendre en charge tout ou partie des frais de transport assumés par ses salariés pour se rendre sur leur lieu de travail.

Un premier dispositif oblige l'employeur à prendre en charge au moins 50 % « du prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos »34(*). Ce mécanisme est prévu par l'article L. 3261-2 du code du travail.

Un second dispositif, dit « prime transport », prévu à l'article L. 3261-3 du code du travail, permet à l'employeur, sur la base du volontariat cette fois-ci, de prendre en charge « tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l'alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés »35(*). Au sein de cette « prime transport », la composante constituée par la prise en charge par l'employeur des frais de carburants est parfois qualifiée de « prime carburant ».

Enfin, un troisième dispositif, dit « forfait mobilités durables », créé par l'article 82 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et prévu par l'article L. 3261-3- 1 du code du travail, permet à l'employeur, là encore sur la base du volontariat, de prendre en charge « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou leur engin de déplacement personnel motorisé ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage, ou en transports publics de personnes à l'exception des frais d'abonnement mentionnés à l'article L. 3261-2, ou à l'aide d'autres services de mobilité partagée définis par décret »36(*).

B. CES DISPOSITIFS BÉNÉFICIENT D'EXONÉRATIONS FISCALES ET SOCIALES

Ces dispositifs font l'objet d'un traitement dérogatoire sur les plans fiscal et social dans la limite de certains plafonds. Ainsi, pour les salariés, le bénéfice de ces dispositifs donne lieu, dans certaines limites, à une exonération d'impôt sur le revenu prévue par le 19° ter de l'article 81 du code général des impôts.

Le 19° ter a prévoit ainsi que le bénéfice de l'obligation faite à l'employeur de prendre en charge 50 % d'un abonnement de transport en commun ou de location de vélos (article L. 3261-2 du code du travail) fait l'objet d'une exonération d'impôt sur le revenu pour le salarié concerné.

Le premier alinéa du 19° ter b dispose que l'avantage résultant des deux autres dispositifs, à savoir la « prime transport » et le « forfait mobilités durables », ouvre droit à une exonération d'impôt sur le revenu jusqu'à un plafond global de 500 euros avec un sous-plafond de 200 euros s'agissant de la prise en charge des frais de carburant, c'est-à-dire pour la composante communément qualifiée de « prime carburant ».

La deuxième phrase de ce même alinéa prévoit quant à elle que lorsque les avantages du bénéfice de l'obligation faite à l'employeur de prendre en charge partiellement l'abonnement de transport se cumulent avec ceux issus de la prise en charge des frais de transport personnels engagés par les salariés, l'exonération fiscale est plafonnée à 500 euros.

Le deuxième alinéa du 19° ter b prévoit quant à lui qu'en cas de cumul du « forfait mobilités durables » avec la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos, l'avantage global résultant de ces deux dispositifs ouvrant droit à une exonération d'impôt sur le revenu est plafonné à 800 euros. Ce plafond, auparavant de 500 euros, a été relevé à deux reprises depuis 2021 :

- une première fois de 100 euros à compter du 25 août 2021 par l'article 128 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;

- une seconde fois de 200 euros supplémentaires par l'article 3 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

Le tome II de l'annexe au projet de loi de finances pour 2024 « Voies et moyens » ne permet pas d'évaluer le montant des exonérations fiscales d'impôt sur le revenu qui résultent de chacun des dispositifs. Néanmoins, la dépense fiscale n° 120113, dont le périmètre est étendu à « l'exonération partielle de la prise en charge par l'employeur, une collectivité territoriale ou Pôle emploi, des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail », a été estimée à 155 millions d'euros en 2022 et devrait atteindre 170 millions d'euros en 2023.

Conformément aux dispositions des articles L. 136-1- 1 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, les bénéfices de ces dispositifs sont exclus du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dans les mêmes conditions que celles prévues au 19° ter de l'article 81 du code général des impôts.

Il est à noter que l'exonération de cotisations et de contributions sociales sur l'avantage qui résulte de la « prime transport » n'est pas compensée aux organismes de sécurité sociale en vertu de la dérogation expresse qui figure à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l'annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 portant sur la présentation des mesures d'exonération de cotisations et contributions et de leur compensation ne propose aucune évaluation du montant des exonérations de cotisations et contributions sociales qui résultent de la « prime transport » et du « forfait mobilités durables ».

C. LA PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022 A TEMPORAIREMENT RELEVÉ LES PLAFONDS DE LA PRIME TRANSPORT

L'article 2 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a temporairement, pour l'imposition des revenus 2022 et 2023, relevé les plafonds d'exonération relatifs au « forfait mobilités durables » et à la « prime transport » dans ses composantes carburant et hors carburant.

Pour l'imposition des revenus 2022 et 2023, cet article a ainsi porté de 200 euros à 400 euros (et 600 euros dans les territoires ultra-marins) le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage résultant de la prise en charge par l'employeur des frais de carburant engagés par les salariés dans le cadre des dispositions de l'article L. 3261-3 du code du travail, c'est-à-dire le dispositif dit de « prime carburant ».

Toujours pour l'imposition des revenus 2022 et 2023, cet article a augmenté, en le portant de 500 euros à 700 euros (et 900 euros dans les territoires ultra-marins), le plafond global d'exonération d'impôt sur le revenu au titre des avantages résultant aussi bien de la « prime transport » que du « forfait mobilités durables ». Cette disposition a ainsi permis de majorer pour deux ans le plafond d'exonération applicable aux avantages résultant de chacun de ces dispositifs ainsi que de leur cumul.

Plafonds d'exonération fiscale relatifs aux dispositifs de prime transport, prime carburant et forfait mobilité durable

Dispositifs

Plafond d'exonération fiscale prévu par le code général des impôts (b du 19° ter de l'article 81)

Plafond d'exonération fiscal temporaire pour les années d'impositions 2022 et 2023 (article 2 première LFR pour 2022)

« Prime transport » et/ou forfait mobilité durable

500 euros

700 euros

« Prime carburant » (composante de la prime transport)

200 euros

400 euros

Source : commission des finances du Sénat

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par Mme Véronique Louwagie et certains de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagés sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

A. AUGMENTATION PÉRENNE DE 100 EUROS À COMPTER DE 2025 DES PLAFONDS D'EXONÉRATION FISCALE ASSOCIÉS AUX AVANTAGES RÉSULTANTS DU BÉNÉFICE DE LA « PRIME TRANSPORT », DU FORFAIT MOBILITÉ DURABLE ET DE LA PRIME CARBURANT

Le a du 1° du I du présent article modifie le premier aliéna du b du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts pour :

- d'une part augmenter de 500 euros à 600 euros le plafond d'exonération fiscale des avantages résultants du bénéfice de la « prime transport », du forfait mobilité durable ou de leur cumul ;

- d'autre part augmenter de 200 euros à 300 euros le plafond d'exonération fiscale des avantages résultants de la composante carburant de la « prime transport » (la « prime carburant »).

Le b du même 1° propose quant à lui de supprimer le plafonnement d'exonération fiscale (prévu aujourd'hui à 500 euros) applicable au cumul des avantages résultant de l'obligation faite à l'employeur de prendre en charge partiellement l'abonnement de transport et de ceux issus de la prise en charge par ce même employeur des frais de transport personnels engagés par les salariés.

B. AUGMENTATION PÉRENNE DE 100 EUROS À COMPTER DE 2025 DU PLAFOND D'EXONÉRATION FISCALE ASSOCIÉ AU CUMUL DES AVANTAGES RÉSULTANT DU BÉNÉFICE « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » ET DE LA PRISE EN CHARGE PARTIELLE DES ABONNEMENTS DE TRANSPORT PAR L'EMPLOYEUR

Le 2° du I du présent article propose de modifier le deuxième alinéa du b du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts afin de majorer de 800 euros à 900 euros le plafond d'exonération fiscale appliqué aux avantages résultant du cumul du forfait mobilités durables et de la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos.

C. DES MESURES QUI NE PRENDRONT EFFET QU'EN 2025 ALORS QU'EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 3 QUATERVICIES, LES NIVEAUX DE PLAFONDS TEMPORAIRES PRÉVUS POUR LES ANNÉES 2022 ET 2023 POURRAIENT ÊTRE PROROGÉS EN 2024

Le II de l'article prévoit que l'ensemble des dispositions proposées au présent article ne s'appliqueront qu'à compter de l'imposition des revenus de l'année 2025.

L'article 3 quatervicies du présent projet de loi de finances prévoit parallèlement quant à lui de proroger d'une année, au titre de l'imposition des revenus 2024, les relèvements de plafonds d'exonérations prévus temporairement pour les années 2022 et 2023 par l'article 2 de la première LFR pour 2022.

En tenant compte des dispositions prévues au présent article ainsi qu'à l'article quatervicies, le tableau ci-dessous présente l'évolution qui serait celle des différents plafonds d'exonération fiscale.

Une diminution de ces plafonds de 200 euros serait constatée en 2024 avant qu'ils ne soient revalorisés de 100 euros en 2025. L'entrée en vigueur différée en 2025 des mesures prévues par le présent article se traduirait ainsi par une perte de pouvoir d'achat en 2024 pour les salariés concernés.

Plafonds d'exonération fiscale relatifs aux dispositifs de prime transport,
prime carburant et forfait mobilité durable

Dispositifs

Plafond d'exonération fiscale appliqué en 2021

Plafond d'exonération fiscale appliqué en 2022 et 202337(*)

Plafond d'exonération fiscale appliqué en 2024 en application de l'article 3 quatervicies

Plafond d'exonération fiscale appliqué en 2025 en application de l'article 3 quater

Prime transport et/ou forfait mobilité durable

500 euros

700 euros

700 euros

600 euros

Prime carburant (composante de la prime transport)

200 euros

400 euros

400 euros

300 euros

Source : commission des finances du Sénat

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES MESURES NÉCESSAIRES POUR SOUTENIR LES SALARIÉS QUI VIVENT LOIN DE LEUR LIEU DE TRAVAIL

En octobre 2023, les prix des carburants se maintiennent à un niveau élevé, suite à une forte hausse constatée à partir du mois de juillet. D'après les données du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 20 octobre 2023, les prix à la pompe du gazole et du sans-plomb 95 se situaient en moyenne à respectivement 1,88 euros par litre et 1,85 euros par litre.

Évolution des prix des carburants routiers en moyenne mensuelle
(janvier 2021-septembre 2023)

(en euros par litre)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

L'augmentation des prix des carburants constatée depuis l'été 2023 s'explique par une hausse du prix du baril de Brent qui approche les 100 euros.

Prix du baril de Brent depuis 2017

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Cette augmentation s'explique aussi largement par la hausse substantielle, au cours de l'année 2023, des marges réalisées sur l'activité de raffinage. Après avoir dépassé les 120 euros par tonne (t) en septembre, contre 25 euros/t en avril, la marge brute s'est rétractée à 107 euros/t au mois d'octobre 2023.

Marge de raffinage depuis 2017

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Selon les données publiées par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 70 % des trajets domicile - travail sont effectués au moyen d'un véhicule individuel. Ainsi, de nombreux travailleurs, particulièrement dans les zones rurales ou périurbaines, qui ne disposent pas nécessairement de services de transports collectifs denses et réguliers, se trouvent fortement exposés à la hausse des prix des carburants.

Après les remises généralisées appliquées en 2022, une indemnité de 100 euros par bénéficiaire ciblée sur les travailleurs modestes qui utilisent leur véhicule individuel pour se rendre sur leur lieu de travail a été mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2023. Les modalités de l'aide ont été prévues dans un décret du 2 janvier 202338(*). Cette indemnité mise en oeuvre par les services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) a ainsi été réservée aux personnes utilisant un véhicule motorisé régulièrement assuré et appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 14 700 euros.

Lors de l'examen du PLF pour 2023 en deuxième lecture, une enveloppe de 700 millions d'euros avait été ouverte sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour financer cette nouvelle indemnité ciblée. Le coût total de la mesure était alors estimé à un milliard d'euros et il avait été envisagé que le solde de 300 millions d'euros soit couvert par des reports de crédits non consommés dans le cadre de la remise carburant généralisée appliquée en 2022. Le coût effectif de cette indemnité n'aura finalement été que de 433 millions d'euros en 2023 (pour 4,3 millions de bénéficiaires), soit 43 % du montant estimé à la fin de l'année 2022.

Le Gouvernement a annoncé vouloir reconduire à l'identique cette aide. À ce stade il prévoit que l'indemnité 2024 concernerait le même nombre de bénéficiaires pour le même coût budgétaire qu'en 2023. D'après les estimations réalisées par la DGEC basées sur des hypothèses de consommation et d'évolution des prix des carburants, cette indemnité représenterait en moyenne un soutien de l'ordre de 20 centimes par litre de carburant.

L'ajustement des paramètres de la « prime transport », par définition limitée aux seuls trajets domicile-travail, apparaît comme un levier intéressant à mobiliser afin de compléter ce dispositif ciblé.

Dans le contexte actuel de hausse des prix du carburant, il est nécessaire de prendre des mesures visant à accompagner nos concitoyens qui doivent utiliser leur véhicule individuel pour se rendre sur leur lieu de travail. Dans le même mouvement, et dans une perspective plus structurelle, il apparaît essentiel de renforcer nos ambitions en matière de transition écologique en consolidant les incitations visant à promouvoir des habitudes de mobilité plus vertueuses sur les plans environnemental et climatique. C'est la logique qui doit prévaloir à la hausse du plafond d'exonération fiscale en cas de cumul entre le forfait mobilités durables et la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos.

Comme pour beaucoup d'autres dépenses fiscales que le Gouvernement entend prolonger ou pérenniser, il apparaît cependant très regrettable qu'aucune évaluation sérieuse permettant d'évaluer le coût et l'efficacité de ces dispositifs n'ait été réalisée à ce jour par le Gouvernement.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 3 quinquies (nouveau)

Précision relative à l'imposition des plus-values de cession ou de retrait des obligations remboursables en actions non cotées

Le présent article apporte une clarification sur l'imposition à l'impôt sur le revenu des gains nets tirés d'obligations remboursables en actions non cotées, éligibles au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises (PEA-PME).

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ÉLIGIBILITÉ DES OBLIGATIONS REMBOURSABLES EN ACTIONS NON COTÉES AU PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS DESTINÉ AU FINANCEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Les obligations remboursables en actions (ORA) sont des obligations dont le remboursement ne peut se faire qu'en actions de la société39(*). Elles se transforment donc obligatoirement en capitaux propres, l'opération d'échange ayant lieu à l'échéance finale. Aux termes de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier (CMF), elles sont éligibles au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaires (PEA-PME), l'article 93 de la loi « Pacte »40(*) y ayant également rendu éligibles les ORA non cotées.

Le PEA-PME est défini à l'article 163 quinquies D du code général des impôts (CGI), par renvoi aux références du code monétaire et financier (CMF). Les produits (revenus de capitaux mobiliers) et les plus-values de cession sont soumis, sous conditions, au prélèvement forfaitaire unique (PFU) - 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux (article 200 A du CGI).

Le 2 du II de l'article 150-0 A du CGI définit les conditions dans lesquelles les gains nets retirés des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières, de droits sociaux ou de titres d'un PEA-PME sont soumis à l'impôt sur le revenu :

- le gain net est imposé à l'impôt sur le revenu en cas de retrait de titres ou de liquidités ou de rachat avant l'expiration de la cinquième année du PEA-PME. Des exceptions sont prévues, si les sommes retirées ou rachetées sont affectées dans les trois mois au financement de la création ou de la reprise d'une entreprise dont le titulaire41(*) du plan assure personnellement l'exploitation ou la direction ou si les sommes sont utilisées à la souscription en numéraire au capital d'une société, à l'achat d'une entreprise existante ou si elles sont versées au compte de l'exploitant d'une entreprise individuelle créée depuis moins de trois mois à la date du versement ;

- lorsque le retrait ou le rachat n'entraînent pas la clôture du plan, c'est-à-dire lorsqu'ils interviennent après cinq ans, le gain net est seulement assujetti aux prélèvements sociaux.

Aux termes du 5° bis de l'article 157 du CGI toutefois, l'exonération d'impôt sur le revenu n'est que partielle sur les produits procurés par des placements effectués en actions ou parts de sociétés non cotées ou par en obligations remboursables en actions. Pour ces dernières :

- les produits des ORA non cotées ou les actions non cotées reçues en remboursement ne sont exonérés que dans la limite de 10 % du montant de ces placements ;

- les plus-values de retrait ou de cession des ORA ou les actions reçues en remboursement des ORA ne sont exonérées que dans la limite du double du montant du placement en ORA.

Le plafond des versements pouvant être effectués sur un PEA-PME est de 225 000 euros par personne, celui du PEA « classique » étant de 150 000 euros. Selon la Banque de France, les encours des PEA-PME s'élevaient à 2,4 milliards d'euros à la fin de l'année 2022, pour près de 250 000 plans ouverts42(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : CLARIFIER L'IMPOSITION DES GAINS DE CESSION DES OBLIGATIONS REMBOURSABLES EN ACTIONS

Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Il s'agit d'une mesure de clarification, qui modifie à cet effet le 2 du II de l'article 150-0 A du code général des impôts. Il serait ainsi précisé que le gain net réalisé en cas de retrait de titres d'un PEA-PME serait soumis à l'impôt sur le revenu à hauteur de la fraction non exonérée mentionnée au 5° bis de l'article 157 du même code.

Ainsi, tout gain de cession excédant le double du montant du placement (prix d'acquisition) en obligations remboursables serait soumis à l'impôt sur le revenu.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE CLARIFICATION

Le présent article apporte une clarification aux règles d'imposition des gains nets réalisés en cas de retrait d'obligations remboursables en actions d'un PEA-PME. Il vise à préciser explicitement que la fraction non exonérée d'impôt sur le revenu est bien incluse dans l'assiette du prélèvement forfaitaire unique, en toute hypothèse de retrait du plan (avant ou non cinq ans) et que le retrait entraîne ou non sa clôture.

Cette mesure n'appelle pas de commentaire particulier de la part de la commission. Elle s'inscrit dans la continuité des clauses anti-abus adoptées dans le cadre de la loi « Pacte »43(*). Si elle ne prévoit pas d'obligation nouvelle, elle s'assure de la bonne application du droit existant et en prévient le contournement.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 sexies (nouveau)

Dispositifs d'encouragement à la libération du foncier

Le présent article étend au logement intermédiaire l'abattement sur les plus-values immobilières déjà prévu pour la cession de biens en vue de la création de logements sociaux.

Il instaure également un nouvel abattement sur les plus-values immobilières dans les zones tendues, reprenant des dispositifs passés et les étendant à de nouveaux périmètres.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT 

A. LA CESSION DE BIENS IMMOBILIERS AYANT POUR CONSÉQUENCE DE PERMETTRE LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS SOCIAUX EST ACTUELLEMENT EXONÉRÉE D'IMPOSITION SUR LES PLUS-VALUES

L'article 150 U du code général des impôts pose dans son I le principe de la soumission à l'impôt sur le revenu des plus-values réalisées par les personnes physiques lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers, principe tempéré par un plusieurs exonérations prévues par le II de cet article. Deux de ces exonérations ont pour objet des cessions de biens immobiliers à des organismes qui s'engagent à y construire des logements sociaux ou assimilés.

Sont ainsi exonérées d'imposition ( de ce II) les plus-values réalisées sur un bien immobilier cédé jusqu'au 31 décembre 2023 soit à un organisme de logement social ou assimilé44(*) qui s'engage à réaliser des logements sociaux ou assimilés45(*) dans les dix années qui suivent l'acquisition, soit à tout autre cessionnaire qui s'engage à réaliser des logements sociaux dans un délai de quatre ans.

Sont également exonérées ( du même II) les plus-values réalisées sur un bien immobilier cédé, dans le même délai, à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent ou à un établissement public foncier (EPF) qui s'engagent eux-mêmes à le céder à un organisme de logement social ou assimilé visé au 7° pour la création d'un logement social selon la même procédure. Le bien doit être cédé à cet organisme dans un délai d'un an après l'acquisition, ou de trois ans dans le cas d'un établissement public foncier.

L'exonération est alors accordée au prorata de la surface affectée au logement social.

Ce dispositif ne s'applique pas dans les quartiers de la politique de la ville (QPV) concernés par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Cette exclusion, introduite par la loi de finances pour 2016, est fondée sur l'objectif de reconstituer l'offre de logements sociaux en priorité en dehors de ces quartiers afin de lutter contre les concentrations de pauvreté et de favoriser la mixité sociale.

Le recours à ces dispositifs semble assez limité. Le coût estimé par le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances est de 10 millions d'euros pour l'exonération prévue au 7° du II de l'article 150 U du code général des impôts et d'un montant non significatif pour celle prévue au 8°. Ces estimations sont toutefois qualifiées d'« ordre de grandeur » et le coût réel n'est donc pas connu, pas plus que le nombre de bénéficiaires.

Ce dispositif remonte à 200546(*). Il prévoyait alors l'exonération des plus-values pour les biens immobiliers cédés aux organismes de logements sociaux et assimilés, sans mention de la nécessité que la cession ait pour objectif la production d'un logement social. Supprimé en 2011, ce dispositif a été réactivé pour les années 2014 et 2015 par la loi de finances pour 201447(*), puis a été assorti d'une obligation de production de logement social par la loi de finances pour 201548(*). Il a connu par la suite plusieurs prorogations, la dernière résultant de l'article 7 de la loi de finances pour 202349(*).

B. LA LOI DE FINANCES POUR 2021 A CRÉÉ, DANS CERTAINES ZONES, UN DISPOSITIF D'ABATTEMENT EXCEPTIONNEL SUR LES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES DANS CERTAINES ZONES

1. La loi « ÉLAN » a créé deux nouveaux dispositifs : les grandes opérations d'urbanisme (GOU) et les opérations de renouvellement du territoire (ORT)

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi « Élan ») a créé les grandes opérations d'urbanisme et les opérations de revitalisation du territoire.

Les grandes opérations d'urbanisme (GOU, article L. 312-3 du code de l'urbanisme) sont des opérations d'aménagement prévues par un contrat de projet partenarial (PPA) conclu entre l'État et une collectivité territoriale ou une intercommunalité lorsque, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint des partenaires.

La qualification de grande opération d'urbanisme modifie les règles de répartition des compétences. En particulier, le permis de construire est délivré par le président de l'intercommunalité et non par le maire. La réalisation d'opérations d'aménagement dans le périmètre des GOU est réputée d'intérêt communautaire ou métropolitain.

Les opérations de revitalisation de territoire (ORT, article L. 302-2 du même code) ont pour objet la mise en oeuvre d'un « projet global de territoire » portant sur le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain. L'objectif principal est de lutter contre la dévitalisation des centres-villes.

Après signature d'une convention entre l'intercommunalité, sa ville principale, d'autres communes volontaires et l'État, l'ORT comporte des avantages tels que l'accès prioritaire aux aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et l'éligibilité au dispositif « Denormandie » de réduction d'impôt pour l'investissement dans l'ancien à rénover50(*).

Plus de 200 ORT avaient été signées au 1er mars 2020, majoritairement dans des communes moyennes.

2. La loi de finances pour 2021 a instauré un dispositif d'abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières réalisées dans ces zones

L'article 38 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a instauré, à l'article 150 VE du code général des impôts, un dispositif d'abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières réalisées sur les terrains à bâtir applicable sur le périmètre des grandes opérations d'urbanisme et des opérations de renouvellement de territoire. Ce dispositif s'inspirait d'un dispositif similaire applicable entre 2018 et 2020 non pas sur ces périmètres, mais dans les zones A bis et A des aides à l'investissement locatif intermédiaire, qui comprennent Paris et la petite couronne, la Côte d'Azur et la bordure du lac Léman51(*).

Le dispositif s'applique au cours des années 2021 à 2023, uniquement pour des bâtiments déjà construits et non pour des terrains à bâtir.

La plus-value nette imposable est déterminée à partir de la plus-value brute, c'est-à-dire la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition, à laquelle est appliquée un abattement dépendant de la durée de détention : cet abattement, nul pendant les cinq premières années, s'applique ensuite de manière progressive pour atteindre 100 % au bout de vingt-deux années de détention.

Les terrains à bâtir visés par l'article correspondent aux terrains tels que définis au 1° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts, c'est-à-dire « les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d'un plan local d'urbanisme, d'un autre document d'urbanisme en tenant lieu, d'une carte communale ou de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme » qui prévoit, en l'absence de tels documents, que les constructions ne peuvent alors être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune.

En outre, il s'agit d'un abattement exceptionnel et donc temporaire. Pour en bénéficier, la cession doit à la fois (I de l'article 150 VE précité du code général des impôts) :

être précédée d'une promesse de vente unilatérale ou synallagmatique, signée et ayant acquis date certaine entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023 ;

être réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la promesse de vente a acquis date certaine, ce qui correspond au plus tard au 31 décembre 2025 pour une promesse signée ou ayant acquis date certaine le 31 décembre 2023.

Le cessionnaire doit s'engager (II du même article) à démolir les constructions existantes et à réaliser et achever, dans un délai de quatre années, un ou plusieurs bâtiments d'habitation collectifs dont le gabarit est au moins égal à 75 % du gabarit maximal autorisé, tel que déterminé par le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu.

Le taux de l'abattement s'élève (III du même article) à 70 % de la plus-value nette imposable. Il est toutefois porté à 85 % lorsque le cessionnaire s'engage à réaliser majoritairement des logements sociaux ou intermédiaires. La surface habitable de ces logements sociaux ou intermédiaires doit ainsi représenter au moins 50 % de la surface totale des constructions mentionnées sur le permis de construire du programme immobilier.

L'abattement ne s'applique pas lorsque le bien est cédé à un proche (IV du même article) et, en cas de manquement aux engagements de construction, le cessionnaire est redevable d'une amende égale à 10 % du prix de cession (V du même article). En cas de fusion de sociétés, l'engagement souscrit n'est pas rompu lorsque la société absorbante s'engage, dans l'acte de fusion, à se substituer à la société absorbée. Au cas où l'engagement ne serait pas respecté, la même amende serait appliquée.

En outre, l'article 38 précité de la loi de finances initiale pour 2021, dans une disposition non codifiée, précise que l'abattement est également applicable pour la détermination de l'assiette retenue au titre des prélèvements sociaux, du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement et, le cas échéant, au titre de la taxe sur les plus-values immobilières élevées (c'est-à-dire supérieure à 50 000 euros).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : PROROGER ET ÉTENDRE À DE NOUVELLES ZONES LES ABATTEMENTS DÉJÀ EN VIGUEUR

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale a repris un amendement déposé par le rapporteur général Jean-René Cazeneuve, qui insère le présent article additionnel.

A. UNE ADAPTATION DE LA FISCALITÉ DES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES D'UN BIEN CÉDÉ POUR LA PRODUCTION D'UN LOGEMENT SOCIAL, AFIN DE FAVORISER LE LOGEMENT INTERMÉDIAIRE (A DU I DU PRÉSENT ARTICLE)

Le A du I du présent article modifie le régime de l'exonération des plus-values immobilières perçues sur un bien cédé pour la production d'un logement social dans les conditions précitées des 7° et 8° du I de l'article 150 U du code général des impôts.

Il repousse en premier lieu la date limite d'application de ce dispositif, qui serait désormais au 31 décembre 2025.

En deuxième lieu, il modifie la condition d'obligation de réalisation et d'achèvement d'un logement social en l'étendant à tout bâtiment d'habitation collectif dont le gabarit est au moins égal à 75 % du gabarit maximal autorisé par les documents d'urbanisme locaux. Les logements doivent être au moins partiellement affectés soit au logement social, soit, dans les zones A bis, A et B1, au logement intermédiaire. Dans les communes qui n'atteignent pas les objectifs de production de logement social qui leur sont assignées en application de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation (« loi SRU »), le cessionnaire s'engage également à ce qu'un quart au moins de la surface habitable soit affectée au logement social.

Le zonage A / B / C

Le zonage A / B / C est défini pour les dispositifs d'incitation à l'investissement locatif intermédiaire, tels que le dispositif Pinel de l'article 199 novovicies du code général des impôts ainsi que le régime fiscal spécifique52(*). La liste des communes concernées est définie par un arrêté de 2014, remis à jour le 2 octobre dernier53(*).

Zonage A, B, C (avant la mise à jour d'octobre 2023)

Source : ministère chargé du logement, DHUP/FE5 - Arrêté du 1er août 2014 - INSEE RP2020 - Cartographie : DGALN/ICAPP/MNUM (DD) du 25 août 2020

Le critère de classement est la tension du marché locatif. À titre d'exemple, les zones A bis, A et B, qui donnent droit aux avantages fiscaux du logement locatif intermédiaire, correspondent aux « zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements » (zones tendues) prévues par le présent article.

Source : commission des finances

L'exonération serait alors accordée au prorata de la surface affectée au logement social ou, le cas échéant, au logement intermédiaire.

En outre, en cas d'acquisitions successives, les engagements souscrits par le cessionnaire ne seraient pas rompus lorsque le nouvel acquéreur s'engage, dans l'acte authentique d'acquisition, à se substituer au cédant pour le respect des engagements pris par celui-ci dans le délai restant à courir.

Le dispositif pourrait s'appliquer dans les quartiers faisant l'objet d'une convention NPNRU pour la production de logements intermédiaires mais pas pour la production de logements sociaux, dans un objectif d'accroissement de la mixité sociale.

B. LA CRÉATION D'UN NOUVEL ABATTEMENT EXCEPTIONNEL SUR LES PLUS-VALUES IMMOBILIÈRES DANS CERTAINES ZONES (B DU I)

Le B du I du présent article réécrit entièrement l'article 150 VE précité du code général des impôts en reprenant des éléments du dispositif existant d'abattement sur les plus-values immobilières et celui instauré par la seconde loi de finances rectificative pour 2017.

Le dispositif s'appliquerait donc (A du I du dispositif proposé pour l'article 150 VE du code général des impôts) :

- d'une part dans les communes classées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements. Cette formulation, identique à celle du A du I du présent article, vise un périmètre plus important que celui de la seconde loi de finances rectificative pour 2017 : aux 77 communes situées en zone A bis et 718 communes situées en zone A (soit Paris et la petite couronne, la Côte d'Azur et la bordure du lac Léman), il ajoute 1 691 communes situées en zone B1, principalement situées dans les pôles urbains ;

- d'autre part, comme aujourd'hui, dans le périmètre des grandes opérations d'urbanisme (GOU) et des opérations de renouvellement des territoires (ORT), mais aussi dans celui des opérations d'intérêt national (OIN).

Les opérations d'intérêt national

L'article L. 102-12 du code de l'urbanisme prévoit que la qualification d'opération d'intérêt national (OIN) peut être attribuée par décret en Conseil d'État à une opération d'aménagement qui répond à des enjeux d'une importance telle qu'elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale et à laquelle l'État décide par conséquent de consacrer des moyens particuliers.

La qualification d'OIN entraîne l'application de règles fortement dérogatoires, permettant de faire prévaloir l'intérêt de l'État sur les règles locales d'urbanisme et de construction.

L'article R. 102-3 du code de l'urbanisme dresse la liste des OIN.

Source : commission des finances du Sénat

L'abattement s'appliquerait pour toute cession dont la promesse unilatérale de vente ou la promesse synallagmatique de vente a été signée et a acquis date certaine entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2025, et qui a été réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivante (B du I du dispositif proposé).

Comme dans le dispositif actuel, le cessionnaire doit s'engager à réaliser et achever, dans un délai de quatre ans, un ou plusieurs bâtiments collectifs dont le gabarit est au moins égal à 75 % des possibilités prévues par les documents d'urbanisme locaux. Dans le périmètre des GOU, des ORT et des OIN, il doit s'engager au préalable à démolir les constructions existantes (II du dispositif proposé).

Le taux de l'abattement est de 60 % dans le cas des zones tendues54(*) et de 75 % (contre 70 % aujourd'hui) dans les GOU, les ORT et les OIN. Le taux est porté à 85 % lorsque la surface habitable est affectée, pour moitié au moins, à du logement social ou assimilé (bail réel solidaire), hors quartiers ANRU, ou à du logement intermédiaire. S'agissant du logement intermédiaire, le loyer ne doit pas excéder les plafonds prévus pour le dispositif Loc'Avantages55(*), qui permet de bénéficier d'une réduction de l'impôt sur le revenu à condition de mettre en location le bien et de signer une convention avec l'Agence nationale de l'habitat (III du dispositif proposé).

De même qu'aujourd'hui, le bien ne peut pas avoir été cédé au profit d'un proche (IV du dispositif proposé) et, en cas de manquement aux engagements pris, le cessionnaire est redevable d'une amende d'un montant égal à 10 % du prix de cession (V).

Les engagements sont maintenus en cas de fusion de société, comme aujourd'hui, mais aussi en cas d'acquisitions successives. Le paiement de l'amende s'appliquera au nouvel acquéreur ou à la société absorbante en cas de non-respect des engagements. 

C. DISPOSITIONS DE COORDINATION ET DE MISE EN APPLICATION (C DU I, II ET III)

Le C du I comporte des dispositions de coordination.

Le II repousse au 1er septembre 2025 la remise du rapport d'évaluation du régime des plus-values immobilières d'un bien cédé pour la production d'un logement social, qui devait être remis avant le 30 septembre 2023 en application de l'article 7 précité de la loi de finances pour 2023.

Le III précise que les modifications apportées au régime des plus-values immobilières d'un bien cédé pour la production d'un logement social, ainsi que les dispositions de coordinations, s'appliquent aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

S'agissant de la prorogation de l'exonération des plus-values immobilières sur des cessions conduisant à la production de logements sociaux, le dispositif favoriserait la production de logements intermédiaires en étendant un dispositif jusqu'alors limité à la promotion du logement social.

Le rapporteur général ne peut que regretter qu'un dispositif soit une nouvelle fois prorogé sans évaluation de son efficacité, le taux de recours n'étant pas même indiqué dans les documents budgétaires. Le montant de consommation indiqué dans ces documents est le même que celui qui était donné en 201156(*) alors que le dispositif ne présentait pas alors les mêmes caractéristiques.

L'absence de toute étude d'impact ne permet pas de connaître les effets attendus du dispositif en nombre de logements, ni les éventuels effets d'aubaine.

S'agissant du dispositif d'abattement exceptionnel sur les plus-values immobilières, le rapporteur général constate que, alors que l'Assemblée nationale était, de manière surprenante, revenue en loi de finances initiale pour 2021 sur la demande faite par le Sénat d'évaluation du dispositif alors instauré, le texte prévoit bien, cette fois, la réalisation d'une telle évaluation, à remettre avant le 1er septembre 2025.

Il regrette toutefois que cette évaluation se substitue à celle qui devait être remise avant le 30 septembre 2023. La prorogation du dispositif existant, réalisée l'an passé57(*), avait en effet été assortie d'une demande d'évaluation.

Par ailleurs, une fois de plus, en contradiction avec les principes exprimés par le Gouvernement lui-même dans le projet de loi de programmation des finances publiques58(*), en cours de discussion, une « niche » fiscale est prorogée et même étendue sans aucune étude d'impact ou d'évaluation.

En outre, l'abattement est accordé dans le cas d'un logement intermédiaire soumis aux conditions de loyer du dispositif Loc'Avantages, instauré par la loi de finances initiale pour 2022 et limité aux logements conventionnés ANAH, et non à celles du dispositif plus général « Pinel » d'incitation à la location de logements intermédiaires59(*). La raison de ce choix n'est pas explicitée alors qu'elle ne peut pas être neutre sur la rentabilité de l'opération et donc sur le succès du dispositif. Or, le dispositif Loc'Avantages, à en croire les informations données par le tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances, ne rencontre aucun succès puisque le nombre des bénéficiaires est estimé à zéro.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 septies (nouveau)

Extension du champ du dispositif anti-abus visant la rémunération
de prestations versées à des personnes tierces domiciliées à l'étranger
pour le compte de contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu

Le présent article prévoit d'étendre aux redevances le champ du mécanisme de lutte contre l'évasion fiscale prévu à l'article 155 A du code général des impôts (CGI).

Mis en place au début des années 1970 pour lutter contre les schémas visant à contourner l'imposition en France des rémunérations versées en contrepartie d'un service (artistique, culturel, sportif, etc.), le dispositif prévu à l'article 155 A du CGI permet à l'administration fiscale, aux termes de critères strictement délimités et jugés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, de présumer de l'imposition en France de rémunérations de services rendus par un prestataire établi en France, même lorsque les rémunérations ont été versées à un tiers, établi à l'étranger ou en France.

L'extension de ce dispositif aux redevances ne soulève pas de difficultés. Elle s'accompagne de la codification d'une réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel visant à prévenir tout risque de double imposition des personnes établies en France.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'INSTAURATION EN 1973 D'UNE RÈGLEMENTATION VISANT INITIALEMENT À LUTTER CONTRE L'ÉVASION FISCALE DES SPORTIFS ET DES ARTISTES

A. UN RÉGIME CRÉÉ POUR FAIRE OBSTACLE AUX SCHÉMAS D'ÉVASION FISCALE DITS « RENT A STAR COMPANY »

Introduit en 197360(*), le régime fiscal prévu à l'article 155 A du code général des impôts (CGI), qui n'a pas été modifié depuis 1990, avait initialement pour objectif de faire échec aux opérations visant à transférer une partie des rémunérations d'une personne domiciliée en France à une société basée dans une autre juridiction, le plus souvent à régime fiscal privilégié.

Ces méthodes d'évasion fiscale, parfois surnommées « rent a star company »61(*), avaient pour la première fois été utilisées aux États-Unis et en Suède par un artiste et par un sportif, au début des années 1960, avant de prospérer dans d'autres pays62(*). Concrètement, la personne cherchant à contourner l'imposition de plein droit de ses revenus se fait passer pour le salarié d'une entreprise à qui il offre ses services : la société interposée, située dans un État où le taux d'imposition est inférieur à celui appliqué aux revenus du prestataire, reçoit en lieu et place de ce dernier la rémunération due en contrepartie d'une prestation et n'en reverse qu'une partie à son « salarié », le véritable prestataire.

La France, comme d'autres pays, a mis en place au début des années 1970 un dispositif anti-abus. Ainsi, aux termes de l'article 155 A du CGI, les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France (la société) en rémunération de services63(*) rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées en France (le prestataire « réel ») sont imposables au nom de ces dernières si :

- ces personnes contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;

- ou ces personnes n'établissent pas que la personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ;

- ou, lorsque la personne qui reçoit la rémunération est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié. Au sens de l'article 238 A du CGI, un régime fiscal privilégié est un régime où les contribuables ne sont pas imposables ou sont assujettis à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de 40 % au moins à celui de l'impôt sur les bénéfices ou les revenus dont ces contribuables auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France.

Le prestataire réel du service peut donc être redevable, dans ces trois situations, de l'impôt en France, même si la rémunération de sa prestation de services est perçue par une personne physique ou morale autre. Dans ce cas, la personne qui perçoit la rémunération des services est solidairement responsable des impositions dues par la personne qui rend effectivement ces services (III de l'article 155 A du CGI). La jurisprudence a également admis l'application des dispositions de cet article aux personnes effectivement salariées par la société établie à l'étranger.

Le II de l'article 155 A du CGI précise que ces règles d'imposition s'appliquent également aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France. Le système fiscal français repose en effet sur la territorialisation : sont imposés soit les personnes domiciliées fiscalement en France soit, pour celles qui sont établies à l'étranger, leurs revenus de source française.

B. UN DISPOSITIF VALIDÉ PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LE CONSEIL D'ÉTAT, SOUS PLUSIEURS RÉSERVES

L'article 155 A du CGI a pu être qualifié de mécanisme de « présomption juridique »64(*) : l'administration fiscale présume des situations prévues à l'article 155 A du CGI qu'il y a eu transfert de revenus à destination de l'étranger. Elle en déduit l'identité du bénéficiaire effectif des revenus, en l'occurrence le prestataire réel du service, imposable à ce titre en France. À charge ensuite au contribuable concerné, c'est-à-dire la personne qui a rendu le service pour lequel une rémunération a été versée, de prouver qu'il ne s'agissait pas d'échapper à l'impôt.

Dans une décision QPC du 26 novembre 201065(*), le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article 155 A du CGI étaient conformes à la Constitution, tout en émettant une réserve d'interprétation. Ainsi, si « le législateur a entendu mettre en oeuvre l'objectif constitutionnel de lutte contre l'évasion fiscale ; que, pour ce faire, il s'est fondé sur des critères objectifs et rationnels », l'application des dispositions de l'article 155 A du CGI ne doit pas conduire à ce que le contribuable à qui est reversé une partie des sommes rémunérant les prestations qu'il a réalisées « soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt ». Sous cette réserve, le Conseil conclut que « l'article 155 A ne crée pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».

Le Conseil d'État a quant à lui considéré que le dispositif anti-évasion fiscale prévu à l'article 155 A du CGI était compatible avec le droit de l'Union européenne à condition qu'il soit utilisé à l'encontre de montages purement artificiels66(*) : « en l'absence d'une contrepartie [réelle] permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte [d'une personne établie ou domiciliée en France], sa liberté de s'établir hors de France ne saurait être entravée du fait des dispositions [prévues à l'article 155 A du CGI] »67(*). Le Conseil d'État avait ainsi refusé, dans cette affaire, de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, qui n'a encore jamais eu à se prononcer sur un tel mécanisme, en France comme dans un autre pays de l'Union. Il a par ailleurs récemment considéré, dans une décision du mois de mars 202368(*), que cette interprétation n'était pas de nature à justifier la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, le changement de circonstances n'étant pas caractérisé.

Le Conseil d'État a également rappelé, en 2020, que ce mécanisme ne concernait que l'imposition des revenus, ce qui exclut les redevances : « en jugeant que les redevances versées pour l'utilisation des marques et logos [...] doivent être regardées comme les rémunérations d'une prestation liée au service rendu [...] et étaient imposables, en conséquence, à l'impôt sur le revenu [...], alors que ces redevances ne sont pas la contrepartie d'un service rendu, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit »69(*). Cette lecture a été confirmée au mois de novembre 202170(*), lorsque le Conseil d'État a considéré que les redevances versées en contrepartie de la concession du droit d'exploiter une licence de marques et brevets ne pouvaient être regardées comme la contrepartie d'un service rendu au sens et pour l'application de l'article 155 A du CGI.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXTENSION DU DISPOSITIF ANTI-ABUS POUR PERMETTRE D'IMPOSER LES REDEVANCES EN FRANCE

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par M. Mathieu Lefèvre, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Le a du 1° du I du présent article remplace, au premier alinéa de l'article 155 A du code général des impôts (CGI), la notion de sommes perçues en « rémunération pour services rendus » par celle, plus large, de sommes reçues en « contrepartie de services ou de l'exploitation commerciale de droits attachés à l'image, au nom ou à la voix d'une ou plusieurs personnes, de l'usage de droits d'auteurs ou droits voisins, ou de la propriété industrielle ou commerciale ou de droits assimilés, rendus ou concédés ». Ce faisant, le mécanisme anti-abus prévu à l'article 155 A du CGI serait étendu aux redevances, jusqu'ici exclues du dispositif, comme l'avait rappelé le Conseil d'État.

Les b à d du 1° du présent article procèdent en conséquence à diverses coordinations, ainsi que :

- le 2° du I, qui précise au II de l'article 155 A du CGI que le mécanisme anti-abus s'appliquera également aux personnes domiciliées hors de France pour les droits qui sont exploités ou utilisés en France, en plus des services qui y sont rendus ;

- le 3° du I, qui modifie le III dudit article 155 A afin d'étendre le principe de la responsabilité solidaire de la personne qui reçoit les sommes à hauteur des impositions dues par la personne qui concède l'exploitation des droits ou l'usage des droits précités, en plus de celle qui rend les services.

Le 4 du I du présent article complète par ailleurs l'article 155 A du CGI pour prévoir explicitement que lorsque la personne domiciliée ou établie hors de France reverse à la personne domiciliée ou établie en France tout ou partie des sommes qui ont fait l'objet d'une imposition au titre du mécanisme anti-abus, l'impôt correspondant à ce revenu est réputé avoir déjà été acquitté. Cette disposition vise à éliminer tout risque de double imposition.

Enfin, le II du présent article dispose que les modifications apportées à l'article 155 A du CGI s'appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'EXTENSION JUSTIFIÉE D'UN MÉCANISME VISANT À LUTTER CONTRE L'ÉVASION FISCALE

Le présent article vise à étendre la portée d'un mécanisme de lutte contre l'évasion fiscale ancien, présent dans notre droit depuis plus de 50 ans. Loin d'être obsolète, il est encore fréquemment utilisé par l'administration fiscale. Les principaux États concernés par les rémunérations visées à l'article 155 A du CGI sont les îles vierges britanniques, les États-Unis, l'Espagne, le Royaume-Uni, Hong-Kong, le Liban, le Maroc, la Suisse et Gibraltar.

Rectifications générées par le dispositif prévu
à l'article 155 A du code général des impôts depuis 2018

(en nombre de dossiers et en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents de politique transversale « Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales », annexés aux projets de loi de finances des années 2020 à 2024

Il était nécessaire de l'adapter aux nouvelles formes de contournement de l'imposition : le recours aux redevances, en lieu et place de rémunérations pour services rendus, est devenu de plus en plus fréquent (droit à l'image, droit d'utilisation des logos ou des marques).

Ces objectifs ne peuvent qu'être partagés par la commission, qui souligne de surcroît :

- que les modalités permettant de présumer d'un contournement de l'imposition en France ne sont pas modifiées - préservant ainsi des critères « objectifs et rationnels » validés à ce titre par le Conseil constitutionnel ;

- et que la réserve d'interprétation du Conseil, selon laquelle ce dispositif ne doit pas conduire à une double imposition au titre d'un même impôt de la personne à qui est reversée tout ou partie des rémunérations perçues par la personne interposée, est codifiée par le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 octies (nouveau)

Correction du dispositif d'exit tax

Le présent article prévoit d'accorder aux contribuables ayant quitté le territoire national entre le 3 mars 2011 et le 31 décembre 2013, au même titre que ceux qui l'ont quitté ultérieurement, un dégrèvement des prélèvements sociaux au titre du sursis d'imposition dont ils bénéficient dans le cadre du paiement de l'exit tax. Par ailleurs, il renforce les obligations déclaratives au titre de l'exit tax pour les contribuables ayant quitté le territoire national à compter du 1er janvier 2019, en prévoyant que le défaut de déclaration des événements pour lesquels il est prévu un dégrèvement ou une restitution de l'impôt entraîne l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement par l'administration fiscale - soit la sortie du dispositif d'exit tax.

La commission des finances propose d'adopter cet article modifié par un amendement rédactionnel n° I- 161 (FINC- 4).

I. LE DROIT EXISTANT : L'EXIT TAX VISE À IMPOSER LES PLUS-VALUES LATENTES EN CAS DE TRANSFERT DU DOMICILE FISCAL À L'ÉTRANGER

A. L'EXIT TAX VISE À IMPOSER LES PLUS-VALUES LATENTES SUR CERTAINS TITRES À L'OCCASION DU TRANSFERT DU DOMICILE FISCAL À L'ÉTRANGER DANS UNE OPTIQUE DE LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE

L'article 167 bis du code général des impôts, issu de l'article 48 de la première loi de finances rectificative pour 201171(*), prévoit une imposition immédiate à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes constatées sur les droits sociaux, valeurs ou titres lors du transfert du domicile fiscal hors de France, sous la condition, notamment, d'une domiciliation du contribuable en France pendant six ans sur les dix années précédant le transfert. Cette « exit tax » vise à lutter contre l'évasion fiscale.

La plus-value latente correspond à la différence entre la valeur des titres à la date du transfert du domicile et leur valeur d'acquisition. La valeur est toutefois réduite, le cas échéant, d'un abattement pour durée de détention72(*), ou de l'abattement accordé, sous conditions, aux dirigeants prenant leur retraite73(*). Sont imposables les plus-values latentes détenues directement ou indirectement par les membres du foyer fiscal, et représentant à la date du départ 50 % des bénéfices sociaux d'une société ou qui ont une valeur cumulée excédant 800 000 euros.

Les plus-values dont l'imposition a été reportée sont également imposées au moment du départ. Il en va de même pour les créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix74(*).

Les plus-values et créances sont imposables au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Constituant des revenus du capital, elles sont soumises depuis la loi de finances pour 2018 au prélèvement forfaitaire unique, au taux de 12,8 % pour l'impôt sur le revenu et 17,2 % pour les prélèvements sociaux, bien que le contribuable puisse opter pour l'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu (sauf pour les plus-values placées en report).

B. LA LIQUIDATION EFFECTIVE DE L'EXIT TAX : SURSIS DE PAIEMENT, DÉGRÈVEMENT ET RESTITUTIONS

Si l'impôt calculé est immédiatement exigible, le contribuable peut obtenir un sursis de paiement, de droit lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal dans un État membre de l'Union européenne ou, en vertu de l'article 112 de la loi de finances pour 201975(*) qui a modifié l'article 167 bis du code général des impôts, dans n'importe quel État n'étant pas un paradis fiscal76(*) et ayant conclu une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi qu'une convention d'assistance mutuelle en matière de recouvrement.

Le sursis de paiement prend fin dans certains cas de mutation à titre gratuit et onéreux, dont la plupart, prévues au a du 1 du VII de l'article 167 bis du code général des impôts, correspondent à l'extinction du caractère latent de la plus-value (cession, rachat, annulation des titres, remboursement des obligations et titres assimilées). Le nouveau transfert du domicile fiscal dans un État qui ne donne pas automatiquement droit au sursis de paiement entraîne aussi la fin du sursis de paiement.

Le montant de l'impôt mis en recouvrement à l'issue de l'extinction du sursis de paiement diffère de celui calculé lors du transfert fiscal hors de France : si le montant de la plus-value latente constatée lors de cette extinction est inférieur à celui constaté lors du départ de France, alors la différence fait l'objet d'un dégrèvement, ou d'une restitution si le montant de l'impôt avait déjà été acquitté en cas de non-octroi du sursis de paiement.

Dans sa version issue de l'article 48 précité de la première loi de finances rectificative pour 2011, l'impôt était dégrevé d'office, ou restitué s'il avait fait l'objet d'un paiement immédiat lors du transfert du domicile fiscal, à l'expiration d'un délai de huit ans lorsque les titres faisant l'objet de la plus-value demeuraient à cette date dans le patrimoine du contribuable. Ce délai de conservation des plus-values latentes a été porté à 15 ans par l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 201377(*) puis ramené à deux ans par l'article 112 de la loi de finances pour 2019. Il est de cinq ans lorsque la valeur globale imposable excède 2,57 millions d'euros à la date du transfert du domicile fiscal. Ces dispositions sont codifiées au premier alinéa du 2 du VII de l'article 167 bis du code général des impôts.

Il est précisé au deuxième alinéa du 2 du VII de l'article 167 bis que le dégrèvement ou la restitution interviennent également en cas de décès du contribuable ou, pour la fraction se rapportant aux droits sociaux, valeurs, titres et droits donnés, en cas de donation lorsque le donateur est fiscalement domicilié dans un État pour lequel le sursis de paiement est de droit en cas de transfert du domicile fiscal ou, dans le cas contraire, s'il démontre que la donation n'est pas faite avec pour motif principal d'éluder l'impôt dû au titre de l'exit tax.

Le troisième alinéa du 2 du VII prévoit quant à lui un dégrèvement pour la fraction se rapportant aux droits sociaux, valeurs, titres ou droits faisant l'objet d'une cession ou d'un rachat entrant dans le champ des plus-values de cession exonérées de l'impôt sur le revenu, au titre du III de l'article 150-0 A du code général des impôts.

D'autres événements, prévus aux 3 et 4 du VII, donnent lieu à dégrèvement et restitution (transmission à titre gratuit de titres, rétablissement du domicile fiscal en France, décès à l'étranger, donation des créances, etc.).

Le 4 du VIII prévoit enfin que lorsque, en cas de cession, rachat, annulation des titres, ou remboursement - tous événements mentionnés au a du 1 du VII de l'article 167 bis qui entraînent l'extinction du sursis de paiement - le contribuable réalise une plus-value de source française78(*) à l'occasion de certaines opérations immobilières79(*) ou mobilières80(*), l'impôt calculé sur la plus-value latente sur les titres concernés par ces événements est dégrevé ou restitué. Cela permet d'éviter d'être imposé deux fois au titre de la même plus-value.

C. LE RÉGIME DE DÉGRÈVEMENT ET DE RESTITUTION DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX AU REGARD DE L' « EXIT TAX » DEPUIS LA LFR DU 29 JUILLET 2011

L'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale prévoit, au e bis de son I, que sont soumis à la CSG sur les revenus du patrimoine - et donc plus généralement aux prélèvements sociaux - les plus-values et créances imposables au titre de l'exit tax. Plusieurs régimes de dégrèvement ont été successivement prévus depuis la mise en place de l'exit tax.

Lors de la mise en place de l'exit tax par l'article 48 précité de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, la règle était que les prélèvements sociaux faisaient l'objet du même dégrèvement ou de la même restitution que l'impôt sur le revenu, sauf lorsque ce dégrèvement ou cette restitution intervenait d'office à expiration d'un délai de huit ans81(*), ou bien à la suite d'un gain de cession portant sur une participation substantielle dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France, et imposé au titre de l'article 244 bis B du code général des impôts82(*) : « il n'est pas fait application à la contribution du dégrèvement ou de la restitution prévus à l'expiration d'un délai de huit ans au 2 du VII de l'article 167 bis du code général des impôts et du dégrèvement prévu au premier alinéa du 4 du VIII du même article ». Ce 4 du VIII prévoyait en effet à partir de 2011 un dégrèvement pour les gains de cession mentionnés, complétés par une restitution, en l'absence de sursis de paiement, par l'article 22 de la loi n° 2012-1510 de finances rectificative pour 2012.

Par la suite, l'article 42 de la loi n° 2013-1279 de finances rectificative pour 2013, qui a rallongé le délai de conservation de huit à quinze ans, a fait évoluer ce régime. Il modifie ainsi, en son II, l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, qui prévoit alors qu'» il n'est pas fait application à la contribution du dégrèvement ou de la restitution prévus au dernier alinéa du 2 du VII et au premier alinéa du 4 du VIII de l'article 167 bis du code général des impôts ». Cela signifie que les prélèvements sociaux font l'objet d'un dégrèvement ou d'une restitution, y compris lorsque ce dégrèvement ou cette restitution interviennent à expiration d'un délai de quinze ans. Ils ne font en revanche pas l'objet d'un tel dégrèvement pour la fraction se rapportant aux droits sociaux, valeurs, titres ou droits faisant l'objet d'une cession ou d'un rachat entrant dans le champ des plus-values de cession exonérées de l'impôt sur le revenu83(*). Il continue par ailleurs de ne pas être fait application à la contribution du dégrèvement ou de la restitution prévue pour les gains de cession portant sur une participation substantielle dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France, et imposée au titre de l'article 244 bis B du code général des impôts. Le III de l'article 42 précité de la LFR pour 2013 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux transferts intervenus à compter du 1er janvier 2014.

L'article 112 de la loi de finances pour 2019 a complété, à la suite d'un amendement de Mme Émilie Cariou (LREM), le 4 du VIII de l'article 167 bis du CGI, qui prévoit désormais que, si le contribuable réalise une plus-value imposée non seulement au titre de l'article 244 bis B du CGI mais également au titre de l'article 244 bis A du même code - c'est-à-dire à la suite de la cession d'un immeuble ou de droits relatifs à des immeubles à condition qu'ils soient situés en France84(*) - l'impôt calculé au titre de l'exit tax est dégrevé ou restitué, selon le cas85(*). Cet amendement avait procédé à une modification subséquente de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, occasionnant une erreur rédactionnelle finalement corrigée par l'article 108 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, selon lequel l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale prévoit désormais qu' « il n'est pas fait application à la contribution, d'une part, du dégrèvement ou de la restitution prévus au dernier alinéa du 2 du VII de l'article 167 bis du code général des impôts et, sauf lorsque la plus-value est imposée dans les conditions prévues à l'article 244 bis A du même code, au 4 du VIII de l'article 167 bis dudit code et, d'autre part, de l'imputation prévue à l'article 125-00 A du même code ». Il importait en effet de préciser que l'inapplication du dégrèvement ou de la restitution prévus au 4 du VIII de l'article 167 bis du CGI au titre du prélèvement social sur le patrimoine ne pouvait porte sur les plus-values immobilières des non-résidents, par ailleurs imposées en application de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale au titre de la CSG sur les produits de placement. Comme le précise l'objet de l'amendement du Gouvernement ayant donné lieu à cet article, il aurait pu subsister, dans le cas contraire, un risque de double-imposition aux prélèvements sociaux lorsque la cession de titres dans le champ de l'exit tax entre également dans le champ d'application de l'article 244 bis A du CGI.

Au total, donc, les prélèvements sociaux font l'objet du même dégrèvement ou de la même restitution que l'impôt sur le revenu, sauf pour la fraction se rapportant aux droits sociaux, valeurs, titres ou droits faisant l'objet d'une cession ou d'un rachat entrant dans le champ des plus-values de cession exonérées de l'impôt sur le revenu, et sauf lorsque ce dégrèvement ou cette restitution intervient à la suite d'un gain de cession portant sur une participation substantielle dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France, et imposé au titre de l'article 244 bis B du code général des impôts.

En cas de plus-value immobilière imposée au titre de l'article 244 bis A du CGI, il n'y a pas de dégrèvement ou de restitution selon l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, puisque ladite plus-value est soumise à la CSG sur les produits de placement.

D. DES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES ALLÉGÉES EN 2019

Jusqu'en 2019, le contribuable qui bénéficiait d'un sursis de paiement devait déclarer chaque année, d'une part, le montant cumulé des impôts placés en sursis et, d'autre part, le montant des plus-values latentes, des plus-values en report et les créances de complément de prix soumises à l'exit tax,

L'article 112 de la loi de finances pour 2019 a modifié le IX de l'article 167 bis du CGI pour limiter la déclaration annuelle de suivi du sursis de paiement aux seules créances de complément de prix et aux plus-values en report d'imposition. Ainsi, un contribuable qui ne détiendrait que des plus-values latentes n'a plus à les déclarer qu'au moment du transfert du domicile fiscal hors de France, et en cas d'expiration du sursis de paiement. Il n'a plus à déclarer chaque année le montant des plus-values en sursis de paiement et de l'impôt correspondant, comme il devait le faire jusqu'alors. Ces dispositions sont codifiées aux 1 et 2 du IX de l'article 167 bis du code général des impôts.

Par ailleurs, le 3 du IX de l'article 167 bis dispose, en son premier alinéa, que le contribuable déclare, l'année suivant celle de l'expiration du sursis de paiement, la nature et la date de l'événement entraînement cette expiration, ainsi que le montant de l'impôt exigible. En son deuxième alinéa, il dispose que, si le contribuable n'a pas bénéficié d'un sursis de paiement, il peut demander, l'année suivant la survenance d'un des événements donnant lieu à l'expiration du sursis de paiement (cession, rachat, remboursement ou annulation, ou donation) et s'il se trouve alors dans une situation moins avantageuse que si ces événements ne s'étaient pas produits86(*), la restitution de l'impôt calculé. En son troisième alinéa, il prévoit que les événements pour lesquels il est prévu un dégrèvement ou une restitution de l'impôt, et mentionnés aux 2 à 4 du VII, doivent être déclarés par le contribuable l'année suivant leur survenance. Le contribuable doit également, à cette occasion, demander le dégrèvement ou la restitution de l'impôt sur les plus-values constatées sur les titres et créances concernés par l'un de ces événements.

Le 4 du IX de l'article 167 bis dispose enfin que le défaut de la déclaration prévue aux 1 et 2 du IX du même article, ou l'omission de tout ou partie des renseignements qui doivent y figurer, entraîne l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement par l'administration fiscale.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article est issu d'un amendement déposé par Mathieu Lefèvre et repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

A. UN RENFORCEMENT DES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES

Le I du présent article complète le 4 du IX de l'article 167 bis du code général des impôts, et prévoit que figure également parmi la liste des déclarations dont le défaut, ou l'omission des éléments devant y figurer, entraîne l'exigibilité de l'impôt en sursis de paiement et, conséquemment, la sortie du dispositif d' « exit tax », la déclaration prévue par le troisième alinéa du 3 du IX de l'article 167 bis. Cette déclaration concerne les événements dont la survenance donne lieu à un dégrèvement ou une restitution de l'impôt. Le III du présent article précise que, à défaut de la production de la déclaration dans le délai imparti87(*) pour déclarer les éléments nécessaires au calcul de l'impôt dû en 2024 sur les revenus de l'année 2023, le I s'applique lorsque ces événements sont survenus avant l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2024.

B. UNE CORRECTION CONCERNANT LE DÉGRÈVEMENT DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX

Comme il a été précisé, alors que les dispositions relatives à l'exit tax s'appliquent aux transferts de domicile fiscal hors de France intervenus à compter du 3 mars 2011, le II de l'article 42 précité de la LFR pour 2013 ne s'applique qu'aux transferts intervenus à compter du 1er janvier 2014.

Le II du présent article complète le III de l'article 42 précité de la LFR pour 2013 pour préciser que le II de ce même article s'applique également aux contribuables ayant transféré leur domicile fiscal avant le 1er janvier 2014.

Il entraîne concrètement que l'inapplication aux prélèvements sociaux des dégrèvements et restitutions prévus pour la fraction se rapportant aux droits sociaux, valeurs, titres ou droits faisant l'objet d'une cession ou d'un rachat entrant dans le champ des plus-values de cession exonérées de l'impôt sur le revenu ainsi que pour les gains de cession portant sur une participation substantielle dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France, et imposée au titre de l'article 244 bis B du code général des impôts, s'appliquera y compris pour les transferts de domicile fiscal antérieurs au 1er janvier 2014.

Par ailleurs, hormis ces cas, les prélèvements sociaux feront l'objet d'un dégrèvement ou d'une restitution lorsque ce dégrèvement ou cette restitution interviennent à expiration du délai de conservation à l'issue duquel le dégrèvement ou la restitution d'impôt sur le revenu intervient d'office, non plus seulement pour les transferts intervenus à compter du 1er janvier 2014, mais également pour les transferts intervenus auparavant.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DISPOSITION TECHNIQUE DE FAIBLE PORTÉE MAIS JUSTE

Sur le fond, cette disposition technique de faible portée ne suscite pas de difficulté.

En revanche, il est nécessaire de procéder à une modification puisque le II de l'article 42 de la LFR pour 2013 est venu modifier l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, qui lui-même a été modifié depuis. Cela signifie que modifier le III de cet article, qui renvoie aux conditions d'application dans le temps du II, ne permet pas de viser correctement l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.

C'est le sens de l'amendement n° I- 161 (FINC- 4) proposé par votre rapporteur général.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 nonies (nouveau)

Extension de la réduction d'impôt applicable aux contrats d'assurance-vie dits « rente-survie »

Le présent article a pour objectif d'octroyer le bénéfice de contrats de « rente de survie », conclus par le parent ou le proche d'une personne handicapée pour lui mettre d'accéder, en cas de décès de ce parent, à un capital ou une rente viagère, aux personnes handicapées majeures. Il modifie pour cela un article du code général des impôts prévoyant une réduction d'impôt sur les primes d'assurance versées sur ces contrats, qui n'exclut pas de son bénéfice les contrats dont les bénéficiaires sont majeurs. À cet égard, cet article manque son objet. Il prévoit toutefois que le plafond de la réduction d'impôt soit majoré non pas en fonction des enfants à charge, mais des personnes à charge. Dans la mesure où les contrats de « rente de survie » peuvent être conclus au bénéfice d'une personne réputée à charge de par son invalidité et vivant sous le toit du souscripteur, cet aspect est bienvenu.

La commission des finances propose, par un amendement n° I- 162 (FINC- 5), de supprimer les dispositions sans objet de l'article et de modifier celles concernant la majoration du plafond de la réduction d'impôt.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LES PRIMES D'ASSURANCE VERSÉES SUR LES CONTRATS DE « RENTE DE SURVIE »

Le contrat de « rente de survie » est un contrat d'assurance en cas de décès conclu par l'un des proches d'une personne handicapée bénéficiaire qui garantit, en cas de décès de l'assuré, le versement d'un capital ou d'une rente viagère au profit de la personne handicapée bénéficiaire.

L'article 199 septies du code général des impôts (CGI) prévoit que les primes afférentes à ces contrats peuvent ouvrir droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 25 %, dans la limite d'un plafond global de versements annuels égal à 1 525 euros, majoré de 300 euros par enfant à charge. Plusieurs conditions sont requises :

- que le contrat bénéficie à un enfant de l'assuré, à tout autre parent en ligne directe (ascendant ou descendant) ou collatérale (frère, oncle, nièce...) jusqu'au troisième degré, ou à une personne réputée à charge de l'assuré en application de l'article 196 A bis du CGI, c'est-à-dire vivant sous son toit et étant détenteur d'une carte « mobilité inclusion » sur laquelle est apposée la mention « invalidité » ;

- que les bénéficiaires soient atteints d'une infirmité qui les empêche, soit de se livrer à une activité professionnelle normalement rentable, soit, s'ils sont âgés de moins de 18 ans, d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal.

L'enjeu de cette dernière disposition est de s'assurer que le dispositif favorise bien les personnes qui, lors du décès de l'assuré, risquent de ne plus réussir à pourvoir par eux-mêmes à leurs besoins du fait de leur infirmité.

Comme le précise la doctrine fiscale88(*), le contribuable peut justifier de l'état d'infirmité du bénéficiaire par tous les éléments de preuves et, notamment invoquer une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). La possession de la carte « mobilité inclusion » sur laquelle est apposée la mention « invalidité » donne droit en principe à la réduction d'impôt, sauf dans les cas où l'invalidité ayant motivé la délivrance de la carte permettrait néanmoins à son titulaire de se livrer à une activité professionnelle dans des conditions normales de rentabilité ou d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE VOLONTÉ D'ÉTENDRE LA RÉDUCTION D'IMPÔT AUX CAS OÙ LE DESCENDANT EST MAJEUR

Le présent article, issu d'un amendement déposé par Perrine Goulet et plusieurs de ses collègues, ambitionne, comme le précise l'objet de leur amendement, d'étendre les contrats de « rente de survie » pour permettre aux ascendants d'une personne en situation de handicap de souscrire ce type de contrat au bénéfice de leur descendant, qu'il soit mineur ou majeur. En réalité, il ne traite pas des conditions dans lesquelles ce genre de contrat peut être souscrit, puisqu'il s'attache simplement à modifier l'article du code général des impôts qui a trait à la réduction d'impôt portant sur les primes d'assurance versée sur les contrats de « rente de survie ».

Ce faisant, il prévoit que la majoration applicable au plafond de 1 525 euros de la réduction d'impôt soit non plus de 300 euros par enfant à charge, mais de 300 euros par personne à charge.

Par ailleurs, il prévoit, pour que la réduction s'applique, que les bénéficiaires atteints d'une infirmité qui les empêche, soit de se livrer à une activité professionnelle normalement rentable - comme actuellement - soit d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal, aient plus ou moins de 18 ans. Actuellement, cette dernière condition est limitée aux personnes de moins de 18 ans.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SUPPRESSION DE DISPOSITIONS DÉPOURVUES DE PORTÉE NORMATIVE ET LA CLARIFICATION DE CELLES RELATIVES À LA MAJORATION DU PLAFOND DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT

Les auteurs de l'amendement pensaient étendre la réduction d'impôt aux contrats souscrits au bénéfice des descendants majeurs : c'est déjà possible actuellement, la condition pour que la réduction s'applique étant que leur infirmité les empêche de se livrer à une activité professionnelle rentable.

Dans l'état actuel de la législation, la question qui pourrait se poser est celle de savoir si des réductions d'impôt sont refusées lorsque la personne bénéficiaire est scolarisée et a plus de 18 ans. Dans ce cas, il faudrait que son infirmité lui permette de mener une activité professionnelle normalement rentable89(*).

La disposition proposée aurait l'effet suivant : ouvrir la réduction d'impôt aux titulaires des contrats dont les personnes bénéficiaires ont plus de 18 ans et dont l'infirmité ne leur permet pas d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal mais ne les empêche pas, en revanche, de se livrer à une activité professionnelle normalement rentable. Or, on peut difficilement concevoir que, passé 18 ans, l'infirmité d'une personne, si elle l'empêche d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle normale, ne l'empêche pas, en revanche, d'avoir une activité professionnelle normalement rentable.

Ainsi, cette disposition aurait un effet extrêmement limité ou nul.

La reprise de cette disposition dans le texte du Gouvernement tient au fait qu'il s'est contenté d'intégrer à son texte des amendements parlementaires, y compris quand certaines de leurs dispositions étaient dépourvues d'effet.

Toutefois, la portée de la disposition selon laquelle la majoration applicable au plafond de 1 525 euros de la réduction d'impôt serait de 300 euros par personne à charge, et non par enfant à charge, est davantage perceptible. Comme le rappelle l'article 196 bis A, est réputée à la charge du contribuable la personne qui vit sous son toit et dispose d'une carte « mobilité inclusion » où il est fait mention de son invalidité. Or, aux termes de la rédaction actuelle de l'article 199 septies, le plafond de versement sur un contrat dont est bénéficiaire cette personne réputée à charge n'est pas majoré du fait de la charge créée par cette personne - la majoration ne s'appliquant qu'en fonction des enfants à charge.

L'amendement n° I- 162 (FINC- 5) vise ainsi, d'une part, à supprimer la disposition, dépourvue d'effet, concernant l'ouverture de la réduction d'impôt aux titulaires des contrats dont les personnes bénéficiaires ont plus de 18 ans et dont l'infirmité ne leur permet pas d'acquérir une instruction ou une formation professionnelle d'un niveau normal mais ne les empêche pas, en revanche, de se livrer à une activité professionnelle normalement rentable, et, d'autre part, à préciser que la majoration est de 300 euros pour chaque enfant à charge, et pour chaque personne qui, vivant sous le toit du contribuable, dispose d'une carte « mobilité inclusion » où il est fait mention de son invalidité.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 decies (nouveau)

Maintien du dispositif de réduction d'impôt au titre de la souscription en capital des SOFICA

Le présent article prévoit de prolonger jusqu'à 2026 le bénéfice de la réduction d'impôt au titre de la souscription en capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA).

Si la non-reconduction du dispositif, mis en place en 1985, pourrait être préjudiciable au financement du cinéma français alors que les SOFICA constituent un outil pertinent, ses modalités doivent être réinterrogées.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME DE DÉDUCTION FISCALE AVANTAGEUX AFIN D'INCITER À L'INVESTISSEMENT DANS LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE

A. LES SOFICA : DES SOCIÉTÉS DE COLLECTE DE FONDS PRIVÉS CONSACRÉS EXCLUSIVEMENT AU FINANCEMENT DE LA PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE

Instituées par la loi du 11 juillet 1985, les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (SOFICA) sont des sociétés d'investissement destinées à la collecte de fonds privés consacrés exclusivement au financement de la production cinématographique et audiovisuelle90(*).

Les SOFICA doivent avoir pour activité exclusive le financement en capital d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles agréées par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), dans les conditions prévues à l'article 238 bis HF du code général des impôts (CGI).

Ce même article liste par ailleurs les conditions cumulatives qui conditionnent l'agrément du CNC : l'investissement est fléché vers des films d'expression originale française et de la nationalité d'un État partie à la Convention européenne sur la coproduction cinématographique, signée à Strasbourg le 2 octobre 1992.

L'article 238 bis HG prévoit que l'intervention des SOFICA s'effectue sous la forme :

- de versements en numéraire réalisés par contrats d'association à la production ou à la distribution, oeuvre par oeuvre. Le financement par ces contrats ne peut pas excéder 50 % du coût total de l'oeuvre et, dans le cas des contrats de distribution, le montant ne doit pas être supérieur à 15 % du montant total des investissements annuels. Cette dernière possibilité est un ajout de la loi de finances pour 202191(*) ;

- de souscriptions au capital de sociétés ayant pour activité exclusive la réalisation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles agréées. Cette souscription prend généralement la forme d'une société filiale à 100 % de la SOFICA ou détenue conjointement avec une autre SOFICA ou société.

L'article 238 bis HH du CGI prévoit en outre qu'une même personne ne peut détenir plus de 25 % du capital d'une SOFICA, directement ou indirectement.

B.UN RÉGIME DE DÉDUCTION FISCALE SPÉCIFIQUE

Conformément à l'article 238 bis HE du code général des impôts, les souscriptions en numéraire au capital de ces sociétés sont admises en déduction du revenu imposable des souscripteurs ou du bénéfice imposable, s'ils y sont assujettis.

Le cadre de la réduction d'impôt est quant à lui fixé à l'article 199 unvicies du CGI.

Cette réduction est de 30 % du montant souscrit dans la limite de 25 % du revenu net global et de 18 000 euros. Toutefois, le taux de la réduction d'impôt peut être peut être porté à 36 % si les SOFICA s'engagent à consacrer 10 % de leurs investissements à la souscription au capital de sociétés de réalisation.

Il peut atteindre 48 % dès lors que 10 % de leurs investissements sont dédiés à la souscription au capital de sociétés de réalisation afin de participer au développement d'oeuvres audiovisuelles de fiction, de documentaire ou d'animation sous forme de séries. Elle atteint également cet étiage si 10 % des investissements sont fléchés vers l'acquisition de droits portant exclusivement sur les recettes d'exploitation d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles à l'étranger. Ce taux de 48 % et les conditions pour l'atteindre ont été introduits en loi de finances pour 201792(*). L'ensemble des SOFICA agréées remplit actuellement cette double condition cumulative et bénéficie donc du taux majoré à 48 %, pour lequel la réduction d'impôt maximale est de 8 640 euros93(*).

90 % des fonds collectés doivent être investis dans un délai de douze mois après la date d'immatriculation de la SOFICA au registre du commerce et des sociétés. Le solde peut être placé sur un compte bancaire rémunéré. Le montant de l'investissement doit être versé avant le début du tournage, ou avant la sortie en salle s'agissant des investissements en distribution. Le remboursement n'est obtenu que par les recettes futures (articles 46 quindecies B de l'annexe III au CGI et article 238 bis HG du même code).

Le 4° de l'article 199 unvicies dispose en outre que le contribuable est tenu de conserver l'ensemble des titres qu'il a souscrit jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle du versement effectif. À défaut, le bénéfice de l'avantage fiscal est remis en cause.

La loi de finances pour 2021 a prolongé de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2023, la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital des SOFICA94(*).

Le montant maximal de la collecte annuelle de l'ensemble des SOFICA a par ailleurs été rehaussé de 10 millions d'euros. Il a été ainsi porté à 73,08 millions d'euros en 2021, montant maintenu en 2022 et 2023.

Cela représente 35,07 millions d'euros de dépense fiscale, bénéficiant en 2023 à 8 517 ménages. Le montant de la dépense fiscale est supérieur à 48 % des investissements, du fait de la possibilité pour les SOFICA d'épargner 10 % des sommes collectées auprès des souscripteurs sans les réinvestir.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION JUSQU'EN 2026

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue député Inaki Echaniz et plusieurs de ses collègues, ainsi que trois amendements identiques de Michel Herbillon, Constance Le Grip et Isabelle Rauch.

Il prolonge le bénéfice actuel de la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital des SOFICA pour trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 2026.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN LEVIER DE FINANCEMENT EFFICACE POUR LE CINÉMA FRANÇAIS MAIS QUI CONFÈRE UN AVANTAGE FISCAL TROP FAVORABLE

A. UN OUTIL QUI DEMEURE PERTINENT POUR LE FINANCEMENT DU CINÉMA FRANÇAIS

Les SOFICA ont investi 63,5 millions d'euros dans la production de films ou séries en 2022. Environ les trois quarts sont tournés vers le cinéma.

Cela représente une forte hausse par rapport à l'année 2021, année où le montant de la collecte avait été inférieur à celui envisagé.

En 2021, les SOFICA s'étaient engagées à flécher 94 % de leurs investissements vers des films indépendants, 72 % vers des films dont le budget est inférieur à 8 millions d'euros et 34 % vers des premiers et deuxièmes films. 140 films avaient bénéficié du concours d'une de ces sociétés, dont 71 % des films d'initiative française au devis compris entre 2 et 10 millions d'euros. 71 % des films français en sélection officielle au Festival de Cannes 2023 ont été financés par des SOFICA. Les apports des SOFICA représentent en outre environ 15 % de la part des devis à risque sur les films concernés.

Nombre de films financés par les SOFICA depuis 2012 et montant
des investissements effectués

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

B. MAIS DONT LES MODALITÉS DOIVENT ÊTRE RÉINTERROGÉES

Le récent rapport de la commission des finances95(*) sur le financement public du cinéma a consacré une large part de son analyse à la réduction d'impôt applicable aux SOFICA : « si le rapporteur spécial estime que cette prolongation ne pose pas de difficulté en soi, il s'interroge sur le caractère exorbitant que peut revêtir le taux de réduction d'impôt de 48 % voire le montant du plafond de la réduction, 18 000 euros ».

L'association de représentation des SOFICA a indiqué dans une note sur le renouvellement des SOFICA que le plafond de 18 000 euros (soit 8 000 euros de plus que le plafond générique) constituait la « condition sine qua non de la pérennité des SOFICA ». Il est douteux que cela soit réellement le cas, dans la mesure où le rehaussement du plafond en 2017 n'a pas eu d'impact direct sur le montant de la collecte, contrairement à l'augmentation de l'enveloppe décidée en 2021.

Le dispositif actuel revient en effet à ce que l'État finance la moitié des investissements effectués par le biais des SOFICA, alors que l'année 2023 confirme pour le secteur du cinéma la sortie des difficultés liées à la crise sanitaire.

Si le principe d'une incitation à l'investissement des particuliers dans le cinéma, et donc de la prorogation de 3 ans voulue par le présent article doit être réaffirmé, ce rapport préconisait de revenir à la situation antérieure à la loi de finances pour 2017 tout en réévaluant le plafond de dépense fiscale. Le rapporteur général propose un amendement n° I- 163 (FINC.6) en ce sens.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 undecies (nouveau)

Prorogation du dispositif « Malraux » dans certains quartiers anciens dégradés

Le présent article prévoit de proroger jusqu'au 31 décembre 2024 le bénéfice de la réduction d'impôt dite « Malraux » dans les quartiers anciens dégradés (QAD) et les quartiers présentant une concentration élevée d'habitat ancien dégradé et faisant l'objet d'une convention pluriannuelle (NPNRU96(*)).

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES PROROGATIONS SUCCESSIVES DU DISPOSITIF DANS L'ATTENTE DE SON ÉVALUATION

Adopté en loi de finances pour 1977, l'article 199 tervicies du code général des impôts prévoit que les contribuables domiciliés en France bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu pour les dépenses qu'ils assument en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti dès lors que celui-ci est situé :

- dans un site patrimonial remarquable classé (SPR), tel que défini au titre III du livre VI du code du patrimoine. Le périmètre dans lequel est situé l'immeuble doit être couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé ou par un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. Le dispositif peut également s'appliquer si la restauration de l'immeuble a été déclarée d'utilité publique ;

- dans un quartier ancien dégradé couvert par un plan national de rénovation (PNRQAD) délimité en application de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion de 200997(*), dès lors que la restauration a été déclarée d'utilité publique ;

- dans un quartier présentant une concentration élevée d'habitat ancien dégradé et faisant l'objet d'une convention pluriannuelle prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine de 200398(*), dès lors que la restauration a été déclarée d'utilité publique. La liste des quartiers concernés est arrêtée sur proposition de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (quartiers dits « PNRU99(*) » puis « NPNRU »).

La réduction d'impôt s'applique aux dépenses effectuées pour les locaux d'habitation ou pour des locaux destinés après travaux à l'habitation. Le propriétaire doit prendre l'engagement de louer les locaux concernés pendant une durée de neuf ans. Les dépenses éligibles, énumérées au II de l'article 199 tervicies, sont retenues dans la limite de 400 000 euros sur une période globale de quatre années consécutives, par propriétaire.

Le taux de réduction d'impôt est fixé à 22 %. Il peut être porté à 30 % pour les immeubles situés dans les quartiers PNRQAD ou NPNRU ainsi que pour ceux localisés dans un SPR et s'il est couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé (PSMV).

L'ensemble du dispositif est surnommé « Malraux » car il vient compléter, au plan fiscal, la loi n° 62-903 du 4 août 1962 complétant la législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière, dite loi « Malraux ».

Le montant de la dépense fiscale afférente au dispositif Malraux est estimé à 40 millions d'euros en 2023 et 41 millions d'euros en 2024. 3 767 ménages ont bénéficié du dispositif en 2023.

Si le mécanisme visant les SPR n'est pas borné, les réductions d'impôt visant les quartiers PNRQAD et NPNRU doivent prendre fin le 31 décembre 2023. Censés se terminer fin 2019, ces volets ouvrant droit à la réduction d'impôt ont, en effet, été prorogés en loi de finances à plusieurs reprises. L'article 19 de la loi de finances initiale pour 2023100(*) avait prolongé d'une année le dispositif jusqu'au 31 décembre 2023.

Ce même article a prévu la remise d'un rapport au Parlement sur les dispositifs « Malraux » et « Denormandie », devant être transmis avant le 30 septembre 2023.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue député François Jolivet et plusieurs de ses collègues.

Il modifie l'article 199 tervicies du CGI afin de décaler d'un an la fin du fait générateur de la réduction d'impôt en QAD et en NPNRU, soit jusqu'au 31 décembre 2024, incluant ici les dépenses payées jusqu'au 31 décembre 2023.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE ÉVALUATION DU DISPOSITIF TOUJOURS REPORTÉE QUI FAIT OBSTACLE À SA NÉCESSAIRE RÉFORME

La précédente prorogation, votée l'année dernière, s'était accompagnée d'une demande d'évaluation du dispositif, devant être transmise au Parlement avant le 30 septembre 2023. Il est plus que regrettable que cela n'ait pas été le cas, de sorte que le Parlement doive se prononcer « à l'aveugle ». En outre, si une mission des inspections générales (Inspection des finances - Inspection générale de l'environnement et du développement durable - inspection générale des affaires culturelles) a conduit des travaux sur le sujet en 2023, ses conclusions n'ont pour l'heure pas été rendues publiques. La reconduction annuelle de ce type de dispositif ne constitue pas un pilotage efficace de la dépense fiscale.

Par ailleurs, l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques, dans sa version considérée comme adoptée par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, aussi bien que dans sa version votée par le Sénat, précise que : « les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées que [...] à la condition d'avoir fait l'objet d'une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l'efficacité et le coût de celles-ci ». Force est de constater une nouvelle fois que le Gouvernement ne tient pas les engagements qu'il se propose lui-même de prendre.

En outre, les auteurs de l'amendement à l'origine du présent article indiquent vouloir proroger le dispositif afin de « maintenir un niveau de soutien public élevé au sein de ces quartiers ». Étant donné que la réduction « Malraux » ne bénéficie qu'à moins de 4 000 ménages, dont une partie en site patrimonial classé, il est heureux que le soutien public au sein des quartiers très dégradés ne dépende pas ou peu de la prorogation de ces volets du dispositif, dont on ne saurait considérer qu'ils constituent à eux seuls un enjeu incontournable de la politique de la ville. Ainsi, plusieurs dispositifs budgétaires, en particulier les programmes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain » ciblent les mêmes territoires que les deux volets du « Malraux » prorogés par le présent article.

Il ne s'agit pas de contester que le dispositif « Malraux » contribue aux objectifs de soutien au logement, de valorisation du patrimoine et de revitalisation des centres urbains. Force est cependant de constater la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires. Celui-ci s'élevait en 2016 à 9 565 foyers fiscaux, soit une baisse de 60 % en 7 ans.

La Cour des comptes relève ainsi dans son rapport de juin 2022101(*) sur le patrimoine monumental que si des villes comme Bordeaux ou Nantes ont pu bénéficier du dispositif en facilitant le réaménagement de locaux vacants, le dispositif ne répond plus aux attentes des petites et moyennes villes en déclin, confrontées à des prix de réhabilitations trop importants au regard des montants des loyers qui peuvent être espérés en retour. Ainsi, si le dispositif peut concerner 800 communes sur l'ensemble du territoire français, les projets de restauration se concentrent actuellement sur 30 communes, soit seulement 4 % des villes éligibles.

Il sera donc nécessaire à terme de s'interroger sur les modalités concrètes d'amélioration du « Malraux ». Il est indispensable que les conclusions de la mission des inspections générales mentionnées plus haut puissent permettre d'avancer sur ces aspects à l'occasion du prochain projet de loi de finances, ce qui aurait dû être le cas dès l'année en cours.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 duodecies (nouveau)

Prorogation de la réduction d'impôt dite « Coluche »

Le présent article prévoit de reconduire le plafond dérogatoire, fixé à 1 000 euros, de la réduction d'impôt prévue au 1 ter de l'article 200 du code général des impôts pour l'imposition des revenus des années 2024 à 2026.

La commission propose d'adopter un amendement n° I- 164 (FINC. 7), précisant que la prorogation proposée au présent article s'applique aux dons versés en 2023.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME SPÉCIFIQUE DE RÉDUCTION D'IMPÔT AU TITRE DES DONS AU PROFIT DES ORGANISMES D'AIDE AUX PERSONNES EN DIFFICULTÉ DONT LE PLAFOND A ÉTÉ RÉHAUSSÉ À TITRE DÉROGATOIRE À LA SUITE DE LA CRISE SANITAIRE

A. LE DISPOSITIF DIT « COLUCHE » CONSTITUE UN RÉGIME SPÉCIFIQUE AU SEIN DU RÉGIME DE RÉDUCTION D'IMPÔT AU TITRE DES DONS AUX ORGANISMES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

1. Le régime général de la réduction d'impôt au titre des dons aux organismes d'intérêt général

L'article 200 du code général des impôts dispose qu'ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes, prises dans la limite de 20 % du revenu imposable, qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B du même code, au profit de différents organismes mentionnés à ce même article 200 du code général des impôts.

La réduction d'impôt prévue par l'article 200 précité s'applique tant aux dons effectués par les personnes physiques qu'aux dons des entreprises industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou non commerciales relevant de l'impôt sur le revenu (les exploitations individuelles ou sociétés de personnes). Ces dernières ont le choix entre la réduction d'impôt prévue à l'article 200 du code général des impôts et la réduction d'impôt prévue à l'article 238 bis du même code.

Afin de bénéficier de la réduction d'impôt au titre des dons effectués, le contribuable doit être en mesure de présenter, à la demande de l'administration fiscale, un reçu fiscal attestant du montant et de la date des versements ainsi que de l'identité des bénéficiaires. Les organismes peuvent, sous leur propre responsabilité, remettre des reçus fiscaux aux donateurs, spécificité du régime français du mécénat souligné par la Cour des comptes dans un référé sur la fiscalité des dons aux associations102(*).

S'agissant du don ou versement, le dispositif de réduction d'impôt n'est accordé qu'à la condition que ce don ou versement procède d'une intention libérale, c'est-à-dire « qu'il soit consenti à titre gratuit, sans contrepartie directe ou indirecte au profit de la personne qui l'effectue »103(*).

Impact budgétaire et nombre de bénéficiaires de la réduction d'impôt
au titre des dons aux organismes d'intérêt général

Année budgétaire (année de versement)

2015

(2014)

2016

(2015)

2017

(2016)

2018

(2017)

2019

(2018)

2020

(2019)

2021

(2020)

2022

(2021)

2023*

(2022)

2024*

(2023)

Montant de la dépense (en millions d'euros)

1 315

1 365

1 400

1 518

1 455

1 536

1 620

1 725

1 777

1 777

Nombre de ménages bénéficiaires

5 746 500

5 753 127

5 562 559

5 466 211

5 233 055

4 993 058

5 166 156

5 369 249

n.c.

n.c.

Note : montants prévisionnels pour les années marquées par *

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires et du rapport d'évaluation remis au Parlement en application du II de l'article 76 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022

2. Le régime spécifique de la réduction d'impôt au titre des dons effectués au profit des organismes d'aide aux personnes en difficulté, dite « Coluche »

Au sein du régime général des dons aux organismes d'intérêt général, le 1 ter de l'article 200 du code des impôts prévoit un avantage fiscal spécifique au titre des dons effectués au profit des organismes d'aide aux personnes en difficulté, la réduction d'impôt dite « Coluche ».

Cette réduction d'impôt demeure, malgré une succession de modifications, un dispositif fiscal relativement stable. Elle se distingue par un taux majoré et par un plafond spécifique.

L'article 7 de la loi de finances pour 1989104(*), dit « amendement Coluche » a créé un avantage fiscal spécifique pour les dons destinés à financer la fourniture gratuite de repas aux personnes en difficulté. Ce dispositif permettait aux contribuables ayant effectué de tels dons de bénéficier soit d'une réduction d'impôt à hauteur de 50 % de leurs dons dans la limite de 400 francs, soit d'une déduction du revenu global. La loi de finances pour 1990 a supprimé l'option de la déduction du revenu global105(*).

Depuis 1990, cet avantage fiscal a été progressivement renforcé, par un rehaussement de son taux, un élargissement de son champ d'application et une revalorisation de son plafond.

Premièrement, le taux de la réduction d'impôt, initialement fixé à 50 %, a été rehaussé à plusieurs reprises. En dernier lieu, l'article 127 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005106(*) a porté le taux de la réduction d'impôt à 75 %.

Deuxièmement, le champ d'application de la réduction d'impôt a été progressivement élargi, d'abord aux organismes sans but lucratif contribuant à favoriser le logement des personnes en difficulté107(*), puis aux organismes procédant, à titre principal, à la fourniture gratuite de soins à ces personnes108(*). À titre expérimental, le dispositif a été étendu aux dons et versements effectués entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022 au profit d'organismes sans but lucratif qui exercent des actions concrètes en faveur des victimes de violence domestique, qui leur proposent un accompagnement ou qui contribuent à favoriser leur relogement109(*).

Troisièmement, le plafond dans la limite duquel s'applique la réduction d'impôt dite « Coluche » a été revalorisé. L'article 7 de la loi de finances pour 2002110(*) a relevé le montant du plafond à 400 euros, d'une part, et a précisé la règle d'actualisation de ce plafond, d'autre part. Ainsi, le 1 ter de l'article 200 du code général des impôts dispose que ce plafond est relevé « chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle des versements ». Le montant obtenu est arrondi, si besoin, à l'euro supérieur. Certaines lois ont, de manière ponctuelle, dérogée à cette règle d'indexation111(*).

Évolution du plafond spécifique au dispositif dit « Coluche »,
en application de la règle d'indexation issue de la loi de finances pour 2002

Année

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Plafond en euros

400

407

414

422

470

479

488

495

510

513

521

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

521

521

526

529

530

531

537

546

1 000

1 000

1 000

1 000

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires et du rapport d'évaluation remis au Parlement en application du II de l'article 76 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022

Dans sa version actuellement en vigueur, le 1 ter de l'article 200 du code général des impôts ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 75 % de leur montant pour les versements effectués au profit d'organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins mentionnés au 1° du 4 de l'article 261 du même code à des personnes en difficulté.

Ces versements auraient théoriquement été retenus dans la limite de 562 euros pour l'imposition des revenus de 2022. À noter que si la fraction des dons bénéficiant de la réduction d'impôt « Coluche » n'est pas prise en compte pour l'appréciation du plafond de la réduction d'impôt au titre des versements effectués au profit des autres organismes d'intérêt général, la fraction des dons qui excèdent le plafond de la réduction d'impôt « Coluche » peut bénéficier de la réduction d'impôt de droit commun dans la limite du plafond général du revenu imposable.

B. LA PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2020 A REMONTÉ À TITRE DÉROGATOIRE LE PLAFOND DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT DITE « COLUCHE » DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE

Dans le contexte de la crise sanitaire et compte tenu de ses conséquences sur les associations d'aide aux personnes en difficulté, la réduction d'impôt dite « Coluche » a fait l'objet d'un aménagement temporaire.

À titre dérogatoire, l'article 14 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 a rehaussé le plafond de la réduction d'impôt prévue au 1 ter de l'article 200 du code général des impôts à 1 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2020.

Ce plafond dérogatoire a été prorogé à deux reprises. Une première fois, pour l'imposition des revenus de l'année 2021, par l'article 187 de la loi de finances pour 2021112(*), issu de l'adoption d'amendements par le Sénat et une seconde fois, pour les revenus des années 2022 et 2023, par l'article 76 de la loi de finances pour 2022113(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION DE TROIS ANS DU PLAFOND DÉROGATOIRE DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT « COLUCHE »

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Christine Pirès Beaune et de plusieurs de ses collègues, ainsi que trois autres amendements identiques, respectivement déposés par nos collègues députés Fabrice Brun, Danielle Brulebois et Stella Dupont.

Le présent article remplace, à la dernière phrase du premier alinéa du 1 ter de l'article 200 du code général des impôts, les mots « 2020 à 2023 » par les mots « 2024 à 2026 », afin d'étendre le rehaussement dérogatoire du plafond de la réduction d'impôt prévue à cet article pour l'imposition des revenus de chacune des années 2024 à 2026, soit une prorogation de trois ans de ce plafond dérogatoire.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROROGATION OPPORTUNE EN DÉPIT D'UNE ÉVALUATION COMPLEXE DU DISPOSITIF

Le II de l'article 76 de la loi de finances pour 2022 dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement « un rapport évaluant le dispositif prévu au 1 ter de l'article 200 du code général des impôts, en précisant les effets du plafond dérogatoire et temporaire de 1 000 euros pour les dons réalisés » et ce, avant le 30 septembre 2022.

Le Gouvernement a remis un rapport d'évaluation de la mesure au Parlement en janvier 2023. Ce travail, réalisé par la direction de la législation fiscale, indique que l'impact du plafond dérogatoire est difficile à mesurer, tant sur le plan de son impact budgétaire que sur le plan du volume de dons.

En premier lieu, à la date de la réalisation du rapport d'évaluation, l'administration indique qu'elle ne disposait pas des données nécessaires pour réaliser une évaluation pluriannuelle du dispositif, notamment les données relatives aux campagnes déclaratives des revenus 2021 et 2022.

En second lieu, l'évaluation de la mesure est complexifiée par l'adoption concomitante de deux mesures pouvant affecter le volume des dons, indépendamment de la hausse du plafond du dispositif « Coluche » :

- d'une part, l'élargissement du dispositif « Coluche », à titre expérimental, aux organismes sans but lucratif qui exercent des actions concrètes en faveur des victimes de violence domestique, qui leur proposent un accompagnement ou qui contribuent à favoriser leur relogement, pour l'imposition des revenus des années 2020 à 2022 ;

- d'autre part, le rehaussement temporaire à 75 % du taux de la réduction d'impôt accordée au titre des dons effectués entre le 2 juin 2021 et le 31 décembre 2022 au profit d'associations cultuelles ou d'établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle.

En dépit de ces difficultés, la direction de la législation fiscale estime l'impact budgétaire de la mesure de rehaussement du plafond à 1 000 euros à 8 millions d'euros pour les dons et versements effectués par 280 000 ménages bénéficiaires. Le montant moyen du gain s'élève à 28 euros et le gain maximal à 336 euros.

Le rapporteur général regrette que le Gouvernement n'ait pas été en mesure de fournir une évaluation plus précise du dispositif fiscal prévu au 1 ter de l'article 200 du code général des impôts.

Pour autant, il considère que la prorogation de la hausse dérogatoire du plafond de la réduction d'impôt est favorable à l'engagement associatif et au bénévolat. Le contexte économique fait peser une menace sur le secteur associatif, vulnérable à une baisse des dons. Dans une période marquée par l'inflation, une attention particulière doit être portée à la solidarité avec ceux de nos concitoyens qui sont dans la difficulté.

Toutefois, le présent article remplace, à la dernière phrase du premier alinéa du 1 ter de l'article 200 du CGI les mots « 2020 à 2023 » par les mots « 2024 à 2026 ». Cette rédaction laisse planer un doute sur l'application du dispositif dit « Coluche » aux dons versés au cours de l'année 2023.

Par suite, la commission propose, à travers son amendement n° I-164 (FINC. 7), de clarifier la rédaction du présent article, afin de remplacer, au premier alinéa du 1 ter de l'article 200 du CGI, « 2023 » par « 2026 ».

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 terdecies (nouveau)

Extension aux organismes agissant en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes des réductions d'impôt au titre des dons

Le présent article prévoit d'élargir le champ de la réduction d'impôt au titre des dons des particuliers et des entreprises aux organismes d'intérêt général concourant à l'égalité entre les femmes et les hommes.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ARTICLE 200 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS PRÉVOIT UNE RÉDUCTION D'IMPÔT AU TITRE DES DONS RÉALISÉS PAR LES PARTICULIERS

A. LES DONS AUX ORGANISMES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL INTERVENANT DANS UN DES SECTEURS LISTÉS PAR L'ARTICLE 200 DU CGI OUVRENT DROIT À UNE RÉDUCTION D'IMPÔT AU TAUX DE DROIT COMMUN DE 66 %

Le mécénat des particuliers et des entreprises au bénéfice des organismes d'intérêt général bénéfice d'un dispositif de soutien financier global qui repose notamment sur la dépense fiscale.

Depuis 1948, le droit fiscal prévoit une réduction d'impôt au bénéfice des particuliers qui aident les associations d'intérêt général. Originellement plafonné à un montant très réduit du revenu global des donateurs, cette dépense fiscale s'est progressivement étendue, notamment sous l'effet de la loi dite « Aillagon » sur le mécénat, les associations et les fondations114(*), qui a porté le taux de la réduction d'impôt à 60 % et son plafond à 20 % du revenu imposable.

Les caractéristiques de cette réduction d'impôt sont désormais fixées par le 1 de l'article 200 du code général des impôts (CGI), qui prévoit une réduction d'impôt sur le revenu d'un montant égal, en principe, à 66 % des sommes versées dans la limite de 20 % du revenu imposable au bénéfice des contribuables domiciliés en France.

Au sein de ce dispositif, les a, c, d, e, f, f bis et g règlent les situations particulières relatives respectivement aux fondations ou associations reconnues d'utilité publique, aux établissements d'enseignement, aux organismes de financement des PME, aux associations cultuelles d'Alsace-Moselle, aux organismes de présentation de spectacles, d'association exerçant en faveur du pluralisme de la presse et aux fonds de dotation.

Le b du 1 de l'article 200 du CGI règle les conditions générales dans lesquelles les dons d'un particulier ouvrent droit à la réduction d'impôt.

En premier lieu, indépendamment de son domaine d'activité, l'organisme doit avoir un caractère d'intérêt général. Le caractère d'intérêt général d'une organisation s'apprécie selon trois critères cumulatifs115(*) :

- l'organisme n'exerce pas d'activité lucrative ;

- l'organisme fait l'objet d'une gestion désintéressée ;

- l'organisme ne fonctionne pas au profit d'un cercle restreint de personnes116(*).

En second lieu, le b du 1 de l'article 200 du CGI liste les domaines dans lesquels les organismes entrant dans le champ du dispositif doivent intervenir. Les organismes entrant dans ce champ sont les organismes ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

Associations dans le périmètre du b du 1 de l'article 200 du CGI

Caractère prévu par le b du 1 de l'article 200 du CGI

Exemple d'organisme éligible

Philanthropique

Comité chargé de recueillir des fonds pour les victimes d'un sinistre

Éducatif

Association d'aide aux établissements d'enseignement libre

Scientifique

Organisme ayant pour but d'effectuer des recherches médicales

Social ou familial

Auberge de jeunesse

Humanitaire

Association de secours aux personnes qui se trouvent en situation de détresse

Sportif

Association de sport colombophile

Culturel

Association gérant un théâtre d'amateurs

Concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique

Comité chargé de recueillir des fonds pour financer l'achat d'oeuvres d'art pour les collections d'un musée accessible au public

Concourant à la défense de l'environnement naturel

Association de préservation de la faune et de la flore

Concourant à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques française

Association de défense de la diffusion de la langue française

Source : commission des finances, d'après BOI-IR-RICI- 250-10-20-10, mise à jour le 12 septembre 2012

En pratique, pour bénéficier de la réduction d'impôt, en application du 5 de l'article 200 du CGI, les contribuables concernés doivent joindre à leur déclaration de revenus un reçu fiscal délivré par l'organisme bénéficiaire des dons et conforme à un modèle publié par arrêté117(*).

B. LA RÉDUCTION D'IMPÔT AU TITRE DES DONS BÉNÉFICIE CHAQUE ANNÉE À PLUS DE CINQ MILLIONS DE FOYERS POUR UN COÛT ESTIMÉ À 1,8 MILLIARD D'EUROS EN 2023

Les annexes au projet de loi de finances agrègent l'estimation de la dépense fiscale au titre des dons à l'échelle de l'ensemble des dispositifs couverts par l'article 200 du CGI. Cette dépense fiscale excède par conséquent les cas se rattachant au régime général décrit ci-dessus et régi par le b du 1 de l'article 200 du CGI.

À l'échelle globale, la dépense fiscale au titre des dons représente en 2023 une dépense fiscale de 1 777 millions d'euros qui bénéficieraient à 5,4 millions de ménages. Elle fait partie des dix dépenses fiscales les plus coûteuses en 2024 et se situe à la neuvième place selon l'estimation du Gouvernement118(*).

Il est également à relever qu'ouvrent droit à la réduction d'impôt, pour les contribuables concernés, les frais engagés dans le cadre d'une activité bénévole, lorsque ces frais ont été constatés dans les comptes de l'organisme et que le contribuable a renoncé expressément à leur remboursement.

C. LE MÉCÉNAT DES ENTREPRISES BÉNÉFICIE D'UNE RÉDUCTION D'IMPÔT ANALOGUE À CELLE DONT BÉNÉFICIENT LES PARTICULIERS

Le soutien public au financement des organismes d'intérêt général intervenant dans les domaines énumérés au b du 1 de l'article 200 du CGI fait également l'objet d'une dépense fiscale au bénéfice des entreprises régie par l'article 238 bis du CGI.

En principe, la réduction d'impôt est de 60 % pour la fraction inférieure à 2 millions d'euros et de 40 % pour la fraction supérieure. Les dépenses éligibles sont également plafonnées à 20 000 euros en règle générale, qui peut être majoré à 5 pour mille du chiffre d'affaires lorsque ce montant est plus élevé.

En dehors des cas particuliers qui couvrent un périmètre en cohérence avec le reste de l'article 200 du CGI, le a du 1 de l'article 238 bis inclut les organismes mentionnés au b du 1 de l'article 200 du CGI.

L'estimation de la dépense fiscale faite par le Gouvernement agrège l'ensemble des dispositifs au titre des dons fait par des entreprises à des oeuvres ou organismes d'intérêt général régis par l'article 238 bis. Cette dépense fiscale a bénéficié en 2023 à 105 414 entreprises pour un coût global de 1 507 millions d'euros.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : AJOUTER LES ORGANISMES CONCOURANT À L'ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES À LA LISTE DE CEUX AUXQUELS LE VERSEMENT D'UN DON OUVRE DROIT À UNE RÉDUCTION D'IMPÔT

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de Mme Marie-Pierre Rixain et de plusieurs de ses collègues, ainsi qu'un amendement identique déposée par Mme Marie-Charlotte Garin.

L'article a pour objet de modifier, d'une part, la liste des domaines inclus dans le b du 1 de l'article 200 du CGI et, d'autre part, de modifier, en coordination, la liste de domaines inclus dans le a du 1 de l'article 238 bis du CGI.

La modification proposée consiste à ajouter à la liste générale des organismes ouvrant droit à une réduction d'impôt en cas de don, pour les particuliers comme pour les entreprises, les organismes d'intérêt général concourant à l'égalité entre les femmes et les hommes.

En pratique, le périmètre des deux dépenses fiscales concernées serait élargi aux organismes d'intérêt général concourant à l'égalité entre les femmes et les hommes.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'EXTENSION LÉGITIME DU CHAMP DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT AURAIT DÛ ÊTRE RÉALISÉE SELON UNE MÉTHODE PLUS SOUCIEUSE DE LA LISIBILITÉ DU DROIT FISCAL, DE SA COHÉRENCE ET DE SON EFFICACITÉ

A. L'OUVERTURE DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT AU TITRE DES DONS AUX ORGANISMES CONCOURANT À L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES EST LÉGITIME

L'article 3 terdecies du projet de loi est motivé par le fait que l'article 200 du CGI énumère limitativement les catégories d'organismes d'intérêt général incluses dans le dispositif de réduction fiscale.

Par suite, et sans préjuger de la possibilité pour certaines de ces associations de bénéficier du dispositif dans l'état actuel du droit applicable, l'article prévoit un élargissement de la dépense fiscale faisant expressément figurer dans la liste des organismes d'intérêt général entrant dans le champ de la réduction d'impôt les organismes concourant à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Au regard de l'importance de l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes, et du dynamisme des associations oeuvrant dans ce domaine, l'inclusion explicite de ces organismes dans le périmètre des réductions d'impôt au titre des dons des entreprises et des particuliers est légitime. Le rapporteur général est par conséquent favorable à l'adoption de cet article.

B. L'EXTENSION D'UNE DÉPENSE FISCALE AURAIT DÛ ÊTRE PRÉCÉDÉE D'UN EXAMEN MÉTHODIQUE POUR GARANTIR LA LISIBILITÉ, LA COHÉRENCE ET L'EFFICACITÉ DU DROIT FISCAL

Sans préjudice de l'opportunité de l'article examiné, le rapporteur général s'interroge sur la méthode appliquée. Cette mesure avait pourtant été annoncée par la Première ministre, le 8 mars 2023, dans le cadre du plan interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

En premier lieu, le rapporteur général regrette que le Gouvernement n'ait pas mené une réflexion sur la cohérence de la liste des domaines inscrite au b du 1 de l'article 200, qui par exemple n'inclut pas les organismes concourant à la lutte contre les discriminations raciales.

En deuxième lieu, le rapporteur général estime qu'une telle réflexion aurait permis de renforcer la lisibilité du droit fiscal, alors que l'accumulation de catégories hétéroclites dans le droit applicable à la réduction d'impôt au titre des dons ne facilite pas la compréhension de ce dispositif par les contribuables.

Enfin en troisième lieu, le rapporteur général regrette que le Gouvernement accepte l'élargissement le périmètre d'une des dix principales dépenses fiscales de notre système d'imposition sans présenter une évaluation préalable détaillée des effets de ce dispositif.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 quaterdecies (nouveau)

Prolongation du crédit d'impôt relatif aux travaux prescrits dans le cadre de plans de prévention des risques technologiques

Le présent article prévoit de repousser au 31 décembre 2026 la date limite de prise en compte des dépenses éligibles au crédit d'impôt pour les travaux prescrits aux propriétaires d'habitation dans le cadre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

L'article L. 515-16-2 du code de l'environnement prévoit que les PPRT peuvent prescrire des travaux pour les propriétaires de logements concernés, dans le but de mieux prévenir les risques technologiques. Ces travaux étant obligatoires, il est cohérent qu'ils fassent l'objet d'une compensation.

Des PPRT continuent d'être approuvés à date récente. Entre août 2022 et août 2023, trois plans ont été approuvés, et un PPRT est actuellement en phase d'approbation. Par conséquent, la prolongation du crédit d'impôt s'impose. Son coût, estimé à inférieur à un million d'euros, est par ailleurs limité.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR COMPENSER LES TRAVAUX OBLIGATOIRES POUR LA PRÉVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES

Le 1 bis de l'article 200 quater A du code général des impôts dispose que les propriétaires de logements situés en France peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses payées entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2023 pour la réalisation, dans les délais impartis, de diagnostics préalables et de travaux prescrits par les plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

Pour que les travaux soient éligibles, les logements doivent avoir été achevés avant l'approbation du PPRT, et ils doivent servir de résidence principale, être loués, ou, s'ils ne sont ni l'un ni l'autre, les propriétaires doivent s'engager à les louer pour une durée de cinq ans.

Les PPRT ont été créés à la suite de l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, le 21 septembre 2001, par la loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Ils prévoient un certain nombre de mesures visant à réduire les risques associés à la présence de sites industriels à haut risque (c'est-à-dire, classés Seveso seuil haut), dont certaines concernent les propriétaires de logement.

L'article L. 515-16-2 du code de l'environnement prévoit ainsi que les PPRT peuvent prescrire aux propriétaires la réalisation de travaux. Ceux-ci peuvent par exemple consister dans la réalisation de protections pour les logements ou d'aménagement pour la circulation des véhicules.

Pour bénéficier du crédit d'impôt, les travaux prescrits doivent être effectués dans un délai de huit ans à compter de l'approbation du plan, ou avant le 1er janvier 2024 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2016.

L'article L. 515-19 du code de l'environnement ajoute que les exploitants des installations à l'origine du risque et les collectivités territoriales119(*) participent au financement des diagnostics préalables et des travaux de protection prescrits aux contribuables propriétaires de logements au titre de l'article L. 515-16-2. L'article prévoit des niveaux de participation obligatoire, qui peuvent être complétés par des participations volontaires. Comme pour le crédit d'impôt, les travaux doivent avoir été payés dans un délai de huit ans à compter de l'approbation du PPRT, ou avant le 1er janvier 2024 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2016.

L'article 200 quater A précise que le montant du crédit d'impôt n'est pas déduit des participations versées. L'article L. 515-19 indique toutefois que la participation financière ne peut pas excéder 10 000 euros par logement, et que le montant cumulé des participations et du crédit d'impôt ne doit pas dépasser le coût des diagnostics et des travaux obligatoires.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA PROLONGATION JUSQU'EN 2026 DU CRÉDIT D'IMPÔT

Le présent article est issu d'un amendement déposé par la députée Sophie Panonacle et plusieurs de ses collègues.

Le I repousse la date limite de prise en compte des dépenses éligibles au crédit d'impôt du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2026.

Le 1° du II modifie l'article L. 515-16-2 du code de l'environnement pour allonger le délai pour la réalisation des travaux après l'approbation du PPRT de huit à onze ans. Il repousse également la date limite à laquelle les travaux doivent être réalisés du 1er janvier 2024 au 1er janvier 2027 dans le cas où les PPRT ont été approuvés avant le 1er janvier 2016.

En cohérence, le 2° du II modifie l'article L. 515-19 du code de l'environnement pour allonger le délai de réalisation des travaux de huit à onze ans, et dans le cas où les PPRT ont été approuvés avant le 1er janvier 2016, il repousse la date limite à laquelle les travaux doivent être réalisés du 1er janvier 2024 au 1er janvier 2027.

Enfin, le III prévoit la remise d'un rapport au Parlement, avant le 30 septembre 2026, sur l'évaluation du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater A du code général des impôts, et du mécanisme de participation financière prévu à l'article L. 515-19 du code de l'environnement.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA PROROGATION DU CRÉDIT D'IMPÔT DOIT PERMETTRE DE PRENDRE EN COMPTE L'APPROBATION RÉCENTE DE PLANS DE PRÉVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES

Les travaux prévus par l'article L. 515-16-2 du code de l'environnement sont de nature obligatoire, et ils répondent à une exigence d'intérêt général de prévention des risques technologiques. Il est donc compréhensible que l'État soutienne par un crédit d'impôt la réalisation de ces travaux par les propriétaires.

L'allongement de la durée du crédit d'impôt prévu par le présent article est de bon sens, alors que des PPRT continuent encore à être approuvés à une date récente. En effet, sur 379 PPRT prescrits, 3 ont été approuvés entre août 2022 et août 2023, et un dernier PPRT est en phase d'approbation.

L'allongement des délais pour réaliser les travaux prévus aux articles L. 515-16-2 du code de l'environnement et L. 515-19 du code de l'environnement peut également s'entendre, dans la mesure où les travaux devant être réalisés sont potentiellement complexes, eu égard à la technicité et aux nombreux aspects de la prévention des risques techniques.

Néanmoins, ni le crédit d'impôt de l'article 200 quater A du code général des impôts, ni le mécanisme de participation financière prévu à l'article L. 515-19 de l'environnement n'ont fait l'objet d'une évaluation. Le coût du crédit d'impôt n'est pas non plus indiqué avec précision, mais il est estimé inférieur à un million d'euros. Pour ces raisons, le rapport prévu au III du présent article pourra apporter un éclairage utile sur l'efficacité de ces dispositifs.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 quindecies (nouveau)

Modification du crédit d'impôt afférent aux systèmes de charge
pour véhicule électrique

Le présent article prévoit de majorer de 200 euros, pour le porter à 500 euros, le plafond du crédit d'impôt en faveur de l'installation de bornes de recharge électrique à domicile et de le cibler sur les bornes pilotables.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT PLAFONNÉ À 300 EUROS EN FAVEUR DE L'INSTALLATION DE BORNES DE RECHARGES ÉLECTRIQUES À DOMICILE

L'article 200 quater C du code général des impôts prévoit un crédit d'impôt en faveur des dépenses relatives à l'acquisition et à la pose de bornes de recharges électriques au domicile des particuliers.

Aussi, le 1 de cet article dispose que les contribuables domiciliés en France « peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées, entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2025, pour l'acquisition et la pose d'un système de charge pour véhicule électrique dans le logement dont ils sont propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit et qu'ils affectent à leur habitation principale et à leur résidence secondaire exclusivement, dans la limite d'une résidence secondaire par contribuable ».

En vertu du 3 de ce même article, le crédit d'impôt est égal à 75 % du montant des dépenses relatives à l'acquisition et à la pose du système de charge, sans pouvoir dépasser un montant plafonné à 300 euros.

Le 6 de ce même article limite le bénéfice de ce crédit d'impôt pour un même logement à un seul système de charge pour une personne célibataire et à deux systèmes pour un couple.

Conformément au 3 de l'article 200 quater C, un arrêté du 27 mai 2021 a défini les caractéristiques techniques des systèmes de charge pour véhicule électrique éligibles au crédit d'impôt120(*).

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat avait voté la prolongation de deux ans de ce crédit d'impôt jusqu'en 2025. Cette disposition a été maintenue dans le texte promulgué, à l'article 31 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN CIBLAGE DU CRÉDIT D'IMPÔT SUR LES BORNES PILOTABLES ET UNE AUGMENTATION DE SON PLAFONNEMENT À 500 EUROS

Cet article est issu d'un amendement déposé par M. Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues députés sous-amendé par M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, intégré au texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le présent article prévoit de modifier le dispositif de crédit d'impôt en faveur de l'installation de bornes de recharges électriques à domicile en proposant plusieurs ajustements à l'article 200 quater C du code général des impôts.

Le 1° et le 2° du I de l'article visent à cibler le crédit d'impôt sur les seules bornes de recharges électriques pilotables.

Le pilotage de la recharge des véhicules électriques

Le pilotage des bornes consiste en une modulation de l'énergie consommée lors de la recharge d'un véhicule électrique principalement dans le but d'éviter de surcharger le réseau d'électricité. À la faveur des systèmes de pilotage, il est possible d'adapter la puissance allouée à la borne, le cas échéant de manière intelligente afin d'optimiser les recharges.

Le pilotage des recharges permet ainsi de lisser les pointes de consommation, de sorte que la puissance électrique disponible soit allouée de manière à satisfaire les besoins électriques de façon optimisée.

Le décret n° 2021-546 du 4 mai 2021121(*) définit le pilotage de la recharge comme la capacité à moduler la puissance appelée ou à programmer la recharge d'un véhicule électrique. Ces possibilités sont permises par des coffrets de pilotage et de gestion qui sont intégrés aux infrastructures de recharge.

Source : commission des finances du Sénat

Le 3° du I propose quant à lui d'augmenter le montant plafond du crédit d'impôt de 200 euros pour le porter à 500 euros.

Le II prévoit que les modifications du crédit d'impôt ainsi proposées par le I ne s'appliquent qu'aux dépenses payées à compter du 1er janvier 2024. Il ajoute que « les dispositions de l'article 200 quater C du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la présente loi s'appliquent, sur demande du contribuable, aux dépenses payées en 2024 pour lesquelles le contribuable justifie de l'acceptation d'un devis et du versement d'un acompte entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023 ». Cette disposition permettrait notamment aux contribuables ayant accepté le devis d'installation d'une borne de recharge non pilotable au cours de l'année 2023 de pouvoir rester éligible au crédit d'impôt en 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE INDISPENSABLE POUR ENCOURAGER LA MOBILITÉ ÉLECTRIQUE QUI AVAIT DÉJÀ ÉTÉ VOTÉE PAR LE SÉNAT DANS LE CADRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2023

Aujourd'hui, le coût moyen de l'acquisition et de la pose d'une borne de recharge électrique se situe entre 1 200 euros et 1 500 euros, pouvant parfois même atteindre 2 000 euros. L'augmentation du montant plafond du crédit d'impôt proposée par le présent article apparaît ainsi comme une mesure pertinente pour inciter les particuliers à s'équiper et contribuer ainsi à accélérer la transition écologique du parc de voitures individuelles.

Elle conduirait en effet à couvrir de 30 % à 40 % des dépenses moyennes résultant de l'installation d'une borne de recharge pour un particulier. Ce niveau semble à la fois raisonnable en matière de participation du contribuable national à des dépenses qui, bien qu'elles participent à la transition écologique et à la baisse des émissions de CO2, restent fondamentalement d'ordre privé, mais également suffisamment incitatif pour permettre de promouvoir le déclenchement de ce type d'investissements.

D'après le Tome II de l'annexe au PLF pour 2024 portant sur l'évaluation des voies et moyens, le crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater C du code général des impôts a concerné 24 070 ménages et son coût prévisionnel pour 2024 était estimé à 22 millions d'euros. En prenant l'hypothèse d'un même volume de bénéficiaires, l'augmentation de 67 % du montant plafond proposée par l'article pourrait ainsi représenter une diminution supplémentaire de recettes publiques d'environ 15 millions d'euros.

Lors de l'examen du PLF pour 2023, le Sénat avait adopté en première lecture, avec un avis de sagesse de la commission des finances et malgré un avis défavorable du Gouvernement, un amendement qui proposait déjà de porter à 500 euros le montant plafond de ce crédit d'impôt. Comme plusieurs des mesures qui ont trouvé ses faveurs dans le PLF pour 2024, le rapporteur général considère que le Gouvernement aurait été bien avisé de suivre les votes du Sénat lors du PLF 2023.

Les dernières prévisions de RTE anticipent une augmentation considérable de la demande d'électricité dans les années et décennies à venir du fait de l'électrification généralisée des usages et des procédés industriels. Outre les enjeux de production qu'elles supposent, ces évolutions se traduiront notamment par une tension extrêmement forte sur l'équilibre du réseau électrique entre offre et demande. Dans ce contexte, le pilotage de la demande électrique, pour les usages qui s'y prêtent, revêt un enjeu absolument essentiel.

Alors qu'en 2035 la mobilité électrique pourrait représenter 10 % de la consommation électrique totale en France, la recharge à domicile des véhicules fait partie de ces usages pilotables permettant d'alléger la tension sur le réseau électrique aux moments des pics de consommation.

Les intérêts du pilotage de la recharge des véhicules électriques

Le pilotage de la recharge repose sur trois moyens d'optimisation : le décalage dans le temps de la recharge (pilotage temporel) pour bénéficier d'offres tarifaires avantageuses émises par les fournisseurs, le réglage de la puissance de la recharge (pilotage de puissance) pour diminuer l'appel de puissance du véhicule et le pilotage pour maximiser l'autoconsommation qui correspond, pour les possesseurs de toiture photovoltaïque, à recharger son véhicule électrique avec le surplus de production solaire en journée plutôt qu'en rechargeant le soir.

En outre, les principes de Vehicule-to-Home (V2H), Vehicule-to-Building (V2B), et Vehicule-to-Grid (V2G) consistent à réinjecter l'électricité contenue dans la batterie dans, respectivement, le réseau électrique du foyer, de l'immeuble ou sur le réseau public de distribution d'électricité. Ces technologies permettent d'augmenter l'ensemble de ces valeurs, en exploitant la capacité de stockage de la batterie. Le principe est qu'en cas de besoin, les véhicules deviennent eux-mêmes des sources d'énergie, grâce à l'électricité stockée dans leur batterie.

Source : rapport sur le pilotage de la recharge de véhicules électriques, Enedis, décembre 2020

Dans ce contexte et pour anticiper ces difficultés, il apparaît pertinent de circonscrire l'éligibilité du crédit d'impôt à l'installation de systèmes de charge pilotables afin de promouvoir leur généralisation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 3 sexdecies (nouveau)

Application par défaut du taux individualisé du prélèvement à la source pour les couples mariés ou liés par un PACS

Le présent article prévoit de modifier l'option appliquée par défaut aux couples soumis à imposition commune pour le taux de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

L'individualisation par défaut du taux de prélèvement à la source n'a d'incidence ni sur le montant de l'impôt dû par chaque foyer fiscal ni sur le droit d'option, qui est maintenu, qui permet de choisir à tout moment entre le taux individualisé et le taux commun.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES COUPLES SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE PEUVENT OPTER POUR L'INDIVIDUALISATION DE LEUR TAUX DE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE (PAS)

A. LES COUPLES MARIÉS OU LIÉS PAR UN PACTE CIVIL ET DE SOLIDARITÉ (PACS) PEUVENT DEMANDER L'APPLICATION D'UN TAUX INDIVIDUALISÉ DE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE, QUI RESTE SANS INCIDENCE SUR LA CHARGE FISCALE GLOBALE DU FOYER

1. Les couples soumis à imposition commune peuvent demander l'application d'un taux individualisé de prélèvement à la source

L'impôt sur le revenu (IR) a un caractère familial. Par conséquent, en dehors d'exceptions limitativement fixées par la loi, les conjoints - personnes mariés ou liées par un pacte civil et de solidarité (PACS) - font l'objet d'une imposition commune122(*). Les conjoints sont tenus solidairement au paiement de l'impôt qui fait l'objet d'une déclaration commune signée conjointement.

Le caractère familial de l'impôt sur le revenu se traduit par la mise en commun, pour le calcul de l'impôt, des revenus et des charges du foyer. Pour tenir compte de la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu, le système du quotient conjugal (QC) et du quotient familial (QF) prévoit que l'application du barème progressif n'intervient qu'après avoir divisé le revenu imposable par le nombre de parts du foyer fiscal. Le nombre de parts du foyer fiscal dépend de sa composition : chacun des conjoints compte pour un part, les deux premiers enfants pour une demi-part et chaque enfant à partir du troisième pour une part entière.

Au moment de la création du prélèvement à la source (PAS), entré en vigueur le 1er janvier 2019, et sans remettre en cause le caractère familial de l'impôt sur le revenu, le législateur a prévu123(*) la possibilité, pour les couples soumis à imposition commune qui le souhaitent, de se voir appliquer un taux individualisé.

À ce titre, l'article 204 E du code général des impôts (CGI) dispose que le taux de prélèvement pour les couples soumis à imposition commune peut être individualisé.

Selon les estimations communiquées au rapporteur général par l'administration fiscale, la proportion des contribuables mariés ou liés par un PACS ayant activé l'option du taux individualisé était de 26,2 % en juillet 2023, soit 7 millions de contribuables soumis à imposition commune pour lesquels le prélèvement est effectué selon un taux individualisé.

2. Le choix d'appliquer un taux individualisé est sans incidence sur la charge fiscale globale du foyer et peut être révoqué à tout moment

La possibilité d'appliquer un taux individualisé prévue par l'article 204 E du CGI n'a aucune incidence sur le montant de l'impôt dû par le foyer concerné, qui continue d'être calculé selon les règles applicables au revenu global du foyer.

Lorsque l'impôt définitif est établi, au cours de l'année qui suit la perception des revenus, les retenues à la source opérées pendant l'année sur les deux membres du couple sont imputées sur le montant de la charge globale du foyer, indépendamment du choix d'appliquer un taux individualisé.

Le cas échéant, la différence est corrigée par le versement d'un solde par le foyer fiscal ou par la restitution à ce dernier d'un excédent.

Les foyers fiscaux concernés par l'option d'individualisation de leur taux peuvent exercer et dénoncer cette option à tout moment124(*). Comme pour l'actualisation du taux de prélèvement à la source, l'activation de l'option s'applique au plus tard le troisième mois suivant la demande. Elle est tacitement reconduite, sans préjudice de l'option de la dénoncer à tout moment.

B. LA FORMULE DE DÉTERMINATION DES TAUX INDIVIDUALISÉS RÉDUIT LE TAUX DE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DU CONJOINT AYANT LES REVENUS LES PLUS FAIBLES ET AJUSTE LE TAUX DE L'AUTRE CONJOINT SELON LA CHARGE FISCALE GLOBALE DU FOYER

En cas d'activation par un foyer fiscal de l'option d'individualisation des taux du prélèvement à la source, l'article 204 M du CGI prévoit un mode de détermination du taux individualisé différent pour chacun des adultes du foyer fiscal.

En premier lieu, pour le conjoint qui a eu les revenus les plus faibles (premier conjoint), le 2 de l'article 204 M dispose que le taux de prélèvement à la source est déterminé en appliquant les règles de droit commun fixées à l'article 204 H du CGI.

Ce premier taux (taux 1) correspond par conséquent au taux qui serait applicable au conjoint ayant les revenus les plus faibles en l'absence de déclaration conjointe. Pour l'application du barème progressif, sont retenus d'une part la somme des revenus propres du conjoint ayant les revenus les plus faibles et la moitié des revenus communs, et d'autre part la moitié des parts de quotient familial du foyer fiscal.

En second lieu, pour le second conjoint, le 3 de l'article 204 M prévoit une formule spécifique de détermination de son taux individualisé.

Ce deuxième taux (taux 2) correspond au rapport entre d'une part l'impôt sur le revenu du foyer diminué des prélèvements à la source sur les revenus propres du premier conjoint et sur les revenus commun, et les revenus propres du second conjoint.

Par conséquent, le taux 2 est modulé selon le montant prélevé à la source en application du taux 1. Il en résulte que, en l'absence de revenu commun, lorsque le premier conjoint n'a pas de revenu, l'application d'un taux individualisé est sans incidence sur l'entrée dans l'impôt.

Une autre conséquence de cette formule de détermination du taux 2 est que le montant prélevé à la source à l'échelle du couple n'est pas nécessairement plus élevé lorsque le foyer fiscal active l'option des taux individualisés.

Selon un exemple tiré de la doctrine administrative125(*), pour un couple sans revenu commun dont chaque conjoint perçoit des revenus annuels respectifs en salaires de 24 000 euros et 120 000 euros, le montant prélevé à la source est de 27 648 euros en appliquant le taux du foyer pour le prélèvement à la source et de 27 576 euros en appliquant les taux individualisés - étant entendu que cette différence est sans incidence sur le montant de la charge fiscale réellement supportée par le foyer qui est dans cet exemple de 27 579 euros.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'APPLICATION PAR DÉFAUT D'UN TAUX INDIVIDUALISÉ DE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE AUX CONJOINTS, EN MAINTENANT LA POSSIBILITÉ DE DEMANDER L'APPLICATION DU TAUX DU FOYER

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Christine Pirès Beaune et de plusieurs de ses collègues, ainsi qu'un amendement identique de la députée Marie-Pierre Rixain.

Il a pour objet de prévoir qu'à compter du 1er septembre 2025 l'option par défaut retenue pour le prélèvement à la source des couples soumis à imposition commune serait l'application d'un taux individualisé.

En premier lieu, le rapporteur général souligne que cet amendement porte sur les modalités de recouvrement de l'impôt sur le revenu et qu'il n'a, en tout état de cause, aucune incidence sur la charge fiscale globale due par le foyer. Les conjoints étant tenus solidairement au paiement de l'impôt, les modalités de recouvrement ne sauraient être regardées comme ayant une incidence sur le montant de l'imposition à laquelle le foyer est soumis.

En second lieu, le rapporteur général souligne également le fait que cet amendement ne remet pas en cause le droit d'option dont bénéficient les contribuables. En l'espèce, l'article dans sa version transmise par l'Assemblée nationale maintient le principe d'une option qui peut être exercée et dénoncée à tout moment, appliquée au plus tard le troisième mois suivant la demande et tacitement reconduite.

Par conséquent, l'article additionnel transmis par l'Assemblée nationale a pour seul effet d'inverser l'option par défaut prévue pour les couples soumis à imposition commune.

En pratique, cela signifierait que, à partir du 1er septembre 2025, les nouveaux couples mariés ou liés par un PACS se verraient appliquer des taux individualisés pour le prélèvement à la source, sauf option contraire de leur part. Les couples mariés ou liés par un PACS avant cette date se verraient également appliquer des taux individualisés, après en avoir été informés et sauf option contraire de leur part.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'INDIVIDUALISATION PAR DÉFAUT DU TAUX DE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DOIT ÊTRE ACCOMPAGNÉE D'UNE INFORMATION ANTICIPÉE ET ADAPTÉE À DESTINATION DES CONTRIBUABLES SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE

En premier lieu, le rapporteur général relève que le présent article n'a pas d'incidence sur le montant de l'impôt sur le revenu dû par chaque foyer soumis à imposition commune, et qu'il ne concerne que les modalités de paiement de l'impôt.

En second lieu, le rapporteur général relève que le présent article ne revient pas sur l'option qui est laissé à tout moment à chaque foyer fiscal de choisir entre le taux commun et le taux individualisé pour le prélèvement à la source.

Par conséquent, le présent article peut être adopté, dès lors que la réduction du taux de prélèvement à la source pourrait avoir un effet incitatif, quoiqu'incertain126(*), sur le maintien dans l'activité du conjoint ayant les revenus les plus faibles.

Enfin, le rapporteur général souligne en tout état de cause le fait que l'application du présent article, dont l'entrée en vigueur est prévue le 1er septembre 2025, devra impérativement être précédée d'une vaste campagne d'information pour permettre aux contribuables d'anticiper une éventuelle modification de leur taux de prélèvement à source, qui entraînera une modification du montant des revenus qu'ils perçoivent chaque mois.

Le fait que plus de 73 % des foyers soumis à imposition commune n'aient pas actuellement activé l'option d'individualisation du taux donne une indication sur l'ampleur de l'information qui devra être apportée par les services fiscaux pour éviter que l'inversion de l'option par défaut ne se traduise par un changement incompréhensible et imprévu des montants inscrits sur leur fiche de paie pour les contribuables concernés.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 septdecies (nouveau)

Extension du régime d'exonération des plus-values à certains cas
de cessions de portefeuille des agents d'assurances

Le présent article vise à prévoit que l'indemnité compensatrice versée à un agent général d`assurances exerçant à titre individuel par la compagnie d'assurances qu'il représente à l'occasion de la cessation du mandat bénéficie du régime d'exonération des plus-values professionnelles prévu au I de l'article 238 quindecies du code général des impôts. Plusieurs conditions doivent être remplies pour cela : le contrat dont la cessation est indemnisée doit avoir été conclu depuis au moins cinq ans au moment de la cessation, et l'agent général d'assurances doit céder son entreprise individuelle ou une branche complète d'activité.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES PLUS-VALUES RÉALISÉES DANS LE CADRE DE L'INDEMNITÉ COMPENSATRICE SONT EXONÉRÉES D'IMPÔT SUR LE REVENU UNIQUEMENT LORS DU DÉPART EN RETRAITE, À LA DIFFÉRENCE D'AUTRES PLUS-VALUES PROFESSIONNELLES

L'article 151 septies A du code général des impôts prévoit que les plus-values professionnelles, désignant les profits à caractère exceptionnel et imposables dégagés lors de la cession volontaire d'un actif immobilisé d'une entreprise, réalisées à l'occasion de la cession à titre onéreux d'une entreprise individuelle ou de l'intégralité des droits ou parts détenus par un contribuable exerçant son activité professionnelle dans le cadre d'une société ou d'un groupement dont les bénéfices sont soumis en son nom à l'impôt sur le revenu, peuvent être exonérées d'impôt sur le revenu.

Certaines conditions, outre le caractère onéreux de la cession, doivent toutefois être réunies, notamment celle prévoyant que le cédant cesse toute fonction dans l'entreprise individuelle cédée ou dans la société ou le groupement dont les droits ou parts sont cédés et fait valoir ses droits à la retraite, dans les deux années suivant ou précédant la cession. Ces dispositions visent à favoriser la constitution d'un capital retraite et à encourager la transmission.

Le V de l'article 151 septies A prévoit un régime particulier pour l'indemnité compensatrice, versée à un agent général d'assurances exerçant à titre individuel par la compagnie d'assurances qu'il représente à l'occasion de la cessation du mandat.

Modifié par l'article 1er de la loi n° 2022-1499 de finances rectificative du 1er décembre 2022, ce paragraphe dispose que la plus-value réalisée au titre du versement de l'indemnité compensatrice est exonérée d'impôt sur le revenu si le contrat dont la cessation est indemnisé a été conclu depuis au moins cinq ans au moment de la cessation, l'agent général d'assurances fait valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant la cessation du contrat, et si l'activité est intégralement poursuivie dans le délai de deux ans. Auparavant, pour que l'agent général bénéficie de l'exonération de l'impôt sur le revenu de son indemnité compensatrice, l'activité devait être « intégralement poursuivie dans le délai d'un an », et l'agent devait « valoir ses droits à la retraite à la suite de la cessation du contrat ». La doctrine fiscale estimait que le délai entre la cessation du contrat et le départ à la retraite ne pouvait excéder le délai d'un an autorisé pour la reprise de l'activité.

Lorsqu'il cesse son activité, l'agent général d'assurances peut toutefois plutôt opter pour la cession de gré à gré de son activité qui, lorsqu'elle occasionne une plus-value, n'est pas couverte par ce V mais par le reste de l'article 151 septies A dans le cas où la plus-value est réalisée au moment du départ à la retraite, ou par l'article 238 quindecies du CGI si cette plus-value procède de la transmission de l'entreprise individuelle ou de la branche complète d'activité.

L'article 238 quindecies institue en effet en son I un régime comparable d'exonération d'impôt sur le revenu des plus-values professionnelles, à ceci près, en particulier, qu'il s'applique y compris en dehors du départ à la retraite et que la plus-value peut être réalisée à l'occasion d'une transmission à titre onéreux ou gratuit (donation ou succession) d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité127(*). En outre, l'exonération est limitée en montant : les plus-values exonérées à l'occasion de la transmission le sont pour la totalité de leur montant lorsque le prix des éléments transmis ou leur valeur vénale est inférieur ou égal à 500 000 euros, et sur une partie seulement de ce montant selon un mécanisme dégressif si le prix ou la valeur est compris entre 500 000 euros et 1 million d'euros.

Comme pour le régime prévu à l'article 151 septies A, l'exonération est subordonnée à l'absence de lien entre l'entreprise cédante et l'entreprise cessionnaire au moment de la cession et dans les trois ans qui suivent l'opération (II de l'article 238 quindecies).

En revanche, l'article 238 quindecies du CGI ne couvre pas les plus-values réalisées à l'occasion du versement d'une indemnité compensatrice : la seule exonération prévue est celle du V de l'article 151 septies A du CGI.

Le cumul des exonérations prévues à l'article 151 septies A et à l'article 238 quindecies ne présente pas d'intérêt au moment du départ à la retraite lorsque le cédant peut bénéficier d'une exonération totale des plus-values sur le fondement de l'article 238 quindecies. En revanche, si l'exonération au titre de l'article 238 quindecies est partielle, le cumul de ces dispositions peut prendre du sens puisque l'article 151 septies A vient compléter l'application du 238 quindecies.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'INTÉGRATION DE L'INDEMNITÉ COMPENSATRICE DANS LE RÉGIME D'EXONÉRATION DES PLUS-VALUES PROFESSIONNELLES

Le présent article, issu d'un amendement déposé par Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues, vise à compléter l'article 238 quindecies du code général des impôts par un VIII bis, prévoyant que l'indemnité compensatrice versée à un agent général d`assurances exerçant à titre individuel par la compagnie d'assurances qu'il représente à l'occasion de la cessation du mandat bénéficie du régime d'exonération des plus-values professionnelles prévu au I de cet article, si le contrat dont la cessation est indemnisée a été conclu depuis au moins cinq ans au moment de la cessation et si l'agent général d'assurances cède son entreprise individuelle ou une branche complète d'activité.

Les auteurs de l'amendement estiment en effet que l'application de l'article 238 quindecies du CGI aux seules plus-values réalisées à l'occasion de cessions de gré à gré « engendre une inégalité de traitement entre les agents qui réalisent une cession de gré à gré et les agents qui perçoivent une indemnité de leurs compagnies mandantes ».

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SUPPRESSION D'UNE DISPOSITION QUI POURRAIT FINIR PAR DISSUADER LES CESSIONS DE GRÉ À GRÉ

Confronté à des amendements identiques lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur général, estimant que l'article 1er de la deuxième loi de finances rectificative pour 2022 assouplissait déjà le régime d'exonération des plus-values associées à l'indemnité compensatrice au moment du départ en retraite, s'était interrogé sur l'opportunité de lui appliquer également celui prévu à l'article 238 quindecies du CGI, particulièrement favorable.

Il avait donc, en séance, demandé l'avis du Gouvernement, qui s'était dit défavorable à une telle mesure au motif qu'après avoir procédé à « l'alignement à la hausse de l'exonération des plus-values de cession en cas de départ à la retraite des agents d'assurances, impliquant une transmission globale de l'activité », il paraissait « excessif d'exonérer l'ensemble des cessions »128(*). Le rapporteur général, qui s'était alors rangé à cet avis, s'étonne ainsi de voir réapparaître cet amendement sous forme d'article additionnel dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité dans le cadre de la procédure prévue à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Les raisons expliquant l'évolution de la position du Gouvernement sur le sujet sont donc mystérieuses.

En effet, si l'exonération des plus-values réalisées à l'occasion du versement de l'indemnité compensatrice au moment du départ à la retraite se justifie par le fait, d'une part, de favoriser la constitution d'un capital retraite et, d'autre part, par la difficulté de trouver un repreneur autre que la compagnie d'assurances mandante dans le délai imparti, sa justification est moins évidente si le versement de l'indemnité intervient au milieu d'une carrière professionnelle.

Elle peut également risquer de dissuader les agents généraux d'assurance de tout effort de recherche d'un repreneur alors qu'ils sont actuellement tenus de recourir à la cession de gré à gré s'ils souhaitent bénéficier de l'exonération prévue à l'article 238 quindecies.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 octodecies (nouveau)

Corrections rédactionnelles de dispositions applicables
en matière de droits de mutation à titre onéreux

Le présent article prévoit de clarifier et de corriger plusieurs dispositions applicables en matière de droits de mutation à titre onéreux. Il abroge également des dispositions devenues sans objet. La commission a adopté deux amendements de coordination.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DES AVANTAGES FISCAUX EN MATIÈRE DE DROITS DE MUTATION À TITRE ONÉREUX QUI N'ONT PLUS D'EFFETS BUDGÉTAIRES

Plusieurs articles du code général des impôts prévoient des exonérations ou des dispositifs éligibles à un taux réduit en matière de droits de mutation à titre onéreux, dont certains ne produisent plus d'effets budgétaires.

Ainsi, aux termes du deuxième alinéa du II de l'article 726 du code général des impôts (CGI), les acquisitions de droits sociaux par une société créée en vue de racheter une autre société dans les conditions prévues aux articles 220 quater ou 220 quater A du CGI sont exonérées de droit d'enregistrement. Les dispositions de l'article 220 quater s'appliquaient aux demandes soumises avant le 15 avril 1987 tandis que celles de l'article 220 quater A au s'appliquaient aux rachats des droits sociaux intervenus entre le 15 avril 1987 et le 31 décembre 1991. Le c du II de l'article 726 du CGI précise expressément que les acquisitions intervenant dans les conditions prévues aux articles 220 quater et 220 quater A du même code font partie des régimes spécifiques non assujettis au droit d'enregistrement.

L'article 1028 du CGI prévoit une exonération de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les opérations immobilières réalisées par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) portant sur des biens acquis avant le 26 janvier 1990. Pour bénéficier de cet avantage fiscal, il était requis que les Safer s'engagent à converser les biens immeubles pendant une durée maximale de 10 ans, cet engagement ouvrant droit à une exonération des droits d'enregistrement.

L'article 1020 du CGI mentionne le dispositif décrit à l'article 1028 du même code, en indiquant que si l'acquisition des biens immeubles ne relevait pas d'une exonération expresse, alors il conviendrait de la soumettre à l'impôt.

Aux termes de l'article 1060 du CGI, les fonds et les placements de la Banque des règlements internationaux (BRI) provenant des paiements de l'Allemagne sont exonérés de toute charge fiscale. La loi du 7 avril 1930, portant approbation de l'accord signé le 31 décembre 1929 entre la France et l'Allemagne relatif au règlement final de la liquidation des biens, droits et intérêts privés allemands en France, en Alsace, en Lorraine et au Maroc, a codifié ces dispositions.

L'article 1132 du CGI prévoit, de façon transitoire, l'exonération de droits de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux de la publication volontaire des actes antérieures à la création du fichier immobilier le 1er janvier 1956.

Aux termes du F de l'article 1594 F quinqies du CGI, les ventes résultant de l'application des articles L. 181-18 à L. 181-24 du code rural et de la pêche maritime relatives à la mise en valeur agricole des terres incultes, des terres laissées à l'abandon et des terres insuffisamment exploitées de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane bénéficient du taux réduit de droits de mutation de 0,70 %.

Enfin, l'article 1594-0 sexies du CGI dispose que les ventes résultant de l'application des articles L. 181-14 à L. 181-28 du code rural et de la pêche maritime relatifs à la mise en valeur agricole des terres incultes, des terres laissées à l'abandon et des terres insuffisamment exploitées de Mayotte sont soumises à la taxe de publicité foncière ou au droit d'enregistrement au taux de 0,70 %.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'ABROGATION D'AVANTAGES FISCAUX DEVENUS SANS OBJET ET DES CORRECTIONS RÉDACTIONNELLES JURIDIQUES

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement du projet de loi de finances, texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Le a du 1 du présent article supprime le deuxième alinéa du II de l'article 726 précité du code général des impôts (CGI). Les deux régimes d'exonération de droit d'enregistrement dans le cas d'acquisitions de droits sociaux par une société créée en vue de racheter une autre société étant éteints depuis 1987 ou 1991, ces dispositions sont devenues sans objet.

Par coordination, le b du 1 du présent article supprime la référence aux articles 220 quater, 220 quater A, 220 quater B du CGI au sein du c du II de l'article 726 du même code, ces dispositifs étant désormais éteints.

Le 2 du présent article prévoit la suppression de la mention de l'article 1028 du CGI après la première phrase de l'article 1020. Or, le 3 du présent article prévoit la suppression du dispositif inscrit à l'article 1028, dès lors il convient de supprimer sa mention à l'article 1020.

Le 3 du présent article prévoit l'abrogation de l'article 1028 ouvrant droit à une exonération de DMTO sur les opérations immobilières réalisées par les Safer. Ce dispositif s'appliquait aux biens acquis avant le 26 janvier 1990, avec une durée maximale de conservation de 10 ans. Cette disposition est donc dépourvue d'objet à ce jour.

Le 3 du présent article prévoit l'abrogation de l'article 1060 du code général des impôts, dont l'ancienneté l'a désormais rendu sans objet.

Le 3 du présent article abroge l'article 1132 du CGI, qui exonère de droits de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux la publication volontaire des actes antérieurs à la création du fichier immobilier, le 1er janvier 1956. Ce dispositif est aujourd'hui dépourvu d'objet.

Le 4 du présent article abroge le F de l'article 1594 F quinquies du CGI, qui prévoit l'application d'un taux réduit de droits de mutation à titre onéreux de 0,70 % pour les ventes relatives à la mise en valeur agricole des terres incultes, des terres laissées à l'abandon et des terres insuffisamment exploitées de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane. Cette disposition fiscale renvoie aux articles L. 181-18 à L. 181-24 du code rural et de la pêche maritime, qui fixent les conditions d'éligibilité des ventes au taux de droits de mutation à 0,70 %. Toutefois, la mention de ces articles est incomplète, car les articles L. 181-14 à L. 181-17 et L.181-25 à L.181-28 encadrent également ce dispositif et nécessitent donc d'être mentionnés. Le présent article abroge donc la totalité de l'article 1594 F quinquies pour réintégrer ses dispositions, après corrections, au sein de l'article 1594-0 F du CGI.

Ainsi, le 5 du présent article réintègre les dispositions de cet article au sein de l'article 1594-0 F sexies du CGI, jusqu'ici seulement applicable à Mayotte. Cette modification permet de centraliser des dispositions identiques, dont seul le territoire d'application différait, en sus de corriger une erreur rédactionnelle.

Le 6 du présent article prévoit la suppression à l'article 1757 du CGI de références fixant les conditions requises pour bénéficier d'un dispositif d'exonération de droits d'enregistrement inscrit au deuxième alinéa du II de l'article 726. Or le présent article prévoit l'abrogation de ce dispositif. Dès lors, il convient de supprimer également les renvois aux articles qui l'encadraient.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CLARIFICATION ET UNE ACTUALISATION DES DISPOSITIONS APPLICABLES EN MATIÈRE DE DROITS DE MUTATION À TITRE ONÉREUX

Le présent article abroge plusieurs dispositifs en matière de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) du code général des impôts. Ces dispositions sont désormais éteintes et donc sans objet, la plupart sont anciennes et n'ont plus de conséquences budgétaires ou fiscales. Dès lors, les modifications apportées par cet article visent à actualiser et à clarifier la norme fiscale.

Le présent article procède également à une correction d'erreur de références pour l'application du dispositif portant sur les ventes éligibles à des taux réduits de DMTO. Sa reprise à l'article 1594-0 F sexies du CGI assure d'une part la continuité du dispositif, et, d'autre part, une plus grande lisibilité de la norme fiscale, par la centralisation de dispositions identiques. Ces modifications n'ont donc pas d'autres effets que de clarifier le droit.

La commission a par ailleurs adopté deux amendements de coordination I-165 (FINC.8) et I-166 (FINC.9).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 novodecies (nouveau)

Augmentation de l'abattement de droits de mutation
pour les transmissions d'entreprises en cas de reprise interne

Le présent article prévoit de relever de 300 000 euros à 500 000 euros le plafond de l'abattement applicable aux droits d'enregistrement et aux droits de mutation à gratuit en cas respectivement de cession en pleine propriété et de donation en pleine propriété de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d'une entreprise individuelle ou de parts ou actions d'une société.

La commission relève que le présent article correspond à une proposition de la délégation aux entreprises du Sénat, qui a proposé de relever le plafond de ces abattements au mois d'octobre 2022, dans le cadre d'un rapport d'information sur la transmission de ces entreprises. Le coût de ce relèvement devrait par ailleurs être limité, de l'ordre de quelques millions d'euros par an.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : PLUSIEURS DISPOSITIFS ONT ÉTÉ INSTAURÉS POUR INCITER AU RACHAT DES ENTREPRISES PAR LEURS SALARIÉS OU PAR LES MEMBRES DE LA FAMILLE DU CÉDANT

A. DES DISPOSITIFS PRÉFÉRENTIELS POUR FACILITER LA REPRISE ET LA TRANSMISSION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES

Les plus-values professionnelles désignent les profits à caractère exceptionnel et imposable dégagés lors de la cession volontaire d'un actif immobilisé d'une entreprise. Elles sont définies aux articles 39 duodecies à 39 quindecies du code général des impôts (CGI), y compris pour celles réalisées par les entreprises individuelles ou soumises à l'impôt sur le revenu. Une distinction est alors opérée, pour le contribuable, entre :

- les plus-values à court terme, qui proviennent de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans. Relèvent également de ce régime les plus-values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis plus de deux ans dans le cas où ces plus-values correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt, ainsi que celles réalisées à l'occasion de la cession de titres de sociétés établies dans un État ou un territoire non coopératif (ETNC). Ces plus-values sont ajoutées aux bénéfices de l'entreprise et sont ensuite imposées dans les conditions normales dans l'impôt sur le revenu ;

- les plus-values à long terme, qui désignent l'ensemble des plus-values autres que celles à court terme. Ces plus-values sont soumises au prélèvement forfaitaire unique de 30 %, à savoir 12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux.

Toutefois, sous certaines conditions, les plus-values professionnelles dégagées à l'occasion du départ en retraite de l'exploitant ou du dirigeant, ainsi que celles dégagées à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle, peuvent être exonérées d'impôt sur le revenu. Ces dispositifs s'appliquent aux petites et moyennes entreprises (PME), soumises à l'impôt sur le revenu129(*) et, dans certains cas particuliers, soumises à l'impôt sur les sociétés. Un double objectif est poursuivi par ces dispositifs : faciliter la transmission des entreprises et permettre au dirigeant cédant de se constituer un capital retraite.

Deux dispositifs peuvent notamment être cités s'agissant de la donation d'entreprises. Le « pacte Dutreil » prévoit une exonération de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à hauteur de 75 % de la valeur des parts ou des actions de sociétés transmises, en échange d'engagements de conservation individuel et collectif (article 787 B du CGI). Le même dispositif est prévu pour la donation de biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle (article 787 C du CGI)130(*).

S'agissant des cessions, trois dispositifs ont fait l'objet de modifications en loi de finances pour 2022131(*), dans l'objectif de renforcer leurs effets incitatifs :

- l'exonération sur les plus-values de cession à titre onéreux d'une petite et moyenne entreprise (PME), entreprise individuelle ou société, lorsque l'exploitant cédant fait valoir ses droits à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession (article 151 septies A du CGI). La durée de deux ans a été portée à trois ans pour les départs en retraite intervenus entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 ;

l'abattement au bénéfice du dirigeant de PME cédant l'intégralité de leurs actions, parts ou droits dans la société, lorsqu'il a exercé les fonctions de gérant, d'associé en nom ou de président et de directeur général et qu'il part à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession. L'abattement sur les gains nets retirés de la cession à titre onéreux de parts ou d'actions est de 500 000 euros (article 150-0 D ter du CGI132(*)). La durée de deux ans a également été portée à trois ans pour les départs en retraite intervenus entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2021 ;

une exonération totale ou partielle d'impôt sur les plus-values de cession dans le cadre de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité, dans les domaines commercial, industriel, artisanal, libéral ou agricole (article 238 quindecies du CGI). Le plafond de l'exonération totale a été porté de 300 000 euros à 500 000 euros, tandis que le plafond de l'exonération partielle est passé de 500 000 euros à un million d'euros.

B. UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE AUX CESSION DE FONDS ÉCONOMIQUES ET DE CLIENTÈLES

Deux dispositifs fiscaux préférentiels, mais distincts, sont également prévus pour les fonds de commerce et les fonds de clientèles, en cas de cession aux salariés ou aux membres de la famille du cédant. Les objectifs sont les mêmes : faciliter la cession et la préservation des activités économiques, avec des engagements de conservation en contrepartie de l'avantage fiscal octroyé aux acheteurs. Le premier s'applique aux cessions à titre onéreux, le second aux donations.

Ainsi, aux termes de l'article 732 ter du CGI, un abattement de 300 000 euros est appliqué lors de la liquidation des droits d'enregistrement dus en cas de cession en pleine propriété de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d'une entreprise individuelle ou de parts ou actions d'une société. L'abattement est appliqué sur la valeur du fonds ou de la clientèle ou sur la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle, sous réserve que les conditions suivantes soient respectées :

- l'entreprise ou la société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ;

- la vente est consentie soit au titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis au moins deux ans et qui exerce ses fonctions à temps plein ou d'un contrat d'apprentissage en cours au jour de la cession, conclu avec l'entreprise dont le fonds ou la clientèle est cédé ou avec la société dont les parts ou actions sont cédées ; soit au conjoint du cédant, à son partenaire liée par un pacte civil de solidarité, à ses ascendants ou descendants en ligne directe ou à ses frères et soeurs ;

- les fonds, clientèles, parts ou actions acquis à titre onéreux sur lesquels porte la vente sont détenus depuis plus de deux ans par le vendeur ;

les acquéreurs poursuivent, à titre d'activité professionnelle unique et de manière effective et continue, pendant les cinq ans qui suivent la date de la vente, l'exploitation du fonds ou de la clientèle cédé ou l'activité de la société dont les parts ou actions sont cédés. Pendant la même période, l'un des acquéreurs doit assurer les fonctions de dirigeant effectif de l'entreprise.

Il est précisé que le bénéfice de cet abattement ne peut s'appliquer qu'une seule fois entre un même cédant et un même acquéreur.

L'article 790 A du CGI porte un dispositif similaire, mais pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), en cas de donation en pleine propriété des fonds artisanaux, fonds de commerce, fonds agricoles ou clientèles d'une entreprise individuelle ou parts ou actions d'une société. L'abattement est également de 300 000 euros et s'applique sous les mêmes conditions que celles prévues à l'article 732 ter du même code, sous une exception, il ne trouve pas à s'appliquer pour les donations aux conjoints ou membres de la famille - les abattements de droit commun étant alors applicables (article 779 du CGI - à titre d'exemple, 100 000 euros pour une transmission entre un parent et son enfant).

Il est également précisé que cet abattement ne peut pas se cumuler avec les dispositifs prévus aux articles 787 B et 787 C du CGI sur les biens autres que le fonds ou la clientèle, et qu'il ne peut être appliqué qu'une seule fois entre un même donateur et un même donataire.

Contrairement aux précédents dispositifs d'exonération ou d'abattement sur les plus-values de cession à titre onéreux, ces dispositifs n'ont pas fait l'objet de modifications depuis 2008133(*). Par ailleurs, selon le tome II « Voies et Moyens » annexé au présent projet de loi de finances, le coût des deux dispenses fiscales prévues aux articles 732 ter et 790 A du CGI n'est pas chiffré et leur nombre de bénéficiaires n'est pas connu.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN RELÈVEMENT DES ABATTEMENTS POUR LA CESSION ET LA TRANSMISSION DES FONDS ET CLIENTÈLES

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par M. Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Elles visent à porter de 300 000 euros à 500 000 euros le plafond des abattements prévus aux articles 732 ter et 790 A du CGI pour la liquidation des droits d'enregistrement et des DMTG en cas respectivement de cession et de donation de fonds ou de clientèles.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DÉFENDUE DE LONGUE DATE PAR LA DÉLÉGATION AUX ENTREPRISES DU SÉNAT

La commission approuve le relèvement du plafond de l'abattement sur les droits d'enregistrement et sur les droits de mutation à titre gratuit en cas respectivement de cession en pleine propriété et de donation en pleine propriété de fonds artisanaux, de fonds de commerce, de fonds agricoles ou de clientèles d'une entreprise individuelle ou de parts ou actions d'une société. Elle relève que cette disposition reprend la proposition n° 8 de la délégation aux entreprises du Sénat, émise au mois d'octobre 2022 dans le cadre du rapport d'information de nos collègues Michel Canèvet, Rémi Cardon et Olivier Rietmann sur la transmission des entreprises134(*). Ils soulignaient que le relèvement de ces abattements faisait partie des mesures de nature à encourager davantage la transmission aux salariés, qui doit permettre de « préserver l'emploi, le savoir-faire et la culture d'une entreprise au-delà du cercle familial »135(*).

Les auteurs de l'amendement à l'origine du présent article soulignent que son coût serait limité pour les finances publiques, de l'ordre de quatre millions d'euros, dont trois millions d'euros au titre du dispositif prévu à l'article 732 ter du CGI (cession) et un million d'euros au titre de l'article 790 A du CGI (donation). La commission souligne que si le coût global du relèvement du plafond des abattements apparaît limité, les incitations seraient néanmoins renforcées à l'échelle individuelle.

À titre d'illustration, il est proposé de prendre l'exemple de la cession en pleine propriété d'un fonds de cession, pour une valeur de 750 000 euros. Aujourd'hui, après abattement et application des droits de mutation à titre onéreux136(*), le droit d'enregistrement perçu au profit de l'État, du département et de la commune s'élève à 17 810 euros. Après le relèvement de l'abattement, il serait de 7 810 euros.

Le présent article également dans le prolongement des dispositions adoptées en loi de finances pour 2022 et visant à renforcer les exonérations et abattements dont peuvent bénéficier les dirigeants de petites et moyennes entreprises qui cèdent leur activité et partent en retraite. Des relèvements de même ampleur avaient alors été opérés.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 vicies (nouveau)

Précision du champ des activités éligibles à l'exonération dite « Dutreil »

Le présent article vise à préciser le champ des activités éligibles aux exonérations partielles de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sur les parts ou les actions d'une société (« pacte Dutreil ») ainsi que sur les biens d'une entreprise individuelle.

Les entreprises devraient exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à titre principal. La notion d'activité commerciale serait définie par référence aux articles 34 et 35 du code général des impôts, à l'exclusion de l'exercice par la société ou par l'entreprise d'une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier, cette disposition ne s'appliquant pas aux holdings. L'objectif, conforme à l'intention du législateur de l'époque, est de centrer le bénéfice de ces exonérations sur la transmission des actifs économiques réels, et non de favoriser la transmission d'un patrimoine privé dont la gestion aurait été confiée à une société. Or, dans le silence de la loi, la Cour de cassation et le Conseil d'État ont admis de telles possibilités.

La commission des finances soutient les clarifications apportées par le présent article à des fins d'anti-abus et de précision sur les bénéficiaires de ces exonérations, qui doivent exclusivement permettre la transmission des actifs professionnels et la préservation du tissu économique.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME FISCAL FAVORABLE POUR LA TRANSMISSION DES ENTREPRISES ET LE MAINTIEN DE LEURS ACTIVITÉS

A. LE PACTE « DUTREIL » : UN DISPOSITIF FISCAL AVANTAGEUX, QUI VISE À PRÉSERVER L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES

Aux termes de l'article 787 B du code général des impôts (CGI), les donations et les transmissions de parts ou actions de sociétés ayant fait l'objet d'un « pacte Dutreil » sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à concurrence de 75 % de leur valeur.

Le bénéfice de cette exonération de DMTG est subordonné à deux conditions, liées, d'une part, à l'activité exercée par la société transmise et, d'autre part, à la stabilisation de l'actionnariat.

Ainsi, seules les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent bénéficier de cette exonération partielle.

Concernant l'objectif de stabilisation de l'actionnariat, trois critères doivent être respectés pour valider le bénéfice de l'exonération fiscale :

- un engagement collectif de conservation de deux ans minimum. Cet engagement collectif, souscrit par le défunt ou par le donateur et par au moins un autre associé de la société137(*), que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale, doit porter sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote attachés aux titres émis par une société cotée ou, pour les sociétés non cotées, sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote. L'engagement collectif est réputé acquis si la société était détenue, directement ou indirectement, depuis deux ans au moins, par une même personne physique, seule ou avec son conjoint, et que l'une de ces personnes exerçait, depuis deux ans au moins à la date de la transmission, son activité professionnelle principale ou une fonction de direction dans la société dont les titres sont transmis ;

- un engagement individuel de conservation de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif. Cet engagement individuel signifie que si l'un des bénéficiaires de la transmission ne respecte pas son engagement, cette rupture de contrat n'est pas de nature à remettre en cause l'exonération partielle dont ont pu bénéficier, le cas échéant, les autres bénéficiaires de la transmission ;

- l'exercice d'une fonction de direction par l'un des signataires durant la phase d'engagement collectif et pendant trois ans à compter de la transmission.

Le législateur a également permis aux bénéficiaires de la transmission à titre gratuit de parts ou d'actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe de bénéficier de l'exonération partielle de DMTG.

Sont désignées sous le terme de sociétés holdings animatrices138(*) les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, ont pour activité principale :

- la participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;

- le cas échéant, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

B. UN RÉGIME FISCAL ÉGALEMENT FAVORABLE POUR LA TRANSMISSION DES BIENS AFFECTÉS À L'EXPLOITATION D'UNE ENTREPRISE INDIVIDUELLE

Aux termes de l'article 787 C du CGI, les biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle transmis par décès ou entre vifs sont également exonérés de DMTG à concurrence de 75 % de leur valeur.

À l'instar de ce qui est prévu pour le pacte Dutreil, le bénéfice de cette exonération de DMTG est subordonné à plusieurs conditions :

- l'entreprise individuelle doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

- l'entreprise individuelle doit avoir été détenue depuis plus de deux ans par le défunt ou par le donateur lorsqu'elle a été acquise à titre onéreux ;

- chacun des héritiers prend l'engagement, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise pendant une durée de quatre ans à compter de la date de transmission ;

- l'un de ces héritiers doit effectivement poursuivre l'exploitation de l'entreprise pendant les trois années qui suivent la date de la transmission.

Le coût pour les finances publiques des dispositifs prévus aux articles 787 B et 787 C s'élèverait à 500 millions d'euros en 2023 et 2024139(*).

C. PLUSIEURS INVALIDATIONS DES COMMENTAIRES ADMINISTRATIFS PAR LA COUR DE CASSATION ET LE CONSEIL D'ÉTAT

Les dispositions du « pacte Dutreil » et leur interprétation par l'administration fiscale140(*), dans le cadre de ses commentaires141(*), sont régulièrement interrogées par les contribuables. La jurisprudence a donc précisé l'application des dispositions des articles 787 B et 787 C, parfois dans un sens contraire aux objectifs poursuivis par le législateur, nécessitant une intervention de sa part.

a) En 2022, sur l'engagement de conservation

L'article 8 de la loi de finances rectificative du 16 août 2022142(*) est venu préciser, à des fins anti-abus, que la condition d'exercice par la société d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale devait être satisfaite à compter de la conclusion de l'engagement de conservation collectif et jusqu'au terme de la conclusion de l'engagement de conservation individuel. En cas d'engagement collectif « post-mortem »143(*), la condition doit être satisfaite à compter de la transmission des titres et, en cas d'engagement collectif réputé acquis, depuis au moins deux ans à la date de la transmission. Cette disposition s'applique également aux sociétés holdings animatrices, associées en droit et par la jurisprudence aux sociétés exerçant directement une activité éligible.

Dans le silence de la loi, et contrairement à ce qu'avait défendu l'administration fiscale dans ses commentaires sur l'article 787 B du CGI, la Cour de cassation avait en effet considéré que la perte, par la société holding, de sa fonction d'animatrice de groupe avant l'expiration du délai légal de conservation des parts (engagement individuel), ne pouvait pas conduire à rendre inéligible au pacte « Dutreil » la transmission des parts ou des actions de cette société holding144(*). Elle avait donc cassé l'arrêt de la cour d'appel, en considérant que cette dernière avait « ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas » et donc violé les dispositions de l'article 787 B du CGI.

Cette décision pouvait être interprétée comme permettant également aux sociétés dont les titres ont été directement transmis de ne plus exercer une activité éligible (commerciale, artisanale, industrielle, agricole ou libérale) de manière prépondérante, ce que le législateur a considéré être contraire aux objectifs poursuivis par le pacte Dutreil, à savoir la transmission et la préservation d'une activité économique réelle.

b) En 2023, sur la notion d'activités commerciales

De nouveaux arrêts de la Cour de cassation et du Conseil d'État sont venus contredire la définition par l'administration fiscale des activités commerciales au sens des articles 787 B et 787 C du CGI.

Dans ses commentaires sur l'article 787 B du CGI, l'administration fiscale précise en effet que « sont considérées comme activités commerciales les activités mentionnées à l'article 34 du CGI et à l'article 35 du CGI, à l'exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier ».145(*) Sont également exclues les activités de location de locaux nus, les activités de location de locaux meublés à usage d'habitation, les activités de loueurs d'établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation, les activités de promotion en restauration de son patrimoine immobilier - autant d'activités pourtant citées à l'article 35 du CGI - ainsi que les activités de gestion par une société de son portefeuille de valeurs mobilières, exception faite des holdings.

Pour définir la notion d'activités commerciales, les commentaires sur l'article 787 C du CGI146(*) renvoient aux commentaires portant sur l'article 787 B du CGI.

Articles 34 et 35 du code général des impôts

L'article 34 du CGI dispose que sont considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux les bénéfices provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale, ce qui inclut les activités minières et pétrolières (concessionnaires de mines, titulaires de permis d'exploitation, explorateurs de mines).

L'article 35 du CGI ajoute que relèvent également de cette catégorie les bénéfices réalisés au cours de diverses activités telles que la vente et la revente d'immeubles, de fonds de commerce ou de parts de sociétés immobilières, la promotion immobilière, la location d'établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation, la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés, les adjudicataires, concessionnaires et fermiers de droits communaux, la copropriété de navires ainsi que l'exercice à titre professionnel d'opérations sur des contrats financiers à terme.

Source : code général des impôts

Or, dans un arrêt du 1er juin 2023147(*), la Cour de cassation a considéré, qu'aux termes de l'article 35 du CGI, l'activité de loueurs d'établissements commerciaux ou industriels munis d'équipements nécessaires à leur exploitation était une activité commerciale éligible au « pacte Dutreil », que la location comprenne ou non tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie. L'administration fiscale l'avait pourtant exclue dans ses commentaires administratifs.

La Cour de cassation en a jugé de même le 21 juin 2023148(*) pour l'activité de location meublée professionnelle, en considérant qu'il s'agissait bien d'une activité commerciale éligible à l'exonération de DMTG prévue à l'article 787 C du CGI, contrairement également à ce qu'avait indiqué l'administration dans ses commentaires. Le Conseil d'État149(*) a rejoint l'approche de la Cour de cassation en ne remettant pas en cause, dans une décision du 29 septembre 2023150(*), le fait que l'activité de loueur en meublé professionnel était une activité commerciale éligible à l'exonération de DMTG prévue à l'article 787 C du CGI.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA PRÉCISION DU CHAMP DES ACTIVITÉS ÉLIGIBLES AUX EXONÉRATIONS DE DROITS DE MUTATION À TITRE GRATUIT SUR LES ACTIFS PROFESSIONNELS

Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il vise principalement à répondre aux décisions de la Cour de cassation et du Conseil d'État.

Le A du I du présent article modifie l'article 787 B du code général des impôts, relatif au pacte Dutreil. Seraient désormais exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions d'une société dont l'activité principale est une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. La rédaction actuelle - « ayant une activité - peut en effet laisser penser qu'il s'agit soit d'une activité exclusive, soit au contraire d'une activité parmi d'autres, ce qui serait contraire à l'intention initiale du législateur.

Les activités commerciales seraient définies par référence directe aux articles 34 et 35 du CGI, en excluant toutefois explicitement, au sein de l'article 787 B du même code, l'exercice par une société d'une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.

Toutefois, et pour ne pas pénaliser les holdings, il est précisé qu'est considérée comme exerçant une activité commerciale la société qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe, constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Ces dispositions, jurisprudentielles, seraient désormais inscrites dans la loi.

Par coordination, le B du I du présent article apporte les mêmes modifications à l'article 787 C du CGI, à l'exception de celle sur les holdings, qui ne trouve pas à s'appliquer pour la transmission des biens d'une entreprise individuelle. L'entreprise individuelle devrait donc désormais avoir pour activité principale une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale tandis que la notion d'activités commerciales serait définie par référence aux articles 34 et 35 du CGI, à l'exclusion de toute activité de gestion son propre patrimoine mobilier et immobilier.

Les deux modifications relatives à la définition des activités commerciales répondent directement aux décisions de la Cour de cassation et du Conseil d'État qui, dans le silence de la loi, ont considéré que les activités de gestion de patrimoine immobilier étaient des activités commerciales éligibles au pacte Dutreil et à l'exonération de DMTG sur les biens d'une entreprise individuelle.

Enfin, le II du présent article prévoit que ces modifications s'appliquent aux transmissions intervenues à compter du 17 octobre 2023.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES CLARIFICATIONS CONFORMES À L'OBJECTIF DE FAVORISER LA TRANSMISSION DES ENTREPRISES ET LE MAINTIEN DE LEURS ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES RÉELLES

La commission considère que les clarifications apportées par le présent article aux conditions relatives à l'octroi des exonérations de DMTG sur la transmission des parts ou actions d'entreprises et des entreprises individuelles sont conformes à l'intention du législateur de l'époque et à l'esprit de ces dispositifs, dont le principal objectif est d'encourager la transmission des actifs professionnels et le maintien des activités opérationnelles des entreprises.

L'exclusion des activités de gestion par une entreprise de son propre patrimoine mobilier ou immobilier répond tout d'abord à la logique même de ces exonérations de DTMG, qui est de favoriser la transmission d'activités économiques réelles et non de favoriser la transmission d'un patrimoine privé dont la gestion a été confiée à une société. L'exercice de telles activités, à l'instar par exemple de la location de locaux meublés ou d'établissements commerciaux ou industriels munis d'équipements nécessaires à leur exploitation, altère la délimitation qui avait été souhaitée par le législateur entre actifs professionnels, bénéficiant à ce titre d'un régime dérogatoire du droit commun, dans un objectif de préservation du tissu économique, et actifs privés, quel que soit leur mode de gestion.

Pour autant, les critères d'éligibilité des holdings sont préservés, puisque cette exception ne s'appliquera pas à ces sociétés dans le cadre du pacte Dutreil. De plus, le présent article permet d'inscrire dans la loi les critères jurisprudentiels utilisés par la Cour de cassation151(*) pour caractériser une holding éligible au pacte Dutreil, à savoir une activité principale dédiée à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de filiales exerçant une activité économique réelle et, le cas échéant, à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques de support.

Par ailleurs, la précision apportée s'agissant de l'exercice d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole par une société ou une entreprise individuelle à titre principal est également conforme aux objectifs poursuivis par le régime d'exonération des actifs professionnels de DTMG. Cette précision permet de s'aligner sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui avait, dans une décision du 25 mai 2022152(*), retenu ce critère d'activité à titre principal pour apprécier l'éligibilité d'une holding animatrice. Il aurait donc également pu être retenu pour l'éligibilité d'une société ou d'une entreprise individuelle, dans le silence de la loi. Le préciser permet de limiter le risque de futurs contentieux sur ce point, tout en permettant de rappeler que l'activité économique réelle ne peut pas être simplement une activité parmi d'autres.

Enfin, la date d'entrée en vigueur de ces modifications, au 17 octobre 2023, correspond à la date de dépôt de l'amendement du Gouvernement. Il convient ici de rappeler que le même choix avait été retenu lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 : les dispositions anti-abus prévues à l'article 8 devaient s'appliquer aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022, date de dépôt de l'amendement. L'objectif est d'éviter les effets d'aubaine entre la date à laquelle la modification a été proposée et l'adoption du projet de loi.

Le rapporteur général souligne d'ailleurs que les dispositions du présent article, dont certaines d'entre elles s'apparentent à des clauses anti-abus, visent à recentrer le pacte Dutreil et l'exonération de DMTG sur les biens des entreprises individuelles sur la transmission des actifs professionnels, en excluant de fait les transmissions patrimoniales privées. Le simple fait d'avoir choisi un mode de gestion différent pour le patrimoine privé ne peut pas permettre aux personnes concernées de bénéficier d'un dispositif fiscal potentiellement bien plus favorable que celui prévu pour les autres contribuables.

Il est probable que d'autres précisions soient encore nécessaires pour sécuriser juridiquement ces exonérations tout en respectant leurs objectifs initiaux, la préservation des actifs professionnels.

C'est d'autant plus important que le coût de ces exonérations de DTMG est largement sous-estimé. L'estimation de 500 millions d'euros, inscrite chaque année dans le tome II des « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances, s'appuie sur une estimation réalisée en 2011 et non modifiée depuis. En l'absence d'un système d'information fiable pour suivre ces donations ou successions, il ne s'agit que d'un ordre de grandeur, avec un nombre de bénéficiaires inconnu.

En s'appuyant sur les données de la direction générale des finances publiques, le Conseil d'analyse économique (CAE) avait ainsi relevé que la valeur moyenne de l'actif transmis par le pacte Dutreil s'établissait à environ cinq millions d'euros entre 2017 et 2019, que le bénéficiaire moyen d'une donation ou succession en pacte Dutreil recevait des parts sociales d'une valeur moyenne de deux millions d'euros et que la valeur totale de l'actif transmis avait atteint huit milliards d'euros en 2018-2019153(*). Avec au moins 2 000 signatures de pactes sur cette même période, contre 700 en 2008-2009, le CAE concluait que le coût du Dutreil était plus proche de deux à trois milliards d'euros que de 500 millions d'euros.

D'après les informations recueillies par le rapporteur général, l'Inspection générale des finances (IGF) estime elle aussi nécessaire de se pencher à nouveau sur l'estimation du coût du pacte Dutreil et de documenter ses effets socio-économiques.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 unvicies (nouveau)

Exonération de DMTG sur les restitutions de biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945

Le présent article prévoit d'exonérer de droits de mutation par décès la transmission de biens ayant fait l'objet d'une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. La transmission ferait l'objet d'une exonération lorsqu'elle résulterait d'une restitution prononcée par une personne publique après avis de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation dans les conditions prévues par la loi du 22 juillet 2023, ou bien sur des biens récupérés, inventoriés et mis en dépôt auprès des « Musées nationaux récupérations », des bibliothèques et établissements universitaires et appartenant à leurs collections privées.

Cette disposition instituerait une différence de traitement injustifiée entre les héritiers d'une personne spoliée selon qu'elle est décédée avant ou après son entrée en vigueur.

La commission des finances propose donc d'adopter cet article modifié par l'amendement n° I- 167 (FINC.10) qui étend cette exonération à la première transmission résultant du décès du propriétaire du bien spolié, dans le cas où il était encore vivant lors de la restitution.

I. LE DROIT EXISTANT : DES RESTITUTIONS DE BIENS CULTURELS SPOLIÉS FACILITÉES PAR LA LOI DU 22 JUILLET 2023 MAIS NE FAISANT PAS L'OBJET D'EXONÉRATIONS

A. LA RESTITUTION DES BIENS CULTURELS AYANT FAIT L'OBJET DE SPOLIATIONS DANS LE CONTEXTE DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES PERPÉTRÉES ENTRE 1933 ET 1945

Le régime nazi a organisé, sur le sol allemand entre 1933 et 1945, puis dans les territoires qu'il a occupés, contrôlés ou influencés, la spoliation de biens, notamment culturels, appartenant à des personnes juives. En France, il a été secondé par l'État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944, et plus particulièrement par le Commissariat général aux questions juives créé par la loi du 29 mars 1941154(*). Selon David Zivie, responsable de la mission de recherche et de restitutions des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 créée en 2019, le nombre d'objets culturels et de biens mobiliers spoliés durant la Seconde Guerre mondiale en France s'élèverait à 100 000155(*).

La plupart des restitutions engagées relèvent de biens n'appartenant pas aux collections nationales mais conservés selon la procédure prévue par un décret du 30 septembre 1949156(*). Son article 5, qui instituait une commission procédant à un choix des oeuvres d'art retrouvées hors de France non restituées à leur propriétaire, prévoyait que l'office des biens et intérêts privés attribuerait ces oeuvres à la direction des musées de France, qui les affecterait ou les mettrait en dépôt dans des musées nationaux ou des musées de province (les « Musées nationaux récupération », ou MNR), chargés de les exposés et de les inscrire sur un inventaire provisoire. Son article 6 instituait une procédure similaire s'agissant des livres et manuscrits, affectés ou mis en dépôt par la direction des services des bibliothèques de France dans des bibliothèques publiques ou des établissements universitaires.

En revanche, le principe d'inaliénabilité du domaine public fixé dans la loi157(*) rend difficile la restitution des biens culturels spoliés lorsqu'ils appartiennent aux collections publiques. Seul un texte juridique de même niveau normatif que ce principe permet de le contourner. Si l'ordonnance du 21 avril 1945158(*) permet la restitution, sur décision du juge, d'un bien entré dans les collections publiques, son application se limite aux biens spoliés sur le territoire français et pour lesquels les propriétaires spoliés ou ayants droit ont déposé une requête.

Conformément aux principes définis à la conférence de Washington de 1998 recommandant de trouver « des solutions justes et équitables » au problème des oeuvres d'art confisquées par les nazis, et après la loi du 21 février 2022159(*) qui a permis la restitution ou remise de quinze oeuvre des collections publiques, spoliées avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, la loi du 22 juillet 2023160(*) vise ainsi à accélérer la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945. Elle s'inscrit dans une série des textes visant à définir le cadre applicable aux restitutions de biens spoliés, de restes humains et de biens coloniaux.

Son article 1er introduit une procédure administrative, codifiée aux articles L. 115-2 à L. 115-4 du code du patrimoine, permettant aux personnes publiques de restituer, après avis de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations161(*), les biens culturels appartenant à leurs collections qui se révéleraient spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945 par l'Allemagne nazie, par les autorités des territoires qu'elle a occupés, contrôlés ou influencés, et par l'État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944.

L'article 2 crée quant à lui, dans un nouvel article L. 451-10-1 du code du patrimoine, une procédure spécifique pour les restitutions d'oeuvres faisant partie des collections privées des musées ayant reçu l'appellation « musée de France ».

B. UN RÉGIME DE DROITS DE MUTATION PAR DÉCÈS QUI PRÉVOIT LA RÉINTÉGRATION DE BIENS ET QUI EST DÉJÀ SOUMIS À DE NOMBREUSES EXONÉRATIONS

1. Les biens rentrés dans l'hérédité postérieurement au décès

De manière générale, les héritiers, légataires ou donataires, leurs tuteurs ou curateurs, sont tenus de souscrire une déclaration de succession162(*) dans un délai de six mois à compter du jour du décès lorsque celui-ci a eu lieu en France métropolitaine, et une année dans les autres cas163(*), certaines exceptions de délai étant prévues par ailleurs164(*). La jurisprudence de la Cour de cassation prévoit que, si postérieurement au décès, de nouveaux biens accroissent la masse successorale par suite d'événements imprévus, les ayants droits doivent souscrire une déclaration complémentaire dans les six mois de l'événement ou de l'acte ayant opéré l'incorporation desdits biens dans l'actif héréditaire165(*). Le tarif du droit et les règles applicables à sa liquidation sont celles en vigueur au jour du décès166(*). On rappelle également que, dans le cadre d'une succession - et donc de la réintégration du bien dans l'hérédité -, un héritier - qu'il soit décédé, qu'il ait renoncé à la succession, ou indigne (s'il est encore vivant à l'ouverture de la succession) - peut se faire représenter, la représentation ayant pour effet d'appeler à la succession les représentants aux droits du représenté167(*).

Ainsi, en cas de restitution d'un bien à une personne postérieurement à son décès, ce bien vient accroître son actif successoral. Les ayants droits doivent alors le déclarer, et les tarifs et règles applicables sont celles en vigueur au jour du décès.

2. Des exonérations de droit de mutation concernant notamment les personnes décédées en déportation ou des suites de cette déportation

L'assiette des droits de mutations à titre gratuit est déterminée, pour les biens mobiliers, par les articles 758 à 760 du code général des impôts et, pour les immeubles, par l'article 761. Les articles 764 à 774 viennent déterminer les conditions de liquidation des mutations par décès (détermination de la valeur de la propriété, passif déductible, etc.).

Les articles 793 et suivants du code général des impôts prévoient de nombreuses exonérations concernant les mutations à titre gratuit. Les articles 796-0 et suivants prévoient plus spécifiquement des exonérations de droits de mutation par décès, par exemple pour le conjoint survivant168(*) ou bien le frère ou la soeur dans certaines conditions169(*).

L'article 796 exonère notamment de l'impôt de mutation par décès les successions des militaires morts sous les drapeaux pendant la guerre ou des suites de leurs blessures, des personnes françaises ou alliées décédées pour des faits de guerre pendant la guerre ou trois ans après la cessation des hostilités, des résistants décédés en captivité ou des conséquences immédiates et directes de leur captivité, des personnes décédées en déportation ou des conséquences immédiates et directes de leur déportation, ainsi que des sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes et agents des douanes décédés en opérations ou des suites de leurs blessures.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'EXONÉRATION DE DROITS DE MUTATION PAR DÉCÈS POUR LA TRANSMISSION DE BIENS AYANT FAIT L'OBJET D'UNE SPOLIATION DANS LE CONTEXTE DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES PERPÉTRÉES ENTRE 1933 ET 1945

Le présent article, issu d'un amendement de Fabienne Colboc, rapporteure du projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, et de certains de ses collègues, vise à exonérer de droits de mutation par décès la transmission de biens ayant fait l'objet d'une spoliation dans ledit contexte. Il procède pour cela à la création d'un nouvel article 796-0 quinquies dans le code général des impôts.

Cette exonération s'appliquerait lorsque la transmission résulte des restitutions effectuées dans le cadre des articles L. 115-2 à L. 115-4 ou L. 451--10-1 du code du patrimoine ( du I), ou prononcées sur des biens récupérés, inventoriés et mis en dépôt en application des dispositions du décret du 30 septembre 1949 relatif à la fin des opérations de la commission de récupération artistique dans sa rédaction du 5 octobre 2023 ( du I). Elle s'appliquerait aux biens dont la transmission résulte d'une restitution prononcée à compter du 3 août 2023 (II).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE NOUVELLE EXONÉRATION BIENVENUE MAIS QUI INSTITUE UNE DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT ENTRE AYANTS-DROITS, ET QUI DOIT À CE TITRE ÊTRE ÉTENDUE

Si le rapporteur général ne peut que souscrire à l'esprit de cet article, et s'il approuve en tous points la restitution des biens spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, il se doit d'observer que les dispositions qu'il prévoit instaureraient une inégalité de traitement entre contribuables.

Ainsi, une telle disposition aurait pour effet de permettre la transmission aux ayants droit d'une personne spoliée, du bien qui lui aurait été restitué s'il n'était pas décédé, et ce sans qu'ils n'aient à supporter aucun droit de mutation sur ce bien.

En revanche, si une personne se voyant restituer un bien ayant fait l'objet d'une spoliation venait à décéder ultérieurement à cette restitution, ses ayants droit devraient s'acquitter des droits de mutation par décès associés à ce bien. En effet, l'exonération ne s'applique à la transmission que lorsque celle-ci résulte d'une restitution.

Les informations recueillies par le rapporteur général auprès de l'administration fiscale confirment cette interprétation, puisqu'elle souligne que la mesure s'applique uniquement aux biens dont les propriétaires spoliés sont décédés à la date de la restitution et dont la transmission aux héritiers de ce dernier résulte de la décision de restitution. En revanche, les mutations ultérieures dont ce bien fait l'objet, qui résultent non de la restitution mais du décès des propriétaires successifs, sont soumises aux droits de mutation selon les principes de droit commun.

Cette inégalité de traitement ne paraît pas justifiée, et pourrait par ailleurs faire l'objet d'une déclaration de non-conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Afin de corriger cette inégalité de traitement, la commission des finances propose, par l'adoption de l'amendement n° I- 167 (FINC- 10), d'étendre l'exonération aux cas où la transmission du bien résulte du décès du propriétaire du bien spolié, lorsqu'il est encore vivant au moment de la restitution et en bénéficie.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 3 unvicies (nouveau)

Exonération temporaire de droits de mutation des dons
en sommes d'argent affectés à l'acquisition, la construction
et la rénovation des résidences principales

Le présent article additionnel, que propose d'introduire la commission des finances par l'amendement n° I-168 (FINC.11), prévoit d'exonérer de droits de mutation à titre gratuit les dons de sommes d'argent consentis dans le cadre familial, à la condition que les sommes soient affectées par le donataire à l'acquisition ou à la construction de sa résidence principale ou à des travaux de rénovation énergétique effectués dans son habitation principale.

Encadrée, avec notamment un engagement de conservation de la résidence principale de trois ans, l'exonération s'appliquerait dans la limite de 100 000 euros, pour des dons effectués entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2025. L'objectif de la commission est en effet de proposer un dispositif à la fois temporaire et ciblé pour inciter au déblocage de l'épargne et à l'acquisition de logements dans un contexte de blocage du marché de l'immobilier, soutenir l'accès à la propriété des ménages les plus jeunes alors que les taux d'intérêts constituent un obstacle à l'emprunt et faciliter les travaux de rénovation des « passoires thermiques ».

I. LE DROIT EXISTANT : UN TRAITEMENT FISCAL FAVORABLE DES DONATIONS FAMILIALES, SOUTENU PAR DES EXONÉRATIONS TEMPORAIRES ET CIBLÉES

A. UN TRAITEMENT FISCAL PLUS FAVORABLE DES DONATIONS FAMILIALES QUE DES DONATIONS EFFECTUÉES AU PROFIT DE TIERS

Le régime des droits de mutation à titre gratuit est défini au VI de la section II du chapitre 1er du titre IV de la première partie du livre 1er du code général des impôts (CGI). Le principe général consiste en une taxation, au bénéfice de l'État, des successions et des donations dont le montant dépasse un certain seuil, selon un barème progressif (article 777 du même code) dépendant du lien de parenté entre le donateur ou le défunt et le donataire ou l'héritier.

Les donations familiales bénéficient d'un régime de faveur, passant par l'application de divers abattements et exonérations dont le montant dépend du lien de parenté :

en ligne directe, les dispositions communes aux successions et donations prévoient notamment un abattement général de 100 000 euros sur la part nette de chacun des ascendants et de chacun des enfants, rechargeable tous les quinze ans ;

en ligne indirecte, un abattement est notamment prévu pour les donations consenties entre grands-parents et petits-enfants, d'un montant de 31 865 euros (article 790 B du code général des impôts) ;

- pour les neveux et les nièces, l'abattement est de 7 967 euros, le taux de taxation s'élevant à 55 % au-delà de ce montant ;

pour les tiers, aucun traitement fiscal préférentiel n'est prévu et les donations sont en principe taxées à hauteur de 60 %.

B. DES EXONÉRATIONS TEMPORAIRES ET CIBLÉES POUR FAVORISER LA TRANSMISSION ET L'ACQUISITION DE BIENS IMMOBILIERS

1. Des exonérations temporaires efficaces pour soutenir la circulation du patrimoine et l'activité économique

La loi de finances rectificative pour 1993170(*) a institué, sous conditions, une exonération temporaire et partielle de droits de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux dus lors de la première transmission d'immeubles neufs ou en état futur d'achèvement.

Dite « Balladur », cette exonération avait pour objectif de réduire le stock des logements neufs invendus. Le bénéfice de l'exonération était subordonné à la double condition que l'acquéreur n'ait pas bénéficié de réductions d'impôt sur le revenu pour l'investissement locatif neuf pour les immeubles et que ces derniers aient été exclusivement affectés de manière continue à l'habitation principale pendant une durée minimale de cinq ans à compter de l'acquisition ou de l'achèvement. En cas de donation, cette condition devait être respectée par le donataire. Les dons étaient retenus dans la limite de 300 000 francs, effectués entre le 1er juin 1993 et le 31 décembre 1994. Le plafond s'appréciait au niveau de l'ensemble des transmissions à titre gratuit consenties par une même personne.

Dans le cadre de la loi du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement171(*), une nouvelle exonération temporaire a été créée. Dite « Sarkozy », elle était initialement limitée à 20 000 euros puis portée à 30 000 euros172(*) pour les donations familiales effectuées entre le 1er juin 2004 et le 31 décembre 2005, et a permis la transmission de 25,8 milliards d'euros en dix-huit mois173(*). L'Insee a estimé un effet sur la consommation compris entre 1,5 milliard d'euros et 2,5 milliards d'euros174(*) entre le troisième trimestre 2004 et le premier trimestre 2005, période au cours de laquelle 15 milliards d'euros auraient été débloqués au titre de ce dispositif et d'une mesure analogue concernant l'épargne salariale.

Du point de vue macroéconomique, cette évaluation suggère ainsi qu'il serait plus efficace de subordonner l'exonération temporaire à la réalisation de dépenses, une telle conditionnalité permettant de maximiser l'effet d'entrainement sur la consommation et l'investissement, même s'il subsisterait un risque de substitution avec l'épargne du bénéficiaire.

2. La crise sanitaire et la volonté d'inciter à une meilleure circulation de l'épargne

L'article 19 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020175(*) a modifié l'article 790 A bis du code général des impôts (CGI) afin d'instaurer une exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

Cette exonération devait s'appliquer dans la limite de 100 000 euros sur les dons en sommes d'argent effectués dans le cadre familial (enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants ou à défaut neveux) entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021. Pour en bénéficier, le donataire devait, dans un délai de trois mois à compter du don, affecter les sommes reçues :

à la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital d'une petite entreprise en phase de développement, le donataire devant par ailleurs exercer son activité professionnelle dans cette entreprise pendant une durée minimale de trois ans à compter de la souscription ;

à des travaux et dépenses éligibles à « MaPrimeRénov' » et réalisés en faveur de la rénovation énergétique du logement dont le donataire était propriétaire et qu'il avait affecté à son habitation principale ;

- à la construction de sa résidence principale, ce qui incluait les travaux d'extension, d'agrandissement ou de surélévation de la résidence principale préexistante, mais excluait les acquisitions dans le cadre d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA)176(*).

Le Sénat, à l'initiative du rapporteur général Albéric de Montgolfier, avait largement remanié et sécurisé le dispositif alors introduit à l'Assemblée nationale. Il avait ainsi procédé à une réécriture globale de l'article pour placer le dispositif en conformité avec les règles européennes en matière d'aides d'État, introduire des clauses anti-abus, plafonner le montant total des dons pouvant bénéficier de cet avantage fiscal et étendre le champ des dépenses éligibles aux travaux de rénovation et à la construction de sa résidence principale par le donataire.

Cette exonération temporaire et ciblée est désormais sans objet, ce qui justifie l'abrogation de l'article 790 A bis du CGI par le 9° du M du I de l'article 17 du présent projet de loi.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXONÉRATION TEMPORAIRE ET CIBLÉE DE DROITS DE MUTATION POUR LES DONATIONS AFFECTÉES À L'ACQUISITION, LA CONSTRUCTION OU LA RÉNOVATION D'UNE RÉSIDENCE PRINCIPALE

Le dispositif proposé par la commission, à l'initiative du rapporteur général, vise à créer une nouvelle exonération temporaire et ciblée de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) sur les dons de sommes d'argent effectués entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2025, au bénéfice d'un enfant, d'un petit-enfant, d'un arrière-petit-enfant ou, à défaut d'une telle descendance, à un neveu ou une nièce. Limitée à 100 000 euros, cette exonération ne serait accordée qu'à la condition que les donataires affectent les sommes soit à l'acquisition ou la construction de leur résidence principale, soit aux travaux de rénovation énergétique effectués dans leur habitation principale.

Cette exonération est encadrée : le donataire ne pourra bénéficier du dispositif qu'une seule fois par donateur et il ne pourra pas cumuler des avantages fiscaux ou publics pour l'acquisition ou la construction d'une même résidence principale ou pour les mêmes travaux de rénovation. Par exemple, l'exonération ne s'appliquera pas si les sommes consenties sont affectées à des travaux pour lesquels le donataire a bénéficié de MaPrimeRénov'. Surtout, le bénéfice de cette exonération est subordonné à un engagement de conservation de la résidence principale de trois ans.

Le rapporteur général a souhaité proposer un dispositif permettant de répondre à trois objectifs :

- inciter au déblocage de l'épargne accumulée par les Français. Alors que la crise sanitaire avait conduit à des phénomènes de sur-épargne, notamment pendant les confinements, cette tendance s'est poursuivie à l'issue de la pandémie. Comme le relève la Banque de France, le flux net de placements financiers des ménages s'est élevé, en glissement annuel, à 146,2 milliards d'euros au premier trimestre 2023, contre 100 milliards d'euros au quatrième trimestre 2019177(*) ;

- compléter les premières réponses apportées à la crise du secteur du logement, en visant à la fois les acquisitions de logements anciens mais aussi la construction neuve ;

permettre aux ménages les plus jeunes de pouvoir accéder à la propriété ou de pouvoir rénover un bien ancien dans un contexte de tensions sur les financements bancaires. Il n'est pas rare que les jeunes ménages se tournent vers leur famille pour constituer leur apport. L'exonération temporaire doit ainsi, en plus de soutenir l'accès à la propriété, encourager à réaliser des travaux de rénovation globale qui peuvent s'avérer coûteux à court terme mais bénéfiques à long terme pour le ménage comme pour l'environnement. Alors que plus de la moitié des Français qui n'envisagent pas de rénover leur logement invoque un problème de budget, cette disposition doit les aider à lever ce frein178(*).

Enfin, le présent article prévoit que cette exonération temporaire et ciblée fasse l'objet d'une évaluation. Il s'agit de remédier ici à une lacune identifiée dans le cadre de la précédente exonération, votée en loi de finances rectificative pour 2020 dans le cadre de la crise sanitaire et qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation sur sa portée ou sur ses effets.

Comme le montrent les tomes II des « Voies et Moyens » de ces quatre dernières années, le nombre de bénéficiaires de cette dépense fiscale n'a pu être estimé. De manière plus générale, les données sur les donations et les successions sont à la fois très peu fiables et très peu disponibles, alors même qu'il s'agit d'un sujet majeur : le Conseil d'analyse économique avait ainsi estimé que « l'absence d'un véritable système d'informations relatif à la fiscalité des successions [avait] des conséquences très négatives, à la fois sur le pilotage de la politique fiscale [...], sur l'information publique relative à cette politique et sur l'administration et le contrôle fiscal »179(*). Il est donc nécessaire de prévoir, dès l'instauration du dispositif, la remise d'une évaluation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 3 duovicies (nouveau)

Modification des règles de déductibilité
des dettes à l'impôt sur la fortune immobilière

Le présent article prévoit d'harmoniser les règles de déductibilité des dettes de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Il vise à aligner les conditions prévues pour la déductibilité des dettes des organismes ou des sociétés détenant des actifs immobiliers sur celles prévues pour les dettes directement contractées par les personnes physiques redevables de l'IFI. Concrètement, dans les deux cas, seule la part de la dette afférente à des actifs imposables à l'IFI serait désormais déductible de l'assiette de l'IFI.

Cet alignement vise à mettre un terme à une stratégie d'optimisation fiscale qui ne se justifie pas par son objet et qui n'avait pas été défendue par le législateur lors du remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune par l'IFI.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DÉDUCTIBILITÉ DES DETTES CONTRACTÉES PAR LE CONTRIBUABLE À L'IMPÔT SUR LA FORTUNE IMMOBILIÈRE

L'impôt sur la fortune immobilière (IFI) a remplacé, à compter du 1er janvier 2018, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF)180(*). Il est calculé selon un barème progressif : le taux d'imposition dépend de la tranche dans laquelle se situe la valeur du patrimoine net taxable.

Aux termes de l'article 965 du code général des impôts (CGI), pour les personnes physiquement domiciliées en France qui y sont redevables, l'assiette de l'IFI est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année :

1° de l'ensemble de leurs biens et droits immobiliers ;

2° de leurs parts ou actions de sociétés et organismes appartenant à ces personnes, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ou l'organisme.

L'article 973 du CGI dispose que, par principe, la valeur des actifs entrant dans l'assiette de l'IFI est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès.

Les parts et les actions de sociétés ou d'organismes, comprises dans l'assiette de l'IFI à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers, sont donc évaluées à leur valeur vénale réelle au 1er janvier, avec la possibilité de déduire les dettes correspondant à des prêts contractés directement ou indirectement par une société ou un organisme pour l'achat d'un actif imposable. Les conditions de cette déduction sont précisées au II de l'article 974 du CGI :

- pour les prêts prévoyant un remboursement du capital à terme, les dettes sont déductibles chaque année à hauteur du montant total de l'emprunt diminué d'une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre d'années écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre d'années total de l'emprunt181(*) ;

- pour les prêts ne prévoyant pas de terme pour le remboursement du capital, les dettes sont déductibles chaque année à hauteur du montant total de l'emprunt diminué d'une somme égale à un vingtième de ce montant par année écoulée depuis le versement du prêt182(*).

Des clauses anti-abus ont toutefois été prévues afin d'éviter que la comptabilisation de ces dettes ne conduise à une diminution indue de l'assiette imposable à l'IFI à travers des opérations de financement ou de refinancement à but principalement fiscal.

Ainsi, les dettes contractées directement ou indirectement par une société ou un organisme ne sont pas prises en compte pour la valorisation des parts ou actions de sociétés et organismes visés au 2° de l'article 965 du CGI, lorsque :

- ces dettes ont été contractées pour l'acquisition d'un actif imposable à l'IFI auprès du redevable lui-même ou d'un membre de son foyer fiscal ;

- le redevable contrôle, seul ou conjointement, avec les autres membres de son foyer fiscal, la société ou l'organisme ;

- ces dettes ont été contractées auprès du redevable de l'IFI lui-même ou d'un membre de son foyer fiscal ;

- ces dettes ont été contractées auprès d'une société ou d'un organisme contrôlé par le redevable seul ou conjointement, avec les autres membres de son foyer fiscal.

Pour ce qui concerne l'appréciation de la valeur des biens et droits immobiliers des personnes physiques redevables de l'IFI, le I de l'article 974 précité prévoit que sont seules déductibles de la valeur de ces biens les dettes effectivement supportées par ces redevables et afférentes à des actifs imposables. Cette dernière condition n'est pas prévue pour les dettes contractées par les organismes et les sociétés.

Les dépenses afférentes s'entendent des dépenses d'acquisition de biens ou droits immobiliers, des dépenses de réparation et d'entretien, des dépenses d'amélioration, de construction ou d'agrandissement, des impositions des propriétaires ainsi que des dépenses d'acquisitions de parts ou d'actions au prorata de leur valeur représentative de droits ou biens immobiliers.

Un mécanisme de plafonnement de la déductibilité des dettes est prévu pour les patrimoines les plus élevés : lorsque l'assiette de l'IFI excède 5 millions d'euros et que le montant total des dettes admises en déduction au titre d'une même année d'imposition excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil n'est admis en déduction qu'à hauteur de 50 % de cet excédent (IV de l'article 974 du CGI). Sont toutefois exclues de ce plafonnement les dettes dont le redevable justifie qu'elles n'ont pas été contractées dans un objectif principalement fiscal.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE CLARIFICATION SUR LA DÉDUCTIBILITÉ À L'IFI DES DETTES CONTRACTÉES PAR LES ORGANISMES ET LES SOCIÉTÉS

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par Mme Pirès Beaune et plusieurs de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Le présent article complète l'article 973 du code général des impôts afin de prévoir que, pour la valorisation des parts ou des actions de sociétés et d'organismes à hauteur de la fraction représentative de droits ou de biens immobiliers, les dettes contractées directement ou indirectement par cet organisme ou par cette société et qui ne sont pas afférentes à un actif imposable ne sont pas prises en compte et ne sont donc pas déductibles. Il est donc ici repris la formulation prévue pour la déductibilité des dettes contractées par les personnes physiques redevables de l'IFI pour l'acquisition de biens ou de droits immobiliers.

Le deuxième alinéa précise que cette nouvelle condition, sans préjudice des autres clauses prévues à l'article 973 du CGI, ne peut pas avoir pour conséquence que la valeur imposable à l'IFI de ces parts ou de ces actions soit supérieure à leur valeur vénale réelle. Cette disposition permet d'éviter que le redevable de l'IFI ne le soit au-delà de la valeur réelle de ses actifs.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ALIGNEMENT DES RÈGLES DE DÉDUCTIBILITÉ DES DETTES DE L'ASSIETTE DE L'IMPÔT SUR LA FORTUNE IMMOBILIÈRE

Le présent article procède à une harmonisation fiscale des règles de déductibilité des dettes de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière.

Il vise à aligner les conditions prévues pour la déductibilité des dettes des organismes ou des sociétés détenant des actifs immobiliers sur celles prévues pour les dettes directement contractées par les personnes physiques redevables de l'IFI. Concrètement, dans les deux cas, seule la part de la dette afférente à des actifs imposables à l'IFI serait déductible de l'assiette de l'IFI, c'est-à-dire la part de la dette afférente à des dépenses d'acquisition de biens ou de droits immobiliers, des dépenses d'entretien et d'amélioration du bien, des dépenses liées à l'imposition de la détention des biens ainsi que les dépenses d'acquisition de parts ou d'actions des organismes ou des sociétés précités, au prorata de la valeur de leurs actifs immobiliers.

La distinction opérée entre ces modalités de détermination des dettes déductibles à l'IFI n'avait pas explicitement été souhaitée par le législateur de l'époque, les dispositions de l'article 973 étant muettes sur ce point. De fait, cette divergence a conduit à la mise en oeuvre de stratégies d'optimisation fiscale permettant de minorer artificiellement l'assiette de l'IFI en privilégiant, pour la contraction des dettes, le fait de passer par une société ou un organisme et non par un prêt contracté en son nom propre. De cette façon, l'ensemble de la dette contractée par l'organisme ou par la société peut être déductible, indifféremment de son affectation, et sous réserve des clauses anti-abus prévues à l'article 973 du CGI.

S'il est parfaitement admis que des contribuables puissent bénéficier de mécanismes d'optimisation, encore faut-il qu'ils soient justifiés dans leur objet ou dans leurs effets, ce qui n'est pas le cas ici. La déductibilité des dettes à l'IFI n'a pas vocation à s'appliquer à des dettes contractées à d'autres fins que celles d'acquérir un actif imposable à l'IFI et de couvrir les dépenses afférentes.

Le changement de ces règles devrait se traduire par une hausse de l'imposition des ménages qui détiennent des parts ou des actions dans des organismes ou des sociétés dont une partie de l'actif est constituée de droits ou de biens immobiliers, sans que le gain fiscal ne puisse être évalué à ce stade. Les ménages proches du seuil d'imposition de l'IFI ou du franchissement des seuils des tranches d'imposition pourraient devenir redevables de l'IFI ou voir un taux d'imposition plus élevé s'appliquer à leur patrimoine.

La commission souligne toutefois qu'une disposition est prévue pour éviter que la modification des règles de déductibilité se traduise par une valeur imposable de la fraction représentative de biens et droits immobiliers des parts ou des actions de sociétés ou organismes détenues par les personnes physiques supérieure à leur valeur vénale réelle.

Enfin, il convient de relever qu'une adaptation des formulaires déclaratifs sera également nécessaire pour la prochaine campagne de déclaration à l'IFI.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 tervicies (nouveau)

Prorogation de l'exonération d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour les pourboires versés aux salariés

Le présent article prévoit d'étendre aux pourboires versés aux salariés au cours de l'année 2024 l'exonération d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux prévue par l'article 5 de la loi de finances pour 2022, à la condition que ces salariés perçoivent une rémunération n'excédant pas 1,6 SMIC.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES POURBOIRES, SOUMIS À DIVERS PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX ET IMPOSABLES AU TITRE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, FONT L'OBJET D'UNE EXONÉRATION TEMPORAIRE

A. LES POURBOIRES CONSTITUENT UN COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION SOUMIS, EN PRINCIPE, À DIVERS PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX ET IMPOSABLES AU TITRE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

1. Des gratifications légalement soumises à un ensemble de prélèvements sociaux

Les pourboires entrent dans l'assiette de divers prélèvements sociaux dont :

- la contribution sociale généralisée (CSG), dont l'assiette est définie à l'article L. 136-1- 1 du code de la sécurité sociale comme comprenant « toutes les sommes ainsi que les avantages et accessoires en nature et en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l'occasion d'un travail, d'une activité ou de l'exercice d'un mandat ou d'une fonction élective, quelles qu'en soient la dénomination ainsi que la qualité de celui qui les attribue, que cette attribution soit directe ou indirecte » ;

- la taxe sur les salaires, dont l'assiette est identique à celle de la CSG au terme de l'article 231 du code général des impôts ;

- les cotisations sociales, en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que les cotisations de sécurité sociale dues au titre de l'affiliation au régime général sont assises sur les revenus d'activités tels qu'ils sont définis à l'article L. 136-1- 1 du même code.

S'agissant des cotisations sociales, les règles d'assujettissement des pourboires varient selon les situations :

- dans le cas où une clause du contrat de travail précise que les salariés sont rémunérés aux pourboires (dans le cadre du « pourcentage-service »), ces sommes sont assujetties aux cotisations sociales selon les règles fixées par l'arrêté du 28 mai 1956183(*) ;

- dans le cas où le versement des pourboires ne figure pas au contrat de travail si l'employeur centralise les pourboires et tient un registre de répartition entre les salariés, l'assiette correspond au montant des pourboires remis à chacun des salariés, alors que si le salarié perçoit directement les pourboires et que l'employeur n'en connait pas le montant, il existe une tolérance et les montants perçus ne sont pas assujettis aux cotisations et contributions sociales.

Par ailleurs, les pourboires sont indirectement assujettis à divers prélèvements sociaux assis sur la masse salariale des entreprises, constituée de la somme des rémunérations brutes versées aux salariés. Il s'agit notamment de :

- la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance, la contribution supplémentaire à l'apprentissage, la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation (article L. 6131-1du code du travail) ;

- la participation de l'employeur à l'effort de construction (PEEC, article 235 bis du CGI) ;

- le versement transport (articles L. 2333-4 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales) ;

- la contribution au fonds national d'aide au logement (FNAL, article L. 813-4 du code de la construction et de l'habitation).

2. Un élément de rémunération imposable pour son montant réel au titre de l'impôt sur le revenu

Selon l'article 79 du code général des impôts, « les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ».

Par conséquent, la doctrine fiscale considère que la gratification versée par un client à un salarié d'un établissement commercial constitue un élément de rémunération au profit de ce dernier, ce qui a pour conséquence que :

les pourboires perçus directement par l'employeur « pour le service » - qu'il s'agisse d'un pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou d'une somme remise volontairement entre les mains de l'employeur, ou centralisé par lui - doivent être intégralement versés au personnel en contact avec la clientèle, en vertu de l'article L. 3244-1 du code du travail. L'employeur est également tenu de justifier de l'encaissement des pourboires, ainsi que de leur remise aux salariés concernés, aux termes de l'article R. 3244-1 du code du travail ;

les pourboires sont toujours imposables pour leur montant réel. Peu importe, à cet égard, qu'ils constituent la rémunération principale du bénéficiaire ou qu'ils revêtent un caractère accessoire, qu'ils soient conservés par celui qui les perçoit ou mis en commun et répartis entre les membres du personnel, qu'ils soient laissés à l'appréciation de la clientèle ou fixés à un pourcentage du prix du service ou du produit.

Cette doctrine est confirmée par la jurisprudence du Conseil d'État184(*).

3. Une gratification rarement déclarée si elle est versée en espèces mais automatiquement imposée si elle est payée par carte bancaire

Dans la pratique, les pourboires directement versés en espèces aux salariés, sans être centralisés par l'employeur, sont très rarement déclarés aux impôts. De fait, l'administration fiscale est incapable d'en contrôler le montant.

Il n'en est pas de même pour les gratifications versées par carte bancaire, dans la mesure où ce mode de règlement permet de retracer les montants réglés. Le montant des pourboires est dès lors automatiquement intégré au chiffre d'affaires de l'établissement, et à ce titre assujetti à divers prélèvements sociaux avant d'être reversé au salarié, ce dernier étant à son tour imposé au titre de l'impôt sur le revenu.

Il n'existe donc aucun dispositif permettant aux salariés de récupérer l'intégralité des sommes qui leurs sont versées par carte.

B. L'ARTICLE 5 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2022 A PRÉVU UNE DÉFISCALISATION ET UNE DÉSOCIALISATION TEMPORAIRES DES POURBOIRES POUR LES SALARIÉS PERCEVANT JUSQU'À 1,6 SMIC

1. Une assiette bénéficiant de la mesure constituée des pourboires versés en 2022 et en 2023 aux salariés dont le revenu ne dépasse pas 1,6 SMIC

L'assiette bénéficiant du dispositif des exonérations fiscale et sociale est définie au I de l'article 5 de la loi de finances pour 2022185(*) comme les « sommes remises volontairement au cours des années 2022 et 2023 par les clients pour le service, soit directement aux salariés, soit à l'employeur et reversées par ce dernier au personnel en contact avec la clientèle en application de l'article L. 3244-1 du code du travail ».

Cet article cible donc uniquement les pourboires remis volontairement aux personnels en contact avec la clientèle ; partant, le « pourcentage-service » automatiquement inclus dans la note présentée au client, dans le cas de salariés rémunérés aux pourboires, n'est pas concerné par le dispositif.

À noter que le I de l'article 5 limite le dispositif d'exonération sur deux plans :

- sur le plan des contribuables bénéficiaires, seuls les contribuables ayant le statut de salarié peuvent en bénéficier ;

- sur le plan de l'application temporaire, la mesure est bornée dans le temps, puisque seuls les versements consentis en 2022 et 2023 ouvrent droit à une exonération.

Le A du II de l'article 5 de la loi de finances pour 2022 prévoit, en parallèle, que seuls les salariés dont la rémunération n'excède pas le salaire de croissance majoré de 60 % (soit un seuil correspondant à 1,6 SMIC) sont éligibles à la mesure.

Le A du II précise également les modalités de calcul de la rémunération des salariés permettant d'apprécier le respect ou non du seuil de 1,6 SMIC. La rémunération du salarié est calculée sur la base de la durée légale du travail, ou de la durée de travail prévue au contrat, augmentée le cas échéant du nombre d'heures complémentaires et supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu. Par ailleurs, en vertu du B du II, les pourboires versés aux employés ne seront pas pris en compte dans le calcul de cette rémunération.

2. Une exonération de divers prélèvements sociaux et d'impôt sur le revenu appliquée aux pourboires

L'article 5 de la loi de finances pour 2022 précité précise la nature de l'exonération portant sur les pourboires :

- en application du A du II de cet article, les pourboires sont également exclus de l'assiette des cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle. Ils sont également exonérés de diverses contributions sociales : la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance, la contribution supplémentaire à l'apprentissage, la contribution dédiée au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d'un contrat à durée déterminée, la participation de l'employeur à l'effort de construction, le versement transport et la contribution au fonds national d'aide au logement ;

- en application du C du II de cet article, les pourboires sont exonérés d'impôt sur le revenu. En pratique, ces revenus ne sont donc pas imposables, même si les contribuables sont toujours tenus de les déclarer.

3. Une prise en compte du montant des pourboires déclarés dans le calcul du revenu fiscal de référence

Le III de l'article 5 de la loi de finances pour 2022 dispose que le montant du revenu fiscal de référence, défini au 1° du IV de l'article 1417 du code général des impôts, est majoré du montant des sommes exonérées d'impôt sur le revenu.

Si les sommes déclarées par les salariés ne sont donc pas incluses dans le revenu imposable, elles sont intégrées dans le revenu fiscal de référence, avec pour conséquence un éventuel franchissement de seuil, faisant perdre au salarié le bénéfice de certains avantages sociaux.

Il résulte de cette disposition que le montant des pourboires devra être déclaré auprès de l'administration fiscale, de manière à permettre sa prise en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence.

Le revenu fiscal de référence : un indicateur permettant d'évaluer
le niveau de vie d'un foyer

Communiqué chaque année par l'administration fiscale aux contribuables, le revenu fiscal de référence est un indicateur du niveau de vie.

En effet, aux termes des dispositions combinées du IV de l'article 1417 et de l'article 163-0 A du code général des impôts, l'assiette du revenu fiscal de référence est plus large que celle utilisée pour le calcul de l'impôt sur le revenu, puisque le RFR correspond au montant net des revenus et plus-values retenues pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, majoré de certaines charges déductibles, revenus exonérés ou faisant l'objet d'un report ou d'un sursis d'imposition, profits exonérés et abattement.

De ce fait, le RFR permet de donner une appréciation plus proche du niveau de vie effectif des foyers fiscaux car il prend en compte plus largement les ressources effectivement perçues par un foyer fiscal. Tous les contribuables ont un revenu fiscal de référence même lorsqu'ils ne sont pas imposables. La définition du revenu fiscal de référence s'effectue par foyer et en fonction du nombre de parts de quotient familial qu'il possède.

C'est la raison pour laquelle le RFR sert à déterminer l'éligibilité à certains avantages fiscaux et sociaux, comme :

- l'attribution d'une prime pour des travaux de l'habitat en faveur des économies d'énergie ;

- l'octroi de tarifs spécifiques pour les frais de cantine ou de crèche ;

- l'attribution une bourse (étudiante ou de lycée) ;

- l'octroi d'une exonération de CSG ou de CRDS sur l'aide au retour à l'emploi ;

- l'octroi d'une exonération sur les plus-values immobilières réalisées par une personne titulaire de pensions de vieillesse ou d'une carte d'invalidité ;

- l'octroi d'une exonération totale ou partielle de taxe d'habitation ou de taxe foncière ;

- l'absence d'obligation de déclarer ses revenus en ligne ;

- le droit d'ouvrir un livret d'épargne populaire (LEP) ;

- l'attribution d'un logement HLM.

Source : commission des finances

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION : UNE PROLONGATION DE LA DÉFISCALISATION ET DE LA DÉSOCIALISATION TEMPORAIRES DES POURBOIRES POUR LES SALARIÉS PERCEVANT JUSQU'À 1,6 SMIC

A. UNE EXTENSION DE LA DÉFISCALISATION ET DE LA DÉSOCIALISATION TEMPORAIRE DES POURBOIRES À L'ANNÉE 2024

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue député Christophe Blanchet et de plusieurs autres de ses collègues.

Le présent article modifie le I de l'article 5 de la loi de finances pour 2022 afin de prolonger l'application de l'exonération d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux prévue par cet article aux pourboires versées au cours de l'année 2024.

B. UNE ÉVALUATION DE L'IMPACT DE LA MESURE SUR L'UTILISATION DES MOYENS DE PAIEMENT ET SUR LE RISQUE DE SUBSTITUTION AUX SALAIRES

Le présent article modifie l'article 5 de la loi de finances pour 2022 en prévoyant que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2024, un rapport évaluant les effets du présent article au regard de l'évolution de l'utilisation des moyens de paiement et du risque de substitution aux salaires.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROROGATION OPPORTUNE MAIS UN MANQUE D'ÉVALUATION

L'exonération fiscale et sociale des pourboires versés aux salariés percevant au maximum 1,6 SMIC a été créée pour soutenir les salariés du secteur de l'hôtellerie-restauration, dans un double objectif.

D'un part, le premier objectif de cette mesure était de soutenir l'emploi d'un secteur particulièrement touché par les effets de la crise sanitaire. Entre février 2020 et février 2021, 450 000 salariés ont ainsi quitté le secteur de l'hébergement-restauration, soit 71 000 salariés de plus que l'année précédente, selon une étude de la DARES186(*).

D'autre part, il s'agissait de pallier un manque structurel d'attractivité des emplois dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. Cette dernière s'expliquerait par des conditions de travail difficiles (horaires longs, travail le soir et le week-end) associées à une baisse de la rémunération nette, l'essor du paiement par carte bancaire se traduisant par un recul de la pratique du pourboire.

Le rapporteur général estime que l'évaluation de ce dispositif est bienvenue. Elle devrait permettre d'apporter des éléments de réponses aux remarques formulées, à propos de ce dispositif, lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2022, notamment :

le risque de fraude, en substituant des pourboires aux salaires. En effet, un employeur pourrait décider de majorer le montant des pourboires versés à son salariés en minorant sa rémunération pour alléger la pression fiscale pesant sur cette majoration ;

- le risque de trappe à bas salaire. En effet, alors même que l'objectif initial de la mesure était de soutenir le pouvoir d'achat des salariés, le bornage du dispositif risque de ne pas inciter les chefs d'établissement à proposer des salaires supérieurs à 1,6 SMIC ni les salariés à les accepter ;

l'impact de la mesure sur les modes de paiement, qui devrait permettre de déterminer si la défiscalisation et la désocialisation des pourboires contribue à la disparition des gratifications versées en espèces.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 quatervicies (nouveau)

Prorogation en 2024 des exonérations d'avantages pris en charge par l'employeur en faveur de la mobilité

Le présent article propose la prorogation en 2024 des dispositifs temporaires prévus par l'article 2 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 qui prévoient :

- la majoration de 200 euros pour la métropole et 400 euros pour les outre-mer, des plafonds d'exonérations fiscales et sociales des dispositifs de « prime transport », de « forfait mobilités durables » et de « prime carburant » ;

- l'exonération fiscale et sociale, dans une limite de 25 %, de la prise en charge par l'employeur du prix de l'abonnement de transports en commun ou de vélos de ses salariés pour un montant qui excède l'obligation de 50 % ;

- la dérogation permettant d'écarter les deux critères qui, selon les dispositions de droit commun, contraignent l'éligibilité à la « prime transport » ;

- la possibilité de cumuler la « prime transport » avec la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'abonnement aux transports collectifs et de vélos.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES DISPOSITIFS SONT PRÉVUS POUR QUE L'EMPLOYEUR PRENNE EN CHARGE UNE PARTIE DES FRAIS DE MOBILITÉ DE SES SALARIÉS

1. Des dispositifs qui bénéficient de mesures d'exonérations fiscales et sociales

Dans le commentaire de l'article 3 quater est présenté une description détaillée des différents dispositifs permettant à l'employeur de prendre en charge une partie des frais de mobilité de ses salariés et des plafonds d'exonération fiscale et sociale qui sont associés aux avantages qui résultent pour les salariés de ces dispositifs.

2. L'octroi de la « prime transport » et des avantages qui lui sont associés se trouvent restreints par le cadre normatif existant

Le dispositif de la « prime transport » prévu à l'article L. 3261-3 du code du travail est limité par un cadre législatif qui fixe certaines contraintes à son éligibilité et aux avantages qui en résultent pour les salariés.

Premièrement, et par cohérence, le bénéfice de la « prime transport » ne peut être cumulé avec la déduction des frais réels de transport dans l'établissement de l'impôt sur le revenu.

L'éligibilité à la « prime transport » se trouve en outre restreinte par deux conditions alternatives prévues par les trois premiers alinéas de l'article L. 3261-3 du code du travail. Pour que le salarié puisse bénéficier de la « prime transport », il doit se trouver dans l'une des deux situations suivantes :

- sa résidence habituelle ou son lieu de travail est situé dans une commune non desservie par un service public de transport collectif régulier et n'est pas inclus dans le périmètre d'un plan de mobilité obligatoire ;

- l'utilisation de son véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne lui permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport.

Le dernier alinéa de l'article L. 3261-3 du code de travail précise par ailleurs que le bénéfice de la « prime transport » ne peut être cumulé avec celui de la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos (article L. 3261-2 du code du travail).

B. LES DISPOSITIONS TEMPORAIRES PRÉVUES PAR L'ARTICLE 2 DE LA PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022

Temporairement, pour les années 2022 et 2023, l'article 2 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a prévu une série de mesures visant à élargir les dispositifs permettant aux employeurs de participer aux frais de transport de leurs salariés et à renforcer les incitations fiscales qui leur sont associées.

Le I de cet article a ainsi, pour l'imposition des revenus 2022 et 2023, relevé les plafonds d'exonération relatifs au « forfait mobilités durables » et à la « prime transport » dans ses composantes carburant et hors carburant.

Pour l'imposition des revenus 2022 et 2023, ces dispositions ont ainsi porté de 200 euros à 400 euros (et 600 euros dans les territoires ultra-marins) le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage résultant de la prise en charge par l'employeur des frais de carburant engagés par les salariés dans le cadre des dispositions de l'article L. 3261-3 du code du travail, c'est-à-dire le dispositif dit de « prime carburant ».

Toujours pour l'imposition des revenus 2022 et 2023, ces mêmes dispositions ont augmenté, en le portant de 500 euros à 700 euros (et 900 euros dans les territoires ultra-marins), le plafond global d'exonération d'impôt sur le revenu au titre des avantages résultant aussi bien de la « prime transport » que du « forfait mobilités durables ». Cette disposition a ainsi permis de majorer pour deux ans le plafond d'exonération applicable aux avantages résultant de chacun de ces dispositifs ainsi que de leur cumul.

Plafonds d'exonération fiscale relatifs aux dispositifs de prime transport,
prime carburant et forfait mobilité durable

Dispositifs

Plafond d'exonération fiscale prévu par le code général des impôts (b du 19° ter de l'article 81)

Plafond d'exonération fiscale temporaire pour les années d'impositions 2022 et 2023 (article 2 première LFR pour 2022)

« Prime transport » et/ou « forfait mobilités durables »

500 euros

700 euros

« Prime carburant » (composante de la prime transport)

200 euros

400 euros

Source : commission des finances du Sénat

Le II de l'article conduit quant à lui à écarter, pour les années 2022 et 2023, les deux critères alternatifs prévus à l'article L. 3261-3 du code du travail qui limitent l'éligibilité des salariés à la « prime transport ».

Pour ce faire, il prévoit une disposition qui déroge aux trois premiers alinéas de l'article L. 3261-3 du code du travail. Pour les années 2022 et 2023, tous les salariés ont ainsi pu être éligibles à l'avantage tiré de la « prime transport » « pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail ».

D'autre part, ce même II, en dérogeant au dernier alinéa de l'article L. 3261-3 du code du travail, a autorisé, pour les années 2022 et 2023, le cumul de la « prime transport » avec la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'abonnement aux transports collectifs et de vélos (article L. 3261-2 du code du travail).

Issu d'un amendement d'origine sénatoriale dont le dispositif, adopté par le Sénat en première lecture, a évolué dans le cadre de la commission mixte paritaire, le III de l'article prévoit quant à lui, pour les années 2022 et 2023, que la prise en charge par l'employeur du prix de l'abonnement de transports en commun ou de vélos de ses salariés pour un montant qui excède l'obligation de 50 % et dans une limite de 25 % du prix des abonnements, fait l'objet d'une exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

À la faveur de cette disposition, les salariés pour lesquels les employeurs ont décidé sur la base du volontariat de prendre en charge plus de 50 % du prix de leur abonnement de transport, ont pu, en 2022 et en 2023, bénéficier, sur les avantages résultant de cette prise en charge et dans une limite de 75 % du prix desdits abonnements, des exonérations fiscales et sociales prévues à l'article 81 du code général des impôts ainsi qu'à l'article L. 136-1- 1 du code de la sécurité sociale.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA PROLONGATION EN 2024 DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 2 DE LA PREMIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2022

Cet article est issu de deux amendements, l'un déposé par Monsieur Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues députés et l'autre par Madame Danielle Brulebois, intégrés au texte sur lequel le Gouvernement a engagés sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Les dispositions du présent article visent à reconduire en 2024 l'ensemble des mesures provisoires prévues pour les années 2022 et 2023 par l'article 2 de la première loi de finances rectificative (LFR) pour 2022.

Le 1° prolonge en 2024 :

- d'une part, les mesures visant à majorer de 200 euros pour la métropole et 400 euros pour les outre-mer, les plafonds d'exonérations fiscales et sociales des dispositifs de « prime transport », de « forfait mobilités durables » et de « prime carburant » ;

- d'autre part, l'exonération fiscale et sociale, dans une limite de 25 %, de la prise en charge par l'employeur du prix de l'abonnement de transports en commun ou de vélos de ses salariés pour un montant qui excède l'obligation de 50 %.

Le 2° prolonge en 2024 la dérogation permettant d'écarter les deux critères qui, en vertu selon les dispositions de droit commun, contraignent l'éligibilité à la « prime transport » ainsi que la possibilité de cumuler la « prime transport » avec la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'abonnement aux transports collectifs et de vélos.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ALORS QUE LES PRIX DES CARBURANTS RESTENT ÉLEVÉS IL CONVIENT DE MAINTENIR L'INCITATION DES EMPLOYEURS À PARTICIPER AUX FRAIS DE TRANSPORTS DE LEURS SALARIÉS

En octobre 2023, les prix des carburants se maintiennent à un niveau élevé, suite à une forte hausse constatée à partir du mois de juillet. D'après les données du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 20 octobre 2023, les prix à la pompe du gazole et du sans-plomb 95 se situaient en moyenne à respectivement 1,88 euros par litre et 1,85 euros par litre.

Évolution des prix des carburants routiers en moyenne mensuelle
(janvier 2021-septembre 2023)

(en euros par litre)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

L'augmentation des prix des carburants constatée depuis l'été 2023 s'explique par une hausse du prix du baril de Brent qui approche les 100 euros.

Prix du baril de Brent depuis 2017

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Cette augmentation s'explique aussi largement par la hausse substantielle, au cours de l'année 2023, des marges réalisées sur l'activité de raffinage. Après avoir dépassé les 120 euros par tonne (t) en septembre, contre 25 euros/t en avril, la marge brute s'est rétractée à 107 euros/t au mois d'octobre 2023.

Marge de raffinage depuis 2017

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Selon les données publiées par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 70 % des trajets domicile - travail sont effectués au moyen d'un véhicule individuel. Ainsi, de nombreux travailleurs, particulièrement dans les zones rurales ou périurbaines, qui ne disposent pas nécessairement de services de transports collectifs denses et réguliers, se trouvent fortement exposés à la hausse des prix des carburants.

Après les remises généralisées appliquées en 2022, une indemnité de 100 euros par bénéficiaire ciblée sur les travailleurs modestes qui utilisent leur véhicule individuel pour se rendre sur leur lieu de travail a été mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2023. Les modalités de l'aide ont été prévues dans un décret du 2 janvier 2023187(*). Cette indemnité mise en oeuvre par les services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) a ainsi été réservée aux personnes utilisant un véhicule motorisé régulièrement assuré et appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 14 700 euros.

Lors de l'examen du PLF pour 2023 en deuxième lecture, une enveloppe de 700 millions d'euros avait été ouverte sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour financer cette nouvelle indemnité ciblée. Le coût total de la mesure était alors estimé à un milliard d'euros et il avait été envisagé que le solde de 300 millions d'euros soit couvert par des reports de crédits non consommés dans le cadre de la remise carburant généralisée appliquée en 2022. Le coût effectif de cette indemnité n'aura finalement été que de 433 millions d'euros en 2023 (pour 4,3 millions de bénéficiaires), soit 43 % du montant estimé à la fin de l'année 2022.

Le Gouvernement a annoncé vouloir reconduire à l'identique cette aide. À ce stade il prévoit que l'indemnité 2024 concernerait le même nombre de bénéficiaires pour le même coût budgétaire qu'en 2023. D'après les estimations réalisées par la DGEC basées sur des hypothèses de consommation et d'évolution des prix des carburants, cette indemnité représenterait en moyenne un soutien de l'ordre de 20 centimes par litre de carburant.

Au regard de la hausse des prix des carburants ces derniers mois et des incertitudes qui pèsent sur leur évolution au cours de l'année à venir, en complément de l'indemnité ciblée sur les travailleurs modestes, la prolongation en 2024 des mesures visant à renforcer les dispositifs permettant aux employeurs de prendre en charge une partie des frais de mobilité de leurs salariés semble s'imposer.

Il est cependant regrettable qu'aucune évaluation sérieuse permettant d'évaluer le coût et l'efficacité de ces dispositifs n'ait été réalisée à ce jour par le Gouvernement.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3 quinvicies (nouveau)

Taux majoré temporaire de réduction d'impôt pour les dons au profit
de la conservation et de la restauration
du patrimoine immobilier religieux des communes

Le présent article prévoit la création d'un nouveau dispositif temporaire de réduction d'impôt pour les particuliers à hauteur de 75 % des dons versés au profit de la conservation et de la restauration du patrimoine immobilier religieux des communes, dans la limite d'un plafond annuel de 1 000 euros.

La commission des finances propose d'adopter cet article en ajoutant une clause d'évaluation de cette nouvelle dépense fiscale.

I. LE DROIT EXISTANT : LES DONS AU PROFIT D'ORGANISMES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL DONNENT DROIT À UNE RÉDUCTION D'IMPÔT À HAUTEUR DE 66 % DE LEUR MONTANT, PORTÉ AU TAUX DÉROGATOIRE DE 75 % POUR LES DONS AU PROFIT DE CERTAINS ORGANISMES

A. LES DONS EN FAVEUR D'ORGANISMES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL ÉLIGIBLES GÉNÈRENT EN PRINCIPE UNE RÉDUCTION D'IMPÔT À HAUTEUR DE 66 % DE LEUR MONTANT, PLAFONNÉE À 20 % DES REVENUS IMPOSABLES

Les libéralités consenties par les particuliers dans le cadre d'activité de mécénat privé pour des oeuvres d'intérêt général bénéficient d'un soutien public à travers un dispositif de dépense fiscale.

Le droit fiscal français prévoit en particulier une réduction d'impôt octroyée aux particuliers dès 1948, désormais codifiée à l'article 200 du code général des impôts (CGI).

Le 1 de cet article fixe les paramètres généraux de cette réduction d'impôt au bénéfice des contribuables domiciliés en France et qui s'applique aux dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits. Les versements effectués doivent, pour ouvrir droit à une réduction d'impôt, procéder d'une intention libérale, c'est-à-dire être réalisés à titre gratuit, sans contrepartie directe ou indirecte188(*).

La réduction d'impôt est égale à 66 % des sommes versées, dans la limite de 20 % du revenu imposable.

Le b du 1 de l'article 200 du CGI fixe le principe en application duquel entrent dans le champ de l'application de la réduction d'impôt tous les oeuvres et organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Cette catégorie générique est complétée par des catégories spécifiques précisées au a et aux b à g du 1 de l'article 200.

B. UN DISPOSITIF DÉROGATOIRE A ÉTÉ INSTITUÉ POUR LES DONS AU PROFIT D'ORGANISMES DE SOUTIEN AUX PERSONNES EN DIFFICULTÉ

Au sein du mécanisme de soutien public au mécénat des particuliers, la loi de finances pour 1989189(*) a créé un dispositif spécifique, appelé dispositif « Coluche », ayant pour objet de prévoir un taux de réduction d'impôt et un plafonnement bonifiés pour les versements affectés à la fourniture gratuite en France de repas à des personnes en difficultés.

Plusieurs fois élargi et renforcé, ce dispositif est désormais codifié au 1 ter de l'article 200 du CGI. Il concerne les dons effectués pour la fourniture gratuite de repas, la favorisation du logement ou la fourniture gratuite de soins aux personnes en difficulté.

En premier lieu, il prévoit un taux dérogatoire de 75 % pour le calcul de la réduction d'impôt.

En second lieu, il prévoit un plafond dérogatoire dont il n'est pas tenu compte pour le calcul du plafond général de 20 % des revenus imposables prévu au 1 de l'article 200. En application d'un régime transitoire créé pendant la crise économique et sanitaire liée à l'épidémie de Covid- 19190(*), le plafond applicable est de 1 000 euros pour les revenus des années 2020 à 2023, le projet de loi finances prévoyant par ailleurs une prolongation de ce plafond dérogatoire jusqu'en 2026 (cf. article 3 duodecies).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN NOUVEAU RÉGIME DÉROGATOIRE AU BÉNÉFICE DE LA CONSERVATION ET DE LA RESTAURATION DU PATRIMOINE IMMOBILIER RELIGIEUX DES COMMUNES

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement du député Jérémie Patrier-Leitus, ainsi que trois amendements identiques des députés Quentin Bataillon, Félicie Gérard et Sophie Mette et plusieurs de leurs collègues.

L'article a pour objet de créer un nouveau dispositif temporaire de réduction d'impôt pour les particuliers à hauteur de 75 % des dons versées au profit de la conservation et de la restauration du patrimoine immobilier religieux des communes, dans la limite d'un plafond annuel de 1 000 euros.

En premier lieu, le dispositif créé par l'article crée un dispositif ad hoc, qui n'est pas codifié au sein de l'article 200 du CGI et qui reste sans incidence à la fois sur la réduction d'impôt de droit commun à hauteur de 66 % et sur la réduction d'impôt bonifié à hauteur de 75 % ou dispositif « Coluche ».

La nouvelle réduction d'impôt proposée est calculée à hauteur de 75 % des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits. Les sommes versées sont retenues dans la limite d'un plafond annuel de 1 000 euros par an, dont il n'est pas tenu compte pour l'application des plafonds prévus à l'article 200 du CGI.

En deuxième lieu, le dispositif est créé en faveur des versements en vue d'assurer la conservation et la restauration du patrimoine immobilier religieux appartenant aux communes de France métropolitaine de moins de 10 000 habitants ou aux communes d'outre-mer de moins de 20 000 habitants.

Le dispositif est également borné dans le temps et il s'appliquerait aux dons effectués entre le 15 septembre 2023 et le 31 décembre 2025.

Enfin, en troisième lieu, les dons et versements effectués dans le cadre de ce dispositif seraient versés à la Fondation du patrimoine pour qu'elle mette en oeuvre, dans le cadre de son activité d'intérêt général de sauvegarde du patrimoine locale, la conservation et la restauration du patrimoine immobilier religieux des communes concernées.

Le rapporteur général relève que cet article correspond à la traduction législative d'une annonce faite par le Président de la République le 15 septembre 2023 au moment du lancement de la souscription « Sauvons la patrimoine religieux de nos villages » par la Fondation du patrimoine. Dans sa déclaration, le Président de la République avait annoncé un objectif de 200 millions d'euros mobilisés en quatre ans. Le rapporteur général relève que l'article examiné prévoit une durée substantiellement inférieure, d'un peu plus de deux ans.

Le président de la Fondation du patrimoine a indiqué que la sélection des projets soutenus interviendrait « en fonction de l'intérêt patrimonial de l'édifice, l'urgence et aussi la question de l'usage ».

À la date du 29 octobre 2023, le site de la Fondation du patrimoine indiquait que cette souscription avait permis de collecter 752 000 euros versés par 39 000 donateurs.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA MOBILISATION DES DONS DES PARTICULIERS CONSTITUE UN LEVIER PRÉCIEUX POUR ASSURER LA CONSERVATION DU PATRIMOINE RELIGIEUX DES COMMUNES

A. LES BÂTIMENTS RELIGIEUX DES PETITES COMMUNES REPRÉSENTENT UN PATRIMOINE HISTORIQUE QUI NÉCESSITE DES INVESTISSEMENTS DE CONSERVATION ET DE RESTAURATION

En application de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, la plupart des édifices du culte construits avant 1905 en France sont la propriété des communes et appartiennent à leur domaine public.

Par conséquent, les communes sont autorisées à prendre en charge les dépenses d'entretien et de conservation des édifices du culte dont elles sont propriétaires. Si l'entretien et la conservation des édifices de culte constituent des travaux publics, ils ne font pas partie des dépenses obligatoires des communes191(*).

Or, le patrimoine immobilier religieux des communes nécessite des investissements conséquents pour être entretenu et valorisé et les contraintes financières qui pèsent sur les petites communes ne permettent pas toujours de consacrer des ressources suffisantes aux travaux d'entretien et de conservation de ces édifices. Par suite, comme le soulignait notre collègue Hervé Maurey dans un rapport de la délégation aux collectivités territoriales, la situation actuelle « place les élus dans une situation difficile au regard de la gestion des édifices cultuels dont elles sont propriétaires »192(*).

Il résulte de ces contraintes financières un état de dégradation relative du patrimoine immobilier religieux en France. Selon les travaux de l'Observatoire du patrimoine religieux, entre 2 500 et 3 000 édifices seraient dans un état faisant craindre pour leur sauvegarde.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PERMET DE MOBILISER LES DONS DES PARTICULIERS POUR SOUTENIR LES PETITES COMMUNES DANS LEURS TRAVAUX DE CONSERVATION ET DE RESTAURATION DE LEUR PATRIMOINE IMMOBILIER RELIGIEUX

Le rapporteur général souligne l'importance de dégager de nouveaux leviers de financement pour la conservation et la restauration des édifices religieux des communes.

Quant au périmètre retenu par le dispositif, il permettra de cibler les dons collectés vers le soutien aux petites communes pour lesquels les investissements de conservation et de restauration de leur patrimoine immobilier religieux peuvent se révéler insoutenables. 

Quant au choix de la Fondation du patrimoine comme opérateur pour la mise en oeuvre du dispositif, il permettra de centraliser les dons et de les distribuer en s'appuyant sur un acteur disposant d'une expertise éprouvée en matière de sauvegarde du patrimoine.

Le rapporteur général relève enfin qu'au regard de la durée initiale d'un peu plus de deux ans du dispositif, qui ne correspond qu'à la moitié de la durée sur laquelle s'est engagé le Président de la République, il est nécessaire de prévoir une évaluation à mi-parcours de cette dépense fiscale.

Par surcroît, le rapporteur général relève que l'analogie entre l'avantage fiscal prévu par le présent article et le dispositif dit « Coluche » qui ouvre droit à une réduction d'impôt au même taux et dans la limite du même plafond pour les dons aux associations de logement, d'aide alimentaire ou de fourniture de soins aux personnes en difficultés, créé un risque d'éviction des dons aux associations d'aide aux plus précaires. Pour assurer la cohérence du système de dépense fiscale, le rapporteur général estime que l'évaluation devrait également porter sur ce risque d'éviction.

Par suite, la commission propose d'adopter un amendement n°I-1649 (FINC.12) ayant pour objet de prévoir la remise au Parlement, au plus tard le 15 septembre 2025, d'un rapport d'évaluation de cette mesure, qui évalue notamment l'effet d'éviction éventuel avec le dispositif de réduction d'impôt dit « Coluche ».

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 sexvicies (nouveau)

Exonérations fiscales en faveur des fédérations sportives internationales

Le présent article prévoit d'exonérer les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique de l'impôt sur les sociétés, de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de leurs activités de gouvernance et de promotion du sport. Les salaires et traitements versées par les fédérations sportives internationales sont également exonérés d'impôt sur le revenu, pour les mêmes activités, pour une durée de cinq ans.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES INTERNATIONALES SONT DES ASSOCIATIONS QUI, À CE TITRE, PEUVENT ÊTRE ASSUJETTIES AUX IMPÔTS COMMERCIAUX SOUS CERTAINES CONDITIONS

A. LES FÉDÉRATIONS SPORTIVES INTERNATIONALES SONT DES ASSOCIATIONS EN DROIT INTERNE

La notion de fédération sportive internationale ne correspond pas à un statut spécifique en droit interne. Dans la pratique, les fédérations sportives internationales installées en France ont des statuts d'associations de loi 1901.

Le ministère de des sports et des jeux olympiques et paralympiques considère que les fédérations sportives internationales « regroupent des organisations nationales administrant les mêmes sports et elles sont reconnues par le Comité International Olympique (CIO). »

Le CIO définit lui-même les fédérations sportives internationales comme des organisations internationales non gouvernementales qui administrent un ou plusieurs sports sur le plan mondial. Pour être reconnues, les fédérations sportives internationales doivent se conformer à la Charte olympique. C'est le cas des sports dits « olympiques », comme par exemple la boxe, le tennis ou le taekwondo.

Il existe toutefois de nombreuses fédérations sportives internationales qui ne sont pas reconnues par le CIO. C'est le cas par exemple de l'Union internationale des associations d'alpinisme, de l'International Cricket Council et de la Fédération internationale de padel.

Les fédérations sportives internationales ne bénéficient d'ailleurs pas de l'agrément du ministère des sports et des jeux Olympiques et paralympiques pour les fédérations sportives prévu à l'article L. 131-8 du code du sport193(*). En effet, elles ont vocation à réunir des fédérations nationales, sans être des fédérations sportives elles-mêmes au sens strict.

La seule fédération sportive internationale reconnue par le CIO dont le siège se trouve en France est la fédération internationale de football américain. Cette fédération internationale réunit 74 fédérations nationales. La reconnaissance définitive de cette fédération par le CIO est d'ailleurs très récente, puisqu'elle a été entérinée à la mi-octobre 2023.

La fédération internationale de football association (FIFA) a également ouvert une filiale à Paris.

La France compte également d'autres fédérations internationales, non reconnues par le CIO, comme la fédération internationale de pétanque et jeu provençal.

La fiscalité applicable aux fédérations sportives internationales est donc celle des associations. À ce titre, il faut souligner qu'être une association n'exonère pas nécessairement de l'impôt sur les sociétés et de la contribution économique territoriale, mais que certaines conditions doivent être respectées.

B. LES ASSOCIATIONS PEUVENT ÊTRE ASSUJETTIES À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS ET À LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE LORSQUE LES RECETTES DE LEURS ACTIVITÉS LUCRATIVES DÉPASSENT UN CERTAIN SEUIL

Les associations qui n'exercent pas une activité lucrative ne sont pas soumises aux « impôts commerciaux » (impôts sur les sociétés, TVA, contribution économique territoriale194(*)). En revanche, si leurs activités lucratives sont prépondérantes, elles sont assujetties à ces impôts. La partie lucrative de l'activité de l'association est dite non-accessoire, ou « prépondérante », lorsqu'elle « détermine l'orientation de l'ensemble de l'activité de l'organisme »195(*).

Elles peuvent toutefois exercer des activités lucratives accessoires tout en bénéficiant de ces exonérations jusqu'à un seuil de recettes de 79 676 euros, en raison du mécanisme dit de « franchise des impôts commerciaux », mis en place par l'article 15 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

L'expression de « franchise », couramment employée, n'est d'ailleurs pas adéquate, puisque dès qu'une association présente des recettes d'exploitation supérieures à ce seuil, la totalité de ses bénéfices (y compris ceux inférieurs au seuil) est soumise à l'impôt.

L'exonération s'applique ainsi :

- à l'impôt sur les sociétés, au titre du 1 bis de l'article 206 du code général des impôts ;

à la TVA, au titre du 7 de l'article 261 du code général des impôts ;

à la cotisation foncière des entreprises (CFE), au titre du II de l'article 1447 du code général des impôts. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est exonérée du même coup (article 1586 ter).

Les associations à but non lucratif restent toutefois soumises à l'impôt sur les sociétés à taux réduit « patrimonial », au titre du 5 de l'article 206 du code général des impôts : « les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition [...] sont assujettis audit impôt en raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives ».

Conditions d'imposition à l'impôt sur les sociétés
et à la contribution économique territoriale pour les associations

 

Activités lucratives prépondérantes

Activités non lucratives prépondérantes

Recettes lucratives annuelles inférieures à 76 679 euros

Recettes lucratives annuelles supérieures à 76 679 euros

Impôt sur les sociétés

Taxation de toutes les activités

Hors champ de l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun

Impôt sur les sociétés à taux réduit pour les revenus patrimoniaux

Taxation au choix de l'organisme de toutes les activités ou, si sectorisation, des seules activités lucratives et des revenus patrimoniaux.

Cotisation foncière des entreprises

Taxation des seules activités lucratives

Exonération

Taxation des seules activités lucratives

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Taxation des seules activités lucratives

Exonération

Taxation des seules activités lucratives

Source : commission des finances, d'après le code général des impôts et le site de la direction générale des finances publiques

Cependant, exercer des activités lucratives à titre accessoire ne suffit pas pour bénéficier des avantages fiscaux. Outre le seuil de recettes déjà mentionné et la prépondérance des activités non lucratives, l'exonération des impôts non commerciaux s'apprécie au regard de deux autres conditions cumulées :

- l'association doit avoir une gestion désintéressée ;

- l'association ne doit pas concurrencer des organismes du secteur lucratif, ni exercer son activité dans des conditions semblables à celles des entreprises commerciales.

1. Le caractère désintéressé de la gestion de l'association

L'appréciation du caractère désintéressé de la gestion est énoncée au d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts, et se fonde sur les trois critères suivants :

l'organisme est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ;

l'organisme ne procède à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelle que forme que ce soit ;

- les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports.

L'association peut néanmoins rémunérer ses dirigeants tout en conservant une gestion désintéressée, si la transparence financière des rémunérations est garantie, que l'association a un fonctionnement démocratique et que la rémunération correspond aux sujétions des dirigeants.

L'administration fiscale considère également que l'ensemble des rémunérations versées mensuellement à chaque dirigeant ne peut excéder trois fois le montant du plafond de la sécurité sociale visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité social. Ce plafond est de 3 666 euros en 2023.

L'organisme peut également avoir recours à une main-d'oeuvre salariée, si les rémunérations versées à ce titre ne présentent pas un caractère excessif.

2. La non-concurrence de l'association avec le secteur lucratif

Le critère de d'absence de concurrence avec les sociétés commerciales s'apprécie au regard de l'utilité sociale de l'activité, de l'affectation des excédents dégagés par l'exploitation, des conditions dans lesquelles le service est accessible et des méthodes auxquelles l'organisme a recours pour exercer son activité.

Pour faciliter l'identification du critère de non-concurrence, l'administration fiscale fait appel à la règle dite des « 4 P »196(*). Il s'agit d'examiner les quatre éléments suivants, par la méthode du faisceau d'indice :

- le produit. Si l'activité de l'organisme permet de satisfaire un besoin qui n'est pas ou peu pris en compte par le marché, alors il s'agit d'un signe de son utilité sociale ;

- le public bénéficiaire. L'utilité sociale est caractérisée par un public bénéficiaire justifiant de recevoir des avantages particuliers, en raison de leur situation économique et sociale ;

- le prix. Les prix sont en général nettement inférieurs à ceux accomplis par les entreprises du secteur lucratif ;

- la publicité. Le recours à de la publicité est considéré en général comme un signe de lucrativité, mais ce critère tient compte du fait les organismes non lucratif peuvent procéder à des opérations de communication pour faire appel à la générosité publique notamment.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : PLUSIEURS EXONÉRATIONS D'IMPÔTS AU BÉNÉFICE DES FÉDÉRATIONS SPORTIVES INTERNATIONALES ET DE LEURS SALARIÉS

Le présent article est issu d'un amendement déposé par le député Belkhir Belhaddad et plusieurs de ses collègues.

Le 3° du I du présent article ajoute une section IX au chapitre II du titre II de la troisième partie du premier livre du code général des impôts (CGI), intitulé « Fédérations sportives internationales ».

Il crée au sein de cette section un article 1655 octies, qui dispose que les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique sont exonérées :

- de l'impôt sur les sociétés (IS) au titre des bénéfices réalisés en France résultant de leurs activités afférentes à leurs missions de gouvernance du sport ou de la promotion de la pratique du sport ;

- de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Le 1° du I de l'article 3 sexvicies complète l'article 81 du CGI par un 40° qui dispose que les traitements et salaires versées par les fédérations sportives internationales sont exonérées d'impôt sur le revenu au titre des activités afférentes aux missions énoncées plus haut.

Cette exonération est applicable jusqu'au 31 décembre de la cinquième année civile qui suit la prise de fonctions des salariés dans les fédérations sportives internationales. L'exonération est ouverte les années au titre desquelles ils sont fiscalement domiciliés en France.

Le 2° du I du présent article indique que le revenu fiscal de référence pour bénéficier de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties est majoré du montant des revenus exonérés par le 40° de l'article 81 du CGI.

Le 4° du I vise à supprimer la mention de la CVAE dans l'article 1655 octies au 1er janvier 2027, par coordination avec la date de suppression prévue de la CVAE.

Le II du présent article précise que l'exonération d'impôt sur le revenu s'applique aux rémunérations perçues à compter du 1er janvier 2024.

Il ajoute, pour les salariés dont la première prise de fonctions est intervenue avant le 1er janvier 2024, que l'exonération s'applique pour les rémunérations perçues les années 2024 à 2029.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN RÉGIME FISCAL DÉROGATOIRE CONTRAIRE À L'ÉGALITÉ DEVANT L'IMPÔT

L'objectif du présent article est d'encourager les fédérations sportives internationales à s'installer en France. D'après les informations relayées par la presse, la Fédération internationale de football association (FIFA), aujourd'hui basée en Suisse, serait particulièrement visée.

Au regard du mode de gestion et de fonctionnement des fédérations sportives internationales, en particulier les plus importantes, il est vraisemblable que si elles installent leurs siège en France, elles soient conduites à payer l'impôt sur les sociétés et la contribution économique territoriale. En effet, la nature de leur activité et les bénéfices qu'elles dégagent pourraient contrevenir aux conditions de « gestion désintéressée » et de « non-concurrence ».

Quant à l'exonération d'impôt sur le revenu sans plafond pour une durée de 5 ans, elle n'a pas d'équivalent dans le droit commun des associations.

D'après les informations parues dans la presse197(*), la filiale de la FIFA installée en France serait exonérée d'impôt sur les sociétés, car ses activités seraient considérées comme non commerciales et non lucratives, au sens décrit supra. Toutefois, les activités que peut mener cette filiale seraient limitées en conséquence. Si la FIFA devait installer son siège en France, cette exonération ne pourrait sans doute pas être maintenue en droit existant.

Cet article soulève plusieurs difficultés majeures sur les plans juridique et politique. Sa conformité à la Constitution soulève des doutes sérieux, et il tend à assimiler abusivement le régime fiscal des fédérations sportives internationales à celui des organisations internationales.

A. UN RISQUE DE NON-CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION AU MOTIF DE LA RUPTURE D'ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES

L'article 3 sexvicies soulève des doutes sérieux quant au respect du principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques. En effet, les exonérations d'impôt consenties par cet article aux fédérations sportives internationales et à leurs salariés n'apparaissent pas proportionnées à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

Le Conseil constitutionnel considère que, lorsque le législateur met en place un traitement fiscal distinct pour certaines catégories de personne, celui-ci doit « pour assurer le respect du principe d'égalité, [...] fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ».198(*)

Le principe d'égalité devant les charges publiques199(*) est une déclinaison du principe constitutionnel d'égalité200(*). Dans la jurisprudence du Conseil, la loi peut régler de façon différente des situations différentes, dans la mesure où cette distinction est justifiée par un motif d'intérêt général, et qu'elle est en rapport direct avec la visée de la loi.

« Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit »201(*).

Pour prendre un exemple, le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009202(*), qu'une disposition fiscale pouvait être cohérente avec l'objectif poursuivi par la loi et répondre à un intérêt général, mais que, malgré cela, la rupture d'égalité était caractérisée par l'ampleur de l'exonération, ce qui a entrainé la déclaration d'inconstitutionnalité de la disposition en cause.

Ainsi, le Conseil a déclaré que « des réductions de taux de contribution carbone ou des tarifications spécifiques peuvent être justifiées par la poursuite d'un intérêt général tel que la sauvegarde de la compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale », mais que, « par leur importance », les régimes d'exemption qui étaient prévues par cette loi « créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ». En l'occurrence, la disposition censurée devait conduire à une exonération de la contribution carbone de 93 % des émissions de dioxyde de carbone d'origine industrielle (hors carburant).

L'article 3 sexvicies apparaît se trouver dans une situation similaire à celle qui vient d'être décrite.

Ses dispositions ne sont pas incohérentes avec l'objectif visé, c'est-à-dire de favoriser l'installation de fédérations sportives internationales sur le sol français. Toutefois, ce motif ne semble pas suffisant pour justifier du caractère exorbitant des avantages fiscaux prévus par l'article.

Si la venue des fédérations sportives internationales peut en effet générer des emplois, c'est le cas de toutes les entreprises qui décident de s'installer en France, et elles ne connaissent pourtant pas une exonération complète de l'impôt sur les sociétés et de la contribution économique territoriale.

Par exemple, les entreprises qui s'installent dans les bassins d'emploi à redynamiser (BER) ont droit à une exonération d'impôt sur les sociétés (article 44 duodecies du code général des impôts), mais cette exonération vise à améliorer la situation de l'emploi dans des zones précisément identifiées qui connaissent des difficultés sur ce secteur.

La disposition selon laquelle le régime d'exonération est réservée aux « fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique » est également problématique au regard du principe d'égalité. La fédération internationale de football américain n'a, par exemple, pas été définitivement reconnue par le CIO jusqu'à très récemment, bien qu'elle réunisse 74 fédérations nationales, et que son importance soit comparable à plusieurs fédérations internationales reconnues depuis longtemps par le CIO. La différence de traitement fiscal entre les fédérations reconnues ou non par le CIO n'apparait donc pas justifiée.

De plus, cette disposition conduit en réalité à renvoyer au CIO le choix des fédérations internationales qui peuvent bénéficier ou non de ce régime d'exonération, ce qui est problématique au regard de la compétence fiscale du Parlement. Cette disposition connaît donc également le risque d'être déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'incompétence négative du législateur.

Quant aux exonérations complètes d'impôt sur le revenu sur les salaires et traitements assimilables à des salaires, même limités dans le temps, elles sont particulièrement rares, et sont en principe réservées au cas du personnel des organisations internationales. Or, les fédérations sportives internationales ne sont pas assimilables à des organisations internationales.

B. UNE ASSIMILATION TROMPEUSE DES FÉDÉRATIONS SPORTIVES INTERNATIONALES AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES

L'argument selon lequel les fédérations sportives internationales peuvent être assimilées à des organisations internationales et, à ce titre, bénéficier des exonérations d'impôts similaires, en particulier sur le revenu, n'est pas recevable.

Les exonérations dont bénéficient les fonctionnaires des organisations internationales sont toujours prévues par des conventions internationales, et concernent un nombre limité d'organisations internationales bien identifiées.

La Convention sur les Privilèges et Immunités des Institutions Spécialisées203(*), approuvée par l'Assemblée générale de l'ONU le 21 novembre 1947 et ratifiée par le Parlement français le 28 janvier 2000, énonce ainsi que « les fonctionnaires des institutions spécialisées jouiront en ce qui concerne les traitement et émoluments qui leur sont versés par les institutions spécialisées, des mêmes exonérations d'impôt que celles dont jouissent les fonctionnaires des Nations unies, et dans les mêmes conditions ».204(*)

En l'occurrence, la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies de 1946 énonce que « les fonctionnaires de l'Organisation des Nations unies seront exonérés de tout impôt sur les traitements et émoluments versés par l'Organisation des Nations unies ».

Les articles 12 et 13 du Protocole sur les Privilèges et Immunités de l'Union européenne du 14 avril 2004 énonce de même que « les fonctionnaires et autres agents de l'Union sont exempts d'impôts nationaux sur les traitements, salaires et émoluments versés par l'Union ».

Or, à la fois dans le système des Nations unies et pour l'Union européenne, les agents et fonctionnaires sont soumis à un impôt interne à l'organisation. Une telle imposition interne n'existe pas pour les fédérations internationales sportives.

De plus, le caractère dérogatoire des exonérations bénéficiant aux institutions internationales est justifié par l'intérêt commun des États souverains qui décident de s'associer à travers ces organisations. Les États décident de collectivement de renoncer partiellement à l'exercice de leur compétence fiscale, au nom justement de cet intérêt commun. Cette volonté est établie par une convention internationale.

Or, les fédérations sportives internationales ne réunissent pas des États, mais des associations. L'intérêt qu'elles représentent, et la nature de leurs activités, ne sont pas à même de justifier des exonérations fiscales semblables à celle des organisations internationales.

Au-delà des arguments juridiques, la mise en place d'un régime fiscal particulièrement dérogatoire, pour des motifs qui ne relèvent pas de manière évidente de l'intérêt de la Nation, est de nature à nuire au consentement à l'impôt. Or, dans un contexte d'augmentation du poids de dette, et de nécessaires économies à réaliser, il est indispensable que l'équité fiscale soit respectée.

La commission des finances propose d'adopter un amendement (FINC.13) de suppression de l'article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 3 septvicies (nouveau)

Exonération de taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées (dite « prémix »)

Le présent article prévoit d'introduire une exonération de la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées (dite « prémix ») pour les petits bouilleurs de cru particuliers (producteurs d'alcool pour leur consommation personnelle), qui bénéficient déjà d'un régime fiscal de faveur en matière d'accise sur les alcools.

Cette nouvelle exonération pour les petits bouilleurs de cru particuliers est présentée comme une simplification permettant d'uniformiser le champ des exonérations des trois taxes sur les alcools. En effet, l'article 18 du PLF 2024 prévoit également une exonération des petits bouilleurs de cru particuliers, au titre de l'accise sur les alcools et de la cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques. Ce faisant, le dispositif proposé procède à une exonération de taxe prémix pour d'autres cas déjà exonérés d'accise sur les alcools.

En cohérence avec la position adoptée sur l'article 18 du PLF 2024, le plafond de l'avantage fiscal bénéficiant aux petits bouilleurs de cru particuliers doit ainsi être apprécié par ménage et non par individu. Compte tenu de la référence, pour l'exonération de taxe prémix prévue par le dispositif proposé, à l'exonération d'accise définie à l'article 18 précité, le présent article peut être adopté sans modification.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : SI LES PETITS BOUILLEURS DE CRU PARTICULIERS BÉNÉFICIENT D'UN RÉGIME DE FAVEUR EN MATIÈRE D'ACCISE SUR LES ALCOOLS, ILS DEMEURENT SOUMIS, LE CAS ÉCHÉANT, À LA TAXE PRÉMIX

A. LES PETITS BOUILLEURS DE CRU PARTICULIERS BÉNÉFICIENT DÉJÀ D'UN RÉGIME FISCAL DE FAVEUR

1. Les petits bouilleurs de cru particuliers bénéficient d'un tarif particulier d'accise sur les alcools

Le régime fiscal des petits bouilleurs de cru particuliers constitue un régime fiscal de faveur, qui s'applique aux particuliers qui produisent des petites quantités d'alcools pour leur consommation propre.

En vertu de l'article L. 313-34 du code des impositions sur les biens et services (CIBS), les petits bouilleurs de cru particuliers bénéficient en effet d'un tarif particulier d'accise sur les alcools, égal à la moitié du tarif normal, soit 917,21 euros/hectolitre d'alcool pur contre 1 834,42 euros pour le tarif normal en 2023205(*), dans la limite annuelle de 10 litres d'alcool pur par bénéficiaire et par campagne de distillation206(*).

Cette disposition générale est complétée par une exonération spéciale d'accise, prévue à l'article L. 313-35 du CIBS, bénéficiant, dans la limite de 10 litres d'alcool pur, aux petits bouilleurs de cru particuliers ayant servi sous les drapeaux en tant que militaires pendant la campagne de distillation 1959-1960, soit pendant la guerre d'Algérie

D'après l'évaluation préalable annexée au PLF 2024, le régime des petits bouilleurs de cru particuliers concernerait 60 000 bénéficiaires, pour un rendement fiscal de 2,4 millions d'euros.

2. En l'état du droit existant, les petits bouilleurs de cru particuliers restent soumis aux taxes annexes sur les alcools

S'agissant des autres contributions indirectes frappant les alcools, les petits bouilleurs de cru particuliers ne bénéficient pas d'un régime spécial.

Ainsi, ils sont soumis, le cas échéant, à la cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques (CSS) et à la taxe prémix.

B. LA TAXE PRÉMIX EST UNE TAXE COMPORTEMENTALE VISANT À INCITER À UNE CONSOMMATION MODÉRÉE DES MÉLANGES DE BOISSONS ALCOOLIQUES ET BOISSONS SUCRÉES

1. La taxe prémix est une taxe incitative, avec un rendement total de 438 millions d'euros en 2023

Instituée par l'article 29 de la loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997, aujourd'hui codifiée à l'article 1613 bis du code général des impôts (CGI)207(*), la taxe prémix s'applique aux mélanges de boissons alcooliques et sucrées répondant aux trois critères suivants :

- titrer entre 1,2 et 12 % vol. ;

- présenter une teneur en sucre supérieure à 35 grammes/litre ou une édulcoration équivalente exprimée en sucre inverti ;

ne pas bénéficier d'une indication géographique protégée (IGP) ou d'une attestation de spécificité.

Sont exclus du périmètre de cette taxe :

- les spiritueux définis au règlement (UE) n° 2019/787 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 ;

- les vins de raisin frais repris à l'annexe VII du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 (vins tranquilles, vins mousseux, vins pétillants et vins de liqueurs, notamment) ;

- les cidres et poirés répondant aux définitions légales de ces boissons, y compris aromatisés ;

- les boissons bénéficiant d'une IGP ou d'une attestation de spécificité.

En outre, les débats parlementaires208(*) font apparaître que l'intention du législateur est d'exclure les produits suivants du périmètre de la taxe :

- les produits issus d'un assemblage de vin et d'une macération d'un fruit, d'un aromate, d'épices, d'herbes, de baies, de bourgeons, de feuilles. Il s'agit notamment des vins de pêche, vins de poire, vins de prune, vins de baies, vins de noix, vins aux herbes aromatiques, vins d'épines, vins cuits, préparations pour vins chauds, vins de Noël ;

- l'ensemble des recettes traditionnelles européennes mentionnées aux paragraphes 3 et suivants du B de l'annexe II du règlement n° 251/2014 (telles que la Sangria) ainsi que les assemblages traditionnels suivants : vin et liqueur (exemple du kir) ; vin, amer, bitter et eau gazeuse ; vin, vin aromatisé et eau gazeuse (exemple du spritz).

Depuis le 1er janvier 2020, la taxe prémix connaît deux tarifs différents, de 3 euros et 11 euros par décilitre d'alcool pur, selon la catégorie de boissons concernée. Auparavant, un tarif unique de 11 euros par décilitre d'alcool pur était appliqué, mais le champ de la taxe excluait alors les vins aromatisés.

Tarifs de la taxe prémix en fonction de la catégorie
de boissons concernée

(en euros)

Catégorie de boissons

Tarif par décilitre d'alcool pur

Boissons relevant des catégories fiscales des vins ou des autres boissons fermentées au sens de l'article L. 313-15 du CIBS

3

Autres boissons

11

Source : article 1613 bis du CGI

D'après l'estimation donnée par le tome 1 de l'annexe « Voies et moyens » du PLF 2024, le rendement prévisionnel de la taxe prémix s'élève à 438 millions d'euros en 2023, et 453 millions d'euros en 2024209(*).

Sur ce rendement total, la part acquittée par les petits bouilleurs de cru particuliers est négligeable.

2. Une contribution indirecte due lors de la mise à la consommation en France, une affectation à la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM)

La taxe est due lors de la mise à la consommation en France des boissons concernées. Jusqu'en 2023, elle est recouvrée et contrôlée par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), sous les mêmes règles, conditions, garanties et sanctions qu'en matière de contributions indirectes.

Son produit est versé à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), pour être ensuite affecté à la CNAM.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : A L'OCCASION DU TRANSFERT DU RECOUVREMENT DE LA TAXE PRÉMIX, UNE EXONÉRATION AU BÉNÉFICE DES PETITS BOUILLEURS DE CRU PARTICULIERS QUI S'APPLIQUE ÉGALEMENT À PLUSIEURS AUTRES CAS

1. Le texte initial du PLF 2024 prévoit le transfert à l'administration fiscale du recouvrement de la taxe prémix, dans le cadre de l'unification du recouvrement de la fiscalité indirecte sur les alcools

L'article 18 du PLF 2024 procède au transfert à compter du 1er janvier 2024, de la Douane à la direction générale des finances publiques (DGFiP), du recouvrement de l'ensemble des contributions indirectes frappant les alcools et les tabacs210(*).

Outre l'accise sur les alcools, l'accise sur les tabacs, le droit de licence pour le tabac, la cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques et la cotisation finançant le régime d'allocations viagères en faveur des gérants de débits de tabac ordinaires, la taxe prémix voit ainsi son recouvrement transféré de la DGDDI à la DGFiP.

Dans cette optique, l'article 18 modifie l'article 1613 bis du CGI afin d'aligner les règles relatives à la taxe prémix avec celles applicables à l'accise sur les alcools concernant :

- d'une part, le fait générateur, l'exigibilité, les personnes soumises aux obligations fiscales, la constatation et le paiement ;

- d'autre part, le contrôle, le recouvrement et le contentieux.

En conséquence, l'article 18 du PLF 2024 abroge la disposition de l'article 10 de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021, qui prévoyait au 1er janvier 2024 une modification de l'article 1613 bis du CGI afin de distinguer entre, d'une part, le contrôle de la taxe prémix, soumis aux règles applicables aux contributions indirectes, et, d'autre part, son recouvrement, soumis aux règles applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

2. À l'occasion du transfert du recouvrement de la fiscalité indirecte sur les alcools, le PLF 2024 introduit un assouplissement du régime des petits bouilleurs de cru particuliers, désormais exonérés d'accise sur les alcools dans la limite annuelle de 50 litres d'alcool pur ainsi que de cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques

À l'occasion du transfert à la DGFiP du recouvrement de l'ensemble des contributions indirectes frappant les alcools, le Gouvernement propose, à l'article 18 du PLF 2024, de substituer au régime actuel de tarif particulier d'accise sur les alcools dans la limite annuelle de 10 litres d'alcool pur par bénéficiaire, une exonération dans la limite annuelle de 50 litres d'alcool pur par bénéficiaire (voir le commentaire de l'article 18 au sein du présent rapport pour le détail de cette disposition).

De même, l'article 18 prévoit d'introduire une exonération de cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques pour les produits exonérés d'accise sur les alcools, bénéficiant à ce titre aux petits bouilleurs de cru particuliers.

3. Le présent article propose une nouvelle exonération de la taxe prémix visant principalement les petits bouilleurs de cru particuliers, ainsi que plusieurs autres cas déjà exonérés d'accise sur les alcools

Le présent article, qui résulte d'un amendement déposé par le député Pascal Lavergne et plusieurs de ses collègues, repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, prévoit d'introduire une nouvelle exonération de la taxe prémix.

Ainsi, il complète le II de l'article 1613 bis du CGI, relatif aux tarifs applicables à la taxe prémix, en ajoutant un nouvel alinéa, aux termes duquel les produits exonérés de l'accise sur les alcools en application des articles L. 313-7 à L. 313-14, L. 313-32, L. 313-34, L. 313-36 et L. 313-36-1 du CIBS sont également exonérés de la taxe prémix.

De fait, ce dispositif vise notamment les petits bouilleurs de cru particuliers, en ce que l'article L. 313-34 du CIBS constituerait la base légale de l'exonération d'accise sur les alcools bénéficiant aux petits bouilleurs de cru particuliers, telle qu'elle résulterait de l'adoption de l'article 18 du PLF.

Par ailleurs, l'exonération de taxe prémix proposée par le présent article s'appliquerait également aux cas suivants :

les alcools dénaturés (articles L. 313-7 et L. 313-8 du CIBS) ;

les alcools utilisés dans l'alimentation humaine (articles L. 313-9 à L. 313-12 du CIBS) ;

les alcools utilisés à des fins scientifiques, médicales ou de fabrication (articles L. 313-13 et L. 313-14 du CIBS) ;

les produits des catégories fiscales des bières qui ne sont pas fabriqués dans le cadre d'une activité économique (article L. 313-32 du CIBS) ;

les produits d'avitaillement consommés à bord des navires et des aéronefs (article L. 313-36 du CIBS) ;

les boissons fermentées consommées en Corse (article L. 313-36-1 du CIBS).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE NOUVELLE EXONÉRATION DE CONTRIBUTION INDIRECTE SUR LES ALCOOLS QUI, SOUS RÉSERVE D'UNE PRÉCISION QUANT AU PLAFOND DE L'AVANTAGE FISCAL BÉNÉFICIANT AUX BOUILLEURS DE CRU PARTICULIERS, NE PRÉSENTE PAS DE DIFFICULTÉ

1. Un dispositif présenté comme une simplification pour les petits bouilleurs de cru particuliers

Selon l'exposé des motifs de l'amendement dont est issu le présent article, le dispositif proposé vise à « conforte[r] la simplification du régime fiscal des petits bouilleurs de cru particuliers », en uniformisant le champ des exonérations des trois taxes sur les boissons alcoolisées. Ainsi, il étend à la taxe prémix l'exonération des petits bouilleurs de cru particuliers prévue pour l'accise sur les alcools et pour la CSS par l'article 18 du PLF 2024 dans sa version initiale présentée par le Gouvernement. De même, dans l'exposé des motifs de l'article 18, le Gouvernement explique son choix d'aménager le régime fiscal des petits bouilleurs de cru particuliers par la volonté « d'éviter de complexifier les opérations de transfert et de faire peser sur les bouilleurs de cru particuliers des formalités déclaratives importantes »211(*).

Cette justification est détaillée à propos de l'exonération d'accise sur l'alcool dans l'évaluation préalable de l'article 18, qui indique qu' « afin de ne pas faire peser sur les bouilleurs de cru particuliers comme sur l'administration fiscale des contraintes déclaratives lourdes, en particulier au regard de la faiblesse des enjeux financiers et de santé publique associés, le présent article élargit l'application du régime fiscal favorable en prévoyant un seuil d'exonération d'accises à 50 litres d'alcool pur (contre un demi-tarif d'accise applicable jusqu'à 10 litres d'alcool pur actuellement). Cet aménagement est cohérent avec la finalité de limitation des charges administratives, à l'instar des dispositifs de franchises existant pour d'autres impôts (comme la TVA) »212(*).

Selon cette même évaluation préalable, le traitement des bouilleurs de cru particuliers, non soumis à l'obligation de détenir un numéro SIREN, nécessiterait de « lourds travaux d'adaptation » du circuit de déclaration et de recouvrement de la DGFiP, conçu pour les redevables professionnels. Ces travaux d'adaptation seraient ainsi « disproportionnés au regard des faibles recettes fiscales potentielles et du faible nombre de redevables concernés » (2,6 millions d'euros et 60 000 redevables).

Cependant, les bénéficiaires de ce régime de faveur resteront soumis à une obligation déclarative auprès de la DGDDI afin d'assurer le respect des conditions de l'exonération (propriété des matières premières, plafond de production en exonération, absence de vente).

2. Une exonération de plusieurs autres situations, au-delà du seul cas des petits bouilleurs de cru particuliers

Comme indiqué supra, l'exonération de taxe prémix proposée ne se limite pas au seul cas des petits bouilleurs de cru particuliers, mais s'applique également aux alcools dénaturés, aux alcools utilisés dans l'alimentation humaine, aux alcools utilisés à des fins scientifiques, médicales ou de fabrication, aux produits des catégories fiscales des bières qui ne sont pas fabriqués dans le cadre d'une activité économique, aux produits d'avitaillement consommés à bord des navires et des aéronefs, ainsi qu'aux boissons fermentées consommées en Corse.

Si cette nouvelle exonération de taxe prémix est réservée à des produits déjà exonérés d'accise sur les alcools, le manque de transparence entourant ce dispositif peut être regretté. En effet, l'exonération ainsi envisagée n'est aucunement annoncée, et encore moins motivée, dans l'exposé sommaire de l'amendement dont résulte le dispositif proposé, lequel se borne à mentionner le cas des petits bouilleurs de cru particuliers.

3. Des enjeux de santé publique voire de lutte contre la fraude fiscale qui ne doivent pas être sous-estimés

À l'inverse des impératifs de simplification administrative invoqués, dont la motivation doit être relativisée, les enjeux de santé publique associés sont quelque peu minimisés, alors même que le plafond de l'avantage fiscal relatif aux petits bouilleurs de cru particuliers serait, en vertu de l'article 18 du PLF 2024, relevé de 10 litres à 50 litres d'alcool pur par bénéficiaire et par an213(*).

Or, la consommation d'alcool constitue en France un fort enjeu de santé publique et fait partie des trois premières causes de mortalité évitable avec 41 000 décès en 2015214(*). Estimé à 118 milliards d'euros en 2010, le coût social de l'alcool se compose principalement de coûts liés à la mortalité (66 milliards d'euros) et à la morbidité (39 milliards d'euros) attribuables215(*). À cet égard, le plafond de l'avantage fiscal retenu pour les bénéficiaires du régime des petits bouilleurs de cru particuliers doit être mis en regard avec le volume global d'alcool pur consommé par personne et par an en France, égal à 11,7 litres par habitant de 15 ans et plus en 2017216(*).

Aussi, tout comme pour la double exonération d'accise sur les alcools et de CSS, l'exonération de la taxe prémix proposée pour les petits bouilleurs de cru particuliers, dans la limite annuelle de 50 litres d'alcool pur par personne et par an, apparaît excessive et contraire aux objectifs de la politique de santé publique. Par ailleurs, et même si le contrôle des agents de la DGDDI apporte une garantie importante, on ne peut exclure que ce seuil de 50 litres d'alcool pur favorise un contournement de l'interdiction, faite aux bénéficiaires de ce régime fiscal de faveur, de vendre leur production à des tiers.

En cohérence avec la position adoptée sur l'article 18 du PLF 2024, le plafond de l'avantage fiscal bénéficiant aux petits bouilleurs de cru particuliers doit ainsi être apprécié par ménage et non par individu. Compte tenu de la référence, pour l'exonération de taxe prémix prévue par le dispositif proposé, à l'exonération d'accise définie à l'article 18 précité, le présent article peut être adopté sans modification.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Transposition de la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022
visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial
pour les groupes d'entreprises multinationales et les groupes nationaux
de grande envergure

Le présent article prévoit de mettre en oeuvre l'imposition minimale de 15 % sur les groupes réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros. Pour ce faire, il transpose la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022, qui vise à mettre en oeuvre, de façon homogène au sein de l'Union européenne, l'accord OCDE/G20, lui-même traduit dans le « modèle de règles globales anti-érosion de la base d'imposition » (GloBE).

Ainsi, l'impôt complémentaire dû par les entités constitutives en cas d'écart entre leur imposition effective dans une juridiction et le taux minimal de 15 % pourra être prélevé suivant trois mécanismes distincts :

(1) la règle d'inclusion du revenu (RIR) qui consiste à assujettir une entité mère à un impôt complémentaire au titre du bénéfice faiblement imposé d'une entité constitutive ;

(2) la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés (RBII), qui conduit à un ajustement dans une juridiction de filiale afin d'aboutir, lorsque l'imposition des bénéfices d'une entité constitutive est inférieure à l'impôt minimal, à une hausse équivalente des impôts payés par le groupe ;

(3) l'impôt complémentaire national qualifié, option laissée aux États par l'accord et par la directive, qui permet à ceux qui le mettent en place de préserver leur base fiscale et d'éviter que les groupes ne soient prélevés à l'étranger pour des bénéfices réalisés par leurs entités constitutives en France.

Alors que la RIR et la règle d'impôt complémentaire national doivent être mises en place dès les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, la RBII, qui joue un rôle de « filet de sécurité », ne sera mise en place qu'à compter des exercices ouverts à partir du 31 décembre 2024.

La mise en place de cet accord constitue une avancée majeure dans la lutte contre la délocalisation des bénéfices vers des juridictions à faible fiscalité. Les recettes mondiales liées à ce nouvel impôt devraient se situer entre 150 et 220 milliards d'euros suivant les évaluations, et, pour la France, entre 1,5 et 3,5 milliards d'euros.

Les premières recettes ne seront perçues qu'à compter de 2026, alors qu'elles seront calculées sur l'imposition perçue par les États au titre des exercices ouverts à compter de 2024.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DIRECTIVE EUROPÉENNE VISANT À ASSURER UN NIVEAU MINIMUM D'IMPOSITION DE 15 % DÉCLINE L'ACCORD DES ÉTATS DU CADRE INCLUSIF DE L'ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

A. L'ACCORD INTERNATIONAL OBTENU À L'OCDE ET AU G20 VISE À METTRE EN PLACE UN « IMPÔT MINIMAL MONDIAL » ET À ASSURER LA TAXATION DES ENTREPRISES DU NUMÉRIQUE

1. L'inadéquation des règles de fiscalité internationale pour lutter contre les paradis fiscaux

a) La fiscalité internationale a émergé avec un premier objectif : répartir des droits d'imposer entre les États

Les modèles de conventions fiscales actuels sont en partie hérités de la Société des Nations. C'est dans cette enceinte que, dès 1923, des discussions ont été engagées entre les administrations des différents États, visant à limiter l'évasion fiscale et les risques de double imposition des entreprises.

Malgré l'échec de la SDN à faire adopter une convention multilatérale par ses membres, le comité fiscal de la SDN a produit des modèles de convention en 1928, puis en 1943 et 1946, dont se sont inspirés un certain nombre d'États dans le cadre de conventions fiscales bilatérales.

Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), devenue depuis l'Organisation de coopération et du développement économique (OCDE), a à son tour rédigé des modèles de conventions, publiant son projet de convention en 1963, devenu modèle de convention en 1977 et trouvant sa forme actuelle en 1992.

Les conventions fiscales internationales aujourd'hui en vigueur sont, pour la plupart d'entre elles, des conventions bilatérales inspirées de ces modèles : les pays membres de l'OCDE se sont conformés, dans une large mesure, aux modèles de l'organisation. Par ailleurs, comme le relève l'OCDE : « l'influence du Modèle de Convention s'est exercée bien au-delà de la zone de l'OCDE. Il a été utilisé comme document de référence essentiel dans les négociations entre pays membres et pays non membres, et même dans les négociations entre pays non membres, ainsi que dans les travaux menés par d'autres organisations internationales mondiales ou régionales dans le domaine de la double imposition et des problèmes qui y sont liés ».217(*)

Plus largement, l'adoption des conventions OCDE par un très grand nombre d'États a conduit à renforcer le poids des commentaires OCDE sur ces modèles de conventions, devenus en eux-mêmes une source juridique reconnue par les États. En France, la jurisprudence administrative fait d'ailleurs référence explicitement à ces commentaires, y compris lorsqu'ils sont postérieurs à l'adoption de la convention fiscale (CE, Conversant International Ltd, 11 décembre 2020).

Les règles édictées dans les modèles de convention ont pour objectif principal de répartir les droits d'imposer entre les États et sont, à ce titre, héritiers d'un modèle d'économie nationale dans lequel les transactions internationales sont marginales. Ainsi, elles présentent des insuffisances pour d'appréhender toutes les situations, notamment celles dans lesquelles les entreprises et les personnes parviennent à localiser leurs revenus et leurs patrimoines dans des juridictions à la fiscalité avantageuse.

Pour lutter contre les pratiques d'optimisation et de fraude, plusieurs initiatives ont été engagées, notamment au sein de l'OCDE, qui a lancé en 2013, avec le G20, le projet contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices, le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting).

Ce projet repose sur un « Plan d'action en 15 points », qui doit permettre d'adapter la fiscalité internationale aux évolutions de l'activité économique, aux nouvelles formes de création de valeur et aux pratiques d'optimisation et de fraude fiscale. Le projet BEPS a été étendu en 2016 aux membres du cadre inclusif, soit l'ensemble des États218(*) souhaitant participer au développement des standards. C'est dans ce cadre qu'ont été proposées les règles du pilier 2, à savoir l'impôt minimum mondial à 15 %.

Les 15 actions du projet BEPS

Action 1 : relever les défis fiscaux posés par l'économie numérique

Action 2 : neutraliser les effets des dispositifs hybrides

Action 3 : concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées

Action 4 : limiter l'érosion de la base d'imposition faisant intervenir les déductions d'intérêts et autres frais financiers

Action 5 : lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance

Action 6 : empêcher l'octroi des avantages des conventions fiscales lorsqu'il est inapproprié d'accorder ces avantages

Action 7 : empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d'établissement stable

Actions 8-10 : aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur

Action 11 : mesurer et suivre les données relatives au BEPS

Action 12 : règles de communication obligatoire d'informations

Action 13 : documentation des prix de transfert et aux déclarations pays par pays

Action 14 : accroître l'efficacité des mécanismes de règlement des différends

Action 15 : l'élaboration d'un instrument multilatéral pour modifier les conventions fiscales bilatérales

Source : Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, rapports finaux 2015

b) Devant l'inadéquation des règles de fiscalité internationale à l'économie mondialisée, le projet BEPS de l'OCDE et du G20 a apporté un certain nombre de solutions techniques

Les progrès réalisés dans le cadre de la mise en oeuvre du projet BEPS ont conduit à franchir d'importantes étapes dans la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment. La dernière décennie a ainsi été l'occasion d'importants progrès : fin du secret bancaire, renforcement des échanges automatiques d'informations, obligations de reporting pays par pays des multinationales, etc.

(1). L'échange automatique d'informations

La mise en place des échanges automatiques d'informations a été un élément déterminant des progrès accomplis au cours de la dernière décennie dans la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment.

Ainsi, dans un document publié en 2019, l'OCDE considérait que « depuis l'adoption généralisée de l'échange automatique d'information, on estime que 500 000 personnes ont divulgué des actifs offshore et qu'environ 95 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires ont été identifiés grâce aux mécanismes de conformité volontaire et aux enquêtes offshore. Le fait que ces sommes aient été en grande partie divulguées dans le cadre de programmes de divulgation volontaire mis en place avant la mise en oeuvre de l'échange automatique d'informations (AEOI) en 2017 témoigne des premières réactions comportementales des contribuables à l'AEOI ».219(*)

L'échange automatique d'informations a notamment été porté par les États-Unis à l'occasion du « FATCA » (Foreign Account Tax Compliance Act), et par l'Union européenne. Aujourd'hui, l'échange d'informations est devenu une pratique courante pour les administrations fiscales.

De l'Affaire UBS au « FACTA » américain

En 2007, un ancien salarié de la banque Suisse UBS, Bradley Birkenfeld, a transmis au Departement of Justice américain des documents sur les pratiques de la banque. En novembre 2008 et suite à ces révélations, la justice américaine a accusé UBS d'avoir, entre 2000 et 2007, démarché et attiré plusieurs dizaines de milliers d'Américains fortunés pour placer chez elle près de 20 milliards de dollars. Accusée de complicité de fraude fiscale et de démarchage transfrontalier illégal, UBS a accepté de payer, en 2009, 780 millions de dollars d'amende et de transmettre aux États-Unis les noms de plus de 4 000 clients américains, afin d'éviter une inculpation formelle et de conserver sa licence bancaire.

En France, le tribunal correctionnel de Paris, dans un jugement en date du 20 février 2019, a condamné la société mère UBS, établie en Suisse, et l'une de ses filiales françaises, à une amende de 3,7 milliards d'euros et 800 millions d'euros de dommages-intérêts au bénéfice de l'État, partie civile, pour démarchage bancaire illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale. Ce jugement avait été revu en appel par un arrêt la Cour d'appel de Paris du 13 décembre 2021, qui a considérablement réduit l'amende et a prononcé la confiscation d'un milliard d'euros et condamné la banque à verser 800 millions d'euros à l'État au titre des dommages et intérêts. Cet arrêt a été cassé par une décision de la Cour de cassation du 15 novembre 2023, remettant en cause les dommages et intérêts220(*).

En réaction à cette affaire, le Foreign Account Tax Compliance Act - le « FACTA » - a été adopté aux États-Unis. Entré en vigueur le 1er juillet 2014, ce texte impose aux institutions financières internationales de transmettre aux autorités américaines des informations sur les comptes bancaires détenus par les contribuables américains, notion qui couvre, particularité du système fiscal américain, outre les résidents aux États-Unis, les citoyens américains résidant à l'étranger, leurs conjoints et enfants, mais également toute personne ayant des biens substantiels aux États-Unis, indépendamment de la nationalité ou de la résidence.

La loi FACTA consacre également l'extraterritorialité du droit fiscal américain, c'est-à-dire sa primauté à l'égard d'autres ordres juridiques. Des accords intergouvernementaux permettent néanmoins de résoudre ces conflits de normes. C'est ainsi que la France a signé, le 14 novembre 2013, un accord fixant le cadre pour la mise en oeuvre de l'échange automatique entre la France et les États-Unis.

Source : rapport de la mission d'information commune sur le bilan de la lutte contre les montages transfrontaliers, Émilie Cariou et Pierre Cordier, Septembre 2019

Les directives européennes relatives aux échanges d'informations, dites DAC (directive on administrative cooperation) ont fait de l'Union européenne l'un des territoires pionniers en matière d'échanges automatiques d'informations. Ces textes ont également permis de transposer de façon uniforme les standards portés par l'OCDE et le G20.

Les tableaux ci-après résument le champ des obligations déclaratives couvertes progressivement par les échanges automatiques d'informations au titre du droit européen et les dates d'entrée en vigueur des directives.

Directives européennes sur la coopération administrative

Directives

DAC1

2011/16/EU

DAC1

2011/16/EU

DAC2

2014/107/EU

DAC3

2015/2376/EU

Date d'entrée en vigueur et des premiers échanges

Janvier 2013

Janvier 2015

Échanges au plus tard le 30 juin 2015 sur 2014

Janvier 2016

Échanges au plus tard le 30 septembre 2017 sur 2016

Janvier 2017

Échanges au plus tard le 30 septembre 2017

Échanges automatiques

Échanges ponctuels ou sur demande

Oui

Oui

Oui

Contenu des échanges d'informations

· revenus professionnels ;

· jetons de présence ;

· produits d'assurance sur la vie ;

· pensions ;

· propriété et revenus de biens immobiliers.

· intérêts, dividendes, et autres revenus financiers ;

· plus-values de cessions ;

· le solde ou la valeur portée sur les comptes.

· Rulings accordés aux entreprises sur les opérations transfrontalières (accords préalables sur les prix de transfert, sur la reconnaissance ou non d'un établissement stable, sur le statut fiscal d'une entité hybride, sur le calcul de certains amortissements)

Autres dispositions

Contrôles simultanés ;

Partage de bonnes pratiques ;

Définition d'un formulaire type pour les demandes.

 

Alignement sur les standards OCDE/G20 : « norme commune de Déclaration » ;

Suppression des conditions de seuil minimal.

 

Directives

DAC4

2016/881
/EU

DAC5

2016/2258/EU

DAC6

2018/822/EU

DAC7

2021/514/EU

DAC8

En attente de publication

Date d'entrée en vigueur

Juin 2017

Échanges au plus tard le 30 juin 2018 sur 2016

Janvier 2018

Juillet 2020

Échanges au plus tard le 31 août 2020

1er janvier 2023

1er janvier 2026

Échanges automatiques

Oui

Non

Oui

Oui

Oui

Contenu des échanges d'informations

Informations du reporting pays par pays

Accès aux différentes informations prévues par la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Déclarations réalisées par les conseillers fiscaux et les contribuables des dispositifs transfrontières potentiellement agressifs au plan fiscal

Déclarations des opérateurs de plateforme

Déclarations sur les revenus tirés des transactions sur crypto-actifs et sur les contribuables physiques « à fort enjeu »

Autres dispositions

   

Source : commission des finances du Sénat

En 2019, la Commission européenne indiquait dans une évaluation sur les conséquences de la première directive DAC que celle-ci « avait amélioré la capacité des États membres à lutter contre la fraude transfrontalière et l'évasion fiscale en complétant le revenu des entreprises avec les actifs détenus à l'étranger »221(*). Néanmoins, les bénéfices financiers pour les États n'ont pas pu être évalués par la Commission européenne à cette occasion.

(2). Les directives ATAD ont traduit plusieurs objectifs du projet BEPS : limitation de la déductibilité des charges financières, régime des sociétés étrangères contrôlées et lutte contre les dispositifs hybrides

Les deux directives ATAD (anti-tax avoidance directive)222(*) ont permis de mettre en oeuvre, dans l'ensemble de l'Union européenne, un ensemble de dispositifs visant à limiter les schémas agressifs d'optimisation fiscale.

La directive du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur223(*) - dite « anti-tax avoidance directive » (ATAD 1) -, a permis la concrétisation des travaux du cadre inclusif de l'OCDE.

Ses dispositions concernent ainsi plusieurs actions du projet BEPS, parmi lesquelles :

la limitation de la déductibilité des charges financières, action 4 du projet BEPS transcrite à l'article 4 de la directive « ATAD 1 », dont les dispositions ont été transposées par l'article 34 de la loi de finances pour 2019224(*) ;

les sociétés étrangères contrôlées, action 3 du projet BEPS reprise aux articles 7 et 8 de la directive « ATAD 1 », qui s'apparente au mécanisme préexistant en droit national prévu à l'article 209 B du CGI ;

les dispositifs hybrides, soit des dispositifs qui « exploitent les différences de traitement fiscal d'une entité ou d'un instrument entre les législations de deux pays ou plus en vue de bénéficier de situations de double non-imposition, y compris un report à long terme de l'impôt »,225(*) de l'action 2 du projet BEPS faisant l'objet de l'article 9 de la directive « ATAD 1 ».

Outre les actions du projet BEPS, la directive « ATAD 1 » comporte également certains ajouts complémentaires, dont, à son article 6, une clause anti-abus de portée générale en matière d'impôt sur les sociétés, transposée par l'article 108 de la loi de finances pour 2019226(*), et, à son article 5, une règle relative à l'imposition à la sortie visant à garantir qu'un État membre impose à sa juste valeur la plus-value, y compris latente, en cas de transferts d'actifs en dehors de cet État.

En matière de dispositifs hybrides, l'article 9 de la directive du 12 juillet 2016 ne constituait qu'une première étape et a été complétée par la directive du 29 mai 2017, dite « ATAD 2 ».

En effet, pour parachever la neutralisation des dispositifs hybrides, le Conseil de l'Union européenne a demandé à la Commission européenne, lors de l'adoption définitive de la directive « ATAD 1 », de présenter rapidement une proposition relative aux dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.

C'est le sens de la directive du 29 mai 2017227(*), dite « ATAD 2 », qui vient modifier la directive initiale du 12 juillet 2016 (« ATAD 1 »). Le droit dérivé en vigueur est donc le texte consolidé de la directive du 12 juillet 2016, tel que modifié par la directive du 29 mai 2017.

La directive « ATAD 2 » procède à trois modifications essentielles :

l'extension du champ d'application aux entités fiscalement transparentes en vertu de la législation d'un État membre, ce qui vise à appréhender les dispositifs hybrides inversés - en modifiant l'article 1er de la directive « ATAD 1 » ;

l'ajout de notions utiles en matière de dispositifs hybrides, définies au sein de l'article 2 du texte consolidé ;

la réécriture intégrale de l'article 9 relatif aux dispositifs hybrides, complété de l'ajout de deux nouveaux articles 9 bis et 9 ter, traitant respectivement des dispositifs hybrides inversés et des situations de double résidence fiscale.

Ces dispositions ont été transposées aux articles 205 B, C et D du code général des impôts.

Les dispositions introduites par la directive « ATAD 2 » reprennent l'essentiel des recommandations de l'OCDE.

(3). La mise en place du reporting pays par pays pour les entreprises de plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires

L'action 13 du projet BEPS a permis la mise en place du régime de déclaration pays par pays (CbCR228(*)) : les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros doivent ainsi transmettre à l'administration fiscale leurs revenus et de leurs données d'activité pays par pays.

En effet, il est apparu nécessaire de recouper les données fiscales de chaque filiale des multinationales avec la déclaration consolidée de la répartition de leurs bénéfices et de leur chiffre d'affaires, afin d'identifier les phénomènes de transferts anormaux de masse taxable d'un État à l'autre.

La transposition, en droit français et européen,
des règles de reporting pays par pays

La directive 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal intègre au droit de l'Union européenne les obligations de déclaration pays par pays retenues dans le cadre de l'OCDE et du G20. Elle prévoit les modalités d'échange de ces données entre administrations fiscales.

L'article 121 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a créé l'article 223 quinquies C du code général des impôts (CGI). Au titre de cet article, certaines entreprises souscrivent une déclaration comportant « la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant, dont le contenu est fixé par décret ».

La déclaration doit être fournie sous forme dématérialisée dans les douze mois suivant la clôture de l'exercice. Sont soumis à cette obligation les groupes établis en France qui réalisent un chiffre d'affaires annuel hors taxes consolidé supérieur ou égal à 750 millions d'euros, comme cela est prévu par le modèle OCDE, et qui établissent des comptes consolidés, détiennent ou contrôlent des sociétés ou des succursales hors de France et ne sont pas détenus par des sociétés françaises ou étrangères déjà soumises à cette déclaration.

De même, les sociétés établies en France et appartenant à un groupe étranger répondant aux critères précédemment mentionnés sont soumises à l'obligation de déclaration, lorsqu'elles ont été désignées par le groupe à cette fin, ou qu'elles ne peuvent démontrer qu'une autre entité française ou étrangère a été désignée à cette fin.

Par ailleurs, l'article 223 quinquies C du code général des impôts prévoit que cette déclaration « peut faire l'objet, sous condition de réciprocité, d'un échange automatique avec les États ou territoires ayant conclu avec la France un accord à cet effet ».

Source : commission des finances du Sénat

Le CbCR a ainsi été mis en oeuvre dans de nombreux États. D'après le rapport d'étape de septembre 2022 de l'OCDE sur la mise en oeuvre du projet BEPS, « plus de 100 juridictions ont déjà adopté une législation qui impose une obligation de dépôt de déclaration aux groupes d'entreprises multinationales, et pratiquement toutes les entreprises multinationales dont le chiffre d'affaires total consolidé du groupe est supérieur ou égal au seuil de 750 millions d'euros sont désormais couvertes. »229(*)

Néanmoins, la qualité des informations contenues dans les CbCR peut s'avérer insuffisante à ce stade. Il est donc nécessaire que les entreprises améliorent assez nettement les documents transmis aux administrations fiscales dans ce cadre. Comme le relève l'OCDE dans un Avertissement important concernant les limites des statistiques des déclarations pays par pays, en date du 17 novembre 2022, « les administrations fiscales ont rencontré un certain nombre de problèmes concernant la qualité des données dans les CbCR déposés à ce jour. »230(*)

L'Union européenne a même fait le choix d'aller plus loin que le dispositif proposé par l'OCDE en faisant du reporting pays par pays, qui était au départ un instrument ayant vocation à informer les services fiscaux, un outil de la transparence fiscale des entreprises.

En effet, la directive 2021/2101 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 a modifié la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d'informations relatives à l'impôt sur les revenus des sociétés. Cette directive met en place le « CbCR public », c'est-à-dire la publication, par les entreprises multinationales de plusieurs informations relatives à leur situation fiscale dans les pays dans lesquelles elles sont implantées.

Les règles relatives aux CbCR public ont été transposées par l'ordonnance n° 2023-483 du 21 juin 2023, prise en application de l'article 11 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023, portant diverses dispositions d'adaptation du droit de l'UE dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

(4). Une meilleure régulation des prix de transfert

Les prix de transfert désignent les prix auxquels une entreprise transfère dans une autre juridiction des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées. Cette définition exclut les opérations entre sociétés indépendantes et les opérations nationales.

En France, le contrôle de la manipulation des prix de transfert des entreprises est prévu par l'article 57 du Code général des impôts (CGI).

L'article 57 du Code général des impôts

« Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France.

La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A ou établies ou constituées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. (...) »

Ce dispositif permet à l'administration de réintégrer les bénéfices frauduleusement transférés vers d'autres juridictions au résultat imposable de l'entreprise.

Afin d'évaluer les transactions entre entreprises à leur « juste prix », l'administration peut se fonder sur plusieurs méthodes, qui reposent toutes sur le « principe de pleine concurrence » (« at arm's length ») prévu par l'article 9 du modèle de convention fiscale de l'OCDE.

En vertu de ce principe, les prix de transfert doivent être fixés au prix de marché, comme s'ils correspondaient à des échanges entre des sociétés indépendantes. Toutefois, le poids croissant des actifs intangibles et uniques - par exemple, l'algorithme d'un moteur de recherche - complique sensiblement le travail de l'administration fiscale : d'une part, ceux-ci peuvent facilement être « localisés » dans un territoire à faible taux d'imposition, et d'autre part, il est souvent délicat d'en déterminer le « juste » niveau de rémunération, ce qui permet de diminuer facilement l'assiette taxable.

Pour répondre à ces difficultés, l'OCDE publie, à destination des entreprises et des États, les Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert231(*), précisant des lignes directrices de l'application du principe de pleine concurrence retenu dans les conventions fiscales.

Les prix de transfert demeurent aujourd'hui l'un des principaux sujets d'attention des services fiscaux, alors qu'une part majeure des rehaussements en base pour l'impôt sur les bénéfices concerne les manipulations de prix de transfert.

Résultats du contrôle fiscal
en matière de localisation des bénéfices des entreprises

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document de politique transversal relatif à la fraude232(*)

2. L'émergence d'une solution reposant sur deux piliers

L'accord reposant sur deux piliers trouvé au sein de l'OCDE en octobre 2021 a été endossé ensuite par les pays du G20 à Rome.

L'accord du cadre inclusif en résumé

L'accord OCDE/G20 d'octobre 2021, porte sur deux piliers, représentant chacun un mécanisme d'imposition visant à imposer les entreprises multinationales. Il s'agit, en résumé, de :

le pilier 1, qui propose une réallocation partielle des droits d'imposer entre État de siège et État de source pour une partie du « surprofit » retiré par les plus grands groupes internationaux - à savoir la profitabilité excédant 10 % du chiffre d'affaires (CA) pour les groupes réalisant un CA mondial consolidé supérieur à 20 milliards d'euros (environ une centaine de groupes). Initialement prévu pour entrer en vigueur en 2023, l'OCDE a finalement publié un modèle de convention multilatérale le 11 octobre 2023, pour une entrée en vigueur au plus tôt en 2025 ;

le pilier 2, qui envisage l'introduction d'un taux minimal d'imposition des bénéfices d'au moins 15 %, apprécié par groupe et par pays, pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires mondial d'au moins 750 millions d'euros (entre 7 000 et 8 000 entreprises). C'est ce second pilier qui est transposé au présent article.

Source : commission des finances du Sénat.

Cet accord marque sans nul doute un tournant majeur en matière de fiscalité internationale. Le fil des négociations aura toutefois sensiblement modifié la portée de la réforme : initialement, l'objectif était d'actualiser les règles du système fiscal international pour tenir compte de la numérisation de l'économie. Face aux limites des critères traditionnels de l'établissement stable et des prix de transfert, il s'agissait d'ajuster certains paramètres de la répartition des droits d'imposer entre États de siège et de source. S'il constituait une priorité française, l'objectif d'une imposition minimale des bénéfices des entreprises n'en demeurait pas moins secondaire dans les premières discussions.

a) Le soutien américain a été indispensable pour parvenir à un accord

Les États-Unis sont parvenus à modifier le sens des négociations, d'une part en transformant les règles du pilier 1 d'une approche fondée sur les modèles d'affaires numériques à une approche visant à réallouer les droits d'imposer dans les juridictions de marché, centrée sur les plus grands groupes mondiaux et, d'autre part, en faisant du taux minimal une nouvelle priorité. Après plusieurs débats (taux, assiette, périmètre pris en compte pour le calcul du taux minimal, exclusions), l'accord final a retenu une coexistence entre le GILTI américain et le taux minimum mondial du pilier 2.

En effet, l'émergence d'un accord sur l'impôt minimum mondial doit beaucoup à une importante réforme fiscale aux États-Unis, intervenue en 2017, dont l'objectif principal était à la fois d'inciter les entreprises à localiser leurs actifs incorporels aux États-Unis (Foreign derived intangible income, FDII) et à mettre en place, pour les revenus générés à l'étranger, une imposition minimale (Global intangible tax income, GILTI).

Le principe du « GILTI » américain dérive, comme pour le pilier 2 des accords OCDE, du régime des « Controlled Foreign Corporation » (CFC), en visant un certain type d'actifs : les actifs incorporels.

Le « GILTI » consiste, pour l'essentiel, à imposer aux États Unis les profits que des filiales étrangères de sociétés américaines tirent d'actifs incorporels qu'elles détiennent, lorsque ces profits sont considérés comme insuffisamment imposés. Concrètement, le « GILTI » soumet les sociétés américaines à un complément d'impôt sur les sociétés lorsque :

- les filiales étrangères sont implantées dans des juridictions à faible imposition, c'est-à-dire dont le taux d'imposition des actifs incorporels est inférieur à 13,125 % jusqu'en 2025 et à 16,406 % à compter de 2026 ;

- les profits des filiales tirés des actifs incorporels sont considérés excessifs, nature acquise dès lors que la rentabilité de l'actif excède 10 %.

Les revenus dans le champ du « GILTI » font l'objet d'une déduction spéciale au titre de la « FDII » : 50 % jusqu'en 2025, 37,5 % à compter de 2026.

Le taux effectif d'imposition du « GILTI » est donc de 10,5 %, puis de 13,125 % à compter de 2026.

Comme le relevait Fanny Karaman dans la revue de fiscalité internationale en novembre 2019, « le régime FDII est indissociable du régime GILTI, dans la mesure où il incite à la conservation de la propriété intellectuelle aux États-Unis. [...] Cette incitation se fait au travers d'une imposition favorable des revenus d'exportation issus de la propriété intellectuelle détenue aux US par une société américaine. Ainsi, les régimes GILTI et FDII se contrebalancent, dans la mesure où le premier décourage la détention de la propriété intellectuelle en-dehors des États-Unis (ainsi que la génération de revenus y afférant provenant de marchés étrangers) tandis que le second avantage les sociétés américaines ayant leur propriété intellectuelle située aux États-Unis et tirant les revenus associés de ces mêmes marchés étrangers. Le message est clair : les acteurs américains du secteur technologique sont incités à maintenir leur propriété intellectuelle aux États-Unis et non dans des juridictions à basse imposition ».233(*)

Détermination du montant dû par les entreprises au titre du GILTI

Pour déterminer l'impôt dû au titre du GILTI, les groupes d'entreprises doivent déduire de leurs bénéfices réalisés à l'étranger une part équivalente à 10 % de la valeur de leurs actifs matériels à l'étranger, censée refléter la rentabilité « normale » de ces actifs.

Le taux de GILTI (10,5 % puis 13,125 %) s'applique à ces profits, après déduction d'un crédit d'impôt correspondant à 80 % des impôts payés à l'étranger.

Source : commission des finances.

Exemple simplifié de taxation sous le régime GILTI

 

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Bénéfice des filiales étrangères

1 000

1 000

1 000

Impôts étrangers

100

100

50

Imposition étrangère

10 %

10 %

5 %

Actifs matériels hors États-Unis

10 000

2 500

100

Déduction fondée sur les actifs matériels
(Actifs x 10 %)

1 000

250

10

GILTI (profit à l'étranger - déduction fondée sur les actifs matériels)

0

750

990

Taxe due au titre de GILTI
(10,5 % x base)

0

78,75

103,95

Crédit d'impôt
(80 % des impôts payés à l'étranger)

80

80

40

Taxe GILTI due
(Taxe due - crédit d'impôt)

0

0

63,95

Imposition aux États-Unis des profits réalisés à l'étranger

0 %

0 %

6,4 %

Taux d'imposition final (Taxe aux États-Unis et à l'étranger)

10 %

10 %

11,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport particulier du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité des entreprises du 14 octobre 2020

À ce stade, et au-delà des différences importantes dans les modalités de calcul et le taux de l'impôt complémentaire du pilier 2 et de « GILTI », ces précisions appellent deux remarques :

- d'abord, le principe de la déduction fondée sur les actifs matériels dans le cadre du dispositif américain est proche du fonctionnement de la déduction fondée sur la substance prévue par le pilier 2 (cf. infra) ;

- ensuite, l'appréciation du niveau d'imposition des filiales étrangères se fait pays par pays dans le cadre du pilier 2, tandis que le « GILTI » s'intéresse au niveau d'imposition moyen entre les filiales dans les différentes juridictions. Cette différence pourrait conduire à d'importants écarts dans la mise en oeuvre des deux dispositifs.

b) Le pilier 1, un accord sur l'imposition des entreprises dans les juridictions de marché

Le pilier 1 de l'OCDE est dérivé plus directement de l'action 1 du projet BEPS, qui vise à relever les défis fiscaux posés par l'économie numérique, et devait initialement ne cibler que les entreprises du secteur du numérique. Les négociations ont finalement abouti à un changement de logique, pour conduire à une modification structurelle des règles de répartition des droits d'imposer entre juridictions de source et de siège.

Le pilier 1 a vocation à s'appliquer aux entreprises dont le chiffre d'affaires mondial dépasse 20 milliards d'euros234(*) et dont la rentabilité avant impôt est supérieure à 10 %235(*).

Les juridictions de marché pourront mettre en place une imposition visant la part de la rentabilité supérieure à 10 %, dès lors que le groupe visé réalise un chiffre d'affaires supérieur à un million d'euros236(*) dans cette juridiction. 25 % de ce qui excède le seuil de rentabilité de 10 % du chiffre d'affaires du groupe visé pourront ainsi être imposés dans la juridiction de marché (le « Montant A »).

Néanmoins, si le pilier 1 faisait bien partie de l'accord obtenu en octobre 2021, il semble que son aboutissement soit loin d'être garanti, et ce malgré les efforts menés depuis lors au sein de l'OCDE.

Ainsi, en février dernier, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, indiquait que « les choses sont bloquées, notamment par les États-Unis, l'Arabie saoudite et l'Inde. Nous plaiderons pour un déblocage de la situation » mais « les chances de succès sont minces ».237(*)

Il semble peu probable que les États du cadre inclusif adoptent tous rapidement la convention proposée par l'OCDE le 11 octobre dernier pour mettre en oeuvre rapidement le pilier 1.

B. LE PILIER 2 DE L'ACCORD OCDE/G20 VISE À GARANTIR UNE IMPOSITION MINIMALE DES ENTREPRISES, SUIVANT UNE APPRÉCIATION DU TAUX EFFECTIF RÉEL ET NON DU TAUX MINIMAL

Le pilier 2 a donné lieu à une production normative très importante, d'abord au sein du cadre inclusif de l'OCDE, ensuite au niveau européen via la directive que le présent article a pour objet de transposer. En plus du modèle législatif publié par l'OCDE le 20 décembre 2021, les commentaires de l'OCDE du 14 mars 2022, les instructions administratives du 2 février et du 17 juillet 2023 et la déclaration d'information du 17 juillet 2023 sont venus compléter le corpus juridique accompagnant la mise en oeuvre du dispositif. De nouvelles instructions administratives sont d'ailleurs attendues sur un certain nombre de sujets (cf. infra).

Chronologie de l'adoption du pilier 2

Source : commission des finances du Sénat

Si le pilier 2 vise, dans son principe, à établir un taux d'imposition minimal des bénéfices de 15 % au niveau mondial, les membres du cadre inclusif ne sont pas tous tenus d'adopter effectivement cette imposition minimale : ils doivent, lorsqu'ils ne la mettent pas en place, accepter que d'autres membres du cadre inclusif l'appliquent pour les entités situées sur leur territoire.

Le respect du taux minimal d'imposition est apprécié au regard du taux effectif d'imposition (TEI) de l'entreprise, calculé juridiction par juridiction sur la base d'une liste commune d'impôts couverts (ou concernés) et d'une base d'imposition déterminée par référence au résultat comptable retraité de façon uniforme au niveau mondial, le résultat GloBE (Global Anti-Base Erosion), permettant de tenir compte « des objectifs de politique fiscale poursuivis par le pilier 2 » et des différences temporelles - par exemple avec les reports de déficits.

1. Le champ d'application du pilier 2

Le pilier 2 vise l'ensemble des groupes dont le chiffre d'affaires dans les comptes consolidés de l'entité mère ultime est supérieur à 750 millions d'euros au titre d'au moins deux exercices au cours des quatre derniers exercices réalisés. Il convient néanmoins de relever quelques différences de périmètre entre consolidation au sens des règles IFRS238(*) et les règles du pilier 2 - ce dernier intégrant notamment les participations évaluées par « mise en équivalence » à plus de 50 %, les entités destinées à la vente et les entités constitutives non consolidées à raison de leur matérialité.

Le seuil ainsi retenu correspond à celui utilisé pour le reporting pays par pays (cf. supra).

Dans le cadre de l'accord, trois exclusions principales sont prévues :

i. une règle de minimis conduisant à exclure de l'application du taux minimal les juridictions dans lesquelles une entreprise a un chiffre d'affaires inférieur à 10 millions d'euros et des bénéfices inférieurs à 1 million d'euros. Une exclusion est également prévue pour les entreprises dans leur phase initiale d'internationalisation, pour une période maximale de cinq ans, lorsque l'entreprise concernée est localisée dans moins de six juridictions et les actifs corporels du groupe sont inférieurs à 50 millions d'euros ;

ii. surtout, une exclusion générale fondée sur des critères de substance économique (ou « substance-based carve-out »), conduisant à exclure du calcul une part de revenu correspondant à 8 % de la valeur nette des actifs corporels et à 10 % de la masse salariale. Ces pourcentages sont temporaires, ils baisseront progressivement pour atteindre 5 %. L'exclusion permet d'appréhender le pilier 2 davantage comme un outil de lutte contre la localisation artificielle des bénéfices dans des paradis fiscaux que comme un réel taux minimum au niveau mondial. En effet, pour autant que les entreprises aient une substance économique réelle (et matérielle) dans un État, les bénéfices qui y sont localisés pourront échapper, sous réserve des plafonds mentionnés ci-dessus, au taux minimal de 15 % ;

iii. une exclusion sectorielle : les activités de transport maritime international ne seront pas concernées du fait des règles fiscales spécifiques dont elles font l'objet239(*). Plus largement, n'entrent pas non plus dans le champ du pilier 2 les entités publiques, les organisations internationales, les organisations à but non lucratif, les entités qui répondent à la définition d'un fonds de pension, d'un fonds d'investissement ou d'un fonds d'investissement immobilier.

2. La règle d'inclusion du revenu et la règle relative aux paiements insuffisamment imposés permettront d'assurer le respect du taux minimal au niveau international

a) La règle d'inclusion du revenu

La règle d'inclusion du revenu (RIR) prévoit que l'entité mère ultime (EMU) d'un groupe, lorsqu'elle est située dans une juridiction faisant application de cette règle, est redevable d'un impôt complémentaire lorsque ses filiales ne payent pas un impôt sur les bénéfices au moins égal à 15 % en application des règles GLoBE dans chaque juridiction.

Source : commission des finances du Sénat

La règle d'inclusion du revenu s'applique également dans les situations où les filiales insuffisamment imposées sont détenues par des entités intermédiaires et lorsque la juridiction de l'entité mère ultime ne fait pas application de cette règle : dans un tel schéma, c'est la juridiction de l'entité située la plus en amont et appliquant la règle d'inclusion du revenu qui peut faire application de cette règle et donc mettre en oeuvre l'impôt complémentaire de l'entité A au niveau de la taxation minimale prévue par l'accord (cf. schéma ci-dessous).

Source : commission des finances du Sénat

Lorsque l'entité constitutive, soumise à un niveau d'imposition inférieur à 15 % en application des règles GLoBE, est détenue par plusieurs autres entités, l'impôt complémentaire de l'entité mère est déterminé par le ratio de détention de ces entités.

En revanche, en présence d'une entité mère partiellement détenue, entendue comme une entité constitutive dont plus de 20 % des titres de participation ouvrant droit à ses bénéfices sont détenus directement ou indirectement par des personnes qui ne sont pas des entités constitutives qui ne sont pas des entités constitutives du groupe, c'est cette entité, lorsqu'elle est située en amont de la chaine de détention, qui est redevable prioritairement de l'impôt complémentaire.

Cette règle doit entrer en vigueur pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.

b) La règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés

Afin de garantir la mise en oeuvre de l'impôt minimal, une deuxième règle accompagne la règle d'inclusion du revenu : la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés permet, d'après les règles OCDE, de « refuser la déductibilité d'une charge (ou [...] un ajustement équivalent en application du droit interne) pour un montant tel que ces entités constitutives supportent une charge d'impôt supplémentaire sous la forme d'une sortie de trésorerie égale au montant de l'impôt complémentaire » au titre des bénéfices réalisés par les entités constitutives faiblement imposées appartenant à ce même groupe.

La règle d'inclusion du revenu prévaut sur la règle relative aux paiements insuffisamment imposés. En effet, la RPII ne donnera pas lieu à un impôt complémentaire « lorsque les entités constitutives faiblement imposées sont contrôlées, directement ou indirectement, par une entité constitutive étrangère qui est soumise à une règle d'inclusion du revenu (RIR) mise en oeuvre conformément aux règles GloBE. En revanche, le contribuable pourra être soumis à cet impôt supplémentaire sur les bénéfices réalisés par les entités constitutives situées dans la juridiction de l'entité mère ultime si le taux effectif d'imposition de l'entreprise multinationale dans cette juridiction est inférieur au taux minimum convenu ».240(*)

Comme l'indique le manuel publié par l'OCDE le 13 octobre dernier, « la RPII fait office de filet de sécurité et peut s'appliquer, par exemple, aux revenus faiblement imposés provenant de la juridiction de l'EMU (le cas échéant). » La part de l'impôt complémentaire est répartie entre les entités constitutives des différentes juridictions en fonction des actifs corporels et des salariés dans cette juridiction suivant la formule suivante241(*) :

La répartition du produit d'imposition dans la cadre de la RPII a évolué par rapport à la proposition initiale de l'OCDE242(*) qui retenait au départ une pondération en fonction du niveau des paiements intragroupes dans la juridiction par rapport au niveau total de ces paiements pour le groupe.

Source : commission des finances du Sénat

L'application de cette règle devrait notamment permettre d'atteindre les entreprises américaines, lorsque celles-ci payent un montant d'imposition inférieur au taux minimum en application de GloBE. La réaction des États-Unis lors de la mise en oeuvre de ce dispositif demeure l'une des incertitudes pesant sur le dispositif.

Le cas des entités fiscalement transparentes

Le résultat des entités fiscalement transparentes est réalloué aux entités constitutives détentrices à hauteur de leurs quotes-parts de détention respective. Les impôts couverts, lorsqu'ils existent, doivent être réalloués selon le même principe.

Source : commission des finances du Sénat

Cette règle doit s'appliquer uniquement dans un deuxième temps, soit pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.

3. L'impôt national complémentaire

a) L'impôt national complémentaire, principale source de recettes fiscales

Bien qu'il ne soit pas directement prévu par les modèles de règle OCDE, l'impôt complémentaire minimum qualifié appliqué localement (ICMQL) ou impôt complémentaire national (ICN) est au coeur du dispositif : il permet aux États de mettre en oeuvre un impôt complémentaire qui couvre l'écart entre les impôts payés dans leur juridiction et le taux minimal de 15 %, et ainsi de parer à ce que les autres juridictions ne prélèvent ce différentiel en amont ou en aval de la chaîne de détention.

Ainsi, les deux autres règles de GloBE interviennent de manière subsidiaire : si la juridiction dans laquelle sont réalisés les bénéfices prélève directement la différence à 15 %, les juridictions des entités mères ne pourront pas la prélever (cf. infra).

Comme l'indique le manuel pour la mise en oeuvre de l'impôt minimum publié par l'OCDE243(*), grâce à cette disposition, « les règles GloBE permettent [...] de préserver les droits d'imposition primaires de la juridiction locale sur le bénéfice qui y est imposable ».

La plupart des juridictions devraient mettre en place un impôt complémentaire national, le chiffrage retenu par l'évaluation préalable du présent article retenant « l'hypothèse de l'instauration contemporaine d'impôts nationaux complémentaires en France comme dans le reste du monde ».244(*)

b) La mise en place d'un impôt complémentaire national fait obstacle à l'application des deux autres règles

Lorsque les entités constitutives règlent un impôt complémentaire national dans une juridiction, les entités constitutives redevables au titre des règles GLoBE pour ces premières entités, peuvent imputer l'impôt national en question de ce qu'elles devraient payer au titre des règles GLoBE dans leur juridiction. Ainsi, dès lors qu'un impôt national est qualifié, il réduit le bénéfice imposable à l'étranger - et en principe à néant. 

Les règles OCDE ont également prévu un Safe Harbour (ou mesure de sauvegarde) pour les impôts complémentaires nationaux : les impôts complémentaires nationaux qui répondent à certains nombres de critères peuvent donner lieu à une exonération au titre des règles GLoBE pour les profits des entités constitutives qui ont payé un impôt national qualifié.

4. La détermination de l'impôt dû au titre des règles GloBE

Le taux de l'impôt complémentaire correspond au différentiel la valeur de référence, à savoir 15 % et le taux effectif d'imposition (TEI) des entités constitutives de la juridiction, équivalent au ratio des impôts couverts sur le bénéfice GLoBE. En effet, l'impôt dû au titre des règles GloBE correspond à une imposition réelle et non pas une imposition nominale : en d'autres termes, le taux de 15 % n'est pas adossé aux règles fiscales nationales mais correspond bien à un taux appliqué à une assiette fiscale homogène dans l'ensemble des États qui mettent en oeuvre le dispositif : le bénéfice GloBE.

Le taux effectif d'imposition et les bénéfices excédentaires d'une entreprise multinationale ne sont pas calculés entité par entité, mais correspondent, dans chacune des juridictions, à la somme des agrégats de l'ensemble des entités constitutives du groupe (blending juridictionnel). Une telle définition permet des compensations, au niveau juridictionnel, entre entités constitutives d'une même entreprise multinationale.

Schéma simplifié de calcul du TEI et de l'impôt complémentaire dû
pour une entité constitutive insuffisamment imposée

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Manuel OCDE

Le taux de l'impôt complémentaire correspond à la différence entre 15 % et le TEI des entités constitutives dans la juridiction. Il est ensuite appliqué au bénéfice de la juridiction, retraité de l'exemption basée sur la substance (cf. infra), permettant d'obtenir le montant dû au titre de cette juridiction par l'entreprise multinationale en application des règles GLoBE.

Exemple simplifié, n'intégrant pas l'exemption fondée sur la substance

 

Filiale A dans un État A

Filiale B dans un État B

Résultat GloBE

200

100

Impôts concernés

5

5

Impôt dû en application du taux minimal de 15 %

30

15

Taux effectif d'imposition

2,5 %

5 %

Pourcentage d'impôt complémentaire dû

12,5 %

10 %

Impôt complémentaire à répartir

25

10

NB : cet exemple simplifié n'intègre pas la déduction fondée sur la substance.

Source : commission des finances

Les impôts concernés sont définis à l'article 4.2 du modèle de règle OCDE. La notion recouvre les impôts inscrits dans les comptes sociaux d'une entité constitutive et qui se rapportent « à son revenu ou à ses bénéfices ou à sa part du revenu ou des bénéfices d'une entité constitutive dans laquelle elle détient un titre de participation, les impôts sur les bénéfices distribués, sur les bénéfices réputés distribués et sur les dépenses non commerciales, imposés selon un Régime éligible d'imposition des distributions, les impôts perçus en lieu et place de l'impôt sur les bénéfices des sociétés généralement applicable ; et les impôts prélevés sur les bénéfices non distribués et les fonds propres, y compris les impôts assis sur de multiples éléments basés sur les bénéfices et les fonds propres ».245(*)

Ainsi, en France, sont concernés « l'impôt sur les sociétés et les contributions additionnelles assises sur cet impôt », mais pas la taxe sur les surfaces commerciales, et sont exclus « explicitement de la définition des impôts couverts plusieurs prélèvements obligatoires : la TVA, les droits d'accises, les droits d'enregistrement, les taxes assises sur les salaires, les cotisations sociales et les impôts fonciers »246(*). Ne peuvent pas non plus être comptabilisés les impôts payés au titre de GLoBE.

La réallocation des impôts couverts
dans le cadre du régime des sociétés étrangères contrôlées

Le mécanisme prévu par l'article 209 B du code général des impôts, dit des « sociétés étrangères contrôlées » (SEC) constitue un mécanisme anti-abus permettant, par exception, d'imposer les bénéfices des filiales ou des établissements étranger établis dans un État à régime fiscal privilégié dans lesquels la société française détient plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote.

Pour ce type de dispositif, « les règles GLoBE requièrent de réallouer cette imposition - comptabilisée au niveau de l'entité mère des filiales ou établissement concernés - aux entités dont les résultats ont été imposés dans une autre juridiction en raison d'une telle règle. Ainsi, lorsque l'article 209 B conduit à imposer entre les mains de l'actionnaire situé en France les revenus réputés distribués d'une filiale, l'impôt acquitté en France est un impôt couvert alloué, pour les besoins des règles GLoBE, à cette filiale ».

Source : François Roux et Sven Dufils, Règles GloBE du Pilier 2 : impôts couverts ajustés, FI 2-2022

a) Des règles d'assiette définies au niveau mondial

Ce résultat est fondé sur le résultat comptable de l'entreprise faisant l'objet de plusieurs retraitements. Ainsi, comme l'a rappelé Pascal Saint-Amans lors de son audition par le rapporteur général, « il est très important de noter que le taux de 15 % n'est pas un taux nominal, qui dépendrait des règles fiscales applicables dans les différents États, mais qu'il s'agit d'un taux d'imposition réel, avec une assiette commune à toutes les juridictions. »

Sont admises pour déterminer le résultat GLoBE les « normes internationales d'information financière (IFRS) ainsi que les principes comptables généralement admis en Australie, au Brésil, au Canada, en Corée, dans les États membres de l'Union européenne, dans les États membres de l'Espace économique européen, aux États-Unis d'Amérique, à Hong Kong (Chine), en Inde, au Japon, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, en République populaire de Chine, en Russie, à Singapour, en Suisse et au Royaume-Uni ».247(*)

Les ajustements opérés sur le résultat comptable correspondent principalement à :

- la comptabilisation de la charge fiscale nette ;

- la comptabilisation des plus ou moins-values de cessions de titres de portefeuille ;

- la comptabilisation des gains et pertes de change asymétriques, des paiements illégaux, des erreurs de traitement comptables ;

- l'intégration au résultat GloBE des crédits d'impôt dits « qualifiés » ;

- l'exclusion des dividendes issus de titres détenus à long terme ;

- l'exclusion des plus ou moins-values correspondant aux variations de la valeur d'un titre de participations, ou de la cession de titres (hors titres de portefeuille).

La prise en compte dans le résultat des crédits d'impôt dits « qualifiés » 

D'après les règles publiées par l'OCDE, « un crédit d'impôt remboursable qualifié désigne un crédit d'impôt remboursable conçu de telle sorte qu'il doit être versé en trésorerie ou liquidités dans les quatre ans à compter du moment où l'entité constitutive satisfait aux conditions d'octroi du crédit en vertu de la législation de la juridiction qui accorde le crédit. Un crédit d'impôt partiellement remboursable est considéré comme un crédit d'impôt remboursable qualifié à hauteur du montant qui doit être versé en trésorerie ou en liquidités dans les quatre ans à compter du moment où l'entité constitutive satisfait aux conditions d'octroi du crédit en vertu de la législation de la juridiction qui accorde le crédit. Ne sont pas considérés comme crédits d'impôt remboursables qualifiés les montants pouvant donner lieu à un crédit ou à un remboursement d'impôt en vertu d'un Impôt imputable qualifié ou d'un Impôt imputé remboursable non qualifié. »

Source : Règles globales anti-érosion de la base d'imposition (Pilier Deux)248(*)

Ainsi, le crédit d'impôt recherche (CIR) entre dans la catégorie des crédits d'impôt qualifiés, situation bien plus favorable pour les entreprises, permettant de majorer le résultat de l'entreprise lors des retraitements plutôt que de minorer le montant des impôts couverts.

 

Entreprise A dans un État A
(crédit d'impôt qualifié)

Entreprise B dans un État B
(crédit d'impôt non qualifié)

Résultat

100

100

Crédit d'impôt

15

15

Impôt sur les bénéfices
(après décompte du crédit d'impôt)

10

10

Résultat de référence pour GLoBE

115

100

Impôts concernés pour GLoBE

25

10

Taux effectif d'imposition au sens des règles GLoBE

25/ (100 + 15) = 21,7 %

10 /100 = 10 %

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, dans cet exemple simplifié, il apparaît que la qualification du crédit d'impôt est un élément déterminant pour faire entrer ou non une entreprise dans le champ de l'impôt minimal. Les deux entreprises présentent en effet le même résultat et la seule requalification en subvention du crédit d'impôt lui permet d'échapper aux règles de l'impôt minimal.

b) Le taux de l'impôt complémentaire s'applique à une assiette minorée de la déduction fondée sur la substance

Pour le calcul de l'impôt complémentaire dû par les entreprises, le bénéfice GLoBE est minoré du montant de la déduction fondée sur la substance, censée refléter la rentabilité des actifs corporels et de la masse salariale des entités constitutives249(*).

Ainsi, au titre de l'exclusion basée sur la substance économique, est déduit du résultat GLoBE un montant équivalent à un pourcentage des actifs corporels et de la masse salariale, décroissant pour atteindre 5 % de chacun de ces montants en 2033.

Montant de la déduction fondée sur la substance économique, en application des 9.2.1 et 9.2.2 du modèle de règle OCDE

Année fiscale débutant au 31 décembre

Déduction au titre des frais de personnel

Déduction fondée sur les actifs corporels

2023

10 %

8,0 %

2024

9,8 %

7,8 %

2025

9,6 %

7,6 %

2026

9,4 %

7,4 %

2027

9,2 %

7,2 %

2028

9 %

7,0 %

2029

8,2 %

6,6 %

2030

7,4 %

6,2 %

2031

6,6 %

5,8 %

2032

5,8 %

5,4 %

2033

5 %

5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après le modèle de règles OCDE

Ainsi, l'application de la déduction permet de limiter l'incidence du taux minimal mondial pour les entités constitutives dès lors qu'elles disposent d'une présence économique réelle, mesurée par les actifs corporels et la présence de masse salariale.

Exemple simplifié
intégrant la déduction fondée sur la substance en 2024 et en 2033

 

Filiale A dans un État A

Filiale B dans un État B

Résultat GloBE avant déduction

200

100

Impôts payés au titre de l'imposition des résultats (ex. IS, CSB etc.)

5

5

Impôt dû en application du taux minimal de 15 %

30

15

Taux effectif d'imposition

2,5 %

5 %

Pourcentage d'impôt complémentaire dû

15 - 2,5 = 12,5 %

15 - 5 = 10 %

Actifs corporels

1 500

100

Masse salariale

500

0

Valeur de la déduction fondée sur la substance 2023

1 500 x 10 %
+ 500 x 8 %
190

100 x 10 %
+ 0 x 8 %
10

Valeur de la déduction fondée sur la substance 2033

1 500 x 5 %
+ 500 x 5 %
100

100 x 5 %
+ 0 x 5 %
5

Bénéfices excédentaires de la juridiction (2023)

200 - 190 = 10

100 - 10 = 90

Bénéfices excédentaires de la juridiction (2033)

200 - 100 = 100

100 - 5 = 95

Impôt complémentaire à répartir (2023)

10 x 12,5 % = 1,25

90 x 10 % = 9

Impôt complémentaire à répartir (2033)

100 x 12,5 % = 12,5

95 x 10 % = 9,5

Source : commission des finances

C. LA TRANSPOSITION AU SEIN DE L'UNION EUROPÉENNE PAR VOIE DE DIRECTIVE

1. La directive reprend « fidèlement » les règles de GloBE

La directive 2022/2523 du Conseil du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l'Union transpose, au sein de l'Union européenne, les règles du pilier 2.

Elle a été adoptée à l'unanimité du Conseil, après plusieurs mois de blocage, en application de l'article 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Article 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

Sans préjudice de l'article 114, le Conseil, statuant à l'unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête des directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché intérieur.

Source : traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Si la directive « reprend fidèlement le contenu et la structure du modèle de règles OCDE »250(*), son adoption par le Conseil a été bloquée pendant plusieurs mois, sous présidence française de l'Union européenne. Alors que l'ensemble des États membres de l'Union européenne s'étaient pourtant mis d'accord au sein du cadre inclusif de l'OCDE, le ministre de l'économie Bruno Le Maire n'avait pas masqué son agacement, lors de la réunion du Conseil du 15 mars 2022 : « c'est tout le charme de la construction européenne, après un texte adopté à l'OCDE, le texte qui retranscrit de manière très rigoureuse au sein du droit de l'Union européenne, continue à soulever des difficultés de principes... ».

Chronologie de l'adoption de la directive sur l'impôt minimal

Le 22 décembre 2021 : la proposition de directive est présentée par la Commission. Elle s'inscrit dans le droit fil de l'accord international et expose les modalités de l'application pratique des principes du taux d'imposition effectif de 15 %.

Lors des sessions du Conseil Ecofin des mois d'avril et de juin 2022, tous les États membres, sauf un, la Pologne, ont indiqué être en mesure de soutenir le texte proposé.

Le 23 mars 2022 : le Comité économique et social européen a adopté son avis.

Le 19 mai 2022 : le Parlement a rendu son avis.

Le 12 décembre 2022 : un accord unanime est trouvé entre les États membres de l'Union européenne.

Le 15 décembre 2022 : le Conseil de l'UE a adopté formellement cette directive251(*).

Le 22 décembre 2022 : la directive a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE).

Source : commission des finances du Sénat

L'article 32 de la directive fait référence à des régimes de protection, qui seraient précisés par le cadre inclusif de l'OCDE, en indiquant que l'impôt complémentaire peut être réputé égal à zéro dès lors « que le niveau d'imposition effectif des entités constitutives situées dans cette juridiction remplit les conditions d'une convention internationale éligible en matière de régimes de protection ».

La notion de convention internationale éligible est précisée comme désignant : « un ensemble international de règles et de conditions auquel tous les États membres ont donné leur consentement et qui accorde aux groupes relevant du champ d'application de la présente directive la possibilité de choisir de bénéficier d'un ou de plusieurs régimes de protection pour une juridiction. » Il convient de relever que l'article 32 fait référence au niveau d'imposition des entités : la référence au niveau d'imposition de la juridiction du Safe harbour RBII (cf. infra) ne semble, par exemple, pas conforme à cette disposition.

Le dispositif de la directive ne comporte pas d'autres références aux travaux de l'OCDE, et seuls ses considérants y renvoient. On peut s'interroger sur la portée de ces considérants, alors qu'il est de jurisprudence constante au niveau européen que si un considérant peut « permettre d'éclairer l'interprétation qu'il convient de donner d'une règle de droit, [il] ne saurait, à défaut d'avoir une valeur juridique contraignante propre, constituer une [...] règle. » Ainsi, « la Cour a [...] eu l'occasion, à plusieurs reprises, d'indiquer que les considérants d'un acte de l'Union n'ont pas de valeur juridique contraignante et ne sauraient être utilement invoqués pour déroger aux dispositions mêmes de l'acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé » (CJUE, Mowi ASA, 4 mars 2020252(*)).

Les considérants de la directive renvoient notamment, en ce qui concerne le périmètre des impôts concernés, aux travaux de l'OCDE potentiellement postérieurs à son adoption, en indiquant, au considérant 11 : « pour ce qui est des impôts concernés, la présente directive devrait être interprétée à la lumière de tout nouvelle orientation fournie par l'OCDE, qui devrait être prise en compte par les États membres afin de garantir une identification uniforme des impôts concernés de tous les États membres et de toutes les juridictions de pays tiers ».

Par ailleurs, en matière d'informations présentées dans le cadre de la déclaration d'information, l'impôt complémentaire des entités constitutives, la directive prévoit à son considérant 22 que « d'autres orientations à élaborer dans le cadre pour la mise en oeuvre des règles GloBE de l'OCDE constitueront une source d'illustration et d'interprétation utile à cet égard, et les États membres pourraient choisir d'intégrer ces orientations dans leur droit national ».

De plus, un considérant plus général, le considérant 24, renvoie aux travaux de l'OCDE : « lors de la mise en oeuvre de la présente directive, les États membres devraient utiliser, comme sources d'illustration ou d'interprétation, le modèle de règles OCDE ainsi que les explications et les exemples figurant dans le document intitulé « Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie - Règles globales anti-érosion de la base d'imposition (Pilier Deux) »253(*), qui a fait l'objet d'une diffusion au sein du Cadre inclusif de l'OCDE/G20 sur le BEPS, de même que le cadre pour la mise en oeuvre des règles GloBE, y compris ses règles portant sur les régimes de protection, afin de garantir une application cohérente dans tous les États membres, dans la mesure où ces sources sont conformes à la présente directive et au droit de l'Union. Les règles des régimes de protection devraient être pertinentes en ce qui concerne les groupes d'EMN et les groupes nationaux de grande envergure ». D'après le Gouvernement, ce considérant permettrait d'intégrer pleinement les adaptations apportées par les modèles de règles postérieurs à l'adoption de la directive.

On peut néanmoins s'interroger sur la portée juridique exacte de ces différents considérants concernant les mesures venant aménager des mesures d'assiettes pourtant clairement établies par le texte de la directive (cf. infra).

Transposition du modèle de règles GloBE
par la directive (UE) 2022/2523

Modèle de règle

Directive (Union européenne) 2022/2523

1. Champ d'application

Chapitre I : dispositions générales

2. Redevables de l'impôt

Chapitre II : RIR et RBII

3. Calcul du Résultat GloBE

Chapitre III : Calcul du bénéfice ou de la perte admissible

4. Calcul du montant ajusté des impôts concernés

Chapitre IV : Calcul du montant ajusté des impôts concernés

5. Calcul du taux effectif d'imposition et de l'impôt complémentaire

Chapitre V : Calcul du taux effectif d'imposition et de l'impôt complémentaire

6. Restructurations d'entreprises et holdings

Chapitre VI Règles spéciales relatives à la restructuration d'entreprises et aux holdings

7. Régimes de neutralité fiscale et régimes de distribution

Chapitre VII : Neutralité fiscale et régimes de distribution

8. Administration

Chapitre VIII : Dispositions administratives

9. Règles transitoires

Chapitre IX : Règles transitoires

10. Définitions

Chapitre X : Dispositions finales.

Source : commission des finances du Sénat

2. Conciliation avec la liberté d'établissement

L'article 2 de la directive dispose que la directive « s'applique aux entités constitutives situées dans un État membre qui sont membres d'un groupe, d'une entreprise multinationale ou d'un groupe national de grande envergure dont le chiffre d'affaires annuel est égal ou supérieur à 750 millions d'euros. »

Alors que l'OCDE prévoit comme condition d'application du dispositif la présence du groupe d'entreprises dans plusieurs juridictions (1.2.1. « un Groupe d'entreprises multinationales désigne tout Groupe qui comprend une entité ou un établissement stable qui n'est pas situé dans la juridiction de l'entité mère ultime »), la directive retient une acception plus large en faisant entrer dans le champ du dispositif tous les groupes nationaux de grande envergure, soit tous les groupes dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros.

En effet, le considérant 6 de la directive indique que « pour assurer la compatibilité avec le droit primaire de l'Union, et en particulier avec le principe de la liberté d'établissement, les règles de la présente directive devraient s'appliquer tant aux entités ayant leur résidence dans un État membre qu'aux entités non résidentes appartenant à une entité mère située dans cet État membre ».

3. La possibilité du report de l'entrée en vigueur de la règle d'inclusion du revenu et de la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés dans certains États

L'article 50 de la directive prévoit une option consistant en une application différée de la RIR et de la RBII. Cet article est issu d'un compromis au Conseil pour parvenir à l'unanimité.

Ainsi, les États membres dans lesquels on dénombre jusqu'à douze entités mères ultimes de groupes de plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires « peuvent choisir de ne pas appliquer la RIR et la RBII durant six années fiscales consécutives à partir du 31 décembre 2023 », avec une obligation d'information de la Commission au plus tard le 31 décembre 2023.

Cette option ne vaut que pour l'entité mère ultime et les entités constitutives de l'État ayant exercé l'option. Les entités constitutives situées dans d'autres États « peuvent être soumises, dans l'État membre dans lequel elles sont situées, au montant de l'impôt complémentaire dû au titre de la RBII attribué à cet État membre ».

4. La directive prévoit des conditions d'évaluation d'équivalence pour la reconnaissance des règles d'inclusion du revenu

L'article 52 de la directive prévoit que le cadre juridique mis en oeuvre dans le droit interne d'une juridiction de pays tiers est considéré comme équivalent à une RIR qualifiée énoncée au chapitre II et n'est pas considéré comme un régime fiscal des sociétés étrangères contrôlées, s'il remplit les conditions suivantes :

« a) il met en oeuvre un ensemble de règles selon lesquelles l'entité mère d'un groupe d'EMN calcule et paye la part de l'impôt complémentaire qui lui est attribuable pour les entités constitutives faiblement imposées du groupe d'EMN ;

b) il établit un taux effectif minimum d'imposition d'au moins 15 % en dessous duquel une entité constitutive est considérée comme faiblement imposée ;

c) aux fins du calcul du taux effectif minimum d'imposition, il autorise uniquement la combinaison de revenus d'entités situées dans la même juridiction ;

d) et aux fins du calcul d'un impôt complémentaire au titre de la règle équivalente à une RIR qualifiée, il prévoit un allégement pour tout impôt supplémentaire payé dans un État membre en application de la RIR qualifiée et pour tout impôt national complémentaire qualifié prévu par la présente directive ».

Ces critères ont permis de poser les conditions d'une reconnaissance par l'Union européenne des dispositifs qui ne seraient pas strictement alignés sur le dispositif OCDE.

Ainsi, cet article s'inscrivant dans le contexte des travaux relatifs à la reconnaissance du « GILTI » américain, l'Union européenne a clairement pris position en posant deux conditions majeures :

- le taux mis en oeuvre dans le cadre de ce dispositif ne saurait être inférieur à 15 % ;

- les revenus des entités doivent être pris en compte juridiction par juridiction, sans possibilité de compensation entre entités constitutives d'un même groupe au sein de plusieurs juridictions.

Comme cela a été vu plus haut, le GILTI américain ne répond à aucun de ces deux critères. La réforme du dispositif GILTI voulue par le président Biden dans le cadre du plan Build Back better a néanmoins été ajournée, alors que le texte n'a pas pu être adopté au Congrès. D'ici à la réforme, les deux dispositifs devraient coexister, les textes publiés par l'OCDE permettant pour le calcul de GloBE la réaffectation aux juridictions des entités constitutives des montants payés dans le cadre du GILTI.

Comparaison des dispositifs GLoBE et GILTI

 

GloBE

GILTI (droit en vigueur)

GILTI proposé dans le cadre du plan Build Back Better

Taux

15 %

10,5 % (13,125 % à compter de 2025)

15,015 %

Modalité d'appréciation

Par juridiction

Total

Par juridiction

Base taxable

Revenu net comptable retraité

Assiette fiscale

Assiette fiscale

Déduction fondée sur la substance

10 % de la masse salariale et 8 % des actifs corporels, les deux progressivement réduits à 5 %

10 % des actifs corporels

5 % des actifs corporels

Mécanisme pour éviter la double taxation

Taxe complémentaire

Crédit d'impôt sur les impôts payés à l'étranger, à hauteur de à 80 %

Crédit d'impôt sur les impôts payés à l'étranger, à hauteur de 95 %

Exclusions

Fret maritime international

Fret maritime international et extraction de pétrole et de gaz

Fret maritime international

Source : Congressionnal Research Service, The Pillar 2 Global Minimum Tax, Implications for US Tax Policy

II. LE DROIT PROPOSÉ : UNE TRANSPOSITION DES RÈGLES INTERNATIONALES, QUI INTÈGRE SANS SURPRISE LA MISE EN oeUVRE D'UN IMPÔT NATIONAL COMPLÉMENTAIRE

A. UNE TRANSPOSITION CONCILIANT LE TEXTE DE LA DIRECTIVE ET LES COMMENTAIRES OCDE, EN PARTICULIER CONCERNANT LES RÉGIMES DE PROTECTION

1. La transposition qui intègre aux dispositions de la directive le corpus issu du cadre inclusif de l'OCDE

Le présent article propose une transposition de la directive intégrant les aménagements proposés par le cadre inclusif de l'OCDE dans ses commentaires et ses administrative guidances.

Un chapitre dédié, le chapitre II bis du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est créé : « imposition minimale mondiale des groupes d'entreprises multinationales et des groupes nationaux ».

Ce nouveau chapitre commence par un article 223 VJ, qui rappelle le principe de l'impôt minimal et les trois outils prévus pour le recouvrer : la règle d'inclusion du revenu, la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés, ou l'impôt national complémentaire (cf. infra).

Dans un format assez peu commun en droit français, l'article suivant est dédié aux différentes définitions : l'article 223 K précise la façon dont une cinquantaine de notions doivent être entendues au calcul de l'impôt minimal pour l'application du chapitre dédié.

La proposition de transposition du Gouvernement reprend ainsi jusque dans leur structure la directive et le modèle de règles OCDE.

Tableau de correspondance des articles de transposition des règles GloBE

Section

Sous-section

Articles

Articles de la directive

Articles du modèle de règles

Section I : Dispositions générales

/

223 VJ 223 VK

1 et 3

1.1 et article 10

Section II : Champ d'application et territorialité

Sous-section 1 : Champ d'application de l'imposition

223 VL à 223 VL ter

2

1.1

Sous-section 2 : territorialité

223 VM à 223 VM sexies

4

10.3

Section III : calcul du taux effectif d'imposition

Sous-section 1 : Détermination du dénominateur

 

223 VN et 223 VN bis

15

3.1

223 VO à 223 VO quaterdecies

16

3.2

223 VP à 223 VP quinquies

17

3.3

223 VQ à 223 VQ quinques

18

3.4

223 VR à 223 VR sexies

19

3.5

Sous-section 2 : Détermination du numérateur : calcul du montant corrigé des impôts couverts

223 VS à 223 VS ter

20

4.2

223 VT à 223 VT quater

21

4.1

223 VU à 223 VV quinquies

22 et 23

4.4 et 4.5

223 VW à 223 VW octies

24

4.3

223 VX à 223 VX quater

25

4.6

Sous-section 3 : Modalités de détermination du TEI

223 VY à 223 VY quater

26

5.1

223 VZ à 223 VZ octies

32

CbCR Safe Harbour

223 VZ nonies

32

RBII Safe Harbour

Section IV : Liquidation de l'impôt complémentaire

Sous-section 1 : Déduction fondée sur la substance

223 WA à 223 WA nonies

28 et 48

5.3

Sous-section 2: Détermination de l'impôt complémentaire

223 WB à 223 WB quinquies

27

5.2

Sous-section 3 : Impôt complémentaire additionnel

223 WC à 223 WC quater

29

5.4

Sous-section 4 : Option en faveur de l'exclusion de minimis

223 WD à 223 WD quater

30

5.5

Sous-section 5 : Entités constitutives à détention minoritaire

223 WE à 223 WE ter

31

5.6

Section V : Modalités de collecte de l'impôt complémentaire

Sous-section 1 : Impôt national complémentaire qualifié

223 WF

11

10.1

Sous-section 2 : Règles d'inclusion du revenu qualifiée

223 WG

5 à 8

2.1

223 WH à 223 WH ter

9

2.2.1

223 WI

10

2.3

Sous-section 3 : RBII

223 WJ à 223 WK quater

12 à 14

2.4 à 2.6

Section VI : Règles relatives à l'organisation du groupe et aux restructurations

Sous-section 1 : application du seuil de chiffre d'affaires consolidé aux fusions et scissions de groupes

223 WL à 223 WL quater

33

6.1

Sous-section 2 : Entrées et sorties d'entités constitutives au sein d'un groupe d'entreprises multinationales

223 WM et 223 WM bis

34

6.2

Sous-section 3 : Transferts d'actifs et de passifs

223 WN à 223 WN quinquies

35

6.3

Sous-section 4 : Coentreprises

223 WO à 223 WO quater

36

6.4

Sous-section 5 : Groupes d'entreprises multinationales à entités mères multiples

223 WP à 223 WP septies

37

6.5

Section VII : Disposition particulières

Sous-section 1 : Régimes de neutralité fiscale

223 WQ et 223 WQ bis

38

7.1

Sous-section 2 : Régimes de dividendes déductibles

223 WR et 223 WR bis

39

7.2

Sous-section 3 : Régimes éligibles d'imposition des distributions

223 WS à 223 WS septies

40

7.3

Sous-section 4 : Entités d'investissement et entités d'investissement d'assurance

223 WT à 223 WT quinquies

41

7.4

223 WU à 22 WU ter

42

7.5

223 WV à 223 WV quinquies

43

7.6

Section VIII : Obligations déclaratives

/

223 WW et 223 WW bis

44 et 51

8.1

Section IX : Règles transitoires

/

 

223 WX à 223 WX ter

47

9.1

223 WY et 223 WY bis

49

9.3

Source : commission des finances de l'Assemblée nationale, d'après l'évaluation préalable du présent article

2. La prise en compte des documents publiés par l'OCDE postérieurement à l'adoption de la directive

a) Un régime de Safe Harbour transitoire fondé sur les données du reporting pays par pays

Le régime de Safe Harbour transitoire fondé sur les informations du reporting pays par pays permet, pour les exercices ouverts jusqu'au 31 décembre 2026, d'écarter l'application de l'impôt complémentaire dans certaines conditions.

Cette mesure transitoire, réclamée par les entreprises, leur permet d'éviter d'effectuer des calculs détaillés de GloBE pour une juridiction dès lors qu'elle peut démontrer, sur la base de son CbCR « qualifiant » :

- qu'elle dispose d'un revenu en dessous du seuil de minimis (le test de minimis) ;

- ou que son taux d'imposition effectif (TEI) est égal ou supérieur au taux minimum d'imposition transitoire (le test du TEI simplifié) ;

- ou qu'elle ne dispose pas de bénéfices excédentaires après exclusion de la déduction fondée sur la substance (le test des bénéfices de routine).

Ainsi, en application de l'article 223 VZ bis dans la rédaction proposée au présent article, l'impôt complémentaire n'est pas dû lorsque :

a) « la somme des chiffres d'affaires des entités constitutives situées dans l'État ou territoire reportés dans la déclaration définie à l'article 223 VZ est inférieure à dix millions d'euros et la somme des bénéfices et des pertes de ces entités avant impôt sur les bénéfices reportés dans cette même déclaration est négative ou inférieure à un million d'euros » ;

b) « le taux effectif d'imposition simplifié de l'ensemble de ces entités constitutives situées dans l'État ou le territoire est égal ou supérieur au taux minimum d'imposition transitoire. [...] Le taux minimum d'imposition transitoire est fixé à 15 % pour les exercices ouverts du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2024, à 16 % pour les exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2025 et à 17 % pour les exercices ouverts du 1er janvier au 31 décembre 2026. » Ce seuil est apprécié, en application de l'article 223 VZ, au regard des obligations de reporting pays par pays ;

c) « la somme des bénéfices et des pertes des entités constitutives avant impôt sur les bénéfices reportés dans la déclaration définie à l'article 223 VZ est inférieure au montant de la déduction fondée sur la substance de ces mêmes entités ».

Ce dispositif de Safe Harbour est conçu pour fournir un allégement transitoire aux entreprises multinationales pendant les premières années de mise en oeuvre des règles de GloBE. Il utilise des informations déjà signalées dans les rapports pays par pays pour fournir une évaluation de haut niveau de la conformité à certaines conditions.

b) La prise en compte du régime de Safe Harbour sur les bénéfices insuffisamment imposés

L'article 223 VZ nonies prévoit que l'impôt complémentaire dans le cadre de la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés est réputé nul au titre des exercices ouverts jusqu'au 31 décembre 2025 et clos avant le 31 décembre 2026 lorsque la législation de l'État ou territoire concerné prévoit l'application d'un taux normal d'impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés au moins égal à 20 %.

Ce dispositif écarte donc à court terme l'application de la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés pour les entités constitutives localisées aux États-Unis.

c) Plus largement, les aménagements apportés par l'OCDE jusqu'au 2 février 2023 non contenus dans le texte de la directive ont été pris en compte

Comme indiqué par le Gouvernement en réponse au questionnaire du rapporteur général, « l'article 4 du projet de de finances pour 2024 tient compte des précisions apportées par l'OCDE jusqu'en février 2023. Les instructions publiées à cette date, en l'occurrence celles du 17 juillet 2023, ne sont pas intégrées au projet de loi (à l'exception du Safe Harbour relatif à la règle des bénéfices insuffisamment imposés) ».

Les différentes sources juridiques OCDE pour la mise en oeuvre du pilier 2

Les règles déterminées au sein de l'OCDE ont trouvé leur traduction au sein de différents documents :

- le modèle de règles du 20 décembre 2021 ;

- les commentaires publiés le 14 mars 2022 ;

- le régime de protection et d'allègement des sanctions du 20 décembre 2022 ;

- les administrative guidances du 2 février 2023 ;

- les administrative guidances du 17 juillet 2023 ;

- le GloBE information Return (GIR - la déclaration d'information) du 17 juillet 2023.

D'autres règles sont également attendues et porteront également sur des règles d'assiette. Elles concerneront notamment :

- le régime de protection permanent (calcul simplifié du taux effectif d'imposition dans certaines conditions) ;

- les abandons de créance dans le cas de la libéation de fonds propres restreints pour les compagnies d'assurances ;

- le transfert d'actifs ou de passifs d'impôts différés ;

- l'attribution des bénéfices et impôts dans le cas des entités hybrides inversées ;

- l'option relative à une méthode de distribution imposable dans le cas des rachats de fonds.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général

B. LES MARGES DE TRANSPOSITION

1. La mise en place d'un impôt national complémentaire, calqué sur les règles européennes et internationales de la règle d'inclusion du revenu, était facultative

La directive et le modèle de règles OCDE laissent le choix aux États membres de l'Union européenne d'instaurer un impôt national complémentaire.

Le texte proposé par le Gouvernement met donc en place, à l'article 223 WF, un tel impôt, dont les critères sont alignés avec l'impôt complémentaire dû au titre de la règle d'inclusion du revenu. L'article proposé renvoie donc aux règles de détermination de la RIR. La mise en place de cet impôt permet que chacune des entités constitutives imposables en France soient imposée au taux minimal en France pour les bénéfices qu'elle y réalise. Ce dispositif évite que la base fiscale imposable au taux minimal ne fasse l'objet d'une imposition à l'étranger.

L'application des règles d'assiette de la RIR permet notamment un traitement favorable des crédits d'impôts dits « qualifiés » (cf. supra), ainsi que l'application de la déduction fondée sur la substance économique.

Conformément aux dispositions de l'article 11 de la directive (UE) 2022/2523, il est prévu à ce même article 223 WF que « le bénéfice excédentaire peut être calculé à partir du résultat net comptable déterminé selon les principes comptables français, prévu par le règlement de l'Autorité des normes comptables, ou selon les normes comptables internationales, en lieu et place de la norme de comptabilisé financière utilisée pour l'établissement des états financiers de l'entité mère ultime ».

2. Les précisions et choix de transposition

a) Le paiement de la RBII

Le modèle de règle OCDE (2.4.1.) prévoit que, pour le paiement de la RBII, les entités constitutives « se voient refuser la déductibilité d'une charge (ou se voient tenues de procéder à un ajustement équivalent en application du droit interne) pour un montant tel que ces entités constitutives supportent une charge d'impôt supplémentaire sous la forme d'une sortie de trésorerie égale au montant de l'impôt complémentaire pour la RPII attribué à cette juridiction ». La directive, à l'article 12, prévoit que l'ajustement « peut prendre la forme d'un impôt complémentaire dû par ces entités constitutives ou d'un refus de déduction du revenu imposable de ces entités constitutives, qui entraîne une charge fiscale nécessaire pour percevoir le montant de l'impôt complémentaire au titre de la RBII attribué à cet État membre ».

Le Gouvernement fait le choix de prélever un impôt complémentaire spécifique, sans recourir à un refus de déduction, ce qui constituerait « la solution la plus simple à mettre en oeuvre, et permet d'éviter d'éventuels conflits avec certaines règles fiscales nationales, qui visent déjà à refuser la déductibilité de certaines charges ».

En application de l'article 1679 decies du CGI, dans sa rédaction proposée au présent article, l'entité constitutive redevable devra acquitter le montant de l'impôt complémentaire au titre de la RBII de la même façon que pour la RIR et l'impôt complémentaire national, à savoir par télérèglement à l'appui du relevé de liquidation prévu à l'article 223 WW du CGI, créé par le présent article.

L'article 1679 undecies prévoit que l'impôt complémentaire est recouvré et contrôlé « selon les mêmes procédures, et sous les mêmes garanties, sanctions, sûretés et privilèges que l'impôt sur les sociétés. En matière d'assiette, les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt ».

b) La définition du niveau des sanctions et du droit de reprise de l'administration

L'article 1729 F bis, créé par le présent article prévoit des amendes d'un montant de :

- 100 000 euros en cas de défaut de souscription ou de retard dans le dépôt de la déclaration d'informations ou du relevé de liquidation prévus à l'article 223 WW ;

- d'un montant de 50 000 euros au total par déclaration pour les autres manquements ;

- le montant des amendes forfaitaires pour un même groupe ne peuvent dépasser un total d'un million d'euros.

Enfin, le présent article crée un article L. 172 I dans le livre des procédures fiscales pour prévoir un droit de reprise de l'administration fiscale « qui s'exerce jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ». Ce délai de reprise, plus long que pour l'impôt sur les sociétés254(*), se justifie par la complexité de la mise en oeuvre de cet impôt et la nécessaire coordination avec les administrations fiscales des autres États.

3. Une habilitation du Gouvernement qui n'intègre pas les règles d'assiette

Le III du présent article prévoit l'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance, « dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de préciser et de compléter toute disposition relative à la déclaration, au recouvrement, au contrôle et aux sanctions des impôts complémentaires dus au titre de la règle d'inclusion du revenu, de la règle des bénéfices insuffisamment imposés et de l'impôt national complémentaire tels qu'ils résultent de la présente loi ».

Il est à noter que l'habilitation n'intègre pas les règles d'assiette, alors que l'article n'intègre pas certaines dispositions d'assiette contenues dans les dernières instructions OCDE, dont, en particulier :

- les règles de conversion de devises ;

- le régime de simplification relatif à l'impôt national complémentaire qualifié255(*) ;

- les instructions relatives aux crédits d'impôt transférables négociables ;

- les instructions relatives à la déduction fondée sur la substance concernant notamment les actifs et employés mobiles.

D'après les informations transmises au rapporteur par le Gouvernement, « ces éléments auront vocation, selon le niveau de norme requis en droit interne, à être intégrés dans un prochain véhicule législatif ou, lorsqu'ils relèvent de la précision technique, dans la doctrine administrative. [...] Le Gouvernement n'entend en revanche pas recourir à l'ordonnance prévue à l'article 4 du projet de loi de finances pour 2024 pour procéder à la transposition de règles d'assiette ».256(*)

Plus largement, les futures instructions administratives de l'OCDE devraient concerner plusieurs sujets d'assiette majeurs (cf. encadré supra). Le Gouvernement devrait donc recourir aux prochains projets de loi de finances pour intégrer ces évolutions, ce qui est bien plus satisfaisant qu'une habilitation générale.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le Gouvernement a retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, dix amendements rédactionnels du Rapporteur général Jean-René Cazeneuve.

Le Gouvernement a également retenu trois amendements identiques de nos collègues députés Mathieu Lefèvre, Lise Magnier et Perrine Goulet, visant à ce que le Gouvernement remette au Parlement, en amont du projet de loi de finances pour 2025, un rapport relatif à la mise en oeuvre de l'imposition minimale internationale des personnes physiques.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION : LE TAUX MINIMUM MONDIAL, UNE AVANCÉE INCONTESTABLE

A. UNE AVANCÉE MONDIALE DANS LA LUTTE CONTRE LA LOCALISATION ARTIFICIELLE DES BÉNÉFICES DANS DES PARADIS FISCAUX

1. Une avancée majeure, qui devrait limiter très sérieusement la capacité des entreprises à localiser leurs profits dans des juridictions à faible fiscalité

Comme l'a relevé Pascal Saint Amans, ancien directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, lors de son audition par le rapporteur général, : « le pilier 2 met [...] en place un vrai filet de sécurité pour lutter contre la délocalisation des profits dans des juridictions privilégiées ».

Les règles du pilier 2 constituent une avancée sans précédent dans l'histoire de la fiscalité internationale, garantissant un niveau minimal d'imposition des bénéfices des entreprises, en fonction d'une assiette homogène entre les États.

Les règles retenues dans le cadre de l'accord final permettent de définir un plancher à la concurrence fiscale internationale (level playing field) et pourrait surtout mettre fin aux stratégies les plus agressives de localisation des bénéfices dans des paradis fiscaux.

Avec la mise en oeuvre du pilier 2, les entreprises visées ne pourront plus localiser artificiellement leurs bénéfices dans des États à (très) faible fiscalité. Ces juridictions devraient être contraintes, à court ou moyen terme, de revoir leur politique de taux d'imposition, à l'image de l'Irlande, où le taux d'imposition a été relevé à 15 % dans le contexte des négociations internationales sur le pilier 2.

En effet, l'un des principaux mérites du dispositif d'impôt complémentaire est de relier de façon systématique la substance économique des entreprises, matérialisée par les actifs corporels et la masse salariale, et le niveau réel d'imposition. Avec l'entrée en vigueur du pilier 2, il ne sera plus possible de bénéficier de taux réduit d'impôt sur les bénéfices dans des juridictions dans lesquelles les groupes multinationaux ne disposent pas d'une présence économique réelle.

Si les États pourront toujours imposer leurs entreprises à des niveaux inférieurs à 15 %, ils ne pourront le faire que pour les entreprises qui disposent d'une activité économique réelle.

En effet, la déduction fondée sur la substance a été négociée par plusieurs États souhaitant conserver la fiscalité comme levier d'attractivité pour l'implantation d'activités. Telle a été, notamment, la position de certains États de l'est de l'Europe dans les négociations. Les règles du pilier 2 permettent aux juridictions de mettre en oeuvre une imposition très faible dès lors qu'elle résulte d'activité économique « physique ». Pour encourager à l'implantation de structures physiques (usines, centres de services, etc.), les États pourront toujours proposer une fiscalité avantageuse.

Exemple simplifié
pour l'installation d'une activité physique dans un territoire à faible fiscalité ayant mis en oeuvre l'impôt complémentaire national

 

Implantation d'une activité physique

Résultat GloBE avant déduction

200

Impôts payés au titre de l'imposition des résultats (ex. IS, CSB etc.)

1

Impôt dû en application du taux minimal de 15 %

30

Taux effectif d'imposition

0,5 %

Pourcentage d'impôt complémentaire dû

15 - 0,5 = 14,5 %

Actifs corporels

1 000

Masse salariale

1 000

Valeur de la déduction fondée sur la substance 2023

1 000 x 10 %
+ 1 000 x 8 %
180

Valeur de la déduction fondée sur la substance 2033

1 000 x 5 %
+ 1 000 x 5 %
100

Bénéfices excédentaires de la juridiction 2023

200 - 180 = 20

Bénéfices excédentaires de la juridiction 2033

200 - 100 = 100

Impôt complémentaire national (2023)

20 x 14,5 % = 2,9

Soit un impôt / résultat

1,95 %

Impôt complémentaire national (à partir de 2033)

100 x 14,5 % = 14,5

Soit un impôt / résultat

7,25 %

Source : commission des finances

2. Une mise en oeuvre qui devrait être cohérente au niveau mondial

Source : Carte de suivi de la mise en oeuvre du pilier 2, OECDpillars.com

Si l'entrée en vigueur complète du pilier 2 a pu être retardée par rapport au calendrier initial257(*), l'entrée en vigueur dans les principales juridictions du pilier 2 (hors États-Unis et Chine) semble aujourd'hui garantie. Les membres du G7 hors États-Unis258(*) devraient ainsi tous mettre en oeuvre le pilier 2.

Si la Chine ne mettra pas en oeuvre dans l'immédiat d'impôt minimal sur son territoire, elle devrait néanmoins accepter que les autres États le mettent en place et collaborer au système.

Enfin, le GILTI américain, sans être aligné sur les règles GloBE, n'en constitue pas moins un dispositif analogue, ce qui a eu le mérite de permettre la mise en oeuvre du pilier 2.

B. DES RECETTES SUPPLÉMENTAIRES DIFFICILES À ÉVALUER

1. Des évaluations variables des recettes fiscales

D'après l'évaluation préalable, le critère du seuil de chiffre d'affaires de 750 millions d'euros conduit à considérer que « 574 redevables de l'impôt sur les sociétés se trouveraient dans le champ d'application du pilier 2 », mais que la prise en compte du niveau réel d'imposition et de la déduction foncée sur la substance conduirait à n'imposer que 42 redevables.

Les recettes attendues par le Gouvernement seraient par conséquent de l'ordre de 1,5 milliard d'euros à horizon 2026. Cette évaluation repose notamment sur l'hypothèse de l'instauration concomitante dans les autres juridictions d'un impôt complémentaire national : la seule recette prise en compte pour évaluer les recettes de l'article 4 serait celle de l'impôt complémentaire national français, aucune entrée fiscale associée à la règle d'inclusion du revenu ne serait prévue. Il semble que cette hypothèse soit en partie contestable, alors qu'il n'est pas certain que l'ensemble des paradis fiscaux mette immédiatement en oeuvre un impôt minimal complémentaire259(*) et que la règle d'inclusion du revenu pourrait, au moins à court terme, générer des recettes.

Par ailleurs, le choix du Gouvernement de ne retenir dans le chiffrage qu'il propose que les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros constitue une hypothèse de calcul très forte, excluant le très grand nombre de groupes multinationaux qui dépassent ce seuil du fait de leurs activités à l'étranger. On peut s'étonner de ce choix méthodologique, alors que les groupes qui dépassent le seuil de chiffre d'affaires sont connus de l'administration fiscale, dans le cadre du reporting pays par pays qui s'applique selon le même critère.

Ainsi, le rapporteur général déplore que les efforts de chiffrage du Gouvernement aient été aussi limités : au regard de l'ampleur de la réforme, une meilleure identification des contribuables et du niveau de l'impôt complémentaire aurait permis d'apprécier plus précisément ses conséquences pour les contribuables et pour les recettes publiques.

Dans l'ensemble, les revenus générés par les trois dispositifs (RIR, RBII et impôt national complémentaire) pour les différents États restent très incertains.

Le chiffrage global du surplus d'imposition qui pourrait en résulter varie entre 150 milliards d'euros, d'après l'OCDE, et 80 milliards d'euros, d'après l'observatoire européen de la fiscalité260(*). Ce dernier évalue également le bénéfice potentiel du pilier 2 à 4 milliards d'euros pour la France, tandis que le Conseil d'analyse économique évaluait en juin 2021 ce même bénéfice à 6 milliards d'euros dans un premier temps, puis, après adaptation des États et des entreprises, à 2 milliards d'euros261(*). Cette évaluation semble rejoindre, à un demi-milliard d'euros près, l'évaluation proposée par l'évaluation préalable du projet de loi de finances.

Ces évaluations, fondées sur des modèles principalement statiques, ne sont pas en mesure de prévoir avec précision les adaptations des États, qui peuvent faire le choix de mettre en place des impôts nationaux complémentaires ou non, ou des entreprises, qui pourraient adopter de nouvelles stratégies de localisation d'activités et de revenus. Le dispositif de l'accord OCDE est particulièrement incitatif à la mise en place d'impôts nationaux complémentaires, de même que ce qui est prévu pour le France.

2. Des recettes supplémentaires limitées par les règles d'assiette

Alors que le taux normal d'imposition des bénéfices des entreprises en France est de 25 %, que nombre d'entre elles disposent d'une substance économique réelle, la charge d'impôt complémentaire supportée par les entreprises en France devrait être relativement limitée.

D'après les données transmises par le Gouvernement, sur les 1,5 milliard d'euros entrées fiscales attendues du dispositif, près de 70 % de cette somme serait imputable à 6 entreprises seulement. Les 20 premières entreprises redevables seraient à l'origine de 95 % des entrées fiscales attendues.

D'après le sondage réalisé par l'Association française des entreprises privées (Afep) le montant médian de l'impôt des entreprises redevables se situerait autour de 3,2 millions d'euros, soit un niveau relativement limité au regard de la charge d'impôt sur les sociétés qu'elles supportent. Ainsi, il a pu être considéré que le pilier 2 était, pour nombre d'entreprises « un enjeu de conformité avant d'être un enjeu financier ».

La règle de prise en compte des crédits d'impôt explique en partie des montants relativement limités. Ainsi, une entreprise qui bénéficierait du crédit d'impôt recherche (CIR) ou d'un autre crédit d'impôt « qualifié » la conduisant à bénéficier d'un taux d'imposition effectif inférieur à 15 % en France n'entrerait pas directement dans le champ des règles d'impôt minimum du fait de la comptabilisation de ces crédits d'impôt comme des subventions et non des minorations de l'impôt payé par l'entreprise, ce qu'elles sont pourtant pour l'essentiel.

 

Entreprise

Résultat

100

Crédit d'impôt « qualifié »

15

Impôt sur les bénéfices
(après décompte du crédit d'impôt)

5

Résultat de référence pour GLoBE

115

Impôts concernés pour GLoBE

20

Taux effectif d'imposition au sens des règles GLoBE

20/ (100 + 15) = 17,4 %

Source : commission des finances du Sénat

D'après les informations transmises au rapporteur général, en 2019, un peu plus de 43 % des entreprises de taille intermédiaires et 45 % des grandes entreprises payaient moins de 15 % d'impôt sur les bénéfices (avant reports de déficits), soit une part très éloignée de celle des entreprises qui devraient être redevables de l'impôt minimal.

Des simulations réalisées par la commission des finances du Sénat viennent confirmer l'importance de l'effet du crédit d'impôt et de la déduction fondée sur la substance sur les recettes attendues du nouvel impôt minimal.

Ces estimations ont été réalisées à partir des bases de données des liasses fiscales 2019 des entreprises. Il ressort que la « qualification » du CIR pourrait avoir un effet important : les 100 entreprises bénéficiant du montant le plus important de CIR relativement à leur impôt sur les sociétés paient environ 30 millions d'euros d'impôt net sur les sociétés. Sans tenir compte du traitement favorable des crédits d'impôt, pour ces entreprises, le résultat GLoBE est en moyenne de 210 millions d'euros, soit une imposition de 14 %.

Or, ces entreprises perçoivent en moyenne 28 millions d'euros de CIR, soit un impôt brut hors CIR de 58 millions d'euros. L'impôt au sens de GloBE262(*) est donc de 58 millions d'euros et l'assiette GloBE de 238 millions d'euros. Le TEI moyen de ces entreprises passe ainsi à 24 %. En résumé, la « qualification » du CIR permet, en moyenne sur ces entreprises, de faire passer le TEI moyen de 14 % à 24 %, soit très largement au-dessus du seuil minimal de 15 %. La règle de qualification du crédit d'impôt devrait ainsi conduire un nombre important d'entreprises à ne pas être redevables de ce nouvel impôt.

Par ailleurs, la déduction fondée sur la substance limite également assez largement les recettes à attendre de cet impôt minimal. En effet, les simulations de la commission des finances du Sénat montrent que sur les entreprises réalisant un chiffre d'affaires en France supérieur à 750 millions d'euros et ayant un TEI inférieur au seuil minimal de 15 %, la déduction sur la substance est en moyenne de 47 millions d'euros pour un résultat de 185 millions d'euros, soit une baisse de plus de 25 % du montant de l'assiette sur laquelle est calculé l'impôt. De plus, pour plus de 50 % d'entre elles, cette déduction est supérieure au revenu GloBE, et en effaçant le bénéfice excédentaire, vient annuler l'impôt complémentaire dû.

Ces estimations, qui se basent sur des données de 2019 et qui ne répliquent pas complètement les règles GloBE, doivent être prises avec prudence. Elles tendent malgré tout à montrer que les règles d'assiette relatives aux crédits d'impôt et à la déduction fondée sur la substance diminuent largement l'assiette de ce nouvel impôt.

C. UN ÉDIFICE JURIDIQUE BAROQUE, AVEC DES RISQUES IMPORTANTS PESANT SUR SA MISE EN oeUVRE

1. Des dispositions « manifestement incompatibles » avec la directive que le présent article a pour objet de transposer

a) La non-conformité de certaines dispositions de l'article avec la directive qu'il a pour objet de transposer est manifeste

Le choix de procéder à la transposition des accords OCDE/G20 sur le pilier 2 par voie de directive européenne pourrait poser d'importantes difficultés, dès lors que le dispositif de la directive ne fait qu'une allusion très limitée aux travaux de l'OCDE : cette transposition conduit à graver dans le marbre d'une directive adoptée à l'unanimité du Conseil un texte qui a pourtant vocation à être adapté et à évoluer pour tenir compte des modèles de règles et des instructions administratives de l'OCDE.

Le Gouvernement transpose en effet, au sein du présent article, un certain nombre de dispositifs contenus dans les modèles et commentaires OCDE mais qui ne sont pas prévus par la directive et conduisent à en modifier parfois substantiellement la portée.

Si, comme évoqué plus haut, la directive se réfère bien, à l'occasion des différents considérants263(*), aux travaux de l'OCDE et au modèle de règles, cette référence, dénotant « l'intention du législateur » ne peut pas être invoquée à l'encontre de la lettre de la directive, au moins en l'état du droit de l'Union européenne.

La jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne est très claire sur le sujet, le préambule d'un acte de l'Union « n'a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué ni pour déroger aux dispositions mêmes de l'acte concerné ni pour interpréter ces dispositions dans un sens manifestement contraire à leur libellé »264(*). Quand bien même il y a peu de doutes265(*) sur l'intention du législateur européen de s'inscrire dans le cadre des travaux de l'OCDE, et qu'il serait dès lors raisonnable de transposer les règles du cadre inclusif de l'OCDE : les dispositions des lois nationales de transposition ne sauraient aller manifestement à l'encontre des dispositions de la directive, et ce quelle que soit l'intention du législateur.

La déclaration du Conseil du 9 novembre 2023266(*), appuyée par une déclaration de la Commission européenne, devrait avoir peu d'incidence sur cette problématique. En effet, si le Conseil est bien l'organe compétent au titre de l'article 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, pour adopter une directive à l'unanimité sur ce sujet, il n'en demeure pas moins que pour avoir la valeur d'une directive, les actes qui en sont issus doivent respecter la procédure législative prévue par le droit de l'Union européenne, à laquelle sont associées des garanties incontournables, et notamment l'avis du Parlement européen. Les déclarations du Conseil et de la Commission éclairent assurément l'intention du législateur mais celle-ci n'est, encore une fois, pas en cause dans ce conflit de normes.

Déclaration du Conseil du 9 novembre 2023

Dans cette déclaration, le Conseil :

« - salue et soutient l'accord conclu par le Cadre inclusif sur les clarifications concernant l'application du deuxième pilier contenues dans les orientations administratives approuvées par le Cadre inclusif en décembre 2022, en février 2023 et en juillet 2023 - y compris la règle transitoire relative aux bénéfices sous-imposés et les Safe Harbours relatifs au complément d'impôt minimum national qualifié, les nouvelles orientations sur les crédits d'impôt transférables, ainsi que les Safe Harbours transitoires relatifs à la déclaration pays par pays et la déclaration d'information GloBE ; 

- prend note de la déclaration de la Commission européenne et se félicite, en particulier, de son point de vue selon lequel les orientations administratives approuvées par le Cadre inclusif en décembre 2022, février 2023 et juillet 2023 sont compatibles avec la directive du deuxième pilier ;

- reconnaît la nécessité d'assurer la cohérence avec les documents susmentionnés lors de l'application la directive sur le deuxième pilier par les États membres afin d'éviter le non-alignement ou l'applicabilité de normes divergentes ;

- rappelle que les considérants de la directive relative au pilier 2 font référence à l'utilisation des orientations élaborées par le cadre inclusif comme source d'illustration ou de référence, et note l'intention des États membres de l'UE de suivre ces orientations lors de la transposition de la directive dans leur droit national afin d'éviter les divergences et les incohérences dans l'interprétation des dispositions de cette directive.. »

Source : déclaration du Conseil du 9 novembre 2023267(*)

Ainsi, l'ensemble des ajustements repris par le présent article qui intègrent les aménagements proposés par l'OCDE et qui ne sont pas strictement conformes au texte de la directive pourront être considérés comme non conforme au droit de l'Union européenne au regard de la jurisprudence de la CJUE. On peut dès lors s'étonner du déni dont fait preuve le Gouvernement sur le sujet en considérant que « le risque que la directive puisse faire écran entre les textes adoptés au niveau de l'OCDE et le droit national ne paraît pas constitué ».268(*) Au moins, le directeur de la législation fiscale, M. Laurent Martel, lors de la soirée annuelle de l'International fiscal association (IFA) a reconnu que l'édifice juridique du pilier 2 « posait une question de hiérarchie des normes ».

Au regard de la complexité du dispositif et des incertitudes qui pèsent sur sa mise en oeuvre, le rapporteur général considère que l'on se serait bien passé d'une telle incertitude et s'étonne que le texte adopté au niveau européen n'intègre pas dans son dispositif - et non uniquement dans ses considérants - de référence aux travaux de l'OCDE269(*). Ce texte, examiné sous présidence française à l'occasion de plusieurs réunions du Conseil, aurait dû intégrer ces dispositions.

Liste des dispositifs issus des travaux de l'OCDE
et qui ne sont pas strictement conformes au texte de la directive

Article 223 VO - aménagements du régime des dividendes exclus ;

Article 223 VO, 223 VO bis et 223 VO septies - aménagement relatif aux charges et aux obligations de fonds propres des entreprises d'assurance ;

Article 223 VO duodecies - prise en compte des abandons de créances ;

Article 223 VO terdecies - traitement des dividendes issus de titres de portefeuille dont la détention est supérieure à un an ;

Article 223 VO quaterdecies - traitement des pertes et gains au titre des instruments de couverture de risque de change ;

Article 223 VT quater - imputation sur des exercices ultérieurs de l'impôt complémentaire ;

Article 223 VU octies - inclusion dans le montant total de la correction pour impôt différé de la charge d'impôt différé afférente à un crédit d'impôt accordé à une entité constitutive à raison des impôts acquittés dans un autre État ou territoire ;

Article 223 VY quater - report du bénéfice qualifié net et du montant d'impôt corrigé des impôts concernés négatifs ;

Article 223 VZ nonies - Safe harbour transitoire lorsque le taux normal d'imposition dans une juridiction est au moins égal à 20 % (puisqu'à la différence de ce que prévoie l'article 32 de la directive, il vise le taux de la juridiction et non le niveau d'imposition effectif des entités constitutives, ce qui permettrait de valider le Safe Harbour CBCR au regard du droit de l'Union européenne) ;

Article 223 WX bis - le taux effectif d'imposition dans un État ou territoire au titre d'un exercice de transition et des exercices ultérieurs, prend en compte les actifs et passifs d'impôts différés relatifs aux crédits d'impôts qui figurent dans les états financiers des entités constitutives à l'ouverture de l'exercice de transition ;

Article 223 WX ter - prise en compte d'un actif d'impôt différé attribuable au résultat de cession, si l'entité a acquitté un montant d'impôt au titre de ce résultat de cession ;

Article 223 WT à 223 WT quinquies et 223 WV à 223 WV quinquies - extension des modalités de détermination de l'impôt complémentaire applicable aux entités d'investissement aux entités d'investissement d'assurance.

Source : commission des finances du Sénat.

Pour résoudre ce conflit de normes, seule deux solutions peuvent être considérées :

- la première serait de modifier la directive pour intégrer une référence explicite aux travaux de l'OCDE et sécuriser ainsi l'ensemble du dispositif. De cette façon, le risque que la directive ne fasse écran serait effectivement écarté ;

- la seconde serait que la Cour de justice de l'Union européenne se prononce sur cette question et fasse évoluer sa jurisprudence pour tenir compte de l'intention du législateur. En effet, l'édifice du pilier 2 présente une situation limite : écarter l'intention du législateur reviendrait à donner à la directive une portée quasi-contraire à celle qui était initialement souhaitée par le Conseil. Néanmoins, si la CJUE maintenait sa jurisprudence, une telle appréciation contraindrait le Conseil à modifier le dispositif de la directive.

b) La constitutionnalité des dispositions manifestement contraires à la directive est loin d'être garantie

La jurisprudence constante du Conseil constitutionnel établit qu'il « ne saurait [...] déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer »270(*) (CC, droit d'auteur, 2006).

Il semble qu'au regard de la jurisprudence de la CJUE, les dispositions introduites dans le présent article qui, pour intégrer les règles du cadre inclusif, sont contraires au texte de la directive, pourraient très bien répondre à cette définition.

Pour écarter le grief d'une incompatibilité manifeste, le Conseil constitutionnel devrait vraisemblablement ou bien écarter la jurisprudence claire de la CJUE, ou bien se substituer à elle, pour considérer qu'eu égard à l'intention du législateur européen, l'incompatibilité n'est pas manifeste et une évolution de la jurisprudence de la CJUE pourrait intervenir.

Une troisième voie pourrait également être recherchée : en effet, le Conseil constitutionnel peut saisir directement la CJUE par voie de question préjudicielle. Il l'a déjà fait dans une décision sur une question prioritaire de constitutionnalité (CC, Jeremy F. 2013271(*)). Les délais dont dispose le Conseil constitutionnel pour examiner le projet de loi de finances pourraient néanmoins faire obstacle à une telle saisine.

2. Des risques de contournement par les États, dont la portée est encore difficile à évaluer

Les conditions de mise en oeuvre du dispositif par les différents États sont à ce stade encore assez incertaines. On peut notamment craindre que certains États ne recourent à des subventions ou à des crédits d'impôts pour contourner la mise en oeuvre « normale » du dispositif.

En effet, le jeu des numérateurs et dénominateurs peut permettre de contourner l'objectif des règles GloBE, tout en répondant à leur lettre.

Exemple de contournement possible des règles OCDE

Entreprise Alpha

Impôt nul

Mise en oeuvre théorique des règles OCDE

Contournement éventuel

Bénéfice

100

100

115

dont subvention

0

0

15

Impôt

0

15

17,5

Solde pour la société

0

- 15

- 2,5

Taux effectif au sens des règles OCDE

0 %

15 %

15 %

Source : commission des finances du Sénat

Par conséquent, il conviendra d'être particulièrement attentif aux conditions concrètes de mise en oeuvre des règles OCDE, notamment dans le cadre de l'évaluation par les pairs.

Il conviendra néanmoins de noter, dans la lignée de l'analyse qu'en a faite Pascal Saint Amans, que l'économie politique d'une subvention n'est pas la même que celle d'un taux d'imposition faible : un tel dispositif est plus « visible » et il est différent qu'une entreprise multinationale bénéficie d'un taux d'impôt réduit et qu'elle bénéficie de subventions directes de l'État. Par ailleurs, les plus petites juridictions n'auront pas forcément les moyens de mettre en oeuvre des crédits d'impôt sur des montants aussi importants.

Il conviendra d'être particulièrement attentif à des juridictions comme les Émirats Arabes Unis, la Suisse ou encore Singapour, qui sont parmi les juridictions dans lesquelles les règles GLoBE devraient avoir le plus d'incidence et qui ont les moyens de subventionner massivement leurs entreprises.

3. Des difficultés dans la mise en oeuvre opérationnelle

La mise en oeuvre du dispositif suppose enfin, tant du côté des entreprises que des administrations, la mise en oeuvre de règles d'une complexité sans précédent et l'analyse d'un très grand nombre de données.

Du côté des entreprises, les coûts de conformité risquent d'être très élevés, en particulier pour les structures situées au niveau du seuil de chiffre d'affaires. Si des simplifications bienvenues sont intervenues dans le cadre des Safe harbour, la question des régimes de protection permanents, qui devrait bientôt être tranchée par l'OCDE, devra pleinement intégrer les difficultés opérationnelles pour les entreprises.

De même, l'administration fiscale devra dédier des effectifs à ce nouveau dispositif, ce qui, au regard de sa complexité, est une gageure. Ces effectifs devront être formés à ce dispositif et être opérationnels d'ici 2025. Interrogé à ce sujet, le ministère n'a pas apporté de réponse au rapporteur général.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte

Le présent article prévoit la création d'un crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV).

La création du C3IV avait été annoncée lors de la présentation du projet de loi « Industrie verte ». Elle est permise par l'adoption par la Commission européenne, le 9 mars 2023, de l'« Encadrement temporaire de crise et de transition pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine ». Le présent article consiste ainsi très largement à reproduire les critères et modalités des aides déterminées à l'échelle européenne.

Le C3IV a vocation à s'appliquer à des dépenses réalisées en vue de la production ou de l'acquisition de certains actifs corporels ou incorporels engagés par les entreprises en vue d'augmenter leurs capacités de production dans quatre filières identifiées, à savoir les batteries, les panneaux photovoltaïques, les éoliennes et les pompes à chaleurs.

Le bénéfice du C3IV, dont le taux varie de 20 % à 60 % selon la localisation et la taille de l'entreprise concernée, est conditionné au respect d'un certain nombre de critères cumulatifs, tenant notamment aux conditions d'exploitation et à l'absence de délocalisation pendant un certain délai. En outre, un plafonnement s'applique. Enfin, le C3IV est soumis à un agrément de l'administration.

Selon le Gouvernement, le coût fiscal du C3IV est estimé à entre 3 milliards d'euros et 3,6 milliards d'euros, répartis entre 2025 et 2031, dont 1,4 milliard d'euros sur la période s'étendant de 2024 à 2027. Le C3IV permettrait, selon l'évaluation très générale fournie par le Gouvernement, d'une part, d'éviter l'émission de 50 millions de tonnes équivalent de dioxyde de carbone sur les dix prochaines années et, d'autre part, de générer 23 millions d'euros d'investissements et la création de 40 000 emplois directs sur le territoire national d'ici 2030.

Il est proposé deux amendements. D'une part, l'amendement I-172 (FINC.15) vise à préciser l'une des conditions posées au bénéfice du C3IV. D'autre part, en raison du caractère stratégique de la filière de l'hydrogène bas carbone, l'amendement I-171 (FINC.14) étend le crédit d'impôt à la filière de production des électrolyseurs, pour ce qui concerne la fabrication de leurs composants essentiels et la production et l'utilisation des matières premières nécessaires.

La commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : SUR LA BASE D'AMBITIONS ENVIRONNEMENTALES ET ÉCONOMIQUES, LA COMMISSION EUROPÉENNE A RÉCEMMENT AUTORISÉ LE SOUTIEN TEMPORAIRE DES ÉTATS À CERTAINES FILIÈRES INDUSTRIELLES

A. L'UNION EUROPÉENNE ET LA FRANCE SE SONT FIXÉ PLUSIEURS OBJECTIFS EN MATIÈRE DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

À l'échelle européenne, des objectifs ambitieux ont été fixés concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre par les États membres. Ces objectifs, plusieurs fois renforcés, sont aujourd'hui l'objet de négociations dans le cadre du paquet « Fit for 55272(*) » proposé par la Commission européenne. Dans ce cadre, les États membres devraient réduire leurs émissions nettes d'au moins 55 % en 2030 par rapport à leur niveau de 1990. À ce jour, l'objectif européen applicable prévoit une baisse de 40 % en 2030 par rapport à 2005.

Le droit français prévoit quant à lui, en application du I de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, tel que résultant de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, que « la politique énergétique nationale a pour objectifs (...) de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 ». Il est également prévu, au même article, de « porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 et à 33 % au moins de cette consommation en 2030 ».

B. DANS LE RESPECT DES RÈGLES EUROPÉENNES SUR LES AIDES D'ÉTAT, DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES EN FAVEUR DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ONT ÉTÉ MIS EN PLACE EN FRANCE, ESSENTIELLEMENT SUR UNE BASE SUBVENTIONNELLE

En cohérence avec les ambitions fixées aux niveaux européen et français pour rendre la transition énergétique effective, différents dispositifs incitatifs d'aides ont été mis en place en France en faveur, notamment, des entreprises. Ceux-ci n'ont toutefois pu être déployés que dans la limite du respect des règles européennes encadrant les aides d'État.

Les aides publiques octroyées à des entreprises ou à des secteurs sont, par nature, soumises à la réglementation des aides d'État par le droit de l'Union européenne. En effet, l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) fixe un principe d'interdiction des aides d'État, qu'il s'agisse des aides individuelles ciblées ou des régimes d'aides généraux (un dispositif fiscal par exemple). Cette interdiction européenne trouve sa justification dans le fait qu'une entreprise bénéficiant d'aides publiques de la part d'un État-membre serait avantagée par rapport à une entreprise étrangère qui n'en bénéficie pas, ce qui constituerait une distorsion de concurrence au sein d'un marché intérieur européen intégré. Toutes les aides susceptibles d'affecter les échanges - notion entendue de manière très large - entre les États membres sont concernées. Sont couvertes aussi bien les aides dites « positives » (subvention directe, prêts à taux privilégiés, etc.) que « négatives » (crédits d'impôts, exonérations fiscales, etc.).

L'analyse de la jurisprudence européenne permet de définir l'aide d'État comme tout avantage octroyé de manière sélective à une entreprise, une catégorie d'entreprises ou certaines productions imputables à l'État, engageant les ressources d'État et ayant pour effet une potentielle distorsion de concurrence et une potentielle affectation des échanges entre États membres273(*).

Pour autant, ledit article 107 prévoit des exceptions permettant de considérer certaines aides comme compatibles avec le marché intérieur. Sont notamment concernées, sous certaines conditions, les aides destinées à apporter un soutien à la suite de catastrophes naturelles, à favoriser le développement économique de régions dont le niveau de vie est relativement faible, à dédommager une entreprise pour la mise en oeuvre de services d'intérêt général présentant un caractère déficitaire, à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun, à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ou encore à faciliter le développement de certaines activités.

Extrait de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

2. Sont compatibles avec le marché intérieur:

a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu'elles soient accordées sans discrimination liée à l'origine des produits ;

b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires ;

(...)

3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur :

a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l'article 349, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale ;

b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ;

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun ;

d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l'Union dans une mesure contraire à l'intérêt commun ;

e) les autres catégories d'aides déterminées par décision du Conseil sur proposition de la Commission.

Source : Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)

C'est la Commission européenne, à qui les aides doivent obligatoirement être notifiées (en principe au stade du projet) par les États membres, qui est compétente pour déterminer leur compatibilité avec les règles européennes, en application de l'article 108 du TFUE274(*). Cette dernière a publié, sur la base de l'article 107 du TFUE, un certain nombre de communications qui précisent l'interprétation qui doit être faite des règles et exceptions applicables à l'interdiction des aides d'État. En outre, divers règlements européens ont également établi des règles spécifiques autorisant certains types d'aides, parmi lesquelles le régime « de minimis »275(*).

Dans le cadre des ambitions fixées aux niveaux européen et français pour rendre la transition énergétique effective, différents dispositifs incitatifs d'aides ont été mis en place en France en faveur des entreprises. Ces dispositifs ont principalement vocation à soutenir soit la transition énergétique des entreprises elles-mêmes, soit le développement, l'utilisation et l'investissement dans des capacités de production énergétiques alternatives aux énergies fossiles. Dans le premier cas, c'est la sobriété énergétique qui est recherchée (selon une logique comparable à ce qui est mis en place pour les particuliers) ; ce sont alors des dispositifs fiscaux qui sont privilégiés. Dans le second cas, elles s'appuient sur des bases subventionnelles. En montant cumulé, le second type d'aides représente une part très majoritaire du soutien déployé en faveur des entreprises.

En premier lieu, des dispositifs incitatifs en faveur des entreprises ont été mis en place pour favoriser leur sobriété énergétique, quelle que soit leur activité.

L'article 27 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 précise ainsi par exemple que les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent bénéficier sous certaines conditions, jusqu'au 31 décembre 2024, d'un crédit d'impôt à hauteur de 30 % des dépenses de travaux de rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire qu'elles affectent à leur activité économique, sous réserve du respect d'un plafond de 25 000 euros. Par ailleurs, en application de l'article 39 AA du code général des impôts, les entreprises bénéficient, pour leurs matériels destinés à économiser l'énergie et leurs équipements de production d'énergies renouvelables, de coefficients d'amortissement majorés.

Surtout, en second lieu, sont mis en oeuvre en France un certain nombre d'aides dédiées à l'utilisation et à l'investissement dans des capacités de production d'énergies alternatives aux énergies fossiles, le plus souvent dans le cadre d'appels à projet. Elles sont largement de nature subventionnelle.

Les aides concernées s'insèrent dans différents cadres. Sont en particulier concernés les appels à projets portés par la mission « Investir pour la France 2030 », dont le budget global a été fixé à 34 milliards d'euros sur 5 ans et qui s'appuie sur un certain nombre d'objectifs, notamment énergétiques. Font notamment - ou ont fait l'objet - de subventions les investissements dans le développement de réacteurs nucléaires de petite taille, le soutien à l'hydrogène décarboné et à la filière forêt et bois, etc. Des dispositifs gérés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » y participent également, parmi lesquels le « Fonds chaleur » déployé depuis 2009 et doté de 800 millions d'euros en 2024. Ce fonds porte notamment des financements au titre des filières de la biomasse, de la géothermie, de la méthanisation et du solaire thermique.

Il existe ainsi aujourd'hui des dispositifs subventionnels dont une partie vise à inciter au développement des capacités de production en lien avec la fabrication d'équipements pouvant générer de l'énergie renouvelable. Néanmoins, ces aides reposent sur des régimes autorisés par la Commission européenne dont les plafonds sont rapidement atteints. Pour les dépasser, le recours à la procédure lourde de notification individuelle est nécessaire.

En outre, il n'existe pas à ce jour de dispositif fiscal de grande ampleur ayant un tel objectif industriel.

C. LA COMMISSION EUROPÉENNE A RÉCEMMENT AUTORISÉ LES ÉTATS À SOUTENIR TEMPORAIREMENT LES INVESTISSEMENTS DANS LES CAPACITÉS DE PRODUCTION D'ÉNERGIES RENOUVELABLES

Si les règles européennes classiques applicables aux aides d'État n'ont pas empêché la mise en place de subventions ciblées en faveur des investissements dans des filières favorisant la transition énergétique, il n'en demeure pas moins qu'elles excluent un soutien large aux investissements portant sur une part substantielle de certaines productions.

La Commission européenne a toutefois souhaité créer une nouvelle possibilité spécifique en la matière. Dans une communication du 9 mars 2023, elle a ainsi adopté un « encadrement temporaire de crise et de transition pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine » (« Temporary Crisis and Transition Framework », TCTF). Le TCTF a été publié au Journal officiel de l'Union européenne du 17 mars 2023.

Cette communication actualise et complète, selon un fonctionnement habituel sur le principe276(*), l'interprétation qui doit être faite des règles et exceptions applicables à l'interdiction des aides d'État. Elle opère néanmoins cette interprétation dans un contexte particulier, de deux points de vue. En premier lieu, la communication vise à répondre aux difficultés économiques qui ont fait suite en particulier à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Deux communications avaient déjà été adoptées récemment dans ce but, d'abord dans le contexte de l'épidémie de Covid- 19, puis de celui de l'invasion de l'Ukraine. Ainsi, le TCTF prolonge et modifie une partie des mesures prises dans les encadrements temporaires précédents.

Les trois encadrements temporaires applicables aux aides d'État adoptés
par la Commission européenne depuis 2020

Afin de permettre aux États de soutenir les entreprises dans le contexte de la crise liée au Covid- 19, la Commission européenne a d'abord mis en place, à compter du 19 mars 2020, un encadrement temporaire dit « Covid » plus favorable aux aides d'État, avant d'annoncer la fin de son application dans une communication du 12 mai 2022277(*).

Un nouvel encadrement temporaire a ensuite été adopté par la Commission le 23 mars 2022 afin de soutenir l'économie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie278(*), encadrement qui a été modifié et assoupli le 20 juillet 2022279(*) puis prorogé par la communication du 28 octobre 2022280(*).

Enfin, la Commission européenne a transformé, le 9 mars 2023, ce dernier encadrement en un « encadrement temporaire de crise et de transition pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine ». Il est applicable jusqu'au 31 décembre 2025.

Source : commission des finances, d'après le site de la Commission européenne

En deuxième lieu, le TCTF a été adopté dans le double contexte du renforcement des ambitions européennes en matière de transition énergétique, alors que des tensions fortes sont apparues sur le marché de l'énergie, et d'un risque de voir les nouveaux investissements dans des secteurs industriels stratégiques pour la transition être réorientés dans des pays tiers à l'Union européenne. Cette crainte s'inscrit notamment dans le contexte de l'adoption de l' « inflation reduction act » (IRA) par les États-Unis en 2022, qui prévoit de consacrer un budget de près de 400 milliards de dollars à des mesures de soutien subventionnelles et fiscales à la politique industrielle « verte » américaine.

Pour répondre à cette deuxième série d'enjeux qui s'ajoutent aux préoccupations économiques, le TCTF autorise en particulier, en son point 2.8., les aides d'État déployées en faveur de « projets d'investissement revêtant une importance stratégique pour la transition vers une économie à zéro émission nette ». Ledit point 2.8. donne ainsi la possibilité aux États de mettre en oeuvre des aides au déploiement des investissements productifs dans six filières industrielles du secteur des énergies renouvelables. Sont concernées les filières de production des batteries, des panneaux solaires, des éoliennes, des pompes à chaleur, des électrolyseurs et des équipements pour le piégeage, l'utilisation et le stockage du dioxyde de carbone.

Cette possibilité est octroyée par le TCTF jusqu'au 31 décembre 2025, sur la base d'une interprétation temporairement assouplie du point c) du paragraphe 3 de l'article 107 du TFUE, qui stipule que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun »281(*).

En vertu du TCTF, il appartient aux États membres de décider de la forme des aides mises en oeuvre. Il est ainsi précisé au paragraphe 85 de la communication que « l'aide peut être accordée sous la forme de subventions directes ou d'autres formes telles que des avantages fiscaux, des nouveaux prêts à taux d'intérêt bonifiés ou des garanties sur de nouveaux prêts ».

Un nombre significatif de conditions précises sont toutefois posées par le TCTF. Les aides concernées par cet encadrement temporaire sont ainsi soumises à des taux et à des plafonds maximums. Elles ne peuvent être déployées, en outre, qu'en faveur d'entreprises qui ne se trouvent pas en difficulté, dans les filières industrielles limitativement énumérées ; elles ne doivent concerner que certains types d'investissements. En outre, le TCTF prévoit plusieurs conditions visant à limiter les possibilités de fuite des investissements ayant bénéficié desdites aides.

Ces divers critères fixés précisément au niveau européen, présentés plus en détail infra, fondent l'essentiel des modalités du crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV), tel que créé par le présent article. Le respect de ces critères conditionne d'ailleurs la conformité du dispositif au droit européen et donc la possibilité de son application. En sens inverse, il est en revanche loisible au législateur français de prévoir des conditions additionnelles au bénéfice du crédit d'impôt, de même que de ne pas exploiter l'ensemble des possibilités offertes par l'encadrement temporaire. C'est le choix qui a été fait pour certains aspects du nouveau C3IV.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN CRÉDIT D'IMPÔT APPLICABLE AUX INVESTISSEMENTS DANS DES FILIÈRES INDUSTRIELLES PRODUISANT DES ÉQUIPEMENTS LIÉS AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES

Sur la base du TCTF européen et, plus précisément, de son point 2.8.282(*), le présent article institue un nouveau crédit d'impôt pour les investissements dans l'industrie verte (C3IV). La création du C3IV avait été annoncée lors de la présentation du projet de loi « Industrie verte ».

Une création du C3IV annoncée à l'occasion de la présentation
du projet de loi « Industrie verte »

C'est à l'occasion de la présentation du projet de loi « Industrie verte », en mai 2023, qu'a été officiellement annoncée la création du C3IV.

Au sein du dossier de presse relatif à ce projet de loi, étaient ainsi présentées 15 mesures en faveur d'une industrie verte, dont certaines dépassaient le cadre du projet de loi. Cinq portaient sur la facilitation et l'accélération de l'implantation de sites industriels en France. Cinq autres tendaient à favoriser les entreprises vertueuses dans toutes les interventions de l'État, tandis que deux mesures visaient à former aux métiers de l'industrie verte. Enfin, trois mesures portaient sur le financement de cette industrie par la mobilisation de fonds publics et privés. Parmi elles, la mesure 6, intitulée « Soutenir les technologies vertes grâce au crédit d'impôt investissements industries vertes ».

Des subventions additionnelles étaient annoncées pour les secteurs non couverts par le C3IV, « par exemple les réseaux et les énergies renouvelables thermiques ».

Le coût du C3IV annoncé était de 500 millions d'euros par an, étant entendu que « l'ensemble des mesures de compensation prévues permettront de dégager une enveloppe de cet ordre pour financer les mesures de décarbonation et le crédit d'impôt industrie verte ».

Le projet de loi « Industrie verte », déposé au Sénat le 16 mai 2023, a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire. La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte est parue au journal officiel du 24 octobre 2023.

Source : commission des finances, notamment d'après le dossier de presse du projet de loi « Industrie verte »

À l'image des motivations de la mise en place du TCTF par la Commission européenne, la création du C3IV répond, selon le Gouvernement, à des objectifs industriels et de transition énergétique.

Le  du I du présent article rétablit le XXXIV de la section II du chapitre IV du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts et son article 244 quater I. Ce dernier article institue le nouveau C3IV.

A. LE C3IV S'APPLIQUE AUX ENTREPRISES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES QUI INVESTISSENT DANS DES ACTIFS EN VUE D'ACTIVITÉS CONTRIBUANT À LA PRODUCTION DE QUATRE ÉQUIPEMENTS LIÉS AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES

1. Le C3IV s'applique aux entreprises industrielles et commerciales imposées à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés d'après leur bénéfice réel

Le premier alinéa du I de l'article 244 quater I prévoit que le crédit d'impôt est applicable aux entreprises industrielles et commerciales imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A (relatifs aux entreprises nouvelles), 44 octies A (relatif aux entreprises dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs), 44 duodecies (relatif aux entreprises implantées dans les bassins d'emploi à redynamiser), 44 terdecies (relatif aux activités aux activités créées dans les zones de restructuration de la défense) ou 44 septdecies (relatif aux entreprises implantées dans les zones de développement prioritaire).

Les entreprises concernées sont ainsi les mêmes que celles concernées par le crédit d'impôt « recherche » (article 244 quater B), à l'exception des entreprises agricoles, qui ne sont pas concernées par le C3IV, en raison de son objet.

Tant les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu que celles soumises à l'impôt sur les sociétés sont éligibles au C3IV, comme le prévoit le deuxième alinéa du IX de l'article 244 quater I.

2. Le C3IV s'applique aux investissements, autres que de remplacement, des entreprises dans des actifs en vue d'activités contribuant à la production de quatre équipements liés aux énergies renouvelables

Le premier alinéa du I de l'article 244 quater I prévoit que sont éligibles au crédit d'impôt les dépenses d'investissement, autres que de remplacement, engagées pour la production ou l'acquisition de certains actifs corporels ou incorporels en vue d'activités identifiées comme contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes ou de pompes à chaleur.

a) Les dépenses d'investissement, qu'il s'agisse d'une acquisition ou d'une production, doivent être réalisées dans certains actifs corporels ou incorporels

(1) Ce que prévoit le TCTF européen

Le TCTF prévoit que les « coûts admissibles » aux aides concernent les dépenses d'investissement dans les « actifs corporels (tels que des terrains, des bâtiments, des installations, des équipements, des machines) » et « incorporels (tels que les droits de brevet, les licences, le savoir-faire ou d'autres droits de propriété intellectuelle) ». Il est précisé que « Les actifs incorporels doivent : 1) rester associés à la zone concernée et ne peuvent être transférés dans d'autres zones ; 2) être principalement exploités dans l'installation de production bénéficiaire de l'aide concernée ; 3) être amortissables ; 4) être acquis aux conditions du marché auprès d'un tiers non lié à l'acheteur ; 5) être inclus dans les actifs de l'entreprise bénéficiaire de l'aide ; et 6) rester associés au projet pour lequel l'aide est accordée pendant au moins cinq ans (ou trois ans pour les PME) ».

(2) Ce que prévoit le présent article

Le III de l'article 244 quater I prévoit que l'assiette du crédit d'impôt est constituée par les dépenses engagées en vue de la production ou de l'acquisition des mêmes actifs corporels ou incorporels que ceux prévus dans le TCTF, à savoir :

- pour les actifs corporels : les bâtiments, installations, équipements, machines et terrains d'assise nécessaires au fonctionnement de ces derniers équipements ;

- pour les actifs incorporels : les droits de brevet, licences, savoir-faire et autres droits de propriété intellectuelle283(*).

De même, comme le TCTF, le III de l'article 244 quater I prévoit que les dépenses d'investissement relatives aux actifs incorporels doivent répondre aux conditions cumulatives suivantes :

- être inscrits à l'actif du bilan de l'entreprise bénéficiant du crédit d'impôt ;

- être principalement exploités dans l'installation de production pour laquelle l'entreprise bénéficie du crédit d'impôt ;

- être amortissables ;

- être acquis aux conditions du marché auprès d'un tiers qui n'est pas lié, au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts (CGI), à l'entreprise bénéficiant du crédit d'impôt284(*) ;

- être affectés à l'exploitation des investissements pour lesquels le crédit d'impôt est accordé pendant au moins 5 ans, ou 3 ans pour les PME.

En sens inverse, le III de l'article 244 quater I prévoit une condition supplémentaire pour ce qui concerne les actifs corporels par rapport à ce que prévoit le TCTF. En effet, les actifs corporels doivent avoir été acquis auprès d'un tiers qui n'est pas lié à l'entreprise bénéficiant d'un crédit d'impôt au sens du 12 de l'article 39 du CGI285(*). Ainsi en cas d'acquisition auprès d'une autre entreprise, il ne doit pas y avoir de liens de dépendance entre elles, ni directement, ni par l'intermédiaire d'une tierce entreprise.

b) Les dépenses d'investissement éligibles, qui n'incluent pas les dépenses de remplacement, sont celles engagées dans le cadre du plan d'investissement présenté à l'agrément

L'article 244 quater I précise les conditions d'éligibilité générales à deux égards. D'une part, en son I, il prévoit que ne sont pas éligibles les dépenses d'investissement de remplacement. Une telle condition est imposée par le TCTF, qui précise qu'aucune aide ne peut être octroyée pour remplacer une installation ou un équipement. Elle s'explique également par le fait que l'objectif du C3IV est de développer les capacités industrielles, et non de les maintenir.

D'autre part, il précise, en son III, que les dépenses éligibles sont prises en compte à hauteur du prix de revient minoré des taxes et frais de toute nature, à l'exception des frais directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien. Il est en outre précisé au même III que les dépenses d'investissement concernées sont celles entrant dans la détermination du résultat imposable et engagées dans le cadre du plan d'investissement présenté à l'agrément286(*).

c) Pour être éligibles, les dépenses d'investissement doivent avoir été engagées par les entreprises pour leurs activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes ou de pompes à chaleur

(1) Ce que prévoit le TCTF européen

L'encadrement européen prévoit que pour être compatible avec le marché intérieur, l'aide doit être octroyée pour encourager :

- « la production d'équipements pertinents pour la transition vers une économie à zéro émission nette, à savoir des batteries, des panneaux solaires, des turbines éoliennes, des pompes à chaleur, des électrolyseurs et des équipements pour le piégeage, l'utilisation et le stockage du dioxyde de carbone (CCUS) ;

- ou la production de composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs de la production des équipements définis ci-dessus ;

- ou la production ou la valorisation des matières premières critiques correspondantes nécessaires à la production des équipements et des composants essentiels définis ci-dessus. »

(2) Ce que prévoit le présent article

Le I de l'article 244 quater I prévoit que pour être éligibles au crédit d'impôt, les dépenses d'investissement doivent avoir été engagées par les entreprises « pour leurs activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes ou de pompes à chaleur»

Il convient donc de noter que deux filières intégrées à l'encadrement temporaire n'ont pas été retenues dans le cadre du C3IV. Il s'agit des filières des électrolyseurs et des équipements pour le piégeage, l'utilisation et le stockage du dioxyde de carbone (aussi appelées technologies CCUS287(*)).

Les activités éligibles sont définies au A du II de l'article 244 quater I, selon qu'il s'agit des filières de production des batteries (), des panneaux solaires (), des éoliennes () ou des pompes à chaleur (). Sont considérées comme « contribuant à la production » quatre types d'activités par filière, présentées dans le sens inverse de la chaîne de production.

Activités éligibles au C3IV

 

Filière de production des batteries

Filière de production des panneaux solaires

Filière de production des éoliennes

Filière de production des pompes à chaleur

(a) La fabrication de l'équipement final ou de l'une de ses parties principales

Cellules et modules de batteries

Cellules photovoltaïques ou hybrides pouvant être associées à la fabrication de modules photovoltaïques ou hybrides, et fabrication de plaquettes de silicium dédiées aux usages photovoltaïques, de lingots de silicium et de supports des panneaux sur tout type de surface

Mâts, pâles, nacelles, fondations posées ou flottantes, sous-stations électriques et câbles dynamiques et électriques de raccordement inter-éolien, ainsi que l'assemblage final de l'éolienne et son intégration sur fondation

Pompes à chaleur et chauffe-eaux thermodynamiques, quelle que soit la technologie utilisée

(b) La fabrication des composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des équipements mentionnés au (a)

Pas de précision supplémentaire

Il est spécifiquement précisé qu'est notamment concerné le verre utilisé dans les applications de production d'énergie solaire

Pas de précision supplémentaire

Pas de précision supplémentaire

(c) Selon les cas, l'extraction, la production, la transformation, le raffinage de minéraux, de matériaux ou de métaux critiques, à condition qu'ils entrent dans la fabrication des équipements ou composants d'équipements mentionnés aux (a et b)

L'extraction, le raffinage, la production et la transformation de graphite, de matériaux actifs d'électrode, de matériaux avancés et de métaux critiques

L'extraction, la production et la transformation du silicium et des métaux critiques

L'extraction, la production et la transformation de matériaux composites à base de fibres de verre ou de carbone et des matériaux critiques

L'extraction, la production et la transformation de matériaux critiques

(d) La valorisation des matières premières critiques nécessaires à la production des équipements et des composants d'équipements mentionnés supra (a à c)

Pas de précision supplémentaire

Pas de précision supplémentaire

Pas de précision supplémentaire

Pas de précision supplémentaire

Source : commission des finances du Sénat, d'après le présent article

La ventilation des activités éligibles en quatre sous-catégories par filière apparaît plus complexe et moins lisible que celle prévue par l'encadrement européen. En outre, pour ce qui concerne la filière de production des batteries, le raffinage constitue une activité qui n'est pas incluse dans ce que permet explicitement le TCTF.

Le B du II de l'article 244 quater I prévoit que « Les équipements, sous-composants et matières premières (...) sont déterminés par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et de l'industrie ». Il convient de remarquer, d'une part, que le présent article définit déjà un certain nombre d'équipements, composants et matières premières concernés, selon un degré de détail qui varie néanmoins en fonction des filières. Il aurait été préférable soit d'en rester à des règles générales au sein du présent article en renvoyant les précisions vers ledit arrêté, soit d'apporter toutes les précisions nécessaires de manière uniforme au sein du présent article. La solution choisie apparaît quelque peu baroque de ce point de vue.

Le même B du II de l'article 244 quater I prévoit par ailleurs une condition supplémentaire par rapport à ce qu'impose le TCTF. En effet, l'éligibilité des dépenses d'investissement dans des projets de production ne consistant pas dans la fabrication de l'équipement lui-même (ou de l'une de ses parties principales, soit le a) est soumise à la condition que l'entreprise porteuse du projet d'investissement justifie, au sein du plan d'investissement intégré à sa demande d'agrément288(*), qu'au moins 50 % de son chiffre d'affaires sera réalisé avec des entreprises exerçant des activités en aval dans la chaîne de production :

- pour les activités de fabrication des composants essentiels (b), avec des entreprises exerçant des activités de production des équipements finaux ou de leurs parties principales (a) ;

- pour les activités d'extraction, de production, de transformation, ou de raffinage de minéraux, de matériaux ou de métaux critiques (c) et pour celles de valorisation des matières premières critiques (d), avec des entreprises exerçant des activités de production des équipements finaux ou de leurs parties principales (a) ou de fabrication des composants essentiels (b).

Si la motivation de cette condition n'est pas précisée par le Gouvernement, il peut être affirmé qu'elle vise à renforcer l'intégration des filières de production.

B. LE CRÉDIT D'IMPÔT, SOUMIS À DIFFÉRENTS TAUX ET À UN PLAFONNEMENT, S'APPLIQUE SOUS DIFFÉRENTES CONDITIONS CUMULATIVES ET NÉCESSITE L'OCTROI D'UN AGRÉMENT DE L'ADMINISTRATION

1. L'octroi du crédit d'impôt est soumis au respect d'un certain nombre de conditions générales cumulatives

a) Ce que prévoit le TCTF européen

Le TCTF prévoit un certain nombre de conditions cumulatives à l'octroi de l'aide. Tout d'abord, l'aide ne peut pas être octroyée à des entreprises en difficulté.

En outre, l'aide « ne peut être octroyée pour faciliter la délocalisation d'activités de production d'un État membre vers un autre État membre. À cette fin, le bénéficiaire doit confirmer qu'au cours des deux ans précédant la demande d'aide, il n'a pas procédé à une délocalisation vers l'établissement dans lequel doit avoir lieu l'investissement bénéficiant de l'aide et s'engager à ne pas procéder à une telle délocalisation dans les deux ans suivant l'achèvement de l'investissement ».

Par ailleurs, le bénéficiaire « doit s'engager à maintenir les investissements dans la zone concernée pendant au moins cinq ans, ou trois ans dans le cas des petites et moyennes entreprises, après l'achèvement desdits investissements ».

Enfin, le TCTF précise que les États membres « peuvent envisager d'inclure de manière non discriminatoire des exigences liées à la protection de l'environnement (...) ou liées à la protection sociale ou aux conditions d'emploi (...) ». Il ne s'agit donc ici que d'une possibilité pour les États, et non d'une obligation.

b) Ce que prévoit le présent article

Le I de l'article 244 quater I prévoit que pour être éligibles au crédit d'impôt, les entreprises doivent répondre à plusieurs conditions cumulatives, qu'il est possible de classer en deux catégories.

En premier lieu, certaines conditions tiennent aux entreprises elles-mêmes, qu'il s'agisse de leur situation économique ou du respect de leurs obligations. La première condition, qui résulte du TCTF et fait l'objet du 1° du I de l'article 244 quater I, prévoit que les entreprises ne doivent pas être, à la date de clôture du dernier exercice précédant la délivrance de l'agrément289(*), des entreprises en difficulté290(*). Deux conditions supplémentaires sont prévues par rapport à ce qu'impose le TCTF.

D'une part, les entreprises doivent respecter, en application du 2° du même I, au titre de chacun des exercices au titre duquel le crédit d'impôt est imputé291(*), leurs obligations fiscales et sociales et de dépôt de leurs comptes annuels292(*). Il convient de noter que si le TCTF ouvrait explicitement une telle possibilité s'agissant des obligations sociales, cela n'est pas le cas concernant les obligations fiscales et le dépôt des comptes annuels. Il est néanmoins possible de présumer qu'une telle condition résulte d'un libre choix de la France, en tant que condition plus restrictive que le cadre européen.

D'autre part, en application du 6° du même I, les entreprises doivent exploiter les investissements éligibles dans le cadre d'une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale, l'exploitation de ces investissements devant elle-même être conforme à cette législation. Cette condition supplémentaire répond à la possibilité explicitement ouverte par le TCTF en la matière.

En second lieu, les entreprises doivent répondre à d'autres conditions cumulatives visant, comme le prévoit le TCTF, à prévenir une concurrence des aides entre pays de l'Union européenne et à garantir que les investissements bénéficiant du C3IV sont exploités sur une période minimale, en particulier sur le territoire national de l'État ayant accordé l'aide. Ainsi, il est prévu que pour être éligibles, les entreprises :

- ne doivent pas avoir procédé, au cours des deux exercices précédant l'exercice de dépôt de la demande de l'agrément293(*), à un transfert vers le territoire national d'activités éligibles au crédit d'impôt depuis un autre État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE)294(*) (3° du même I) ;

- ne doivent pas procéder, au cours des deux exercices suivant l'exercice de mise en service des investissements ayant bénéficié du crédit d'impôt, à leur transfert hors du territoire national (4° du même I) ;

- doivent exploiter les investissements éligibles pendant au moins cinq ans à compter de la date de leur mise en service, cette durée minimale étant réduite à trois ans pour les petites et moyennes entreprises295(*) (5° du même I).

2. Le bénéfice du C3IV nécessite l'obtention d'un agrément de l'administration, qui fait l'objet de conditions et peut être retiré

Le VIII de l'article 244 quater I prévoit que le bénéfice du crédit d'impôt est conditionné à la délivrance d'un agrément préalable, comme l'impose le TCTF. L'agrément est délivré sous certaines conditions par le ministre chargé du budget ou en son nom, après avis conforme de l'ADEME. Le non-respect des conditions d'obtention de l'agrément postérieurement à sa délivrance entraîne le retrait de celui-ci et la déchéance de tout ou partie des avantages fiscaux associés.

a) La compétence de délivrance de l'agrément appartient au ministre chargé du budget, pris après avis conforme de l'ADEME, qui statue en principe dans un délai global de trois mois

Le TCTF prévoit que « le bénéficiaire doit introduire une demande d'aide avant le début des travaux et fournir à l'État membre les informations requises à l'annexe II de la présente communication ». Selon les informations communiquées par le Gouvernement au rapporteur général, cette stipulation impliquerait le recours à une procédure d'agrément, interprétation du TCTF que la Commission européenne confirmerait. En outre, selon le Gouvernement, le mécanisme de l'agrément confère une sécurité juridique aux entreprises souhaitant bénéficier du crédit d'impôt et susceptibles, s'agissant d'investissements industriels, d'engager des dépenses très importantes.

Le 1° du VIII de l'article 244 quater I prévoit ainsi que le bénéfice du crédit d'impôt est conditionné à la délivrance d'un agrément préalable du ministre chargé du budget.

L'agrément est délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies. Comme le précise le second alinéa du I de ce dernier article, des arrêtés du ministre pourront donc instituer des procédures simplifiées et déléguer le pouvoir de décision à des agents de l'administration des impôts296(*), au sein de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Le Ministère de l'économie et des finances a également annoncé que les dossiers « seront examinés par la Direction générale des Entreprises (DGE) en collaboration avec la DGFIP »297(*).

Toutefois, l'agrément préalable ne pourra être délivré par le ministre ou en son nom qu'après avis conforme de l'ADEME298(*). Cette dernière est plus précisément chargée d'attester que les activités exposées dans la demande d'agrément entrent dans le champ des activités éligibles, c'est-à-dire celles identifiées comme contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes ou de pompes à chaleur299(*). Il en est déduit, comme le confirme l'évaluation préalable du présent article, que la DGFiP vérifiera le respect de l'ensemble des autres conditions d'éligibilité.

Enfin, il est prévu au 5° du VIII de l'article 244 quater I que la décision de délivrance ou de refus de l'agrément est rendue dans un délai de trois mois à compter de la date de dépôt d'une demande d'agrément complète. Néanmoins, dans le cas où ce délai ne serait pas respecté, il n'est pas prévu qu'une décision tacite favorable en résulte.

b) La délivrance de l'agrément est soumise à plusieurs conditions

Outre le respect des différentes conditions cumulatives fixées au I de l'article 244 quater I, le VIII dudit article ajoute d'autres critères cumulatifs conditionnant la délivrance de l'agrément (et donc le bénéfice du crédit d'impôt).

D'une part, l'entreprise doit présenter, à l'occasion du dépôt de sa demande d'agrément, un plan d'investissement, qui précise la ou les activités éligibles qu'il recouvre. Il est précisé au 1° du même VIII que lorsque le plan d'investissement comprend des constructions immobilières, la demande d'agrément est déposée antérieurement à la date d'ouverture du chantier, ce qui répond à un critère du TCTF, qui précise que « le bénéficiaire doit introduire une demande d'aide avant le début des travaux ».

D'autre part, les éléments fournis à l'appui de la demande d'agrément doivent être de nature à faire regarder le plan d'investissement comme économiquement viable.

Par ailleurs, le TCTF précise qu'« avant d'octroyer l'aide et sur la base des informations fournies par le bénéficiaire, l'autorité chargée de l'octroi de l'aide doit vérifier s'il existe des risques concrets que l'investissement productif n'ait pas lieu au sein de l'EEE et s'assurer de l'absence de risque de délocalisation au sein de l'EEE ». De plus, il prévoit que le bénéficiaire doit fournir à l'État membres les informations requises à l'annexe 2 de la communication de la Commission européenne300(*).

c) Le non-respect des conditions d'obtention du crédit d'impôt postérieurement à la délivrance de l'agrément entraîne le retrait de celui-ci et la déchéance des avantages fiscaux associés

Le 4° du VIII de l'article 244 quater I prévoit que le non-respect des conditions d'obtention du crédit d'impôt postérieurement à la délivrance de l'agrément entraîne le retrait de celui-ci et la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés, dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies A. Il est toutefois prévu que l'avantage fiscal n'est pas repris lorsque les investissements aidés sont transmis dans le cadre des opérations mentionnées aux articles 210 A (régimes des fusions de sociétés relevant de l'impôt sur les sociétés) ou 210 B (régime fiscal spécial des apports partiels d'actifs en matière d'impôt sur les sociétés) si le bénéficiaire de la transmission s'engage à en maintenir l'exploitation dans le cadre d'une activité éligible pendant la fraction du délai minimal d'exploitation restant à courir.

En outre, il est prévu que le retrait de l'agrément au titre du C3IV, ainsi que la reprise des avantages fiscaux, pourra intervenir jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle de la rupture de l'engagement souscrit en vue d'obtenir l'agrément ou celle du non-respect des conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné. Pour ce faire, le II du présent article insère la référence de l'article 244 quater I au sein de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

3. Le C3IV connaît différents taux et plafonnements

a) Ce que prévoit le TCTF européen

(1) Les taux applicables

Le TCTF prévoit qu'il appartient aux États membres de décider de la forme des aides mises en oeuvre. Il est ainsi précisé au paragraphe 85 de la communication que « l'aide peut être accordée sous la forme de subventions directes ou d'autres formes telles que des avantages fiscaux, des nouveaux prêts à taux d'intérêt bonifiés ou des garanties sur de nouveaux prêts ».

Néanmoins, le TCTF introduit un biais dans ce choix. En effet, les aides accordées aux entreprises sous la forme d'avantages fiscaux, de prêts ou de garanties peuvent être d'un montant supérieur à celles octroyées sous une autre forme, en particulier via une subvention. Ainsi, le taux normal de l'aide est, au maximum, de 15 % des coûts admissibles pour une subvention, mais est porté, au maximum, à 20 % pour un avantage fiscal.

En outre, quel que soit le type d'aide, son intensité peut être augmentée en fonction du type d'entreprise qui investit et de la localisation de l'investissement :

- d'un point de vue géographique, le taux de l'aide peut être augmenté de 5 points de pourcentage lorsque les investissements sont réalisés « dans les zones assistées désignées dans la carte des aides à finalité régionale applicable pour l'État membre concerné conformément à l'article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE »301(*) (zones dites « c »). Il peut l'être de 20 points de pourcentage pour les investissements réalisés « dans les zones assistées désignées dans la carte des aides à finalité régionale applicable pour l'État membre concerné conformément à l'article 107, paragraphe 3, point a), du TFUE »302(*) (zones dites « a »).

- d'un point de vue du type d'entreprises, le taux de l'aide peut être augmenté de 10 points de pourcentage lorsque les investissements sont réalisés par des entreprises de taille moyenne, et de 20 points lorsqu'ils le sont par de petites entreprises.

(2) Les plafonnements applicables

Le TCTF prévoit trois plafonds applicables aux aides, qui ne dépendent que du lieu de l'investissement. Dans les régions de droit commun, le plafond doit être fixé à 150 millions d'euros au maximum par entreprise et par État membre. Il peut être porté à 200 millions d'euros dans les régions de type « c » et à 350 millions d'euros dans les régions de type « a ».

Taux et plafonds maximums des aides pouvant être octroyées par les États-membres, tels que prévus par le TCTF

 

Lieu de l'investissement

Régions de droit commun

Régions « c »

Régions « a »

Plafond maximal de l'aide par entreprise et par État membre

150 M€

200 M€

350 M€

Subventions

Plus grandes entreprises

15 %

20 %

35 %

Entreprises de taille moyenne

25 %

30 %

45 %

Entreprises de petite taille

35 %

40 %

55 %

Avantages fiscaux, prêts et garanties

Plus grandes entreprises

20 %

25 %

40 %

Entreprises de taille moyenne

30 %

35 %

50 %

Entreprises de petite taille

40 %

45 %

60 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après la Commission européenne

En outre, le TCTF prévoit que si l'aide peut être cumulée avec une aide d'État portant sur les mêmes coûts admissibles (se recoupant en partie ou totalement), ce cumul doit respecter les différents plafonds applicables en vertu de toutes les règles européennes, tandis que le montant total de l'aide ne peut en aucun cas excéder 100 % des coûts admissibles.

Par ailleurs, le point 1.5. du TCTF303(*) précise que les aides relevant du champ d'application de l'ensemble de la communication (au-delà du point 2.8.) peuvent être cumulées entre elles, dans la limite des règles applicables à chacune d'entre elles. En outre, elles peuvent être cumulées avec les aides « de minimis », avec celles relevant des règlements d'exemption par catégorie, avec celles octroyées au titre de l'encadrement temporaire Covid- 19 ou encore avec celles destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres évènements extraordinaires, là encore dans la limite des règles applicables à chacune d'entre elles.

b) Ce que prévoit le présent article

(1) Les taux applicables

Le V de l'article 244 quater I fait usage de l'ensemble des possibilités ouvertes par l'encadrement temporaire européen, qu'il s'agisse du taux normal ou des taux majorés. Sont ainsi définis :

- un taux normal, fixé à 20 % ;

- un taux de 25 % pour les investissements réalisés dans les zones définies à l'annexe 1 (zones dites « c » en droit européen) du décret n° 2022-968 du 30 juin 2022 relatif aux zones d'aide à finalité régionale et aux zones d'aide à l'investissement des petites et moyennes entreprises pour la période 2022-2027, dans sa rédaction en vigueur au 1er septembre 2023 ;

- un taux de 40 % pour les investissements réalisés dans les zones définies à l'annexe 2 (zones dites « a » en droit européen) du même décret, dans sa rédaction en vigueur au 1er septembre 2023, à savoir Saint-Martin et toutes les communes de Mayotte, de la Guyane, de la Guadeloupe, de La Réunion et de Martinique ;

Carte des communes éligibles aux zones d'aide à finalité régionale,
pour la période 2022-2027

Source : observatoire des territoires

une majoration de l'ensemble de ces taux de 10 points de pourcentage pour ce qui concerne les investissements des entreprises de taille moyenne304(*) ;

une majoration de l'ensemble de ces taux de 20 points de pourcentage pour ce qui concerne les investissements des petites entreprises305(*).

Il résulte de l'articulation de ces dispositions que le taux maximum applicable est de 60 % : il s'applique aux investissements des petites entreprises dans les zones ultramarines précitées.

Le taux de crédit d'impôt applicable est mentionné dans la décision d'agrément, comme le précise le premier alinéa du IX de l'article 244 quater I.

(2) Les plafonnements applicables

Le VI de l'article 244 quater I reprend l'ensemble des plafonds maximums rendus possibles par le TCTF. Sont ainsi définis :

- un plafond « normal » fixé à 150 millions d'euros par entreprise ;

- un plafond majoré fixé à 200 millions d'euros par entreprise pour les investissements réalisés dans les zones d'aide à finalité régionale, définies à l'annexe 1 (zones dites « c » en droit européen) du décret n° 2022-968 du 30 juin 2022 précité306(*), dans sa rédaction en vigueur au 1er septembre 2023 ;

- un plafond majoré fixé à 350 millions d'euros par entreprise pour les investissements réalisés dans les zones définies à l'annexe 2 (zones dites « a » en droit européen) du même décret, dans sa rédaction en vigueur au 1er septembre 2023, à savoir Saint-Martin et toutes les communes de Mayotte, de la Guyane, de la Guadeloupe, de La Réunion et de Martinique.

Taux et plafonds du crédit d'impôt, tels que prévus par le présent article

 

Lieu de l'investissement

Régions de droit commun

Régions « annexe 1 »

Régions « annexe 2 »

Plafond maximal du crédit d'impôt par entreprise

150 M€

200 M€

350 M€

Taux C3IV

Plus grandes entreprises

20 %

25 %

40 %

Entreprises de taille moyenne307(*)

30 %

35 %

50 %

Entreprises de petite taille308(*)

40 %

45 %

60 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après le présent article

Le VI de l'article 244 quater I prévoit quant à lui que le crédit d'impôt applicable aux dépenses éligibles peut être cumulé avec d'autres aides d'État, sous réserve de respecter les règles de cumul énoncées dans le point 1.5. du TCTF309(*). Il ajoute que le cumul du crédit d'impôt et des autres aides d'État reçues au titre des dépenses prises en compte pour le C3IV ne peut excéder le plafond applicable (150 millions d'euros, 200 millions d'euros ou 350 millions d'euros par entreprise, selon le cas). En revanche, le présent article omet de préciser que le montant total de l'aide ne peut en aucun cas excéder 100 % des coûts admissibles, ce qu'impose pourtant le TCTF.

Enfin le IV de l'article 244 quater I dispose que les aides publiques reçues à raison des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites de l'assiette du crédit d'impôt. Sont concernés par cette déduction tant les subventions que les dispositifs fiscaux (crédit ou réduction d'impôt).

C. LE C3IV CONSTITUE UN CRÉDIT D'IMPÔT RESTITUABLE, DONT L'APPLICATION EST BORNÉE DANS LE TEMPS

1. Un crédit d'impôt restituable

Le IX de l'article 244 quater I dispose que le crédit d'impôt s'applique par fraction au titre des exercices ou des années au cours desquels les dépenses du plan d'investissement agréé sont exposées, en appliquant à ces dépenses le taux de crédit d'impôt mentionné dans la décision d'agrément.

Chaque fraction du crédit d'impôt est imputée sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses mentionnées dans le plan d'investissement sont exposées ou sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel ces dépenses sont exposées310(*).

Il est prévu que si le montant de la fraction du crédit d'impôt excède l'impôt dû au titre de l'année ou de l'exercice, l'excédent - qui constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'État d'un montant égal - est restitué. Il s'agit donc d'une restitution immédiate311(*).

S'agissant des groupes de sociétés, le 1° du I du présent article modifie l'article 223 O du code général des impôts, qui liste un ensemble de crédits et réductions d'impôt pour lesquels la société mère du groupe est substituée aux sociétés du groupe pour leur imputation au titre de l'impôt sur les sociétés, tel que le crédit d'impôt recherche. Il est ainsi prévu de rétablir un i au sein dudit article 223 O pour ajouter à cette liste les crédits d'impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 244 quater I, étant précisé que ledit article s'applique à la somme de ces crédits d'impôt.

De manière classique, le IX de l'article 244 quater I dispose que la créance de l'entreprise sur l'État résultant du C3IV est inaliénable et incessible, sauf dans les cas et selon les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier, relatifs aux procédures de mobilisation des créances professionnelles. Il est prévu qu'en cas de fusion ou d'opération assimilée intervenant au cours des exercices ou des années au cours desquels les dépenses du plan d'investissement agréé sont exposées, la fraction de la créance qui n'a pas encore été imputée par la société apporteuse est transférée à la société bénéficiaire de l'apport.

En outre, le X de l'article 244 quater I prévoit que lorsque les investissements sont réalisés par les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8 (sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple) et 238 bis L (sociétés créées de fait) ou les groupements mentionnés aux articles 239 quater (groupements d'intérêt économique) ou 239 quater C du code général des impôts (groupements européens d'intérêt économique) qui ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés, le crédit d'impôt peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements.

2. Le C3IV, dont la date d'entrée en vigueur n'est pas encore connue, est applicable aux dépenses agréées jusqu'au 31 décembre 2025

Le bénéfice du crédit d'impôt est soumis à deux temporalités concernant l'entrée en vigueur et la fin programmée du dispositif.

En premier lieu, s'agissant de son entrée en vigueur, le IV du présent article précise que ledit article entre en vigueur à une date fixée par décret. Le dispositif étant soumis à l'encadrement européen des aides d'État, et en particulier au TCTF, il est prévu que la date en question soit postérieure à la réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de le considérer comme conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État. Cette date ne doit en revanche pas être postérieure de plus de trois mois à celle de la réception de ladite réponse. La date d'entrée en vigueur effective du dispositif n'est donc pas connue à ce jour.

En revanche, il est loisible aux entreprises, en application du III du présent article, de déposer leurs demandes d'agrément depuis la date de présentation du présent projet de loi de finances pour 2024 en Conseil des ministres, à savoir le mercredi 27 septembre 2023. Néanmoins, le délai d'examen des demandes (de trois mois312(*)) ne courra, pour celles déposées avant l'entrée en vigueur du dispositif, qu'à compter de cette entrée en vigueur. Dans un communiqué du 12 octobre 2023, le Ministère de l'économie et des finances a annoncé que le service d'agrément était ouvert313(*). Selon les informations fournies par le Gouvernement au rapporteur général, à début novembre, une quarantaine de prises de contact avaient été recensées par le bureau des agréments. Aucune demande d'agrément n'avait en revanche était formalisée.

En second lieu, concernant la date de fin du dispositif, le TCTF prévoit que « l'aide est octroyée au plus tard le 31 décembre 2025 ». Dans le présent article, celle-ci est fixée au XI de l'article 244 quater I, qui précise que ledit article s'applique aux crédits d'impôt calculés au titre de projets agréés jusqu'au 31 décembre 2025.

Il convient de remarquer qu'une telle rédaction n'exclut pas que les dépenses qui interviennent après cette date mais qui relèvent d'un agrément accordé au plus tard à cette date puissent bénéficier du C3IV. C'est d'ailleurs ce que confirme l'évaluation préalable de l'article.

Le 3° du VIII de l'article 244 quater I prévoit par ailleurs que les dépenses éligibles au crédit d'impôt sont celles engagées à compter de la date de réception de la demande d'agrément. Il s'en déduit que les dépenses engagées en amont de la demande ne sont pas éligibles, mais que peuvent l'être celles qui ont été engagées entre la date de dépôt de la demande et celle de délivrance de l'agrément.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le Gouvernement, dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a apporté plusieurs modifications en reprenant sept amendements, dont deux amendements identiques.

Trois amendements ont apporté des modifications de fond, tandis que quatre autres ont apporté des précisions ou des améliorations rédactionnelles.

S'agissant des modifications de fond, en premier lieu, les amendements identiques de nos collègues Mathieu Lefèvre314(*) et du rapporteur général Jean-René Cazeneuve315(*) ont modifié le 4° du I de l'article 244 quater I pour prévoir que les entreprises ne procèdent pas, au cours des cinq exercices suivant la mise en service des investissements ayant bénéficié du crédit d'impôt, à leur transfert hors du territoire national. La durée était fixée initialement à deux exercices316(*).

En outre, un amendement du Gouvernement a procédé à divers ajustements. Sa motivation, faiblement développée, repose sur les enseignements des échanges en cours avec la Commission dans le cadre d'une notification du dispositif.

Il a tout d'abord procédé à une réorganisation, au sein du A du II de l'article 244 quater I, des catégories d'activités éligibles au crédit d'impôt, au sein de chacune des quatre filières industrielles. Ces activités sont désormais regroupées en trois et non plus quatre catégories, ce qui permet de se rapprocher dans la ventilation proposée par le TCTF et réduit la complexité du texte initialement proposé.

Activités éligibles au C3IV

 

Filière de production des batteries

Filière de production des panneaux solaires

Filière de production des éoliennes

Filière de production des pompes à chaleur

(a) fabrication des équipements eux-mêmes (et leur assemblage/intégration final pour éoliennes) ou de leurs principaux composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des équipements concernés

Fabrication des cellules et des modules de batteries

Fabrication de cellules photovoltaïques ou hybrides pouvant être associées à la fabrication de modules photovoltaïques ou hybrides

Fabrication des éoliennes terrestres et en mer ainsi que, pour les éoliennes en mer, l'assemblage final des éoliennes et leur intégration sur fondation

Fabrication des pompes à chaleur

(b) la fabrication des autres composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des équipements mentionnés au (a)

Fabrication y compris des matériaux actifs de cathode et de leurs précurseurs, de la cathode, des matériaux actifs d'anode et de leurs précurseurs, d'anode, des sels d'électrolyte, de l'électrolyte, de liants polymères, de nanotubes de carbone, de zincate de calcium, de poudres nanométriques de silicium, de feuillards de cuivre et d'aluminium et de séparateurs destinés aux batteries

Fabrication y compris des plaquettes de silicium destinées aux usages photovoltaïques, des lingots de silicium, des supports de panneaux sur tout type de surface et du verre utilisé dans les applications de production d'énergie solaire

Fabrication y compris des mâts, des pales, des nacelles, des fondations posées ou flottantes, des sous-stations électriques et des câbles dynamiques et électriques de raccordement notamment inter-éoliens

Pas de précision supplémentaire

(c) l'extraction, la production, la transformation et la valorisation de matières premières critiques correspondantes nécessaires à la production des équipements et composants essentiels mentionnés aux (a) et (b)

graphite et les matières premières critiques

silicium et les matières premières critiques

Pas de précision supplémentaire

Pas de précision supplémentaire

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'amendement n° 5387 du Gouvernement déposé à l'Assemblée nationale et repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant elle

Cette réorganisation est également l'occasion pour le Gouvernement de supprimer l'inclusion du raffinage, qui ne semblait pas permise par le TCTF, de même que la production des chauffe-eau thermodynamiques. En outre, l'amendement a apporté des coordinations formelles avec les modifications précédentes, notamment s'agissant de l'éligibilité des dépenses d'investissement dans des projets de production ne consistant pas dans la fabrication de l'équipement lui-même (ou de l'une de ses parties principales, soit le a). Par ailleurs, au sein du B du II de l'article 244 quater I, la référence aux « sous-composants » est remplacée, le terme étant peu clair, par la notion de « composants essentiels », qui est mieux identifiée dans le présent article

Enfin, l'amendement a complété les règles de cumul du crédit d'impôt et des autres aides d'État prévues au VII de l'article 244 quater I. Il ainsi prévu que le montant total de l'aide ne peut excéder 100 % des coûts admissibles, conformément à ce qu'impose la TCFT et qui n'était pas transposé jusque-là. Il a en outre prévu que ce cumul ne peut excéder le taux du C3IV.

S'agissant des amendements ayant un impact de forme, en second lieu, un amendement du rapporteur général Jean-René Cazeneuve a précisé la rédaction du VIII de l'article 244 quater I relatif à la délivrance de l'agrément. Trois autres amendements du rapporteur général Jean-René Cazeneuve sont rédactionnels.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN CRÉDIT D'IMPÔT DONT LA CRÉATION EST UTILE MAIS INSUFFISAMMENT ÉVALUÉE ET QUI DOIT INTÉGRER LA FILIÈRE « AMONT » DE PRODUCTION DES ÉLECTROLYSEURS

Le C3IV créé par le présent article, dont les modalités sont largement contraintes par le TCTF européen, constitue une mesure de politique industrielle utile en faveur de l'implantation en France d'investissements dans des capacités de production de plusieurs équipements liés aux énergies renouvelables (batteries, panneaux photovoltaïques, éoliennes et pompes à chaleurs).

Néanmoins, le rapporteur général constate que le dispositif proposé par le Gouvernement a été insuffisamment évalué, tant s'agissant de son coût fiscal que de ses bénéfices économiques et environnementaux.

Il constate, ensuite, que le périmètre du C3IV n'inclut pas la filière de production des électrolyseurs, alors que le TFCT européen le permet. Si le secteur bénéficie déjà d'aides importantes en tant que solution stratégique pour le développement de l'hydrogène peu carboné, la filière amont de la production des électrolyseurs a pour sa part fait l'objet d'un soutien plus modeste. Il est donc proposé un amendement I-171 (FINC.14) étendant le C3IV à la filière des électrolyseurs pour ce qui concerne la fabrication des composants et la production ou l'utilisation des matières premières nécessaires à la filière. L'objectif est favoriser l'émergence d'une filière française complète de production des électrolyseurs.

En outre, une clarification d'une condition posée au bénéfice par les entreprises de ce crédit d'impôt est nécessaire. Un amendement I-172 (FINC.15) est proposé en ce sens.

Enfin, si le délai fixé pour l'instruction des demandes d'agrément apparaît relativement court au regard de la double compétence de l'ADEME et de la DGFiP, il devra être tenu.

A. UNE ÉVALUATION DU COÛT ET DES RÉSULTATS ATTENDUS DU C3IV TRÈS PEU DÉTAILLÉE

Le C3IV répond largement au cadre fixé par le TCFT à l'échelle européenne en matière d'aides d'État temporairement autorisées dans certaines filières de production d'équipements liés aux énergies renouvelables. Il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas d'une transposition de directive européenne, mais d'un choix souverain de la France d'instituer un crédit d'impôt conçu comme une mesure de politique industrielle, dans un contexte de concurrence internationale en la matière, comme l'illustre l'IRA317(*) pour ce qui concerne les États-Unis.

Il convient d'ailleurs de bien identifier l'objectif du dispositif : si les filières concernées relèvent du secteur des énergies renouvelables, le crédit d'impôt ne consiste pas à encourager la production d'énergie renouvelable. Il vise à favoriser les investissements dans la production d'équipements318(*) qui eux-mêmes, lorsqu'ils seront exploités (pas forcément en France) généreront de l'énergie renouvelable. Il s'agit donc d'une politique industrielle et non d'une politique environnementale, bien que les deux soient liées in fine en raison des secteurs industriels concernés. L'objectif final est de favoriser des investissements industriels en France, sans lien direct avec l'accroissement de la production d'énergie renouvelable en France.

En outre, cette mesure souveraine de politique industrielle pourrait présenter un coût fiscal significatif, le crédit d'impôt pouvant atteindre un taux de 60 % des dépenses d'investissement et un plafond maximal de 350 millions d'euros par entreprise. L'objectif implicite de la mesure est d'ailleurs de favoriser l'installation de méga-usines ; s'il est atteint, le coût fiscal de la mesure pourrait être très important.

La mise en place d'une mesure de nature industrielle présentant un coût fiscal notable suppose d'évaluer très sérieusement ses incidences probables. Or, celles qui sont présentées par le Gouvernement sont très insuffisamment étayées.

S'agissant des incidences économiques attendues, l'évaluation préalable du présent article précise de façon sibylline que le C3IV « devrait permettre de générer environ 23 milliards d'investissements et la création d'environ 40 000 emplois directs sur le territoire national d'ici 2030 ». Cette estimation, produite sur la base des données de la Direction générale des entreprises (DGE), repose sur « la liste des projets actuellement connus qui seraient éligibles au crédit d'impôt ».

Ladite évaluation ajoute en outre que sont attendues des incidences environnementales positives. La logique consiste ici à présumer que le renforcement des capacités de production en lien avec des équipements pouvant produire des énergies renouvelables est de nature à augmenter in fine la part de ce type d'énergie dans le mix énergétique de la France. L'évaluation préalable estime, selon les mêmes données, que le C3IV permettra d'éviter l'émission de 50 millions de tonnes équivalent de dioxyde de carbone (MtCO2eq) sur les dix prochaines années, « soit une réduction cumulée de 34,6 MtCO2eq de l'empreinte carbone de la France sur la durée du dispositif ». Il convient de noter que cette argumentation n'est toutefois pas sans faille puisque le dispositif n'a pas de lien direct avec la production d'énergie elle-même, les équipements produits pouvant tout à fait être utilisés à l'étranger.

Concernant l'impact du C3IV pour les finances publiques, l'évaluation préalable du présent article évoque une dépense fiscale évaluée à 3 milliards d'euros, « répartie entre 2025 et 2031 ». Elle ajoute que si le taux de réalisation des projets connus était plus élevé, la dépense fiscale pourrait s'élever à 3,6 milliards d'euros. Sur la base de ce dernier scénario, qualifié d' « optimiste sur le plan industriel », le coût du dispositif est estimé à 1,4 milliard d'euros sur la période 2024-2027, soit « moins de 500 millions d'euros par an ».

Ces éléments appellent deux commentaires du rapporteur général, qui vont dans le même sens d'un manque d'information du Parlement, voire tout simplement d'un manque regrettable d'évaluation du dispositif.

Tout d'abord, si les projets déjà connus qui seraient potentiellement concernés par le dispositif ne peuvent être révélés, il aurait été nécessaire d'estimer le nombre de projets qui pourraient être concernés annuellement, les filières concernées, leur montant moyen et le type d'entreprises en question. S'il n'est pas possible de disposer d'éléments certains en la matière, il était sans doute possible au Gouvernement de procéder à une véritable évaluation et de la fournir au Parlement. De même, les chiffres relatifs aux incidences économiques et en termes d'emplois sont extrêmement généraux.

Ensuite, s'agissant du coût fiscal, là encore l'estimation fournie est très générale. Ce coût n'est ainsi pas ventilé, que ce soit par filières concernées, par type d'entreprises ou encore par situation géographique de l'investissement. En réponse aux questions écrites du rapporteur général, le Gouvernement indique seulement que « sur les 3 milliards d'euros de dépense fiscale estimée, environ 2 milliards d'euros seront dédiés aux équipements et composants essentiels des 4 filières, et environ 1 milliard d'euros pour la production et valorisation des matières premières critiques dédiées aux filières ». De même, la dépense fiscale n'est pas ventilée par année, à compter de 2025. Enfin, alors que le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, avait indiqué que « l'intégralité de ce crédit d'impôt [serait] financé par une réduction des dépenses fiscales sur les énergies fossiles ou sur des véhicules polluants »319(*), rien ne laisse penser qu'une telle promesse est tenue.

B. UNE FILIÈRE « AMONT » DE PRODUCTION DES ÉLECTROLYSEURS QUI DOIT ÊTRE INTÉGRÉE AU PÉRIMÈTRE DU C3IV

Comme cela a été évoqué supra, les investissements dans des capacités de production de deux filières intégrées dans le TCFT n'ont pas été retenus dans le périmètre d'application du C3IV. Il s'agit des filières des électrolyseurs, d'une part, et des équipements pour le piégeage, l'utilisation et le stockage du dioxyde de carbone (aussi appelées technologies CCUS320(*)), d'autre part. Pourtant, si la filière du piégeage, de l'utilisation et du stockage du dioxyde de carbone est encore peu mature en France, la non-intégration de la filière des électrolyseurs est plus surprenante.

Pour rappel, les électrolyseurs sont considérés comme une solution stratégique pour le développement de l'hydrogène décarboné, par rapport aux solutions de production de l'hydrogène émettant des gaz à effet de serre. En effet, l'électrolyse, procédé qui consiste à dissocier l'hydrogène de l'oxygène constituant la molécule d'eau à l'aide d'un courant électrique, produit de l'hydrogène sans utilisation de combustible fossile ; il n'émet donc pas de gaz à effet de serre à cette occasion. L'électricité produite en France étant par ailleurs d'origine essentiellement non fossile, le bilan global de l'électrolyse peut être qualifié de « bas carbone ».

Le développement de l'hydrogène bas carbone constitue d'ailleurs une priorité affichée par le Gouvernement. Le budget pour 2024 prévoit par exemple un mécanisme de soutien à la production d'hydrogène d'environ 700 millions d'euros pour 2024. Plus largement, des aides importantes ont déjà été mises en place, notamment dans le cadre d'un projet important d'intérêt européen commun (PIIEC). Outre le soutien à la production, certaines aides sont fléchées vers des projets industriels d'usines de fabrication d'électrolyseurs. En France, les mesures de soutien financier sont notamment déployées via les programmes d'investissement d'avenir (PIA) et le plan « France 2030 », dans le cadre de la Stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène décarboné annoncée par le Gouvernement en septembre 2020. La France s'est ainsi fixé l'ambition de pouvoir compter sur son sol au moins quatre giga-usines d'électrolyseurs et l'ensemble des technologies nécessaires à l'utilisation de l'hydrogène.

Par ailleurs, le Gouvernement a lancé en septembre 2023 un nouveau mécanisme de soutien à la production d'hydrogène bas-carbone. Selon le Gouvernement, ce nouveau dispositif a pour objectif de soutenir sur les quatre prochaines années 1 gigawatt d'électrolyseurs, pour environ 4 milliards d'euros de soutien public. « Les porteurs de projet pourront candidater soit pour une aide au fonctionnement, soit pour une combinaison d'une aide financière à l'investissement et d'une aide au fonctionnement, compensant les surcoûts d'un électrolyseur par rapport aux productions fossiles d'hydrogène, sur une durée cohérente avec l'amortissement de l'équipement. »321(*) Ce mécanisme de soutien s'inscrit également dans le cadre d'un PIIEC.

Ainsi, le soutien au secteur des électrolyseurs est aujourd'hui important. Néanmoins, il se concentre essentiellement soit sur des aides à la production d'énergie soit sur un soutien industriel à la fabrication d'électrolyseurs. En revanche, la « filière amont » de production des composants et d'utilisation des matières premières nécessaires à la filière industrielle fait l'objet d'un soutien plus modeste. Or, il est dans l'intérêt de la France, tant pour des raisons industrielles que d'indépendance énergétique, de favoriser l'émergence d'une filière complète de production des électrolyseurs, des matières premières à l'équipement final.

Il est ainsi proposé un amendement I-171 (FINC.14) visant à élargir l'assiette du C3IV aux investissements dans les capacités de production de la filière des électrolyseurs pour ce qui concerne :

- la fabrication des composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des anodes, des cathodes et des membranes des électrolyseurs ;

- l'extraction, la production, la transformation et la valorisation des matières premières critiques pour la production d'électrolyseurs ou de leurs composants essentiels.

Des modifications de coordination rendues nécessaires par cet ajout sont en outre prévues par le même amendement.

En revanche, il n'est pas proposé d'intégrer dans le périmètre du C3IV la fabrication des électrolyseurs eux-mêmes, pour éviter une redondance avec les aides existantes.

C. UNE CLARIFICATION SOUHAITABLE D'UNE CONDITION POSÉE AU BÉNÉFICE DU C3IV

Parmi les conditions posées au bénéfice du C3IV, deux tiennent à la localisation géographique et à la durée d'exploitation des investissements éligibles.

Ainsi, le I de l'article 244 quater I du code général des impôts, dans la rédaction résultant du présent article - dans sa version résultant de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale - précise que les entreprises :

- ne procèdent pas, au cours des cinq exercices suivant l'exercice de mise en service des investissements ayant bénéficié du crédit d'impôt, à leur transfert hors du territoire national (4° du même I) ;

- exploitent les investissements éligibles pendant au moins cinq ans à compter de leur mise en service. Cette durée minimale est réduite à trois ans pour les PME (5° du même I).

Par cohérence avec la condition posée au 4°, il est proposé un amendement I-172 (FINC.15) qui ajoute, au sein du 5°, que l'exploitation des investissements éligibles pendant au moins cinq ans (trois ans pour les PME) doit avoir lieu en France.

D. UN DÉLAI D'INSTRUCTION DES DEMANDES D'AGRÉMENT QUI DEVRA ÊTRE TENU

Comme mentionné supra, il est prévu au E du VIII de l'article 244 quater I que la décision de délivrance ou de refus de l'agrément est rendue dans un délai de trois mois à compter de la date de dépôt d'une demande d'agrément complète.

Un tel délai est court au regard du fait que doivent intervenir la DGFiP et l'ADEME. En outre, est désormais également évoquée une intervention des services de la DGE322(*). Néanmoins, inscrit dans la loi, ce délai devra être tenu. Or le rapporteur général constate d'ores et déjà que dans le cas où ce délai ne serait pas respecté, il n'est pas prévu qu'une décision tacite favorable en résulte.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article, ainsi modifié.

ARTICLE 5 bis (nouveau)

Prorogation de la réduction d'impôt pour les sociétés
pour la mise à disposition d'une flotte de vélos

Le présent article prévoit de proroger la réduction d'impôt accordée aux entreprises qui mettent à disposition de leurs salariés une flotte de vélos pour les frais engagés non plus jusqu'au 31 décembre 2024 mais 2027.

Afin de respecter l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, il est proposé de limiter cette prorogation à trois ans à compter de l'entrée en vigueur du présent article, soit jusqu'à la fin de l'année 2026, et non par rapport à l'échéance initiale. Le rapporteur général a déposé en ce sens un amendement FINC.16.

Par ailleurs, l'article étend le champ des dépenses pouvant être financées par le droit départemental de passage dû par les usagers des véhicules terrestres à moteur empruntant un ouvrage d'art reliant une île maritime au continent. Ainsi, ce droit permettra de couvrir des dépenses liées à « l'aménagement et l'entretien de pistes cyclables en site propre en revêtement ni cimenté, ni bitumé, permettant le développement de la pratique du vélo au quotidien ».

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE RÉDUCTION D'IMPÔT TEMPORAIRE POUR LES ENTREPRISES METTANT À DISPOSITION DE LEURS SALARIÉS UNE FLOTTE DE VÉLOS À TITRE GRATUIT ET UN ENCADREMENT DE L'UTILISATION DU DROIT DÉPARTEMENTAL DE PASSAGE DÛ PAR LES USAGERS DES VÉHICULES TERRESTRES À MOTEUR EMPRUNTANT UN OUVRAGE D'ART RELIANT UNE ÎLE MARITIME AU CONTINENT

A. LES ENTREPRISES QUI METTENT À DISPOSITION GRATUITEMENT UNE FLOTTE DE VÉLOS AU PROFIT DE LEURS EMPLOYÉS BÉNÉFICIENT D'UNE RÉDUCTION D'IMPÔT

L'article 39 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte323(*) a introduit une réduction d'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui mettent gratuitement à disposition de leurs salariés une flotte de vélos pour leurs déplacements entre leur domicile et leur lieu de travail, dans la limite de 25 % du prix d'achat de la flotte. La réduction s'applique que l'entreprise soit propriétaire des vélos ou les loue, sous réserve en ce cas que le contrat de location soit conclu pour une durée minimale de trois ans.

La réduction s'impute sur le montant d'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel les frais ont été générés. Si ces frais excèdent le montant de l'impôt dû, le solde non imputé ne peut faire l'objet ni d'une restitution, ni d'un report.

Cette réduction, codifiée à l'article 220 undecies A du code général des impôts, s'applique depuis le 1er janvier 2016. La loi de finances pour 2019324(*) en a limité l'application dans la durée jusqu'au 31 décembre 2021, puis l'article 148 de la loi de finances pour 2021 l'a prorogé jusqu'au 31 décembre 2024.

Selon le tome II du fascicule « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024, 900 entreprises ont bénéficié de ce dispositif en 2022, pour une dépense fiscale évaluée à 2 millions d'euros.

B. L'ENCADREMENT DE L'UTILISATION DE LA TAXE POUR DROIT DE PASSAGE

L'article 49 de la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de de la protection de l'environnement, dite loi Barnier325(*), permet la mise en place d'un droit départemental de passage dû par les usagers de chaque véhicule terrestre à moteur empruntant un ouvrage d'art reliant une île maritime au continent.

Ce droit de passage est institué par le conseil départemental, à la demande de la majorité des communes et groupements de communes.

Le produit de cette taxe est inscrit au budget du département et est destinée au financement de mesures de protection et de gestion des espaces naturels insulaires ainsi qu'au développement de transports en commun fonctionnant avec des véhicules propres.

Par ailleurs, cet article dispose que « l'usage de l'ouvrage d'art entre le continent et l'île peut en outre donner lieu à la perception d'une redevance pour services rendus par le maître de l'ouvrage en vue d'assurer le coût de son entretien et de son exploitation ».

Un tel droit de passage a été institué pour le pont reliant le continent à l'île de Ré dès 1999, mais ni pour le pont de Noirmoutier, ni pour celui d'Oléron. Si pour cette dernière île, la mise en place d'un tel droit de passage a été envisagée à la demande des communes de l'île en 2014, le président du département a reporté sine die la mise en place de ce droit en 2017, un plan de subvention étant mis en oeuvre au profit de l'île pour compenser l'absence de taxe.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT POUR LA MISE À DISPOSITION D'UNE FLOTTE DE VÉLOS AUX SALARIÉS ET L'EXTENSION DU CHAMP DES DÉPENSES COUVERTES PAR LE DROIT DE PASSAGE POUR LES VÉHICULES EMPRUNTANT UN OUVRAGE D'ART RELIANT UNE ÎLE AU CONTINENT LORSQUE CETTE DERNIÈRE A ÉTÉ INSTITUÉE PAR LE DÉPARTEMENT

Le présent article additionnel est issu d'un amendement de notre collègue député Mickaël Bouloux et a été intégré par le Gouvernement au texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

Il tend à proroger de trois années supplémentaires (jusque fin 2027) les dépenses éligibles à la réduction d'impôt des entreprises lorsqu'elles mettent gratuitement à disposition de leurs salariés une flotte de vélos.

Par ailleurs, le présent article étend le champ des dépenses qui peuvent être financées par la taxe départementale de passage prévue à l'article L. 321-11 du code de l'environnement aux dépenses visant à « l'aménagement et l'entretien de pistes cyclables en site propre en revêtement ni cimenté, ni bitumé, permettant le développement de la pratique du vélo au quotidien ».

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES EXTENSIONS UTILES, QUI PERMETTENT DE SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT DE L'USAGE DU VÉLO

Malgré un recours limité à la réduction d'impôt pour la mise à disposition de flottes de vélo dans les entreprises, il semble utile de proroger ce dispositif, qui connait une montée en puissance - relative - ces dernières années : alors que seules 260 entreprises y recourraient en 2019, elles sont désormais plus de 900 en 2022. Il conviendrait néanmoins de faire connaître davantage ce dispositif.

Toutefois, afin de respecter l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, il est proposé de limiter cette prorogation à trois ans à compter de l'entrée en vigueur du présent article, soit jusqu'à la fin de l'année 2026. Le rapporteur général a déposé en ce sens un amendement FINC.16.

Enfin, l'extension des dépenses pouvant être financées par la taxe départementale de passage prévue à l'article L. 321-11 du code de l'environnement aux dépenses visant à « l'aménagement et l'entretien de pistes cyclables en site propre en revêtement ni cimenté, ni bitumé » est cohérente avec les objectifs de la taxe.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 ter (nouveau)

Prorogation de l'exonération d'impôt sur les revenus de location d'une partie de l'habitation principale ou d'une chambre d'hôte

Le présent article prévoit de proroger l'application de l'exonération d'impôt pour les produits de la location d'une partie de la résidence principale ou d'un chambre d'hôte jusqu'au 31 décembre 2026. Cependant, la prorogation proposée intervient alors qu'aucune évaluation de cette exonération n'a été effectuée.

Pour cette raison, la commission propose d'adopter un amendement n° I-174 (FINC. 17) prévoyant, d'une part, d'avancer la date de fin de la prorogation au 15 juillet 2025, et d'autre part, que le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2024, un rapport évaluant l'impact budgétaire et le nombre de bénéficiaires de cet avantage fiscal.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU DES PRODUITS DE LA LOCATION DE L'HABITATION PRINCIPALE BORNÉE DANS LE TEMPS

Le I de l'article 35 bis du code général des impôts prévoit une exonération d'impôt sur le revenu pour les produits réalisés par des propriétaires louant ou sous-louant, en meublé, une ou plusieurs pièces de leur habitation principale dès lors :

- que cette location meublée constitue la résidence principale du locataire ou, s'agissant d'un travailleur temporaire, sa résidence temporaire ;

- que le prix de la location demeure fixé dans des limites raisonnables.

Cet avantage fiscal a initialement été introduit par la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984. La limite d'exonération relative aux chambres d'hôtes, fixée à 5 000 francs par la loi de finances pour 1984, n'a pas été revalorisée depuis cette date, faisant seulement l'objet d'une conversion en euros.

L'article 78 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, reprenant un amendement de notre collègue Daniel Breuiller326(*) adopté au Sénat avec un avis de sagesse de la commission des finances, a prorogé l'application du I de l'article 35 bis jusqu'au 15 juillet 2024. Le choix de la date du 15 juillet s'explique par la volonté de ne pas faire cesser cet avantage fiscal en cours d'année universitaire.

Le II du même article prévoit également, pour les chambres d'hôtes, une exonération d'impôt sur le revenu sur le produit des locations pour les personnes qui mettent de façon habituelle, à la disposition du public, une ou plusieurs pièces de leur habitation principale, lorsque ce produit n'excède pas 760 euros par an. Cette exonération n'est pas applicable si les revenus sont perçus dans le cadre d'une micro-entreprise, régie par l'article 50-0 du code général des impôts.

L'article 136 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prorogé l'application du II de l'article 35 bis jusqu'au 31 décembre 2023.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROLONGATION DE L'EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU DES PRODUITS DE LA LOCATION DE L'HABITATION PRINCIPALE

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue député Lise Magnier et de plusieurs autres de ses collègues.

Le présent article modifie le I de l'article 35 bis du code général des impôts pour proroger l'application de l'exonération d'impôt sur le revenu pour les produits réalisés par des propriétaires louant ou sous-louant, en meublé, une ou plusieurs pièces de leur habitation principale jusqu'au 31 décembre 2026.

Il modifie également le II de l'article 35 bis pour étendre l'exonération d'impôt sur le revenu sur le produit des locations pour les personnes qui mettent de façon habituelle, à la disposition du public, une ou plusieurs pièces de leur habitation principale jusqu'au 31 décembre 2026.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROROGATION OPPORTUNE QUI NÉCESSITERAIT TOUTEFOIS UNE ÉVALUATION

Le rapporteur général souligne que l'impact budgétaire de cette exonération n'a, jusqu'à maintenant, jamais été déterminé. Le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et niches sociales, rendue en 2011, lui attribue le score de 1 qui correspond à une mesure « inefficiente ». Par ailleurs, le tome II de l'annexe « Voies et moyens » annexée au présent projet de loi de finances indique que l'exonération est « non chiffrable » et que le nombre de bénéficiaires est « non déterminé ».

Pour cette raison, la commission des finances propose, à travers son amendement n° I-174 (FINC. 17), d'avancer la date de fin de la prorogation au 15 juillet 2025 et de prévoir la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 1er octobre 2024, d'un rapport évaluant l'impact budgétaire et le nombre de bénéficiaires de cet avantage fiscal.

Toutefois, compte tenu de l'état du marché locatif et dans l'attente d'une évaluation de cet avantage fiscal, il apparait opportun d'adopter cette prorogation.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 quater (nouveau)

Prorogation du régime fiscal de provision réglementée
des entreprises du secteur de la presse

Le présent article prévoit de proroger pour trois ans le régime spécial de provisions réglementées pour l'investissement applicable à la presse d'information politique et générale, en édition papier comme en ligne.

Ce dispositif, dont le coût est inférieur à un million d'euros et qui bénéficie à une cinquantaine d'entreprises, a déjà été prorogé à plusieurs reprises. Il devait prendre fin à compter de l'exercice 2024.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME SPÉCIAL DE PROVISIONS RÉGLEMENTÉES POUR L'INVESTISSEMENT DESTINÉ AUX ENTREPRISES DE PRESSE DEVANT PRENDRE FIN EN 2023

L'article 39 bis A du code général des impôts prévoit un régime spécial de provisions réglementées pour l'investissement (PPI) en faveur des entreprises de presse.

Aux termes de celui-ci, les entreprises de presse éligibles peuvent constituer une provision déductible de leur résultat imposable en vue de faire face aux dépenses suivantes :

acquisition d'éléments d'actif (mobiliers, matériels, terrains, constructions) nécessaires à l'exploitation de la publication ou service de presse ;

prise de participation dans des entreprises ayant pour activité principale l'édition d'un journal ou d'une publication, ou l'exploitation d'un service de presse en ligne exerçant dans un domaine similaire ou au sein d'entreprises assurant des prestations de service dans les domaines de l'information, de l'approvisionnement en papier, de l'impression ou de la distribution ;

constitution de bases de données et l'acquisition du matériel nécessaire à leur exploitation ou à la transmission de ces données ;

immobilisations liées à la recherche, au développement technologique et à l'innovation, au profit de leurs publications.

Sont éligibles au bénéfice de la provision spéciale les entreprises qui exploitent :

- un journal quotidien ;

- une publication au maximum mensuelle consacrée pour une large part à l'information politique et générale (IPG) ;

- un service de presse en ligne consacré pour une large part à l'information politique et générale.

La définition du caractère d'information politique et générale figure à l'article 17 de l'annexe II au CGI. Relèvent de cette catégorie les publications qui consacrent au moins un tiers de leur surface rédactionnelle à l'apport « de façon permanente et continue sur l'actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ».

Les sommes déduites sont limitées à 30 % du bénéfice de l'exercice concerné pour les publications autres que quotidiennes et pour les services de presse en ligne. Ce seuil est porté à 60 % pour les quotidiens et à 80 % pour les quotidiens dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,6 millions d'euros.

Créé à compter de l'exercice 1997, le dispositif a régulièrement été prorogé en loi de finances. L'article 3 bis de la loi de finances initiale pour 2021327(*) avait étendu le bénéfice du régime spécial pour les exercices clos jusqu'au 31 décembre 2023.

Créé en loi de finances pour 2017, l'article 39 bis B du code général des impôts étend les dispositions de l'article 39 bis A aux entreprises de presse en ligne centrées sur l'information professionnelle ou censées favoriser l'accès au savoir et à la formation et la diffusion de la pensée, du débat d'idées, de la culture générale et de la recherche scientifique. Les sommes déduites sont limitées à 30 % du bénéfice de l'exercice concerné. La doctrine fiscale précise que les entreprises concernées ne sont pas tenues d'exploiter exclusivement ce service de presse en ligne. Dans le cas d'une pluralité d'activités, l'entreprise doit être en mesure de ventiler son bénéfice entre ses différentes activités328(*).

Le montant de la dépense fiscale totale pour les deux dispositifs est inférieur à 1 million d'euros en 2023, 51 entreprises en ayant bénéficié.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE NOUVELLE PROROGATION DE TROIS ANS

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Violette Spillebout et plusieurs de ses collègues.

Il modifie les articles 39 bis A et 39 bis B du CGI afin de proroger le dispositif pour les exercices clos jusqu'au 31 décembre 2026.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROROGATION SOUHAITABLE POUR UN SECTEUR FRAGILE AU REGARD DU FAIBLE COÛT DU DISPOSITIF

La prorogation du régime spécial de provisions réglementées pour l'investissement doit permettre de continuer à procurer un avantage de trésorerie aux entreprises de presse. Par le passé, la commission des finances s'était déjà montrée à plusieurs reprises favorable à la prorogation et à l'extension du dispositif, au regard, notamment, de la faiblesse de la dépense fiscale.

La prorogation peut paraître opportune dans un contexte de crise du secteur de la presse, et alors que l'accès à une information politique et générale de qualité constitue un enjeu majeur du débat public. S'agissant plus largement de la refonte des aides à la presse, annoncée dans le cadre du lancement des États généraux de l'information, il est souhaitable qu'elle intègre une évaluation et une remise à jour des différents dispositifs fiscaux de soutien à la presse d'information générale.

Plus généralement, la question se pose de la reconduction à l'identique de dispositifs sans réelle évaluation intermédiaire. Alors que le Gouvernement a lui-même souhaité introduire à l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques la nécessité d'évaluer l'impact des dépenses fiscales comme préalable à leur reconduction, force est de reconnaître qu'il n'a pas appliqué cette logique dans le texte transmis au Sénat.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 quinquies (nouveau)

Dispositif de déduction fiscale en faveur de l'acquisition de véhicules lourds « rétrofités »

Le présent article prévoit d'étendre le mécanisme de suramortissement pour l'acquisition de véhicules lourds peu polluants à l'achat de véhicules ayant fait l'objet d'un rétrofit électrique.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN SURAMORTISSEMENT DESTINÉ À SOUTENIR L'ACQUISITION DE VÉHICULES LOURDS NEUFS PEU POLLUANTS

Créé par l'article 23 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, l'article 39 decies A du code général des impôts prévoit un mécanisme de suramortissement destiné à soutenir l'acquisition de poids lourds neufs peu polluants.

Sa description détaillée est présentée dans le commentaire de l'article 5 septies au sein du présent rapport.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : ÉTENDRE LE MÉCANISME DE SURAMORTISSEMENT POUR L'ACQUISITION DE VÉHICULES LOURDS PEU POLLUANTS À L'ACHAT DE VÉHICULES AYANT FAIT L'OBJET D'UN RÉTROFIT ÉLECTRIQUE

Le présent article résulte de la reprise par le Gouvernement, dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, d'un amendement déposé par Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues.

En modifiant les I et III de l'article 39 decies A du code général des impôts, les dispositions de cet article 5 quinquies visent à étendre le mécanisme de suramortissement pour l'acquisition de véhicules lourds peu polluants à l'achat de véhicules « dont la motorisation thermique a fait l'objet d'une transformation en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible », c'est-à-dire des véhicules ayant fait l'objet d'un « rétrofit » électrique.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI DOIT PARTICIPER À LA DÉCARBONATION DES VÉHICULES LOURDS

Le levier que représente le rétrofit électrique fait partie de ceux qui doivent être mobilisés dans le cadre de la transition écologique des véhicules lourds. Le commentaire de l'article 5 septies décrit dans le détail les bénéfices environnementaux à attendre de ce procédé.

Par ailleurs, lors de l'examen du PLF pour 2023, le Sénat avait adopté en première lecture, avec un avis de sagesse de la commission des finances et malgré un avis défavorable du Gouvernement, un amendement dont l'intention était identique à celle du présent article. Encore une fois, le rapporteur suggère au Gouvernement de davantage écouter la voix du Sénat.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 sexies (nouveau)

Dispositif de déduction fiscale en faveur des coûts résultant de la transformation de véhicules lourds selon la pratique du « rétrofit »

Le présent article prévoit l'extension du suramortissement prévu par l'article 39 decies A du code général des impôts destiné à soutenir l'acquisition de poids lourds peu polluants à la pratique du rétrofit électrique.

L'intention de l'article est utile mais son dispositif n'est pas opérant en l'état et l'amendement n° I- 175 (FINC.18) de la commission permettra de rendre effectif le système de déduction fiscale qu'il instaure.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UN SURAMORTISSEMENT DESTINÉ À SOUTENIR L'ACQUISITION DE VÉHICULES LOURDS NEUFS PEU POLLUANTS

Créé par l'article 23 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, l'article 39 decies A du code général des impôts prévoit un mécanisme de suramortissement destiné à soutenir l'acquisition de poids lourds neufs peu polluants.

En application du 1 du I de l'article 39 decies A, ce dispositif concerne les véhicules lourds, c'est-à-dire ceux dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur ou égal à 2,6 tonnes, acquis neufs et utilisant du gaz naturel, du biométhane carburant, du carburant ED95, du carburant B100, de l'hydrogène, une motorisation électrique ou une combinaison de gaz naturel et de gazole nécessaire au fonctionnement d'une motorisation biocarburant dont les caractéristiques sont définies en référence à une norme fixée par le droit dérivé de l'Union européenne329(*).

En vertu du 2 du I du même article, ce mécanisme permet de déduire de son résultat imposable une somme égale à un pourcentage de la valeur d'origine du véhicule acquis neuf :

- 20 % pour les véhicules d'un PTAC compris entre 2,6 et 3,5 tonnes ;

- 60 % pour les véhicules d'un PTAC compris entre 3,5 et 16 tonnes ;

- 40 % pour les véhicules d'un PTAC supérieur à 16 tonnes.

Conformément au II de l'article, la déduction fiscale fait l'objet d'une répartition linéaire sur la durée normale d'utilisation du bien et elle n'est acquise à l'entreprise qu'à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de la cession en cas de cession du bien avant le terme de cette période.

En application du III du même article, le mécanisme s'applique aussi dans des configurations où l'entreprise prend en location un bien neuf en application d'un contrat de crédit-bail ou dans le cadre d'un contrat de location avec option d'achat.

Ce dispositif a été prorogé à quatre reprises depuis son instauration en 2016 :

- jusqu'en 2019 par la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 ;

- jusqu'en 2021 par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

- jusqu'en 2024 par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 ;

- puis jusqu'en 2030 par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : ÉTENDRE LE MÉCANISME DE SURAMORTISSEMENT AUX COÛTS DE LA TRANSFORMATION DES VÉHICULES SELON LA PRATIQUE DU RÉTROFIT ÉLECTRIQUE

Les dispositions du présent article sont issues de deux amendements déposés, l'un par Mme Émilie Bonnivard et l'autre par M. Vincent Rolland avec plusieurs de leurs collègues conservés dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Ces dispositions proposent d'étendre l'éligibilité du dispositif de suramortissement prévu par l'article 39 decies A du code général des impôts à la transformation des véhicules selon la pratique du rétrofit électrique. La pratique du rétrofit consiste en la conversion de véhicules thermiques en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible.

Le 1° de l'article 5 septies propose ainsi de compléter le I de l'article 39 decies A du code général des impôts par deux alinéas.

Le premier prévoit que « les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu selon un régime réel d'imposition peuvent pratiquer une déduction assise sur le coût, hors frais financiers, de la transformation des véhicules à motorisation thermique affectés à leurs activités en véhicules à motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible à hydrogène ». Les conditions d'application de cette disposition doivent être définies dans un arrêté du ministère chargé de l'écologie.

Le second alinéa prévoit quant à lui que ce droit à déduction s'applique aux véhicules lourds, c'est-à-dire d'un PTAC supérieur à 2,6 tonnes dont la transformation est intervenue entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2030, soit la date d'échéance du dispositif.

Les dispositions du présent article ne prévoient cependant aucune précision quant au calcul de la déduction fiscale susceptible d'être appliquée par les entreprises concernées à leur résultat imposable. Cette omission rend le dispositif inopérant en l'état.

Le 2° de l'article prévoit quant à lui que l'élargissement du dispositif de suramortissement à la pratique du rétrofit s'applique également aux cas où l'entreprise considérée prend en location un véhicule lourd en application d'un contrat de crédit-bail ou dans le cadre d'un contrat de location avec option d'achat.

Ce même 2° prévoit que, dans cette configuration de location, les sommes qui pourraient être dédites par les entreprises de leur résultat imposable correspondent aux pourcentages suivants rapportés au coût de la transformation du véhicule :

- 50 % pour les véhicules d'un PTAC compris entre 2,6 et 3,5 tonnes ;

- 60 % pour les véhicules d'un PTAC compris entre 3,5 et 16 tonnes ;

- 70 % pour les véhicules d'un PTAC supérieur à 16 tonnes.

En revanche, contrairement aux dispositions prévues dans le cadre du suramortissement actuel, le dispositif proposé par le présent article ne précise pas que la déduction ne peut être appliquée deux fois pour la même transformation par l'entreprise qui donne le bien en location ou en crédit-bail ainsi que par l'entreprise qui prend le bien.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DÉDUCTION FISCALE UTILE POUR ENCOURAGER LA TRANSFORMATION DE VÉHICULES LOURDS D'UNE MOTORISATION THERMIQUE VERS UNE MORORISATION 100 % ÉLECTRIQUE

Le levier que représente le rétrofit électrique fait partie de ceux qui doivent être mobilisés dans le cadre de la transition écologique des véhicules lourds.

Dans une étude publiée en mars 2021, l'Agence de la transition écologique (Ademe) a analysé l'intérêt du rétrofit électrique pour le segment des véhicules lourds de 16 à 19 tonnes qu'elle avait préalablement identifié comme une zone de pertinence potentielle. L'Ademe conclut que « le rétrofit semble être une possible solution compétitive pour électrifier ce segment du parc, pour des usages adaptés, dans un contexte où l'offre est limitée ». Dans cette étude, l'Ademe considère même que le bilan en termes d'émissions de CO2 sur dix ans de fonctionnement pour un véhicule diesel rétrofité pourrait être meilleur de 37 % à celui d'un véhicule électrique neuf.

Pour arriver à cette conclusion, l'Ademe a comparé le bilan de dix ans de fonctionnement d'un véhicule lourd selon trois scénarios : la prolongation de la durée de vie d'un véhicule diesel pendant dix ans, l'achat d'un véhicule électrique neuf et la transformation d'un véhicule diesel (rétrofit électrique) après dix ans de fonctionnement. Le résultat de cette comparaison est présenté dans le graphique ci-après.

Comparaison réalisée par l'Ademe

Source : étude rétrofit, Ademe, mars 2021

Dans son scénario le plus dynamique de développement du marché, cette étude évaluait à 18 300 le nombre potentiel d'opérations de rétrofit électrique de poids lourds de 16 à 19 tonnes d'ici fin 2028, et à 44 600 à horizon 2030. Pour les autobus standards de 12 mètres, les volumes d'opérations estimés par l'Ademe étaient équivalents.

En France, la filière du rétrofit électrique pour les véhicules lourds est en phase de développement. Des homologations de kits de rétrofit électrique pour onze modèles de véhicules ont d'ores et déjà été réalisées et treize autres sont en cours. Un agrément de prototype a notamment été accordé pour un kit de rétrofit électrique d'un modèle de véhicule lourd Iveco Crossway qui a fait l'objet de premières transformations.

Afin de soutenir le développement de la filière, le rétrofit électrique, a été rendu éligible à l'appel à projets « Écosystèmes des véhicules lourds électriques » piloté par l'Ademe et financé par des crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». À cet égard, lors de la première relève de l'appel à projets de 2023, les trois lauréats de la catégorie autocars ont été des projets de rétrofit électrique.

D'après les prévisions de la filière, compilées par Mobilians en septembre 2023, les projections d'opérations de rétrofit électrique toutes catégories de véhicules confondues en France sont de 5 900 en 2024 et 193 000 en 2028.

D'après le Tome II de l'annexe au PLF pour 2024 portant sur l'évaluation des voies et moyens, le dispositif de suramortissement prévu à l'article 39 decies A du code général des impôts concerne 1 009 entreprises et son coût prévisionnel pour 2024 était estimé à 7 millions d'euros. S'il n'est pas précisé dans l'objet de l'amendement à l'article d'équilibre retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le coût de l'extension au rétrofit électrique de ce mécanisme de suramortissement devrait être très modéré, notamment en raison du caractère encore embryonnaire de la pratique du fait de certains freins techniques et relatifs à l'homologation ainsi qu'à l'assurabilité des véhicules.

Aussi utile que soit l'intention de cet article, il ne serait pas opérant en l'état en raison de l'omission, dans le dispositif, des taux de déduction fiscale appliqués aux différents types de véhicules. Par ailleurs, le dispositif tel qu'il est rédigé pourrait permettre, en cas de location de longue durée ou de crédits-bails, que la déduction fiscale s'applique deux fois pour les mêmes dépenses de transformation, d'une part pour l'entreprise preneuse et d'autre part pour l'entreprise donneuse. L'amendement n° I- 175 (FINC.18) de la commission entend rendre l'article opérant en ajoutant ces éléments indispensables au dispositif. Il précise également qu'en cas de transformation pour une motorisation alimentée par une pile à combustible, cette dernière doit fonctionner à l'hydrogène.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 septies (nouveau)

Dispositif de déduction fiscale en faveur des coûts résultant de la transformation de véhicules lourds selon la pratique du « rétrofit »

Le présent article résulte de la reprise par le Gouvernement, dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, de cinq amendements identiques330(*). Il poursuit le même objectif que l'article 5 sexies mais dans une rédaction moins aboutie. S'agissant du fond du dispositif, il est donc renvoyé au commentaire de l'article 5 sexies.

Sur la forme, on ne peut que s'étonner que le Gouvernement n'ait pas choisi le dispositif de l'amendement qui lui paraissait le plus abouti dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Il en résulte que le texte transmis au Sénat contient des dispositions qui sont juridiquement concurrentes et par la même inapplicables. Le souhait d'afficher le plus grand nombre et le plus large spectre politique d'amendements retenus a dû motiver ce mauvais choix, qui s'est fait au détriment de la clarté du texte et des débats.

La commission propose par un amendement I-176 (FINC.19) de supprimer cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 octies (nouveau)

Aménagement du dispositif fiscal favorable aux navires « verts »

Le présent article prévoit une évolution du cadre fiscal relatif au dispositif de suramortissement conçu pour accompagner le verdissement de la flotte de navires, présentée comme une adaptation nécessaire à la révision du cadre européen en matière d'aides d'État. Cette évolution se traduirait par un régime fiscal beaucoup plus contraignant, avec la suppression ou la réduction de plusieurs taux de suramortissement.

En particulier, les taux de 125 % et de 105 % respectivement applicables, d'une part, à l'utilisation d'hydrogène ou de toute autre propulsion décarbonée comme énergie propulsive principale, et, d'autre part, à l'utilisation du gaz naturel liquéfié comme énergie propulsive principale, seraient supprimés au profit d'un taux de seulement 75 % pour l'utilisation d'une énergie décarbonée comme énergie propulsive principale. Un nouveau taux de 115 % est institué, mais il serait réservé à l'utilisation d'une énergie décarbonée comme énergie propulsive à titre exclusif.

Certes, la réglementation européenne en matière d'aides d'État a récemment fait l'objet d'une révision avec l'adoption du règlement n° 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023. Toutefois, les conclusions tirées par le Gouvernement quant à l'évolution du droit national semblent relever d'une sur-transposition préjudiciable à la transition écologique du transport maritime.

La commission des finances propose, par un amendement n° I-177 (FINC.20), de conserver le dispositif de suramortissement bénéficiant au verdissement de la flotte des navires dans sa version actuellement en vigueur, en modifiant uniquement le taux applicable à l'utilisation d'hydrogène ou de toute autre propulsion décarbonée comme énergie propulsive principale, qui serait réduit de 125 % à 120 % afin de se conformer strictement à la révision du droit européen.

I. LE DROIT EXISTANT : UN SURAMORTISSEMENT POUR PROMOUVOIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DE LA FLOTTE DE BATEAUX QUI A DÛ ÊTRE AJUSTÉ UNE PREMIÈRE FOIS POUR SE CONFORMER AU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

A. CRÉÉ PAR LA LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2019, LE DISPOSITIF A DÛ ÊTRE RÉAMÉNAGÉ EN 2020 AFIN D'ÊTRE APPROUVÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

1. L'article 56 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a créé un dispositif de suramortissement destiné à promouvoir la transition énergétique des flottes de navires

a) Les engagements de l'État pris à l'issue du comité interministériel de la mer (CIMer) de novembre 2017

À l'issue des travaux menés au sein du comité interministériel de la mer (CIMer) en novembre 2017, le Premier ministre avait insisté sur la nécessité d'accompagner la transition écologique du secteur du transport maritime. Il s'était engagé à étudier « la révision des modalités d'amortissement des investissements concernant l'achat de nouveaux navires ou de modes de propulsion ».

La mesure n° 18 actée par le CIMer prévoyait notamment que « l'État accompagne les acteurs portuaires, maritimes et industriels dans la réalisation de projets d'installations fixes ou mobiles de gaz naturel liquéfié (GNL) et poursuit les travaux d'adaptation de la réglementation portuaire pour permettre le soutage GNL dans des conditions sûres et économiquement viables dans les ports. En parallèle, il met en oeuvre le cadre d'action national pour le développement des carburants alternatifs dans le secteur des transports et le déploiement des infrastructures correspondantes331(*). »

b) La création du dispositif par l'article 56 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019

Conformément à cet engagement, l'article 56 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a ajouté au code général des impôts (CGI) un article 39 decies C. Ce nouvel article avait pour vocation de créer un dispositif de suramortissement destiné à inciter les compagnies maritimes à s'engager dans la transition énergétique de leurs navires, en optant notamment pour la propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL) ou à l'hydrogène, lors de l'achat de navires neufs.

Ce mécanisme devait également s'appliquer aux biens installés à bord des navires existants pour leur permettre une alimentation électrique à quai, aux moteurs auxiliaires utilisant le GNL ou une énergie décarbonée, ainsi qu'à des équipements permettant de diminuer les pollutions atmosphériques causées par les fumées.

Ce dispositif s'inspirait alors du régime de suramortissement prévu à l'article 39 decies du CGI destiné à promouvoir certains types d'investissements ainsi que de l'article 39 decies A du même code qui est le support législatif du suramortissement dédié à l'acquisition de poids lourds aux modes de propulsions faiblement émetteurs.

Le mécanisme prévu devait permettre aux entreprises concernées, soumises à l'impôt sur les sociétés et à l'impôt sur le revenu, de déduire de leur résultat imposable un pourcentage déterminé de la valeur des navires ou des équipements acquis entrant dans le champ du dispositif.

Pour l'acquisition de navires neufs, le pourcentage de suramortissement dépendait du mode de propulsion. Un suramortissement de 30 % était prévu pour les propulsions décarbonées telles que l'hydrogène, l'électricité ou la voile. Le taux descendait à 25 % pour le GNL. 

Un suramortissement de 20 % était par ailleurs prévu pour l'installation de systèmes permettant de réduire les pollutions atmosphériques332(*), de biens destinés à l'alimentation électrique durant l'escale par le réseau terrestre ou au moyen de moteurs auxiliaires utilisant le GNL ou une énergie décarbonée ou encore d'équipements destinés à compléter la propulsion principale du navire par une propulsion décarbonée.

L'entrée en vigueur du dispositif ainsi défini restait néanmoins subordonnée à son approbation par la Commission européenne quant à sa compatibilité avec le régime des aides d'État.

2. L'article 48 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a ajusté le dispositif pour le rendre compatible avec le droit dérivé de l'Union européenne (UE)

a) Une assiette élargie qui ne respectait pas le régime européen encadrant les aides d'État

Suite à la notification effectuée par le Gouvernement français, la Commission européenne a refusé de valider le dispositif en l'état, estimant que l'assiette du suramortissement, soit la totalité du coût du navire, était trop large, de sorte qu'elle ne respectait pas la définition des « coûts admissibles » prévue par ses lignes directrices concernant le régime des aides d'État en faveur de la protection de l'environnement et de l'énergie.

La Commission considérait que cette assiette élargie aurait pu conduire à financer des équipements sans lien direct avec l'objectif de verdissement du navire (confort, coque, accueil des passagers, etc.). De cette situation aurait pu résulter des avantages compétitifs indus de nature à fausser la concurrence.

b) L'article 48 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a restreint l'assiette du dispositif et augmenté les taux afin de le rendre conforme aux exigences du droit de l'Union

Pour répondre aux objections de la Commission européenne, l'article 48 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a défini une assiette restreinte à la seule différence de valeur entre un navire neuf propulsé par une énergie décarbonée ou du gaz naturel liquéfié (GNL) et celle d'un navire doté d'une propulsion au fioul ou au diesel marin.

Afin de compenser les effets de cette réduction d'assiette sur l'attractivité du dispositif et pour maintenir sa dimension incitative, l'article 48 de la loi de finances initiale pour 2020 a prévu une forte hausse des taux de suramortissement (de 30 % à 125 % pour l'achat d'un navire décarboné et de 25 % à 105 % pour les navires utilisant du GNL).

B. PROLONGÉ JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2024, LE DISPOSITIF ACTUEL A VU SON DÉPLOIEMENT FAVORISÉ EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2022

1. La loi de finances initiale pour 2021 a prolongé le dispositif actuel jusqu'au 31 décembre 2024

L'article 143 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a prolongé le dispositif actuel de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2024.

2. La loi de finances initiale pour 2022 a plafonné le dispositif, tout en l'élargissant dans son champ d'application et en le rendant plus accessible par la suppression de deux critères d'éligibilité

L'article 25 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a étendu le dispositif de suramortissement bénéficiant du taux de 105 % à de nouveaux équipements. Alors que ce taux était précédemment applicable seulement aux équipements acquis à l'état neuf permettant l'usage du GNL pour la propulsion principale ou pour la production d'énergie électrique destinée à la propulsion principale, celui-ci a été élargi à l'utilisation du gaz de pétrole liquéfié, du gaz naturel comprimé, de l'ammoniac, du méthanol, de l'éthanol ou du diméthyl éther, pour les contrats d'acquisition d'équipements ou de construction de navires conclus entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2024.

En contrepartie de cet élargissement, et pour limiter ses effets sur les finances publiques, l'article 25 de la loi de finances initiale pour 2022 a introduit un double système de plafonnement pour l'assiette de certains investissements éligibles au dispositif de suramortissement :

- d'une part un plafonnement de 15 millions d'euros par navire de l'assiette de la déduction de 105 %, applicable aux équipements permettant l'utilisation du GNL du gaz de pétrole liquéfié, du gaz naturel comprimé, de l'ammoniac, du méthanol, de l'éthanol ou du diméthyl éther comme énergie propulsive principale ou pour la production d'énergie électrique destinée à la propulsion principale ;

- d'autre part un plafonnement de 10 millions d'euros par navire de l'assiette de la déduction de 85 %, applicable aux biens destinés à traiter les sources de pollution atmosphérique contenues dans les gaz d'échappement.

Pour améliorer le recours au dispositif, ont été supprimés deux critères qui conditionnaient précédemment l'éligibilité à la mesure, à savoir un taux d'escale annuel minimum de 30 % dans les ports français ou un temps de navigation dans la zone économique exclusive (ZEE) française au moins égal à 30 % pour chaque année de la durée d'amortissement.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article, qui résulte d'un amendement déposé par le Gouvernement, a été repris dans le texte sur lequel celui-ci a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PRÉVOIT UN RÉGIME DE SURAMORTISSEMENT BEAUCOUP PLUS CONTRAIGNANT

1. Une diminution du taux de suramortissement pour l'utilisation d'une énergie décarbonée comme propulsion principale, en contrepartie de l'introduction d'un nouveau taux maximum limité à la propulsion à titre exclusif

Le II du présent article abaisserait le taux de suramortissement applicable à l'installation d'équipements, acquis à l'état neuf, permettant l'utilisation d'hydrogène, de toute autre propulsion décarbonée, de GNL, de méthanol, d'éthanol ou de diméthyl éther comme énergie propulsive principale ou pour la production d'énergie électrique destinée à la propulsion principale :

- d'une part, le taux de déduction applicable à l'hydrogène ou à toute autre propulsion décarbonée serait réduit à 75 %, contre 125 % actuellement ;

- d'autre part, celui applicable au GNL serait également abaissé à 75 %, contre 105 % actuellement ;

- enfin, celui applicable au méthanol, à l'éthanol et au diméthyl éther serait réduit à 50 %, contre 105 % actuellement, et ce, à la condition de respecter le niveau d'exigence environnementale au regard des critères prévus aux c et du 102 septies de l'article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 (également nommé « règlement général d'exemption par catégories » ou RGEC). Le taux de la déduction est porté à 75 % lorsque la propulsion principale est assurée à partir de l'une de ces trois énergies et que celle-ci provient de sources renouvelables.

Quant au suramortissement bénéficiant, pour un taux de 105 %, à l'utilisation du gaz de pétrole liquéfié, du gaz naturel comprimé ou de l'ammoniac, celui-ci serait purement et simplement supprimé.

En contrepartie de cette restriction des possibilités de suramortissement pour l'utilisation d'une énergie décarbonée comme propulsion principale, le présent article introduit un nouveau taux maximum de 115 % pour l'utilisation d'une énergie décarbonée comme propulsion à titre exclusif.

Ces nouveaux taux s'appliqueraient aux contrats d'acquisition ou de construction conclus entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2024.

En revanche, en application du I du présent article, les contrats conclus jusqu'au 31 décembre 2023 continueront à bénéficier du régime actuel pour les années à venir (les amortissements étant étalés sur la durée de vie des biens concernés).

2. L'introduction d'un suramortissement pour les équipements destinés à compléter la propulsion principale par une propulsion décarbonée

Le II du présent article prévoit par ailleurs un nouveau taux de suramortissement de 40 % applicable aux équipements destinés à compléter la propulsion principale par une propulsion décarbonée.

Plus précisément, le taux de 40 % s'appliquerait, pour les contrats conclus entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2024, à « la valeur d'origine, hors frais financiers, des équipements destinés à compléter la propulsion principale d'un navire ou d'un bateau par une propulsion décarbonée, acquis à l'état neuf », lorsque l'installation de ces équipements permet de respecter les critères de performance environnementale du RGEC précités.

Par ailleurs, serait maintenu le suramortissement de 20 % bénéficiant aux biens destinés à l'alimentation électrique durant l'escale par le réseau terrestre ou au moyen de moteurs auxiliaires utilisant une énergie décarbonée, acquis à l'état neuf., en vue de les installer sur un navire ou sur un bateau en service, lorsque la propulsion est au moins partiellement assurée par une énergie propulsive décarbonée et que l'installation de ces équipements permet de respecter les critères de performance environnementale du RGEC.

B. UNE ÉVOLUTION PRÉSENTÉE COMME UNE ADAPTATION À LA RÉVISION RÉCENTE DE LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE EN MATIÈRE D'AIDES D'ÉTAT

1. La modification du dispositif de suramortissement est justifiée par le Gouvernement par la nécessité de se conformer à l'évolution du cadre européen en matière d'aides d'État

D'après l'exposé sommaire de l'amendement dont résulte le présent article, « un ajustement du dispositif de déduction exceptionnelle au profit des entreprises qui investissent dans des équipements permettant aux navires et aux bateaux de transport de marchandises ou de passagers d'utiliser des énergies propres, aujourd'hui subordonné au respect de l'article 36 du RGEC relatif aux aides à l'investissement permettant aux entreprises d'aller au-delà des normes de protection environnementale de l'Union ou d'augmenter le niveau de protection de l'environnement en l'absence de normes de l'Union » serait nécessaire pour assurer sa conformité au droit européen.

En effet, la réglementation européenne en matière d'aides d'État a récemment fait l'objet d'une révision avec l'adoption du règlement n° 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023, lequel a notamment modifié le RGEC.

Le règlement n° 2023/1315 est entré en vigueur le 1er juillet 2023. Aux termes de l'article 58 du RGEC révisé, les régimes exemptés de notification sur le fondement de celui-ci doivent être mis en conformité dans les six mois suivant l'entrée en vigueur du règlement n° 2023/1315, soit au 1er janvier 2024. À défaut, ces régimes perdraient le bénéfice de l'exemption et devraient dès lors être notifiés pour approbation à la Commission européenne.

2. Le RGEC révisé prévoit de nouvelles règles pour les aides à l'investissement dans la transition écologique à l'investissement en faveur de l'acquisition de véhicules propres ou de véhicules à émission nulle et de la mise à niveau de véhicules, qui s'appliquent au transport maritime et fluvial

Jusqu'à la révision du RGEC en juin 2023, le dispositif de suramortissement des navires « verts » prévu à l'article 39 decies C du CGI était subordonné au respect de l'article 36 de ce règlement.

Or, dans sa version modifiée, l'article 36 du RGEC prévoit que ce dernier « ne s'applique pas aux mesures pour lesquelles des règles plus spécifiques sont énoncées aux articles 36 bis, 36 ter et 38 à 48 ». L'article 36 ter du RGEC révisé vise à encadrer les aides à l'investissement en faveur de l'acquisition de véhicules propres ou de véhicules à émission nulle et de la mise à niveau de véhicules, notamment pour le transport maritime et fluvial.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ALORS QUE LE DISPOSITIF DE SURAMORTISSEMENT ÉTAIT ENFIN DEVENU OPÉRATIONNEL, L'ÉVOLUTION PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT S'INTERPRÈTE COMME UNE SUR-TRANSPOSITION PRÉJUDICIABLE À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DU TRANSPORT MARITIME

A. COMPTE TENU DES ENJEUX ASSOCIÉS À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DU TRANSPORT MARITIME, LA PRÉSERVATION DU CARACTÈRE OPÉRATIONNEL DU DISPOSITIF DE SURAMORTISSEMENT EST PRIMORDIALE

1. La réduction des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions atmosphériques générés par l'utilisation d'énergies carbonées dans le transport maritime constitue un objectif majeur au niveau mondial comme au niveau européen

Le mode de propulsion principal utilisé aujourd'hui par le transport maritime demeure le fioul lourd, un carburant extrêmement polluant et très fortement émetteur de gaz à effet de serre (GES).

D'après l'Organisation maritime internationale (OMI), les émissions mondiales de GES par le transport maritime, qui ont progressé de près de 10 % entre 2012 et 2018, représenteraient environ 3 % des émissions totales de GES générées par les activités humaines.

De même, la pollution atmosphérique provoquée par le transport maritime occasionne des nuisances particulièrement prononcées dans les zones portuaires qui ne sont pas sans conséquences sur la santé des populations riveraines. Les pollutions liées au dégagement d'oxydes de soufre (un polluant qui accroît également l'acidité des océans et la pollution à l'ozone), d'oxydes d'azote ou de particules fines sont à cet égard particulièrement néfastes. La part du transport maritime dans les émissions mondiales est estimée à 5 à 10 % pour les oxydes de soufre, 15 à 30 % pour les oxydes d'azote et jusqu'à 50 % des particules fines dans certaines zones côtières.

La réduction des émissions de GES et des pollutions atmosphériques causées par le transport maritime a ainsi justifié l'adoption d'objectifs en la matière au niveau de l'OMI comme au niveau de l'Union européenne :

- au niveau de l'OMI, le 80e comité de la protection du milieu marin (MEPC 80) a conclu un accord le 7 juillet 2023 pour définir une trajectoire de décarbonation, renforçant considérablement les objectifs climatiques pour le transport maritime international. Suivant cette trajectoire, le transport maritime international doit atteindre zéro émission de GES à l'horizon 2050, avec des objectifs intermédiaires de réduction d'au moins 20 % en valeur absolue des émissions en 2030 (s'efforçant d'atteindre 30 %), et d'au moins 70 % en valeur absolue des émissions en 2040 (s'efforçant d'atteindre 80 %). De surcroît, la part des énergies et carburants zéro émission devra représenter 5 % du total utilisé par le transport maritime international en 2030 (s'efforçant d'atteindre 10 %) ;

- au niveau européen, un règlement relatif à l'utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime et modifiant la directive 2009/16/CE, dit « FuelEU Maritime », a été adopté par le Conseil le 25 juillet 2023333(*). Ce règlement fixe une trajectoire de diminution de l'intensité en GES de l'énergie utilisée à bord d'un navire, à partir d'une valeur de référence de 91,16 grammes d'équivalent CO2 par MJ (correspondant aux émissions actuelles), de 2 % en 2025, 6 % en 2030, 14,5 % en 2035, 31 % en 2040, 62 % en 2045 et 80 % en 2050. Le texte prévoit également des objectifs spécifiques pour l'utilisation des carburants renouvelables d'origine non biologique (qui présente un haut potentiel de décarbonation), ainsi que l'obligation, à partir de 2030, pour les navires à passagers et les porte-conteneurs d'utiliser l'alimentation électrique à quai pour tous les besoins en électricité lorsqu'ils sont amarrés à quai dans les principaux ports de l'UE. Par ailleurs, un système européen d'échange de quotas d'émission pour le transport maritime doit entrer en vigueur en janvier 2024. Cette nouvelle réglementation s'inscrit dans le cadre du paquet « Fit for 55 » de la Commission européenne, qui vise à réduire de 55 % les émissions de GES de l'Union d'ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2050.

2. Dans ce contexte, la préservation du caractère opérationnel du dispositif de suramortissement pour les navires « verts » prévu en droit français apparaît primordiale

Compte tenu des premières échéances de 2025 (Union européenne) et de 2030 (Union européenne et OMI), l'adaptation des navires doit commencer dès à présent, et ce, d'autant plus que ceux-ci constituent des actifs à longue durée de vie.

D'après la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA) du ministère de la transition écologique, interrogée par les services de la commission des finances du Sénat, les besoins en investissements sont massifs à l'échelle mondiale, avec des estimations jusqu'à 3 000 milliards de dollars pour atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050 (dont 15 % pour les navires et 85 % pour les installations à terre). À cet égard, le surcoût moyen généré par l'acquisition de navires plus performants d'un point de vue environnemental avait été estimé à environ 20 millions d'euros par l'évaluation préalable annexée à l'article 8 de la loi de finances initiale pour 2022.

Or, jusqu'à très récemment, le dispositif de suramortissement défini par l'article 39 decies C du CGI n'était pas opérationnel. Ainsi, d'après l'évaluation préalable précitée, « le dispositif présente un coût nul en 2020 et des coûts estimés négligeables en 2021 et 2022 ». Dans sa version antérieure à 2022, le mécanisme de suramortissement était donc inopérant et ne contribuait pas à la modernisation et à la transition écologique du transport maritime.

À la suite des modifications apportées par la loi de finances initiale pour 2022 (voir supra), le caractère incitatif du dispositif a enfin été amélioré, permettant le début de son utilisation par les acteurs du secteur du transport maritime. Ainsi, d'après la DGAMPA, plusieurs entreprises auraient ainsi bénéficié du suramortissement pour les navires « verts », notamment pour des systèmes de propulsion vélique (c'est-à-dire par le vent). De fait, le marché du transport à la voile pourrait offrir des débouchés très importants pour les industriels, avec des estimations à l'échelle mondiale autour de 3 à 4 milliards d'euros en 2030 et de 15 milliards d'euros en 2050 (pour la production des systèmes, leur installation et leur maintenance). Les acteurs français considèrent qu'un soutien public fort et rapide, ils seraient en mesure de capter 30 % de parts de marché au niveau national, majoritairement dédié à l'export.

B. LES CONCLUSIONS TIRÉES PAR LE GOUVERNEMENT QUANT À L'ADAPTATION DU DROIT NATIONAL RELÈVENT D'UNE SUR-TRANSPOSITION PRÉJUDICIABLE À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DU TRANSPORT MARITIME

1. Une modification majeure du régime actuellement en vigueur dont l'ampleur semble excessive au regard de la lettre de la réglementation européenne telle que révisée

Alors que le dispositif proposé n'a pas été soumis à l'avis du Conseil d'État (puisqu'il résulte d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale), les conclusions que le Gouvernement tire de l'évolution du cadre européen relatif aux aides d'État apparaissent disproportionnées, au risque de remettre en cause inutilement le caractère opérationnel du régime de suramortissement pour les navires « verts ».

En effet, aux termes du paragraphe 6 de l'article 36 ter du RGEC révisé, « une aide peut être octroyée en dehors d'une procédure de mise en concurrence lorsqu'elle est accordée sur la base d'un régime d'aides. Dans ces cas, l'intensité d'aide n'excède pas 20 % des coûts admissibles. L'intensité de l'aide peut être majorée de 10 points de pourcentage pour les véhicules à émission nulle, et de 20 points de pourcentage pour les moyennes entreprises ou de 30 points de pourcentage pour les petites entreprises ».

Ainsi, la nouvelle réglementation européenne autorise un taux maximum de suramortissement de 120 %, voire 130 % pour les navires à émission nulle, 140 % pour les moyennes entreprises et 150 % pour les petites entreprises. De même, elle ne distingue pas entre l'utilisation d'une énergie décarbonée comme énergie propulsive principale et l'utilisation d'une énergie décarbonée comme énergie propulsive à titre exclusif, contrairement au dispositif proposé par le Gouvernement.

2. Une telle sur-transposition risque d'affecter fortement le caractère opérationnel du dispositif de suramortissement

Alors que le mécanisme de suramortissement avait été renforcé pour favoriser son recours par les acteurs du transport maritime (voir supra), l'évolution proposée par le Gouvernement, même pour une durée temporaire dans l'hypothèse d'une notification à la Commission européenne pour approbation du régime dans ses grandes lignes actuelles, apparaît inutilement restrictive. Ainsi, d'après la DGAMPA, interrogée par les services de la commission des finances, « l'utilisation du dispositif risque d'être difficile, voire impossible, en 2024 (...) Cette nouvelle situation est fort dommageable car le mécanisme allait prochainement gagner en vigueur ».

En conséquence, et compte tenu du constat d'une sur-transposition préjudiciable à la transition énergétique du transport maritime, la commission des finances propose, par un amendement n° I-177 (FINC.20), de conserver le dispositif de suramortissement dans sa version actuellement en vigueur, en modifiant uniquement le taux applicable à l'utilisation d'hydrogène ou de toute autre propulsion décarbonée comme énergie propulsive principale, qui serait fixé à 120 % afin de se conformer à la révision du droit européen.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 nonies (nouveau)

Déductions en faveur de l'acquisition d'engins non routiers
utilisant des carburants alternatifs au GNR

Le présent article prévoit de réinstaurer pour quatre ans, du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2027, le suramortissement en faveur de l'acquisition d'engins non routiers utilisant des carburants alternatifs au GNR.

Si elle est favorable à la réinstauration de ce dispositif fiscal dérogatoire, la commission considère qu'elle doit s'effectuer dans le respect des principes de bonne gestion des finances publiques et notamment des règles prévues à l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 adopté en nouvelle lecture au Sénat le 16 octobre dernier.

Elle propose ainsi par l'amendement n° I-178 (FINC.21) d'en limiter la durée à trois ans.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE SURAMORTISSEMENT EN FAVEUR DE L'ACQUISITION D'ENGINS NON ROUTIERS UTILISANT DES CARBURANTS ALTERNATIFS AU GNR A ÉTÉ EN VIGUEUR DU 1ER JANVIER 2020 AU 31 DÉCEMBRE 2022

A. UN MÉCANISME DE SURAMORTISSEMENT À DOUBLE DIMENSION QUI VISAIT À ACCOMPAGNER L'ALIGNEMENT PROGRESSIF DE LA FISCALITÉ APPLIQUÉE AU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELLE DU GAZOLE ROUTIER

L'article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoyait un alignement progressif du tarif de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) appliqué au gazole non routier (GNR)334(*) sur celui du gazole routier (une description de l'historique des dispositions législatives successives ayant visé à réviser la fiscalité du GNR est présentée dans le commentaire de l'article 12 au sein du présent rapport).

Afin de rendre cette augmentation de fiscalité plus acceptable pour les secteurs concernés, au premier rang desquels le secteur du BTP, cet article 60 avait instauré un double dispositif de suramortissement en créant un nouvel article 39 decies F dans le code général des impôts.

Ce dispositif visait à soutenir l'achat de matériels utilisant des carburants alternatifs au gazole. Il s'agissait de permettre aux entreprises qui utilisaient auparavant des moteurs fonctionnant avec du GNR d'acquérir des machines utilisant des moteurs fonctionnant avec des énergies renouvelables ou des carburants moins émetteurs de CO2.

B. LES DEUX DIMENSIONS DU MÉCANISME DE SURAMORTISSEMENT EN VIGUEUR DU 1ER JANVIER 2020 AU 31 DÉCEMBRE 2022

1. Le premier volet du suramortissement visant à soutenir l'acquisition d'engins non routiers à motorisation alternative au gazole

En application du premier volet de ce dispositif, prévu au I de l'article 39 decies F, quatre secteurs d'activité ont pu bénéficier de ce suramortissement : les entreprises de travaux publics, celles qui produisent des substances minérales solides, les exploitants aéroportuaires ainsi que les exploitants de remontrées mécaniques et de domaines skiables.

Toujours en application de ce même I, les entreprises appartenant à ces secteurs et qui étaient soumises à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu selon le régime réel ont pu déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % (et 60 % pour les PME335(*)) de la valeur d'origine, hors frais financiers, des engins non routiers inscrits à l'actif immobilisé fonctionnant au gaz naturel, à l'énergie électrique ou à l'hydrogène ainsi que les engins combinant l'énergie électrique et une motorisation à l'essence ou au superéthanol E85 et ceux combinant l'essence à du gaz naturel carburant (GNV) ou du gaz de pétrole liquéfié (GPL) dont les émissions ne dépassent pas certaines limites. En outre, ces engins devaient relever de l'une des trois catégories suivantes :

matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles ;

matériels de manutention ;

moteurs installés dans les deux types de matériels précédemment cités.

Cette déduction s'est appliquée au titre des matériels et moteurs acquis à l'état neuf à compter du 1er janvier 2020 et jusqu'au 31 décembre 2022336(*).

2. Le deuxième volet du suramortissement visant à soutenir le remplacement par le secteur du BTP d'engins non routiers anciens par de nouveaux matériels moins polluants

En application du second volet du dispositif de suramortissement prévu au II du même article 39 decies F, les entreprises du secteur du BTP, et exclusivement de celui-ci, ont pu bénéficier de la même déduction fiscale que celle prévue par le premier volet du mécanisme (voir supra la présentation du I de l'article 39 decies F) pour le remplacement d'engins non routiers de plus de cinq ans par d'autres dont le moteur satisfait à des limites d'émissions déterminées en référence à des normes établies par le droit dérivé de l'Union européenne337(*) et correspondant à une nouvelle génération de moteurs moins polluants dont la commercialisation a été lancée au début de l'année 2019.

3. Des dispositions communes aux deux volets du dispositif et habituelles pour tous les mécanismes de suramortissement existants

En application du IV de l'article 39 decies F, les deux dimensions du mécanisme de suramortissement ont également pu s'appliquer dans des configurations où l'entreprise prenait en location un bien neuf en application d'un contrat de crédit-bail ou dans le cadre d'un contrat de location avec option d'achat, conclu, toujours, à compter du 1er janvier 2020 et jusqu'au 31 décembre 2022.

Les règles classiques qui régissent les dispositifs de suramortissement se sont par ailleurs appliquées à la déduction : répartition linéaire sur la durée normale d'utilisation du bien338(*), déduction acquise à l'entreprise uniquement à hauteur des montants déjà déduits du résultat à la date de la cession en cas de cession du bien avant le terme de cette période339(*), bénéfices de la déduction subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) des aides de minimis340(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : RÉINSTITUER, POUR QUATRE ANS, LE SURAMORTISSEMENT EN FAVEUR DE L'ACQUISITION D'ENGINS NON ROUTIERS UTILISANT DES CARBURANTS ALTERNATIFS AU GNR

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par Mme Lise Magnier et certains de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Ces dispositions proposent de modifier l'article 39 decies F du code général des impôts dans le but de réinstaurer, dans les mêmes conditions, dans ses deux dimensions et pour quatre ans, du 1er- janvier 2024 au 31 décembre 2027, le mécanisme de suramortissement en faveur de l'acquisition d'engins non routiers utilisant des carburants alternatifs au GNR qui s'est appliqué du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2022.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA RÉSINSTAURATION BIENVENUE D'UN DISPOSITIF DE SURAMORTISSEMENT QU'IL CONVIENT TOUTEFOIS DE BORNER À TROIS ANS

La réinstauration du mécanisme de suramortissement proposée par le présent article ne peut s'analyser sans la relier aux dispositions prévues à l'article 12 du présent projet de loi de finances (PLF) pour 2024. S'il supprime l'alignement dès le 1er janvier 2024 du tarif réduit d'accise appliqué au GNR non agricole sur celui du GNR routier tel que le prévoit aujourd'hui la loi, celui-ci propose néanmoins une trajectoire progressive d'augmentation de ce tarif visant à un alignement à horizon 2030. Cette augmentation progressive de fiscalité ne sera pas sans incidences sur les secteurs qui utilisent du GNR, au premier rang desquels la filière BTP.

Trajectoire pluriannuelle d'augmentation du tarif d'accise
sur le GNR non agricole proposée par l'article 12

(en euros / MWh)

Source : commission des finances du Sénat

Par ailleurs, les prix du GNR se caractérisent par une grande volatilité. En effet, s'ils sont moins élevés que lors du pic atteint au mois de mars 2022, les prix à la pompe du GNR étaient toujours, en septembre 2023 (1,398 euros/l), près de deux fois supérieurs à leur niveau de janvier 2021 (0,799 euros/l).

Évolution de la moyenne mensuelle du prix du GNR
entre janvier 2021 et septembre 2023

(en €/l)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de transition énergétique

Par ailleurs, depuis le début de l'été 2023, et à l'unisson des autres carburants, les prix du GNR ont connu une forte augmentation passant de 1,133 euros/l au début du mois de juin à 1,356 euros/l au milieu du mois d'octobre.

Évolution de la moyenne hebdomadaire du prix du GNR
entre le 1er juin 2021 et le 13 octobre 2023

(en €/l)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de transition énergétique

Dans ce contexte, il apparaît nécessaire d'accompagner les secteurs qui utilisent du GNR à accélérer le renouvèlement de leurs parcs d'engins afin de les rendre moins sensibles à l'évolution du coût de ce carburant dans les prochaines années. En avril dernier, sur le sujet de l'électrification de certains matériels de chantiers, la feuille de route de décarbonation de la filière véhicules lourds341(*) a notamment précisé que le renouvellement des petits engins de chantier pour lequel une offre existe est conditionné à « la mise en place de mécanismes de soutien afin de combler l'écart de prix à l'usage entre les solutions thermiques et électriques ».

D'après le Tome II de l'annexe au PLF pour 2024 portant sur l'évaluation des voies et moyens, le mécanisme de suramortissement prévu à l'article 39 decies F du code général des impôts prévus pour l'acquisition d'engins opérée entre 2020 et 2022 et dont l'incidence budgétaire doit se prolonger jusqu'en 2027 concerne 250 entreprises pour un coût annuel d'environ 2 millions d'euros. Il est donc raisonnable de considérer que le coût annuel de son renouvellement pour les engins acquis entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2027 serait du même ordre de grandeur pour une incidence budgétaire qui se prolongerait jusqu'en 2032.

Lors de l'examen du PLF pour 2023 le Sénat avait adopté en première lecture, avec un avis favorable de la commission des finances et malgré un avis défavorable du Gouvernement, une série d'amendements qui proposaient déjà de prolonger, pour une durée de trois ans, du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2025, les dispositions prévues par l'article 39 decies F du code général des impôts. Comme sur beaucoup d'autres sujets dans le cadre du texte que nous examinons et sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le rapporteur ne peut que regretter que le Sénat a eu le malheur d'avoir raison trop tôt.

Si elle est favorable à la réinstauration de ce dispositif fiscal dérogatoire, la commission considère qu'elle doit s'effectuer dans le respect des principes de bonne gestion des finances publiques et notamment des règles prévues à l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 adopté en nouvelle lecture au Sénat le 16 octobre dernier. Elle propose ainsi par l'amendement n° I-178 (FINC.21) d'en limiter la durée à trois ans.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 decies (nouveau)

Élargissement du dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI)

Le présent article prévoit d'élargir sensiblement le périmètre des jeunes entreprises innovantes (JEI), en abaissant à 10 % le seuil minimal des charges fiscales déductibles consacrées aux dépenses de recherche.

L'élargissement proposé n'est pas étayé par une évaluation préalable permettant de déterminer les bénéfices d'un tel élargissement, dont le coût pourrait dépasser les 150 millions d'euros par an et qui pourrait avoir comme conséquence collatérale de réduire, pour les entreprises concernées, l'incitation à effectuer des dépenses de recherche au-delà du seuil de 10 % requis.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DISPOSITIF DES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES (JEI) PRÉVOIT L'OCTROI D'AVANTAGES FISCAUX ET SOCIAUX À DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (PME) POUR FAVORISER LES DÉPENSES DE RECHERCHE

A. LE DISPOSITIF DES JEI BÉNÉFICIE AUX PME INNOVANTES QUI REMPLISSENT CINQ CRITÈRES D'ÉLIGIBILITÉ

Le dispositif des « jeunes entreprises innovantes » (JEI), codifié aux articles 44 sexies A et 44 sexies-0 A du code général des impôts, a été créé en 2003 pour favoriser les dépenses de recherche des petites et moyennes entreprises récemment créées. Si plusieurs paramètres du dispositif ont été ajustés depuis sa création, sa finalité et ses principales caractéristiques n'ont pas évolué.

La qualification de jeune entreprises innovante est subordonnée au fait de remplir, à la clôture de l'exercice, cinq conditions cumulatives342(*).

1. Les quatre premiers critères d'éligibilité concernent la taille, l'âge, la composition du capital et le caractère nouveau des entreprises concernées

En premier lieu, les entreprises qualifiées de JEI doivent nécessairement être des petites et moyennes entreprises (PME), c'est-à-dire à la fois employer moins de 250 salariés et soit réaliser un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros, soit disposer d'un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros.

En second lieu, les entreprises qualifiées de JEI doivent avoir moins de huit ans à la clôture de l'exercice au titre duquel elles prétendent à la qualification. Le critère de l'âge maximal de huit ans, qui correspond au droit applicable pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2023, a été porté à onze ans pour les entreprises créées avant cette date par la loi de finances initiales pour 2022343(*).

En troisième lieu, le capital des entreprises qualifiées de JEI doit être détenu de manière continue à 50 % au moins par des personnes physiques, des PME dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques, des structures d'investissements limitativement énumérées à l'article 44 sexies-0 A du CGI, des associations ou fondations reconnues d'utilité publique à caractère scientifique ou d'autres JEI.

En quatrième lieu, les entreprises qualifiées de JEI doivent correspondre à une activité réellement nouvelle, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent avoir été créées dans le cadre de la concentration, de la restructuration ou de l'extension d'activités préexistantes.

2. Les JEI de droit commun doivent réaliser une part minimum de leurs dépenses en dépenses de recherche

Le cinquième critère de qualification d'une jeune entreprise innovante constitue le motif principal du dispositif dont l'objectif est de favoriser la recherche.

Il se divise en deux branches :

- les jeunes entreprises universitaires (JEU) ;

- les jeunes entreprises innovantes (JEI) de droit commun.

Pour les jeunes entreprises universitaires (JEU), le cinquième critère d'éligibilité est d'être dirigé ou détenu à hauteur de 10% par des étudiants, des chercheurs ou des enseignants et que l'activité principale de l'entreprise soit la valorisation de travaux de recherche menés dans un établissement d'enseignement supérieur. Les JEU concluent avec cet établissement d'enseignement supérieur une convention qui fixe les conditions de cette valorisation.

Pour les JEI de droit commun, le cinquième critère d'éligibilité est que les dépenses de recherche de l'exercice donné représentent au moins 15 % des charges fiscalement déductibles au titre de ce même exercice.

Les dépenses de recherche retenues pour le calcul de ce seuil sont déterminées par renvoi, d'une part, aux dépenses retenues pour le calcul du crédit d'impôt recherche (CIR) et, d'autre part, aux dépenses retenues pour le calcul du crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative (CICo).

B. LES JEI BÉNÉFICIENT D'ALLÉGEMENT FISCAUX ET D'EXONÉRATION DE CERTAINES COTISATIONS SOCIALES

La qualification de JEI emporte plusieurs conséquences pour les entreprises concernées, qui sont réparties entre un « volet fiscal » du dispositif qui correspond aux allégements fiscaux et un « volet social » qui correspond aux exonérations de cotisations sociales. Le coût global du dispositif était en 2022 de 315 millions d'euros.

1. Les JEI bénéficient d'une exonération partielle ou totale d'impôt sur leurs deux premiers exercices bénéficiaires

En premier lieu, l'article 44 sexies A du CGI prévoit que les jeunes entreprises innovantes sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés au titre de leur premier exercice bénéficiaire. Il prévoit également que les bénéfices réalisés au titre de l'exercice bénéficiaire suivant ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour la moitié de leur montant.

Les deux premiers exercices bénéficiaires bénéficiant d'une exonération totale puis partielle peuvent ne pas être consécutifs.

Lorsqu'une jeune entreprise innovante est également éligible à un autre des dispositifs d'allégement d'impôt listés au III de l'article 44 sexies A, elle peut opter pour le régime de jeune entreprise innovante et renoncer de manière irrévocable aux autres régimes.

D'après le tome II du de l'évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances, le montant de la dépense fiscale associé au volet fiscal du dispositif des JEI est estimé à 12 millions d'euros en 2023. Ce montant, en léger recul par rapport à 2022 (13 millions d'euros), serait stable à droit constant en 2024 (12 millions d'euros).

L'évaluation du dispositif estime par ailleurs à 230 le nombre d'entreprise qui bénéficient de cette dépense fiscale. Le rapporteur général soulève que ce nombre ne correspond pas au nombre de JEI mais seulement au nombre de JEI qui ont bénéficié d'une exonération d'impôt en 2023.

Le volet fiscal du dispositif JEI est complété par deux mesures en matière de fiscalité locale.

Premièrement, les jeunes entreprises innovantes peuvent, sur délibération des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'une fiscalité propre, bénéficier d'une exonération pour une durée de sept ans de cotisation foncière des entreprises (CFE)344(*).

Deuxièmement, les jeunes entreprises innovantes (JEI) peuvent, sur délibération des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'une fiscalité propre, bénéficier d'une exonération pour une durée de sept ans de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les immeubles leur appartenant et dans lesquels elles exercent leur activité345(*).

2. Les JEI bénéficient d'une exonération de cotisations sociales pour les emplois de personnel de recherche et d'appui à la recherche

En second lieu, l'article 131 de la loi de finances initiale pour 2004346(*) a prévu que les salaires versés par les JEI à certains salariés sont exonérés de cotisations patronales.

Les salaires entrant dans le champ de l'exonération de cotisations patronales sont ceux des chercheurs, des personnels d'appui à la recherche dont notamment les techniciens ou les juristes chargés de la protection industrielle, ainsi que ceux des mandataires sociaux qui participent au projet de recherche de l'entreprise.

L'exonération s'applique dans la limite d'un double plafond :

- un plafond de 4,5 fois le salaire minimum de croissance (SMIC) pour les salaires concernés ;

- un plafond global par établissement employeur égal à cinq fois le plafond annuel fixé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité social, soit 219 960 euros en 2023.

Le volet social est le plus coûteux du dispositif des JEI pour les finances publiques (96 % en 2022). À la différence du volet fiscal, qui se traduit par une réduction des recettes de l'État, il est financé par les crédits budgétaires du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » qui verse chaque année une compensions à l'Urssaf « Caisse nationale » au titre de la compensation de l'exonération de cotisations sociales rattachée au dispositif.

En 2022, cette compensation a atteint 302 millions d'euros financés par le programme 192 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

À la différence du volet fiscal, le volet social bénéfice chaque année aux entreprises qualifiées de JEI. Son périmètre recouvre par conséquent un plus grand nombre de bénéficiaires, ce nombre étant estimé à 4 600 en 2022.

Par surcroît, les dépenses du volet social du dispositif représentent une charge dynamique qui est passé de 197 millions d'euros en 2020 à 302 millions d'euros en 2022, soit une hausse de 53 % en deux ans.

Le nombre total de PME ayant bénéficié du dispositif est estimé à 13 000 entre 2004 et 2020.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN ÉLARGISSEMENT DU PÉRIMÈTRE DES JEI ET UN ACCÈS SIMPLIFIÉ AUX MARCHÉS PUBLICS

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement du député Christophe Plassard et de plusieurs de ses collègues, ainsi qu'un amendement identique du député Paul Midy et de plusieurs de ses collègues.

A. L'ARTICLE PRÉVOIT D'ABAISSER À 10 % LE SEUIL DES DÉPENSES DE RECHERCHE POUR ÊTRE ÉLIGIBLE AU DISPOSITIF

L'article propose de modifier le critère de l'activité de recherche et de développement pour les jeunes entreprises innovantes de droit commun en abaissant le seuil d'éligibilité à 10 % des charges fiscalement déductibles consacrées aux dépenses de recherche.

Le rapporteur général relève que si la motivation de l'amendement fait apparaître une estimation quant à l'effet de l'abaissement du seuil sur le nombre de création de nouvelles JEI chaque année, qui passerait de 1 000 à 1 600, aucune estimation n'est proposée quant au nombre d'entreprises actuellement existantes et qui entreraient dans le périmètre du dispositif des JEI.

Le rapporteur général relève également qu'en application de l'article 131 de la loi de finances initiales pour 2004347(*), l'abaissement du seuil inscrit à l'article 44 sexies-0 A aurait également un effet sur les entreprises éligibles au volet social du dispositif des JEI.

B. L'ARTICLE PRÉVOIT L'ÉLIGIBILITÉ DES JEI AUX PARTENARIATS D'INNOVATION

Le partenariat d'innovation est une procédure de marché public qui a pour objet à la fois la recherche et le développement et l'achat de fournitures, service ou travaux innovants. Elle permet d'éviter une remise en concurrence à l'issue de la phase de recherche et développement.

L'article prévoit d'inscrire expressément à l'article L. 2172-3 du code de la commande publique que les travaux, fournitures ou services proposés par les JEI entrent dans le champ du partenariat d'innovation.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : EN L'ABSENCE D'ÉVALUATION, LA DYNAMIQUE DES DÉPENSES FISCALES ET BUDGÉTAIRES ASSOCIÉES AU DISPOSITIF DES JEI JUSTIFIE NE PAS EN ÉLARGIR LE PÉRIMÈTRE

A. L'ÉLARGISSEMENT DU PÉRIMÈTRE DES JEI RISQUERAIT DE DILUER LE SOUTIEN PUBLIC À L'INNOVATION

Dans son exposé des motifs, l'amendement retenu par le Gouvernement et portant création du présent article mentionne une évaluation réalisée par la direction générale des entreprises (DGE) qui estimerait l'effet de l'abaissement du seuil à un passage de 1 000 JEI créé chaque année à 1 600. Le rapporteur général relève que cette estimation est partielle et qu'elle devrait être complétée par une estimation du nombre d'entreprises existantes qui seraient susceptibles d'être qualifiées de JEI du fait de l'abaissement du seuil.

En retenant pour l'ensemble du dispositif un taux de croissance analogue à celui estimé par la DGE pour les créations d'entreprises, c'est-à-dire 60 %, l'article proposé se traduirait par une hausse globale du coût du dispositif de 189 millions d'euros par an, dont 8 millions d'euros de dépense fiscale pour le volet fiscal et 181 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires pour le volet social.

Il apparait en outre qu'il existe un risque que l'abaissement du seuil d'éligibilité à 10 % proposé par le présent article ne se traduise par une disparition de l'incitation aux dépenses de recherche des entreprises concernées pour la part de ces dépenses qui excèdent 10 % de leur charges fiscalement déductibles.

Parallèlement, les jeunes entreprises dont les dépenses de recherche sont actuellement situées entre 10 % et 15 % de leurs charges déductibles bénéficieront d'un « effet d'aubaine » en application duquel elles bénéficieront d'un avantage fiscal et social sans avoir augmenter leurs dépenses de recherche.

En regard de ce surcoût et des risques d'effets contreproductifs induits par l'abaissement du seuil, le rapporteur général relève que les évaluations récentes348(*) des politiques d'innovation, dont notamment le rapport de la Cour des comptes sur les aides publiques à l'innovation des entreprises, n'ont pas conclu à la nécessité d'élargir le périmètre du dispositif.

En conclusion, le rapporteur général ne dispose pas d'éléments de nature à justifier un élargissement du dispositif, qui se traduirait de surcroît par une hausse de son coût global de l'ordre de 190 millions d'euros par an et par un risque de moindre incitation à effectuer certaines dépenses de recherche.

B. LE DROIT EXISTANT PERMET L'ACCÈS DES JEI AUX PARTENARIATS D'INNOVATION SANS QU'IL SOIT NÉCESSAIRE DE PRÉVOIR L'AUTOMATICITÉ DE LEUR ÉLIGIBILITÉ

Le deuxième alinéa du présent article, qui prévoit l'éligibilité automatique des travaux, fourniture et services proposés par les JEI aux marchés publics de partenariat d'innovation, ne fait l'objet d'aucune motivation dans le cadre de l'exposé des motifs de l'amendement retenu par le Gouvernement.

Le rapporteur général ne dispose à ce titre d'aucun élément permettant d'établir des difficultés particulières d'accès au partenariat public des jeunes entreprises innovantes.

En effet, les partenariats d'innovation sont des marchés publics créés pour permettre aux acheteurs publics de passer des marchés qui ont pour objet à la fois la recherche et développement et l'achat de fournitures, services ou travaux innovants.

Les JEI sont éligibles à ce dispositif dès lors qu'elles respectent les conditions de droit commun fixées à l'article L. 2172-3 du code de la commande publique qui dispose que « sont considérés comme innovants les travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés ».

Dès lors que le code des marchés publics fixe des règles ayant pour objet de garantir la bonne gestion des deniers publics, et en définitive la situation des comptes publics, le dispositif dérogatoire proposé qui consiste à considérer automatiquement que l'ensemble des travaux, fournitures ou services proposés par les JEI doivent être regardés comme ayant un caractère innovant ne paraît pas justifié en l'absence d'élément quant à l'éventuelle difficulté que rencontreraient aujourd'hui les JEI pour bénéficier des partenariats d'innovation.

Le rapporteur général relève à cet égard que, dans un rapport d'avril 2021, la Cour des comptes identifiait comme piste d'amélioration de l'accès des entreprises innovantes aux marchés publics le renforcement de la formation des acheteurs publics plutôt que l'aménagement du droit applicable, dès lors que la place de l'innovation dans la commande publique constitue « moins une question juridique qu'un enjeu de pratiques et de maturité des acheteurs »349(*).

En conclusion, le rapporteur général estime qu'au regard de la situation générale dégradée des comptes publics, dont la trajectoire actuelle ne permet pas une consolidation à moyen terme, toute augmentation de la dépense fiscale devrait être justifiée par une évaluation préalable circonstanciée des effets attendus de cette augmentation.

La modification proposée par le présent article du dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI), qui représente un coût annuel de l'ordre de 190 millions d'euros, ne s'appuie pas sur des éléments probants quant à la nécessité d'élargir le dispositif actuel et aux bénéfices résultant d'un tel élargissement. Par conséquent, le rapporteur général propose la suppression de cet article dont l'opportunité apparaît incertaine au regard de l'augmentation certaine de la charge qu'il induit pour les dépenses publiques.

La commission des finances propose d'adopter un amendement n°I-179 (FINC.22) de suppression de l'article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 undecies (nouveau)

Création du statut de jeune entreprise d'innovation et de croissance (JEIC) et du statut de jeune entreprise d'innovation de rupture (JEIR)

Le présent article prévoit la création de deux statuts rattachés au dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI) : les jeunes entreprises d'innovation et de croissance (JEIC) et les jeunes entreprises d'innovation de rupture (JEIR).

Le statut de JEIC a pour objet d'élargir les avantages octroyés aux JEI aux entreprises qui atteignent un seuil rabaissé à 5 % de dépenses de recherche sous réserve de respecter un critère de croissance de l'activité.

Le statut de JEIR a pour objet d'allonger la durée des avantages du statut de JEI en le portant de huit ans à douze ans pour les entreprises qui atteignent un seuil de 30 % de dépenses de recherche.

Pour préserver la cohérence du dispositif des JEI, le rapporteur général est défavorable à la création de ces deux nouvelles sous-catégories de JEI.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DISPOSITIF DES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES (JEI) PRÉVOIT L'OCTROI D'AVANTAGES FISCAUX ET SOCIAUX À DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (PME) POUR FAVORISER LES DÉPENSES DE RECHERCHE

S'agissant du droit applicable aux jeunes entreprises innovantes (JEI), il est renvoyé au commentaire de l'article 5 decies du présent projet de loi au sein du présent rapport.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA CRÉATION DE DEUX NOUVEAUX STATUTS OUVRANT DROIT AUX AVANTAGES SOCIAUX ET FISCAUX DU DISPOSITIF DES JEI

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend deux amendements distincts de notre collègue député Paul Midy et de plusieurs de ses collègues.

A. LE STATUT DE JEUNE ENTREPRISE D'INNOVATION ET DE CROISSANCE (JEIC) PERMETTRAIT D'ABAISSER À 5 % LE SEUIL DE DÉPENSES DE RECHERCHE POUR LES ENTREPRISES EN FORTE CROISSANCE

En premier lieu, le présent article prévoit la création d'un nouveau statut, rattaché au statut de jeune entreprise innovante (JEI), de jeune entreprise d'innovation et de croissance (JEIC).

Ce nouveau statut est créé par l'introduction d'un II à l'article 44 sexies- 0 A du CGI qui détermine le périmètre des entreprises qualifiées de JEIC.

Le périmètre proposé par le présent article repose sur trois conditions.

En premier lieu, l'entreprise doit respecter deux des critères de qualification comme JEI : le fait d'être une PME et d'avoir été créé depuis moins de huit ans.

En deuxième lieu, les dépenses de recherche de l'entreprise, mesurées selon le même périmètre que pour les JEI de droit commun, doivent représenter entre 5 % et 10 % des charges fiscalement déductibles de l'entreprise, à l'exception des pertes de change et des charges nettes sur cessions de valeurs mobilières de placement.

Enfin en troisième lieu, l'article prévoit un critère de croissance de l'entreprise dont les modalités pratiques doivent être fixées par décret et qui doit tenir compte de l'augmentation nette du chiffre d'affaires de l'entreprise, de ses dépenses d'investissement et de l'augmentation nette de son nombre de salariés.

La création de ce nouveau statut a pour objet d'élargir le champ des entreprises couvertes par le dispositif des JEI et par conséquent d'octroyer aux entreprises éligibles à ce statut les avantages fiscaux et sociaux octroyés aux JEI.

B. LE STATUT DE JEUNE ENTREPRISE D'INNOVATION DE RUPTURE (JEIR) ALLONGE À DOUZE ANS LA DURÉE DU STATUT POUR LES ENTREPRISES QUI DÉPASSENT UN SEUIL DE 30 % DE DÉPENSES DE RECHERCHE

En second lieu, le présent article prévoit la création d'un nouveau statut, rattaché au statut de jeune entreprise innovante (JEI), de jeune entreprise d'innovation de rupture (JEIR).

Ce nouveau statut est créé par l'introduction d'un III à l'article 44 sexies- 0 A du CGI qui détermine le périmètre des entreprises qualifiées de JEIR. 

Le périmètre proposé par le présent article repose sur trois conditions.

En premier lieu, l'entreprise doit respecter trois des critères de qualification comme JEI : le fait d'être une PME, le critère relatif à la détention du capital et le critère relatif au caractère réellement nouveau de l'activité de l'entreprise.

En deuxième lieu, l'entreprise doit avoir été créée depuis moins de douze ans. Ce critère constitue un assouplissement par rapport au critère de droit commun qui prévoit une limite de huit ans.

En troisième lieu, l'entreprise doit soit atteindre un seuil de 30 % de dépenses de recherche calculé par référence au mode de calcul de ce ratio pour les JEI de droit commun, soit respecter les critères fixés au b du 3 de l'article 44 sexies- 0 A pour être qualifiée de jeune entreprise universitaire (JEU), c'est-à-dire avoir été créée par des étudiants ou des professeurs pour valoriser des travaux de recherche menés dans un établissement d'enseignement supérieur.

La création de ce statut a pour objectif de prévoir un régime bonifié pour les JEU et pour les JEI qui dépasse un seuil de 30 % de dépenses de recherche. La bonification du régime consiste en un allongement de la durée du statut qui est portée, pour ces entreprises, de huit à douze ans.

Le présent article appelle par surcroît deux remarques du rapporteur général sur sa portée réelle.

Premièrement, l'article ne modifie par l'article 131 de la loi de finances pour 2004350(*) relatif au volet social du dispositif, qui représente pourtant 95 % du soutien public pour les entreprises concernées.

Sans modification de cet article, les exonérations de cotisations sociales rattachées au statut de jeunes entreprises innovantes (JEI) continueraient de s'appliquer « jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'établissement »351(*). Le fait d'assouplir les conditions pour être qualifié de JEI pour les JEIR resterait sans conséquence sur la possibilité pour les JEIR de bénéficier pendant onze ans du volet social du dispositif de soutien public aux JEI.

Deuxièmement, toute entreprise remplissant les critères pour être qualifiée de JEU serait automatiquement qualifiée, en application du présent article, de JEIR. Étant donné que les avantages attachés au statut de JEIR sont les même que ceux attachés au statut de JEU mais qu'ils ont une durée plus longue, le maintien de deux statuts distincts nuirait à la cohérence et à la lisibilité du dispositif.

Le rapporteur général souligne pour finir que le dernier alinéa du présent article prévoit une entrée en vigueur différée au 1er janvier 2025.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE DISPOSITIF DES JEI DOIT RESTER COHÉRENT AVEC SA FINALITÉ D'AUGMENTER LES DÉPENSES DE RECHERCHE

A. LE STATUT DE JEIC N'EST PAS COHÉRENT AVEC L'OBJECTIF DU DISPOSITIF DES JEI QUI EST D'AUGMENTER LES DÉPENSES DE RECHERCHE

Le statut de JEIC, que le présent article propose de créer, repose sur le respect de plusieurs conditions.

En premier lieu, les entreprises entrant dans le champ de ce statut bénéficient d'un seuil de dépenses de recherche abaissé à seulement 5 % de leurs charges fiscalement déductibles.

En second lieu, ce seuil réduit, en matière de dépenses de recherche, est compensé par l'introduction d'un nouveau critère lié à la croissance de l'entreprise.

Le rapporteur général relève que les paramètres retenus pour fixer le périmètre de ce dispositif appellent deux séries de remarque.

Premièrement, le seuil de 5 % des charges fiscalement déductibles consacrées à des dépenses de recherche apparaît particulièrement faible. Alors même que le dispositif des JEI a pour objet de favoriser les dépenses de recherche des PME, octroyer le statut de JEIC à des entreprises qui atteindrait un seuil de 5 % de dépenses de recherche aurait pour effet de réduire la portée du dispositif, de manquer sa cible, et de diluer le soutien public à la recherche.

Deuxièmement, le second critère proposé par le présent article, qui doit du reste faire l'objet de précisions fixées par le pouvoir réglementaire concernant ses modalités d'application, est un critère qui concerne l'activité de l'entreprise et non son caractère innovant. En effet, les trois indicateurs retenus sont des indicateurs d'activité qui ne permettent pas de cibler les entreprises innovantes.

Le rapporteur général relève par surcroît que le présent article prévoit de ne pas soumettre les jeunes entreprises d'innovation et de croissance (JEIC) aux critères relatifs à la détention du capital et au caractère réellement nouveau de l'activité. Cette exemption, qui n'est pas justifiée par les auteurs de l'amendement, porterait atteinte à la cohérence du dispositif.

Le rapporteur général relève à ce titre que dans son rapport remis au Gouvernement en juin 2023 sur l'investissement dans les PME innovantes, l'auteur de l'amendement évoquait comme piste le fait d'étendre le périmètre des dépenses éligibles pour « prendre en compte tous les types d'innovation »352(*).

Le statut de JEIC, qui propose l'entrée dans le périmètre des JEI d'entreprises répondant à des indicateurs de croissance plutôt que d'innovation, n'est pas cohérent avec la finalité du dispositif et le rapporteur général.

B. LE STATUT DE JEIR N'A PAS DE PORTÉE UTILE AU REGARD DE LA SUPPRESSION DU VOLET FISCAL DU DISPOSITIF DES JEI PROPOSÉ À L'ARTICLE 5 SEPTRICIES DU PRÉSENT PROJET DE LOI

Le statut de JEIR, que le présent article propose de créer, a pour objet de prévoir des avantages bonifiés pour certaines JEI.

L'avantage additionnel prévu par le présent article pour les entreprises qualifiées de JEIR est l'allongement de la durée du statut, qui atteindrait douze ans contre huit pour les JEI de droit commun.

Le rapporteur général relève que l'allongement de la durée n'a de portée que pour le volet fiscal du dispositif, dès lors que pour le volet social, la date limite de l'exonération de cotisations patronales de certains salaires est fixée au dernier jour de la septième année suivant la création de l'entreprise par le V de l'article 131 de la loi du 30 décembre 2003353(*) de finances pour 2004, qui n'est pas modifiée par le présent article.

Or le présent projet de loi prévoit, à son article 5 septricies à l'adoption duquel le rapporteur est favorable, la suppression du volet fiscal du dispositif des JEI pour les JEI créées à partir du 1er janvier 2024.

Par conséquent, l'effet de l'allongement de la durée du statut pour les JEIR n'aurait pas de portée utile.

Par conséquent, pour maintenir la cohérence du dispositif des JEI et ne pas créer une nouvelle sous-catégorie de JEI sans élément circonstancié quant aux besoins spécifiques de ces entreprises, le rapporteur général estime préférable de ne pas créer la catégorie des jeunes entreprises d'innovation de rupture (JEIR).

La commission propose d'adopter un amendement n° I- 180 (FINC.23) de suppression de l'article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 duodecies (nouveau)

Réforme du régime d'imposition des locations de meublés de tourisme classés

Le présent article, introduit à l'initiative du Gouvernement dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, harmonise le régime fiscal de l'activité de location de meublés de tourisme classés et celui des autres locations meublées, en ramenant l'abattement de chiffre d'affaires en régime micro-BIC à 50 % et le seuil de revenus applicable pour bénéficier de ce régime à 77 000 euros. Il prévoit toutefois le maintien de l'abattement à 71 000 euros lorsque cette activité est réalisée dans les zones non soumises à une pression importante sur le marché du logement.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES MEUBLÉS DE TOURISME CLASSÉS BÉNÉFICIENT D'UN RÉGIME FISCAL TRÈS FAVORABLE, QUI PARAÎT LIÉ À DES CIRCONSTANCES HISTORIQUES PLUS QU'À UNE NÉCESSITÉ ACTUELLE

A. LE DÉVELOPPEMENT DES RÉSIDENCES SECONDAIRES ET NOTAMMENT DES MEUBLÉS DE TOURISME CLASSÉS ACCROÎT LA PRESSION SUR LE MARCHÉ DE LA LOCATION DE LONGUE DURÉE DANS CERTAINS TERRITOIRES

L'impact du développement des résidences secondaires sur le logement des résidents permanents est devenu un problème de premier plan dans certains territoires.

Des manifestations ont eu lieu au Pays basque afin de s'opposer aux effets d'un marché immobilier devenu inaccessible aux résidents et certaines collectivités ont pris des mesures tendant à limiter la création de nouveaux meublés touristiques, par exemple en instaurant des obligations de compensation354(*).

Cet effet est confirmé par les études économiques et statistiques. L'Insee note par exemple, dans une étude sur les territoires littoraux de Nouvelle-Aquitaine, que les résidences secondaires accentuent les tensions sur le marché du logement là où la population augmente355(*).

Il ne doit toutefois pas être considéré comme général : dans de nombreuses régions non soumises à la même pression démographique, les résidences secondaires, y compris les meublés touristiques, sont une source d'attractivité et d'enrichissement pour l'économie locale356(*).

En outre, le « problème » du développement des résidences secondaires ne se réduit pas à celui de la location meublée de courte durée qui fait l'objet du présent article.

Les meublés de tourisme se sont certes considérablement développés ces dernières années avec l'apparition de plateformes dont la plus importante est de loin AirBnB357(*) et la perspective, pour les propriétaires, d'une rentabilité nettement supérieure à la location à l'année. Ce phénomène concerne surtout la région parisienne et les secteurs littoraux et frontaliers.

Nuitées passées dans les hébergements de courte durée proposés par des particuliers via des plateformes en ligne (par département)

Source : données Eurostat, cartographie DGE

Cette activité apporte des ressources aux collectivités, notamment en termes de taxe de séjour358(*), ainsi qu'à l'État et à la sécurité sociale via l'impôt sur les revenus industriels et commerciaux (voir infra) et les prélèvements sociaux.

Elle s'accompagne toutefois d'effets indésirables. La conversion de logements, autrefois loués à l'année, vers le marché touristique entraînerait une augmentation des prix de marchés de la location résidentielle ; or la faible disponibilité du foncier dans les zones en tension, souvent concernées par des mesures réglementaires (lois Littoral et Montagne) ainsi que par l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), limite fortement la construction de nouveaux logements.

Plusieurs études internationales semblent ainsi indiquer que l'implantation de meublés de tourisme augmente le montant des loyers exigés359(*). Des études françaises mettent pour leur part l'accent sur l'impact du développement des résidences secondaires dans leur ensemble. L'Institut Paris Région montre par exemple que, à Paris, c'est l'ensemble du parc de résidences secondaires qui progresse de manière très importante, et que les locations saisonnières n'en expliquent qu'une faible part360(*). L'étude précitée de l'Insee Nouvelle-Aquitaine pointait également les effets sur le marché immobilier du développement des résidences secondaires d'une manière générale, et pas des seules locations saisonnières.

B. OR, LES MEUBLÉS DE TOURISME CLASSÉS BÉNÉFICIENT D'UNE FISCALITÉ TRÈS FAVORABLE AU TITRE DU RÉGIME MICRO-BIC

Un logement peut être loué nu ou meublé. La location meublée elle-même comprend des modalités différentes. En particulier, le III de l'article 1407 du code général des impôts distingue les locaux classés meublés de tourisme et les chambres d'hôte.

La classification d'un meublé de tourisme, permettant de bénéficier des avantages fiscaux associés, est attribuée sur la proposition d'un organisme accrédité ou agréé et comporte cinq catégories ou « étoiles », attribuées selon 133 critères relatifs aux équipements du logement, aux services apportées au client, à l'accessibilité et au développement durable361(*). Les chambres d'hôtes, pour leur part, sont définies comme des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations362(*).

Seule la location meublée est soumise au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), tandis que les revenus de la location nue sont taxés au réel ou, en-dessous de certains seuils, selon le régime micro-foncier.

Comparaison des modes de comptabilisation des charges

 

Location nue

Location meublée

BIC réel para-hôtelier

Micro-foncier

Foncier réel

Micro-BIC
- location d'habitation meublé

Micro-BIC
- meublé de tourisme classé et chambre d'hôte

BIC réel

Conditions

Revenus < 15 k€

Revenus > 15 k€ ou sur option ou imposés dans le cadre d'un régime particulier

Revenus < 77,7 k€

Revenus < 188,7 k€

Revenus supérieurs à 188,7 k€ ou sur option

Fourniture de trois prestations annexes

Calcul des charges déductibles des revenus

30 % des revenus (loyers hors charges acquittées par le locataire)

Charges réelles (hors amortissements) + intérêts d'emprunts

50 % des revenus (loyers
+ charges du locataire)

71 % des revenus (loyers + charges
du locataire)

Charges réelles et amortissement par composants, y compris intérêts d'emprunt

Charges réelles et amortissement par composants, y compris intérêts d'emprunt

Source : commission des finances, à partir du rapport IGF/CGEDD/IGA

Le régime général d'imposition des bénéfices industriels et commerciaux des micro-entreprises, dit régime micro-BIC, est défini par l'article 50-0 du code général des impôts.

Ce régime s'applique aux entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes n'excède pas :

188 700 euros pour les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place. Ce seuil concerne également des micro-entreprises dont le commerce est de fournir du logement non meublé, ainsi que les locaux classés meublés de tourisme et les chambres d'hôtes (1° du 1 de l'article 50-0 précité du code général des impôts). Dans ce cas, le résultat imposable fait l'objet d'un abattement forfaitaire représentatif de charges égal à 71 % du chiffre d'affaires hors taxes (5e alinéa du 1) ;

77 700 euros s'il s'agit d'autres entreprises, y compris les locations meublées ne relevant pas du seuil de 188 700 euros (2° du 1). L'abattement est alors de 50 % (5e alinéa du 1).

Ces deux seuils ont actualisés tous les trois ans en prenant comme référence l'évolution triennale de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (dernier alinéa du 1). La dernière actualisation a été réalisée par un décret du 31 mai dernier363(*) ; les seuils en vigueur précédemment étaient, respectivement, de 176 200 euros et 72 600 euros.

Ces seuils ont plus que doublé en 2018, puisqu'ils étaient auparavant, respectivement, de 81 500 euros et 32 600 euros. Ils étaient auparavant alignés sur les seuils de la franchise en base de TVA (article 293 B du code général des impôts). Cette mesure faisait partie d'un programme en faveur des travailleurs indépendants présenté par le président de la République nouvellement élu.

C. CE RÉGIME TRÈS FAVORABLE NE CORRESPOND PLUS À LA SITUATION DU MARCHÉ DU LOGEMENT DANS LES COMMUNES TOURISTIQUES

Le régime favorable des meublés de tourisme classés et des chambres d'hôtes, par rapport aux autres locations meublées, résulte de l'article 90 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

L'enjeu était alors de limiter les avantages fiscaux pouvant être retirés de l'imposition des revenus de la location meublée de manière générale comme bénéfices industriels et commerciaux : en particulier, le seuil d'abattement de 71 % applicable aux activités de vente de biens par les micro-entreprises paraissait excessif pour une activité de location de meublés, dont les charges ne sont pas aussi élevées : il avait donc été décidé d'appliquer à cette activité l'abattement de 50 % propre aux prestations de services assurées par les micro-entreprises.

Toutefois, une exception avait été prévue, à l'initiative du Sénat364(*), pour les activités de type « chambres d'hôtes », « gîtes ruraux » ou « meublés de tourisme », tels que définis alors par l'article 1407 du code général des impôts, ce qui a permis à ces activités de conserver le bénéfice de l'abattement de 71 %, c'est-à-dire le seuil prévu pour les activités de vente de biens des micro-entreprises.

La situation a toutefois évolué par la suite, et le relèvement du seuil de chiffre d'affaires de plus de 100 % réalisé en 2018 visait de manière générale les activités de vente de biens des micro-entreprises, sans que sa pertinence soit établie à l'égard des activités de location de meublés relevant encore de ce seuil.

La tension croissante sur la disponibilité de résidences principales dans les communes touristiques a conduit à ramener dans le débat public la question du régime fiscal des meublés de tourisme.

Les corps d'inspection de l'État ont ainsi remis en juin 2022 au Gouvernement un rapport sur la lutte contre l'attrition des résidences principales, qui formulait des propositions en matière fiscale dont le présent article s'inspire largement365(*). Ce rapport, qui aurait pu être utile pendant les débats du projet de loi de finances pour 2023 au cours desquels le débat a déjà largement porté sur la taxation des logements autre que les résidences principales, n'a été rendu public qu'au mois de mars 2023.

La proposition n° 1 de ce rapport est de supprimer l'abattement complémentaire sur l'assiette de l'impôt sur le revenu associé aux meublés de tourisme classés et de ramener, dans le cadre du régime micro-BIC, le seuil de revenu généré des meublés classés au seuil classique. Cette mesure serait applicable en zones tendues A bis, A et B1 au sens du zonage A/B/C des aides à l'investissement locatif366(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : HARMONISER LE RÉGIME FISCAL DE LA LOCATION DE MEUBLÉS TOURISTIQUES AVEC CELLE DES LOGEMENTS MEUBLÉS, EN MAINTENANT L'ABATTEMENT DANS LES ZONES PEU DENSES

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a retenu un amendement présenté par le Gouvernement lui-même, insérant un article nouveau qui tend à modifier le régime micro-BIC pour la location de locaux classés meublés de tourisme.

Le du I modifie l'article 50-0 précité du code général des impôts.

Il exclut les locaux classés meublés de tourisme du bénéfice du seuil haut de 188 700 euros, ce qui les soumet au seuil bas de 77 700 euros et ramène, par conséquence, le niveau de l'abattement à 50 %.

Toutefois, il leur accorde un abattement supplémentaire de 21 % du chiffre d'affaires, c'est-à-dire qu'il maintient l'abattement de 71 %, à plusieurs conditions :

- s'ils ne sont pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, c'est-à-dire qu'ils doivent être situés dans les zones B2 et C des aides à l'investissement locatif ;

- si le chiffre d'affaires hors taxes lié à cette activité ne doit pas excéder 50 000 euros au cours de l'année civile précédente.

Modifications du régime fiscal de la location meublée
proposées par l'article 5 duodecies

Type de logement

Revenus locatifs

Localisation

Régime fiscal

Droit existant

Droit proposé

Meublé de tourisme classé

= 50 000

zones A bis,
A et B1

micro-BIC 71 %

micro-BIC 50 %

zones B2 et C

micro-BIC 71 %

de 50 000 à 77 700

 

micro-BIC 71 %

micro-BIC 50 %

de 77 700 à 188 700

 

micro-BIC 71 %

réel

> 188 700

 

réel

Chambre d'hôtes

= 188 700

 

micro-BIC 71 %

> 188 700

 

réel

Autre location meublée

= 77 700

 

micro-BIC 50 %

> 77 700

 

réel

Source : commission des finances

Il est également précisé que le bénéfice de cet abattement supplémentaire entre dans le calcul des aides de minimis367(*).

Le seuil de chiffres d'affaires retenu pour les meublés classés situés en zone peu dense sera actualisé tous les trois ans, comme les deux seuils de chiffre d'affaires existants.

Le du I prévoit une mesure de coordination juridique dans l'article 151-0 du même code.

Enfin, le II prévoit à titre transitoire que la première actualisation triennale du seuil précité de 50 000 euros interviendra en 2026.

L'amendement du Gouvernement justifie la mesure par la volonté de « mettre fin à une différence de traitement en fonction du classement des locaux qui ne correspond plus à la réalité économique de ces activités », tout en soutenant les contribuables qui exercent une activité accessoire de location meublée lorsqu'elle n'entre pas en concurrence avec l'offre locative de résidences principales.

Il ne présente aucun chiffrage de l'impact attendu sur la conversion de meublés touristiques en locations à usage de résidence principale dans les territoires concernés, ni sur les recettes fiscales de l'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER CETTE MESURE DONT L'IMPACT SERA SANS DOUTE LIMITÉ

En premier lieu, il est difficilement compréhensible que le Gouvernement introduise un dispositif réformant la fiscalité de la location meublée par la voie d'un texte présenté sans étude d'impact et non débattu en séance publique. Le Gouvernement dispose depuis près d'un an et demi du rapport établi par les corps d'inspection de l'État, la mesure a été abondamment discutée dans le débat public depuis la publication de ce rapport au mois de mars dernier et plusieurs ministres se sont également exprimés. Il aurait donc été bien préférable que le Gouvernement présente un dispositif dans le texte initial du projet de loi de finances, assorti d'une présentation aussi précise que possible de l'impact attendu sur les propriétaires concernés, sur le marché du logement dans les territoires et sur le budget de l'État.

En outre, le ministre chargé du logement a rappelé, lors de son audition devant la commission des finances, qu'une mission était lancée sur la réforme de la fiscalité locative, dont l'objectif est d'aboutir l'an prochain, de sorte que le dispositif proposé n'est probablement que provisoire.

Ce dispositif tente ainsi, au prix d'une complexification certaine du régime micro-BIC, de réduire les seuils de chiffre d'affaires et abattements pour les personnes qui exercent l'activité de location de locaux classés meublés de tourisme, en limitant l'impact sur les gîtes ruraux. Ceux-ci seront tout de même impactés par l'abaissement du seuil relatif au chiffre d'affaires.

Comme tout dispositif reposant sur un zonage déterminé par la loi, il est à craindre que cette modulation du régime micro-BIC en fonction de l'emplacement ne produise des effets indésirables.

Il n'est en effet pas démontré que la géographie des aides à l'investissement locatif soit exactement superposée à celle des territoires sur lesquels il est nécessaire de lutter contre l'attrition de résidences principales. Un autre choix possible aurait été de retenir le zonage des zones tendues, utilisé pour l'application de la taxe sur les logements vacants (article 232 du code général des impôts) et la possibilité de majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS). Le rapport précité sur l'attribution des résidences principales indique que certaines communes identifiées comme situées dans des zones tendues au sens de la TLV ne sont pas identifiées comme présentant un déséquilibre important du marché de l'immobilier au sens du zonage A / B /C368(*), ce qui conduisait les auteurs du rapport à suggérer une convergence entre ces deux classements.

Selon les éléments communiqués au rapporteur général, le zonage A / B / C serait plus fin et couvrirait mieux les territoires visés, notamment en visant les grandes villes par opposition aux zones moins denses sur lesquelles le dispositif tend à maintenir l'encouragement à développer l'accueil touristiques.

Le classement A / B / C ne recouvre pas non plus le classement des communes touristiques au titre du code du tourisme : 865 des 1 378 communes touristiques sont situées en zone C, qui correspond à la zone one présentant pas de tension immobilière, et seulement 264 communes d'entre elles sont situées dans les zones A bis, A et B1.

Nombre de communes classées touristiques dans les zones A, B et C

Source : commission des finances, à partir du rapport IGF/CGEDD/IGA

En particulier, il est à craindre un effet sur les stations de ski et autres communes touristiques de montagne qui, dans certaines régions, peuvent être classées en zone tendue même si leur économie dépend de l'accueil des touristes.

En conséquence, l'abaissement du seuil de revenus concerne un nombre de communes beaucoup plus élevé que celui sur lequel ces meublés sont susceptibles de produire un effet sur la tension du marché du logement. L'augmentation, sur le périmètre de ces communes, de l'abattement correspond donc à une véritable nécessité, mais elle ne sera pas nécessairement suffisante pour éviter tout effet sur les activités touristiques qui contribuent au développement des territoires ruraux.

En outre, le régime micro-BIC se voit assigner la double mission de favoriser les micro-entrepreneurs et de lutter contre l'attrition de résidences principales, alors qu'un dispositif fiscal peut difficilement atteindre deux objectifs en même temps.

En tout état de cause, la mesure proposée ici n'aura qu'une efficacité limitée.

D'une part, comme il a été vu supra, le segment de la location de meublés classés ne constitue que l'un des éléments qui pèsent sur la disponibilité de résidences permanentes dans les communes concernées.

D'autre part, la réduction du seuil de chiffre d'affaires et de l'abattement risque de conduire des loueurs, soit qu'ils y soient obligés (parce qu'ils dépassent désormais le seuil de revenu), soit par choix (en considérant l'abaissement de l'abattement), à abandonner le régime micro-BIC pour passer à la taxation des charges au réel et conserver en conséquence une fiscalité allégée. Si le régime micro-BIC présente l'avantage de la simplicité pour les propriétaires loueurs, dans bien des cas il n'est pas plus intéressant que la taxation au réel, laquelle permet notamment de déduire les intérêts d'emprunt : le dispositif proposé risque donc d'avoir peu d'effet sur les loueurs possédant des compétences suffisantes en comptabilité ou faisant appel à un professionnel pour les aider.

Pour autant, l'urgence de lutter contre le manque de logements dans certains territoires soumis à une forte pression aussi bien démographique que touristique, tout comme l'inadéquation du niveau des seuils de chiffre d'affaires, justifie pleinement, sans illusion sur la portée réelle de cette disposition, de mettre fin au régime fiscal extraordinaire des meublés touristiques classés dans les zones tendues.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 terdecies (nouveau)

Mise en conformité de l'abattement sur les bénéfices des jeunes agriculteurs avec le droit européen

Le présent article prévoit de mettre en conformité avec le droit européen l'abattement sur les bénéfices dont bénéficient certains jeunes agriculteurs en application du I de l'article 73 B du code général des impôts.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA MENTION DANS LA LOI FRANÇAISE DE RÈGLES EUROPÉENNES QUI NE SONT PLUS EN VIGUEUR

En application du I de l'article 73 B du code général des impôts, les jeunes agriculteurs soumis à un régime réel d'imposition et attributaires d'aides à l'installation369(*) bénéficient d'abattements sur les bénéfices imposables réalisés au cours des soixante premiers mois d'activité, à compter de la date d'octroi de la première aide.

Cet abattement est proportionné à la tranche des revenus concernée et s'élève à « 75 % lorsque le bénéfice de l'exercice est inférieur ou égal à 43 914 euros ou, dans les autres cas, de 50 % pour la fraction du bénéfice inférieure ou égale à 43 914 euros et de 30 % pour la fraction supérieure à 43 914 euros et inférieure ou égale à 58 552 euros. Ces abattements sont portés à 100 % pour la fraction du bénéfice inférieure ou égale à 43 914 euros et à 60 % pour la fraction supérieure à 43 914 euros et inférieure ou égale à 58 552 euros et leur montant total ne peut être inférieur au montant de cette dotation au titre de l'exercice en cours à la date d'inscription en comptabilité de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ».370(*)

Le bénéfice de ces abattements est subordonné au respect de l'article 18 du règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission du 25 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

L'article 52 de ce règlement prévoit que ce dernier s'appliquait jusqu'au 31 décembre 2022.

Le 14 décembre 2022, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) 2022/2472 déclarant certaines catégories d'aides dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION.

Le dispositif retenu par le Gouvernement à l'article 5 terdecies dans la version du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité conformément au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution reprend un amendement de M. Pascal Lecamp et plusieurs de ses collègues.

Cet article met l'abattement sur les bénéfices des jeunes agriculteurs en conformité avec le droit de l'Union européenne, en modifiant la référence au règlement européen précité au III de l'article 73 B du code général des impôts pour l'aligner sur le nouveau règlement en vigueur.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'ADOPTION SANS MODIFICATION DE L'ARTICLE 5 TERDECIES

S'agissant d'une mise en conformité du droit national avec un règlement européen, qui ne modifie pas le droit applicable aux jeunes agriculteurs, la commission des finances approuve le dispositif prévu à l'article 5 terdecies.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 quaterdecies (nouveau)

Clarification du cadre fiscal applicable aux actifs numériques

Le présent article prévoit de clarifier le régime fiscal et déclaratif des actifs numériques.

Il dispose tout d'abord expressément, et conformément à la jurisprudence, que les produits issus des activités de type « minage » sont considérés comme des bénéfices non commerciaux et imposés à ce titre dès leur perception. Il étend par ailleurs les obligations déclaratives prévues à l'article 1649 C du code général des impôts aux professionnels : toute personne devra désormais déclarer les références des comptes d'actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d'organismes, d'entreprises, d'institutions ou de personnes morales établis à l'étranger.

Ces clarifications ne soulèvent pas de difficultés et répondent à un double-objectif de transparence et de précision du droit.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN ALIGNEMENT DU RÉGIME D'IMPOSITION DES PLUS-VALUES DE CESSION D'ACTIFS NUMÉRIQUES SUR LE RÉGIME DES OPÉRATIONS DE BOURSE

A. L'IMPOSITION DES PLUS-VALUES DE CESSION DES ACTIFS NUMÉRIQUES

Les actifs numériques ont fait l'objet d'une définition dans le cadre de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi « Pacte »371(*). Aux termes de l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier (CMF), les actifs numériques comprennent :

- les jetons mentionnés à l'article L. 552-2 du CMF, à savoir les biens incorporels représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier directement ou indirectement le propriétaire de ces biens ;

- les représentations numériques d'une valeur qui ne sont pas émises ou garanties par une banque centrale ou par une autorité publique, qui ne sont pas nécessairement attachées à une monnaie ayant cours légal et n'en possèdent pas le statut, mais qui sont acceptées par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange. Elles doivent pouvoir être transférées, stockées ou échangées électroniquement.

L'article 41 de la loi de finances pour 2019372(*) a introduit un régime d'imposition spécifique des plus-values de cession à titre onéreux d'actifs numériques ou de droits s'y rapportant.

Ce régime est inscrit à l'article 150 VH bis du code général des impôts (CGI), qui définit les conditions dans lesquelles les contribuables fiscalement domiciliés en France sont redevables de l'impôt sur le revenu au titre de ces plus-values. Il prévoit notamment les modalités de détermination du prix d'acquisition et du prix de cession373(*).

Aux termes de l'article 200 C du CGI, les plus-values réalisées dans les conditions prévues à l'article 150 VH bis du CGI sont imposées sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 %, auquel s'ajoutent ensuite les prélèvements sociaux (17,2 %). Ces taux correspondent à ceux prévus au titre du prélèvement forfaitaire unique (PFU, 30 %)374(*).

Ce régime ne s'applique pas aux opérations d'échange sans soulte375(*) entre actifs numériques. De même, sont exonérées d'impôt sur le revenu les cessions dont la somme des prix n'excède pas 305 euros au cours de l'année d'imposition. Dans le cadre de la campagne de déclaration à l'impôt sur le revenu, les contribuables doivent d'une part déclarer le montant global de la plus ou moins-value réalisée au cours de l'année, et, d'autre part, joindre une annexe sur laquelle ils mentionnent et évaluent l'ensemble des plus ou moins-values réalisées à l'occasion de chacune des cessions imposables, même celles bénéficiant de la franchise d'impôt précitée.

Enfin, l'article 1649 bis C du CGI impose aux personnes physiques, aux associations et aux sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes d'actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d'entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l'étranger. Ce dispositif est similaire à celui prévu pour les comptes bancaires (article 1649 A du même code) ainsi que pour les contrats de capitalisation ou des placements de même nature (article 1649 AA du même code).

B. UNE CLARIFICATION DU RÉGIME D'IMPOSITION DES PLUS-VALUES PAR UN ALIGNEMENT SUR LES RÈGLES RELATIVES AUX OPÉRATIONS DE BOURSE

1. Une précision apportée aux opérations effectuées à titre professionnel

L'article 70 de la loi de finances pour 2022376(*) a permis de clarifier et de simplifier le régime d'imposition des plus-values de cession d'actifs numériques.

Avant le 1er janvier 2023, les revenus tirés de l'activité de cession pouvaient être qualifiés de bénéfices industriels et commerciaux (BIC)377(*), et imposés au titre des bénéfices professionnels à l'impôt sur le revenu.

Pour déterminer si les revenus sont réalisés à titre professionnel, et relèvent de ce fait de la catégorie des BIC, l'administration fiscale s'appuyait sur un critère prépondérant : l'accomplissement habituel d'opérations de nature commerciale, industrielle ou artisanale par le redevable de l'impôt sur le revenu378(*), pour le compte du redevable lui-même et dans un but lucratif.

Le caractère « habituel » de l'opération était toutefois sujet à interprétation et s'appréciait au cas par cas : il pouvait tant provenir de la fréquence des opérations que de leur périodicité, sur une longue période. En l'occurrence, pouvaient relever des BIC les revenus générés par des opérations fréquentes et périodiques de cession d'actifs numériques acquis en vue de leur revente, dans des conditions caractérisant l'exercice d'une profession commerciale. Or, la multiplication des plateformes en ligne, qui permettent de surcroît d'effectuer un grand nombre d'opérations, ont rendu ce critère obsolète.

Depuis le 1er janvier 2023, aux termes du 1° du 2 de l'article 92 du CGI, « les produits des opérations d'achat, de vente et d'échanges d'actifs numériques effectués dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations » sont imposés comme des bénéfices non commerciaux (BNC). Ces bénéfices sont ceux réalisés par des professions libérales ou sont liés à des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants, ou encore à toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. Ils comprennent plusieurs catégories : produits de droits d'auteur, produits perçus sur les brevets, produits d'opérations réalisées à titre habituel sur des contrats financiers, etc.

La référence aux « conditions analogues d'exercice de l'activité à titre professionnel » a permis de clarifier les critères permettant de qualifier de professionnelle l'activité d'acquisition et de vente d'actifs numériques, puisqu'elle a repris une notion existante en droit, applicable aux opérations de bourse réalisées par des particuliers. Cette précision permet de soumettre l'activité à une liste de critères permettant de qualifier son exercice379(*) : bénéfice de l'ensemble des informations et des moyens mis à la disposition d'un professionnel, diversité et technicité des opérations, part des gains des opérations de bourse dans les autres revenus du contribuable. L'imposition sous le régime des BNC devient alors exceptionnelle : il faut que le contribuable puisse agir personnellement dans des conditions analogues à celles d'un professionnel pour se voir appliquer ces dispositions. Si ce n'est pas le cas, et hors exercice professionnel, le dispositif de droit commun prévu aux articles 150 VH bis et 200 C du CGI s'applique.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, la commission avait soutenu cette clarification, qui reprenait l'une de ses recommandations : lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, elle avait estimé qu'une solution analogue à celle trouvée pour les opérations de bourse aurait pu être mobilisée pour les opérations sur actifs numériques380(*).

2. L'assimilation des revenus tirés du « minage » à des bénéfices non commerciaux

En revanche, les gains tirés de l'activité de « minage », c'est-à-dire de la création de nouvelles unités de compte d'actifs numériques, n'ont jamais été considérés comme pouvant être imposés sous le même régime que les plus-values de cession.

Le Conseil d'État a en effet jugé, dans une décision du 26 avril 2018, que « les gains issus d'une opération de cession [...] sont ainsi susceptibles d'être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dans la mesure où ils ne constituent pas un gain en capital résultant d'une opération de placement mais de la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d'unité de compte virtuelle »381(*).

Les ajustements apportés en loi de finances pour 2022 n'ont pas modifié cette approche, au contraire : dans ses commentaires, l'administration fiscale considère que la contrepartie de la participation du contribuable à l'activité de minage relève du 1° de 2 de l'article 92 et est donc de droit imposable sous le régime prévu pour les BNC382(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : DES AJUSTEMENTS LIMITÉS AU CADRE FISCAL APPLICABLE AUX ACTIFS NUMÉRIQUES

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par M. Eric Bothorel et plusieurs de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elles visent à apporter des ajustements au cadre fiscal applicable aux actifs numériques.

Le 1° du présent article ajoute un alinéa au sein de l'article 92 du code général des impôts afin de prévoir que sont explicitement considérés comme des bénéfices non commerciaux « les produits issus de la participation à la création ou au fonctionnement d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé, dès leur perception ».

Le 2° du présent article modifie l'article 1649 bis C du CGI afin d'élargir les obligations déclaratives des références des comptes d'actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d'entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l'étranger aux professionnels, en sus des personnes physiques, des associations et des sociétés n'ayant pas la forme commerciale.

Pour plus de précision, il prévoit également, pour désigner les actifs numériques, de ne plus renvoyer à l'article 150 VH bis du CGI mais à l'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier. Ce dernier définit la catégorie des actifs numériques comme comprenant à la fois les jetons numériques et toutes les représentations numériques de valeurs qui ne sont pas émises ou garanties par une banque centrale ou par une autorité publique (cf. supra).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES CLARIFICATIONS QUI NE SOULÈVENT AUCUNE DIFFICULTÉ

Le présent article ne soulève pas de difficultés.

D'une part, il précise le régime d'imposition des activités de minage et assimilées en disposant qu'elles sont, conformément à la jurisprudence, automatiquement qualifiées de bénéfices non commerciaux (BNC) et imposés à ce titre dès la perception de la rétribution. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, la commission avait déjà rappelé, au regard du droit existant et de la jurisprudence, que le régime des BNC s'appliquait à cette activité. Il y a donc clarification mais pas modification du droit.

D'autre part, il étend aux professionnels les obligations déclaratives prévues à l'article 1649 C du code général des impôts. À l'instar des particuliers, des associations et des sociétés n'ayant pas la forme commerciale, les contribuables professionnels devraient déclarer les références des comptes d'actifs numériques ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d'entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l'étranger. Il est rappelé, à titre de comparaison, que les autres obligations déclaratives, prévues aux articles 1649 A à 1649 ter du CGI et concernant par exemple les comptes bancaires ou les contrats de capitalisation à l'étranger, s'appliquent à certains intermédiaires professionnels. La disposition vise donc à renforcer la transparence des détentions d'actifs numériques à l'étranger, encore plus nécessaire au regard des spécificités de ces actifs (anonymat, décentralisation, stockage virtuel, etc.).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 quindecies (nouveau)

Création d'un dispositif de soutien à l'investissement dans les start-ups et PME innovantes

Le présent article prévoit de rehausser le taux de la réduction d'impôt sur le revenu au titre de la souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises (dispositif « Madelin » ou IR-PME) au profit des jeunes entreprises innovantes, des jeunes entreprises d'innovation et de croissance (JEIC) et des jeunes entreprises d'innovation et de rupture (JEIR). Le taux de la réduction d'impôt serait porté de 18 % à 30 % pour les JEI et les JEIC et 50 % pour les JEIR.

Les caractéristiques du dispositif proposé au présent article soulèvent d'importantes difficultés juridiques et opérationnelles. Par ailleurs, la commission a proposé de supprimer les articles 5 decies et 5 undecies, relatifs aux nouveaux régimes des JEI, subdivisées en jeunes entreprises d'innovation et de croissance et jeunes entreprises d'innovation et de rupture. Par coordination, elle propose de supprimer les réductions d'impôt prévues au présent article au bénéfice de ces deux catégories.

La commission a donc adopté un amendement n° I-181 (FINC.24) afin de simplifier le dispositif et de tenir compte de la suppression des articles 5 decies et 5 undecies, en portant le taux de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital des jeunes entreprises innovantes à 30 %.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'INSTAURATION DE RÉGIMES FISCAUX DÉROGATOIRES POUR INCITER LES PARTICULIERS À SOUSCRIRE AU CAPITAL DES ENTREPRISES ET À SOUTENIR LEUR DÉVELOPPEMENT

A. TROIS DISPOSITIFS DE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU AU TITRE DES SOUSCRIPTIONS EN NUMÉRAIRE AU CAPITAL D'ENTREPRISES AUX CARACTÉRISTIQUES PARTICULIÈRES

1. Soutenir les petites et moyennes entreprises, les entreprises solidaires d'utilité sociale et les foncières solidaires

a) La souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises en phase de développement

Le dispositif « Madelin », créé en 1994383(*) et codifié à l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts (CGI), ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu des particuliers en cas de souscription au capital de certaines petites et moyennes entreprises (PME).

Pour être éligible au dispositif, le contribuable doit investir au sein d'une société remplissant les différentes conditions prévues au 1 bis de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017, au premier rang desquelles figurent :

une condition de taille : l'entreprise doit répondre à la définition européenne des PME384(*), à savoir un effectif inférieur à 250 personnes et un chiffre d'affaires mensuel inférieur à 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros ;

une condition d'âge : l'entreprise ne doit pas avoir encore effectué de vente commerciale ou exercer ses activités sur un marché depuis moins de sept ans après sa première vente commerciale ou encore avoir besoin d'un investissement initial qui, en vue d'intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50 % de son chiffre d'affaires annuel moyen des cinq dernières années ;

une condition d'activité : l'entreprise doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités procurant des revenus garantis, des activités financières, des activités de gestion de patrimoine mobilier, des activités de construction d'immeubles et des activités immobilières ;

un plafond de versements : le montant total des versements reçus par l'entreprise au titre de la réduction d'impôt « Madelin » et des autres aides pour le financement des risques ne peut excéder 15 millions d'euros.

Le taux de la réduction d'impôt de droit commun est de 18 %. Il s'applique aux versements effectués au titre de la souscription en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital des entreprises entrant dans le champ d'application du dispositif.

En cas d'investissement direct ou réalisé par l'intermédiaire d'une société holding, les versements sont retenus dans la limite annuelle de 50 000 euros pour une personne seule et de 100 000 euros pour des contribuables mariés soumis à imposition commune.

En cas d'investissement indirect via un fonds d'investissement de proximité (FIP) ou un fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI), ces limites sont ramenées à respectivement 12 000 euros et 24 000 euros. L'actif de ces fonds fiscaux doit être constitué pour 70 % au moins d'investissements réalisés dans des PME innovantes385(*) de moins de dix ans (pour les FCPI) ou des PME régionales386(*) de moins de sept ans (pour les FIP).

L'avantage fiscal « Madelin » fait partie de ceux dont le cumul ne peut aboutir à une réduction d'impôt supérieure à 10 000 euros (article 200-0 A du code général des impôts). L'éventuel excédent peut toutefois être reporté sur l'impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement.

b) La souscription en numéraire au capital des entreprises solidaires d'utilité sociale

Les entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS) sont définies à l'article L. 3332-17-1 du code du travail. Pour bénéficier de cet agrément, une entreprise doit remplir les conditions cumulatives suivantes :

- elle doit exercer son activité en faveur des personnes fragilisées du fait de leur situation économique ou sociale ou poursuivre un objectif tel que celui de contribuer à la préservation du lien social ou au maintien de la cohésion territoriale, de contribuer à l'éducation à la citoyenneté ou de concourir au développement durable ;

- la charge induite par les activités d'utilité sociale doit avoir un impact significatif sur son compte de résultat ;

la politique de rémunération respecte des conditions particulières liées aux écarts de rémunération ;

les titres de capital de l'entreprise ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d'investissement autre qu'une société de gestion de portefeuille ou tout autre organisme similaire étranger.

L'article 199 terdecies-0 AA du CGI dispose que la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 terdecies-0 A (Madelin) s'applique sous les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions aux souscriptions en numéraire au capital des ESUS. Plusieurs réserves sont toutefois prévues :

- une exclusion de certaines activités, tel que l'exercice d'une activité immobilière ou de construction d'immeubles lorsque l'entreprise solidaire n'exerce pas une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;

- la société bénéficiaire doit remplir au moins l'une des conditions suivantes au moment de l'investissement initial : elle n'exerce aucune activité de marché ; elle exerce son activité sur un marché depuis moins de dix ans après sa première vente commerciale ; elle a besoin d'un investissement en faveur du financement des risques qui est supérieur à 50 % de son chiffre d'affaires annuel moyen des cinq années précédentes.

c) La souscription en numéraire au capital des foncières solidaires

L'article 157 de la loi de finances pour 2020 a créé une réduction d'impôt pour les souscriptions en numéraire au capital des foncières solidaires chargées d'un service économique d'intérêt général. En effet, ces dernières ont été exclues de la réduction d'impôt Madelin dans le cadre de sa mise en conformité du dispositif avec les lignes directrices européennes concernant les aides visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques387(*).

Afin de ne pas priver les entreprises solidaires concernées d'une source de financement, une nouvelle réduction d'impôt a donc été mise en place, sous les mêmes modalités que celles prévues pour la réduction d'impôt Madelin (article 199 terdecies-0 AB du CGI) :

Concrètement, la réduction d'impôt est ouverte aux foncières solidaires agissant dans les trois secteurs d'activité suivants :

- l'insertion dans des logements dits « très sociaux » de personnes précarisées (foncières de logement et d'insertion) ;

- l'hébergement de personnes âgées, dépendantes ou en perte d'autonomie (foncières pour personnes dépendantes) ;

- l'insertion professionnelle d'agriculteurs respectant les exigences des systèmes de production agro-écologiques (foncières solidaires agricoles).

La réduction d'impôt ne relève toutefois plus du cadre européen relatif au financement des risques mais de celui prévu pour certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général (SIEG)388(*), et ne doit donc pas être notifiée à la Commission européenne.

2. La prorogation, à de multiples reprises, de la bonification du taux de la réduction d'impôt

Si le taux de l'avantage fiscal est en principe de 18 %, un taux bonifié de 25 % a été prévu pour les versements effectués en 2018389(*) au titre du dispositif « Madelin » et afin de contrebalancer la disparition de la réduction d'impôt « ISF-PME ». Ce taux bonifié, initialement applicable aux seuls versements effectués en 2018, a été prolongé à quatre reprises, année par année390(*).

D'après le tome II de l'annexe Évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2024, le coût total des réductions d'impôt sur le revenu au titre de la souscription en numéraire au capital d'entreprises s'élèverait à 155 millions d'euros en 2024. Au regard de la réévaluation tout juste intervenue sur l'année 2022, de 17 millions d'euros, cette estimation pourrait être légèrement sous-estimée.

En 2024, la dépense fiscale, dont la fiabilité du chiffrage est qualifiée de « très bonne » par le tome II de l'annexe Évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2024, se décomposerait ainsi :

- 75 millions d'euros au titre de l'investissement direct pour environ 48 000 ménages bénéficiaires, ces chiffres incluant les souscriptions au capital des ESUS ;

- 56 millions d'euros au titre de la souscription de parts de FCPI, pour 31 700 ménages bénéficiaires ;

- 15 millions d'euros au titre de la souscription de parts de FIP généralistes pour 11 300 ménages bénéficiaires ;

- 6 millions d'euros au titre de la souscription de parts de FIP investis dans les entreprises corses pour 3 600 ménages bénéficiaires ;

- 3 millions d'euros au titre de la souscription de parts de FIP investis dans les entreprises d'outre-mer pour près de 2 200 ménages bénéficiaires ;

- 12 millions d'euros pour les foncières solidaires.

B. DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN CENTRÉS SUR LES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES

1. La prorogation jusqu'en 2025 d'un régime fiscal favorable au profit des jeunes entreprises innovantes, et non de leurs souscripteurs

L'article 33 de la loi de finances pour 2023 a prorogé jusqu'au 31 décembre 2025 le bénéfice du dispositif d'exonération fiscale au profit des jeunes entreprises innovantes (JEI).

Créé par les articles 13 et 131 de la loi de finances pour 2004391(*), le dispositif des JEI permet à ces entreprises, quelle que soit leur forme (entreprise individuelle, société commerciale, etc.) de bénéficier d'une exonération de cotisations sociales patronales et d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu ainsi que, sur délibération des collectivités territoriales, d'impôts directs locaux.

Sont qualifiées de JEI les entreprises qui, aux termes de l'article 44 sexies-0 A du CGI, les entreprises qui satisfont, à la clôture de leur exercice, aux conditions suivantes :

- être une PME au sens du droit de l'Union européenne, c'est-à-dire employer moins de 250 personnes et réaliser un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros par an ou présenter un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros ;

- avoir été créée depuis moins de huit ans ;

réaliser des dépenses de recherche392(*) représentant au moins 15 % des charges fiscalement déductibles, à l'exclusion des charges engagées auprès d'autres jeunes entreprises innovantes ou être dirigée ou détenue à hauteur de 10 % par des étudiants, des personnes diplômés d'un master ou d'un doctorat depuis moins de cinq ans et avoir pour activité principale la valorisation de travaux de recherche auxquels ces dirigeants ou associé ont participé ;

- avoir son capital détenu à hauteur de 50 % au moins par une des structures ou personnes listées au 4° de l'article 44 sexies-0 A du CGI393(*) ;

- ne pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou d'une reprise de telles activités.

Les entreprises qualifiées de JEI :

- sont totalement exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison du premier exercice bénéficiaire et exonérées à hauteur de 50 % de l'impôt dû à raison de l'exercice bénéficiaire suivant, cet exercice pouvant ne pas être consécutif au premier (article 44 sexies A du CGI) ;

- peuvent être exonérées de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de la cotisation foncière des entreprises sur une période de sept ans, sur délibération des collectivités territoriales et si elles en font la demande (articles 1383 D et 1466 D du CGI) ;

- sont exonérées de cotisations sociales patronales pour les emplois de recherche, développement et innovation durant sept ans à compter de la création de l'entreprise (article 131 de la loi de finances pour 2004).

D'après le tome II de l'annexe Évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2024, le coût de ce régime fiscal favorable s'est élevé à 12 millions d'euros en 2022, pour 480 entreprises bénéficiaires, et s'élèverait à 14 millions d'euros en 2024. Le coût des exonérations a quant à lui représenté 302 millions d'euros en 2022.

2. La création, dans le présent projet de loi de finances, des jeunes entreprises d'innovation et de croissance et des jeunes entreprises d'innovation et de rupture

Deux dispositions du présent projet de loi ont pour objet de modifier le statut des jeunes entreprises innovantes :

- l'article 5 decies, que la commission propose de supprimer, entend élargir les critères d'éligibilité des entreprises en abaissant à 10 %, contre 15 % aujourd'hui, le seuil minimal des charges déductibles consacrées aux dépenses de recherche ;

- l'article 5 undecies prévoit la création, au 1er janvier 2025, de deux statuts rattachés au dispositif des JEI, les jeunes entreprises d'innovation et de croissance (JEIC) et les jeunes d'entreprises d'innovation de rupture (JEIR). La commission a également proposé de le supprimer, en soulignant les limites opérationnelles et les incohérences des dispositifs présentés394(*).

Les JEIC seraient des JEI dont les dépenses de recherche représenteraient entre 5 % et 10 % des charges fiscalement déductibles de l'entreprise (nouveau II de l'article 44 sexies-0 A du CGI). La commission considère que ce seuil est particulièrement faible, alors même que le dispositif des JEI a justement été créé pour favoriser les dépenses de recherche des PME.

Les JEIR, dont les modalités de fonctionnement seraient définies au nouveau III de l'article 44 sexies-0 A du CGI, devraient soit atteindre un seuil de 30 % de dépenses de recherche, soit respecter les critères pour être qualifiée de jeune entreprise universitaire (JEU), c'est-à-dire avoir été créée par des étudiants ou par des professeurs pour valoriser des travaux de recherche menés dans un établissement d'enseignement supérieur. La requalification automatique des JEU en JEIR est source d'importantes difficultés. En outre, le dispositif proposé pour les JEIR est quasiment inopérant.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN RENFORCEMENT DU DISPOSITIF « MADELIN » AU PROFIT DES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par M. Paul Midy et plusieurs de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elles visent à renforcer le dispositif « Madelin » au bénéfice des jeunes entreprises innovantes, des jeunes entreprises d'innovation et de croissance et des jeunes entreprises d'innovation et de rupture.

Le présent article insère un nouvel article 199 terdecies-0 A bis au sein de la section V du chapitre Ier du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts.

Aux termes du I et du A du II de ce nouvel article 199 terdecies-0 A bis, les dispositions de l'article 199 terdecies-0 A du CGI (« Madelin ») s'appliqueraient aux JEI, sous les réserves suivantes :

- les versements effectués au titre de souscriptions en numéraire au capital des JEI entre le 1er janvier et le 31 décembre 2024 ouvriraient le droit à une réduction d'impôt de 30 % ;

- les versements effectués entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2028 au capital des jeunes entreprises d'innovation et de croissance (JEIC) ouvriraient le droit à une réduction d'impôt de 30 % ;

- les versements effectués entre le 1er janvier 2025 et le 31 décembre 2028 au capital des jeunes entreprises d'innovation et de rupture (JEIR) ouvriraient le droit à une réduction d'impôt de 50 %.

Les dispositions du 1° du B du II du nouvel article 199 terdecies-0 A bis du CGI prévoient également de déroger aux règles du Madelin, concernant cette fois-ci le plafond des versements. Les versements effectués au profit des JEI et des JEIC seraient en effet retenus dans la limite d'un montant de 75 000 euros pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé et de 150 000 euros pour les contribuables mariés ou liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune. Dans le Madelin, ces plafonds sont respectivement de 50 000 euros et 100 000 euros - et les mêmes seraient en revanche prévus pour les JEIR.

Ne seraient pas non plus applicables aux souscriptions au capital des JEI les dispositions de plafonnement prévues pour la réduction d'impôt « Madelin ». La nouvelle dépense fiscale proposée par le présent article ne ferait en effet pas partie des dispositifs dont le montant global des avantages annuels est plafonné en application de l'article 200-0 A du CGI (2° du IV du nouvel article 199 terdecies-0 A bis du CGI). Pour mémoire, ce plafond est fixé à 10 000 euros par an, avec un plafond spécifique de 18 000 euros pour certains dispositifs. Pour le dispositif Madelin, il est toutefois prévu que la fraction excédant le plafond puisse ouvrir droit à la réduction d'impôt les quatre années suivantes. Pour les JEI, il serait prévu un plafonnement pluriannuel : le total de l'avantage résultant des réductions d'impôt au titre de la souscription au capital d'une JEI, d'une JEIC ou d'une JEIR ne pourrait pas excéder 50 000 euros sur cinq ans, du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2028 (2° du B du II et IV du même article).

Enfin, le III du nouvel article 199 terdecies-0 A bis du CGI disposerait que le bénéfice de la majoration du taux de l'avantage fiscal prévue pour les JEIR (50 %) serait subordonné au respect du règlement du 18 décembre 2013 relatif aux aides de minimis395(*).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI PRÉSENTE D'IMPORTANTES LIMITES, JURIDIQUES COMME OPÉRATIONNELLES

Le présent article consiste à prévoir des taux dérogatoires de réduction d'impôt sur le revenu au profit des jeunes entreprises innovantes (JEI), des jeunes entreprises d'innovation et de croissance (JEIC) et des jeunes entreprises d'innovation et de rupture (JEIR). Il entend donc renforcer le dispositif Madelin au profit de ces entreprises.

Si la commission soutient régulièrement les mesures visant à favoriser le développement des entreprises et la recherche, elle s'attache également toujours à apprécier les dispositions au regard de leur crédibilité et de leur sécurité juridique. Or, le renforcement du dispositif Madelin au profit des JEI, des JEIC et des JEIR souffre sur ces deux aspects d'importantes lacunes.

Tout d'abord, et par cohérence avec la position qu'elle a adoptée sur les articles 5 decies et 5 undecies du présent projet de loi, la commission ne peut pas soutenir les dispositions du présent article visant à recentrer le « Madelin-JEI » sur les seules JEIC et JEIR à compter du 1er janvier 2025. Elle a en effet proposé la suppression de l'article 5 undecies, à l'origine de ces deux nouvelles formes de jeunes entreprises innovantes, en considérant qu'elles ne répondaient pas aux objectifs poursuivis, à savoir accroître les dépenses de recherche et soutenir les PME innovantes.

Par ailleurs, la dérogation du « Madelin-JEI » au plafonnement global des avantages fiscaux n'est pas suffisamment étayée pour être maintenue. Le fait de remplacer un plafonnement à 10 000 euros chaque année, avec possibilité d'un report de l'excédent sur l'imposition des quatre années suivantes, par un plafonnement pluriannuel de 50 000 euros sur cinq ans ne sera sans doute pas de nature à rehausser significativement le nombre de souscriptions. Il apparaît par ailleurs dérogatoire du droit commun. La conjugaison de cette disposition avec le plafonnement de certains avantages fiscaux à 18 000 euros pourrait conduire un contribuable à effacer jusqu'à 68 000 euros de son impôt sur le revenu sur une même année, quitte à ne plus pouvoir bénéficier ensuite de la réduction d'impôt « Madelin-JEI ».

Il convient de rappeler ici que, dans son appréciation en 2021 sur le rehaussement temporaire de 3 000 euros du seuil applicable au plafonnement global des avantages fiscaux pour les seuls investissements au capital des ESUS396(*), la Commission européenne avait relevé positivement l'existence d'un double plafond : celui exprimé en absolu et comprenant tous les avantages fiscaux et celui exprimé en pourcentage de l'investissement en cause. S'agissant des réductions d'impôt sur le revenu, elle a également rappelé, dans ses Lignes directrices sur le financement des risques 2021397(*), que les investisseurs mettant des financements à la disposition d'entreprises admissibles pouvant bénéficier d'un « allègement correspondant à un pourcentage raisonnable du montant investi, à condition de ne pas dépasser le montant maximal de l'impôt sur le revenu dû par l'investisseur tel qu'établi avant la mesure fiscale ». Enfin, dans sa décision de 2023, la Commission s'est montrée très claire en « not[ant] positivement que le bénéfice de la réduction est toujours plafonné ». Il ne semble dès lors pas judicieux de remettre en cause le plafond en absolu.

Enfin, l'assujettissement de la seule réduction d'impôt de 50 % au titre des souscriptions en capital dans une JEIR aux règles européennes en matière d'aides d'État n'est pas sans susciter des interrogations. Dans ses lignes directrices, la Commission européenne a rappelé estimer qu'un plafonnement de l'allègement de l'impôt à 30 % du montant investi était raisonnable. Or, la réduction d'impôt prévue pour les JEIR excédant ce seuil, la Commission européenne ne pourrait pas valider la mise en oeuvre de ce taux pour les JEIR, ce qui explique que le bénéfice de la majoration du taux pour la réduction d'impôt soit subordonné au règlement de minimis.

La subordination au régime de minimis, qui signifie concrètement qu'une entreprise ne pourra pas accepter plus de 200 000 euros d'aide sur une période de trois ans398(*), pourrait toutefois s'avérer complexe en pratique. Il est en effet difficile d'imaginer qu'une JEIR renoncerait aux exonérations de cotisations sociales et d'impôts parce qu'elle préférerait réserver la part de son plafond restant à la souscription de parts. D'ailleurs, comment pourrait-elle faire si elle venait à dépasser le plafond ? En effet, une partie des avantages dont elle peut bénéficier ne prend pas la forme de dispositifs fiscaux directement applicables à l'entreprise mais de souscriptions de particuliers. Si ces derniers souscrivent au capital de l'entreprise, directement ou indirectement, il serait difficile d'imaginer que l'entreprise puisse leur refuser leur participation ou, à partir de ses propres fonds, restituer à l'État la part des avantages qui excède le plafond de minimis mais qui peut tant correspondre aux aides qu'elle a reçue directement qu'à l'avantage fiscal perçu par les particuliers.

Il convient de noter que, s'agissant des JEI « simples », elles entrent, depuis le mois de juin 2023399(*), dans les exemptions prévues au règlement général d'exemption par catégorie (RGEC) n° 651/2014400(*) et qu'une notification à la Commission européenne n'est donc pas nécessaire. L'article 21 bis dispose en effet que les aides au financement des risques en faveur des PME sous forme d'incitations fiscales destinées à des investisseurs privés qui sont des personnes physiques sont compatibles avec les règles européennes en matière d'aides d'État et sont exemptées de l'obligation de notification, sous conditions de plafonds. Notamment, ces aides et les aides « directes » au financement des risques ne peuvent excéder un plafond de 16,5 millions d'euros.

Enfin, dans son rapport remis à l'été 2023 sur le financement des start-ups et des PME innovantes401(*), le député auteur de l'amendement apparaît très optimiste au regard des souscriptions réelles sur le dispositif Madelin. Un ensemble de mesures, dont les JEI, doit notamment permettre de lever un milliard d'euros supplémentaires par an et de créer 100 000 euros d'ici 2027. Il souligne également que l'IR-PME est aujourd'hui davantage utilisé comme un outil de défiscalisation que comme un véritable levier à l'investissement ou une véritable source de financements pour les PME. Or, aucun élément transmis ne permet d'anticiper qu'il en sera différemment pour les Madelin-JEIC ou JEIR, au contraire, la tendance pourrait s'accentuer au regard de l'ampleur des avantages fiscaux dérogatoires du droit commun qui seraient accordés aux particuliers dans ce cadre.

Pour tenir compte de l'ensemble de ces remarques, la commission a adopté un amendement n° I-181 (FINC.24) visant à simplifier le dispositif et à tenir compte de la suppression des articles 5 decies et 5 undecies en restreignant le présent article à l'instauration d'un taux dérogatoire de réduction d'impôt sur le revenu de 30 % au titre des souscriptions en numéraire au capital des jeunes entreprises innovantes. Elle préserve donc l'esprit du dispositif, à savoir celui de favoriser l'apport en fonds propres pour ces entreprises, tout en le plaçant sous les autres règles de droit commun applicables au Madelin « classique ».

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 5 quindecies (nouveau)

Prolongation jusqu'au 31 décembre 2025 de la hausse
de 18 % à 25 % du taux de la réduction à l'impôt sur le revenu
pour la souscription au capital de petites et moyennes entreprises

Le présent article additionnel, que propose d'introduire la commission des finances par l'amendement n° I-182 (FINC.25), proroge de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2025, le taux bonifié transitoire de 25 % de la réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital des petites et moyennes entreprises, dit dispositif « Madelin » ou « IR-PME », des entreprises solidaires d'utilité sociale et des foncières solidaires.

Ce dispositif de soutien au financement des entreprises apparaît plus qu'opportun en période de fortes incertitudes économiques (guerre en Ukraine, inflation durable, tensions d'approvisionnement). Sa prorogation pourrait être l'occasion pour le Gouvernement d'enfin transmettre les éléments d'évaluation demandés sur ce dispositif.

La commission des finances propose d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : L'INSTAURATION DE RÉGIMES FISCAUX FAVORABLES POUR INCITER LES PARTICULIERS À SOUSCRIRE AU CAPITAL DES ENTREPRISES ET À SOUTENIR LEUR DÉVELOPPEMENT

A. TROIS DISPOSITIFS DE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU AU TITRE DES SOUSCRIPTIONS EN NUMÉRAIRE AU CAPITAL D'ENTREPRISES AUX CARACTÉRISTIQUES PARTICULIÈRES

Pour une présentation détaillée de ces trois dispositifs, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 5 quindecies du présent projet de loi.

Le dispositif « Madelin », ou IR-PME, créé en 1994402(*) et codifié à l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts (CGI), ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu des particuliers en cas de souscription au capital de certaines petites et moyennes entreprises (PME).

Sous réserve de quelques ajustements, l'article 199 terdecies-0 AA du CGI dispose que la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 terdecies-0 A (Madelin) s'applique sous les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions aux souscriptions en numéraire au capital des entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS). L'article 199 terdecies-0 AB du CGI fait de même au profit des foncières solidaires chargées d'un service économique d'intérêt général (SIEG).

Le taux de la réduction d'impôt de droit commun s'élève à 18 %, dans la limite de versements annuels de 50 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 100 000 euros pour un couple marié ou lié par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune. Toutefois, ces dispositifs fiscaux sont soumis au plafonnement global des avantages annuels dont peut bénéficier un contribuable particulier. Prévu à l'article 200-0 A du CGI, ce plafond est de 10 000 euros, porté à 18 000 euros pour certains dispositifs. La fraction excédant ce plafond ouvre toutefois droit aux réductions d'impôt Madelin, ESUS et foncières solidaires les quatre années suivantes.

B. LA BONIFICATION, À QUATRE REPRISES, DU TAUX DES RÉDUCTIONS D'IMPÔT

Si le taux de l'avantage fiscal est en principe de 18 %, un taux bonifié de 25 % a été prévu pour les versements effectués en 2018403(*) au titre du dispositif « Madelin » et afin de contrebalancer la disparition de la réduction d'impôt « ISF-PME ». Ce taux bonifié, initialement applicable aux seuls versements effectués en 2018, a été prolongé à quatre reprises, année par année, faute d'avoir pu rapidement entrer en vigueur.

En effet, sa mise en place était subordonnée à la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif Madelin comme étant conforme au droit de l'Union européenne. Le dispositif n'avait en effet jamais été notifié par le Gouvernement depuis sa création en 1994, en dépit de demandes répétées en ce sens de la commission des finances du Sénat. Après de longues négociations, cet accord a été conditionné par la Commission européenne à des modifications du dispositif du Madelin en lui-même, qui ont été effectuées par le législateur (cf. supra).

Deux ans et demi après le vote du renforcement temporaire de la réduction d'impôt, l'accord de la Commission européenne est finalement intervenu le 26 juin 2020404(*), permettant ainsi d'appliquer un taux bonifié pour la réduction d'impôt Madelin et pour les ESUS à compter du 10 août 2020405(*), pour les versements effectués en 2020. Une même bonification transitoire avait été prévue pour les foncières solidaires chargées d'un SIEG. Toutefois, dès lors que cette réduction d'impôt est conforme au règlement général d'exemption, la bonification n'a pas besoin de faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne pour entrer en vigueur.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, et pour compenser ces retards, qui ont conduit les contribuables à adopter des comportements attentistes et à reporter leurs investissements, le taux bonifié transitoire a été prorogé une nouvelle fois pour s'appliquer aux versements effectués jusqu'au 31 décembre 2021406(*), et ce pour les trois dispositifs de réductions d'impôt. Cette prorogation, pour le Madelin et les ESUS, restait subordonnée à une date fixée par décret ne pouvant être postérieure de plus de deux mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif comme étant conforme au droit de l'Union européenne. Cette décision est intervenue le 6 mai 2021407(*), permettant d'appliquer le taux bonifié à compter du mois du 9 mai 2021.

Dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2021408(*), une troisième prorogation a été votée, jusqu'au 31 décembre 2022, sous les mêmes conditions. La décision de la Commission européenne a été notifiée le 11 février 2022 et le décret a été pris le 16 mars 2022.

Enfin, une quatrième prorogation a été votée en loi de finances pour 2023409(*), la décision de la Commission européenne étant intervenue le 16 février 2023 pour une entrée en vigueur le 11 mars 2023410(*). Il convient d'ailleurs de noter qu'à cet égard, le changement des lignes directrices de la Commission européenne sur le financement des risques n'a pas remis en cause son appréciation, fondée jusqu'ici sur les lignes directrices 2014.

Ce quatrième prolongement avait été accompagné par la demande d'une remise de rapport du Gouvernement au Parlement sur l'efficacité de ces trois régimes fiscaux. Le contenu de cette évaluation, qui devait être remise avant le 30 septembre 2023, avait été enrichi par le Sénat, à l'initiative de la commission.

D'après le tome II de l'annexe Évaluation des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2024, le coût total des réductions d'impôt sur le revenu au titre de la souscription en numéraire au capital d'entreprises s'élèverait à 155 millions d'euros en 2024. Au regard de la réévaluation intervenue sur l'année 2022, de 17 millions d'euros, cette estimation pourrait être légèrement sous-estimée.

Évolution des réductions d'impôt « Madelin »,
ESUS et foncières solidaires entre 2019 et 2024

(en millions d'euros)

La réduction d'impôt spécifique aux foncières solidaires a été créée en loi de finances pour 2020, avec des premiers effets budgétaires en 2021.

Source : commission des finances, d'après les informations contenues dans les tomes II « Évaluation des voies et moyens » annexés aux projets de loi de finances depuis 2021

L'évolution du coût de ce dispositif pourrait inciter à penser que la bonification du taux de la réduction d'impôt commence finalement à porter ses fruits : le nombre de ménages bénéficiaires de cette dépense fiscale augmenterait de 6 000 entre 2023 et 2024 et le coût de 14 millions d'euros.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXONÉRATION TEMPORAIRE ET CIBLÉE DE DROITS DE MUTATION POUR LES DONATIONS AFFECTÉES À L'ACQUISITION, LA CONSTRUCTION OU LA RÉNOVATION D'UNE RÉSIDENCE PRINCIPALE

Les données collectées par France Invest et l'Association française de la gestion financière (AFG) confirment une stabilisation, voire une légère augmentation, des levées de fonds auprès des fonds communs de capital-investissement et des fonds d'investissement de proximité411(*). Le montant moyen de la souscription s'élève quant à lui à 6 910 euros en 2022, en hausse depuis 2018 et la disparition de l'ISF-PME.

Pourtant, les multiples prorogations du taux bonifié de la réduction d'impôt n'ont pas contribué à renforcer la confiance des investisseurs, qui ont pu retarder leurs décisions d'investissement faute d'une visibilité suffisante. Il s'agit pourtant d'un dispositif connu et reconnu pour participer au financement et au soutien des petites et moyennes entreprises.

Il convient donc, comme le propose l'amendement n° I-182 (FINC.25) adopté par la commission, de proroger de nouveau le taux bonifié de 25 %, mais cette fois-ci pour deux ans, c'est-à-dire jusqu'aux versements effectués avant le 31 décembre 2025. Par coordination, la bonification de ce taux est étendue aux ESUS et aux foncières solidaires.

De fait, d'autres éléments tendent à plaider en faveur d'un renouvellement, temporaire et ciblé, du taux de la réduction d'impôt.

Tout d'abord, les prorogations par « à coup » du taux bonifié ne sont pas de nature à inciter les contribuables à souscrire au capital des entreprises visées : ces engagements nécessitent de la visibilité et de la stabilité.

Par ailleurs, dans les éléments mis à disposition de la Commission européenne pour valider la quatrième bonification du taux de la réduction d'impôt « Madelin », les autorités françaises avaient expliqué que le besoin de fonds propres des PME avait été estimé par la Banque de France à environ 50 milliards d'euros pour rétablir des ratios de fonds propres prudents pour des entreprises saines412(*).

La France avait indiqué que les financements bancaires avaient ralenti, dans un contexte de grande incertitude économique et financière (guerre en Ukraine, effets durables de l'inflation, difficultés d'approvisionnement). Or, ces problématiques n'ont pas pu être résolues en si peu de temps, et le dispositif Madelin constitue un moyen parmi d'autres d'apporter une première réponse aux besoins des entreprises. Pour citer les éléments transmis par le Gouvernement à la Commission européenne : « une incitation fiscale forte au soutien en capital pour les PME en croissance et innovantes ainsi que pour les ESUS demeure une priorité »413(*).

Dans son rapport remis à l'été 2023 sur le financement des start-ups et des PME innovantes414(*), notre collègue député Paul Midy avait lui aussi semblé partagé cet avis puisqu'il expliquait que l'IR-PME était aujourd'hui calibré pour générer environ 500 millions d'euros à destination des très petites et des petites et moyennes entreprises, auxquels s'ajoutent le soutien direct par des investisseurs privés, à hauteur de 250 millions d'euros. Il y a donc un fléchage de capitaux vers ces PME, qui ne doit pas être remis en cause par l'ouverture en parallèle du dispositif des JEI.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que la commission a adopté le présent amendement. Elle souligne également que le prolongement du taux bonifié de l'IR-PME jusqu'au 31 décembre 2025 pourrait permettre au Parlement d'enfin disposer d`éléments d'évaluation, alors que le rapport demandé au Parlement devait également inclure des propositions alternatives de soutien au financement des PME.

Enfin, et contrairement aux dispositions adoptées ces quatre dernières années, l'amendement de la commission ne prévoit pas de notification de la bonification du taux de réduction d'impôt sur le revenu Madelin à la Commission européenne. Ce dispositif entre en effet, depuis le mois de juin 2023415(*), dans les exemptions prévues au règlement n° 651/2014416(*). Une notification à la Commission européenne n'est donc pas nécessaire.

D'une part, la Commission européenne a rappelé dans ses lignes directrices sur le financement des risques417(*) qu'elle estimait qu'un plafonnement de l'allègement de l'impôt à 30 % du montant investi était raisonnable. D'autre part, l'article 21 bis dispose que les aides au financement des risques en faveur des PME sous forme d'incitations fiscales destinées à des investisseurs privés qui sont des personnes physiques sont compatibles avec les règles européennes en matière d'aides d'État et sont exemptées de l'obligation de notification, sous réserve que les PME respectent les critères fixés à l'article 21 du règlement général d'exemption par catégorie n° 651/2014. Les critères retenus au sein de cet article étant les mêmes que ceux utilisés pour vérifier l'éligibilité des PME au Madelin, ces entreprises mêmes critères étant ceux utilisés pour définir l'éligibilité des PME au Madelin, il peut en être conclu que ce dispositif relève désormais d'une catégorie exemptée, tant que le taux de la réduction d'impôt respecte le plafond de 30 %.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 5 sexdecies (nouveau)

Renforcement du crédit d'impôt au titre des dépenses engagées afin d'assurer le remplacement temporaire des exploitants agricoles

Le présent article prévoit d'élargir les conditions et d'améliorer les taux du crédit d'impôt accordé aux exploitants agricoles afin d'assurer leur remplacement par un tiers.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN REMPLACEMENT PONCTUEL DES EXPLOITANTS AGRICOLES PARTICULIÈREMENT DIFFICILE À ACTIVER POUR LES INTÉRESSÉS

Conformément à l'article 200 undecies du code général des impôts, les exploitants agricoles418(*) dont la présence quotidienne est nécessaire sur l'exploitation, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses engagées afin d'assurer leur remplacement par un tiers durant une période de congés de quatorze jours maximum. Cette disposition demeure provisoire puisqu'elle concerne les remplacements pour congé pris entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2024

Le taux de ce crédit d'impôt qui est de 50 %, a été porté419(*), depuis le 1er janvier 2022, à 60 % lorsqu'il s'agit d'assurer un remplacement pour congés en raison d'une maladie ou d'un accident du travail. Il est accordé au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été engagées.

Pour le calcul du crédit d'impôt, le coût d'une journée de remplacement est plafonné à quarante-deux fois le taux horaire du minimum salarial garanti à l'article L. 3231-12 du code du travail. Ce dernier article précise que le taux en question peut être porté, par voie réglementaire, à un niveau supérieur420(*). Il ne s'agit pas du salaire minimum, au sens du SMIC, mais bien d'un minimum garanti dans certains cas de figure.

Le crédit d'impôt est accordé, sous les mêmes conditions et à proportion des droits qu'ils détiennent, aux associés personnes physiques non-salariés de sociétés ou de groupements, au sein desquels ils exercent effectivement et régulièrement une activité agricole qui requiert leur présence sur l'exploitation chaque jour de l'année et sous réserve que leur remplacement ne soit pas assuré par une personne ayant la qualité d'associé de la société ou du groupement.

Son bénéfice est subordonné à la condition que l'activité exercée requière la présence du contribuable sur l'exploitation chaque jour de l'année et que son remplacement ne fasse pas l'objet d'une prise en charge au titre d'une autre législation. Concrètement, cette condition recouvre toutes les situations d'élevage animal mais aussi d'autres activités requérant par exemple une surveillance continue de l'irrigation.

Le cas particulier des groupements agricole d'exploitation en commun est prévu par la possibilité de multiplier le plafond du crédit d'impôt par le nombre d'associés que compte le groupement, dans la limite de quatre.

Enfin, le IV de l'article 200 undecies précité conditionne le droit de bénéficier de ce crédit d'impôt au respect du règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l'agriculture, c'est-à-dire au respect, au niveau national et de chaque entreprise unique, du plafond sur les aides versées en dehors du dispositif de contrôle des aides d'État.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Afin de favoriser l'accompagnement des exploitants, l'article 5 sexdecies propose de renforcer ce crédit d'impôt, en modifiant le premier alinéa du II de l'article 200 undecies du CGI en portant, à compter du 1er janvier 2024 :

- le nombre de jours de remplacement à dix-sept jours par an contre quatorze actuellement ;

- le taux de droit commun à 60 % ;

- le taux majoré à 80 %, lequel concernerait outre les remplacements résultant d'une maladie ou d'un accident du travail, ceux liés à la formation continue des agriculteurs.

Cet article est issu d'un amendement du Gouvernement, reprenant sur le fond l'essentiel d'un amendement déposé par M. Stéphane Travert et plusieurs de ses collègues, maintenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sur responsabilité sur le fondement du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution et désormais considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'ADOPTION DE L'ARTICLE 5 SEXDECIES SANS MODIFICATION

Bien que l'amendement gouvernemental ne comprenne aucune évaluation de l'impact, ni sur les finances publiques, ni sur les effets escomptés sur le secteur agricole, contournant une fois de plus l'obligation d'assortir ses initiatives législatives du dépôt d'une étude d'impact, la commission des finances, constatant que le Gouvernement partage enfin le souhait exprimé à plusieurs reprises par le Sénat de revaloriser les conditions de travail des exploitants agricoles, est favorable à l'adoption sans modification de l'article 5 sexdecies.

Globalement, cet article reprend les principes posés lors de l'adoption par le Sénat, le 23 mai 2023, de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France421(*). Dans la version de cette proposition de loi, transmise à l'Assemblée nationale et en attente d'inscription à l'ordre du jour, le Sénat proposait de porter le taux de droit commun à 66 %, contre 60 % en l'espèce, le taux majoré à 70 %, contre 80 % en l'espèce et de supprimer le caractère provisoire du dispositif.

Tout en approuvant l'orientation qui semble enfin prise, et en s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles ces taux diffèrent légèrement des précédentes propositions sénatoriales, le rapporteur général constate que ce dispositif restera vain faute de réunir enfin des conditions effectives de remplacement : parallèlement au nombre d'exploitants agricoles qui diminue, le nombre de remplaçants nomades ne permet pas d'assurer les remplacements escomptés. De surcroit, l'attachement viscéral de la plupart des exploitants à leurs installations suppose un lien de confiance et donc un suivi régulier par le même remplaçant, ce qui là aussi n'est possible qu'à la condition de favoriser économiquement le rattachement à un même département de salariés agricoles mobiles sur plusieurs exploitations ou de remplaçants. Or, aujourd'hui, ces conditions ne sont pas remplies et, dans les faits, les exploitants renoncent à utiliser les droits ouverts : le rapporteur général considère que les exploitants agricoles méritent de pouvoir prétendre à quelques jours d'absence annuels effectifs.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 septdecies (nouveau)

Droit à déduction de TVA pour les véhicules de transport de chevaux

Le présent article prévoit d'ouvrir le droit à déduction de la TVA pour les véhicules utilisés aux fins du transport de chevaux, ce à quoi la commission n'est pas défavorable sur le principe. Toutefois, ce dispositif ne s'impute pas correctement dans le droit existant.

La commission des finances propose en conséquence de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LES VÉHICULES CONÇUS POUR TRANSPORTER DES PERSONNES OU POUR UN USAGE MIXTE SONT EXCLUS DU DROIT À LA DÉDUCTION DE LA TVA

A. POUR ASSURER LA NEUTRALITÉ DE LA TVA, LE DROIT À DÉDUCTION NE DOIT ÊTRE OUVERT QU'AUX DÉPENSES AFFECTÉES À LA RÉALISATION D'OPÉRATION ELLES-MÊMES SOUMISES À LA TVA

1. Le droit à déduction, caractéristique fondamentale de la TVA

« Le mécanisme fondamental sur lequel repose la TVA et qui assure sa neutralité, comme le relève le professeur Martin Collet, est celui qui permet à l'assujetti de déduire du montant de la TVA qu'il collecte en aval auprès de ses clients, le montant de TVA qu'il a lui-même dû acquitter, en amont, pour acquérir les différents éléments nécessaires à son activité. »422(*) Ce mécanisme permet de faire peser sur le seul consommateur final la charge réelle de l'impôt.

Une distinction fondamentale est dès lors opérée entre, d'une part, les opérations entre deux assujettis - c'est-à-dire deux entreprises - dites aussi « business to business » ou « BtoB », et d'autre part les opérations réalisées entre un assujetti et un non-assujetti - c'est-à-dire entre une entreprise et un consommateur - dites aussi « business to consumer » ou « BtoC ». Si les premières donnent droit à la déduction de la TVA amont par l'assujetti situé en aval, ce n'est pas le cas de secondes, dans lesquelles le consommateur, qui ne réalise pas d'opération imposable, ne peut déduire la TVA qui a grevé son achat.

En d'autres termes, les biens et services qui peuvent donner droit à la déduction de la TVA sont ceux qui sont acquis en vue de la réalisation d'opérations économiques, elles-mêmes assujetties à la TVA.

2. Les modalités de calcul de la déduction font intervenir plusieurs coefficients

De ce principe découle la règle selon laquelle le droit à déduction n'est ouvert qu'aux opérations réalisées pour les besoins d'une opération économique réalisées à titre onéreux, et donc imposable à la TVA, ouvrant droit à déduction - sous réserve que ces dépenses ne fassent pas l'objet d'une utilisation privative supérieure à 90 % de leur utilisation totale. Pour la détermination des sommes qui seront éligibles à déduction, l'administration fiscale utilise trois types de coefficients de déduction, énumérés à l'article 206 de l'annexe II du code général des impôts :

le coefficient d'assujettissement (II de l'article 206 de l'annexe II), qui est égal, pour chaque bien et service, à la proportion d'affectation de ce bien ou service à des opérations imposables ;

le coefficient de taxation (III de l'article 206 de l'annexe II), qui traduit le principe selon lequel au sein des opérations imposables, seule peut être déduite la taxe grevant des biens ou services utilisés affectés à des opérations ouvrant droit à déduction ;

le coefficient d'admission (IV de l'article 206 de l'annexe II), qui dépend uniquement de la règlementation en vigueur, et qui traduit l'existence de dispositifs particuliers visant à exclure de la déduction tout ou partie de la taxe afférente à certains biens et services. Un coefficient d'admission nul exprime une exclusion du droit à déduction.

Le coefficient de déduction global étant égal au produit des trois coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission, un coefficient d'admission nul, par exemple, a pour effet d'exclure entièrement une opération du droit à déduction, en application de la formule :

x * y * 0 = 0

B. LES VÉHICULES CONÇUS POUR LE TRANSPORT DE PERSONNES ET POUR UN USAGE MIXTE SONT EXCLUS DU DROIT À LA DÉDUCTION DE LA TVA

Les véhicules de transport de personnes sont exclus du droit à déduction par le 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II du code général des impôts : leur coefficient d'admission est nul. En effet, il s'agit en majorité de véhicules classés comme voitures particulières, qui ne sont pas affectées à la réalisation d'opérations imposables - c'est-à-dire qui ne sont pas affectées à un usage professionnel. Cette exclusion présente une portée très générale qui trouve sa justification dans la difficulté avérée qu'il y a de contrôler précisément la part d'utilisation privative de ces véhicules et, par conséquent, de maîtriser le risque de fraude qui en découle. À l'inverse, ne sont pas exclus les véhicules utilitaires tels que les camionnettes ou les fourgons conçus pour le transport de marchandises423(*).

Les véhicules « à usage mixte », c'est-à-dire les véhicules pouvant servir tant à des opérations économiques imposables à la TVA qu'à un usage privatif, sont, par principe et avec le souci d'éviter la fraude qui pourrait découler de l'ouverture du droit à déduction, exclus. Ainsi, l'acquisition d'un camping-car, véhicule à usage mixte, ne peut donner lieu à déduction de la TVA.

En pratique, les critères permettant d'apprécier si un véhicule a été conçu pour transport de personnes ou un usage mixte sont subtils. La jurisprudence administrative précise à ce titre « qu'il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné. »424(*)

Pour cette appréciation, le nombre de places assises que comporte le véhicule est, en pratique, un indice déterminant : si le dispositif d'exclusion ne s'applique pas aux véhicules dits « dérivés VP », qui ne comportent que deux places425(*), un véhicule doté d'une cabine approfondie, qui dispose de cinq places dont trois peuvent, au besoin, être escamotées afin d'agrandir l'espace de chargement, nonobstant sont homologation dans la catégorie des véhicule utilitaires, est un véhicule à usage mixte et est par suite exclu du droit à déduction426(*).

Or, les véhicules de transport de chevaux sont tenus par la règlementation d'accommoder la présence, au sein du convoi, d'une personne titulaire du certificat de compétences des conducteurs et des convoyeurs427(*). Les camions de chevaux équipés d'une cabine-logement répondent également aux exigences du droit du travail en vertu duquel l'employeur a l'obligation de mettre « à la disposition des travailleurs les moyens d'assurer leur propreté individuelle notamment des vestiaires, des lavabos, des cabinets d'aisance et, le cas échéant, des douches ».428(*)

En vertu des critères établis par le juge administratif, ces véhicules relèvent donc de la catégorie des véhicules à usage mixte, et sont dès lors exclus du droit à la déduction de la TVA.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'OUVERTURE DU DROIT À DÉDUCTION DE LA TVA POUR LES VÉHICULES UTILISÉS AUX FINS DU TRANSPORT DE CHEVAUX

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de Mme Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains. Il prévoit d'ajouter les véhicules « acquis par les éleveurs ou entraineurs de chevaux, et affectés au transport de chevaux » à la liste des véhicules à usage mixte dont le coefficient d'admission est égal à l'unité.

Le dispositif à l'examen a ainsi pour effet d'ouvrir le droit à déduction de la TVA pour ces véhicules.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE COHÉRENTE SUR LE FOND, INOPÉRANTE DANS LA FORME

Cette mesure semble équilibrée. Les véhicules de transports de chevaux sont en effet étroitement adaptés aux transports de ces animaux, si bien qu'il paraît en effet quelque peu baroque d'imaginer le propriétaire d'un tel véhicule l'utiliser à d'autres fins. Les éleveurs de chevaux réalisent en outre des opérations soumises à la TVA, ce qui justifie l'ouverture du droit à la déduction de la TVA dans le cadre de leur activité professionnelle.

Aucune évaluation n'a cependant été fournie par le Gouvernement sur les conséquences de cet élargissement. Au vu de la faible diffusion des véhicules visés par le présent article, les conséquences de son adoption pour le rendement de la TVA seraient vraisemblablement très limitées.

Le rapporteur général s'étonne néanmoins que le Gouvernement ait engagé sa responsabilité sur un dispositif qui méconnait si manifestement la séparation constitutionnelle entre les domaines de la loi et du règlement. Le dispositif initial visait l'article 206 du code général des impôts, dans lequel il ne s'impute pas. Il semble qu'il ait eu vocation à s'intégrer à l'article 206 de l'annexe II du code, qui correspond à sa partie réglementaire.

La commission propose en conséquence d'adopter l'amendement de suppression I-183 (FINC.26).

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 octodecies (nouveau)

Prorogation du taux réduit d'impôt sur les sociétés applicable aux plus-values de cessions visant la transformation des biens en locaux à usage d'habitation

Le présent article prévoit une prorogation de trois ans, sans modification, d'un avantage fiscal qui bénéfice aux sociétés qui cèdent un local ou un terrain dans une zone en tension à un cessionnaire qui s'engage à transformer ou à construire en logements le bien acquis dans un délai de quatre ans.

Pour assurer la cohérence de cette dépense fiscale avec l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), la commission a adopté un amendement qui recentre ce dispositif sur les locaux à usage professionnel, en excluant de son champ d'application les terrains à bâtir.

La commission des finances a également adopté un amendement prévoyant une évaluation de ce dispositif.

La commission propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UN TAUX RÉDUIT D'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS EST PRÉVU POUR LES PLUS-VALUES SUR LES VENTES DE BIENS QUE LE CESSIONNAIRE S'ENGAGE À TRANSFORMER EN HABITATIONS

A. L'AVANTAGE FISCAL EST SUBORDONNÉ AU FAIT QUE LE BIEN SOIT DANS UNE ZONE EN TENSION ET QUE LA TRANSFORMATION AIT LIEU DANS UN DÉLAI DE QUATRE ANS

L'article 210 F du code général des impôts (CGI) prévoit que les personnes morales soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d'un taux d'imposition réduit pour les plus-values nettes de cession d'un local à usage professionnel429(*) lorsque la cession est réalisée au profit d'une personne morale qui s'engage à transformer le local en habitation. La réduction d'impôt est également applicable pour la cession d'un terrain à bâtir sur lequel le cessionnaire s'engage à construire des locaux à usage d'habitation. Il est également précisé au même article du CGI que la cession ne doit pas avoir lieu entre deux personnes morales qui ont des liens de dépendance430(*).

Le cédant qui bénéficie du dispositif se voit appliquer pour les plus-values concernés un taux dérogatoire de 19 %, alors que le taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés est de 25 %.

Le code général des impôts fixe plusieurs conditions pour pouvoir bénéficier de l'avantage fiscal.

En premier lieu, les locaux ou les terrains à bâtir concernés doivent se situer dans une zone géographique caractérisée par un déséquilibre particulièrement important entre l'offre et la demande de logements431(*). Cette condition est justifiée par la finalité du dispositif qui est d'encourager la construction de logements dans les zones en tension.

En second lieu, le cessionnaire doit s'engager à réaliser la transformation ou la construction des locaux à usage d'habitation dans les quatre ans qui suivent la date de clôture de l'exercice au cours duquel l'acquisition est intervenue.

Le dispositif prévoit un mécanisme de sanction en cas de non-respect de l'engagement de transformation ou de construction par le cessionnaire, en prévoyant l'application d'une amende égale au montant de l'économie d'impôt associée au bénéfice de l'avantage fiscal432(*).

B. LE DISPOSITIF EST ENTRÉ EN VIGUEUR EN 2012 ET A ÉTÉ PLUSIEURS FOIS PROROGÉ DEPUIS

Cet avantage fiscal a été créé par la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011433(*) qui prévoyait sont application du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Il a ensuite été prorogé et aménagé par la loi de finances initiale pour 2015434(*), la loi de finances initiale pour 2018435(*), la loi de finances initiales pour 2021436(*) et en dernier lieu la loi de finances initiales pour 2022437(*).

Le dispositif est actuellement applicable aux cessions à titre onéreux réalisées entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2023, ainsi qu'aux promesses unilatérales ou synallagmatiques de vente conclues entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2023 inclus, à condition que la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre 2024.

Dans le tome II de l'évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2024438(*), il est indiqué que cette dépense fiscale avait bénéficié en 2022 à 36 entreprises pour un coût total de 12 millions d'euros. Le coût serait stable en 2023 et 2024.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION DE TROIS ANS DU DISPOSITIF SANS MODIFICATION

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, reprend un amendement du député Mathieu Lefèvre.

Cet article prévoit de proroger, sans le modifier, l'avantage fiscal associé au dispositif en le rendant applicable aux cessions à titre onéreux réalisées jusqu'au 31 décembre 2026 ainsi qu'aux cessions à titre onéreux réalisées après cette date lorsqu'une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente a été conclue au plus tard le 31 décembre 2026 et que la cession a été réalisée au plus tard deux ans après la date de la promesse.

L'article prévoit de surcroît de codifier les dispositions relatives au champ temporel d'application du dispositif, pour renforcer sa lisibilité. Il procède par conséquent aux modifications de coordinations afférentes.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SI LA PROROGATION DU DISPOSITIF EST OPPORTUNE, IL EÛT ÉTÉ PRÉFÉRABLE QU'ELLE FÛT PRÉCÉDÉE D'UNE ÉVALUATION

Le rapporteur général estime que la prorogation dans le temps du dispositif est souhaitable au regard de son objectif, qui est de soutenir l'offre de logement dans les zones en tension.

Toutefois, le rapporteur général relève en premier lieu qu'une partie du dispositif soutient la construction de nouveaux logements sur des terrains à bâtir. Cette dépense fiscale finance de facto l'artificialisation des sols, en contradiction manifeste avec la stratégie actuelle du Gouvernement poursuivant un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Par surcroît, lors de sa création par la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011439(*), le dispositif ne concernait que les locaux à usage professionnel. L'extension aux terrains à bâtir a été opérée à l'initiative du Gouvernement par l'article 25 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018440(*).

Au titre de l'exigence de cohérence de notre droit fiscal avec nos objectifs de transition environnementale, et en particulier avec l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN), le rapporteur général estime que ce dispositif devrait être recentré sur son format initial, qui ne concernait que les locaux à usage professionnel, à l'exclusion des terrains à bâtir.

Par conséquent, la commission propose d'adopter un amendement n°I-184 (FINC.27) qui a pour objet d'exclure les terrains à bâtir du dispositif de dépense fiscale.

En second lieu, le rapporteur général relève qu'il est regrettable que cette prorogation n'ait pas été précédée d'un exercice d'évaluation de cette dépense fiscale par le Gouvernement, qui est en mesure d'estimer le coût du dispositif mais ne précise pas les effets mesurés du dispositif. Si la dépense fiscale était jugée comme ne permettant pas d'atteindre son objectif, sa prorogation ne serait pas opportune.

Par suite, la commission propose d'adopter un amendement n°I-185 (FINC.28) ayant pour objet de prévoir une évaluation du dispositif au plus tard le 1er octobre 2026, de manière à éclairer le Parlement lors d'éventuelles modifications ou prorogations à venir de ce dispositif.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 novodecies (nouveau)

Mise en conformité concernant la quote-part de frais
et charges du régime mère-fille

Le présent article prévoit de supprimer la disposition conduisant à écarter du bénéfice du taux de 1 % de quote-part pour frais et charges sur les produits des participations perçues depuis des filiales détenues dans d'autre États membres441(*) les sociétés mères qui auraient fait le choix de ne pas mettre un place en France un groupe fiscal intégré.

Cette disposition permet de mettre en conformité le droit français avec le droit de l'Union européenne, tel qu'il résulte de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 11 mai 2023 (affaires jointes C- 407/22, Manitou BF SA, et C 408/22, Bricolage Investissement France SA).

Le présent article rétablit par ailleurs le délai d'un exercice pour bénéficier du régime mère filiale, tel qu'il existait avant la réforme de l'intégration fiscale de 2015.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE RÉGIME DE L'INTÉGRATION FISCALE A FAIT L'OBJET DE DEUX RÉFORMES, EN 2015 ET EN 2019, DÉJÀ MOTIVÉES PAR LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE

A. LA QUOTE-PART POUR FRAIS ET CHARGE S'APPLIQUE AU RÉGIME D'INTÉGRATION FISCALE DEPUIS LE 1ER JANVIER 2016

Créé par la loi de finances pour 1988442(*), le régime de l'intégration fiscale est prévu par les articles 223 A à 223 U du code général des impôts. Il vise à rétablir la neutralité fiscale du choix entre succursale et filiale en permettant de déroger au principe de la personnalité de l'impôt selon lequel chaque personne morale est imposée séparément. Ainsi, sur option, la société mère - dite société intégrante - peut décider de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû par elle et par les filiales, dès lors qu'elle détient directement ou indirectement au moins 95 % du capital des filiales faisant partie du périmètre d'intégration.

Ce régime permet donc de mutualiser et de compenser, au sein du groupe, les gains et les pertes des différentes entités membres du groupe. Il se traduit par deux effets principaux :

les déficits des sociétés peuvent être immédiatement imputés sur les bénéfices des autres sociétés, sans avoir à attendre le report des déficits sur un exercice ultérieur bénéficiaire, ce qui confère au groupe un avantage a minima de trésorerie ;

les opérations intra-groupes sont neutralisées afin d'éliminer les doubles impositions et les doubles déductions qu'elles pourraient entraîner.

Jusqu'au 1er janvier 2016, le régime d'intégration fiscale ne donnait pas lieu au prélèvement d'une quote-part pour frais et charges, applicable au régime des sociétés mères.

La quote-part pour frais et charges

En application des dispositions de l'article 205 du code général des impôts (CGI), l'impôt sur les sociétés est établi sur l'ensemble des bénéfices de toute nature réalisés par chaque société.

Afin d'éviter la double imposition qui résulterait d'une stricte application de cette règle aux produits des participations, lesquels ont déjà supporté l'impôt sur les sociétés lors de leur réalisation par des sociétés filiales, l'article 216 du CGI prévoit que les produits de participations ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères, prévu à l'article 145 du CGI ne sont pas pris en compte dans le résultat imposable de la société qui perçoit ces produits, à l'exception d'une quote-part de frais et charges.

Source : bulletin officiel des finances publiques - BOI-IS-BASE- 10-10-10-10

La loi de finances rectificative pour 2015443(*), tirant les conséquences de l'arrêt Steria de la CJUE du 2 septembre 2015444(*), a étendu la quote-part pour frais et charge, à un taux réduit de 1 %, pour les groupes fiscalement intégrés. La CJUE a en effet considéré comme contraire à la liberté d'établissement une législation « en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée [...] pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option ».

En effet, jusqu'à cette décision, les dividendes tirés de la participation au sein d'une société membre du même groupe fiscalement intégré étaient totalement exonérés : la quote-part était intégralement neutralisée dans la détermination du résultat d'ensemble.

Ainsi, la loi de finances rectificative pour 2015 a fixé la quote-part pour frais et charge à :

5 % des dividendes perçus pour le droit commun ;

1 % pour les dividendes résultant de la participation d'une société membre d'un groupe fiscal intégré dans une société membre du même groupe ou dans une société établie dans l'Union européenne ou dans l'Espace économique européen, sous réserve que cette société soit soumise à un impôt équivalent à l'IS et que, si elle est avait été établie en France, elle remplisse les conditions pour être membre du groupe fiscalement intégré.

B. UNE NOUVELLE RÉFORME EST INTERVENUE EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2019

L'article 32 de la loi du 28 décembre 2018 de finances initiale pour 2019445(*) a prévu une troisième hypothèse permettant l'application du taux réduit de 1 %, concernant les dividendes répondant aux deux critères suivants :

- ils sont perçus par une société française non membre d'un groupe fiscalement intégré mais qui remplit les conditions exigées, dès lors que la non appartenance ne résulte pas de l'absence d'option ou d'accord prévus pour appartenir à un tel groupe ;

- ils proviennent d'une société établie dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un État partie à l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales qui, si elle était établie en France, remplirait les conditions pour être membre de ce groupe.

L'objectif visé était de traiter de manière identique les situations comparables, sans que la non-appartenance à un groupe fiscalement intégré n'y fasse obstacle. Seules les sociétés qui, juridiquement, ne peuvent appartenir à un groupe fiscalement intégré alors qu'elles en remplissent les conditions sont concernées par cette extension.

Ainsi, le dispositif prévoit que le taux de 1 % que ne s'applique pas lorsque la première société n'est pas membre d'un groupe uniquement du fait de l'absence des options et des accords à formuler pour appartenir à un groupe fiscal intégré. Ainsi, « une filiale européenne ne [peut] être regardée comme intégrable que si la mère française [n'a] pas renoncé, en France, au régime de l'intégration fiscale ».446(*)

D'après le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Joël Giraud, « cette exclusion des sociétés françaises non membres d'un tel groupe mais qui remplissent les conditions prévues et qui ont, par leurs choix, refusé d'en faire partie, est logique : il serait pour le moins étonnant d'étendre à ces sociétés le bénéfice de l'avantage résultant du taux réduit alors qu'elles ont manifesté leur refus de relever du régime ouvrant droit à cet avantage ».447(*)

Néanmoins, cette analyse est inexacte, comme le démontre un article récent de la revue de fiscalité internationale448(*) : « une société mère intégrante a la possibilité de définir librement le périmètre d'intégration et donc de n'intégrer qu'une partie seulement de ses filiales françaises éligibles. L'octroi de l'avantage lié à l'application du taux réduit de 1 % n'est pas subordonné à l'intégration de la totalité des filiales françaises intégrables. Imposer à une société détenant une filiale intégrable européenne d'intégrer au moins une filiale intégrable française pour bénéficier de cet avantage au titre des distributions intraeuropéennes ajoute une condition supplémentaire, qui est de nature à rendre moins attrayant le fait d'implanter une filiale dans un autre État membre, dans des situations qui ont déjà été jugées comparables ». Une telle distinction est contraire à la liberté d'établissement.

C'est en ce sens qu'a tranché la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 11 mai 2023 (affaires jointes C- 407/22, Manitou BF SA, et C-408/22, Bricolage Investissement France SA). La CJUE « a jugé contraire à la liberté d'établissement l'impossibilité, pour une société qui n'a pas opté pour former un groupe fiscal avec les sociétés françaises qui en remplissent les conditions, de neutraliser la quote-part de frais et charges du régime mère-fille demeurant comprise dans son résultat et se rapportant aux dividendes exonérés en application de ce régime et perçus d'une filiale établie dans un autre État membre de l'UE avec laquelle elle remplirait les conditions pour être intégrée fiscalement si cette filiale était établie en France ».449(*)

Affaires jointes C- 407/22, Manitou BF SA,
et C 408/22, Bricolage Investissement France SA

Si la décision concerne le régime antérieur à la réforme de 2015, elle traite directement la question du choix de la société mère de se constituer ou non en groupe fiscal intégré et de ses conséquences sur la détermination la quote-part pour frais et charges (neutralisée avant le 1er janvier 2016, de 1 % depuis) :

« Il s'ensuit que, tandis qu'une société mère résidente détenant des filiales situées en France a toujours la possibilité de bénéficier de l'avantage fiscal que constitue la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges en exerçant cette option dans un périmètre librement choisi par celle-ci, une société mère résidente détenant des filiales situées dans d'autres États membres n'a pas la possibilité d'en bénéficier, excepté si elle faisait préalablement partie d'un groupe fiscal intégré en France avec des sociétés résidentes.

Une telle différence de traitement conduit à exclure du bénéfice d'un avantage fiscal tel que cette neutralisation une société mère qui détient une filiale établie dans un autre État membre et qui ne fait pas partie d'un groupe fiscal intégré, et est de nature à rendre moins attrayant l'exercice par cette société mère de sa liberté d'établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d'autres États membres (voir, en ce sens, arrêt Groupe Steria, point 20). 

[...]

Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l'article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle :

- une société mère résidente ayant opté pour une intégration fiscale avec des sociétés résidentes peut bénéficier de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle de ses filiales situées dans d'autres États membres qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option,

- alors qu'une telle neutralisation est refusée à une société mère résidente n'ayant pas opté pour une telle intégration fiscale malgré l'existence de liens capitalistiques avec d'autres sociétés résidentes le permettant. »

Source : Cour de Justice de l'Union européenne

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'EXTENSION DU TAUX DE 1 % DE LA QUOTE PART POUR FRAIS ET CHARGES À L'ENSEMBLE DES PRODUITS NETS DE PARTICIPATIONS ISSUS DE FILIALES SITUÉES HORS DE FRANCE QUI AURAIENT REMPLI LES CONDITIONS POUR CONSTITUER UN GROUPE

Le a du 1 du présent article ajoute au 1° du I de l'article 216 du code général des impôts comme condition pour bénéficier du taux de 1 % de la quote-part pour frais et charges le fait, pour les groupes fiscaux intégrés, d'être constitués depuis au moins un exercice.

Les b et c du 1 modifient les 2° et 3° du I de l'article 216 du CGI pour prévoir que le taux de 1 % de la quote-part pour frais et charges s'applique aux produits des participations perçus par une société redevable dans un autre État membre450(*) sous réserve que les deux sociétés eussent remplis les conditions de l'intégration fiscale, si la seconde société était établie en France.

Ainsi, est supprimée la disposition conduisant à écarter du bénéfice du taux de 1 % de quote-part pour frais et charges sur les produits des participations perçues depuis d'autre États membres les sociétés mères qui auraient fait le choix de ne pas mettre un place en France un groupe fiscal intégré.

Enfin, le 2° procède aux modifications correspondantes à l'article 223 B du CGI pour prévoir que, pour la détermination du résultat d'ensemble du groupe, les conditions pour constituer un groupe doivent être remplies depuis plus d'un exercice, et pour supprimer la phrase suivant laquelle le bénéfice net pris en compte à hauteur de 99 % « ne s'applique pas lorsque la première société n'est pas membre d'un groupe uniquement du fait de l'absence des options et des accords à formuler en application du I et du premier alinéa du III de l'article 223 A et du I de l'article 223 A bis ».

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES ÉVOLUTIONS QUI TIRENT UTILEMENT LES CONSÉQUENCES DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE

A. LA MISE EN COHÉRENCE DU DROIT FRANÇAIS

Le régime ouvrant droit au taux de 1 % de la quote-part pour frais et charges, tel qu'il résulte de la loi de finances initiale pour 2019, conduit à contraindre les sociétés mères qui souhaitent en bénéficier, à mettre en place un régime d'intégration avec au moins une filiale française. Dès lors qu'elles n'ont pas intégré de filiale française, elles sont considérées comme exclues du dispositif « du fait de l'absence des options et des accords à formuler en application du I et du premier alinéa du III de l'article 223 A et du I de l'article 223 A bis ».

La CJUE ayant considéré cette disposition contraire à la liberté d'établissement garantie par le droit de l'Union européenne, il est donc pleinement légitime que le Gouvernement adapte le régime français.

La réintroduction d'un délai d'un exercice pour bénéficier du régime, qui était applicable avant le 1er janvier 2016, ne soulève pas de difficulté particulière.

B. L'ABSENCE DE DISCRIMINATION À REBOURS

On pourrait considérer que le maintien de la condition, pour les entreprises françaises, de mettre en place un groupe fiscalement intégré, alors que cette même que cette condition disparaît pour les sociétés mères bénéficiant des produits financiers de filiales situées dans des États tiers risque de constituer une discrimination à rebours pour les entreprises françaises. En effet, dans sa décision QPC Société Metro Holding du 3 février 2016451(*), le Conseil constitutionnel a estimé que l'application du droit de l'Union européenne conduisait à un traitement moins favorable des situations purement internes en comparaison des situations intra-communautaires.

Néanmoins, comme relevé dans le commentaire de la décision du 3 avril 2020, M. Marc S. et autre452(*), « les décisions de validation [du Conseil sur ce type de discriminations] reposent toutes sur le constat que « l'européanisation » de l'objet initial de la loi ne l'a pas dénaturé et que, ce faisant, la différence de traitement instaurée se trouve justifiée, au regard de ce nouvel objet « européanisé », par une différence de situation fondée sur le caractère européen ou non des sujets de droit en cause ».

Ce raisonnement avait déjà été soutenu dans la décision Société Life Sciences Holdings France453(*), qui porte précisément sur les évolutions introduites en 2015 après la décision Steria de la CJUE sur la quote-part pour frais et charges. Il a ainsi relevé que l'objet des dispositions contestées était « de définir l'un des avantages attachés à l'intégration fiscale afin de garantir aux groupes se plaçant sous ce régime, qui ne concerne que des sociétés mères et filiales françaises, un traitement fiscal équivalent à celui d'une unique société dotée de plusieurs établissements ».

Ainsi, analysant les évolutions introduites en 2015, le juge constitutionnel considère qu'il « ne résulte pas de la modification de leur portée une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi ».454(*)

Un raisonnement analogue pourrait être appliqué au présent article, et c'est notamment l'analyse faite dans la revue de fiscalité internationale par Mme Salomé Zanna, : « il est [...] très peu probable que la différence de traitement entre les dividendes versés par des sociétés européennes à une société mère française intégrable non membre d'un groupe fiscal intégré et ceux versés par des sociétés françaises intégrables mais non intégrées à cette même société mère soit jugée contraire au principe d'égalité devant l'impôt ».455(*)

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 5 vicies (nouveau)

Création d'une taxe sur les services de streaming musical

Le présent article (amendement n° I-186) prévoit la création d'une taxe acquittée par les plateformes de diffusion de musique et affectée au Centre national de la musique (CNM). Le taux marginal de cette taxe, dont le rendement attendu est de 15 millions d'euros, serait assis sur le chiffre d'affaires des plateformes numériques de musique payantes d'une part et sur les revenus de la publicité de ces plateformes ainsi que des plateformes gratuites d'autre part.

Alors que le Centre national de la musique ne dispose pas des ressources suffisantes pour remplir ses missions pour le secteur musical, le Gouvernement a pour l'heure échoué à proposer une solution. La taxation de la musique enregistrée constitue une mesure d'équité face au secteur du spectacle vivant, lequel finance actuellement le CNM par le biais de la taxe sur les spectacles.

La commission des finances propose d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : UN FINANCEMENT DU CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE QUI REPOSE ESSENTIELLEMENT SUR LA TAXE SUR LES SPECTACLES

A. 2023, PREMIÈRE ANNÉE DE FONCTIONNEMENT NORMAL DU CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE DEPUIS SA CRÉATION EN 2020

Créé en 2019 par la loi du 30 octobre 2019456(*) et mis en place le 1er janvier 2020, le Centre national de la musique (CNM) est un établissement public à caractère industriel et commercial.

Le CNM résulte de de la fusion de plusieurs structures :

- le centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) ;

- le club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ;

- le centre d'informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) ;

- le fonds pour la création musicale ;

- le bureau export de la musique.

Il est chargé de quatre missions principales : l'observation de la filière musicale ; l'information, la formation, le conseil et l'accompagnement des professionnels ; le soutien économique aux acteurs et le développement international du secteur musical français. L'article 1 de la loi du 30 octobre 2019 précitée précise que ces missions s'exercent « dans le cadre d'un processus permanent de concertation avec l'ensemble du secteur, dans le domaine de la musique et des variétés », que celle-ci soit sous forme d'enregistrement ou de spectacle vivant.

Le détail des missions du CNM :

L'article 1 de la loi du 30 novembre 2019 fixe les missions suivantes au CNM :

1° Soutenir l'ensemble du secteur professionnel, dans toutes ses pratiques et dans toutes ses composantes, et en garantir la diversité, dans le respect de l'égale dignité des répertoires et des droits culturels énoncés par la convention de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005 ;

2° Soutenir l'écriture, la composition, l'interprétation, la production, l'édition, la promotion, la distribution et la diffusion de la musique et des variétés sous toutes leurs formes et auprès de tous les publics, aux niveaux national et territorial, en complémentarité des dispositifs directement déployés par le ministère chargé de la culture ;

3° Favoriser le développement international du secteur de la musique et des variétés, en accompagnant et en soutenant l'exportation des productions françaises, le rayonnement des oeuvres et la mobilité des artistes ;

4° Favoriser un égal accès des femmes et des hommes aux professions musicales ;

5° Favoriser la contribution du secteur de la musique et des variétés à la politique de l'État en matière de protection de l'environnement et de développement durable ;

6° Gérer un observatoire de l'économie et des données de l'ensemble du secteur et, à ce titre, recueillir toutes informations utiles, notamment commerciales et financières, et diffuser une information économique et statistique, dans le respect des législations relatives à la protection des données à caractère personnel et au secret des affaires ;

7° Assurer une fonction d'information pédagogique, d'orientation et d'expertise sur le secteur ;

8° Assurer un service de formation professionnelle à destination des entrepreneurs ou des porteurs de projets du secteur ainsi qu'une fonction d'ingénierie en formation professionnelle s'appuyant sur une activité de prospective, d'innovation et de développement des compétences ;

9° Assurer une veille des technologies et des usages et soutenir l'innovation en accompagnant le secteur dans ses transformations ;

10° Valoriser le patrimoine musical ;

11° Participer au développement de l'éducation artistique et culturelle dans son champ de compétences, en complément du rôle joué par l'État et les collectivités territoriales en la matière.

Source : loi précitée du 30 novembre 2019

L'article 4 de la loi créant le CNM précitée dispose que celui-ci bénéficie de deux sources de financement principales :

- le produit de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés457(*) ;

- l'ancienne dotation budgétaire accordée au CNV, à laquelle s'ajoutent les crédits budgétaires initialement dédiés à l'IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM), au club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ou au Bureau export de la musique.

Les organismes de gestion collective peuvent également affecter au CNM leurs contributions destinées à l'action culturelle et sociale, ainsi que le prévoit l'article 5 de cette même loi. Dans ce cas, le CNM doit utiliser ces montants pour des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et à des actions de formation des artistes.

Après une forte baisse pendant la crise sanitaire, le rendement de la taxe sur les spectacles est quasiment revenu à son niveau de 2019 (33 millions d'euros en 2022 contre 35 millions d'euros en 2019), alors que le Gouvernement n'anticipait ce retour qu'en 2025. Les estimations du ministère sont de 30 millions d'euros en 2023.

Rendement de la taxe sur les spectacles de variétés depuis 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Dès la mise en place du CNM, son budget a été significativement abondé par des crédits exceptionnels afin d'aider la filière face à la crise sanitaire, atteignant ainsi 172 millions d'euros au terme de l'année 2020, 264 millions d'euros en 2021 et 56,5 millions d'euros en 2022.

Des reports de reliquats de ces crédits exceptionnels ont permis au CNM de disposer en 2023 d'un budget d'intervention de l'ordre de 65 millions d'euros. 2024 sera donc en conséquence la première année de financement du CNM sans le bénéfice des abondements pendant la crise sanitaire.

B. UNE IMPASSE DE FINANCEMENT QUI COMPROMET L'ACTIVITÉ DU CENTRE POUR 2024

Actuellement, le schéma de financement envisagé pour le centre est constitué de :

- 30 à 35 millions d'euros de taxe sur les spectacles (dont 65 % reversés sous forme de droit de tirage, soit 23 millions d'euros) ;

- 27 millions d'euros de crédits budgétaires ;

- 6 millions d'euros des organismes de gestion de collective (OGC), correspondant strictement aux sommes que ces derniers versaient au FCM et au Bureau Export.

Ce schéma de financement n'aboutit donc qu'à un budget total d'environ 67 millions d'euros, permettant, une fois déduits les frais de fonctionnement et les aides automatiques, d'accorder entre 25 et 30 millions d'euros d'aides sélectives, ce qui représente un montant largement en-deçà des aides annuellement accordées par le CNM depuis sa création et des besoins de la filière musicale, que le CNM estime à environ 60 millions d'euros.

Il en résulte que le centre fait aujourd'hui face à une impasse de financement.

Aides sélectives accordées par le CNM en 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le CNM

Ce problème avait été identifié dès la création du CNM par le rapporteur au nom de la commission de la culture du Sénat. Dans son rapport sur la proposition de loi créant le centre458(*), celui-ci indiquait notamment que « le soutien du Gouvernement à la proposition de loi constitue un engagement moral fort. Le Gouvernement devra donc dans les prochains mois confirmer son engagement à donner un nouveau souffle à la politique musicale en octroyant au nouvel établissement les moyens de remplir sa mission », les moyens du CNM n'étant dès le départ pas dimensionnés aux besoins du secteur.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : LA CRÉATION D'UNE TAXE DUE PAR LES SERVICES DE DIFFUSION NUMÉRIQUE DE MUSIQUE ET DE VIDÉOMUSIQUE

Le présent article est issu de l'amendement n° I-186 (FINC.29) de la commission des finances.

A. LA CRÉATION D'UNE TAXE MODULÉE SELON LE CHIFFRE D'AFFAIRES DONT L'IMPACT DEVRAIT ÊTRE LIMITÉ POUR LES REDEVABLES

Le I du présent article crée un nouvel article 1609 sexdecies C au sein du code général des impôts (CGI). Celui-ci met en place une taxe sur la diffusion en ligne d'enregistrements phonographiques musicaux ou de vidéomusiques, dont le produit, aux termes du VIII du nouvel article, serait affecté au CNM.

Suivant les modalités applicables actuellement à la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV), laquelle est affectée au Centre national du cinéma, cette nouvelle taxe concernerait :

- les services d'accès à des enregistrements musicaux en ligne à titre onéreux ;

- les publicités diffusées sur ces mêmes services ainsi que sur les plateformes gratuites.

Ne sont concernés que les services fournis à des particuliers ayant leur résidence habituelle en France. En outre, sont exclues de la taxe les plateformes dont l'accès aux enregistrements phonographiques présente un caractère accessoire, ainsi que la diffusion de publicités pour des oeuvres musicales.

L'assiette de la taxe est constituée par les contreparties encaissées par les plateformes redevables de la taxe, c'est-à-dire :

les prix nets d'impôts perçus par les redevables en contrepartie de l'accès à la musique ;

les sommes versées par les annonceurs. Toutefois, pour les plateformes de diffusion de musiques à titre gratuit, les contreparties sont comptabilisées à hauteur de 33 % de leur valeur, un abattement similaire à celui qui existe actuellement pour la TSV étant prévu.

Le présent article prévoit deux couloirs de taux différents pour les services gratuits et payants.

S'agissant de la seule fourniture de musique sur les plateformes payantes, les taux varient selon la tranche du chiffre d'affaires concernée :

- 0 % pour la fraction inférieure à 20 millions d'euros ;

- 1,25 % pour la fraction comprise entre 20 millions d'euros et 400 millions d'euros ;

- enfin, un taux marginal d'1,75 % pour la fraction supérieure de chiffre d'affaires à 400 millions d'euros.

S'agissant du taux applicable aux publicités sur les plateformes, gratuites comme payantes, il est prévu, après l'abattement mentionné plus haut, un taux unique d'1,75 %.

Enfin, le VI du nouvel article prévoit un taux dérogatoire progressif au cours des premières années, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires au niveau mondial au cours de l'année précédente est inférieur à 750 millions d'euros et pour la fraction de chiffre d'affaires en France est comprise entre 20 millions d'euros et 400 millions d'euros. Pour ces entreprises, le taux s'élèverait donc à 0,5 %, et à 1 % en 2025 pour la fourniture de musique. Pour les entreprises dont le chiffre d'affaires au niveau mondial au cours de l'année précédente est inférieur à 750 millions d'euros et pour la fraction de chiffre d'affaires en France est supérieur à 400 millions d'euros, il serait de 1 % en 2024 et 1,5 % en 2025.

B .UNE PROPOSITION QUI DOIT PERMETTRE DE CORRIGER UN DÉSÉQUILIBRE POUR LE SECTEUR, FACE À L'ATTENTISME DU GOUVERNEMENT

Le 21 juin, à l'occasion de la Fête de la musique, le Président de la République a demandé à la ministre de la Culture de réunir sans délai l'ensemble des acteurs du secteur, afin de les inviter à déterminer ensemble de nouvelles sources de financement internes à la filière. Faute d'un accord au 30 septembre 2023, le Président de la République a indiqué que le Gouvernement se réserverait la possibilité de saisir le Parlement d'une contribution obligatoire des plateformes de streaming, sur le modèle de la recommandation émise par le rapport de la mission confiée au Julien Bargeton dont les conclusions ont été rendues en avril 2023459(*). La mission proposait une contribution à 1,75 % pour l'ensemble des activités musicales, pour un rendement annuel attendu d'environ 20 millions d'euros visant à la fois le streaming payant et gratuit.

Force est de constater que le Gouvernement n'a pas été en capacité de se positionner en amont du projet de loi de finances, alors que cette décision aurait largement dû être anticipée et ne doit en aucun cas constituer une surprise pour les acteurs du secteur. L'attentisme du Gouvernement sur ce point doit être relevé.

La taxation de la musique enregistrée permettrait, en tout état de cause, de corriger un déséquilibre entre les acteurs du spectacle vivant, qui contribuent directement au financement du CNM grâce à la taxe sur les recettes de billetterie, et ceux de la musique enregistrée, qui n'y contribuent qu'indirectement et faiblement, à travers les OGC. Elle a donc pour avantage de constituer une mesure d'équité, alors qu'actuellement le financement du CNM repose essentiellement sur les financements apportés par le biais de la taxe sur les spectacles par les petites salles de spectacles, dont le maillage est indispensable à nos territoires. Ce déséquilibre se traduit dans la répartition des aides sélectives, dont seulement 15 % sont fléchées vers la musique enregistrée. Cette proportion devrait être amenée à croitre du fait du rééquilibrage de la contribution.

Quant à la contribution volontaire des plateformes, s'il est vrai qu'elle constituerait une réponse, il est douteux qu'elle puisse permettre d'atteindre les montants nécessaires pour financer le CNM, et conduirait en outre celui-ci à être dépendant de la bonne volonté de celles-ci. Alors que les OGC, qui devaient contribuer à hauteur de 6 millions d'euros annuels lors de la création du CNM en 2019, n'ont finalement pas dépassé 1,5 million d'euros par an, il serait souhaitable d'en tirer les leçons et d'assurer la pérennisation de la ressource pour le centre.

La solution proposée est celle qui semble le mieux à même de satisfaire la majorité du secteur musical, sans constituer pour autant une panacée. La faiblesse de son montant (environ 15 millions d'euros attendus annuellement) devrait être absorbable par les acteurs du secteur, sans engendrer de répercutions sensibles sur le prix des abonnements. Il sera sans doute nécessaire d'ajuster le dispositif à l'issue de son déploiement, mais le modèle de la TSV, dont la mise en place n'a pas généré de difficulté spécifique, constitue un exemple encourageant.

Par ailleurs, un abondement supplémentaire du CNM par des crédits budgétaires ne peut constituer qu'une solution de facilité temporaire qui n'apporte pas de réponse satisfaisante à la problématique structurelle du manque de ressources du CNM. Cela conduirait en outre à faire peser sur le contribuable un financement qui relève de la responsabilité des entreprises du secteur.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 5 vicies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt relatif à la production phonographique (CIPP)

Le présent article prévoit de proroger de façon anticipée le crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres phonographiques (CIPP) jusqu'au 31 décembre 2027.

Le CIPP semble atteindre ses objectifs de soutien à la production francophone en ciblant les nouveaux talents. La prorogation du dispositif contribue au financement du secteur musical et devrait lui assurer davantage de visibilité.

La commission des finances propose d'adopter cet article modifié par son amendement.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT SUR LA PRODUCTION PHONOGRAPHIQUE DESTINÉ À FAVORISER L'ÉMERGENCE DE JEUNES TALENTS FRANÇAIS ET EUROPÉENS

Le crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres phonographiques (CIPP), mis en place en 2006 par la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information460(*) , figure à l'article 220 octies du code général des impôts (CGI).

Cet article dispose que les entreprises de production phonographique peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur les sociétés au titre des dépenses de production, de développement et de numérisation d'un enregistrement phonographique ou vidéographique musical. Sont concernées par ce crédit d'impôt les producteurs de phonogramme, c'est-à-dire les personnes ayant l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence de son461(*), sous réserve de l'agrément du ministre de la culture462(*). Les sociétés liées à des éditeurs de service de télévision ou de radiodiffusion sont cependant exclues du bénéfice du crédit d'impôt.

Pour bénéficier du crédit d'impôt phonographique, les sociétés doivent respecter les conditions suivantes :

être établis en France, dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;

- effectuer dans un de ces États les prestations liées à la réalisation d'un enregistrement phonographique ou vidéographique musical ainsi qu'aux opérations de postproduction.

Le crédit d'impôt, aux termes du II de l'article 220 octies du CGI, est réservé aux « nouveaux talents ». Les artistes ne doivent pas avoir dépassé 100 000 équivalents-ventes au travers de leurs deux albums précédents cumulés463(*). En outre, les oeuvres d'expression doivent être à moitié au moins en français ou dans une langue régionale française.

Ouvrent droit au crédit d'impôt les dépenses engagées pour la production, le développement, la numérisation et la post-production d'un enregistrement phonographique ou vidéographique musical, y compris les frais de personnel et les frais de répétition des titres. Le montant des dépenses éligibles dites de développement est limité à 700 000 euros par enregistrement phonographique ou vidéographique musical.

Le montant du crédit d'impôt est de 20 % du montant total des dépenses et de 40 % pour les micro, petites et moyennes entreprises. Avant le vote de l'article 21 de la loi de finances pour 2021464(*), ces taux s'élevaient respectivement à 15 % et 30 %.

Le bénéfice du crédit d'impôt s'apprécie au niveau de l'entreprise redevable de l'impôt sur les sociétés pour l'ensemble des albums qu'elle produit chaque année, dans la limite d'un plafond d'1,5 million d'euros. Ce plafond a également été rehaussé par la loi de finances pour 2021 et s'élevait auparavant à 1,1 million d'euros.

L'article 220 octies prévoit que le crédit d'impôt concerne les dépenses effectuées avant le 31 décembre 2024, après sa prorogation en loi de finances pour 2021.

Le montant global de la dépense fiscale prévu pour 2023 et 2024 est de 27 millions d'euros, en forte hausse par rapport à l'exécution 2022 (20 millions d'euros), pour 449 entreprises bénéficiaires.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION ANTICIPÉE DU CIPP

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Géraldine Bannier, ainsi que des amendements identiques de Violette Spillebout, Laurent Esquenet-Goxes, Denis Masséglia, Fabienne Colboc, Isabelle Rauch et Céline Calvez.

Il prévoit de proroger le bénéfice du crédit d'impôt pour trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 2027. Il est donc à noter que cette prorogation s'effectue de façon anticipée, le dispositif ne devant actuellement prendre fin qu'à la fin de l'année 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EVALUATION DU DISPOSITIF QUI SEMBLE CONFIRMER SON EFFICACITÉ

Plusieurs amendements visant à proroger le CIPP avaient été discutés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. Ils avaient été rejetés faute d'une évaluation suffisante sur la pertinence du crédit d'impôt. Le centre national de la musique a cependant conduit cette évaluation dans l'intervalle465(*).

Elle met en avant à l'effet de levier important du dispositif, le CIPP ayant permis la réalisation de 161 millions d'euros d'investissement sur la période 2018-2022. Cette étude conclut à l'absence d'effets d'aubaine, la majorité des entreprises ayant plus de trois années d'existence lors de la première demande d'agrément déposée au CNM. L'évaluation décrit également un effet du CIPP sur la pérennisation des emplois au sein des TPE bénéficiaires.

Depuis 2012, le montant de la dépense fiscale afférente a été multipliée par trois, du fait notamment selon l'étude d'un recours croissant des indépendants au dispositif : 95 % des bénéficiaires du CIPP sont des micro-entreprises. Entre 2018 et 2022, le CIPP a bénéficié à 706 entreprises supplémentaires.

Ventilation de la dépense fiscale au titre du CIPP

(en euros)

Source : Centre national de la musique et cabinet Technopolis

Comme indiqué plus haut, le montant global de la dépense fiscale a augmenté de près de 10 millions d'euros, soit près de 45 % entre 2019, dernière année avant la crise sanitaire, et 2023, où elle devrait atteindre 27 millions d'euros.

Le CIPP constituant également une incitation ciblée sur la production francophone, 53 % des projets soutenus par le CIPP sont d'expression francophone et 38 % de la musique instrumentale.

Le CIPP semble donc répondre à ses objectifs initiaux, à savoir favoriser le développement et le renouvellement de la production musicale française et européenne, en encourageant la production d'albums par de nouveaux talents. Entre 2018 et 2022, 75 % des artistes interprètes recensés dans les tops 10 des ventes ont bénéficié du CIPP durant leur carrière. Le dispositif permet aux albums de nouveaux talents de représenter un quart du top 200 depuis plusieurs années. En conséquence, la prorogation du CIPP doit permettre de maintenir une visibilité pour le secteur de la production musicale.

Toutefois, afin de respecter l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, il est nécessaire de limiter cette prorogation à trois ans à compter de l'entrée en vigueur du présent article, soit jusqu'à la fin de l'année 2026. Le rapporteur général a déposé un amendement I-187 (FINC.30) en ce sens.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 unvicies (nouveau)

Bornage d'une dépense fiscale relative aux jeux vidéos

Le présent article prévoit d'instaurer un bornage temporel pour le crédit d'impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo (CIJV). Ne sont plus éligibles au CIJV que les seules dépenses engagées avant le 31 décembre 2025.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE CRÉDIT D'IMPÔT EN FAVEUR DES ENTREPRISES DE JEUX VIDÉOS

L'article 220 terdecies du code général des impôts prévoit un crédit d'impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo (CIJV), créé en 2007. Peuvent en bénéficier les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés466(*). En pratique, il s'agit des studios de développement.

Est considéré comme un jeu vidéo tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d'interactions s'appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d'images animées, sonorisées ou non.

Les jeux vidéo ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt doivent répondre aux conditions suivantes :

- avoir un coût de développement supérieur ou égal à 100 000 euros ;

- être destinés à une commercialisation effective auprès du public ;

- être réalisés principalement avec le concours d'auteurs et de collaborateurs de création qui sont, soit de nationalité française, soit ressortissants d'un autre État membre de l'Union européenne, ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) ;

- et contribuer au développement de la création française et européenne en matière de jeux vidéo, ainsi qu'à sa diversité.

Pour la création d'un jeu vidéo déterminé, le crédit d'impôt calculé au titre de chaque année est égal à 30 % du montant total des dépenses suivantes, correspondant à des opérations effectuées en France, dans un autre État membre de l'UE, ou dans un autre État partie à l'accord sur l'EEE :

- les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la création du jeu vidéo. Les dotations aux amortissements des immeubles ne sont pas retenues ;

- les rémunérations versées aux auteurs ayant participé à la création du jeu vidéo ;

- les dépenses de personnel relatives aux salariés de l'entreprise affectés directement à la création du jeu vidéo et les dépenses salariales des personnels techniques et administratifs qui y concourent, ainsi que les charges sociales afférentes ;

- les autres dépenses de fonctionnement, pour leur quote-part affectée à l'activité de création du jeu vidéo. Ces dépenses comprennent les achats de matières, fournitures et matériels, les loyers des immeubles, les frais d'entretien et de réparation afférents à ces immeubles, les frais de voyage et de déplacement, les frais de documentation technique et les frais postaux et de communication électronique ;

- les dépenses exposées pour la création d'un jeu vidéo confiées à d'autres entreprises ou organismes.

Un agrément du Centre national du cinéma et de l'image animée est nécessaire. Cet agrément est délivré après sélection par un comité d'experts.

Le crédit d'impôt est plafonné pour chaque entreprise à 6 millions d'euros par exercice. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit d'impôt.

L'article 220 X du code général des impôts prévoit les conditions générales d'imputation du CIJV, de son éventuelle reprise, et de l'octroi de l'agrément.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN BORNAGE TEMPOREL DU CIJV

Le Gouvernement, dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a repris un amendement de notre collègue député Daniel Labaronne et un sous-amendement de notre collègue député Mathieu Lefèvre.

L'amendement visait à borner au 31 décembre 2025 quatre dispositifs fiscaux. Le sous-amendement a restreint la portée de l'amendement au seul bornage du CIJV.

Le présent article prévoit ainsi que le CIJV, qui n'était jusqu'ici pas borné dans le temps, s'applique aux dépenses engagées avant le 31 décembre 2025. Pour ce faire, il complète le premier alinéa du I de l'article 220 terdecies.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN BORNAGE DANS LE TEMPS CONFORME À L'OBJECTIF DE BONNE GESTION DES DÉPENSES FISCALES

Comme le précise l'amendement de notre collègue député Daniel Labaronne, le présent article répond à l'objectif de bonne gestion des dépenses fiscales. Selon l'évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2024, le CIJV a représenté une dépense fiscale de 51 millions d'euros, au bénéfice de 64 entreprises ; pour 2023 et 2024, la dépense est estimée respectivement à 37 et 60 millions d'euros.

Le bornage, qui ne remet pas en cause l'existence du CIJV, répond d'ailleurs à la logique globale de l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Ledit article renforce les obligations en matière de bornage des dépenses fiscales et précise que celles-ci ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de trois ans et à la condition d'avoir fait l'objet d'une évaluation, présentée par le Gouvernement au Parlement, des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l'efficacité et le coût de celles-ci.

Le CIJV, désormais borné dans le temps, serait de ce fait soumis à ces règles à l'avenir.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 duovicies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles

Le présent article prévoit de proroger de façon anticipée pour deux ans le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des dépenses de production exécutive d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, dit crédit d'impôt « international » (C2I).

Dans un contexte de reprise des tournages après la crise sanitaire, le montant du C2I est extrêmement dynamique et concerne un nombre croissant de tournages.

Alors que la prorogation du crédit n'est pas immédiatement nécessaire, il semble davantage pertinent d'exploiter l'année avant son renouvellement pour préparer une indispensable évolution du dispositif.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR LES oeUVRES ÉTRANGÈRES D'UN COÛT DE 120 MILLIONS D'EUROS

Le crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers, dit crédit d'impôt « international » (C2I), créé par l'article 131 de la loi de finances pour 2009467(*), est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France, qu'elles soient cinématographiques ou audiovisuelles. Il est codifé à l'article 220 quaterdecies du code général des impôts (CGI).

Ce crédit d'impôt vise les entreprises de production cinématographique et des entreprises de production audiovisuelle qui assument les fonctions d'entreprises de production exécutive. Les oeuvres éligibles au crédit d'impôt doivent être produites par des entreprises de production établies hors de France, satisfaire à certaines conditions quant à leur contenu, coût et mode de financement et enfin faire l'objet d'un agrément par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Le taux du C2I est de 30 % du montant des dépenses éligibles. Ce taux a été porté à 40 % en loi de finances pour 2020468(*) pour les oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles de fiction à forts effets visuels. Celles-ci sont définies comme celles dans lesquelles au moins 15 % des plans, soit en moyenne un plan et demi par minute, font l'objet d'un traitement numérique permettant d'ajouter des personnages, des éléments de décor ou des objets participant à l'action ou de modifier le rendu de la scène ou le point de vue de la caméra, à la condition que, au sein du budget de production de l'oeuvre, le montant total des dépenses éligibles afférentes aux travaux de traitement numérique des plans soit supérieur à deux millions d'euros.

Les dépenses ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt sont les suivantes :

- les rémunérations versées aux auteurs et aux artistes-interprètes ;

- les salaires versés aux personnels de la réalisation et de la production, ainsi que les charges sociales afférentes ;

- les dépenses liées au recours aux industries techniques et autres prestataires ;

- les dépenses de transport, de restauration et d'hébergement occasionnées par la production de l'oeuvre sur le territoire français.

Le crédit d'impôt fait l'objet d'un triple plafonnement : l'assiette des dépenses éligibles est plafonnée à 80 % du budget de production de l'oeuvre ; la somme des crédits d'impôt calculés au titre d'une même oeuvre est plafonnée à 30 millions d'euros ; les crédits d'impôt obtenus pour la production d'une même oeuvre cinématographique ou audiovisuelle ne doivent pas avoir pour effet de porter à plus de 50 % du budget de production de l'oeuvre le montant total des aides publiques accordées469(*).

Initialement appelé à s'éteindre fin 2016, le dispositif a été prorogé en 2020 par la loi de finances pour 2021470(*) jusqu'au 31 décembre 2024.

La dépense fiscale est estimée à 120 millions d'euros en 2022, soit une progression de 36 % par rapport à 2021. Les dépenses éligibles ont progressé de 153 millions d'euros par rapport à 2019, le nombre de projets agréés ayant triplé par rapport à 2015. 25 % du montant de la dépense fiscale est dédié au cinéma, le reste concernant des oeuvres audiovisuelles, notamment produites pour les plateformes de streaming.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION ANTICIPÉE DU DISPOSITIF POUR DEUX ANS

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue député Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues.

Il prolonge le bénéfice actuel du crédit d'impôt pour deux ans, soit jusqu'au 31 décembre 2026.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF PERTINENT MAIS DONT LA DYNAMIQUE NE PEUT QU'INTERROGER

A. UNE ÉVOLUTION TRÈS DYNAMIQUE DU CRÉDIT D'IMPÔT

L'effet de l'élargissement du crédit d'impôt en 2021, conjugué à la reprise des tournages après la crise sanitaire, a entraîné un accroissement massif de la dépense éligible au C2I. En 2022, les dépenses en France éligibles au crédit d'impôt international représentent 591 millions d'euros, contre 245 millions en 2019, dernière année avant la crise sanitaire. D'après le CNC, le nombre de projets agréés a été multiplié par près de 4,6 par rapport à l'avant réforme (101 projets contre 22 en 2015).

Évolution des dépenses éligibles au crédit d'impôt international

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après le CNC

En 2022, treize films de fiction étrangers bénéficiaires du C2I ont été tournés en France (contre sept en 2019, pour un total de 66 millions d'euros, en hausse de 32 millions d'euros par rapport à 2019)

La dépense fiscale progresse donc en conséquence et est estimée à 120 millions d'euros en 2022, soit une progression de 36 % par rapport à 2021.

Au-delà du seul cinéma, le C2I bénéficie en grande partie à des oeuvres destinées à la diffusion sur des plateformes de streaming, pour lesquelles le nombre d'oeuvres éligibles au crédit d'impôt a triplé en trois ans. À titre d'exemple, la série Emily In Paris diffusée sur Netflix représente à elle seule 36,3 millions d'euros de dépenses éligibles au C2I en 2022.

En 2022, 42 fictions audiovisuelles étrangères bénéficiaires du C2I ont été tournées en France, contre 25 en 2019 pour 471 millions d'euros (+348 millions d'euros par rapport à 2019).

Nombre d'oeuvres éligibles au crédit d'impôt international produites par des plateformes et montant de la dépense fiscale afférente depuis 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données transmises par le CNC

B. UN IMPACT POSITIF DU C2I SUR LA RELOCALISATION DES TOURNAGES MAIS DE NÉCESSAIRES AJUSTEMENTS

Le récent rapport de la commission des finances471(*) sur le financement public du cinéma a consacré une part de son analyse au C2I. Il conclut que ce dispositif, ainsi que celui dédié à l'audiovisuel, ont permis de réduire le phénomène de localisation des tournages hors de France - 15 % en 2019 et 10 % en 2021 contre 27 % en 2015 - et auraient permis, d'après le CNC, la création, en 2021 de 50 000 emplois. Plus du tiers des emplois créés depuis 2015 sont liés à des tournages en régions, hors Île-de-France.

L'impact est encore plus important pour les fictions étrangères (cinématographiques et audiovisuelles) éligibles au C2I : les dépenses en région ont quasiment doublé sur la période pour atteindre 302 millions d'euros (dont 191 millions d'euros pour la seule région Ile-de-France), le nombre de jours de tournage progressant de 29 %.

Ces crédits s'inscrivent dans un contexte de concurrence internationale. 40 pays ont mis en place des dispositifs dédiés à l'accueil de tournages étrangers bénéficiant d'un taux au moins équivalent à celui mis en place en France. 22 pays ont même ainsi instauré un taux plus favorable.

Taux du crédit d'impôt cinéma au sein des pays bénéficiant d'un dispositif
plus favorable que celui mis en place en France

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le CNC

Sans remettre en cause la pertinence des dispositifs mis en place en vue de soutenir l'activité en France, on ne peut écarter les risques d'effets d'aubaine qu'induisent nécessairement des mécanismes de plus en plus avantageux ces dernières années, qui bénéficient de surcroît à un nombre croissant d'acteurs depuis leur lancement. L'argument d'une forte concurrence fiscale internationale peut en outre être relativisé par d'autres atouts pour attirer des tournages, de la variété des paysages ou de la richesse des sites à la mise en place des fabriques de l'image censées créer un véritable écosystème favorable à la production et pour lesquelles la puissance publique est amenée à dégager des moyens considérables. Ainsi, le plan « France 2030 » devrait dégager environ 350 millions d'euros de subventions, notamment au travers de l'appel à projets « la grande fabrique de l'image ».

En conséquence, le rapport de la commission des finances recommandait de réviser le crédit d'impôt pour dépenses de production de films et oeuvres audiovisuelles étrangers en introduisant une modulation des taux en fonction des budgets de production et en réévaluant les plafonds de dépenses éligibles, afin d'éviter le risque d'effet d'aubaine. Ainsi, alors que la prorogation du crédit d'impôt n'est pas immédiatement nécessaire, il semble davantage pertinent d'exploiter l'année précédant son renouvellement pour préparer une nécessaire évolution du dispositif. Dans cette optique, le rapporteur général a déposé un amendement n° I-188 (FINC.31) conduisant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 tervicies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt en faveur du spectacle vivant (CISV)

Le présent article prévoit de proroger pour trois ans de façon anticipée le bénéfice du crédit d'impôt spectacles vivants musicaux ou de variétés (CISV).

Alors que le secteur du spectacle musical sort de la crise sanitaire pour atteindre des niveaux de recettes inédits, le CISV semble avoir joué son rôle de soutien du spectacle vivant français.

La commission des finances propose d'adopter cet article avec modification en limitant la prorogation jusqu'en 2026.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT SOUTENANT LE SECTEUR DU SPECTACLE MUSICAL

A. LE CRÉDIT D'IMPÔT SPECTACLE VIVANT EST DÉDIÉ AU SOUTIEN À LA PRODUCTION D'ARTISTES ÉMERGENTS

Le crédit d'impôt spectacles vivants musicaux ou de variétés (CISV), créé en loi de finances pour 2016472(*) et prévu à l' article 220 quindecies du code général des impôts (CGI) est institué en faveur des entreprises exerçant l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants473(*).

Il bénéficie aux entreprises qui supportent les frais de création, d'exploitation et de numérisation d'un spectacle vivant musical et de variété.

L' article 38 de la loi de finances rectificative pour 2020474(*) a réintégré les spectacles de variétés dans le champ d'application du CISV. Désormais, les catégories de spectacles vivants musicaux ou de variétés éligibles sont : les concerts de musiques actuelles475(*) ; les comédies musicales ; les concerts vocaux et de musique de chambre et les spectacles d'humour.

Le CISV est ainsi destiné à soutenir la production d'artistes émergents ou en développement.

Ouvrent droit au crédit d'impôt les dépenses :

- réalisées par des entreprises établies en France, dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui y effectuent les prestations liées à la réalisation d'un spectacle musical ou de variétés ;

- portant sur un spectacle dont les coûts de création sont majoritairement engagés sur le territoire français ;

comprenant quatre représentations au minimum dans au moins trois lieux différents ;

- engagées pour des spectacles assurés dans un lieu dont la jauge, définie comme l'effectif maximal du public qu'il est possible d'admettre dans ce lieu, est inférieure à un nombre de personnes défini par décret par catégorie de spectacle.

La jauge du lieu de présentation du spectacle ne peut être supérieure à476(*) :

- 2 100 personnes pour les concerts de musiques actuelles et les spectacles d'humour ;

- 4 800 personnes pour les comédies musicales ;

- 1 700 personnes pour les concerts vocaux et de musique de chambre interprétés par un effectif inférieur ou égal à 15 musiciens ou chanteurs et les spectacles lyriques ;

- 2 500 personnes pour les concerts vocaux et de musique de chambre interprétés par un effectif supérieur à 15 musiciens ou chanteurs, les concerts symphoniques.

Les dépenses éligibles au crédit d'impôt sont plafonnées à 500 000 euros par spectacle.

Le crédit d'impôt est égal à 15 % du montant des dépenses engagées. Il est porté à 30 % pour les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises. Son montant est plafonné à 750 000 euros par entreprise et par exercice.

B. UN ASSOUPLISSEMENT TEMPORAIRE DU CISV QUI DOIT PRENDRE FIN EN 2024

La crise sanitaire ayant conduit à l'annulation de la majeure partie des spectacles en 2020, le CISV a été adapté afin de soutenir davantage le secteur.

L' article 23 de la loi de finances pour 2021477(*) assouplit temporairement la condition du nombre de représentations. Cette disposition devait initialement s'appliquer pour les demandes d'agrément provisoire déposées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, pour lesquelles le minimum était abaissé à deux représentations dans au moins deux lieux différents.

L'article 50 de la loi de finances pour 2023478(*) a prolongé cette dérogation d'un an. Celle-ci s'applique ainsi aux demandes d'agrément provisoires déposées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023. Au 1er janvier 2024, les critères initialement retenus de quatre représentations dans au moins trois lieux différents seront de nouveau valables.

Le CISV en outre été prorogé de deux ans en loi de finances pour 2021, pour que celui-ci concerne les dépenses effectuées avant le 31 décembre 2024.

Le montant de la dépense fiscale est en forte hausse depuis la fin de la crise sanitaire. S'il était de 10 millions d'euros en 2021 (contre 15 millions d'euros en 2018), le coût du CISV devrait être de 17 millions d'euros en 2023, soit un niveau supérieur à celui antérieur à la crise sanitaire, bénéficiant à 392 entreprises.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION ANTICIPÉE JUSQU'EN 2027

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Géraldine Bannier, et de six amendements identiques de Laurent Esquenet-Goxes, Fabienne Colboc, Martine Froger, Céline Calvez et deux amendements de Violette Spillebout et plusieurs de nos collègues députés.

Il prévoit de proroger le bénéfice du crédit d'impôt pour trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 2027. Il est donc à noter que cette prorogation s'effectue de façon anticipée, le dispositif ne devant actuellement prendre fin qu'en 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DÉPENSE FISCALE CROISSANTE MAIS DONT LE MAINTIEN SEMBLE OPPORTUN POUR UN SECTEUR DYNAMIQUE

Le centre national de la musique (CNM) a conduit une évaluation de l'impact du CISV479(*). Celle-ci conclut une relative efficacité du CISV.

L'un des objectifs du CISV est de préserver la diversité artistique, en offrant un soutien à certains styles musicaux dont les débouchés commerciaux sont moindres. À ce titre, on ne peut que se réjouir que, selon l'étude du CNM, la part des projets de musique de chambre et de musique lyrique augmente entre 2019 et 2022, passant de 5 % en 2019 à 13 %. Cependant, les musiques actuelles représentent tout de même 68 % des spectacles soutenus.

S'agissant du profil des entreprises bénéficiaires, l'objectif de soutien des entreprises émergentes semble également être atteint. Sur la période 2018-2022, près de 78 % des entreprises ayant déposé une demande d'agrément sont des micro-entreprises.

Pour le secteur du spectacle musical, l'année 2022 peut être qualifiée d'exceptionnelle. Les dernières études présentées par le CNM480(*) indiquent que les recettes de billetterie ont pour la première fois dépassé le seuil du milliard d'euros, pour 62 000 représentations. Par rapport à 2019, dernière année « normale » avant la crise sanitaire, le nombre de représentations payantes déclarées au CNM est en hausse de 6 %, et les recettes de billetterie de 17 % (le prix moyen du billet ayant quant à lui augmenté de 17 %). Concernant l'année 2023, elle devrait poursuivre cette dynamique, dans la mesure où le CNM indique que son premier trimestre est « hors norme », les recettes de billetterie étant en hausse de plus d'un tiers par rapport à 2019.

Il est donc plus que probable que le nombre de demandes de CISV, et par conséquent la dépense fiscale associée, soient amenés à croître de manière très rapide. Les demandes de CISV avaient déjà augmenté de 63 % entre 2018 et 2022.

Évolution du nombre de demandes de CISV

Source : Centre national de la musique et cabinet Technopolis

En conséquence, il n'y a pas lieu de maintenir les dérogations destinées à soutenir davantage le secteur pendant la crise sanitaire. Le CISV semble avoir contribué à préserver le tissu économique du secteur mais il faut désormais adapter le niveau de soutien à la nécessité du moment tout en maintenant de la visibilité sur la dépense fiscale pour le secteur du spectacle musical vivant.

Toutefois, afin de respecter l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, il est nécessaire de limiter cette prorogation à trois ans à compter de l'entrée en vigueur du présent article, soit jusqu'à la fin de l'année 2026. Le rapporteur général a déposé en ce sens un amendement n° I-189 (FINC.32).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 5 quatervicies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt en faveur du spectacle vivant (CISV)

Le présent article résulte de la reprise par le Gouvernement, dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, d'un amendement déposé par Jérémie Patrier-Leitus et plusieurs de ses collègues. Il poursuit le même objectif que l'article 5 tervicies mais dans une rédaction moins aboutie. S'agissant du fond du dispositif, il est donc renvoyé au commentaire de l'article 5 tervicies.

Sur la forme, on ne peut que s'étonner que le Gouvernement n'ait pas choisi le dispositif de l'amendement qui lui paraissait le plus abouti dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Il en résulte que le texte transmis au Sénat contient des dispositions qui sont juridiquement concurrentes et par la même inapplicables. Le souhait d'afficher le plus grand nombre et le plus large spectre politique d'amendements retenus a dû motiver ce mauvais choix, qui s'est fait au détriment de clarté du texte et des débats.

Le rapporteur général a déposé un amendement n° I-190 (FINC.33) conduisant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 quinvicies (nouveau)

Modification du crédit d'impôt en faveur du spectacle vivant (CISV)

Le présent article prévoit d'élargir le bénéfice du crédit d'impôt spectacles vivants musicaux ou de variétés (CISV) aux spectacles de musiques actuelles dont une des dates de la tournée se situe dans une salle supérieure à la jauge autorisée, dans la limite de 2 900 places.

Alors que le nombre de représentations dans les petites salles est particulièrement dynamique depuis la sortie de la crise sanitaire, et alors que le bénéfice du CISV est déjà accessible pour des représentations d'une jauge inférieure à 2 100 personnes, il ne semble pas nécessaire d'élargir outre mesure l'assiette des bénéficiaires.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT SOUTENANT LE SECTEUR DU SPECTACLE MUSICAL

A. LE CRÉDIT D'IMPÔT SPECTACLE VIVANT EST DÉDIÉ AU SOUTIEN À LA PRODUCTION D'ARTISTES ÉMERGENTS

Le crédit d'impôt spectacles vivants musicaux ou de variétés (CISV), créé en loi de finances pour 2016481(*) et prévu à l' article 220 quindecies du code général des impôts (CGI) est institué en faveur des entreprises exerçant l'activité d'entrepreneur de spectacles vivants482(*).

Il bénéficie aux entreprises qui supportent les frais de création, d'exploitation et de numérisation d'un spectacle vivant musical et de variété.

L' article 38 de la loi de finances rectificative pour 2020483(*) a réintégré les spectacles de variétés dans le champ d'application du CISV. Désormais, les catégories de spectacles vivants musicaux ou de variétés éligibles sont : les concerts de musiques actuelles484(*) ; les comédies musicales ; les concerts vocaux et de musique de chambre et les spectacles d'humour.

Le CISV est ainsi destiné à soutenir la production d'artistes émergents ou en développement.

Ouvrent droit au crédit d'impôt les dépenses :

- réalisées par des entreprises établies en France, dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et qui y effectuent les prestations liées à la réalisation d'un spectacle musical ou de variétés ;

- portant sur un spectacle dont les coûts de création sont majoritairement engagés sur le territoire français ;

comprenant quatre représentations au minimum dans au moins trois lieux différents ;

- engagées pour des spectacles assurés dans un lieu dont la jauge, définie comme l'effectif maximal du public qu'il est possible d'admettre dans ce lieu, est inférieure à un nombre de personnes défini par décret par catégorie de spectacle.

La jauge du lieu de présentation du spectacle ne peut être supérieure à485(*) :

- 2 100 personnes pour les concerts de musiques actuelles et les spectacles d'humour ;

- 4 800 personnes pour les comédies musicales ;

- 1 700 personnes pour les concerts vocaux et de musique de chambre interprétés par un effectif inférieur ou égal à 15 musiciens ou chanteurs et les spectacles lyriques ;

- 2 500 personnes pour les concerts vocaux et de musique de chambre interprétés par un effectif supérieur à 15 musiciens ou chanteurs, les concerts symphoniques.

Les dépenses éligibles au crédit d'impôt sont plafonnées à 500 000 euros par spectacle.

Le crédit d'impôt est égal à 15 % du montant des dépenses engagées. Il est porté à 30 % pour les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises. Son montant est plafonné à 750 000 euros par entreprise et par exercice.

B. UN ASSOUPLISSEMENT TEMPORAIRE DU CISV QUI DOIT PRENDRE FIN EN 2024

La crise sanitaire ayant conduit à l'annulation de la majeure partie des spectacles en 2020, le CISV a été adapté afin de soutenir davantage le secteur.

L' article 23 de la loi de finances pour 2021486(*) assouplit temporairement la condition du nombre de représentations. Cette disposition devait initialement s'appliquer pour les demandes d'agrément provisoire déposées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, pour lesquelles le minimum est abaissé à deux représentations dans au moins deux lieux différents.

L'article 50 de la loi de finances pour 2023487(*) a prolongé cette dérogation d'un an. Celle-ci s'applique ainsi aux demandes d'agrément provisoires déposées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023. Au 1er janvier 2024, les critères initialement retenus de quatre représentations dans au moins trois lieux différents seront de nouveau valables.

Le CISV en outre été prorogé de deux ans en loi de finances pour 2021, pour que celui-ci concerne les dépenses effectuées avant le 31 décembre 2024. Par ailleurs, l'article 5 tervicies du présent projet de loi de finances propose une nouvelle prorogation.

Le montant de la dépense fiscale est en forte hausse depuis la fin de la crise sanitaire. S'il était de 10 millions d'euros en 2021, le coût du CISV devrait être de 17 millions d'euros en 2023 (contre 15 millions d'euros en 2018, c'est-à-dire un niveau supérieur à celui antérieur à la crise sanitaire), bénéficiant à 392 entreprises.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN ASSOUPLISSEMENT DE LA JAUGE MAXIMALE AUTORISÉE POUR LES SPECTACLES BÉNÉFICIAIRES

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Isabelle Rauch et plusieurs de ses collègues.

Il modifie l'article 220 quindecies du CGI afin d'élargir le bénéfice du CISV aux spectacles de musiques actuelles dont une des dates de la tournée se situe dans une salle supérieure à la jauge autorisée, dans la limite de 2 900 places.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ASSOUPLISSEMENT QUI NE SEMBLE PAS NÉCESSAIRE

A. UN FORT DYNAMISME DU SPECTACLE MUSICAL EN 2022

Pour le secteur du spectacle musical, l'année 2022 peut être qualifiée d'exceptionnelle. Les dernières études présentées par le CNM488(*) indiquent que les recettes de billetterie ont pour la première fois dépassé le seuil du milliard d'euros, pour 62 000 représentations. Par rapport à 2019, dernière année « normale » avant la crise sanitaire, le nombre de représentations payantes déclarées au CNM est en hausse de 6 %, et les recettes de billetterie de 17 % (le prix moyen du billet ayant quant à lui augmenté de 17 %). Concernant l'année 2023, elle devrait poursuivre cette dynamique, dans la mesure où le CNM indique que son premier trimestre est « hors norme », les recettes de billetterie étant en hausse de plus d'un tiers par rapport à 2019.

Il est donc plus que probable que le nombre de demandes de CISV, et par conséquent la dépense fiscale associée, soient amenés à croître de manière très rapide.

L'étude du CNM sur la fréquentation des spectacles musicaux en 2022 conclut à ce que les petites salles (moins de 200 entrées) représentent 61 % de l'offre de spectacles, contre 33 % pour les salles comprises entre 200 et 1 600 entrées.

Si une grande partie de l'offre est concentrée dans les lieux de petites jauges (moins de 200 entrées), les lieux grandes jauges (plus de 6 000 entrées) génèrent près de la moitié des recettes de billetterie (42 % pour 1 % des représentations).

Répartition de la diffusion selon la jauge de la salle

Source : CNM

En outre, la fréquentation des petites salles, qui sont ciblées par le CISV, est en forte hausse sur l'année 2022 (+13 % par rapport à 2019), ainsi que les recettes de billetterie (+26 %).

B. UN ÉLARGISSEMENT QUI NE SEMBLE PAS OPPORTUN

Les auteurs de l'amendement à l'origine du présent article mettent en avant le fait que, lors des tournées d'artistes émergents, il est fréquent qu'une des représentations ait lieu dans un lieu disposant d'un nombre de places plus élevé. Le droit actuel offre toutefois déjà cette possibilité, dans la mesure où la jauge maximale actuelle est de 2 100 personnes. Cela représente déjà un niveau élevé, a fortiori pour un artiste émergent. L'impact concret du présent article semble donc discutable et ne devrait concerner qu'un nombre très limité de représentations.

En outre, le présent article prévoit que cette dérogation ait lieu à raison d'une date par tournée. Or, la durée d'une tournée est très variable et apparaît comme insuffisamment précise sur le plan juridique.

Dans un souci de stabilité des dispositifs fiscaux, et alors que le CISV devrait déjà être prorogé par l'article 5 tervicies du présent projet de loi, il ne semble pas nécessaire d'élargir outre mesure l'assiette des bénéficiaires. Le rapporteur général a donc déposé un amendement n° I-191 (FINC.34) conduisant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 sexvicies (nouveau)

Extension au cirque du crédit d'impôt en faveur des représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques

Le présent article prévoit d'étendre aux spectacles de cirque le crédit d'impôt en faveur des représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, créé en 2021. Alors que le nombre d'entreprises bénéficiant actuellement du crédit d'impôt est anecdotique, cette extension ne devrait avoir qu'un impact très marginal.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : UN DISPOSITIF TRÈS RÉCENT QUI NE SEMBLE PAS AVOIR ENCORE TROUVÉ SON PUBLIC

Le crédit d'impôt en faveur des représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques a été mis en place par l'article 22 de la loi de finances pour 2021489(*) sur le modèle du crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants musicaux (CISV).

Aux termes de l'article 220 sexdecies du code général des impôts (CGI), peuvent avoir accès au crédit d'impôt, les entreprises exerçant l'activité d'entrepreneurs de spectacles vivants dès lors qu'elles ont la responsabilité du spectacle et qu'elles supportent le coût du spectacle.

Les représentations ouvrant droit au crédit d'impôt doivent être réalisées par des entreprises établies en France ou au sein d'un autre État membre de l'Union européenne ou dans un État partie de l'Espace économique européen et les coûts de production doivent être majoritairement engagés sur le territoire français et les entreprises doivent être agréées par le ministère de la culture.

Le cadre réglementaire prévoit que constituent des représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques les représentations dont l'action s'organise autour d'un thème central et qui concernent les registres de la comédie, de la tragédie, du drame et du vaudeville ainsi que les catégories du théâtre de marionnettes et du théâtre de mime et de geste490(*). Un spectacle est défini comme une série de représentations présentant une continuité artistique et esthétique, quelle que soit la distribution, et répondant aux conditions suivantes :

- une mise en scène et une scénographie originales, avec ou sans texte préexistant, caractérisées notamment par une direction d'acteur nouvelle, des costumes, une mise en lumière, en son et en vidéo créées spécifiquement ;

- une mise en scène et une scénographie reproduites de manière identique à chaque représentation.

L'article 220 sexdecies du CGI dispose que, pour bénéficier du crédit d'impôt, le spectacle concerné doit être inédit : sa mise en scène et sa scénographie doivent être nouvelles. Il ne doit pas avoir donné lieu à représentation. Son interprétation doit être assurée par au moins 90 % d'artistes professionnels, le plateau devant par ailleurs comporter au moins six artistes professionnels. La représentation doit, enfin, être programmée pour plus de vingt dates sur une période de douze mois consécutifs dans au moins deux lieux différents.

Le crédit d'impôt est égal à 15 % du montant des dépenses engagées, dans la limite de 500 000 euros. Celles-ci concernent, comme dans le cadre du CISV, les frais de personnels, permanents et non permanents de l'entreprise, les redevances versées aux organismes de gestion collective de droits d'auteur, les frais de location de salle et de matériels, les dotations aux amortissements, les frais d'assurance, les dépenses liées à la promotion et à l'organisation des tournées ainsi que les frais afférents à la numérisation des représentations. Le taux est porté à 30 % pour les micro-entreprises et les petites et moyennes entreprises. Le crédit d'impôt ne peut, quelle que soit la taille de l'entreprise, dépasser 750 000 euros par entreprise.

Ces dépenses sont prises en compte dans la limite des 60 premières représentations par spectacle, à l'exception de celles visant l'acquisition du petit matériel utilisé dans le cadre du spectacle ou aux fins d'accueil du public. Sont concernées les dépenses engagées jusqu'au 31 décembre 2024.

D'après les documents annexés au présent projet de loi de finances, il semble que le crédit d'impôt ne bénéficie qu'à un nombre anecdotique d'entreprises (7 en 2022), pour un coût non chiffrable mais qui devrait être extrêmement faible.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXTENSION DU CRÉDIT D'IMPÔT AUX SPECTACLES DE CIRQUE

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Isabelle Rauch et plusieurs de ses collègues.

Le 1° du I du présent article modifie l'intitulé de la sous-section du CGI concernée afin que le crédit d'impôt mentionne désormais les spectacles de cirque. Les 2° et 3 ° du I du présent article étendent le bénéfice du crédit d'impôt aux représentations de cirque, sous les mêmes conditions que les représentations théâtrales d'art dramatique. Le II prévoit une entrée en vigueur de cette modification pour les demandes d'agrément provisoire déposées à compter du 1er janvier 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION AUX CONSÉQUENCES CONCRÈTES LIMITÉES

Concernant l'extension aux spectacles de cirque, ses conséquences budgétaires devraient être extrêmement limitées. Elle a pour avantage d'aligner les catégories de bénéficiaires du crédit d'impôt avec celles prévues pour l'application de la TVA à 2,1 % prévue à l'article 281 quater du CGI et qui inclut en effet explicitement les spectacles de cirque.

Il est à noter que le crédit d'impôt en faveur des oeuvres d'art dramatique a été mis en place dans le contexte de la crise sanitaire afin d'apporter un soutien supplémentaire au spectacle vivant. Il est cependant permis de s'interroger sur son utilité réelle et sur le caractère opérationnel de ses modalités. En effet, les spectacles de théâtre étaient auparavant inclus parmi les bénéficiaires du CISV. La création d'un crédit d'impôt ad hoc ne semble donc pas avoir entraîné pour l'instant une plus-value quelconque pour le secteur. Sa pertinence devra être réinterrogée lors de son éventuelle prorogation avant décembre 2024.

Afin de ne pas étendre un dispositif donc l'efficacité n'est pas prouvée, le rapporteur général a déposé un amendement n° I-192 (FINC.35) conduisant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 septvicies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt en faveur des éditeurs de musique (CIEM)

Le présent article prévoit de proroger pour 3 ans le crédit d'impôt pour dépenses d'édition d'oeuvres musicales, créé en 2022 et devant prendre fin au 31 décembre 2024.

Alors que les textes d'application n'ont été publiés qu'en novembre 2022 et qu'à ce jour aucun éditeur de musique n'a donc pu en bénéficier, il est prématuré de proroger ce crédit d'impôt avant même qu'il ait pu produire ses premiers effets.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : UN DISPOSITIF TRÈS RÉCENT CRÉÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2022

L'article 82 de la loi de finances pour 2022491(*) a institué un crédit d'impôt au titre des dépenses d'édition d'oeuvres musicales (CIEM) codifié à l'article 220 septdecies du code général des impôts (CGI). Celui-ci bénéficie aux entreprises d'édition musicale492(*) « en vue de soutenir la création d'oeuvres musicales, de contrôler et d'administrer des oeuvres musicales éditées, d'assurer la publication, l'exploitation et la diffusion commerciale des oeuvres musicales éditées et de développer le répertoire d'un auteur ou d'un compositeur ». Les sociétés liées à des éditeurs de service de télévision ou de radiodiffusion sont cependant exclues du bénéfice du crédit d'impôt.

L'ensemble des dépenses éligibles engagées par l'entreprise d'édition musicale dans le cadre du contrat de préférence éditoriale signé avec un auteur ou un compositeur peuvent ouvrir droit au bénéfice du crédit d'impôt, même si les oeuvres musicales ne sont pas éditées. Ouvrent ainsi droit au CIEM les dépenses de soutien à la création des oeuvres musicales, des dépenses liées à leur contrôle et à leur administration, et enfin des dépenses liées à leur publication, à leur exploitation et à leur diffusion commerciale ainsi qu'au développement du répertoire de leur auteur ou de leur compositeur.

L'article 220 septdecies implique cependant une triple condition, identique à celle existant déjà pour le crédit d'impôt phonographique (CIPP) :

être établis en France, dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ;

- concerner un « nouveau talent ». Les artistes ne doivent pas avoir dépassé 100 000 équivalents-ventes au travers de leurs deux albums précédents cumulés493(*) ;

- les oeuvres comportant des paroles doivent être à moitié au moins en français ou dans une langue régionale française.

Le montant du crédit d'impôt est de 15 % du montant total des dépenses et de 30 % pour les micro, petites et moyennes entreprises dans la limite de 300 000 euros par contrat de préférence éditoriale et de 500 000 euros par entreprise et par exercice.

Comme pour le CIPP, le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné au respect de dispositions relatives à des agréments délivrés par le président du Centre national de la musique (CNM) :

- une demande d'agrément provisoire, prévue par le V de l'article 220 septdecies, doit être effectuée, à compter de laquelle les dépenses éligibles ouvrent droit au crédit d'impôt ;

- un agrément définitif, défini à l'article 220 Q bis, doit être obtenu dans un délai de 36 mois après l'agrément provisoire, faute de quoi l'entreprise doit reverser le crédit d'impôt dont elle a bénéficié.

Le crédit d'impôt s'applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2022, pour des dépenses liées à des contrats de préférence conclus à compter du 1er janvier 2022 et engagées jusqu'au 31 décembre 2024.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION JUSQU'EN 2027

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue députée Géraldine Bannier, ainsi que des amendements identiques de Violette Spillebout, Laurent Esquenet-Goxes, Céline Calvez et Isabelle Rauch et plusieurs de leurs collègues.

Il prévoit de proroger le bénéfice du crédit d'impôt pour trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 2027. Cette prorogation s'effectue de façon anticipée, le dispositif ne devant actuellement prendre fin qu'à la fin de l'année 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROROGATION PRÉMATURÉE QUELQUES MOIS APRÈS L'ENTRÉE EN VIGUEUR EFFECTIVE DU DISPOSITIF

Le décret d'application du CIEM n'a été publié qu'en novembre 2022494(*). Le rapport de notre ancien collègue sénateur Julien Bargeton sur le financement de la filière musicale indiquait ainsi au printemps 2023 « qu'aucun agrément n'a été accordé à la date de rédaction du rapport (bien que les demandes aient commencé à être transmises), rendant impossible une quelconque analyse à ce stade » 495(*).

Le centre national de la musique l'indique ainsi clairement : « son entrée en vigueur récente, à l'automne 2022, ne permet pas d'avoir le recul suffisant pour produire une évaluation de même nature »496(*). En conséquence, il est prématuré de proroger ce dispositif avant même qu'il ait pu produire ses premiers effets. Ce serait d'ailleurs contraire au texte du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 en cours de discussion au Parlement qui prévoit que toute prorogation de dépense fiscale doit s'accompagner de son évaluation.

En outre, le dispositif ne prend pas fin dès cette année, mais en décembre 2024. Il sera donc temps, lors de la préparation de la loi de finances pour 2025, d'envisager la prorogation du dispositif une fois que les premières évaluations sur ses résultats auront été menées. En conséquence, le rapporteur général a déposé un amendement n° I-193 (FINC.36) conduisant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 octovicies (nouveau)

Modification des conditions d'appréciation de la détention des sociétés membres d'un groupe fiscal lorsque les sociétés ont mis en place des dispositifs d'actionnariat salarié

Le présent article modifie les conditions d'appréciation de la détention des sociétés membres d'un groupe fiscal lorsque les sociétés ont mis en place des dispositifs d'actionnariat salarié.

En effet, actuellement, une société mère peut se déclarer seule redevable de l'impôt sur les sociétés pour elle-même et pour ses filiales si elle en détient, directement ou indirectement, 95 % du capital au moins. Ce seuil de 95 % du capital, qui s'entend de la détention en pleine propriété de 95 % des droits à dividendes et de 95 % des droits de vote, se retrouve à plusieurs reprises dans l'article 223 A du code général des impôts, pour déterminer dans quelle mesure une société peut être considérée comme détenue, ou contrôlée, par une autre.

Pour le calcul de ce taux, il est fait abstraction des titres distribués à l'occasion d'opérations d'octroi de stock-options, d'attributions d'actions gratuites, et d'augmentation du capital pour les adhérents à un plan d'épargne d'entreprise - toutes opérations visant à encourager l'actionnariat salarié. Ainsi, ces titres ne figurent pas au dénominateur utilisé pour déterminer le niveau de détention d'une société par une autre.

Toutefois, ce mode particulier de calcul ne s'applique plus lorsque le détenteur des titres cesse ses fonctions, ou lorsqu'il cède ses titres.

Le présent article vise à ce que, lorsque ces dispositifs d'actionnariat salarié ont été mis en place au niveau d'un groupe de sociétés, le détenteur des titres associés peut cesser ses fonctions pour rejoindre une société incluse dans le périmètre du plan d'émission ou d'attribution sans pour autant remettre en cause l'application de ce mode particulier de calcul. En revanche, il cesse bien de s'appliquer si la société où il occupe ses nouvelles fonctions sort du périmètre du plan au cours de l'exercice mais également si elle en sort ultérieurement, au cours de l'exercice où cette sortie a lieu.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN MODE DE CALCUL DU CAPITAL UTILISÉ POUR APPRÉCIER LA DÉTENTION DES SOCIÉTÉS MEMBRES D'UN GROUPE FISCAL VISANT À ENCOURAGER L'ACTIONNARIAT SALARIÉ

A. LORSQUE PLUSIEURS SOCIÉTÉS APPARTIENNENT À UN MÊME GROUPE, IL EST POSSIBLE À UNE SEULE D'ENTRE ELLES, ET SOUS DES CONDITIONS DE FORTE INTERDÉPENDANCE EN CAPITAL AVEC LES AUTRES SOCIÉTÉS, DE S'ACQUITTER DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

Conformément aux dispositions des articles 205 et 206 du code général des impôts (CGI), il est établi un impôt sur l'ensemble des bénéfices ou revenus réalisés, notamment, par les sociétés.

Il est normalement dû individuellement par ces sociétés. Toutefois, la section VIII du chapitre du CGI relatif à l'impôt sur les sociétés prévoit des dispositions spécifiques pour les groupes de sociétés.

Ainsi, une société mère, pourvu qu'elle détienne, directement ou indirectement, au moins 95 % du capital d'un ensemble de sociétés, peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et ces sociétés, à condition toutefois de ne pas être détenue elle-même à 95 % au moins par une autre personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214 du code général des impôts, qui prévoit un certain nombre de déductions497(*). Dans certains cas tendant à la qualité de la détention et aux sociétés détentrices, cette condition peut ne pas s'appliquer.

Par ailleurs, une société mère dont le capital est détenu à 95 % au moins par une entité mère non résidente soumise à un impôt équivalent à l'impôt sur les sociétés, située en Union européenne ou dans un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés étrangères, peut aussi se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés détenues par l'entité mère non résidente, à condition toutefois que le capital de l'entité mère non résidente ne soit pas détenu, à 95 % au moins, directement ou indirectement, par une autre personne morale soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les conditions prévues à l'article 214 du CGI. Cette condition ne s'applique pas dans des cas similaires à ceux mentionnés précédemment.

Dans l'ensemble de ces dispositions, on note ainsi l'importance du seuil de 95 % de détention du capital.

Pour leur application, la détention de 95 % du capital s'entend de la détention en pleine propriété de 95 % des droits à dividendes et de 95 % des droits de vote.

B.EN RETRANCHANT CERTAINS TITRES DISTRIBUÉS AUX SALARIÉS DANS LA LIMITE DE 10 % DU CAPITAL, LE MODE DE CALCUL UTILISÉ POUR DÉTERMINER LA DÉTENTION DES SOCIÉTÉS MEMBRES D'UN GROUPE FISCAL VISE À ENCOURAGER L'ACTIONNARIAT SALARIÉ

Dans l'optique d'encourager l'actionnariat salarié, en son sixième alinéa, l'article 223 A du même code prévoit également que, pour le calcul du taux de détention de capital, il est fait abstraction, dans la limite de 10 % du capital de la société, des titres émis à la suite d'opérations d'octroi d'options de souscription ou d'achat d'actions - ou options sur titres (stock-options), d'attributions d'actions gratuites, et d'augmentation du capital réservées aux adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise. Cela signifie que ces titres sont exclus du dénominateur du rapport déterminant le pourcentage de détention. Le mode de calcul du taux de détention de capital ainsi déterminé sera dénommé ci-après « mode particulier de calcul ».

L'objectif ici est d'encourager l'actionnariat salarié - ou du moins de ne pas le dissuader.

En revanche, ce mode particulier de calcul ne s'applique plus lorsque le détenteur des titres émis ou attribués dans ces conditions les cède, ou cesse toute fonction dans la société.

Il faut ici souligner que l'émission ou l'attribution de titres peut être effectuée par une société au profit des salariés d'une société à laquelle elle est liée, conformément aux articles L. 225-180 ou L. 225-197-2 du code de commerce, ou, pour l'augmentation du capital réservé aux adhérents d'un PEE, au sein d'un groupe dont les comptes sont consolidés ou combinés, conformément à l'article L. 3344-1 du code du travail. Si le détenteur des titres cesse toute fonction dans la société pour rejoindre une société du périmètre du plan d'émission ou d'attribution, le mode particulier de calcul ne s'applique plus.

Il est toutefois précisé, pour laisser une marge de transition aux sociétés, que, si ces opérations ont pour effet de réduire, au cours d'un exercice, à moins de 95 % la participation dans le capital d'une société filiale, ce capital est néanmoins réputé avoir été détenu de sorte que la société continue à pouvoir se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés si ce pourcentage est à nouveau atteint à expiration du délai prévu pour le dépôt de la déclaration de résultat de l'exercice.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : ENCOURAGER L'ACTIONNARIAT SALARIÉ EN ASSOUPLISSANT LES CONDITIONS D'APPRÉCIATION DE LA DÉTENTION DES SOCIÉTÉS MEMBRES D'UN GROUPE FISCAL

Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement repris dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, vise à rendre plus cohérentes les conditions de valorisation de l'actionnariat salarié dans le calcul du taux de détention de capital.

Ce faisant, il prévoit en son que, lorsque les titres émis ou attribués dans les conditions précédemment mentionnées ont été distribués au niveau d'un groupe de sociétés, le fait que leur détenteur cesse toute fonction dans la société où il exerce pour rejoindre une autre société incluse dans le périmètre du plan d'émission ou d'attribution ne met pas fin à l'application du mode particulier de calcul.

Il précise toutefois, en son 2°, que le mode particulier de calcul cesse de s'appliquer à compter de l'exercice au cours duquel le détenteur des titres cesse toute fonction dans une société incluse dans ce périmètre pour les exercer dans une autre société qui y était initialement incluse, mais qui ne l'est plus au cours de cet exercice. Dans le même esprit, il cesse de s'appliquer à compter de l'exercice au cours duquel la société qui emploie le détenteur des titres sort du périmètre du plan d'émission ou d'attribution des titres.

Le constitue une coordination entre ces dispositions et celles relatives à la marge de transition précédemment évoquée.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PROPOSITION PERTINENTE EN FAVEUR DE L'ACTIONNARIAT SALARIÉ

La logique de cet article paraît pertinente : si un plan d'émission ou d'attribution des titres a été effectué au niveau de plusieurs sociétés, il est logique que, si le détenteur des titres demeure dans l'une de ces sociétés, les titres dont il est détenteur continuent d'être exclus du dénominateur du rapport déterminant le pourcentage de détention.

Ayant connaissance de ces dispositions, les sociétés appartenant à un groupe pourraient être incitées à procéder à davantage d'émissions ou d'attributions de titres, ce qui tendrait à consolider le rapport des salariés avec leur entreprise. De même, il n'est pas malvenu de ne pas pénaliser une société dont le salarié rejoint une autre société à laquelle elle est liée en soustrayant du dénominateur les titres dont le salarié est détenteur, et ce d'autant plus lorsque l'émission ou l'attribution de titres a été effectuée en commun.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 novovicies (nouveau)

Mesure de coordination du dispositif relatif aux revenus issus des inventions brevetables non brevetées

Le présent article prévoit une mesure de coordination visant à supprimer une disposition relative aux revenus issus des inventions brevetables non brevetées devenue caduque.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES MODALITÉS DE DÉCLARATION FISCALE DES INVENTIONS BREVETABLES NON BREVETÉES

L'article 238 du code général des impôts (CGI) prévoit une option permettant aux entreprises de bénéficier d'un régime spécifique d'imposition pour les inventions brevetables et non brevetés, dans les conditions prévues au sein de cet article.

Le deuxième alinéa du V du même article précise les modalités de déclaration lors de l'imposition des inventions brevetables non brevetées. Ainsi, une annexe doit mentionner la liste des inventions distinctement et la somme des résultats nets issus de ces inventions.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA SUPPRESSION DES MODALITÉS DE DÉCLARATIONS DES INVENTIONS BREVETABLES NON BREVETÉES DEVENUES CADUQUES

Le présent article est issu d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, intégré au texte du Gouvernement sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Il prévoit de supprimer le deuxième alinéa du V de l'article 238 du code général des impôts relatif aux exigences de déclaration fiscale des inventions brevetables non brevetées. Cet alinéa fait référence au 5° du I du même article, supprimé par le 19° du I de l'article 72 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023. Il se trouve donc désormais sans objet.

Le présent article constitue donc une mesure de coordination afin de mettre à jour et clarifier le droit.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SUPPRESSION D'UNE DISPOSITION CADUQUE NE PEUT NUIRE À LA QUALITÉ DU DROIT

La suppression de cette disposition ne porte pas d'effet direct sur la fiscalité mais vise à mettre à jour et garantir la qualité de la norme fiscale dans la mesure où le dispositif mentionné est en réalité abrogé depuis 2022.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 tricies (nouveau)

Modalités d'application du crédit d'impôt sur les investissements en Corse aux travaux de rénovation d'hôtels et d'établissements de santé privés

Le présent article prévoit de préciser la nature de certains travaux de rénovation d'hôtels ou d'établissement de santé ouvrant droit au crédit d'impôt sur les investissements en Corse.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT AUX CONTOURS VASTES

L'article 244 quater E du code général des impôts rend éligibles les petites et moyennes entreprises (PME) relevant d'un régime réel d'imposition à un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2023 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole autre que la gestion ou la location d'immeubles498(*),499(*).

Ce crédit d'impôt est égal à 20 % du prix hors taxe de revient de certains types de travaux, incluant ceux de rénovation d'hôtel ainsi que les travaux de construction et de rénovation des établissements de santé privés réalisés pour l'exercice de l'activité mentionnée à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le dispositif retenu par le Gouvernement à l'article 5 tricies, dans la version du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité conformément au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, reprend un amendement déposé par M. Acquaviva.

Cet article complète les d et e du 3° du I de l'article 244 quater E précité pour préciser respectivement la nature des travaux de rénovation d'hôtel ou d'établissement de santé ouvrant droit à un crédit d'impôt sur les investissements en Corse ainsi que les PME concernées par le dispositif.

Il précise ainsi que sont éligibles les « travaux de reprise importante des structures, de modification ou de remise en état du gros oeuvre, d'aménagement interne et d'amélioration indissociable et de mise aux normes » en prévoyant que tous types d'entreprises qui supporte les travaux peut en bénéficier.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'ADOPTION DE L'ARTICLE 5 SEXDECIES SANS MODIFICATION

Tout en partageant une partie du diagnostic posé par les auteurs de l'amendement sur l'imprécision qui peut s'attacher à la notion de « travaux de rénovation », de surcroît lorsque le propriétaire du bien rénové n'est pas l'hôtelier ou l'entreprise de santé, mais un gérant par exemple, le rapporteur s'inquiète de l'impact sur les finances publiques de l'approche maximaliste retenue au sein de l'article : tout type d'entreprise, quelle que soit sa forme et quel que soit son mandant (le propriétaire du foncier ou un gérant de l'activité hôtelière ou de l'EPHAD) pourrait, dans la rédaction retenue, prétendre à la déduction fiscale liée à des travaux dont l'étendue apparait excessive. Sur ce dernier point, il s'agit sciemment de contourner la jurisprudence administrative et l'approche de l'administration fiscale.

En effet, l'article 5 tricies du présent PLF vise probablement, entre autres, à déroger par la loi au régime européen de compatibilité des aides avec le marché intérieur, fixé par traité, qui concerne les seuls « travaux initiaux », régulièrement rappelée par l'administration fiscale500(*). En l'espèce, à chaque changement de propriétaire ou plus largement à chaque fois que des travaux seraient effectués, un nouveau droit à crédit d'impôt serait ouvert.

Au-delà des doutes quant à la conventionalité de ce dispositif, en tout état de cause, la rédaction retenue à ce stade demeure a minima ambiguë sur le bénéficiaire potentiel : l'emploi du pluriel pour le terme « inscrits » dans le dispositif de l'article renvoie, une fois consolidé aux travaux et non aux établissements (hôtel ou EPHAD qu'il devrait, a priori, viser).

Compte tenu des doutes quant à l'intelligibilité et à la conventionalité du dispositif, non expertisé, la sous-direction de la fiscalité directe des entreprises de la direction de la législation fiscale a été saisie. Cette dernière a confirmé l'existence de difficultés de cohérence et d'interprétation.

Par ailleurs, le rapporteur général souligne les risques qui entoureraient l'adoption d'un tel dispositif sans disposer d'aucune étude d'impact précise, ni sur le coût pour les finances publiques, ni sur les conséquences sur la cohérence d'ensemble du droit qui résulteraient d'une telle précision apportée pour le seul dispositif mentionné à l'article 244 quater E.

Les conditions d'adoption du présent article, repris par le Gouvernement sans qu'aient pu être connue son argumentation de fond sur la crainte exprimée par les auteurs de l'amendement, et sans que soit fournis les éléments précités, invite donc à la plus grande prudence. C'est pourquoi, dans l'attente d'une expertise plus approfondie de la direction de la législation fiscale et afin que soient fournies par le Gouvernement, d'ici la séance publique, toutes les garanties quant à l'absence d'incohérences juridiques qui résulteraient de l'entrée en vigueur du présent article, le cas échéant en proposant une nouvelle rédaction, la commission des finances a préconisé le maintien en l'état de l'article.

Décision de la commission : la commission des finances d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 untricies (nouveau)

Mise à jour d'une référence relative au crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique

Le présent article prévoit de mettre à jour une référence au droit européen mentionnée à l'article 244 quater L du code général des impôts.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR LES ENTREPRISES AGRICOLES ATTRIBUÉ SUR LE FONDEMENT D'UNE RÉFÉRENCE EUROPÉENNE QUI N'EST PLUS EN VIGUEUR

En application de l'article 244 quater L du code général des impôts, les entreprises agricoles bénéficient d'un crédit d'impôt, au titre de chacune des années 2011 à 2025, au cours desquelles au moins 40 % de leurs recettes proviennent d'activités agricoles relevant du mode de production biologique. Ce crédit d'impôt est cumulable avec les aides à la conversion ou au maintien de l'agriculture biologique501(*).

Le bénéfice du dispositif est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil.

Le règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), sur la base duquel les aides à la conversion ou au maintien de l'agriculture biologique étaient attribuées, a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) n° 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Feader.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le dispositif retenu par le Gouvernement à l'article 5 untricies dans la version du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité conformément au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, reprend un amendement de M. Éric Girardin et plusieurs de ses collègues d'autre part (dont le dispositif était identique à un amendement de MM. Charles Sitzenstuhl et Mathieu Lefèvre).

Cet article met à jour une référence au droit européen mentionnée à l'article 244 quater L du code général des impôts en modifiant la première phrase du 2 de son II, pour substituer au règlement (UE) n° 1305/2013 précités le règlement (UE) n° 2021/2115, également précité.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'ADOPTION SANS MODIFICATION DE L'ARTICLE 5 UNTRICIES.

S'agissant d'une mise en conformité du droit national avec un règlement européen, la commission des finances approuve le dispositif prévu à l'article 5 untricies qui ne modifie pas, par ailleurs, le droit en vigueur.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 duotricies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art (CIMA)

Le présent article prévoit de proroger pour trois ans le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art (CIMA).

Cette prorogation semble avoir été entérinée par le Gouvernement largement antérieurement au dépôt du présent projet de loi de finances. Elle constitue un pan de la stratégie nationale des métiers d'art présentée au printemps 2023. Ce constat est d'autant plus curieux que le Gouvernement n'avait pas souhaité retenir dans le texte définitif de la loi de finances pour 2023 un amendement adopté par le Sénat prorogeant le dispositif et identique au présent article.

Alors que le Gouvernement a annoncé en 2022 lancer une mission d'évaluation du CIMA, il est regrettable que ses résultats n'aient pas été communiqués avant la prorogation du dispositif.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT EN FAVEUR DES MÉTIERS D'ART QUI VISE À SOUTENIR LES SAVOIR-FAIRE FRANÇAIS

L'article 45 de la loi de finances rectificative pour 2005502(*) a mis en place un crédit d'impôt en faveur des entreprises des métiers d'art codifié à l'article 244 quater O du code général des impôts (CGI). La liste des métiers d'art est quant à elle définie par décret503(*) et ne comprend pas moins de 281 professions.

Peuvent bénéficier de ce crédit d'impôt les sociétés suivantes :

- les entreprises dont les salariés qui exercent un métier d'art représentent au moins 30 % de la masse salariale totale ;

- les entreprises industrielles des secteurs de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l'orfèvrerie, de la lunetterie, des arts de la table, du jouet, de la facture instrumentale et de l'ameublement ;

- les entreprises portant le label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV). Ce label, créé en 2005504(*), a pour objectif de distinguer des entreprises françaises artisanales et industrielles aux savoir-faire rares et d'exception. Il est attribué pour une période de cinq ans.

La liste des dépenses éligibles figure également à l'article 244 quater O du CGI. Elle inclut :

- les salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série ou directement affectés à l'activité de restauration du patrimoine ;

- les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la création de ces ouvrages et à la réalisation de prototypes ou directement affectées à l'activité de restauration du patrimoine ;

- les frais de dépôt des dessins et modèles relatifs aux ouvrages réalisés en seul exemplaire ou en petite série ou relatifs à l'activité de restauration du patrimoine ;

- les frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 euros par an ;

- les dépenses liées à l'élaboration d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série ou à l'activité de restauration du patrimoine confiées par les entreprises éligibles au crédit d'impôt à des stylistes ou bureaux de style externes.

La notion de « petite série » est elle-même définie selon deux critères cumulatifs : il s'agit d'ouvrages pouvant s'appuyer sur la réalisation de plans ou maquettes d'une part et ne figurant pas à l'identique dans les réalisations précédentes de l'entreprise d'autre part.

Le montant du crédit d'impôt est égal à 10 % des dépenses éligibles dans la limite de 30 000 euros par an et par entreprise. Ce taux est majoré et est porté à 15 % pour les entreprises labellisées « entreprise du patrimoine vivant ». L'article 49 septies ZM de l'annexe III au CGI prévoit que, si le label EPV a été attribué en cours d'année, le taux majoré s'applique pour l'année entière.

Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison de dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul du crédit d'impôt.

Le crédit d'impôt est régulièrement prorogé. Ainsi, l'article 85 de la loi de finances pour 2022505(*) a décalé d'un an la date de fin du crédit d'impôt afin qu'il s'applique au titre des dépenses engagées jusqu'au 31 décembre 2023.

En 2023, le montant du crédit d'impôt devrait être en forte hausse par rapport à 2022 (où il atteignait 53 millions d'euros), et s'établir à 59 millions d'euros, pour 3 809 entreprises bénéficiaires.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION DU DISPOSITIF POUR TROIS ANS

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue député Guy Bricout et plusieurs de ses collègues, ainsi que deux amendements identiques de Louis Margueritte et Véronique Louwagie.

Il prolonge le bénéfice actuel du crédit d'impôt pour trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 2026.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION FUTURE DU DISPOSITIF DANS LE CADRE DE LA NOUVELLE STRATÉGIE NATIONALE EN FAVEUR DES MÉTIERS D'ART

Le Gouvernement a annoncé la reconduction du CIMA dès la présentation en mai 2023 de sa stratégie nationale en faveur des métiers d'art. Le ministère de la Culture a d'ailleurs réitéré son intention de le proroger en septembre dernier, à l'occasion d'une réponse à une question écrite posée par notre collègue Catherine Dumas : « c'est pourquoi la prorogation de ce crédit d'impôt, mesure essentielle de cette stratégie gouvernementale en faveur des métiers d'art, est portée pour une durée de trois ans »506(*). Cette prorogation semble donc avoir été entérinée par le Gouvernement largement antérieurement au dépôt du présent projet de loi de finances.

En outre, un des axes de la stratégie en faveur des métiers d'art est le plan « 2 500 EPV », qui prévoit d'augmenter significativement le nombre d'entreprises labellisées et de parvenir à 2 500 entreprises en 2025, contre 1 500 entreprises actuellement. En conséquence, le nombre d'entreprises éligibles au CIMA devrait mécaniquement augmenter.

Les dernières données chiffrées sur le CIMA figurent dans un rapport de l'Assemblée nationale507(*) mais remontent à la période 2013-2017. Il en résultait que le nombre de bénéficiaires annuel était variable et qu'il était « difficile de dégager une tendance claire à ce sujet ». Le montant moyen de la créance par entreprise va cependant croissant et a augmenté de plus de 5 000 euros entre 2013 et 2017, « ce qui pourrait indiquer une certaine maturité du dispositif et une bonne appropriation par les entreprises ». En 2017, les 1 588 entreprises bénéficiaires du CIMA avaient disposé d'une créance d'un montant moyen de 13 700 euros.

Ce même rapport précisait en outre que ces données devaient « être confirmées et étayées par une évaluation chiffrée de l'impact économique du CIMA pour les entreprises bénéficiaires ».

Le ministère de la Culture et l'Institut national des métiers d'art ont mené au printemps 2022 une étude afin de mesurer la pertinence du CIMA pour les entreprises, qui devait initialement être exploitée dans le cadre de la reconduction du dispositif par le projet de loi de finances pour 2023. Or les résultats de cette enquête n'ont curieusement jamais été publiés, ce qui est d'autant plus regrettable que l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit que toute reconduction d'une niche fiscale doit s'accompagner de son évaluation.

Alors que le ministère doit donc être en possession des données, il est regrettable que celles-ci n'aient pas contribué au débat parlementaire sur le CIMA. Cela ne peut en outre que soulever des interrogations sur les conclusions potentielles de cette évaluation et, partant, sur la pertinence du CIMA.

Il est en outre à noter que le CIMA ne représente qu'une part minoritaire du soutien de l'État aux métiers d'art. D'après les documents de présentation de la stratégie nationale présentée au printemps dernier, le montant total des mesures que l'État consacrera aux métiers d'art de 2023 à 2025 devrait s'élever à 340 millions d'euros. Il est certain que ces métiers contribuent à la fois à préserver des savoir-faire patrimoniaux et à encourager le développement de filières d'innovation sur le territoire. Selon les estimations du ministère, les métiers d'art représentent plus de 60 000 entreprises et 150 000 professionnels pour un chiffre d'affaires cumulé estimé à 19 milliards d'euros en 2019, dont 8 milliards à l'export.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 tertricies (nouveau)

Régime fiscal applicable aux actions distribuées aux salariés à l'issue d'une opération de rachat et caractérisation d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice

Le présent article prévoit tout d'abord de sécuriser la situation des titulaires de titres reçus à l'occasion de rachats d'actions en précisant que les gains qui en résultent peuvent être imposés dans les conditions favorables prévues pour les options de souscription ou d'achats d'actions (options sur titres ou stock-options), l'attribution d'actions gratuites et les bons de souscriptions de parts de créateur d'entreprise.

Il prévoit par ailleurs que parmi les critères utilisés pour caractériser une « augmentation exceptionnelle du bénéfice », déjà listés par l'article 5 du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur, figure également la survenance d'une ou plusieurs opérations de rachat d'actions de l'entreprise suivie de leur annulation, dès lors que ces opérations n'ont pas été précédées des attributions d'actions gratuites aux salariés. Comme le prévoit déjà cet article 5, une augmentation exceptionnelle du bénéfice doit se traduire par la mise en place d'un dispositif de partage de la valeur - le présent article « copie colle » d'ailleurs ces dispositions. Il précise en outre que les sommes correspondant aux suppléments de participation et d'intéressement mis en oeuvre en tant que dispositifs de partage de la valeur sont imposées dans les conditions de droit commun de l'intéressement et de la participation.

Les dispositions de nature fiscale de cet article n'en ont que l'apparence, puisqu'elles paraissent dépourvues de portée normative. Le régime fiscal rattaché à l'attribution d'actions gratuites, stock-options et bons de souscriptions de parts de créateur d'entreprise, ne dépend pas, en effet, des circonstances dans lesquelles ces opérations interviennent. Les informations recueillies par le rapporteur général auprès de l'administration fiscale vont dans ce sens puisque ces dispositions ne semblent avoir pour but que de « rassurer » les salariés quant à l'éligibilité des avantages et gains résultants de l'attribution de titres à des conditions préférentielles aux dispositifs fiscaux existants d'actionnariat salarié. De même, il ne paraît pas nécessaire de rappeler qu'un supplément d'intéressement ou de participation est imposé dans les conditions de droit commun de l'intéressement et de la participation, étant donné que dans le silence du présent article, c'est ce droit commun qui est appliqué.

Enfin, les dispositions relatives aux critères retenus pour caractériser une augmentation exceptionnelle des bénéfices ne sont pas du domaine des lois de finances. En outre, en ce qu'elles reprennent les dispositions d'un texte en cours de discussion en les modifiant légèrement, elles procèdent à un enjambement de la discussion parlementaire normale éminemment contestable et qui aurait dû être évité.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DES MODALITÉS DIVERSES D'IMPOSITION DES TITRES DISTRIBUÉS DANS LE CADRE DE DISPOSITIFS D'ACTIONNARIAT SALARIÉ

Les plus-values associées aux titres relevant de dispositifs d'actionnariat salariés sont imposées selon diverses modalités plutôt favorables.

L'article 80 bis du code général des impôts détermine le régime fiscal applicable aux bénéficiaires des options de souscription ou d'achat d'actions (options sur titres ou « stock-options »). Pour le comprendre, il faut préciser, auparavant, que lorsque la société attribue des actions aux salariés et dirigeants dans ce cadre, le prix fixé peut être inférieur au prix réel : on parle alors de rabais. Celui-ci est limité à 20 %, au plus, de la moyenne des 20 séances de bourse précédant la date d'attribution de l'option.

L'année de la levée d'option, le souscripteur fait l'objet, le cas échéant, d'une imposition au titre du rabais qui excède 5 % de la valeur des actions. Une exonération d'impôt sur le revenu est accordée sur la fraction du rabais qui ne dépasse pas 5 % de la valeur des actions.

Au titre de l'année de la cession des actions, le gain correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'option et le prix de souscription ou d'achat de l'action est taxé comme un salaire.

Les plus-values de cession sont également imposées (hors article 80 bis).

L'article 80 quaterdecies du même code prévoit un régime fiscal favorable pour les bénéficiaires des actions gratuites attribuées par les sociétés. L'avantage salarial correspondant à la valeur, à leur date d'acquisition, de ces actions, est imposé dans la catégorie des traitements et salaires. Comme en dispose le 3 de l'article 200 A, il est retenu dans l'assiette du revenu net global pour l'imposition du revenu après application, dans le cas général, d'un abattement de 50 %.

Enfin, l'article 163 bis G détermine le régime fiscal applicable aux bénéficiaires des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE), qui peuvent être attribués par certaines sociétés à certains salariés, dirigeants, membres du conseil d'administration ou de surveillance ou, le cas échéant, de tout organe statutaire équivalent. Ils donnent le droit de souscrire des titres de la société à un prix définitivement fixé lors de l'attribution du bon.

Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons attribués est imposé, depuis le 1er janvier 2018, au taux de 12,8 % ou, sur option globale, au barème progressif. Le gain peut bénéficier de l'abattement fixe de 500 000 euros prévu en faveur des dirigeants de PME qui partent à la retraite lorsque les titres ont été détenus pendant au moins un an. Il est imposé au taux de 30 % si, à la date de cession des titres, le bénéficiaire exerce son activité dans la société émettrice ou l'une de ses filiales depuis moins de trois ans ou si, n'étant plus salarié de la société à la même date, il y a exercé son activité pendant moins de trois ans.

B. LES RACHATS D'ACTIONS, QUI PEUVENT SE FAIRE AU BÉNÉFICE DES SALARIÉS, ONT VU LEUR RÉGIME ASSOUPLI MAIS SONT CRITIQUÉS POUR LES INÉGALITÉS DE RÉPARTITION QU'ILS ENTRAÎNENT 

1. Les rachats d'actions, qui peuvent se faire au bénéfice des salariés, ont vu leur régime assoupli dans le sillage de la libéralisation financière

L'article 217 de loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales avait posé le principe d'une autorisation des opérations de rachat d'action par voie de réduction du capital (rachat d'actions non motivé par des pertes), toutefois enserrée dans un régime juridique contraignant. Elle interdisait en revanche le rachat d'actions sans réduction du capital, sur le fondement du fait qu'une société ne peut être à la fois créancière et débitrice d'elle-même et que le capital social peut être vu comme le gage des créanciers et que sa réduction leur porte atteinte, mais aussi en vertu de la crainte de voir une sociétés spéculer sur ses propres titres.

L'article 217-1 prévoyait toutefois une dérogation pour le cas où le rachat se ferait en faveur des salariés. Les actions devaient alors être attribuées ou les options consenties dans le délai d'un an à compter de l'acquisition.

L'article 41 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier est venu modifier les articles 217 et suivants de la loi de 1966, désormais codifiés aux articles L. 225-206 et suivants du code de commerce, et a transformé le principe d'interdiction, pour la société, de souscrire ou d'acheter ses propres actions (sauf en cas de réduction de capital non motivée par des pertes), en principe d'autorisation. À partir de cette loi, seule est interdite la souscription d'actions d'une société par elle-même, l'achat devenant autorisé, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 225-207 à L. 225-217, L. 22-10-62, L. 22-10-64 et L. 22-10-65 du code de commerce.

Dans le contexte de libéralisation financière de l'époque, cette évolution se fondait sur des justifications économiques avancées par le Gouvernement de l'époque : « grâce à cette technique, les sociétés ayant atteint un stade de maturité avancé peuvent rendre leurs capitaux excédentaires au marché, ce dernier finançant ainsi l'investissement d'autres sociétés, en phase de croissance ou de développement rapide »508(*).

La possibilité d'achat d'actions au bénéfice des salariés demeure à l'article L. 225-208 du code de commerce qui dispose, dans sa rédaction actuelle, que « les sociétés qui font participer leurs salariés à leurs résultats par attribution de leurs actions, celles qui attribuent leurs actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du présent code et celles qui consentent des options d'achat de leurs actions dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 et suivants peuvent, à cette fin, racheter leurs propres actions. Les actions doivent être attribuées ou les options doivent être consenties dans le délai d'un an à compter de l'acquisition ».

2. Des opérations critiquées, notamment pour les inégalités de répartition de la valeur ajoutée qu'elles entraînent

Les critiques à l'égard des opérations de rachat d'action ne sont pas nouvelles. À la fin de L'Argent, roman d'Émile Zola publié en 1891, le personnage principal, Maxime Saccard, directeur de la Banque Universelle - dont le modèle était l'Union générale de Paul Eugène Bontoux -, rachète, malgré l'interdiction en vigueur, les actions de sa société pour en faire remonter les cours et faire revenir la confiance d'investisseurs désabusés par ses errements. Pendant un certain temps, l'on peut croire que l'opération fonctionne, voire que la Banque Universelle sera sauvée, mais le subterfuge ne dure pas, et elle fait faillite. La critique d'une pratique désordonnée servant inutilement à soutenir une société dont les fondamentaux sont altérés est à peine voilée.

Le renforcement de ces pratiques dans le contexte de financiarisation de l'économie a pu également susciter des critiques d'ordre plus « économique » : soumises à la pression d'actionnaires - investisseurs individuels et investisseurs institutionnels - susceptibles de retirer leurs fonds s'ils perçoivent un risque de perte, y compris dans le court-terme, les entreprises peuvent être poussées à racheter leurs actions pour maintenir leur activité au lieu d'investir. Des économistes ont ainsi montré qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni, les levées de capitaux sont devenues inférieures aux rachats de leurs propres actions par les entreprises, ce qui indiquerait que les marchés, au lieu d'être source de financement des entreprises, bénéficient maintenant de leurs financements509(*).

Plus récemment, dans un contexte où le niveau d'inflation pénalise les salaires réels, le développement des programmes de rachats d'actions est critiqué : pour certains, les sommes utilisées pour ces rachats, pourraient bénéficier aux salariés (par une augmentation de leur salaire ou de leurs primes, par une plus grande participation et un meilleur intéressement...). Au lieu de cela, les rachats permettent, en particulier lorsqu'ils s'accompagnent d'une annulation, de faire augmenter la valeur boursière des actions restantes. Ils permettent aussi d'augmenter le bénéfice par action. Les dirigeants, dont la rémunération est composée d'actions pour une part croissante, ont intérêt à y avoir recours.

Au total, les rachats d'actions par les grands groupes du CAC 40 auraient représenté 23,7 milliards d'euros en 2022510(*). Les enveloppes prévues dans les programmes annoncés par certaines grandes entreprises affichent également des montants élevés : 600 millions d'euros pour EssilorLuxottica, 1 milliard d'euros pour Safran, 2 milliards d'euros par trimestre pour Total. 19 milliards d'euros ont été engagés en ce sens par les sociétés françaises au premier trimestre 2023, contre 7,4 milliards d'euros sur la même période en 2022, avant de ralentir à la suite de déclarations hostiles aux rachats d'actions de la part du Président de la République511(*) : « il y a quand même un peu de cynisme à l'oeuvre, quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions (...). Il faut trouver la bonne technique » pour que les entreprises qui « sont en train d'acheter leurs actions distribuent davantage à leurs salariés »512(*).

C. L'ARTICLE 5 DU PROJET DE LOI « PARTAGE DE LA VALEUR » VISE À PERMETTRE UNE RÉPARTITION PLUS ÉQUITABLE DE LA VALEUR EN CAS D'AUGMENTATION EXCEPTIONNELLE DES BÉNÉFICES

L'article 5 du projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise comprend des dispositions visant à encourager, en cas d'augmentation exceptionnelle des bénéfices, une répartition plus équitable de ceux-ci513(*).

En son I, il impose notamment aux entreprises d'au moins 50 salariés qui disposent d'un délégué syndical de négocier sur les conséquences d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice de l'entreprise dans le cadre des dispositifs de partage de la valeur.

Une liste de critères à prendre en compte dans la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice a été ajoutée par l'Assemblée nationale : il s'agit notamment de la taille de l'entreprise, son secteur d'activité, ses bénéfices des années précédentes ou des éléments exceptionnels externes à l'entreprises intervenus avant réalisation du bénéfice. Cette liste visait à répondre au risque de censure constitutionnelle pour incompétence négative souligné par l'avis rendu par le Conseil d'État sur le projet de loi.

Le partage de la valeur peut être mis en oeuvre par le versement d'un supplément de participation, d'un supplément d'intéressement, ou par l'ouverture d'une nouvelle négociation visant à mettre en place un dispositif d'intéressement, abonder un plan d'épargne salariale, ou verser la prime de partage de la valeur prévue à l'article 1er de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Son II précise que les entreprises qui disposent déjà d'un accord d'intéressement au moment de l'entré en vigueur de la loi engagent une négociation sur ce même thème avant le 30 juin 2024.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA REPRISE DE L'ARTICLE 5 DU PROJET DE LOI « PARTAGE DE LA VALEUR » ASSORTI D'UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES RACHATS D'ACTIONS DANS LA DÉFINITION DE L'AUGMENTATION EXCEPTIONNELLE DE BÉNÉFICES

Le présent article est issu d'un amendement de Mathieu Lefèvre et Louis Margueritte, ce dernier ayant été rapporteur du projet de loi « partage de la valeur » à l'Assemblée nationale.

Il vise, en son I, à soumettre l'attribution aux salariés d'actions résultant d'opérations de rachat d'actions aux régimes fiscaux prévus par les articles 80 bis, 80 quaterdecies et 163 bis G du code général des impôts.

Ses II et III reprennent les I et II de l'article 5 du projet de loi « partage de la valeur ». Seule une légère modification est apportée par le II du présent article puisqu'il prévoit que la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice prenne également en compte la survenance d'une ou plusieurs opérations de rachat d'actions de l'entreprise suivie de leur annulation, dès lors que ces opérations n'ont pas été précédées des attributions d'actions gratuites aux salariés. Cela signifie que, dans le cas où de telles opérations auraient eu lieu, elles doivent permettre de déterminer s'il y a eu, ou non, augmentation exceptionnelle des bénéfices et s'il y a lieu, ou non, d'en tirer les conséquences prévues à l'article 5 du projet de loi « partage de la valeur ».

Le IV établit que les sommes correspondant aux suppléments de participation et d'intéressement mis en oeuvre en tant que dispositifs de partage de la valeur sont imposées dans les conditions de droit commun de l'intéressement et de la participation.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SUPPRESSION D'UN DISPOSITIF QUI RELÈVE DE LA COMMUNICATION POLITIQUE ET DE LA MAUVAISE PRATIQUE PARLEMENTAIRE

A. UNE TAXE GÉNÉRALE SUR LES RACHATS D'ACTIONS NON RETENUE AU PROFIT D'UNE DISPOSITION DE REPLI QUI N'A, POUR L'ESSENTIEL, AUCUN LIEN AVEC UNE LOI DE FINANCES

Comme on l'a rappelé, le contexte actuel est plutôt critique à l'égard des rachats d'actions. Ainsi, les États-Unis ont institué, dans l'Inflation Reduction Act promulgué en août 2022, une taxe de 1 % sur les rachats d'actions mise en place à compter de janvier 2023. Le président Joe Biden a déjà proposé de quadrupler son taux. En Europe, y compris en France, seuls les plus-values sont taxées.

La déclaration du Président de la République lors de son interview télévisée du 22 mars 2023, si elle ne constituait pas un engagement en faveur d'une telle taxation, laissait présager une action déterminée pour mieux répartir la valeur dans l'entreprise. Au sein de la majorité présidentielle, des tendances peu favorables à ces opérations sont apparues, surtout lorsque le rachat d'actions s'accompagne d'une annulation. C'est dans ce contexte qu'est intervenue l'adoption, en commission des finances de l'Assemblée nationale, d'un amendement du président du groupe Modem Jean-Paul Mattei visant à instituer une taxe de 1 % sur les rachats d'actions. Cette adoption n'a pas prospéré puisque l'amendement n'a pas été repris dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elle dénote toutefois un certain flottement politique.

Prenant acte de l'émotion soulevée par ces pratiques, le ministre des comptes publics a déclaré être prêt à « avancer sur ce sujet »514(*).

Finalement, à défaut de la taxation proposée, la disposition retenue, qui fait l'objet du présent article, n'est, pour l'essentiel, pas du domaine des lois de finances, et donc non conforme à la Constitution - et, pour l'accessoire, le doute est permis.

En effet, les II à IV du présent article n'ont aucune incidence directe sur les finances de l'État. Ils traitent de la mise en oeuvre de dispositifs d'épargne salariale dans le cadre de négociations au sein de l'entreprise, et n'ont donc pas d'impact fiscal.

La précision, prévue au IV, selon laquelle les suppléments d'intéressement et de participation sont imposés dans les conditions de droit commun de l'intéressement et de la participation étant tautologique et donc neutre juridiquement - car en son absence, rien ne permet de penser qu'il en serait autrement -, elle ne permet pas de rattacher au domaine des lois de finances les II et III, et de modifier l'appréciation que l'on peut porter sur la conformité à la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, et donc à la Constitution, de ces dispositions.

Ces dispositions avaient parfaitement leur place dans le projet de loi « partage de la valeur ».

Quant au I du présent article, il est permis de douter de sa conformité à la Constitution en ce qu'il semble, lui aussi, juridiquement neutre. Il pourrait toutefois permettre de sécuriser juridiquement des situations où les titres attribués aux salariés à la suite de rachats d'actions pourraient ne pas être soumis au même régime fiscal que si ces rachats d'actions n'avaient pas eu lieu.

Par ailleurs, le dispositif du II ne permettrait très vraisemblablement pas de réduire les rachats d'actions, mais permettrait seulement, si le rachat d'actions permettait de caractériser une augmentation exceptionnelle des bénéfices (ce qui n'a rien de moins que de très hypothétique puisqu'il s'agirait seulement de l'un des critères utilisés pour définir cette augmentation), d'imposer la mise en place d'un dispositif de partage de la valeur au sein de l'entreprise.

B.UN ENJAMBEMENT DE LA DISCUSSION PARLEMENTAIRE NORMALE ÉMINEMMENT CONTESTABLE ET QUI AURAIT FACILEMENT PU ÊTRE ÉVITÉ

Rappelons également que le présent article résulte d'un amendement dont le rapporteur du projet de loi « partage de la valeur » lui-même est co-auteur. Il enjambe ainsi le projet de loi dont il est lui-même rapporteur, en déposant, le 17 octobre 2023515(*), un amendement qui reprend pour l'essentiel l'article 5 du ce projet de loi, et le modifie alors même que le texte vient d'être adopté au Sénat. C'est là s'affranchir, en amont de la commission mixte paritaire, des règles élémentaires de la discussion parlementaire.

Plus grave, en retenant cet amendement, le Gouvernement s'y montre également favorable. Il aurait donc dû - il en avait la possibilité - le déposer lors de l'examen du projet de loi « partage de la valeur », qui était le véhicule législatif pertinent.

La manoeuvre est difficile à saisir, puisque le Gouvernement s'était engagé à transcrire fidèlement de la volonté des partenaires sociaux dans la loi. La description des critères à prendre en compte pour qualifier une augmentation exceptionnelle du bénéfice, si elle a certes été plus loin que l'accord national interprofessionnel (ANI), était faite pour sécuriser le dispositif et éviter une incompétence négative, tout en laissant une marge suffisante aux partenaires sociaux dans le dialogue social.

Ce faisant le rapporteur du projet de loi au Sénat, Frédérique Puissat, a estimé que l'Assemblée nationale n'avait pas trahi l'intention de l'ANI : « elle concilie de manière satisfaisante le besoin de sécurisation juridique du dispositif au regard du risque d'incompétence négative, et la volonté de conserver des marges de manoeuvre au dialogue social afin d'adapter le dispositif à la nature de l'entreprise et de l'activité concernées ». Au contraire, le Gouvernement semble remettre en cause un accord intervenu entre les deux chambres du Parlement.

Précisons enfin que la modification apportée dans le II du présent article au dispositif de l'article 5 du projet de loi « Partage de la valeur » a été intégrée au texte issu de la commission mixte paritaire (CMP), de sorte que la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice prenne en compte la survenance d'une ou plusieurs opérations de rachat d'actions de l'entreprise suivie de leur annulation, dès lors que ces opérations n'ont pas été précédées des attributions d'actions gratuites aux salariés516(*). L'article 5 tertricies, vidé de sa substance, en est d'autant plus inutile.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances propose, par l'adoption de l'amendement n° I-194 (FINC-37), de supprimer cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 quatertricies (nouveau)

Régime fiscal des chronométreurs officiels des jeux Olympiques

Le présent article prévoit d'étendre les exonérations d'impôt dont bénéficie le chronométreur officiel des jeux Olympiques et Paralympiques à ses filiales.

Ces avantages fiscaux découlent de l'engagement pris auprès du Comité international olympique (CIO) lors de la conclusion du contrat de ville hôte le 13 septembre 2017.

Le coût des exonérations au profit du chronométreur officiel des jeux est estimé à 4 millions d'euros. Le surcoût engendré par l'extension des exonérations aux entreprises contrôlées par le chronométreur n'est pas évalué, mais il devrait rester limité pour les finances publiques. Une recension complète des dépenses fiscales au profit des jeux Olympiques et Paralympiques serait néanmoins souhaitable.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE CHRONOMÉTREUR OFFICIEL DES JEUX BÉNÉFICIE DE PLUSIEURS EXONÉRATIONS FISCALES

L'article 128 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoit que le chronométreur officiel des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 n'est pas redevable de plusieurs impositions au titre des sommes perçues du comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP).

Trois types d'imposition étaient visés dans la version initiale de l'article :

- l'impôt sur les sociétés ;

- l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

- la retenue à la source sur les revenus non salariaux tirés de la propriété intellectuelle ou commerciale ou de droit assimilés ainsi que sur les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France.

L'article 29 de la loi n°2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a par la suite étendu les exonérations fiscales au bénéfice du chronométreur officiel à la participation de l'employeur à l'effort de construction (PEEC).

L'ensemble de ces exonérations étaient prévues par le contrat de ville hôte qui avait été conclu avec le Comité international olympique (CIO) le 13 septembre 2017.

Extrait du contrat de ville hôte
conclu avec le Comité international olympique

22.3 Tout versement et autres contributions de la part du CIO, d'Entités contrôlées par le CIO et/ou du Chronométreur officiel au COJO seront totalement affectés à la planification, à l'organisation, au financement et à la tenue des Jeux, et les revenus de ces parties en lien avec les Jeux seront pleinement alloués au développement du Mouvement olympique et à la promotion du sport conformément à la Charte olympique. Pour cela, le CIO, toute Entité contrôlée par le CIO et/ou le Chronométreur officiel ne seront pas sujets à ou redevables dans le Pays hôte d'impôts directs ou indirects sur les versements en leur faveur effectués par le COJO au titre de revenus générés en relation avec les Jeux, ni sur les versements effectués par ces parties au COJO (notamment, pour plus de clarté, les versements effectués en contrepartie des services fournis par le COJO ou par son intermédiaire).

Source : contrat de ville hôte du 13 septembre 2017

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXTENSION DES EXONÉRATIONS FISCALES DONT BÉNÉFICIE LE CHRONOMÉTREUR OFFICIEL DES JEUX AUX ENTREPRISES QU'IL CONTRÔLE

Le présent article est issu de la reprise dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, d'un amendement déposé par le député François Cormier-Bouligeon et plusieurs de ses collègues.

Il étend les exonérations d'impôt précédemment évoquées aux filiales du chronométreur officiel des jeux Olympiques et Paralympiques. Au titre du 12 de l'article 36 du code général des impôts, une entreprise dépend d'une autre lorsque l'une détient directement, ou par personne interposée, la majorité du capital social de l'autre, ou y exerce le pouvoir de décision.

Deux entreprises sont également en dépendance lorsqu'elles se trouvent, dans les conditions précédemment décrites, en dépendance d'une même entreprise tierce.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION DES EXONÉRATIONS D'IMPÔTS AU BÉNÉFICE DES FILLIALES DU CHRONOMÉTREUR DES JEUX QUI DÉCOULE DES ENGEMENTS PRIS LORS DE LA SIGNATURE DU CONTRAT DE VILLE HÔTE

Comme les précédentes exonérations établies au bénéfice du chronométreur officiel des jeux, l'extension des avantages fiscaux aux entreprises contrôlées par lui découle directement des engagements pris auprès du CIO lors de la signature du contrat de ville hôte.

En effet, le point 22.3 du contrat énonce que « toute Entité contrôlée par le CIO et/ou le Chronométreur officiel ne seront pas sujets à ou redevables dans le Pays hôte d'impôts directs ou indirects sur les versements en leur faveur effectués par le COJO au titre de revenus générés en relation avec les Jeux, ni sur les versements effectués par ces parties au COJO ».

Il est estimé que les exonérations fiscales en faveur du chronométreur officiel des jeux coûteront environ 4 millions d'euros sur la période 2022 à 2025. L'extension de ces exonérations aux filiales du chronométreur conduirait à une hausse de cette dépense fiscale, qui n'est pas évaluée. Toutefois, le coût pour les finances publiques devrait rester limité.

Il conviendrait néanmoins que soit menée une recension complète des dépenses fiscales en faveur des jeux Olympiques et Paralympiques. En effet, il est regrettable que le budget pour 2024 ne permette pas d'en avoir une vision consolidée.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 quintricies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt « haute valeur environnementale » (HVE)

Le présent article prévoit de proroger en 2024 le crédit d'impôt au bénéfice des entreprises agricoles qui disposent d'une certification d'exploitation à haute valeur environnementale (HVE).

La certification environnementale compte trois niveaux, dont le plus élevé ouvre droit à la mention exploitation de « Haute valeur environnementale », délivrée par la Commission nationale de certification environnementale. La certification a pour objectif d'encourager la mise en place de pratiques agricoles respectueuses des écosystèmes.

La certification HVE a connu une forte progression sur les dernières années : au 1er janvier 2023, on compte 36 225 exploitations qui bénéficient du label, contre 841 en 2018. Toutefois, l'efficacité réelle de la certification HVE en termes de développement de pratiques agricoles favorables à l'environnement a soulevé des interrogations. Il est possible également que l'efficacité du crédit d'impôt soit limitée par des effets d'aubaine.

Néanmoins, le développement rapide de la certification invite à la prudence quant à une éventuelle suppression du crédit d'impôt. Si le label doit être réformé, il est préférable que l'évolution porte en premier lieu sur les indicateurs utilisés.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR LES ENTREPRISES AGRICOLES DISPOSANT D'UNE CERTIFICATION D'EXPLOITATION À HAUTE VALEUR ENVIRONNEMENTALE

L'article 151 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a créé un crédit d'impôt « Haute valeur environnementale » (HVE), d'un montant de 2 500 euros, au bénéfice des entreprises agricoles qui disposent d'une certification d'exploitation à haute valeur environnementale.

La certification environnementale compte trois niveaux, dont le plus élevé ouvre droit à la mention exploitation de « Haute valeur environnementale » (HVE), délivrée par la Commission nationale de certification environnementale.

Aux termes de l'article D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime, la certification « atteste du respect, pour l'ensemble de l'exploitation agricole, des seuils de performance environnementale portant sur la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de la ressource en eau, mesurés par des indicateurs composites. »

Les seuils en question sont déterminés par l'arrêté du 20 juin 2011 arrêtant les seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles et les indicateurs les mesurant517(*).

L'obtention de la certification est déterminée en additionnant des points obtenus pour le respect d'exigences écologiques. Pour obtenir la certification HVE, il est nécessaire d'obtenir 10 points sur chacune des quatre thématiques évaluées, qui sont la biodiversité, les grandes cultures et prairies temporaires, la gestion de la fertilisation, et la gestion de l'irrigation.

Le tableau suivant donne, à titre d'exemple, un extrait du tableau qui présente les critères pour obtenir des points sur la thématique de la biodiversité.

Extrait du tableau I. 1 (indicateur biodiversité)
de l'annexe de l'arrêté du 20 juin 2011

Items

Note en nombre de points

Nombre d'espèces végétales cultivées

Si le poids de la culture principale en % de la surface agricole utilisée est inférieur ou égal à 60 %

0 point pour 5 espèces ou moins

1 point pour 6 espèces

1 point par espèce supplémentaire

Plafond à 5 points

Si le poids de la culture principale en % de la surface agricole utilisée est supérieur à 60 %

0 point pour 5 espèces ou moins

1 point pour 6 espèces

1 point par espèce supplémentaire

Plafond à 6 points

Espèces animales

Nombre d'espèces animales élevées (hors abeille)

1 point pour 2 espèces

2 points pour 3 espèces

3 points pour 4 espèces ou plus

Présence de ruches

1 point si oui

Source : commission des finances, d'après l'arrêté du 20 juin 2011 arrêtant les seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles et les indicateurs les mesurant

Le 2 de l'article 151 de la loi de finances pour 2021 précise que le montant cumulé du crédit d'impôt HVE, du crédit d'impôt pour le mode de production biologique (article 244 quater L du code général des impôts), et des aides accordées par des institutions publiques en vue de la certification d'exploitation HVE, ne peut excéder 5 000 euros. Si c'est le cas, le montant du crédit d'impôt HVE est diminué de l'excédent.

Le crédit d'impôt est imputable sur l'impôt sur le revenu ou sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise agricole. Si le montant du crédit d'impôt excède le montant de l'impôt dû, l'excédent est restitué.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA PROLONGATION DU CRÉDIT D'IMPÔT EN 2024

Le présent article est issu d'un amendement déposé par la députée Lise Magnier et plusieurs de ses collègues.

Il proroge en 2024 le crédit d'impôt « Haute valeur environnementale ».

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN CRÉDIT D'IMPÔT ADOSSÉ À UNE POLITIQUE QUI A CONNU UN DÉVELOPPEMENT IMPORTANT SUR LES DERNIÈRES ANNÉES

La certification Haute valeur environnementale a été créée par l'article 109 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite loi Grenelle 2). La certification est censée garantir que les entreprises agricoles qui en bénéficient ont des pratiques respectueuses des écosystèmes.

L'objectif du plan biodiversité du 4 juillet 2018 était de développer le label « Haute valeur environnementale » pour atteindre 15 000 exploitations certifiées en 2022 et 50 000 en 2030. Au 1er janvier 2018, 841 exploitations étaient certifiées HVE.

Les objectifs du plan sont en voie d'être atteints, et ils seront même vraisemblablement dépassés. En effet, au 1er janvier 2023, on compte 36 225 exploitations qui bénéficient du label « Haute valeur environnemental », et ce chiffre est en forte augmentation sur les dernières années.

Nombre d'exploitations qui disposent de
la certification « haute valeur environnementale

Source : commission des finances

Si la progression du label est une bonne nouvelle, il convient de s'assurer que les effets d'aubaine du crédit d'impôt soient limités, sachant que la labellisation comprend d'autres avantages, comme la possibilité d'utiliser le logo « Haute valeur environnementale ». La certification HVE fait également partie des certifications permettant d'accéder aux aides de l'écorégime de la future Politique agricole (PAC).

En outre, l'incitation réelle aux pratiques vertueuses de la certification « Haute valeur environnementale » soulève des interrogations. Une étude pilotée par l'Office français de la biodiversité, et commandée par le Ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le Ministère de la transition écologique, conclut que « les modalités de calcul des indicateurs ne garantissent pas la mise en oeuvre de pratiques favorables pour les quatre indicateurs de la voie A, et ne garantissent donc pas non plus l'engagement des exploitations dans une démarche agroécologique ambitieuse, et ce pour la plupart des filières »518(*). Le rapport préconise ainsi une évolution du cahier des charges de la certification.

Par ailleurs, le coût de cette dépense fiscale n'est pas négligeable. Il est évalué à 33 millions d'euros en 2022, et il est prévu qu'il soit de 42 millions d'euros en 2023.

Le II de l'article 53 de la loi n° 2022-1726 prévoit justement qu'un rapport évaluant l'efficacité de ce crédit d'impôt devait être transmis au Parlement avant le 30 septembre 2023. Il est regrettable que le rapport n'ait pas été rendu, car il aurait pu apporter un éclairage utile à l'examen de cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 sextricies (nouveau)

Prorogation du crédit d'impôt « haute valeur environnementale » (HVE)

Le présent article résulte de la reprise par le Gouvernement, dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, d'un amendement déposé par la députée Laure Miller et plusieurs de ses collègues. Il poursuit le même objectif que l'article 5 quintricies mais dans une rédaction moins aboutie. S'agissant du fond du dispositif, il est donc renvoyé au commentaire de l'article 5 quintricies.

Sur la forme, on ne peut que s'étonner que le Gouvernement n'ait pas choisi le dispositif de l'amendement qui lui paraissait le plus abouti dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Il en résulte que le texte transmis au Sénat contient des dispositions qui sont juridiquement concurrentes et par la même inapplicables. Le souhait d'afficher le plus grand nombre et le plus large spectre politique d'amendements retenus a dû motiver ce mauvais choix, qui s'est fait au détriment de clarté du texte et des débats.

Le rapporteur général a déposé un amendement FINC-38, adopté par la commission des finances, conduisant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 5 septricies (nouveau)

Suppression de l'exonération d'imposition sur les bénéfices associée au dispositif des JEI

Le présent article prévoit la suppression du volet fiscal du dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI).

Cette suppression est assortie d'une entrée en vigueur progressive et ne serait applicable qu'aux jeunes entreprises innovantes (JEI) créées postérieurement au 31 décembre 2023. L'extinction définitive du volet fiscal, et partant des dépenses fiscales associées, qui sont estimées à 12 millions d'euros en 2023, ne devrait pas intervenir avant 2032.

La suppression du volet fiscal du dispositif des JEI permet de recentrer ce dispositif sur son volet social, qui représente 96% du soutien à ces entreprises, et elle est cohérente avec le modèle de ces entreprises qui dégagent souvent un bénéfice limité pendant leurs premières années d'exploitation.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DISPOSITIF DES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES (JEI) PRÉVOIT L'OCTROI D'AVANTAGES FISCAUX ET SOCIAUX À DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (PME) POUR FAVORISER LES DÉPENSES DE RECHERCHE

S'agissant du droit applicable aux jeunes entreprises innovantes (JEI), il est renvoyé au commentaire de l'article 5 decies du présent projet de loi au sein du présent rapport.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA SUPPRESSION DU VOLET FISCAL DU DISPOSITIF DES JEI

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement du député Paul Midy et de plusieurs de ses collègues.

Cet article prévoit la suppression, pour les jeunes entreprises innovantes (JEI) créées postérieurement au 31 décembre 2023, du volet fiscal du dispositif des JEI. Par conséquent, les JEI créé à compter de cette date ne bénéficieraient plus d'un avantage fiscal spécifique pour leurs deux premiers exercices bénéficiaires.

Le rapporteur général relève que, pour ne pas pénaliser les jeunes entreprises innovantes bénéficiant déjà actuellement du dispositif, le présent article prévoit une entrée en vigueur progressive, assimilable à une « clause du grand-père ».

En effet, le présent article prévoit que l'avantage fiscal continu de s'appliquer aux entreprises créées entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2023.

Ces conditions d'entrée en vigueur progressive appellent deux remarques du rapporteur général.

En premier lieu, l'extinction effective du volet fiscal des JEI ne devrait pas intervenir avant 2032, étant donné que les jeunes entreprises innovantes créées en 2022 continueront à se voir appliquer le volet fiscal, dans le délai alors en vigueur de moins de onze ans après leur création.

En deuxième lieu, la réduction de la dépense fiscale ne sera pas immédiate. Alors que le volet fiscal du dispositif des JEI bénéficie actuellement à 480 entreprises pour un coût estimé à 12 millions d'euros en 2023, le présent article n'aura pas pour effet d'annuler ce coût dès l'exercice 2024. En effet, une dépense fiscale continuera d'être constatée jusqu'à l'extinction du volet fiscal. Par conséquent, l'estimation de 15 millions d'euros d'économies dès 2024 du fait de la suppression du volet fiscal du dispositif, qui figure dans un rapport que l'auteur de l'amendement a remis au Gouvernement en juin 2023519(*), ne correspond pas au dispositif retenu et à son mécanisme d'entrée en vigueur progressive.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE RECENTRAGE DU DISPOSITIF DES JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES (JEI) SUR SON VOLET SOCIAL PERMET DE RÉDUIRE LES DÉPENSES FISCALES SANS REMETTRE EN CAUSE LE SOUTIEN PUBLIC À L'INNOVATION

En préambule, et sans préjudice du bien-fondé du dispositif du présent article, le rapporteur général relève que le choix du Gouvernement de proposer la suppression du volet fiscal du dispositif des JEI, en retenant le présent article dans son texte, n'est pas cohérent avec le choix fait par le Gouvernement il y a un seulement un an lorsqu'il a retenu dans le texte du projet de loi de finances transmis au Sénat des dispositions ayant pour objet de proroger d'un an ce même volet fiscal du dispositif des JEI520(*). À l'époque, le rapporteur général avait accepté la prorogation tout en souhaitant qu'un rapport soit enfin rendu pour évaluer précisément ce dispositif.

Le rapporteur général estime que la proposition de réduire le coût du dispositif des JEI en renforçant sa cohérence et sans remettre en cause l'essentiel du soutien apporté aux entreprises bénéficiant de ce statut est opportune.

En premier lieu, comme il a été préalablement rappelé, le volet fiscal du dispositif ne représente que 4 % des dépenses publiques associées au dispositif. Ce recentrage permettra par conséquent de conserver l'effort public au soutien des jeunes entreprises innovantes (JEI) à hauteur de 96 %.

En second lieu, le rapporteur général relève que les jeunes entreprises innovantes (JEI), du fait de leur activité, réinvestissent le plus souvent une grande partie de leurs produits pour se développer ou améliorer leur offre. Par conséquent, une proportion importante de ces entreprises génère un bénéfice limité pendant les années qui suivent leur création et le fait de leur octroyer un avantage fiscal lié à leur bénéfice n'apparaît pas comme le levier le plus pertinent pour favoriser leurs dépenses de recherche.

Par conséquent, le rapporteur général est favorable à la suppression du volet fiscal du dispositif des JEI proposée.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5 octotricies (nouveau)

Création d'une déduction pour stock de vaches

Le présent article prévoit la mise en place d'un régime provisoire de déduction pour stock de vaches allaitantes ou laitières dans la détermination du bénéfice réel d'une exploitation agricole.

La commission des finances propose l'adoption de cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME RÉÉL D'IMPOSITION DES BÉNÉFICES AGRICOLES QUI RÉPOND AUX PRINCIPES GÉNÉRAUX DES ENTREPRISES INDUSTRIELLES ET COMMERCIALES

Au plan fiscal, sur le fondement de l'article 72 du code général des impôts et des références qui y sont visées, le bénéfice réel d'une exploitation agricole « est déterminé et imposé selon les principes généraux applicables aux entreprises industrielles et commerciales ».

Ainsi, les stocks de vaches laitières et allaitantes d'une exploitation agricole sont, par principe, évalués sur la base de leur coût de revient.

L'article 72 B bis prévoit toutefois que l'exploitant agricole peut choisir, pour cinq années, avec reconduction tacite à l'issue de cette période, l'option consistant à apprécier la valeur d'un stock de produits ou d'animaux de manière forfaitaire, à partir du prix de la viande bovine évalué au cours du jour de clôture de l'exercice précédent celui du choix opéré. Cette option conduit ainsi à bloquer la valeur du stock pendant toute sa durée.

L'exploitant peut adresser une renonciation à cette option, au service des impôts, dans le délai de dépôt de déclaration des résultats du dernier exercice de chaque période d'option521(*).

Le calcul du bénéfice réel de l'exploitant agricole tient compte de nombreuses règles de déductibilités, ponctuelles ou permanentes, dont la principale relève de la déduction pour épargne de précaution (DEP) prévue à l'article 73 du code général des impôts522(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

L'article 5 octotricies est issu de trois amendements identiques, repris par le Gouvernement, dont l'un a été déposé par Mme Sandrine Le Feur et plusieurs de ses collègues, un autre par M. Thierry Benoit et plusieurs de ses collègues et le dernier par M. Pascal Lecamp et plusieurs de ses collègues. Déposés en vue de la séance publique, ces amendements n'ont pu être débattus mais le dispositif proposé a été repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sur responsabilité sur le fondement du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution et désormais considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Le 1er alinéa du I de l'article 5 octotricies instaure une déduction fiscale temporaire qui vise à lisser en partie l'imposition résultant de l'augmentation de la valeur des stocks de vaches laitières et allaitantes.

Les exploitants imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles523(*) et soumis à un régime réel d'imposition seront ainsi temporairement autorisés à pratiquer une déduction de leur résultat imposable lorsque, à la clôture d'un exercice, il sera constaté une valeur unitaire des stocks de vaches laitières et de vaches allaitantes supérieure d'au moins 10 % à celle constatée à l'ouverture de l'exercice précédent ou à l'ouverture de l'exercice considéré, sans que soit, dans ce dernier cas, pris en compte la déduction extracomptable supplémentaire résultant du présent dispositif.

En pratique, ces règles empêcheront que soient cumulés le présent dispositif et celui du blocage de la valeur des stocks à rotation lente prévu à l'article 72 B bis précité du code général des impôts, compte tenu des règles de levée d'option (cf. supra), ce que le dispositif acte au dernier alinéa du I.

Comme à l'accoutumée pour les règles de déductibilité, un plafond, en l'espèce égal à 150 euros par vache inscrite en stock, pour un total maximum de 15 000 euros par exercice, est prévu au deuxième alinéa du I.

Par ailleurs, sont exclus du dispositif, à l'avant-dernier alinéa du I, les bovidés utilisés comme animaux de trait ou affectés exclusivement à la reproduction, c'est-à-dire, au sens fiscal, les « animaux considérés par le contribuable comme des immobilisations amortissables en application du II de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III au code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 13 octobre 2023 » qui sont considérés hors stock, comme c'est aussi le cas, par ailleurs, des chevaux de course mis à l'entrainement et des chevaux de concours soumis à un entraînement en vue de la compétition.

Ainsi que le prévoient l'antépénultième alinéa du I et le II, la déduction, qui pourra être pratiquée au titre des exercices clos à compter du 1er janvier 2023 et jusqu'au 31 décembre 2024, devra être rapportée au résultat imposable de l'exercice de cession ou de sortie de l'actif de l'animal. Cette déduction pourra être comptabilisée au plus tard, lors du sixième exercice suivant celui au titre duquel la déduction a été pratiquée.

Enfin, le dispositif de l'article 5 octrotricies, en son III, conditionne le droit de bénéficier de cette déduction au respect du règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l'agriculture, c'est-à-dire au respect, au niveau national et de chaque entreprise unique, du plafond sur les aides versées en dehors du dispositif de contrôle des aides d'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : L'ADOPTION SANS MODIFICATION DE L'ARTICLE 5 OCTOTRICIES.

Dans un contexte marqué par la hausse inédite des coûts de production, en particulier des matières premières agricoles depuis le début du conflit ukrainien, le rapporteur général considère que la pérennité de la filière bovine, en particulier d'élevage allaitant et laitier, menacée, justifiait l'adoption du dispositif porté au présent article 5 octotricies.

En effet, les règles de valorisation de droit commun des stocks agricoles peuvent se traduire par une majoration du bénéfice imposable du fait de l'augmentation de la valeur des stocks à rotation lente, ceux qui ont vocation, par définition, à demeurer sur plusieurs exercices au sein de l'exploitation.

Ainsi, la hausse des prix des matières premières agricoles et du cours de la viande, entre autres en raison du conflit ukrainien et plus généralement de tous les facteurs inflationnistes actuels, a artificiellement augmenté la valeur fiscale de référence des vaches laitières et des vaches allaitantes.

Bien que, là encore, le dispositif des trois amendements repris par le Gouvernement à l'occasion de l'engagement de sa responsabilité sur le fondement du troisième alinéa de l'article 49 ne contienne aucune évaluation chiffrée, ni sur le nombre d'exploitants concernés, ni d'estimation du nombre de têtes, pas plus que sur le coût global de la dépense fiscale, la commission des finances a estimé que l'objet poursuivi, couplé à la présence de plafonds raisonnables dans le dispositif, justifiaient l'adoption du présent article, afin de limiter les effets sur la détermination du résultat imposable des méthodes de valorisation des stocks de vaches laitières et allaitantes, qui semblent aujourd'hui decorrélées de la réalité économique de l'exploitation, dans un secteur durement touché économiquement depuis.

Décision de la commission : la commission des finances propose l'adoption de cet article sans modification.

ARTICLE 6

Aménagement de la fiscalité du logement

Le présent article prévoit de :

- proroger le dispositif du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'en 2027, en supprimant son attribution pour les logements neufs dans les zones non tendues et en élargissant ses modalités d'accès à de nouveaux publics ;

- proroger le dispositif de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) jusqu'en 2028, en étendant notamment son périmètre au « prêt avance mutation » et en aménageant les conditions d'accès au prêt des syndicats de copropriétaires ;

- d'étendre le régime fiscal (taux réduit de TVA et exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés non bâties) du logement locatif intermédiaire à de nouveaux périmètres ainsi qu'à de nouvelles catégories de logements et de bénéficiaires ;

- d'introduire, pour les opérations de réhabilitation lourde de logements sociaux âgés de plus de quarante ans, un dispositif d'exonération de TVA et d'exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés bâties similaires à celui qui est applicable aux logements sociaux neufs ;

- de réduire le périmètre du crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en lien avec l'instauration, au 1er janvier 2024, de la nouvelle aide « MaPrimeAdapt' » ;

- de supprimer les conditions de zonage applicables aux opérations de rénovation et de réhabilitation des logements sociaux dans les départements et les régions d'outre-mer.

Outre un amendement I-196 (FINC.39) rédactionnel, la commission a adopté, sur la proposition du rapporteur général :

- un amendement I-197 (FINC.40) qui rend facultative, sur délibération des collectivités territoriales concernées, l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties sur les logements sociaux anciens rénovés, dans la mesure où cette exonération relève d'une politique nationale ;

- un amendement I-198 (FINC.41) qui limite à 2026 la prorogation du prêt à taux zéro (PTZ) et de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), en cohérence avec l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques qui prévoit que toute dépense fiscale est prorogée pour une durée maximale de trois années ;

- un amendement I-199 (FINC.42) qui corrige la date d'entrée en vigueur des mesures d'ajustement du crédit d'impôt sur les sociétés compensant la suppression d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

La commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

Le présent article comprend six séries de dispositions relatives à la fiscalité du secteur du logement, qui seront présentées de manière successive.

I. PROROGATION, RECENTRAGE TERRITORIAL ET ÉLARGISSEMENT DES CONDITIONS D'ACCÈS AU PRÊT À TAUX ZÉRO (1° AU 5° DU I, V ET C DU VII DU PRÉSENT ARTICLE)

A. LE DROIT EXISTANT : UN PRÊT SOUTENANT L'ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ DES MÉNAGES MODESTES, DE MANIÈRE DIFFÉRENCIÉE SELON LES ZONES

Le prêt à taux zéro (PTZ), défini aux articles L. 31-10-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, est un prêt ne portant pas intérêt qui est octroyé par les établissements de crédits et les sociétés de financement à des ménages, sous conditions de ressources, afin de contribuer au financement de leur résidence principale dans le cadre d'une première accession à la propriété.

1. Le prêt à taux zéro est accordé pour un logement neuf ou ancien, sous condition de ressources

Le prêt à taux zéro peut être accordé pour un logement neuf ou pour un logement ancien faisant l'objet de travaux ou issu de la cession d'un logement social à ses occupants.

Les établissements de crédit accordant le prêt à taux zéro bénéficient, en compensation, d'un crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater V du code général des impôts. Le montant de ce crédit d'impôt est égal à l'écart entre la somme actualisée des mensualités dues au titre du PTZ et la somme actualisée des montants perçus au titre d'un prêt de même montant et de même durée de remboursement qui serait consenti à des conditions normales de taux.

En application du II de l'article L. 31-10-3 du code de la construction et de l'habitation, la condition de ressources est respectée si le montant de l'ensemble des ressources des personnes destinées à occuper le logement à titre de résidence principale, divisé par un coefficient familial dépendant du nombre de ces personnes, est supérieur à un plafond fixé par décret. Ce plafond dépend de la localisation du logement, mais doit être compris entre 16 500 et 37 000 euros. Le V du même article précise les conditions que doivent respecter les travaux d'amélioration pour donner droit au PTZ sur un logement ancien : en particulier, leur coût doit être supérieur à une quotité du coût total de l'opération, fixée par décret à un niveau de 25 %524(*).

La loi de finances initiale pour 2021525(*) a prévu que, à compter de 2022, le montant total des ressources serait apprécié à la date d'émission de l'offre de prêt, et non par rapport aux ressources perçues deux années auparavant. Cette réforme de « contemporanéisation » avait pour objectif, comme pour d'autres dispositifs tels que les aides personnelles au logement, d'apprécier au plus juste la réalité de la situation financière des ménages bénéficiaires. Elle n'a toutefois pas pu être menée à bien au cours de l'année 2022 et la loi de finances initiale pour 2022, sur la proposition de l'Assemblée nationale,526(*) est revenue sur cette disposition, au motif que la crise sanitaire avait retardé les travaux et en renvoyant la fixation des modalités de prise en compte des revenus à un décret devant être pris avant le 1er janvier 2023. Ce décret a finalement maintenu la règle antérieure de prise en compte des revenus de l'avant-dernière année précédant celle de l'émission de l'offre de prêt527(*).

Le montant du prêt, aux termes de l'article L. 31-10-8 du même code, est égal à une quotité du coût total de l'opération. L'article L. 31-10-9 précise que cette quotité est fixée par décret en fonction de la localisation du logement et de son caractère neuf ou, pour un logement ancien, du respect de la condition de travaux. Elle est comprise entre 10 % et 40 % du coût de l'opération.

Le coût total de l'opération lui-même, en application de l'article L. 31-10-10 du même code, comprend le coût des travaux éventuellement prévus par l'emprunteur lors de l'acquisition. Il est pris en compte dans la limite d'un plafond fixé par décret en fonction de la localisation du logement, dans une fourchette comprise entre 79 000 euros et 156 000 euros, ce montant étant multiplié par un coefficient familial dépendant du nombre de personnes destinées à occuper le logement.

Enfin, l'article L. 31-10-11 prévoit que, lorsqu'un différé de remboursement est mis en place, la période correspondante peut être réduite à la demande de l'emprunteur, sans être inférieure à quatre ans.

2. Le dispositif a été prorogé de manière constante et recentré de manière limitée

Créé à l'origine par la loi de finances pour 2011528(*), pour la période 2011-2014, le dispositif a été prorogé par la suite de manière répétée. Son échéance actuelle, fixée par l'article 87 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, est fixée au 31 décembre 2023.

La loi de finances initiale pour 2018529(*) a prévu un « recentrage » du dispositif du PTZ.

D'une part, elle a mis fin, dès le 1er janvier 2018, à l'accès au PTZ pour les logements anciens, hors logement sociaux, dans les zones tendues (zones A bis, A et B1). Le zonage A, B et C pris en compte pour certains dispositifs d'aide au logement a été présenté supra dans la présentation de l'article 3 sexies du présent projet de loi de finances.

D'autre part, elle a prévu que, à compter du 1er janvier 2020, le PTZ ne serait plus accessible pour un logement neuf dans les zones peu tendues (B2 et C). Un rapport d'évaluation du prêt à taux zéro, réalisé par l'Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et remis au Parlement en octobre 2019, considérait d'ailleurs que le PTZ n'avait pas d'effet spécifique dans ces zones. Cette disposition a toutefois été remise en cause par la loi de finances pour 2020530(*), qui a maintenu le bénéfice du prêt à taux zéro pour les logements neufs en zones B2 et C.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PROROGER LE DISPOSITIF TOUT EN LE RECENTRANT, S'AGISSANT DES LOGEMENTS NEUFS, SUR LES ZONES TENDUES

Le I du présent article modifie le régime du prêt à taux zéro défini dans le code de la construction et de l'habitation.

En premier lieu, le du I reprend, à l'article L. 31-10-2 du code de la construction et de l'habitation, avec quelques modifications, le dispositif de recentrage du PTZ dans le neuf prévu par la loi de finances pour 2018 et abandonné par celle pour 2020.

Le PTZ ne serait accordé pour un logement neuf que s'il est situé dans un bâtiment d'habitation collectif (condition non prévue en 2018) et dans une zone géographique caractérisée par un « déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés d'accès au logement », ce qui vise les zones A bis (77 communes), A (718 communes) et B1 (1 691 communes). Il demeurerait toutefois accessible dans les autres zones dans le cas d'un logement faisant l'objet d'un contrat de location-accession, d'un contrat de bail réel solidaire ou d'un contrat d'accession à la propriété.

Le du I, à l'article L. 31-10-3 du même code, renforce les exigences relatives aux travaux qui, pour un logement ancien, peuvent donner lieu à l'obtention d'un PTZ. Désormais, les travaux devraient permettre d'atteindre un niveau de performance énergétique défini par arrêté conjoint des ministres chargés du logement, de l'économie et du budget. S'il s'agit de l'élévation au niveau législatif d'une disposition déjà inscrite à l'article D. 31-10-2 du code de la construction et de l'habitation, des dispositions réglementaires devraient être prises, selon l'évaluation préalable de l'article, afin de durcir les critères et assurer une rénovation des logements plus performante sur le plan environnemental.

Le du I exclut, à l'article L. 31-10-10 du même code, du calcul du coût de l'opération soumis à un plafond pour l'obtention du prêt, le coût des travaux portant sur l'installation d'un dispositif de chauffage fonctionnant aux énergies fossiles.

En outre, le V du présent article proroge une nouvelle fois le dispositif du prêt à taux zéro en fixant sa date d'échéance au 31 décembre 2027.

Le C du VII précise que les nouvelles dispositions s'appliquent aux offres de prêt émises à compter du 1er janvier 2024.

Selon l'évaluation préalable de l'article, l'incidence budgétaire de la mesure aurait un coût générationnel, c'est-à-dire sur la durée totale des prêts souscrits chaque année, de l'ordre de 650 millions d'euros. Le coût budgétaire annuel devrait toutefois diminuer à terme par rapport au coût actuel, qui est estimé à 783 millions d'euros en 2023531(*).

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN « ÉLARGISSEMENT SOCIAL » DU PRÊT À TAUX ZÉRO QUI NE REVIENT PAS SUR SON RECENTRAGE TERRITORIAL

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a retenu un amendement du Gouvernement qui procède à plusieurs assouplissements du régime du prêt à taux zéro.

Le  bis nouveau permet au pouvoir réglementaire, à l'article L. 31-10-3 du code de la construction et de l'habitation, de porter le plafond des ressources exigées à 49 000 euros, contre 37 000 euros actuellement.

Le  bis nouveau prévoit, à l'article L. 31-10-9 du même code, que la quotité peut être fixée en fonction des ressources de l'emprunteur, et pas seulement de la localisation et des caractéristiques du logement. En outre cette quotité peut être portée à 50 % du prêt, contre 40 % au maximum actuellement.

Au 4 nouveau, il accroît les coefficients familiaux, et par conséquent le coût maximal de l'opération pouvant être pris en compte dans le cadre du prêt dans le cas des familles nombreuses. Cette augmentation est justifiée, selon l'exposé des motifs de l'amendement, par une adaptation aux compositions familiales actuelles.

Coefficient familial actuel et prévu par le texte transmis au Sénat

Nombre de personnes

1

2

3

4

5 et plus

Coefficient familial

Droit existant

1,0

1,4

1,7

2,0

2,3

Droit proposé

1,0

1,5

1,8

2,1

2,4

Source : commission des finances, à partir du droit existant et du dispositif de l'article 6

Le nouveau modifie l'article L. 31-10-11 afin de réduire la durée minimale du différé de remboursement à deux années, contre quatre actuellement.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : ACCEPTER LA PROROGATION D'UN DISPOSITIF DONT L'UTILITÉ PARAÎT RENOUVELÉE PAR L'ÉVOLUTION DES TAUX D'EMPRUNT

Le prêt à taux zéro, touché notamment par la mesure de restriction introduite par la loi de finances initiale pour 2018, a vu le nombre de prêts accordés quasiment divisé par deux entre 2017 et 2022.

Production de prêts à taux zéro entre 2017 et 2022

(en nombre de prêts accordés)

Source : commission des finances, à partir des réponses aux questionnaires budgétaires

En 2022, 46 % des PTZ étaient accordés dans les grands pôles urbains et 28,1 % dans les couronnes de ces pôles.

Les prêts bénéficient à 60 % à des ménages dont les revenus sont inférieurs à 2,5 SMIC, et seuls 10 % des prêts sont accordés à des ménages dont les revenus sont supérieurs à 3,5 SMIC. Un rapport d'évaluation réalisé par les corps d'inspection de l'État en 2019 signalait toutefois que le revenu moyen des bénéficiaires du PTZ était supérieur à celui de l'ensemble des primo-accédants, et supérieur au revenu moyen des ménages532(*).

La mission estimait que le PTZ avait un impact décisif très faible pour l'achat de logements neufs en zones B2 et C, et recommandait en conséquence d'exclure ces zones de l'accès au PTZ pour l'achat d'un logement neuf, mesure alors abandonnée mais reprise dans le présent article.

Or, la situation a évolué depuis cette date, avec la hausse récente des taux d'intérêt qui donne un nouvel intérêt au prêt à taux zéro pour la solvabilisation des ménages concernés. On peut donc considérer que l'expiration du prêt à taux zéro à la fin 2023 aurait certainement été malvenue, alors que l'accès au logement est désormais beaucoup plus difficile pour de nombreux ménages. Les taux d'intérêt ont remonté d'un plus bas à 1,10 % en décembre 2021 à 3,33 % en août 2023, ou 3,62 % pour le taux des crédits hors renégociations, de sorte que le pouvoir d'achat immobilier des ménages a diminué de 10 mètres carrés depuis la fin 2021533(*). Le prêt à taux zéro, qui pouvait donc paraître peu intéressant il y a quelques années, devient désormais crucial pour permettre l'accès à la propriété à de nombreux ménages à revenus modestes.

S'agissant de l'assouplissement des conditions d'accès au PTZ, absente du texte initial introduit par le Gouvernement dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, le rapporteur général ne peut que déplorer qu'il soit apporté sans étude d'impact.

Selon l'exposé des motifs de l'amendement, l'augmentation des plafonds permettrait à 29 millions de ménages534(*), contre 23 millions actuellement, de bénéficier d'un PTZ. Il s'agit toutefois d'un nombre théorique de ménages éligibles, alors que le recentrage introduit par l'article réduira forcément l'attractivité du dispositif pour de nombreux ménages. Selon la fédération française du bâtiment (FFB), le nombre de nouveaux bénéficiaires serait bien plus limité, de l'ordre de 15 000 ménages535(*).

M. Patrice Vergriete, ministre chargé du logement, a estimé lors de son audition devant la commission des finances du Sénat536(*) que l'assouplissement des conditions d'accès au PTZ compenserait à peu près le recentrage territorial et que le nombre de PTZ devrait donc être à peu près le même en 2024 qu'en 2023.

Par ailleurs, il est étonnant que le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité proroge le PTZ d'une durée de quatre années, alors que le même Gouvernement a prévu, à l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques, en cours de discussion au Parlement, que les dépenses fiscales ne peuvent être prorogées que pour une période maximale de trois ans. En cohérence avec cette disposition que le Sénat a approuvée, le rapporteur général propose de limiter à trois années, soit au 31 décembre 2026, la prorogation du dispositif du PTZ.

II. PROROGATION ET AJUSTEMENTS DES PARAMÈTRES DE L'ÉCO-PRÊT À TAUX ZÉRO (3° DU II, III BIS À IV ET C DU VII)

A. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT SOUTIENT L'ATTRIBUTION D'UN PRÊT SANS INTÉRÊT, DIT « ÉCO-PTZ », FINANÇANT DES TRAVAUX D'AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS

L'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) a été instauré par l'article 99 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009. Le VII de cet article prévoyait à l'origine que l'éco-PTZ pourrait être émis jusqu'au 31 décembre 2014. Cette échéance a été repoussée à plusieurs reprises et elle est fixée actuellement au 31 décembre 2023, en application de la loi de finances initiale pour 2022537(*).

Le dispositif est régi principalement par l'article 244 quater U du code général des impôts. Il s'agit d'un crédit d'impôt accordé aux établissements de crédit et aux sociétés de financement538(*) au titre des prêts sans intérêt qu'ils accordent à des ménages qui réalisent certains travaux d'amélioration de la performance énergétique globale des logements.

Le 2 du I de cet article dresse la liste des travaux finançables, qui relèvent de cinq grandes catégories, toutes tendant à l'amélioration de la performance énergétique : des travaux relevant d'un ensemble limitatif de catégories de travaux539(*) ; des travaux ayant ouvert droit à une aide accordée par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ; des travaux permettant d'atteindre une performance énergétique globale minimale du logement ; des travaux d'amélioration de la performance énergétique du logement ayant ouvert droit à la prime de transition énergétique « MaPrimeRénov' » ; enfin des travaux de réhabilitation des systèmes d'assainissement non collectif par des dispositifs ne consommant pas d'énergie.

Les travaux ayant donné droit à la prime de transition énergétique MaPrimeRénov' ne sont pas cumulables avec les autres catégories de travaux.

Le 4 du I limite le montant de l'éco-PTZ à 30 000 euros par logement et le 9 limite la durée maximale de remboursement du prêt à 180 mois, soit 15 années. Ces limites sont portées, respectivement, à 50 000 euros et 20 années lorsque le prêt finance des travaux permettant d'atteindre une performance énergétique globale minimale.

En application du 3 du I, l'éco-PTZ peut être accordé aux propriétaires d'un logement qu'ils occupent à titre de résidence principale ou qu'ils mettent en location, ainsi qu'à des syndicats de copropriétaires.

Si le 6 du I prévoit qu'un seul éco-PTZ peut être accordé par logement, le 6 bis permet par dérogation à une même personne de bénéficier d'un PTZ complémentaire pour financer des travaux relevant de l'une des catégories de travaux énumérée de manière limitative au 2 du I. La somme des prêts initial et complémentaire ne peut excéder 30 000 euros pour un même logement, ou 50 000 euros si le prêt initial a financé des travaux permettant d'atteindre une performance énergétique globale minimale.

Le VI bis précise que l'éco-PTZ peut être consenti à un syndicat de copropriétaires pour financer les travaux d'intérêt collectif réalisés sur les parties privatives, ainsi que les travaux réalisés sur les parties et équipements communs de l'immeuble. Les travaux finançables sont les mêmes que pour les particuliers, à l'exception des travaux conventionnés par l'ANAH ou ayant bénéficié de MaPrimeRénov'.

La loi de finances initiale pour 2020540(*) a autorisé dans les régions d'Île-de-France et des Hauts-de-France, à titre expérimental, les sociétés de tiers-financement prévues par l'article L. 511-6 du code monétaire et financier à distribuer des éco-PTZ portant sur des travaux tendant à une performance énergétique globale minimale ou réalisés par un syndicat de copropriétaires. La loi de finances pour 2022, en prorogeant le dispositif de l'éco-PTZ, a également repoussé de deux ans l'échéance de ce dispositif, ainsi que la date remise d'un rapport d'évaluation fixée désormais au 30 septembre 2023. Ce rapport n'a toujours pas été remis.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE PROROGATION DU DISPOSITIF JUSQU'EN 2027, FAVORISANT NOTAMMENT LES TRAVAUX CONVENTIONNÉS AVEC L'AGENCE NATIONALE DE L'HABITAT

Le présent article proroge le dispositif de l'éco-PTZ au 31 décembre 2027 en modifiant l'article 99 précité de la loi de finances initiale pour 2009 (IV du présent article).

Au 3° du II, il propose un ensemble de modifications du dispositif.

L'expérimentation de l'ouverture de l'éco-PTZ aux sociétés de tiers-financement est généralisée, au 1 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts.

Le 2 du même I est modifié afin d'empêcher le cumul des travaux réalisés sur convention avec l'ANAH avec les autres catégories de travaux.

Au 4 du même I, pour les travaux réalisés sur convention de l'ANAH ou ayant bénéficié de MaPrimeRénov', le montant maximal du prêt est porté à 50 000 euros, comme c'est déjà le cas des travaux permettant d'atteindre une performance énergétique globale minimale du logement.

Ces modifications entraînent également diverses dispositions de coordination.

Le VI bis de l'article 244 quater U, relatif à l'obtention de l'éco-PTZ par les syndicats de copropriétaires, est entièrement réécrit, avec toutefois des modifications limitées sur le fond. D'une part, aux travaux finançables actuellement sont ajoutés ceux réalisés avec une aide accordée par l'ANAH au syndicat de copropriétaires, dans des conditions fixées par décret. D'autre part, il est précisé que la durée de remboursement ne peut excéder 15 années, ou 20 ans si le prêt finance des travaux conventionnés avec l'ANAH.

Enfin, le C du VII du présent article précise que les nouvelles dispositions s'appliquent aux offres de prêt émises à compter du 1er janvier 2024.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PROROGATION SUPPLÉMENTAIRE DU DISPOSITIF ET SON EXTENSION AU DISPOSITIF DU PRÊT AVANCE MUTATION

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a retenu deux amendements de notre collègue David Amiel et plusieurs de ses collègues.

Le premier amendement ajoute dans le présent article un III ter qui modifie l'article 26-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis afin de préciser que, par dérogation, l'assemblée générale peut également voter la souscription d'un emprunt au nom du syndicat des copropriétaires lorsque cet emprunt ne porte pas intérêt et a pour objectif de financer des travaux d'économies d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à la même majorité que celle nécessaire au vote de ces travaux.

Selon l'exposé des motifs, cette modification tend à simplifier le recours à l'éco-PTZ.

Cet amendement proroge également l'éco-PTZ jusqu'en 2028, et non jusqu'en 2027 comme prévu par le texte initial.

Le second amendement étend le dispositif du crédit d'impôt PTZ au prêt avance mutation. Créé par la loi Climat et résilience541(*) et défini à l'article L. 315-2 du code de la consommation, le prêt avance mutation est un prêt garanti par une hypothèque qui est remboursé seulement lors de la mutation du bien ou lors d'une succession.

D'une part, au 1 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts, le bénéfice du crédit d'impôt « prêt à taux zéro » est étendu aux prêts avance mutation ne portant pas intérêt que les établissements de crédit, les établissements financiers et les sociétés de tiers financement accordent, sous conditions de ressources fixées par décret.

D'autre part, le III bis nouveau modifie l'article L. 315-2 précité du code de la consommation afin de préciser que les prêts accordés par les mêmes établissements pour financer des travaux de rénovation réalisés au moyen d'un prêt avance mutation peuvent bénéficier du crédit d'impôt s'ils sont réalisés sans intérêt et sous condition de ressources.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : ACCEPTER LA PROROGATION TOUT EN LIMITANT SA DURÉE

Sur le fond, le dispositif de l'éco-PTZ est vertueux puisqu'il encourage la réalisation de travaux d'amélioration des logements. Le Gouvernement attend des modifications apportées par le présent article une montée en charge des éco-PTZ. Le coût du dispositif, qui n'est que de 29 millions d'euros en 2022 et 44 millions d'euros en 2023 (pour un nombre de prêts estimé cette année à 99 300), atteindrait 358 millions d'euros en 2027.

Cette estimation demeure fragile, s'agissant d'une dépense qui dépend beaucoup des décisions des ménages, de la capacité des banques à proposer le produit et de l'évolution des taux d'intérêt qui lui donne un avantage plus ou moins grand.

L'accent mis sur l'utilisation des prêts par les copropriétés répond à une nécessité car c'est bien dans ce cadre que la mise des travaux est souvent la plus complexe. De même, il convient d'approuver l'accent mis sur les travaux contrôlés par un tiers tel que l'Agence nationale de l'habitat.

Il est toutefois regrettable que le rapport d'évaluation de l'expérimentation d'ouverture du PTZ aux sociétés de tiers-financement, prévu à l'origine pour le 31 septembre 2021, puis pour le 31 septembre 2023, n'ait toujours pas été remis au Parlement alors que la généralisation de ce dispositif est ici proposée.

En outre, l'extension du dispositif du crédit d'impôt « prêt à taux zéro » aux prêts avance mutation est lui aussi réalisé sans la moindre présentation des effets et de la justification de cette mesure.

Par ailleurs, comme pour le PTZ, le rapporteur général propose de limiter à trois années, et non cinq, la durée de prorogation du dispositif, en cohérence avec le projet de loi de programmation des finances publiques.

III. CLARIFICATION ET EXTENSION DU DISPOSITIF FISCAL EN FAVEUR DU LOGEMENT LOCATIF INTERMÉDIAIRE INSTITUTIONNEL (2° ET 5° DU II, B DU VII)

A. LE DROIT EXISTANT : LE LOGEMENT INTERMÉDIAIRE BÉNÉFICIE D'UN RÉGIME FISCAL FAVORABLE LORS DE LA LIVRAISON ET SUR UNE LONGUE DURÉE

Les logements intermédiaires sont des logements à loyers réglementés inférieurs aux prix du marché.

Ils bénéficient notamment de deux dispositifs fiscaux : un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et une exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), récemment transformée en crédit d'impôt sur les sociétés. Il ouvre également droit à la réduction d'impôt « Pinel », qui est mise en extinction et ne devrait plus être accordée au titre des nouveaux logements à compter de la fin 2024.

1. Les logements locatifs intermédiaires sont définis par des conditions de ressources, de loyers et de localisation

Le logement locatif intermédiaire est défini par des plafonds de ressources et de loyer définis au III de l'article 199 novovicies du code général des impôts, qui régit le dispositif « Pinel » d'incitation à l'investissement locatif dans le logement intermédiaire.

Le IV du même article 199 novovicies le soumet également à une contrainte de localisation : les logements doivent être situés dans des communes classées dans des zones géographiques « se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés d'accès au logement sur le parc locatif existant », ce qui correspond aux zones A bis, A et B1, déjà présentées supra et lors de la présentation de l'article 3 sexies du présent projet de loi de finances, ainsi que dans des communes dont le territoire est couvert par un contrat de redynamisation de site de défense ou l'a été dans un délai de huit ans précédant l'investissement.

2. Le taux réduit de TVA à 10 % est applicable, avec des conditions supplémentaires, pour la livraison de ces logements

En application de l'article 279-0 bis A du code général des impôts, les livraisons de logements locatifs intermédiaires respectant les plafonds de ressources, de loyers et de localisation prévus par l'article 199 novovicies du code général des impôts, bénéficient d'un taux réduit de TVA de 10 %.

Toutefois, le 4° du I prévoit que les logements sont soumis à une contrainte dite de « mixité sociale » : ils doivent être intégrés dans un ensemble immobilier comprenant 25 % de logements locatifs sociaux. Ce critère ne s'applique pas si la commune comprend elle-même plus de 25 % de logements locatifs sociaux, au sens de l'« article 55 » de la loi SRU542(*), ou si elle fait partie d'un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

Les logements, en application du 5° du même I, doivent résulter d'une construction nouvelle ou d'une transformation de locaux affectés à un usage autre que l'habitation au moyen de travaux qui rendent l'immeuble comme neuf au sens du 2° du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts.

3. Un crédit d'impôt sur les sociétés remplace pour les nouvelles constructions l'exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPB)

L'article 1384-0 A du code général des impôts exonère de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant une durée de vingt années les logements locatifs intermédiaires neufs affectés à l'habitation principale. Les conditions d'application sont les mêmes que pour l'application du taux réduit de TVA. Cette disposition est toutefois en extinction, car elle n'est applicable que pour les logements achevés avant le 1er janvier 2023.

La loi de finances initiale pour 2022543(*) a en effet transformé cette exonération en un crédit d'impôt dont le régime est défini par l'article 220 Z septies du même code. Cette mesure proposée en 2021 par la commission pour la relance durable de la construction de logements544(*), présidé par François Rebsamen, permet d'éviter de faire peser sur les collectivités territoriales le coût d'une mesure tendant à favoriser l'accroissement du parc de logements locatifs intermédiaires.

Le I de cet article prévoit que les bénéficiaires du crédit d'impôt sont les organismes d'habitation à loyer modéré et assimilés, les organismes contrôlés par la société Action Logement Immobilier, les personnes morales dont le capital est détenu en totalité par des personnes passibles de l'impôt sur les sociétés, les établissements publics administratifs et les caisses de retraite et de prévoyance.

La créance d'impôt, en application du 3° du II de cet article, est égale au montant de la TFPB, y compris les taxes additionnelles à cette taxe : taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (dite taxe GEMAPI) ; taxe additionnelle spéciale annuelle au profit de la région d'Île-de-France ; taxes spéciales d'équipement (TSE) établies au profit des établissements publics fonciers (EPF), des agences de la zone dite des cinquante pas géométriques et de la Société du Grand Paris ; autres impositions additionnelles à la taxe foncière sur les propriétés bâties perçues au profit des syndicats de communes ; prélèvements opérés par l'État sur ces taxes et impositions en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs qu'il prend à sa charge.

Le crédit d'impôt s'applique pendant une durée de vingt ans.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ÉTENDRE L'APPLICATION DE CE RÉGIME FISCAL À DE NOUVEAUX TERRITOIRES ET CATÉGORIES DE LOGEMENTS

Dans son texte initial, le présent article étend à de nouveaux territoires et catégories de logements le périmètre d'application et les catégories de logements bénéficiant du taux réduit de TVA et précise l'application du crédit d'impôt sur les sociétés.

1. L'extension du périmètre d'application et des catégories de logements bénéficiant du taux réduit de TVA

Le du II du présent article, modifiant l'article 279-0 bis A précité du code général des impôts, prévoit plusieurs aménagements au régime de la TVA des logements locatifs intermédiaires.

S'agissant du périmètre d'application du taux réduit, au 4° de l'article 279-0 bis A, l'application du taux réduit de TVA est étendue, au-delà des zones A bis, A et B1 prévues par le régime général du logement intermédiaire, à des territoires couverts par plusieurs dispositifs :

- les communes de réindustrialisation où sont réalisés des projets d'intérêt national majeur au sens du I du nouvel article L. 300-6-2 du code de l'urbanisme, introduit très récemment par la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte ;

- les grandes opérations d'urbanisme (GOU), prévues par l'article L. 312-3 du code de l'urbanisme545(*), comportant la transformation d'une zone d'activité économique (ZAE), une opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) définie par l'article L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation546(*) ou une opération de requalification de copropriétés dégradées (ORCOD) prévues à l'article L. 741-1 du même code547(*) ;

- les communes qui ont conclu un contrat de projet partenarial d'aménagement (PPA, article L. 312-1 du code de l'urbanisme) et les opérations de revitalisation de territoire (ORT, article L. 303-2 du même code). Le PPA réunit l'État, une ou plusieurs collectivités territoriales et des établissements publics afin de faciliter l'émergence d'opérations d'aménagement grâce à l'emploi de procédures spécifiques telles que le permis d'aménager multi-sites (PAMS). L'ORT, fondée sur le même type de démarche contractuelle, vise pour sa part une requalification d'ensemble d'un espace déjà urbanisé, surtout des centres-villes, et ouvre le droit au droit de préemption urbain comme au permis d'aménager multi-sites.

S'agissant en deuxième lieu des catégories de logements ouvrant droit à ce taux réduit, au 5° de l'article 279-0 bis A du code général des impôts, les opérations d'acquisition-amélioration548(*) sont ajoutées aux constructions nouvelles ou rendant l'immeuble comme neuf. Ces opérations doivent conduire à une amélioration de la performance énergétique dans des conditions définies par arrêté. Les travaux réalisés dans le cadre de l'opération d'acquisition-amélioration bénéficient eux-mêmes du taux de TVA à 10 %.

Pour mémoire, les opérations d'acquisition-amélioration bénéficient du taux de TVA réduit de 5,5 % dans le cas d'un logement social, en application des articles 278 sexies et 278 sexies-0 A du même code.

2. L'ajustement du crédit d'impôt sur les sociétés compensant la suppression d'exonération de la TFPB

Le 2° du II du présent article modifie l'article 220 Z septies précité du code général des impôts sur deux points.

D'une part, il accorde explicitement le bénéfice du crédit d'impôt aux sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) définies à l'article 239 septies du même code.

D'autre part, il inclut parmi les taxes additionnelles à la TFPB compensées par le crédit d'impôt le montant de la taxe spéciale d'équipement perçue au profit de l'établissement public local Société Grand Projet du Sud-Ouest. Cette taxe additionnelle à la TFPB a été créée, à l'article 1609 H du même code, par l'article 77 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 et n'avait pas encore été intégrée parmi la liste des taxes additionnelles devant être compensées par le crédit d'impôt.

Le B du VII précise que ces modifications s'appliquent aux logements dont la construction est achevée à compter du 1er janvier 2023.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : EXTENSION AUX RÉSIDENCES-SERVICES ET À DES CATÉGORIES SUPPLÉMENTAIRES DE BÉNÉFICIAIRES

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur général Jean-René Cazeneuve, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a retenu, s'agissant de l'application du taux réduit de TVA, un amendement présenté par notre collègue député Mohamed Laqhila et plusieurs de ses collègues. Cet amendement prévoit que les logements intermédiaires bénéficiant du taux réduit de TVA peuvent être loués soit, comme aujourd'hui, en respectant les plafonds de loyer et de ressources des locataires fixés par l'article 199 novovicies du code général des impôts, soit dans le cadre d'une résidence-services prévue par l'article L. 631-13 du code de la construction et de l'habitation549(*).

Dans ce cas, les parts de quittance relatives au loyer et aux services n'excèderaient pas des plafonds fixés par décret, en fonction de la localisation, du type des logements et de la nature de ces services.

S'agissant du crédit d'impôt institué en compensation de la suppression de l'exonération de TFPB, le texte considéré comme adopté a retenu deux amendements identiques présentés, pour l'un, par Véronique Louwagie et plusieurs de ses collègues, pour l'autre, par François Jolivet et plusieurs de ses collègues, qui ajoutent de nouvelles catégories de sociétés aux bénéficiaires du crédit d'impôt compensant la TFPB : les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV, article L. 214-7 du code monétaire et financier), les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV, article L. 214-62 du même code) et les sociétés de libre partenariat (article L. 214-162-1 du même code).

Selon l'exposé des motifs de l'amendement, il s'agit d'étendre la créance à l'impôt sur les sociétés en faveur des investisseurs institutionnels dans le logement locatif intermédiaire à des structures d'investissement dont le capital est détenu par des personnes physiques intervenant aux côtés d'investisseurs institutionnels, et donc d'attirer l'épargne des particuliers vers le logement locatif intermédiaire. Interrogé par le rapporteur général, le Gouvernement a confirmé cette intention, considérant que cette extension du dispositif contribuerait à répondre à la forte demande de logements locatifs intermédiaires.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : ACCEPTER UN DISPOSITIF COMPLEXE, MAIS DE NATURE À ENCOURAGER LA FOURNITURE DE LOGEMENTS INTERMÉDIAIRES

Le dispositif proposé ne contribue pas à clarifier le régime fiscal du logement intermédiaire : alors que, jusqu'à présent, le taux réduit de TVA de 10 % était applicable dans les mêmes conditions de localisation que le dispositif de l'article 199 novovicies, le présent article étend l'application de ce taux aux territoires de réindustrialisation définis par la nouvelle loi « industrie verte », sans que cette extension concerne également les dispositifs faisant référence à l'article 199 novovicies. Il en accorde également le bénéfice aux logements situés dans des résidences-services, non concernées par ce dernier dispositif.

De même, il explicite l'accès au crédit d'impôt sur les sociétés à un ensemble de sociétés pour lesquelles le 2° du I de l'article 279-0 bis A ne prévoit pas l'application du taux réduit de TVA.

Pour autant, il paraît utile de favoriser la fourniture de logements intermédiaires, tout particulièrement dans la situation actuelle de crise de la construction neuve et de taux d'intérêt élevés entravant la souscription de prêts par les ménages.

La date d'entrée en vigueur de l'ajustement du crédit d'impôt sur les sociétés compensant la suppression d'exonération de la TFPB est toutefois fixée de manière erronée au 1er janvier 2023. Le rapporteur général propose de la fixer au 1er janvier 2024 pour ce qui concerne l'extension à de nouvelles catégories de bénéficiaires. L'intégration, parmi les taxes additionnelles à la TFPB compensées par le crédit d'impôt, du montant de la taxe spéciale d'équipement perçue au profit de l'établissement public local Société Grand Projet du Sud Ouest doit en revanche bien entrer en vigueur au 1er janvier 2023, date de création de cette taxe.

IV. EXONÉRATION DE TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES EN FAVEUR DES OPÉRATIONS DITES « SECONDE VIE » DE RÉNOVATION LOURDE DES LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX (6° DU I, 6° ET 7° DU II)

A. LE DROIT EXISTANT : LES LOGEMENTS LOCATIFS SOCIAUX BÉNÉFICIENT D'UNE EXONÉRATION DE LONGUE DURÉE DE TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES LORS DE LEUR CONSTRUCTION, PUIS D'UN DÉGRÈVEMENT AU TITRE DES TRAVAUX DE RÉNOVATION

Les logements locatifs sociaux bénéficient, en application de l'article 1384 A du code général des impôts, d'une exonération temporaire, mais de longue durée, de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). La durée de cette exonération, qui est en principe de quinze années, est portée à vingt-cinq années pour les logements autorisés jusqu'au 31 décembre 2026, et même à trente années si les logements satisfont à des critères de performance énergétique et environnementale particuliers.

En outre, les travaux de rénovation portant sur les logements sociaux font l'objet, en application de l'article 1391 E du même code, d'un dégrèvement de TPFB à hauteur du quart du montant hors taxe des dépenses (hors subventions reçues) ayant pour objet la réalisation d'économies d'énergie et de fluides et concernant certains éléments de construction.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : APPLIQUER AUX OPÉRATIONS DE RÉNOVATION LOURDE DE LOGEMENTS SOCIAUX L'EXONÉRATION DE TAXE FONCIÈRE SUR LES PROPRIÉTÉS BÂTIES PRÉVUE POUR LES CONSTRUCTIONS DE LOGEMENTS NEUFS

Le 6° du II du texte initial du présent article, sans modifier le régime de l'exonération de TFPB pour les logements locatifs sociaux neufs, instaure, dans un article 1384 C bis nouveau du code général des impôts, un régime d'exonération de longue durée pour les logements locatifs sociaux faisant l'objet d'une opération unique de rénovation lourde.

Le dispositif s'applique aux logements locatifs sociaux bénéficiant du régime de TVA prévu par l'article 278 sexies du même code, c'est-à-dire des logements locatifs auxquels s'applique l'aide personnalisée au logement550(*).

L'exonération porte, comme pour les logements neufs, sur une durée de quinze années à compter de l'année suivant celle de l'achèvement des travaux, durée portée à vingt-cinq années si la demande d'agrément est déposée entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026.

Les logements doivent être achevés depuis au moins quarante ans et avoir bénéficié, lors de leur construction, de l'un des prêts réglementés conditionnant l'application de l'aide personnalisée au logement.

Les travaux doivent avoir pour effet de faire passer le logement d'une classe de diagnostic de performance énergétique (DPE) F ou G à une classe A ou B. Pour les logements situés en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte ou à La Réunion, toutefois, les critères d'amélioration de la performance énergétique et environnementale sont fixés par décret.

En outre, les travaux doivent respecter des critères de sécurité d'usage, de qualité sanitaire et d'accessibilité des bâtiments prévus par le code de la construction et de l'habitation.

Ces conditions peuvent être modifiées par décret en cas d'incompatibilité avec les contraintes architecturales ou patrimoniales pesant sur le bâtiment ou lorsque les travaux nécessaires au respect de ces critères feraient courir un risque sur l'intégrité du bâti.

Le du II précise que cette exonération de TFPB n'est pas cumulable avec le dégrèvement prévu pour les travaux de rénovation énergétique par l'article 1391 E précité.

C. LE DISPOSIITF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : APPLIQUER ÉGALEMENT LE TAUX RÉDUIT DE TVA À 5,5 % AUX TRAVAUX CONCERNÉS

Outre un amendement de précision du rapporteur général Jean-René Cazeneuve, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a retenu un amendement de notre collègue député Lionel Causse et plusieurs de ses collègues.

Le  nouveau du I introduit par cet amendement permet, par une modification de l'article L. 353-9-2 du code de la construction et de l'habitation, d'augmenter les loyers et redevances minimaux des logements sociaux conventionnés à l'aide personnalisée au logement dans des conditions fixées par décret, afin de tenir compte de l'amélioration des performances énergétique et environnementale des logements à l'issue de travaux réalisés dans les conditions prévues par le présent article.

En outre le  bis nouveau du II, modifiant l'article 278 sexies A du code général des impôts, étend le bénéfice du réduit de TVA de 5,5 % aux travaux de rénovation lourde prévus par le présent article, reprenant les conditions relatives aux logements et aux travaux inscrits dans l'article 1384 C bis nouveau.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : ACCEPTER UNE MESURE VERTUEUSE DU POINT DE VUE DE L'EMPREINTE ÉCOLOGIQUE DES TRAVAUX

La disparition des « passoires » énergétiques est un enjeu aussi important pour le parc de logements sociaux que pour le parc privé.

Le présent dispositif instaure un dispositif vertueux dans la mesure où il instaure, pour les réhabilitations lourdes, un régime fiscal comparable à celui des constructions neuves, dont l'empreinte environnementale est plus élevée.

Son efficacité est toutefois incertaine, car l'objectif de gagner cinq classes de DPE est pour le moins ambitieux et risque de limiter le recours à ce dispositif à un nombre réduit d'opérations.

L'évaluation préalable de l'article, qui ne prend en compte que l'exonération de TFPB et pas l'application du taux réduit à 5,5 % de TVA, n'est pas en mesure de donner un chiffrage précis de l'impact de la mesure, mais envisage un volume annuel maximal de 10 000 logements par an en régime de croisière. Dans ces conditions, le coût pourrait être de 3 millions d'euros en 2025, 8 millions d'euros en 2026 et 17 millions d'euros en 2027.

Or, s'agissant d'une exonération de fiscalité locale, ce coût pèserait exclusivement sur les collectivités territoriales, cette exonération n'étant pas compensée par l'État dans le dispositif existant.

La rénovation lourde des logements sociaux anciens relève pourtant d'objectifs de politique nationale, tendant aussi bien à contribuer à la transition écologique qu'à améliorer le parc de logement social. Il n'est donc pas souhaitable d'en faire peser le coût sur les collectivités territoriales non volontaires.

En outre, une exonération de taxe foncière sur les logements rénovés, s'ajoutant à celle qui s'applique aux logements sociaux neufs pendant une période de vingt-cinq à trente ans, réduit le lien entre le logement et le territoire, déjà largement distendu par les réformes récentes de la fiscalité locale.

Le rapporteur général propose donc de rendre cette exonération de fiscalité locale facultative, dans la mesure où elle n'est pas compensée par l'État.

V. PROROGATION ET MODIFICATION DU CRÉDIT D'IMPÔT POUR DÉPENSES D'ÉQUIPEMENTS DE L'HABITATION PRINCIPALE EN FAVEUR DE L'AIDE AUX PERSONNES DANS LA PERSPECTIVE DE LA MISE EN PLACE DE « MAPRIMEADAPT' » (1° DU II, III ET VI)

A. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT FINANCE DES DÉPENSES EN FAVEUR DE L'ACCESSIBILITÉ ET DE L'ADAPTATION DES LOGEMENTS POUR LES PERSONNES ÂGÉES OU FACE À LA PERTE D'AUTONOMIE ET AU HANDICAP

L'article 91 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 a créé, à l'article 200 quater A du code général des impôts, un crédit d'impôt sur le revenu pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes.

En application du a du 1 de cet article, ce crédit d'impôt est accordé pour les dépenses d'installation ou de remplacement d'équipements soit spécialement conçus pour l'accessibilité des logements aux personnes âgées ou handicapées, soit permettant l'adaptation des logements à la perte d'autonomie ou au handicap. Il s'applique également pour des travaux prescrits par un plan de prévention des risques technologiques (PPRT, au 1 bis du même article).

Le crédit d'impôt s'applique, dans le droit existant, aux dépenses payées jusqu'au 31 décembre 2023 (b du 1).

Dans le cas de la perte d'autonomie ou de handicap, le crédit d'impôt s'applique si le contribuable ou un membre de son foyer fiscal :

- soit est titulaire d'une pension d'invalidité allouée en raison d'une invalidité d'au moins 40 % (c et d du 1 de l'article 195 du code général des impôts) ;

- soit est titulaire de la carte « mobilité inclusion », prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles, ou d'autres cartes prévues par le même code ;

- soit souffre d'une perte d'autonomie entraînant son classement dans l'un des groupes 1 à 4 de la grille nationale déterminant l'accès à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA, article L. 232-2 du même code).

Le taux du crédit d'impôt et le plafond du montant de dépenses pris en compte dépendent de la situation.

Taux et plafond de dépenses du crédit d'impôt

Situation

Taux du crédit d'impôt

Plafond du montant des dépenses

Installation ou remplacement d'équipements en faveur des personnes âgées ou handicapées

25 %

5 000 euros pour une personne seule, 10 000 euros pour un couple + 400 euros par personne à charge

Diagnostics préalables aux travaux prescrits dans le cadre d'un PPRT

40 %

20 000 euros par logement

Source : commission des finances, à partir du 4 et du 4 bis de l'article 200 quater A du code général des impôts

Le 10 de l'article 200 quater A prévoit que, pour une même dépense, les dispositions du présent article sont exclusives de celles de l'article 200 quater (ancien crédit d'impôt pour la transition énergétique, qui n'a plus d'incidence budgétaire) ou d'une déduction de charge pour la détermination des revenus catégoriels.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LE RECENTRAGE DU CRÉDIT D'IMPÔT SUR LES DÉPENSES LIÉES À LA PERTE D'AUTONOMIE ET AU HANDICAP, POUR DES PERSONNES À REVENUS INTERMÉDIAIRES

Le du II du présent article propose une réduction du périmètre d'application du crédit d'impôt pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur de l'aide aux personnes, qui s'articule avec la mise en place, au 1er janvier 2024, du nouveau dispositif MaPrimeAdapt'.

Le dispositif MaPrimeAdapt'

À compter du 1er janvier 2024, une aide intitulée MaPrimeAdapt' doit financer la réalisation des travaux d'adaptation du logement pour les personnes âgées et celles en situation de handicap.

Elle sera déployée par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui reçoit une subvention de 67 millions d'euros à ce titre sur les crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

L'aide est réservée aux ménages modestes et très modestes. L'objectif du Gouvernement est d'adapter 680 000 logements sur dix ans.

Source : commission des finances

Le crédit d'impôt serait désormais réservé aux travaux permettant l'adaptation des logements à la perte d'autonomie ou au handicap (a du 1 de l'article 200 quater A du code général des impôts).

Les critères relatifs aux bénéficiaires du crédit d'impôt sont également resserrés. Il s'agirait désormais des personnes qui :

- soit sont âgées de 60 ou plus et souffrent d'une perte d'autonomie entraînant leur classement dans l'un des groupes 1 à 4 de la grille nationale applicable pour l'allocation personnalité d'autonomie ;

- soit présentent un taux d'incapacité supérieur ou égal à 50 %. Ce taux d'incapacité est déterminé par décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

En outre, une condition de revenu est introduite : le crédit d'impôt serait accessible aux ménages disposant de revenus intermédiaires. Le dispositif MaPrimeAdapt' sera, pour sa part, réservé aux personnes modestes et très modestes.

Seuils supérieurs de revenus pour l'attribution
du crédit d'impôt

(en euros)

Nombre de personnes composant le ménage

Île-de-France

Autres régions

1

27 343

20 805

2

40 130

30 427

3

48 197

36 591

4

56 277

42 748

5

64 380

48 930

par personne supplémentaire

8 097

6 165

Source : article 6 du projet de loi de finances

Les revenus retenus seraient ceux de l'avant-dernière année précédant celle du paiement de la dépense ou, si ces revenus sont inférieurs aux seuils, les revenus de l'année précédant celle du paiement.

Les revenus doivent être inférieurs à un montant de 31 094 euros pour la première part de quotient familial ; ce montant est majoré de 9 212 euros pour chacune des deux demi-parts suivantes et de 6 909 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième. Les majorations sont divisées par deux pour les quarts de part.

Ces seuils et montants doivent être révisés au 1er janvier 2025, en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac.

Par ailleurs, au 10 de l'article 200 quater A, il est précisé que le bénéfice du crédit d'impôt ne peut être attribué en même temps que la nouvelle prime MaPrimeAdapt'.

Enfin, le dispositif est prorogé de deux ans et son échéance serait donc désormais au 31 décembre 2025.

Le VI du présent article précise que les caractéristiques et conditions d'octroi de la prime MaPrimeAdapt' ne peuvent pas être moins favorables que le crédit d'impôt, dans le cas où ce dernier dispositif est remplacé par la prime.

Le coût du crédit d'impôt résultant du présent article est estimé par l'étude préalable à 19 millions d'euros par an en 2025 et 2026, contre 51 millions d'euros en 2023 et 54 millions d'euros en 2024551(*). La mesure proposé réduirait donc le coût de la dépense fiscale, mais dans de moindres proportions que le coût de la nouvelle prime prévu à 67 millions d'euros sur les crédits du programme 135.

La partie du dispositif du crédit d'impôt relative au financement des diagnostics préalables aux travaux et de travaux prescrits par un PPRT n'est pas modifiée par le présent article. L'article 3 quaterdecies du présent texte (voir supra) propose toutefois sa prorogation.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE MODIFICATION RÉDACTIONNELLE

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a seulement retenu un amendement rédactionnel du rapporteur général Jean-René Cazeneuve.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : ACCEPTER UN DISPOSITIF QUI DEVRA TOUTEFOIS ÊTRE SIMPLIFIÉ À L'AVENIR

Le remplacement d'un crédit d'impôt par une dépense budgétaire est souvent une mesure de bonne gestion. La dépense budgétaire est plus facile à suivre et à maîtriser ; si elle est accompagnée de contrôles, elle peut présenter des effets d'aubaine moins importants.

En l'occurrence, le choix du Gouvernement, s'agissant de l'aide à l'adaptation du logement, est de recentrer l'effort de l'État sur l'aide aux ménages modestes et très modestes.

Le dispositif proposé par le présent article se caractérise néanmoins par une complexité administrative certaine, car au lieu de transformer le crédit d'impôt en dépense budgétaire, il laisse coexister les deux systèmes.

Il reviendra aux personnes concernées de déterminer, en fonction de leurs revenus, si elles sont éligibles à une prime (MaPrimeAdapt') ou à un crédit d'impôt, deux dispositifs fondamentalement différents. Le crédit d'impôt sera d'ailleurs accessible en fonction de revenus qui seront soit ceux de l'avant-dernière année, soit ceux de l'année précédente : il est regrettable que les revenus actuels ne soient pas pris en compte, comme c'est désormais le cas pour d'autres aides telles que les aides au logement.

Au total, les personnes visées, qui doivent faire face à des difficultés importantes, auront certainement besoin d'un accompagnement afin de faire valoir leurs droits.

Il est donc à souhaiter que, une fois le dispositif MaPrimeAdapt' en place, le Gouvernement aille vers une simplification de l'architecture des aides à l'adaptation des logements à la perte d'autonomie et au handicap.

VI. SUPPRESSION DES CONDITIONS DE ZONAGE APPLICABLES AUX OPÉRATIONS DE RÉNOVATION ET DE RÉHABILITATION DES LOGEMENTS SOCIAUX DANS LES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER (4° DU II ET A DU VII)

A. LE DROIT EXISTANT : UN DISPOSITIF DE CRÉDIT D'IMPÔT SOUTIENT L'ACQUISITION OU LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS NEUFS DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

1. Un crédit d'impôt pour favoriser le logement social

a) Les principales opérations éligibles

Le 1 du I de l'article 244 quater X du code général des impôts prévoit que les organismes d'habitations à loyer modéré à l'exception des sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété et les sociétés d'économie mixte exerçant une activité immobilière outre-mer peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt à raison de l'acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer, lorsqu'ils respectent les conditions suivantes :

- les logements sont donnés en location nue ou meublée par l'organisme, dans les douze mois de leur achèvement ou de leur acquisition, si elle est postérieure, et pour une durée au moins égale à cinq ans, à des personnes physiques qui en font leur résidence principale ou confiés en gestion à un centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour le logement d'étudiants bénéficiaires de la bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux ;

- les bénéficiaires de la location sont des personnes physiques dont les ressources n'excèdent pas des plafonds fixés par décret en fonction du nombre de personnes destinées à occuper à titre principal le logement et de la localisation de celui-ci ;

- le montant des loyers à la charge des personnes physiques susmentionnées ne peut excéder des limites fixées par décret et déterminées en fonction notamment de la localisation du logement ;

- une part minimale, définie par décret, de la surface habitable des logements compris dans un programme d'investissement d'un montant supérieur à deux millions d'euros est louée à des personnes physiques dont les ressources sont inférieures aux plafonds et pour des loyers inférieurs aux limites définis par décret ;

- une fraction, définie par décret, du prix de revient d'un programme d'investissement d'un montant supérieur à deux millions d'euros correspond à des dépenses supportées au titre de l'acquisition d'équipements de production d'énergie renouvelable, d'appareils utilisant une source d'énergie renouvelable ou de matériaux d'isolation ;

- les logements sont financés par subvention publique à hauteur d'une fraction minimale de 5 %.

b) Les autres opérations éligibles

Par ailleurs, sont également éligibles à ce crédit d'impôt les opérations :

- d'acquisition de logements achevés depuis plus de vingt ans faisant l'objet de travaux de réhabilitation permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique ;

- les travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans et situés dans les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants552(*) et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)553(*), permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique ;

- l'acquisition ou la construction de logements neufs situés dans les départements d'outre-mer réalisée par les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés y exerçant leur activité dans certaines conditions (définies au 5 du I de l'article 244 quater X du CGI) ;

- les travaux de démolition préalables à la construction de logements neufs lorsque l'achèvement des fondations de l'immeuble intervient dans un délai de deux ans suivant la date de fin des travaux de démolition.

2. Modalités de calcul et d'obtention du crédit d'impôt

Le crédit d'impôt est assis sur le prix de revient des logements, minoré, d'une part, des taxes et des commissions d'acquisition versées et, d'autre part, des aides publiques reçues. Ce montant est retenu dans la limite de 2 724 euros hors taxes par mètre carré de surface habitable.

Dans le cas spécifique des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans et situés dans les quartiers mentionnés au II de l'article 9-1 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et dans les quartiers prioritaires mentionnés à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique, le crédit d'impôt est assis sur le prix de revient des travaux de réhabilitation minoré, d'une part, des taxes versées et, d'autre part, des aides publiques reçues. Ce montant est retenu dans la limite d'un plafond de 50 000 euros par logement.

Enfin, dans le cas des travaux de démolition préalables à la construction de logements neufs lorsque l'achèvement des fondations de l'immeuble intervient dans un délai de deux ans suivant la date de fin des travaux de démolition, le crédit d'impôt est assis sur le prix de revient des travaux de démolition minoré, d'une part, des taxes versées et, d'autre part, des aides publiques reçues au titre de ces mêmes travaux. Ce montant est retenu dans la limite d'un plafond de 25 000 euros par logement démoli.

Le taux du crédit d'impôt est fixé à 40 %. En cas d'acquisition, le crédit d'impôt est accordé au titre de l'année d'acquisition de l'immeuble. En cas de construction de l'immeuble, le crédit d'impôt est accordé à hauteur de 70 % de son montant total au titre de l'année au cours de laquelle les fondations sont achevées et de 20 % au titre de l'année de la mise hors d'eau. Le solde, calculé sur le prix de revient définitif, est accordé au titre de l'année de livraison de l'immeuble. En cas de réhabilitation d'immeuble, le crédit d'impôt est accordé au titre de l'année d'achèvement des travaux. Enfin, en cas de travaux de démolition, le crédit d'impôt est accordé, pour ces seuls travaux, au titre de l'année de leur achèvement.

Le crédit d'impôt fait l'objet d'une reprise si l'une des conditions pour en bénéficier n'est pas respectée.

Il s'applique aux acquisitions, constructions ou réhabilitations d'immeubles effectuées à compter du 1er juillet 2014, et jusqu'au 31 décembre 2029.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA SUPPRESSION DU CRITÈRE DE LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE POUR BÉNÉFICIER DU CRÉDIT D'IMPÔT AU TITRE DES TRAVAUX DE RÉNOVATION ET DE RÉHABILITATION

Le 4° du II du présent article supprime le critère de localisation dans les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), afin de pouvoir bénéficier du crédit d'impôt de l'article 244 quater X du CGI à raison des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique.

Par ailleurs, il précise au A du VII que cette suppression du critère géographique s'applique aux travaux de rénovation ou de réhabilitation pour lesquels une déclaration préalable de travaux ou une demande de permis de construire est déposée à compter du 1er janvier 2024.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Ce dispositif n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : ACCEPTER LA SUPPRESSION DES CONDITIONS DE ZONAGE

S'agissant de la suppression des conditions de zonage applicables aux opérations de rénovation et de réhabilitation des logements sociaux dans les départements et régions d'outre-mer (4° du II du présent article), cette mesure a fait l'objet de plusieurs amendements adoptés lors de l'examen des derniers projets de loi de finances au Sénat.

Face à l'urgence d'agir pour la transition énergétique et dans la mesure où les travaux de réhabilitation, pour pouvoir bénéficier du crédit d'impôt de l'article 244 quater X du CGI, doivent présenter une part de dépenses relatives à l'acquisition d'équipements de production d'énergie renouvelable, d'appareils utilisant une source d'énergie renouvelable ou de matériaux d'isolation, la commission propose d'adopter cette mesure.

VII. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ACCEPTER LES DISPOSITIFS PROPOSÉS, MOYENNANT CERTAINES ADAPTATIONS ET CORRECTIONS

Les dispositifs très divers regroupés au sein du présent article ont été présentés séparément supra. Il aurait été préférable, du point de vue de la lisibilité de la loi de finances et de la clarté des débats, qu'ils fassent l'objet d'articles distincts.

Outre un amendement I-196 (FINC.39) rédactionnel, la commission a adopté, sur la proposition du rapporteur général :

- un amendement I-197 (FINC.40) qui rend facultative, sur délibération des collectivités territoriales concernées, l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties sur les logements sociaux anciens rénovés, dans la mesure où cette exonération relève d'une politique nationale ;

- un amendement I-198 (FINC.41) qui limite à 2026 la prorogation du prêt à taux zéro (PTZ) et de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), en cohérence avec l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques qui prévoit que toute dépense fiscale est prorogée pour une durée maximale de trois années ;

- un amendement I-199 (FINC.42) qui corrige la date d'entrée en vigueur des mesures d'ajustement du crédit d'impôt sur les sociétés compensant la suppression d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

ARTICLE 6 bis (nouveau)

Prorogation du dispositif « Denormandie » de réduction d'impôt en faveur de l'investissement locatif intermédiaire dans l'ancien avec réhabilitation

Le présent article proroge d'une année, jusqu'au 31 décembre 2024, le dispositif « Denormandie » de réduction d'impôt en faveur de l'investissement locatif intermédiaire dans l'ancien avec réhabilitation.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 126 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a créé le dispositif dit « Denormandie ancien » de réduction d'impôt sur le revenu pour l'investissement locatif intermédiaire dans la rénovation ou la transformation de logements anciens en centre-ville.

Prévu au 5° du B du I et au IV bis de l'article 199 novovicies du code général des impôts, ce dispositif transpose le régime du dispositif « Pinel », régi par le même article 199 novovicies, à une autre catégorie d'investissements.

Tandis que le dispositif « Pinel » accorde une réduction d'impôt pour les revenus issus de la location de logement neufs situés dans des zones, définies par arrêté, où le marché locatif est tendu554(*), le dispositif « Denormandie » s'applique aux logements situés dans les communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat est particulièrement marqué ou qui ont conclu une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT).

Le dispositif « Denormandie » est donc soumis à des conditions portant sur la localisation du logement, sur les travaux à réaliser et sur les conditions de location.

Alors qu'il devait s'appliquer initialement aux investissements réalisés du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, le dispositif a été prorogé successivement au 31 décembre 2022555(*), puis au 31 décembre 2023556(*).

A. LES LOGEMENTS DOIVENT ÊTRE SITUÉS DANS DES CENTRES-VILLES À BESOINS PARTICULIERS

Les logements bénéficiant du dispositif doivent être situés dans des communes :

- dont le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est particulièrement marqué. Le logement n'est toutefois pas nécessairement placé lui-même dans le centre-ville : cette contrainte de localisation, présente à l'origine, a été supprimée par l'article 115 de la loi n° 2019 1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. La liste des communes concernées par le besoin de réhabilitation de l'habitat en centre-ville est fixée par un arrêté du 26 mars 2019557(*) ;

- ou qui ont conclu une convention d'opération de revitalisation de territoire.

La convention d'opération de revitalisation du territoire (ORT) a été définie à l'article L. 303-2 du code de la construction et de l'habitation par la loi ELAN558(*). Il s'agit d'une convention entre l'État, un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et tout ou partie de ses communes membres, ainsi que les établissements publics et personnes publiques ou privées intéressées, tendant à mettre en oeuvre un projet de territoire intégrant le centre-ville de la ville principale du territoire de l'EPCI.

Les actions entreprises concernent en particulier l'amélioration de l'habitat (réhabilitation, lutte contre l'habitat indigne, amélioration de la performance énergétique) et l'aménagement urbain (équipements publics, attractivité du centre-ville pour les commerces et l'artisanat).

D'après les réponses au questionnaire budgétaire, les conventions ORT étaient au nombre de 592 conventions au mois d'août 2023, concernant 1 338 communes au total.

B. LES LOGEMENTS DOIVENT FAIRE L'OBJET DE TRAVAUX DE RÉHABILITATION

Un décret du 26 mars 2019559(*) a défini la nature des travaux éligibles, le niveau de performance énergétique exigé et les obligations déclaratives spécifiques pour les logements auxquels s'applique le dispositif.

Le montant des travaux de rénovation ou de transformation doit représenter au moins 25 % du coût total de l'opération et ils doivent être achevés au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'acquisition du logement destiné à être rénové.

C. LES CONDITIONS DE LOCATION ET LE RÉGIME FISCAL SONT SIMILAIRES À CEUX DU DISPOSITIF PINEL

Les conditions de location du dispositif « Denormandie » sont identiques à celles du dispositif « Pinel ».

Le propriétaire doit s'engager à louer le logement pendant une durée minimale, sur option, de six ou neuf ans. Le niveau du loyer et les ressources des locataires doivent être inférieurs aux plafonds qui définissent le logement locatif intermédiaire.

Le régime fiscal du dispositif « Denormandie » est similaire à celui du dispositif « Pinel ».

La réduction d'impôt est calculée sur la base du prix de revient du logement, retenu dans la limite d'un plafond fixé à 5 500 euros par mètre carré de surface habitable en application de l'article 46 AZA octies B de l'annexe III au code général des impôts.

L'assiette de la réduction d'impôt ne peut excéder 300 000 euros.

Le taux de la réduction est de 12 % si l'engagement de location est pris pour une durée de six ans et de 18 % s'il est pris pour une durée de neuf ans. Le dispositif Denormandie se distingue sur ce point du dispositif Pinel, pour lequel des taux inférieurs sont appliqués en 2023 (respectivement, 10,5 % et 15 %) et 2024 (respectivement, 9 % et 12 %), dans le cadre de la mise progressivement en extinction de ce dispositif prévue d'ici à la fin 2024.

D. LE DISPOSITIF A EU TRÈS PEU DE SUCCÈS JUSQU'À PRÉSENT

Le dispositif Denormandie n'a pas, jusqu'à présent, rencontré un succès comparable à celui des dispositifs d'incitation à l'investissement locatif intermédiaire neuf tel que le dispositif Pinel.

Le nombre de ménages bénéficiaires serait de 881 seulement, pour un coût estimé de 8 millions d'euros en 2023 et 10 millions d'euros en 2024560(*).

La loi de finances pour 2022 a assorti la prorogation du dispositif de l'exigence, pour le Gouvernement, de remettre un rapport d'évaluation au plus tard le 30 septembre 2022. Cette échéance n'a pas été respectée et la loi de finances pour 2023 l'a repoussée au 30 septembre 2023561(*), date à laquelle le rapport n'avait toujours pas été remis.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : PROROGER D'UNE ANNÉE LE DISPOSITIF « DENORMANDIE »

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a repris un amendement présenté par Mme Émilie Bonnivard et plusieurs de ses collègues, tendant à proroger d'une année le dispositif Denormandie, qui prendrait donc fin le 31 décembre 2024, comme le dispositif Pinel dont il reprend de nombreuses modalités.

L'amendement justifie cette prorogation par la très grande tension qui existe sur le secteur immobilier.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ACCEPTER UNE PROROGATION D'UNE DURÉE LIMITÉE

Force est de constater que, une fois de plus, le Gouvernement propose la prorogation d'une « niche » fiscale qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation présentée au Parlement, la demande d'évaluation formulée dans deux lois de finances différentes n'ayant pas été respectée.

Rien n'indique qu'une année supplémentaire accroîtra le succès d'un dispositif qui n'a pas rencontré son public.

En tout état de cause, le faible succès du dispositif, et la perspective d'une suppression complète dans un an en même temps que le dispositif Pinel, rend du même coup le coût potentiel d'une telle prorogation peu élevé au regard de celui des autres dépenses fiscales. En outre, le dispositif présente un véritable intérêt dans son principe, puisqu'il favorise la rénovation de logements dans des communes où le besoin de réhabilitation est important, par rapport à la construction de logements neufs.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7

Aménagement des dispositifs fiscaux de soutien au développement des territoires ruraux et prorogation des dispositifs fiscaux de soutien à la politique de la ville et au développement des territoires en reconversion

Le présent article proroge et adapte différents régimes zonés pour soutenir des territoires en difficulté et procède à la fusion de certains de ces régimes dans un zonage unique dénommé France Ruralités Revitalisation (FRR).

La commission des finances propose des modifications tendant à :

- limiter à 3 ans, jusqu'en 2026, la durée de prorogation de l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties dans les quartiers prioritaires de la ville, par un amendement n° I-1035 (FINC.91) ;

- coordonner les dispositions prévues aux articles 7 et 10 quinquies du présent projet de loi, par un amendement n° I-1036 (FINC.92) ;

- supprimer une coordination proposée sur l'article L. 141-4- 3 du code de la sécurité sociale qui n'existe pas, par un amendement n° I-1037 (FINC.93).

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UN ENCHEVÊTREMENT PEU LISIBLE DE DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX TERRITOIRES DÉFAVORISÉS

Le législateur a multiplié les initiatives pour venir en aide, d'une part, aux territoires en reconversion, c'est-à-dire aux territoires qui étaient principalement dépendants d'un type d'activité économique aujourd'hui en déclin, et, d'autre part, aux territoires ruraux en difficulté.

S'est progressivement opéré un découpage du territoire en zones, lesquelles ne se superposent pas au découpage administratif : ces fractions de territoire bénéficient d'un régime fiscal particulier selon des critères géographiques (démographie, densité, etc.) ou socio-économiques (taux de chômage, revenu, nombre d'entreprises, etc.).

Ainsi, entre 1995 et 2021, plusieurs dispositifs d'exonération d'impôts sur les bénéfices (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) ainsi que d'exonération d'impôts locaux (TFPB, CFE, CVAE) ont été mis en place au sein de ces zones. Ces allègements fiscaux peuvent être imposés par voie législative, donnant droit à compensation, par l'État, aux collectivités territoriales concernées ou simplement laissés à l'appréciation de ces dernières, auquel cas ils ne sont pas compensés. Le classement en zones peut aussi ouvrir droit à des soutiens financiers de nature non fiscale, par exemple par la majoration de certaines dotations.

Schématiquement, on dénombre onze dispositifs principaux de zonages de ce type.

En premier lieu, deux zonages relèvent de la politique de la ville : les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)562(*) et les zones franches urbaines - territoires entrepreneurs (ZFU-TE)563(*).

En second lieu, cinq zonages ont été mis en place pour soutenir des territoires en reconversion : les bassins urbains à dynamiser (BUD)564(*), les zones de restructuration de la défense (ZRD)565(*), les zones de revitalisation des centres-villes (ZRCV), les zones d'aide à l'investissement pour les petites et moyennes entreprises (ZAI-PME)566(*) et les zones d'aide à finalité régionale (ZAFR)567(*).

Enfin, quatre de ces zonages concernent spécifiquement les territoires ruraux : il s'agit des zones de revitalisation rurale (ZRR), des bassins d'emploi à redynamiser (BER), des zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR) et des zones de développement prioritaire (ZDP).

Le tableau suivant récapitule les principales caractéristiques de chacun de ces onze types de zonage.

Type de Zonage (année de création)

Critères

Exonérations d'impôts sur les bénéfices

Exonérations d'impôts locaux

Dispositifs
non fiscaux

Activités économiques ciblées

Coût pour l'État

en millions d'euros

ZRR

(1995)

Densité, déclin démographique, revenu fiscal

(maille intercommunale)

5 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

TFPB et CET, sur délibération, de 2 ans à 5 ans

CET, sauf délibération contraire, pour certaines activités, 5 ans au maximum

Exonérations sectorielles diverses

Exonérations de cotisations sociales

Majoration de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation d'intercommunalité

Création ou reprise d'une activité industrielle, commerciale, artisanale ou libérale par une entreprise de moins de 11 salariés.

37 700 pour l'IR IS 21 152 pour la CFE 2840 pour la CVAE

(données 2018 rapport AN sur les ZRR)

223

BER

(1995)

Taux de chômage, déclin démographique, déclin de l'emploi

5 ans

Exonération sauf délibération contraire, de

TFPB et de CET de 5 ans

Exonérations de cotisations sociales

Création d'entreprises activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale

850 sociétés

8

ZoRCoMiR

(2020)

Faible population, faible nombre de commerces, non appartenance à une aire urbaine

 

TFPB et CET, sur délibération

 

Entreprises créées ou existantes de moins de onze salariés et de moins de

2 M€ de CA

Non connu

ZDP

(2019)

Taux de pauvreté, chômage des jeunes, densité

Maille régionale et intercommunale

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération obligatoire de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable.

CET et TFPB, sur délibération, de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans pour les 50 % restant

 

Création d'une PME qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale.

Non connu

QPV

Population minimale, revenu maille infra-communale

 

TFPB, sauf délibération contraire 5 ans

CET, sauf délibération contraire, 5 ans puis dégressivité sur 3 ans pour TPE (60 %, 40 % et 20)

Utilisé pour la répartition de la dotation politique

de la ville (DPV)

Création par une entreprise de moins de 50 salariés et 10 M€ de CA d'une activité commerciale

74

ZRD

Zones affectées par la réorganisation des unités militaires et touchées par une baisse d'activité des entreprises et une chute significative de l'emploi

Exonération

d'impôts sur les bénéfices

Exonération de cotisation foncière des entreprises et

de taxe foncière sur les propriétés bâties

Exonération des cotisations patronales

Toutes les entreprises (individuelle ou société), quel que soit leur régime d'imposition (microentreprise, régime réel normal ou simplifié)

activité industrielle, artisanale ou commerciale ou libérale si celle-ci s'exerce en société soumise à l'impôt sur les sociétés (activités agricoles exclues)

activité de location d'immeubles professionnels munis de leurs équipements

Non connu

ZFU-TE (1996)

Population, taux de chômage, jeunesse, déscolarisation, potentiel fiscal par habitant

5 ans puis dégressivité sur 3 ans (60 %, 40 % et 20 %)

   

Création par une entreprise de moins de 50 salariés et 10 millions d'euros de CA d'une activité industrielle, artisanale,

commerciale ou libérale

163

BUD

(2018)

Densité, revenu médian, taux de chômage

(maille communale et intercommunale)

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

Exonération obligatoire de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %) pour 50 % de la base nette imposable.

Sur délibération, de CET et de TFPB de 7 ans puis dégressivité sur 3 ans pour les 50 % restant

 

Création d'une PME exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale

2

ZRCV

(2020)

Conclusion d'une ORT, revenu

Maille communale

 

TFPB, CET, sur délibération

   

Non connu

ZAFR

(1980)

PIB par habitant, taux de chômage, densité

Maille communale

2 ans puis dégressivité sur 3 ans (75 %, 50 % et 25 %)

TFPB, CET, 2 ans sur délibération, jusqu'à 5 ans pour certaines activités

 

Création d'entreprises exerçant une activité industrielle, artisanale, commerciale ou libérale

81

ZAI-PME

Communes non situées en ZAFR (en IDF, communes de zone urbaine sensible ou de ZRR)

 

CET, sur délibération, jusqu'à 5 ans pour certaines activités

 

Création par une PME d'une activité industrielle ou de recherché scientifique et technique

Non connu

Source : commission des finances du sénat

Parmi ces zonages, les zones de développement prioritaires occupent une place singulière puisque seule la Collectivité de Corse est concernée en raison de la nature des critères instaurés : sont concernées les communes de France métropolitaine qui marient de faibles revenus, une part importante de jeunes sans emploi ni formation ainsi qu'une faible densité.

Les trois autres zonages ruraux arriveront à échéance le 31 décembre 2023, après avoir déjà été prorogés pour certains d'entre eux : il s'agit des zones de revitalisation rurale (ZRR), des bassins d'emploi à redynamiser (BER) et des zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR), instaurés sans réelle coordination.

Parmi les dispositifs de politique de la ville ou de soutien à des zones en reconversion connaissant des difficultés particulières, là aussi, les initiatives successives, tout en répondant aux besoins exprimés, aboutissent aujourd'hui à l'existence d'une multitude de mécanismes qui rendent le volet « zonage » de la politique d'aménagement du territoire peu lisible et insuffisamment harmonisé.

A. LA JUXTAPOSITION, SANS RÉELLE COORDINATION, DE DISPOSITIFS DE RÉGIMES ZONÉS EN FAVEUR DES TERRITOIRES RURAUX

Trois mécanismes d'aménagement destinés à des territoires ruraux arriveront à échéance le 31 décembre 2023. Tout en poursuivant des finalités proches, ils répondent à des règles disparates.

1. Les bassins d'emploi à redynamiser (BER)

La loi de finances rectificative pour 2006568(*) a modifié la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire569(*) pour créer les bassins d'emploi à redynamiser (BER). Ces derniers sont reconnus par voie réglementaire parmi les territoires dans lesquels la majorité des actifs résident et travaillent simultanément, dès lors qu'ils comptaient un taux de chômage, au 30 juin 2006, supérieur de trois points au taux national, une variation annuelle moyenne négative de la population entre les deux derniers recensements connus supérieure en valeur absolue à 0,15 % ainsi qu'une variation annuelle moyenne négative de l'emploi total entre 2000 et 2004 supérieure en valeur absolue à 0,75 %.

Deux territoires ont rempli les conditions fixées et ont été classés en bassins d'emploi à redynamiser : la vallée de la Meuse dans la région Grand-Est et la zone d'emploi « Lavelanet » en région Occitanie. 352 communes de la zone d'emploi de la vallée de la Meuse et 56 communes d'Occitanie sont aujourd'hui placées, par voie réglementaire570(*), parmi les communes sur le territoire desquels les entreprises peuvent bénéficier des exonérations propres aux BER.

Une entreprise qui s'installe ou réalise une extension d'établissement dans un des deux bassins d'emploi à redynamiser peut, à condition de remplir certaines conditions d'activité, bénéficier d'exonérations d'impôt sur les bénéfices, d'impôts locaux et de certaines cotisations. Plus précisément, les contribuables qui créent des activités entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2023 dans ces BER sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans le bassin d'emploi et réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant le début d'activité571(*).

Les contribuables qui créent des activités à compter du 1er janvier 2014 bénéficient de ces mêmes exonérations à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans le bassin d'emploi et réalisés jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant le début d'activité, tout en perdant le bénéfice de l'exonération à compter de l'exercice au cours duquel ils procèdent à une distribution de dividendes à leurs actionnaires, cela afin d'encourager les investissements productifs.

Le bénéfice de ces exonération est réservé aux contribuables exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale572(*), à l'exception des activités de crédit-bail mobilier, de location d'immeubles à usage d'habitation, ou agricole. L'exonération ne s'applique pas aux créations d'activités dans les bassins d'emploi à redynamiser consécutives au transfert d'une activité précédemment exercée par un contribuable ayant bénéficié, au titre d'une ou plusieurs des cinq années précédant celle du transfert, de certains autres mécanismes d'exonération573(*).

2. Les zones de revitalisation rurale (ZRR)

Introduit à l'occasion de l'adoption de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire574(*) et codifié à l'article 1465 A du code général des impôts, le dispositif instaurant les zones de revitalisation rurale (ZRR) vise les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre qui satisfait à deux conditions cumulatives. L'EPCI doit, d'une part, être caractérisé par une densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCI à fiscalité propre métropolitains, ou bien connaître un déclin de sa population de 30 % ou plus sur les quatre dernières décennies, à condition de se trouver dans un arrondissement composé majoritairement de communes classées en zone de revitalisation rurale, et dont la population pèse plus de 70 % du total des habitants de l'arrondissement. D'autre part, le revenu fiscal par unité de consommation médian de l'EPCI doit être inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par EPCI à fiscalité propre métropolitain.

L'arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale, modifié en 2018, fait ainsi entrer 17 937 communes dans le dispositif des ZRR, soit presque 51 % des 35 028 communes françaises (toutefois, les communes situées en Nouvelle-Calédonie, dans les collectivités d'Outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution et des départements, et dans les régions ou collectivités uniques au sens de l'article 73 de la Constitution ne sont pas concernées par le dispositif et on pourrait donc ramener à 34 816 le nombre de communes potentiellement concernées par le dispositif).

Sur le territoire des ZRR, sauf délibération contraire de la commune ou de l'EPCI, les entreprises qui procèdent soit à des extensions ou des créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique, soit à une reconversion dans le même type d'activités, soit à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités, sont exonérées de cotisation foncière des entreprises (CFE).

Compte tenu notamment du mouvement de fusions de communes, le Gouvernement évalue à l'heure actuelle le nombre de communes bénéficiant du dispositif des ZRR à 17 720, réparties comme suit.

Nombre et catégories de communes classées en ZRR

Catégorie de communes

Nombre de
communes

Classées en ZRR

13 656

Sortantes en 2017 mais continuant à bénéficier des effets du classement depuis 2018

3 021

Classées en ZRR au titre de la baisse de population sur quatre décennies

12

Sortantes en 2017, classée en zone de montagne et continuant à bénéficier des
effets du classement depuis 2017

994

Commun fusionnée bénéficiant en totalité des effets du classement car classée
en zone de montagne

1

Partiellement classées en ZRR

28

Communes fusionnées bénéficiant partiellement des effets du classement depuis 2018

6

Communes fusionnées bénéficiant partiellement des effets du classement car partiellement classée en zone de montagne

2

Total

17 720

Source : réponses au questionnaire budgétaire

3. Les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR)

La pandémie de Covid- 19 a mis en exergue le déficit structurel d'attractivité de certains territoires. Le législateur a, en conséquence, souhaité favoriser la création de nouvelles activités dans les communes jugées vulnérables, en ouvrant la possibilité aux exécutifs locaux de mobiliser des dispositifs fiscaux avantageux.

La loi de finances pour 2020575(*) a ainsi instauré la possibilité de classer les communes des EPCI à fiscalité propre remplissant certains critères en zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR) et en zones de revitalisation des centres-villes (ZRCV). L'article 1464 G du code général des impôts prévoit que sont classées en zone de revitalisation des commerces en milieu rural les communes qui comptent une population municipale inférieure à 3 500 habitants, qui n'appartiennent pas à une aire urbaine de plus de 10 000 emplois et qui comprennent un nombre d'établissements exerçant une activité commerciale inférieur ou égal à dix.

14 114 communes, soit 40 % des 34 945 communes que comptait la France au 1er janvier 2023, remplissent ces critères (là aussi hors communes situées en Nouvelle-Calédonie, dans les collectivités d'Outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution et des départements, et dans les régions ou collectivités uniques au sens de l'article 73 de la Constitution) et ont été classées en ZoRCoMIR576(*).

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent, par une délibération, exonérer partiellement ou totalement de cotisation foncière des entreprises les établissements exerçant une activité commerciale, dès lors que l'entreprise compte moins de onze salariés577(*) et a réalisé un chiffre d'affaires annuel hors taxes inférieur à 2 millions d'euros578(*) (ou présente un total de bilan inférieur à 2 millions d'euros).

Pour bénéficier de l'exonération, les entreprises doivent en faire la demande, dans les délais prévus à l'article 1477 du code général des impôts, c'est-à-dire « l'année précédant celle de l'imposition au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai ou, en cas de création d'établissement ou de changement d'exploitant ou d'activité en cours d'année, l'année suivant celle de la création ou du changement au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai ».

Le tableau suivant récapitule les critères d'accès et les dispositifs mobilisables dans le cadre des BER, des ZRR et des ZoRCoMIR. 

Principales caractéristiques des zonages
dont la fusion est envisagée

 

Bassins d'emploi à redynamiser (BER)

Zones de revitalisation rurale (ZRR)

Zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZoRCoMIR)

Principaux fondements juridiques

3. bis de l'article 42 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006

Article 1465 A du code général des impôts

Article 1464 G du code général des impôts

Collectivités concernées

Communes d'un même bassin

Communes d'un même EPCI

Communes

Critères d'éligibilité au dispositif des communes concernées

-Taux de chômage supérieur de trois points au taux national

-Variation annuelle moyenne négative de la population entre les deux derniers recensements connus supérieure en valeur absolue à 0,15 %

-Variation annuelle moyenne négative de l'emploi total entre 2000 et 2004 supérieure en valeur absolue à 0,75 %

- Densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCIFP métropolitains (ou déclin de sa population de 30 % ou plus sur les quatre dernières décennies)

- Revenu fiscal par unité de consommation inférieur ou égal à la médiane des revenus médians par EPCIFP métropolitain

- Population municipale inférieure à 3 500 habitants

- Ne pas appartenir à une aire urbaine de plus de 10 000 emplois

- Avoir un nombre d'établissements exerçant une activité commerciale inférieur ou égal à dix

Critères d'éligibilité des entreprises au dispositif

- Exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale (à l'exception des activités de crédit-bail mobilier, de location d'immeubles à usage d'habitation, ou agricole).

- Extensions ou créations d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique (ou reconversion dans le même type d'activités ou reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités)

- Exercer une activité commerciale

- Moins de onze salariés

- CA annuel hors taxes inférieur à 2 millions d'euros (ou bilan inférieur à 2 millions d'euros)

Type de dispositif mobilisable

- Exonération d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités concernées (dans les vingt-trois mois suivant le début d'activité)

- Exonération de cotisation foncière des entreprises

Exonération partielle ou totale de cotisation foncière des entreprises

Nombre de communes concernées

408 communes579(*)

17 720 communes580(*)

14 114 communes581(*)

Source : Commission des finances du Sénat

B. UNE POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE DONT L'EFFICIENCE EST AUJOURD'HUI QUESTIONNÉE

Une évaluation582(*) conduite en juillet 2020 par quatre inspections a globalement conclu à l'inefficacité relative des dispositifs précités, soulignant ainsi le décalage entre l'attachement que les élus locaux leur portent, en ce qu'ils symbolisent l'attention que l'État prête aux territoires ruraux, et leur efficacité économique réelle.

Cette évaluation prête trois caractéristiques principales à ces dispositifs :

- une faible part des entreprises éligibles recourt effectivement au dispositif le plus couteux pour l'État, à savoir celui des ZRR583(*) ;

- les activités libérales, peu créatrices d'emploi, mais très au fait de l'existence de dispositifs d'exonération, sont les plus concernées. Le commerce ou l'industrie ne bénéficient que très peu de mécanismes pourtant initialement pensés pour eux ;

- l'absence d'harmonisation des paramètres des exonérations (conditions, durée, etc.) altère leur efficacité.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : VERS L'INSTAURATION DE ZONES « FRANCE RURALITÉS REVITALISATION » (FRR) ET LA PROROGATION DE CERTAINS DISPOSITIFS DE ZONAGE

Le présent article proroge jusqu'au 30 juin 2024 les trois zonages ciblant les territoires ruraux et les fusionne, à partir du 1er juillet 2024, dans un nouveau zonage unique qui se substituera donc aux ZRR, aux BER et aux ZoRCoMiR : « France Ruralités Revitalisation » (FRR). Les zones FRR comprennent un niveau « socle », assis sur le revenu et de la densité de population, et un niveau « plus » ciblant les communes les plus vulnérables.

Le présent article prévoit des conditions harmonisées d'exonération d'impôt sur les bénéfices (impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés) et d'impôts locaux fonciers (TFPB et CFE).

Par ailleurs, l'article 7 proroge les zonages en faveur de la politique de la ville (ZFU-TE et QPV) pour l'année 2024, les zonages de soutien aux territoires en reconversion (BUD, ZDP et ZRCV) jusqu'en 2026 et les deux zonages qui s'inscrivent dans un cadre européen (ZAFR et ZAI-PME) jusqu'en 2027.

A. LA FUSION, À COMPTER DU 1ER JUILLET 2024, DES BASSINS D'EMPLOI À REDYNAMISER (BER), DES ZONES DE REVITALISATION RURALE (ZRR) ET DES ZONES DE REVITALISATION DES COMMERCES EN MILIEU RURAL (ZORCOMIR)

Trois échelons territoriaux potentiels de classification en FRR sont retenus à l'article 7 (la commune, l'EPCI ou le bassin de vie) à partir de trois catégories de critères : la densité de population, l'évolution démographique ainsi que le revenu des habitants.

Le dispositif retient une classification de droit, sur le fondement de critères « habituels » et purement objectifs, et une classification, dans certains cas de figure, sur décision ministérielle après proposition préfectorale.

1. Une marge d'appréciation préfectorale en sus du classement de droit

Le A du II du nouvel article 44 quindecies A prévoit que seront, de droit, classées en FRR les communes membres d'un EPCI remplissant les deux conditions suivantes :

- afficher une densité de population inférieure ou égale à la densité médiane nationale des EPCI ;

- présenter un revenu par unité de consommation médian inférieur ou égal au 35e centile des revenus médians par EPCI.

Il s'agit de critères fortement inspirés de ceux appliqués dans les actuelles ZRR, (densité et revenu sur une maille intercommunale).

Par ailleurs, conformément au C du II du nouvel article 44 quindecies A, seront également classées de droit en FRR, les communes situées dans un département métropolitain dont la densité de population est inférieure au tiers de la densité moyenne française (35 habitants par kilomètre carré) et dont la population a diminué de plus de 4 % sur la période 1999-2019, c'est-à-dire toutes les communes des six départements suivants : Haute-Marne, Nièvre, Creuse, Indre, Meuse et Cantal.

En parallèle, le B du II du nouvel article 44 quindecies A prévoit que le préfet de région, « lorsque l'intérêt général le justifie », disposera de la faculté de proposer au ministre en charge des collectivités territoriales le classement de l'ensemble des communes qui appartiennent à un même bassin de vie, si ce dernier satisfait aux mêmes critères de densité et de revenu faibles appréciés relativement aux autres bassins de vie.

Un décret fixera le calendrier et les modalités de proposition, par arrêté préfectoral, des communes accédant ainsi au dispositif. Après publication de cet arrêté comportant les propositions préfectorales dans la région concernée, un arrêté des ministres chargés des collectivités et du budget détermine arrêtera en FRR le classement retenu.

Enfin, seront classées dans le zonage FRR les communes de Guyane, ainsi que celles de La Réunion comprises dans une zone spéciale d'action rurale délimitée par décret.

2. Une fiscalité ajustée aux nouvelles zones classées en FRR

En application du B du I de l'article 44 quindecies A précité, les entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ou professionnelle non commerciale (incluant les activités libérales) créées sur le territoire d'une FRR entre le 1er juillet 2024 et le 31 décembre 2029 bénéficieront d'exonérations d'impôt pour la part de leurs bénéfices (IR ou IS) réalisés sur la zone concernée.

Sont concernés les micros-entrepreneurs ainsi que les petites et moyennes entreprises. Le siège social de l'entreprise ainsi que l'ensemble de son activité et de ses moyens d'exploitation doivent être implantés dans la zone. Le champ est donc substantiellement étendu par rapport aux ZRR ou aux ZoRCoMiR : ces dernières visent les entreprises de moins de 11 salariés, tandis qu'une PME peut compter jusqu'à 249 employés.

Le cas particulier des activités itinérantes fait l'objet d'une disposition spécifique : il faut que la part d'activité non sédentaire réalisée en dehors de la zone représente au plus 25 % du chiffre d'affaires de cette activité. Au-delà de 25 %, les bénéfices sont soumis à l'IS ou à l'IR dans les conditions de droit commun en proportion du chiffre d'affaires réalisé en dehors des zones.

Une exonération totale est valable cinq ans à compter de l'année qui suit la création de l'établissement, avant que ne débute une entrée progressive dans l'impôt avec un abattement à hauteur de 75 % la première année, 50 % la deuxième et 25 % la troisième. À partir de la quatrième année suivant la période d'exonération, l'impôt est pleinement dû.

Cette double caractéristique (exonération totale puis entrée progressive des bénéfices dans l'impôt) s'inspire du régime existant pour les ZRR. De surcroît, le bénéfice des exonérations est subordonné au respect du règlement relatif aux aides d'État de faible montant (dites de minimis), comme c'était le cas jusqu`alors pour les zonages auquel se substitue le nouveau mécanisme.

3. Un soutien davantage appuyé à destination des « FRR+ »

Dans les zones particulièrement en difficulté, un niveau « FRR + », distinct du niveau socle, pourra être activé, conformément au III de l'article 44 quindecies A précité. Ainsi que l'indique le Gouvernement, « l'objectif ne serait pas seulement de favoriser le développement économique, mais également d'assurer la pérennité des entreprises déjà installées ».

Outre l'ouverture d'exonérations lors de créations d'entreprises, le dispositif FRR + concernerait les autres créations d'activités (par exemple certaines activités professionnelles non commerciales) ainsi que les reprises d'entreprises en difficulté. Seraient également concernés les transferts d'activité. La création d'activité ou la reprise d'entreprise en difficulté pourra donc être exonérée d'IR ou d'IS, mais aussi, sous réserve de l'adoption d'une délibération de l'assemblée territorialement compétente, de CFE et de TFPB. Ces exonérations s'appliqueront aux filiales et aux franchises, que ce soit en FRR ou en FRR+584(*).

Il faut noter que dans le cadre d'une reprise d'entreprise en difficulté, une exonération était prévue en ZRR, tandis que le niveau socle ne le prévoit pas dans le cadre des FRR (ce sera donc désormais seulement le cas au niveau FRR+).

4. Une marge de manoeuvre pour les communes et les EPCI concernés

Une exonération de TFPB et de CFE pourra être décidée par les assemblées délibérantes des communes et EPCI concernés.

Les communes et EPCI à fiscalité propre pourront exonérer de CFE les établissements exerçant une activité relevant du champ précité585(*) tandis qu'elles pourront exonérer de TFPB les immeubles situés en FRR et rattachés à un établissement qui remplit les conditions pour bénéficier de l'exonération de CFE586(*) dans les zones classées « FRR+ », ces exonérations pourront concerner les extensions d'établissements réalisées jusqu'au 31 décembre 2029.

Les modalités d'exonération sont similaires : exonération pendant cinq ans, puis abattement sur la base nette taxable afin de garantir une entrée progressive de l'assiette dans l'impôt (75 % d'abattement de la base nette imposable la première année, puis 50 % la deuxième et 25 % la troisième). L'exonération de CFE s'applique à compter de l'exercice qui suit la création, ou de la deuxième année qui suit l'extension de l'établissement.

Le redevable doit adresser, la première année, la demande d'exonération de CFE et transmettre les éléments d'identification des immeubles concernés par l'exonération de TFPB au service des impôts, en respectant les délais prévus, d'une part, au présent article et, d'autre part, à l'article 1477 du Code général des impôts587(*). Il doit, lors des exercices suivants, transmettre tout élément entraînant une modification de sa situation.

Une application des exonérations de TFPB et de CFE, dès le 1er juillet 2024, est prévue à la condition que les délibérations soient prises dans les 90 jours suivant la publication de l'arrêté fixant la liste des communes classées en zone FRR. Par ailleurs, une mesure transitoire visant à ce que les exonérations antérieures qui n'ont pas achevé leurs effets soient poursuivies588(*).

5. La présence de garde-fous

Afin d'éviter tout effet d'aubaine, il est prévu au VIII de l'article 44 quindecies A précité589(*), comme dans le cadre des zonages actuels, que les exonérations applicables dans les zones FRR et FRR+ sont exclusives des avantages conférés par les autres dispositifs zonés. L'entreprise éligible au dispositif FRR ou FRR + doit donc exercer un droit d'option, lequel est irrévocable.

Par ailleurs, toute entreprise qui cesserait sciemment590(*) son activité dans une zone FRR, comme c'est le cas aujourd'hui en ZRR, en délocalisant son activité moins de cinq ans après avoir bénéficié pour la première fois de l'exonération d'impôt sur les bénéfices, devra verser le montant correspondant aux exonérations dont elle a bénéficié.

Enfin, le VII de l'article 44 quindecies A précité prévoit qu'une même entité, y compris si elle change de statut, ne peut pas bénéficier deux fois d'un dispositif d'exonération (seule est prévue la possibilité de bénéficier de la durée restante du dispositif, sous conditions) : les exonérations ne s'appliquent pas aux activités qui ont bénéficié d'une exonération sur les bénéfices liée à un zonage (ZFU, BER, ZRD, ZFANG591(*), ZRR, BUD, ZDP) ou d'une prime d'aménagement du territoire (versée dans les ZAFR).

B. EN PARALLÈLE, LA PROROGATION DE SIX DISPOSITIFS

Outre la prorogation précitée, jusqu'au 30 juin 2024, des ZRR, BER et ZoRCoMiR, le tableau suivant récapitule les éléments relatifs à la prorogation, opérée par l'article 7, de six autres dispositifs de zonage.

Dispositifs de zonages prorogés à l'article 7 (hors nouveau zonage FRR)

Zonage concerné

Structure concernée à l'article 7

Date jusqu'à laquelle le dispositif est prorogé

QPV

15° et 29° du I et XX

31 décembre 2024

ZFU-TE

3° du I

31 décembre 2024

BUD

7° et 21° du I

31 décembre 2026

ZDP

8° et 22° du I

31 décembre 2026

ZAFR

1°, 26° et 28° du I

31 décembre 2027

ZAI-PME

31 décembre 2027

Source : commission des finances du Sénat

C. LE MAINTIEN DE CERTAINS AVANTAGES FISCAUX POUR LES QUARTIERS SORTANT DU DISPOSITIF DES CONTRATS DE VILLE OU DES QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

L'article 5 de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine prévoit que la liste des QPV fait l'objet d'une actualisation dans l'année du renouvellement général des conseils municipaux, et l'article 6 prévoit que les contrats de ville sont signés au cours de la même année.

Ces dispositions n'ont pas été appliquées lors du renouvellement général des conseils municipaux qui est intervenu en 2020, l'échéance ayant été repoussée plusieurs fois pour chacun des deux dispositifs. Elle est désormais fixée au 31 décembre 2023 : les contrats de ville doivent cesser de produire leurs effets à cette date et la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville doit avoir été mise à jour au 1er janvier 2024592(*).

Le présent article contient en conséquence des dispositions de transition pour certains avantages fiscaux liés à ces deux dispositifs.

S'agissant des contrats de ville, l'article 1383 C ter du même code exonère de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPB) pour une durée de cinq ans les commerces situés dans les QPV, sauf délibération contraire de l'autorité locale. Cette exonération ne s'applique pas aux nouveaux commerces après le 31 décembre 2023.

Le 15° du I du présent article proroge cette exonération d'une année, jusqu'au 31 décembre 2024, et supprime la nécessité de l'existence d'un contrat de ville. Il exclut également le cumul de cette exonération avec celle prévue pour les nouvelles zones France Ruralités Revitalisation, par coordination avec la création de ces zones (voir supra). Le 19° procède à une mesure similaire de coordination à l'article 1383 J du code général des impôts.

S'agissant des quartiers prioritaires de la politique de la ville, l'article 1388 bis du code général des impôts accorde un abattement de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPB) de 30 % aux logements locatifs sociaux situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Cet abattement a un coût de 121 millions d'euros pour l'État et concerne 1,6 million de locaux593(*).

Le XX du présent article prévoit que les logements qui bénéficient de cet abattement au titre de 2023 en bénéficieront également au titre de 2024.

Cette disposition vise les quartiers qui pourraient perdre la qualité de quartiers prioritaires de la politique de la ville en application de la nouvelle classification de ces quartiers prévue pour le 1er janvier 2024.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a retenu 11 amendements rédactionnels, présentés par le rapporteur général Jean-René Cazeneuve, et un amendement présenté par Mme Marina Ferrari et plusieurs de ses collègues, qui proroge l'abattement de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPB) de 30 % prévu par l'article 1388 bis du code général des impôts pour les logements situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV).

Cet amendement insère ainsi un 20° bis dans le I, qui modifie l'article 1388 bis afin :

- de préciser que les quartiers prioritaires de la politique de la ville mentionnés dans cet article sont ceux définis à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, qui définit en effet ces quartiers ;

- d'exiger que le propriétaire bénéficiant de l'abattement doit être signataire d'un contrat de ville au 1er janvier de l'année d'imposition, et non avant le 1er octobre de l'année qui précède celle de la première application de l'abattement ;

- surtout, de proroger l'application de l'abattement jusqu'en 2030, alors qu'il s'applique actuellement aux impositions établies au titre des années 2016 à 2023.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ARTICLE QUI NE SEMBLE PAS AVOIR FAIT L'OBJET, AVANT LE DÉPÔT DU PROJET DE LOI DE FINANCES, DE LA CONCERTATION NÉCESSAIRE

Compte tenu des fortes disparités de critères d'éligibilité entre les différents zonages, et des avantages afférents, la démarche d'homogénéisation et de simplification engagée par le présent article apparaît, sur le principe, justifiée. Les modifications par touches successives ont fait perdre leur cohérence d'ensemble aux dispositifs zonés.

Sur la méthode, force et de constater que les concertations menées n'ont pas permis, avant le dépôt du texte du projet de loi de finances pour 2024, de parvenir à un projet faisant réellement consensus.

La clarification de certains points, qui peuvent apparaître insatisfaisants dans les régimes actuels de zonage, comme l'incertitude juridique autour de l'éligibilité des franchises et des filiales à certains dispositifs de zonages, constitue un élément positif et répond à l'attente de soutien des commerces de proximité en milieu rural, quelle que soit la forme d'organisation de l'entreprise. La progressivité du système proposé, permise par la prorogation des dispositifs existants, semble également opportune.

De même, l'extension des types d'entreprises bénéficiaires apparaît justifiée, alors que certaines entreprises moyennes ont un impact économique essentiel dans certains territoires ruraux. En revanche, le rapporteur général relève que les bénéfices fiscaux attachés aux ZRR excèdent parfois le champ des seules activités commerciales, industrielles ou artisanales alors que ces activités constituent le coeur de cible du dispositif des ZRR.

À l'issue de demandes répétées, le rapporteur général a pu obtenir la liste des 7 851 communes qui devraient, au regard des nouveaux critères proposés, obtenir un classement en FRR socle, des 2 481 communes qui devraient obtenir un classement en FRR+, ainsi que des 3 080 communes considérées comme « rattrapables » pour le dispositif. Ce sont ainsi 10 332 communes qui seraient de droit en FRR (socle ou +) et 13 412 communes qui seraient, en tout, concernées ou potentiellement concernées.

Cette liste est proche de la liste des communes classées en ZRR, hors communes qui ont été maintenues dans le dispositif après 2018 alors qu'elles ne remplissaient plus les nouveaux critères, soit un peu moins de 14 000 communes.

Il faut toutefois souligner que le dispositif est moins « couvrant » que ne l'étaient les trois zonages auxquels il se substitue et que, comme dans tout nouveau dispositif, des effets de seuil pourraient être induits par la réforme, d'autant que pour certaines communes, la faculté d'appréciation laissée aux préfets ne saurait compenser la détermination de critères « en dur » dont elles bénéficiaient auparavant.

Le rapporteur général sollicitera du Gouvernement des garanties sur les consignes données aux Préfets à propos des communes « rattrapables », afin d'homogénéiser les pratiques, et des éléments sur les critères qui seront retenus pour lister par décret les FRR à La Réunion et en Guyane, au sein de la « zone spéciale d'action ».

S'agissant des nouvelles zones FRR, la commission des finances a adopté un amendement n° I-1036 (FINC.92), à l'initiative de son rapporteur général, visant à lever une incompatibilité, dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, entre le cent cinquante neuvième alinéa du présent article et le nouvel article 10 quinquies du présent projet de loi. En effet, le 1° du II de l'article 10 quinquies du présent projet de loi vise à réécrire partiellement l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation mais ne tient pas compte de coordinations opérées parallèlement s'agissant des nouvelles FRR. En conséquence, le rapporteur général propose de supprimer le III de l'article 7, sans remettre en cause l'évolution proposée, pour procéder à une réécriture globale des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 441-3 du code de la construction et de l'habitation précité, afin de coordonner les dispositifs portés aux articles 7 et 10 quinquies du présent projet de loi de finances.

De même, le rapporteur général a déposé un amendement n° I-1037 (FINC.93), adopté par la commission, visant à supprimer une coordination avec l'article L. 141-4- 3 du code de la sécurité sociale, lequel n'existe pas.

S'agissant des quartiers prioritaires de la politique de la ville, le prolongement jusqu'en 2030 de l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) proposé par le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, entre en contradiction avec l'intention affichée par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation des finances publiques, et approuvée par le Sénat, de limiter à trois années la durée de prorogation de toute dépense fiscale. En conséquence le rapporteur général propose, par un amendement n° I-1035 (FINC.91) de limiter à 2026 cette prorogation.

La commission a enfin souligné la nécessité d'évaluer, sans doute dès 2025, les premiers effets de l'ensemble du dispositif prévu à l'article 7, tant du point de vue des collectivités territoriales que des entreprises.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 7 bis (nouveau)

Extension du dispositif des Zones Franches d'Activité Nouvelle Génération applicable dans les DROM

Le présent article prévoit d'étendre le bénéfice de l'abattement majoré sur le bénéfice taxable prévu pour les entreprises des DROM situées dans des zones franches nouvelle génération (ZFANG) à trois nouveaux secteurs :

- l'industrie ;

- la réparation et la maintenance navale ;

- les éditions de jeux électroniques.

En effet, ces trois secteurs sont particulièrement exposés à la concurrence des pays tiers voisins.

Cette mesure fait suite à une annonce lors du comité interministériel des outre-mer et répond donc à un engagement du Gouvernement.

Cette extension attendue de longue date va donc dans le bon sens.

La commission propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN DISPOSITIF D'ABATTEMENT SUR LES BÉNÉFICES DES ENTREPRISES SITUÉES, DANS LES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D'OUTRE-MER, DANS DES ZONES FRANCHES D'ACTIVITÉS NOUVELLE GÉNÉRATION (ZFANG)

A. CRÉATION ET DÉFINITION DES ZFANG

1. Les ZFANG, un dispositif récent pour améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines

Le régime d'aide au fonctionnement à finalité régionale, dénommé « Zones franches d'activités nouvelle génération » (ZFANG), s'inscrit dans le cadre des politiques publiques conduites en outre-mer pour développer le tissu économique de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion, de la Guyane et de Mayotte.

Il résulte de la réforme des zones franches d'activité (ZFA) issue de l'article 19 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2019.

En effet, le dispositif des ZFA, créé par la LODEOM en 2009594(*) afin d'apporter une aide fiscale aux entreprises des départements d'outre-mer, visait à réduire les handicaps structurels de ces départements, notamment le coût du transport occasionné par l'éloignement insulaire et ainsi à renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines. Il permettait ainsi aux entreprises éligibles à la défiscalisation de bénéficier d'un abattement sur le bénéfice taxable à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, afin de réduire l'écart de compétitivité existant entre elles et leurs concurrentes directes dans leur environnement régional.

Le taux de l'abattement était majoré conformément à des critères géographiques ou sectoriels. Il concernait alors des entreprises relevant de secteurs jugés prioritaires pour le développement des départements d'outre-mer. Le texte définissait des secteurs prioritaires identiques en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion. La Guyane et Mayotte bénéficiaient de taux majorés.

Jusqu'au 31 décembre 2018, le dispositif des ZFA coexistait avec d'autres zonages visant des objectifs différents. Les uns avaient pour objectif d'accroître la compétitivité des entreprises (ZFA) tandis que d'autres dispositifs (zone de revitalisation rurale (ZRR) et zone franche unique territoire entrepreneur (ZFU-TE)) s'inscrivaient dans une logique de rééquilibrage territorial. De surcroit la nature, le taux et la durée des exonérations n'étaient pas cohérents entre eux.

Dans ce contexte, la loi de finances pour 2019 a réformé en profondeur ces dispositifs fiscaux en créant, à la place, un seul zonage ZFA de nouvelle génération (ZFANG), qui s'est traduit par la suppression des dispositifs relatifs au ZRR et ZFU-TE, centré sur l'accompagnement prioritaire de secteurs clés pour le développement des territoires.

Il est résulté de cette réforme que les secteurs de la comptabilité, du conseil aux entreprises, de l'ingénierie et des études à destination des entreprises, qui ne sont pas considérés comme des secteurs exposés à la concurrence, ont été exclus du dispositif des ZFANG.

2. Les avantages fiscaux au bénéfice des entreprises situées dans des ZFANG

Le dispositif des ZFANG permet aux entreprises éligibles de bénéficier :

- d'un abattement temporaire dégressif sur la base imposable à la contribution économique territoriale (CFE). En effet, l'article 1466 F du code général des impôts (CGI) prévoit, sauf délibération contraire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre, un abattement de cotisation foncière des entreprises pour les établissements situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion ou à Mayotte ;

- d'un abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. L'article 1388 quinquies du code général des impôts prévoit, sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre, un abattement sur la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des immeubles ou parties d'immeubles rattachés à compter du 1er janvier 2009 à un établissement réunissant certaines conditions et se situant en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion ;

- d'une exonération partielle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties afférente à des terrains à usage agricole situés en Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et à la Réunion prévu par l'article 1395 H du CGI ;

- d'un abattement sur le bénéfice taxable prévu à l'article 44 quaterdecies du CGI.

B. LES RÈGLES APPLICABLES EN MATIÈRE D'ABATTEMENT SUR LE BÉNÉFICE TAXABLE

L'article 44 quaterdecies du CGI prévoit que les entreprises peuvent prétendre, sous certaines conditions, à un abattement sur les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion. Cette mesure, comme évoqué supra, s'inscrit dans un cadre global des aides fiscales accordés au sein des ZFANG, qui concernent à la fois l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés, la cotisation foncière des entreprises la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la taxe foncière sur les propriétés bâties et la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

1. Les conditions d'éligibilité pour bénéficier de l'abattement sur les bénéfices

a) Conditions relatives à la taille de l'entreprise

Le 1° du I de l'article 44 quaterdecies du CGI prévoit que, pour être éligibles à l'abattement sur les bénéfices qu'elles réalisent en ZFANG, les entreprises doivent, à la clôture de l'exercice au titre duquel est pratiqué l'abattement :

employer moins de deux cent cinquante salariés ;

réaliser un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros.

b) Condition relative à l'activité de l'entreprise

Le 2° du I de l'article 44 quaterdecies du CGI prévoit par ailleurs que l'activité principale de l'exploitation doit relever de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du même code.

Il s'agit de l'ensemble des activités commerciales, industrielles, artisanales et agricoles à l'exception des secteurs expressément exclus par la loi. Pour mémoire, les activités exclues par l'article 199 undecies B sont les suivantes :

- commerce ;

- les cafés, débits de tabac et débits de boisson ainsi que la restauration, à l'exception des restaurants dont le dirigeant ou un salarié est titulaire du titre de maître-restaurateur ;

- conseils ou expertise ;

- éducation, santé et action sociale ;

- banque, finance et assurance ;

- toutes activités immobilières ;

- la navigation de croisière, la réparation automobile, les locations sans opérateurs, à l'exception de la location directe de navires de plaisance ou au profit des personnes physiques utilisant pour une durée n'excédant pas deux mois des véhicules de tourisme au sens de l'article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services ;

- les services fournis aux entreprises, à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement à façon et des centres d'appel ;

- les activités de loisirs, sportives et culturelles, à l'exception, d'une part, de celles qui s'intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique et ne consistent pas en l'exploitation de jeux de hasard et d'argent et, d'autre part, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ;

- les activités associatives ;

- les activités postales.

L'activité principale est appréciée au niveau de l'exploitation sur les bénéfices de laquelle le contribuable souhaite appliquer l'abattement, et non au niveau de l'entreprise dans son ensemble. Cette condition s'apprécie à la clôture de chaque exercice au titre duquel l'abattement est pratiqué.

c) Condition relative au régime d'imposition

Pour leur régime d'imposition, les entreprises peuvent relever de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices agricoles. Elles doivent être soumises soit à un régime réel d'imposition, normal ou simplifié, de plein droit ou sur option, soit à l'un des régimes définis à l' article 50-0 du CGI (micro-BIC595(*)) ou à l' article 64 bis du CGI (micro-BA596(*)).

Cette condition doit être satisfaite pour chaque exercice au titre duquel l'abattement est pratiqué.

2. Les modalités de calcul de l'abattement

a) L'abattement de droit commun

Pour les entreprises éligibles, les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion, peuvent faire l'objet d'un abattement de 50 % au titre de chaque exercice ouvert.

L'abattement appliqué est plafonné à 150 000 euros pour un exercice ou une période d'imposition de douze mois. Si l'exercice de l'entreprise court sur une période inférieure ou supérieure à douze mois, un prorata doit être calculé pour apprécier le montant maximal d'abattement applicable au titre des ZFANG.

b) L'abattement majoré

Un abattement majoré est applicable pour les exploitations répondant à certaines conditions.

Premièrement, l'abattement majoré peut être appliqué aux bénéfices provenant d'exploitations situées en Guyane et à Mayotte.

Deuxièmement, il peut être appliqué aux bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion lorsque ces entreprises bénéficient du régime de perfectionnement actif597(*) défini à l'article 256 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union, à la condition qu'au moins un tiers du chiffre d'affaires de l'exploitation, au titre duquel l'abattement est pratiqué, résulte d'opérations mettant en oeuvre des marchandises ayant bénéficié de ce régime.

Enfin, l'abattement majoré peut être appliqué aux bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion et qui exercent leur activité principale dans l'un des secteurs prioritaires suivant :

- recherche et développement ;

- technologies de l'information et de la communication ;

- tourisme, y compris les activités de loisirs et de nautisme s'y rapportant ;

- agronutrition ;

- environnement ;

- énergies renouvelables ;

- bâtiments et travaux publics ;

- transformation de produits destinés à la construction et production cosmétique et pharmaceutique.

Seule est prise en compte l'activité réellement exercée : le code « activité principale exercée » (APE) attribué à l'entreprise ou à l'établissement par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ne peut dès lors constituer qu'un indice pour apprécier les conditions d'éligibilité à l'abattement majoré.

Par ailleurs, seule est prise en compte l'activité principale de l'exploitation sollicitant l'exonération, quelle que soit l'activité principale de l'entreprise dans son ensemble.

Dans ces cas, le taux de l'abattement est porté à 80 %.

L'abattement appliqué est alors plafonné à 300 000 euros pour un exercice ou une période d'imposition de douze mois.

Lorsque l'entreprise réalise des bénéfices soumis à des taux d'abattement différents, l'abattement total ne peut excéder 300 000 euros, dont 150 000 euros au plus sur les bénéfices éligibles à l'abattement de droit commun.

c) Cout de l'abattement sur les bénéfices taxables

D'après le Tome 2 « Voies et moyens » annexé au PLF, la dépense fiscale relative à l'abattement sur les bénéfices taxables pour les entreprises situées dans une ZFANG concerne 7 500 entreprises. Son coût en 2022 s'est élevé à 97 millions d'euros et il est estimé à 94 millions d'euros en 2023 et 2024.

d) Focus sur le secteur du nautisme

Les activités de loisirs et de nautisme ne sont éligibles au bénéfice de l'abattement que si elles se rapportent au secteur du tourisme, c'est-à-dire à condition qu'elles s'intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique. Ces activités doivent donc s'adresser à une clientèle touristique.

Aussi, concernant spécifiquement le nautisme, sont, par exemple, éligibles les activités d'exploitation d'une base nautique supposée s'intégrer à une activité touristique mais ne sont pas éligibles la réparation, la maintenance des bateaux ou la vente de pièces d'accastillage et autres accessoires car ces activités ne s'intègrent pas à titre principal à une activité hôtelière ou touristique mais à une activité d'entretien technique des navires.

Pour autant, cette difficulté a pu être contournée pour d'autres activités. Ainsi, pour le transport de voyageurs par taxis, l'ensemble de l'activité d'un taxi n'étant pas tourné vers le tourisme, le contribuable doit évaluer la part de son bénéfice qui est liée au tourisme et en justifier. Dans un souci de simplification, celle-ci peut être forfaitairement fixée à 50 % du bénéfice de l'exploitation.

La même solution est retenue pour la restauration traditionnelle.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXTENSION DES SECTEURS PRIORITAIRES BÉNÉFICIANT DE L'ABATTEMENT MAJORÉ

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de la députée Estelle Youssouffa qui prévoit une extension du dispositif actuel à l'industrie et un sous-amendement du Gouvernement qui ajoute les secteurs de la réparation et de la maintenance navale, d'une part, et de l'édition de jeux électroniques, d'autre part.

Le I du présent article prévoit l'extension des secteurs d'activités prioritaires pouvant bénéficier d'un abattement majoré en y incluant les secteurs suivants :

- l'industrie ;

- la réparation et la maintenance navale ;

- l'édition de jeux électroniques.

Pour ces nouvelles activités entrant dans le champ des secteurs prioritaires, le II de l'article précise que les bénéfices pourront bénéficier d'un abattement majoré à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXTENSION ATTENDUE DE LONGUE DATE

La mesure 2 du comité interministériel pour l'outre-mer (CIOM) qui s'est tenu le 18 juillet 2023, prévoit d'étendre le bénéfice de l'abattement majoré d'impôt sur les sociétés et d'impôts locaux, au titre du dispositif des ZFANG à l'ensemble des entreprises relavant de l'industrie, de la réparation navale et de l'édition des jeux vidéo.

Sur la forme, cet amendement traduit donc un engagement du Gouvernement et le rapporteur général s'étonne donc que cette mesure n'ait pas été intégrée dans le texte initial, ce qui aurait permis de disposer d'éléments d'appréciation des effets de la mesure qui font à l'heure actuelle cruellement défaut.

Ces trois secteurs pouvaient bénéficier du régime de compétitivité renforcée des exonérations de cotisations sociales patronales mais pas de l'abattement majoré sur les bénéfices au titre des ZFANG. Ainsi, par parallélisme, cette évolution permettra à ces trois secteurs de bénéficier également de l'abattement majoré sur les bénéfices, dans un contexte où les entreprises industrielles ultramarines sont aujourd'hui particulièrement exposées à la concurrence externe des pays tiers voisins et de la métropole.

Sur le fond, le rapporteur général salue cette extension qui était attendue de longue date par les entreprises ultramarines. Le coût de cette mesure est estimé, d'après l'amendement à l'article 34 (article d'équilibre) à 5 millions d'euros.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7 ter (nouveau)

Modification de dispositifs d'aide fiscale à l'investissement en outre-mer

Le présent article prévoit des modifications des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement productif en outre-mer. Il prévoit notamment :

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour tous les investissements productifs donnés en location ou mis à disposition de ménages et syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services, ce qui vise notamment les chauffe-eaux solaires équipant les ménages ;

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés en faveur des véhicules de tourisme ;

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés en faveur des activités de location de meublés de tourisme : les meublés individuels et collectifs (moins de 50 chambres) sont tous visés.

Parallèlement, le présent article étend à deux nouveaux types d'investissements le bénéfice de l'aide fiscale en prévoyant :

- l'ouverture du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil en autoconsommation ;

- l'ouverture du bénéfice de l'aide fiscale aux acquisitions de friches industrielles ou hôtelières en cas de réhabilitation lourde.

Ces modifications font suite à la publication d'un rapport de l'inspection générale des finances sur « l'évaluation du régime d'aide fiscale à l'investissement productif en outre-mer ».

Pour autant, elles sont proposées sans étude d'impact, ce qui rend peu transparentes leurs conséquences sur l'emploi ou l'activité économique des territoires d'outre-mer, et sans consultation préalable des acteurs locaux.

Aussi, les mesures de suppression paraissent prématurées dans la mesure où des contrôles accrus des dispositifs existants devraient être mis en place avant d'envisager leur suppression. Dans ce contexte, il est proposé de supprimer, par l'amendement I-200 (FINC.43), les dispositions du présent article qui tendent à limiter le bénéfice de l'aide fiscale sur les investissements productifs outre-mer.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DE NOMBREUX DISPOSITIFS DE DÉFISCALISATION DES INVESTISSEMENTS EN OUTRE-MER QUI CONTRIBUENT À SOUTENIR ET À STIMULER LE DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES LOCALES

A. UNE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU À RAISON DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS NEUFS EN OUTRE-MER

1. Le champ des opérations d'investissement éligibles

L'article 199 undecies B du code général des impôts (CGI) prévoit que les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale.

Lorsque l'activité est exercée dans un département d'outre-mer, l'entreprise doit avoir réalisé un chiffre d'affaires, au titre de son dernier exercice clos, inférieur à 15 millions d'euros et à 10 millions d'euros pour les investissements que l'entreprise réalise au cours des exercices ouverts à compter, respectivement, du 1er janvier 2019 et du 1er janvier 2020. Pour les investissements intervenus avant ces dates, le seuil est de 20 millions d'euros. Lorsque l'entreprise n'a clôturé aucun exercice, son chiffre d'affaires est réputé être nul.

Cette réduction d'impôt s'applique également :

aux travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés, lorsque ces travaux constituent des éléments de l'actif immobilisé ;

aux investissements affectés plus de cinq ans par le concessionnaire à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial, réalisés dans des secteurs éligibles.

Pour les cas généraux et ces deux types d'investissements, la réduction d'impôt est de 38,25 % du montant, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition, à l'exception des frais de transport, d'installation et de mise en service amortissables, des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une aide publique et, lorsque l'investissement a pour objet de remplacer un investissement ayant bénéficié de l'un des dispositifs définis au présent article ou aux articles 217 undecies ou 244 quater W du CGI, de la valeur réelle de l'investissement remplacé.

Le taux de la réduction d'impôt est porté à 45,9 % pour les investissements réalisés, en Guyane et à Mayotte dans les limites définies par les règles communautaires relatives aux aides d'État, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Wallis-et-Futuna.

Les taux de 38,25 % et 45,9 % susmentionnés sont respectivement portés à 45,9 % et 53,55 % pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable.

Le taux de la réduction d'impôt est également porté à 45,9 % pour les travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés réalisés à Saint-Martin, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie.

Enfin, le taux de la réduction d'impôt est porté à 53,55 % pour les travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés dans les départements d'outre-mer. Le bénéfice de cette mesure est accordé à l'exploitant lorsqu'il prend en charge ces travaux.

Le I ter de l'article 199 undecies B du CGI prévoit également que la réduction d'impôt s'applique aux équipements et opérations de pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie ou les Terres australes et antarctiques françaises lorsque, parmi les options techniques disponibles pour développer les systèmes de communication outre-mer, le choix de cette technologie apparaît le plus pertinent.

Dans ce cas, la base éligible de la réduction d'impôt est égale à la moitié du coût de revient hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition, à l'exception des frais de transport de ces équipements et opérations, diminuée du montant des aides publiques accordées pour leur financement. Le taux de la réduction d'impôt est de 38 %.

Enfin, le I quater de l'article 199 undecies B du CGI prévoit que la réduction d'impôt est applicable aux navires de croisière neufs d'une capacité maximum de 400 passagers affectés à la croisière régionale au départ et à l'arrivée des ports de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Wallis et Futuna ou de la Nouvelle-Calédonie.

Dans ce cas, la base éligible de la réduction d'impôt est égale à 20 % du coût de revient, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition et les frais de transport de ces navires, diminuée du montant des aides publiques accordées pour leur financement. Le taux de la réduction d'impôt est de 35 %.

En revanche, la réduction d'impôt ne s'applique pas aux investissements portant sur :

- à l'acquisition de véhicules de tourisme qui ne sont pas strictement indispensables à l'activité de l'entreprise locataire ;

- aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil.

Les réductions d'impôt sur le revenu mentionnées à l'article 199 undecies B du CGI sont applicables aux investissements mis en service jusqu'au 31 décembre 2029 en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, à La Réunion et à Saint-Martin, et jusqu'au 31 décembre 2029 à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna, aux travaux de réhabilitation hôtelière achevés au plus tard à cette date et aux acquisitions d'immeubles à construire et aux constructions d'immeubles dont les fondations sont achevées au plus tard à cette date.

2. Les exclusions de la réduction d'impôt prévues par l'article 199 undecies B

Toutefois, n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés, dans les secteurs d'activité suivants :

- commerce ;

- les cafés, débits de tabac et débits de boisson ainsi que la restauration, à l'exception des restaurants dont le dirigeant ou un salarié est titulaire du titre de maître-restaurateur ;

- conseils ou expertise ;

- éducation, santé et action sociale ;

- banque, finance et assurance ;

- toutes activités immobilières ;

- la navigation de croisière, la réparation automobile, les locations sans opérateurs, à l'exception de la location directe de navires de plaisance ou au profit des personnes physiques utilisant pour une durée n'excédant pas deux mois des véhicules de tourisme ;

- les services fournis aux entreprises, à l'exception de la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement à façon et des centres d'appel ;

- les activités de loisirs, sportives et culturelles, à l'exception, d'une part, de celles qui s'intègrent directement et à titre principal à une activité hôtelière ou touristique et ne consistent pas en l'exploitation de jeux de hasard et d'argent et, d'autre part, de la production et de la diffusion audiovisuelles et cinématographiques ;

- les activités associatives ;

- les activités postales.

B. UNE DÉDUCTION DES RÉSULTATS IMPOSABLES DES ENTREPRISES SOUMISES À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS D'UNE PARTIE DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS RÉALISÉS DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

1. Le champ des investissements éligibles

L'article 217 undecies du CGI prévoit que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés réalisant, au titre de leur dernier exercice clos, un chiffre d'affaires inférieur à 20 millions d'euros peuvent déduire de leurs résultats imposables une partie du montant des investissements productifs qu'elles réalisent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion pour l'exercice d'une activité éligible en application du I de l'article 199 undecies B du CGI.

Comme les réductions d'impôt prévues à l'article 199 undecies B du CGI, la déduction des résultats imposables prévue par l'article 217 undecies du CGI s'applique donc :

aux travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés, lorsque ces travaux constituent des éléments de l'actif immobilisé ;

aux investissements affectés plus de cinq ans par le concessionnaire à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial et réalisés dans un des secteurs éligibles définis par l'article 199 undecies B du CGI ;

aux équipements et opérations de pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie ou les Terres australes et antarctiques françaises lorsque, parmi les options techniques disponibles pour développer les systèmes de communication outre-mer, le choix de cette technologie apparaît le plus pertinent ;

aux navires de croisière neufs d'une capacité maximum de 400 passagers affectés à la croisière régionale au départ et à l'arrivée des ports de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Wallis et Futuna ou de la Nouvelle-Calédonie.

La déduction prévue s'applique, par ailleurs, aux acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif situés dans les départements d'outre-mer dans certaines conditions et à l'exception de certaines limitations598(*).

En revanche, cette déduction des résultats imposables ne s'applique pas aux investissements portant sur :

- l'acquisition de véhicules de tourisme qui ne sont pas strictement indispensables à l'activité de l'entreprise locataire ;

- les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil.

L'article 217 duodecies du CGI étend le champ d'application du dispositif de déduction de l'article 217 undecies du CGI aux territoires de Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises.

2. Calcul du montant de la réduction des résultats imposables

Peut être déduite des résultats imposables une somme égale au montant, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition, à l'exception des frais de transport, d'installation et de mise en service amortissables, des investissements productifs qu'elles réalisent dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion pour l'exercice d'une activité éligible en application du I de l'article 199 undecies B du CGI.

Cette somme doit être diminuée de la fraction de leur prix de revient financée par une aide publique ainsi que, lorsque l'investissement a pour objet de remplacer un investissement ayant bénéficié de l'un des dispositifs définis à l'article 217 undecies ou aux articles 199 undecies B ou 244 quater W du CGI, de la valeur réelle de l'investissement remplacé.

Cette déduction du résultat imposable est applicable aux investissements neufs mis en service jusqu'au 31 décembre 2029, aux travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtels, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés achevés au plus tard à cette date, aux acquisitions d'immeubles à construire et aux constructions d'immeubles dont les fondations sont achevées au plus tard à cette date.

C. UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR LES ENTREPRISES À RAISON DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS NEUFS QU'ELLES RÉALISENT DANS UN DÉPARTEMENT D'OUTRE-MER

1. Le champ des investissements éligibles

L'article 244 quater W du CGI prévoit que les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées, exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanal, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt à raison des investissements productifs neufs qu'elles réalisent dans un département d'outre-mer pour l'exercice d'une activité ne relevant pas de l'un des secteurs exclus, énumérés aux a à l du I de l'article 199 undecies B du CGI.

Comme pour la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI, ce crédit d'impôt s'applique également :

aux travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés, lorsque ces travaux constituent des éléments de l'actif immobilisé ;

aux investissements affectés plus de cinq ans par le concessionnaire à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial réalisés, dans des secteurs éligibles ;

aux navires de croisière neufs d'une capacité maximum de 400 passagers affectés à la croisière régionale au départ et à l'arrivée des ports de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Wallis et Futuna ou de la Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés qui exercent leur activité dans le département dans lequel l'investissement est réalisé ou pour les organismes mentionnés au 1 du I de l'article 244 quater X599(*) du CGI, le crédit d'impôt s'applique également aux acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif situés dans les départements d'outre-mer600(*) dans certaines conditions et aux logements neufs à usage locatif mis à leur disposition601(*).

En revanche, ce crédit d'impôt ne s'applique pas aux investissements portant sur :

- l'acquisition de véhicules de tourisme qui ne sont pas strictement indispensables à l'activité de l'entreprise locataire ;

- les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil.

2. Calcul et taux du crédit d'impôt

Le crédit d'impôt est assis sur le montant, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition, à l'exception des frais de transport, d'installation et de mise en service amortissables, des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une aide publique.

Pour les investissements mentionnés au I quater de l'article 199 undecies B, l'assiette du crédit d'impôt est égale à 20 % du coût de revient des investissements, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition et les frais de transport de ces investissements, diminuée du montant des aides publiques accordées pour leur financement.

Le taux du crédit d'impôt est fixé à :

- 38,25 % pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu ;

- 35 % pour les entreprises et les organismes soumis à l'impôt sur les sociétés.

Le taux de 38,25 % est porté à 45,9 % pour les investissements réalisés en Guyane et à Mayotte, dans les limites définies par les règles européennes relatives aux aides d'État. Toutefois, cette majoration de taux ne s'applique pas aux investissements mentionnés au dernier alinéa du 1 du II (navires de croisières).

Le crédit d'impôt de l'article 244 quater W du CGI s'applique aux investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2029.

D. UNE RÉDUCTION D'IMPÔT POUR LES ENTREPRISES À RAISON DES INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS NEUFS QU'ELLES RÉALISENT DANS UNE COLLECTIVITÉ D'OUTRE-MER

1. Le champ des investissements éligibles

L'article 244 quater Y du CGI prévoit que les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt à raison des investissements productifs neufs qu'elles réalisent à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises si les conditions suivantes sont réunies :

les investissements sont mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location revêtant un caractère commercial et conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ou pour la durée normale d'utilisation du bien loué si elle est inférieure ;

les investissements sont exploités par l'entreprise locataire pour l'exercice d'une activité ne relevant pas de l'un des secteurs énumérés aux a à l du I de l'article 199 undecies B.

Comme les réductions d'impôt prévues à l'article 199 undecies B du CGI, elle s'applique, dans les mêmes conditions :

aux travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés, lorsque ces travaux constituent des éléments de l'actif immobilisé ;

aux investissements affectés plus de cinq ans par le concessionnaire à l'exploitation d'une concession de service public local à caractère industriel et commercial réalisés, dans des secteurs éligibles ;

aux équipements et opérations de pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie ou les Terres australes et antarctiques françaises lorsque, parmi les options techniques disponibles pour développer les systèmes de communication outre-mer, le choix de cette technologie apparaît le plus pertinent ;

aux navires de croisière neufs d'une capacité maximum de 400 passagers affectés à la croisière régionale au départ et à l'arrivée des ports de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Wallis et Futuna ou de la Nouvelle-Calédonie.

La déduction prévue s'applique, par ailleurs, aux acquisitions ou constructions de logements neufs à usage locatif situés à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna dans certaines conditions.

En revanche, cette déduction des résultats imposables ne s'applique pas aux investissements portant sur :

- l'acquisition de véhicules de tourisme qui ne sont pas strictement indispensables à l'activité de l'entreprise locataire ;

- les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil.

2. Calcul et taux de la réduction d'impôt

La réduction d'impôt est assise sur le montant, hors taxes et hors frais de toute nature, notamment les commissions d'acquisition, à l'exception des frais de transport, d'installation et de mise en service amortissables, des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une aide publique.

Pour les équipements et opérations de pose de câbles sous-marins de communication mentionnés au I ter de l'article 199 undecies B desservant pour la première fois la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie ou les Terres australes et antarctiques françaises, l'assiette de la réduction d'impôt est égale à la moitié du coût de revient et diminuée du montant des aides publiques accordées pour leur financement.

Pour les investissements mentionnés au I quater de l'article 199 undecies B, l'assiette de la réduction d'impôt est égale à 20 % du coût de revient et diminuée du montant des aides publiques accordées pour leur financement.

Le taux de la réduction d'impôt est fixé à 35 % pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés.

La réduction d'impôt de l'article 244 quater Y du CGI s'applique aux investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2029.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXTENSION À DE NOUVEAUX INVESTISSEMENTS ET LA SUPPRESSION DU BÉNÉFICE DE L'AIDE FISCALE POUR D'AUTRES

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement du député Jean-René Cazeneuve qui prévoit une extension des aides fiscales à de nouveaux investissements et la suppression du bénéfice de l'aide pour d'autres types d'investissement. Une extension des dispositifs de défiscalisation afin d'y intégrer de nouveaux investissements.

A. L'OUVERTURE DU BÉNÉFICE DES AIDES FISCALES AUX FRICHES HÔTELIÈRES ET INDUSTRIELLES

Le B du I du présent article prévoit d'étendre la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B du CGI aux friches industrielles et hôtelières. Ainsi, il insère un I sexies dans l'article susmentionné précisant que la réduction d'impôt s'applique aux investissements consistant en l'acquisition de friches hôtelières ou industrielles faisant l'objet de travaux de réhabilitation lourde, sous réserve du respect des conditions suivantes :

- les immeubles sont en l'état d'abandon depuis au moins deux ans à la date d'acquisition ;

- les travaux portant sur ces investissements concourent à la production d'un immeuble neuf, au sens du 2° du 2 du I de l'article 257 ;

- les travaux n'aboutissent pas à un changement de destination de l'immeuble ;

- il n'existe aucun lien d'intérêt entre le cédant de la friche et les acquéreurs et exploitants.

Ce nouveau I sexies précise par ailleurs que la réduction d'impôt est assise sur le prix de revient, hors taxes, frais et commissions de toute nature, du terrain d'assiette, des constructions qui y sont édifiées et des terrains formant une dépendance immédiate et nécessaire de ces constructions et sur le montant des travaux, hors taxes et hors frais de toute nature, diminués du montant des aides publiques accordées pour leur financement.

Le 4 du A du II du présent article intègre ces nouveaux investissements éligibles relatifs aux friches hôtelières ou industrielles aux déductions des résultats imposables de l'article 217 undecies du CGI et précise les modalités de détermination de l'assiette de déduction au titre de ces nouveaux investissements éligibles.

Le a du 1° du A du III du présent article intègre ces nouveaux investissements éligibles relatifs aux friches hôtelières ou industrielles aux crédits d'impôts de l'article 244 quater W du CGI. Le B du III du présent article précise les modalités de détermination de l'assiette du crédit d'impôt au titre de ces nouveaux investissements éligibles.

Enfin, le a du 1° du A du IV du présent article intègre ces nouveaux investissements éligibles relatifs aux friches hôtelières ou industrielles aux réductions d'impôts de l'article 244 quater Y du CGI. Le B du IV du présent article précise les modalités de détermination de l'assiette de la réduction d'impôt au titre de ces nouveaux investissements éligibles.

Afin d'homogénéiser les dispositifs, le présent article intègre, par ailleurs, les travaux de réhabilitation lourde de bâtiments à caractère industriel dans les articles 199 undecies B, 217 undecies, 244 quater W et 244 quater Y qui prévoyaient jusqu'à présent qu'étaient éligibles les seuls travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés, lorsque ces travaux constituent des éléments de l'actif immobilisé et procède à plusieurs coordinations nécessaires pour faire apparaitre « les travaux de réhabilitation lourde de bâtiments à caractère industriel » dans l'ensemble des paragraphes de ces quatre article du CGI dans lesquels étaient mentionnés uniquement les travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtel, de résidence de tourisme et de village de vacances classés.

B. L'OUVERTURE DU BÉNÉFICE DE L'AIDE FISCALE À CERTAINES INSTALLATIONS DE PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ SOLAIRE

Le 5° et le 6° du A du I du présent article étendent la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B du CGI aux investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil quand celles-ci sont exclusivement affectées à l'autoconsommation de l'exploitant ou dont le prix de revient hors taxes incluant les frais de pose et d'équipement est supérieur à 500 000 euros. Il prévoit également que ce seuil n'est pas applicable aux investissements installés sur des hôtels.

Le a et b du 3° du A du II du présent article intègrent ces nouveaux investissements éligibles relatifs à certaines installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil aux déductions des résultats imposables de l'article 217 undecies du CGI.

Le b du 2° du A du III du présent article intègre ces nouveaux investissements éligibles relatifs à certaines installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil aux crédits d'impôts de l'article 244 quater W du CGI.

Enfin, le b du 1° du A du IV du présent article intègre ces nouveaux investissements éligibles relatifs à certaines installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil aux réductions d'impôts de l'article 244 quater Y du CGI.

C. UNE SUPPRESSION DU BÉNÉFICE DES AIDES FISCALES POUR CERTAINS INVESTISSEMENTS

1. Les investissements donnés en location ou mis à la disposition des ménages et de syndicats de copropriétaires y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services

Le 1° du A du I du présent article complète la liste de l'article 199 undecies B du CGI des investissements n'ouvrant pas droit à la réduction d'impôt prévu à cet article.

Ainsi, les investissements donnés en location ou mis à la disposition de ménages et de syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services ne pourront plus bénéficier de cette réduction.

Par ailleurs, le 2° du A du I du présent article précise que les activités de location de meublés de tourisme ne peuvent pas bénéficier de la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B du CGI.

Le c du 3° du A du II du présent article précise que les investissements donnés en location ou mis à la disposition de ménages et de syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services, ne sont pas éligibles aux déductions des résultats imposables de l'article 217 undecies du CGI.

Le c du 2° du A du III du présent article précise que les investissements donnés en location ou mis à la disposition de ménages et de syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services ne sont pas éligibles aux crédits d'impôts de l'article 244 quater W du CGI.

Enfin, le b du 1° du A du IV du présent article indique que les réductions d'impôts de l'article 244 quater Y du CGI ne s'appliquent pas aux investissements donnés en location ou mis à la disposition de ménages et de syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services.

2. Les véhicules de tourisme

Le 3° du A du I du présent article supprime le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI pour les activités de location de véhicules de tourisme au profit de personnes physiques les utilisant pour une durée de moins de deux mois.

De surcroit, le b du 4° du A du I du présent article prévoit que la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B du CGI ne s'applique pas à l'acquisition de véhicules de tourisme si ces derniers ne sont pas strictement indispensables à l'exercice d'une activité agricole ou minière ni exploités dans le cadre d'une activité de transport public de voyageurs.

Le b du 2° du A du II du présent article exclut des déductions des résultats imposables de l'article 217 undecies du CGI l'acquisition de véhicules de tourisme si ces derniers ne sont pas strictement indispensables à l'exercice d'une activité agricole ou minière ni exploités dans le cadre d'une activité de transport public de voyageurs.

Le a du 2° du A du III du présent article précise que l'acquisition de véhicules de tourisme si ces derniers ne sont pas strictement indispensables à l'exercice d'une activité agricole ou minière ni exploités dans le cadre d'une activité de transport public de voyageurs n'est pas éligible aux crédits d'impôts de l'article 244 quater W du CGI.

Enfin, le b du 1° du A du IV du présent article précise que l'acquisition de véhicules de tourisme si ces derniers ne sont pas strictement indispensables à l'exercice d'une activité agricole ou minière ni exploités dans le cadre d'une activité de transport public de voyageurs n'est pas éligible aux réductions d'impôts de l'article 244 quater Y du CGI.

D. DES COORDINATIONS ET CORRECTIONS D'ERREUR MATERIELLE

Le C et le D du I ainsi que le C du III du présent article procèdent à des coordinations techniques afin de tenir compte de la création de nouveaux alinéas dans les articles 199 undecies B et 244 quater W du CGI en raison de la création du I sexies au sein de l'article 199 undecies B.

Le a du 1° du A du IV procède à une correction d'erreur à l'article 244 quater Y en remplaçant, à chaque occurrence, les mots « crédit d'impôt » par « réduction d'impôt ».

Le A du V du présent article prévoit que l'exclusion du bénéfice des aides fiscales des investissements donnés en location ou mis à la disposition de ménages et de syndicats de copropriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services, d'une part, et de la location et de l'acquisition de véhicules de tourisme, d'autre part, s'appliquera aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2024.

Toutefois, le même A du V précise que les articles 199 undecies B, 217 undecies, 244 quater W et 244 quater Y du CGI restent applicables dans leur rédaction antérieure pour :

- les investissements agréés au plus tard le 31 décembre 2023 ;

- les investissements pour l'agrément desquels une demande est parvenue à l'administration au plus tard le 31 décembre 2023 et pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés à cette date ;

- les acquisitions de biens meubles corporels qui font l'objet d'une commande au plus tard le 31 décembre 2023 et pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés à cette date ;

- les constructions d'immeubles ayant fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier déposée au plus tard le 31 décembre 2023, dès lors que ces investissements sont achevés au plus tard le 31 décembre 2025.

Le 1 du B du V du présent article précise que les extensions du bénéfice des aides fiscales aux friches industrielles et hôtelières et à certaines installations de production d'électricité grâce à l'énergie solaire s'appliqueront aux investissements réalisés en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie à compter du 1er janvier 2024.

Le 2 du B du V du présent article précise que les extensions du bénéfice des aides fiscales aux friches industrielles et hôtelières et à certaines installations de production d'électricité grâce à l'énergie solaire s'appliqueront aux investissements réalisés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin à compter d'une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de six mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer la disposition lui ayant été notifiée comme conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES MODIFICATIONS PRÉCIPITÉES SANS CONSULTATION DES ACTEURS LOCAUX

Le présent article est, en partie, une réponse du Gouvernement au rapport de l'inspection générale des finances relatif à « l'évaluation du régime d'aide fiscale à l'investissement productif en outre-mer » remis en juillet 2023 et rendu public le 6 octobre 2023.

Si ce rapport met en exergue des dispositifs de défiscalisation qui peuvent faire l'objet de fraudes, il préconise surtout « de renforcer les contrôles réalisés dans le cadre des dispositifs de soutien à l'investissement productif avant d'envisager toute évolution, même à la marge, de ces aides et faire du régime d'aide fiscale à l'investissement productif (RAFIP) un axe de programmation du contrôle fiscal à part entière ».

Pourtant, par le présent amendement devenu article additionnel du projet de loi de finances, le Gouvernement a, de manière très précipitée, prévu des modifications substantielles des dispositifs d'aides fiscales :

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour tous les investissements productifs donnés en location ou mis à disposition de ménages et syndicats de co-propriétaires, y compris dans le cadre de contrats incluant la fourniture de prestations de services ce qui vise notamment les chauffe-eaux solaires équipant les ménages ;

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés en faveur des véhicules de tourisme ;

- la suppression du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés en faveur des activités de location de meublés de tourisme : les meublés individuels et collectifs (moins de 50 chambres) sont tous visés ;

- la (ré)ouverture du bénéfice de l'aide fiscale pour les investissements réalisés sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil en autoconsommation ;

- l'ouverture du bénéfice de l'aide fiscale aux acquisitions de friches industrielles ou hôtelières en cas de réhabilitation lourde.

Les deux mesures d'extension sont positives pour l'activité économique ultramarine.

Cependant, le présent article comporte également des mesures de suppression du bénéfice de l'aide fiscale à l'investissement sur des secteurs d'activité notables des économies ultramarines.

Selon les données du rapport de l'IGF, le montant de la dépense fiscale générée par les investissements qui font l'objet de cette suppression serait de l'ordre de 160 millions d'euros en 2022 (59,6 millions d'euros pour les véhicules de tourisme, 13,8 millions d'euros pour les meublés touristiques et 86,7 millions d'euros pour les chauffe-eaux solaires).

Toutefois, en l'absence d'évaluation préalable et d'étude d'impact, ces mesures de suppression ne sont pas chiffrées précisément pour 2024. De surcroit, il n'est pas possible à ce stade de connaitre les entreprises concernées, l'impact sur l'emploi, sur la création de valeur ajoutée ou sur l'activité économique des territoires ultramarins.

Parallèlement, les mesures d'extension ne sont pas chiffrées en montant et en nombre d'entreprises qui pourraient potentiellement être concernées.

Enfin, le temps très court entre la publication du rapport de l'IGF et l'adoption à l'Assemblée nationale du présent article n'a permis aucune consultation des élus et des acteurs locaux et des parlementaires.

L'exposé des motifs du présent article précise, de surcroit, qu'une réforme plus globale visant à renforcer l'efficacité de ces dispositifs d'aides fiscales à l'investissement outre-mer pourrait intervenir lors du projet de loi de finances pour 2025.

Dans ce contexte, il semble plus raisonnable de reporter les suppressions du bénéfice de l'aide fiscale prévue dans le présent article afin de mettre en place une consultation préalable des acteurs locaux et de réaliser des études approfondies sur les conséquences de ces suppressions.

Il est donc proposé de supprimer, par l'amendement I-200 (FINC.43), les dispositions du présent article qui tendent à limiter le bénéfice de l'aide fiscale sur les investissements productifs outre-mer.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 7 quater (nouveau)

Extension aux collectivités d'outre-mer de la suppression de la condition de localisation géographique applicable aux opérations de rénovation
et à la réhabilitation des logements sociaux

Le présent article prévoit la suppression de la condition de localisation géographique, prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts, pour pouvoir bénéficier de la réduction d'impôt au titre des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans, détenus par les organismes de logements et permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique.

En effet, jusqu'à présent, ces opérations étaient éligibles à la réduction d'impôt si et seulement si elles se situaient sur l'île de Tahiti, dans les communes de Nouméa, Dumbéa, Païta, Le Mont-Dore, Voh, Koné et Pouembout et à Saint-Martin.

Or, l'article 6 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit de supprimer la condition de localisation géographique applicable à ces opérations, dans le cadre du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater X du CGI s'appliquant aux DROM, qui nécessitait que les opérations se situent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Cet article permet donc de lever le critère de localisation également dans les COM où s'applique l'article 199 undecies C du code général des impôts.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN DISPOSITIF DE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU À RAISON DE L'ACQUISITION OU DE LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS NEUFS DANS LES TERRITOIRES D'OUTRE-MER

A. UNE RÉDUCTION D'IMPÔT POUR FAVORISER L'ACQUISITION ET LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS NEUFS EN OUTRE-MER

1. Les opérations éligibles

Conformément au I de l'article 199 undecies C du code général des impôts (CGI), les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna.

Cette réduction d'impôt est toutefois encadrée par certains critères :

- les logements doivent être donnés en location nue, dans les douze mois de leur achèvement ou de leur acquisition si elle est postérieure et pour une durée au moins égale à cinq ans, à un organisme d'habitations à loyer modéré, à une société d'économie mixte exerçant une activité immobilière outre-mer ou, dans les collectivités d'outre-mer, à tout organisme de logement social agréé conformément à la réglementation locale par l'autorité publique compétente ;

- les logements doivent être donnés en sous-location nue ou meublée par les organismes susmentionnés et pour une durée au moins égale à cinq ans à des personnes physiques qui en font leur résidence principale et dont les ressources n'excèdent pas des plafonds fixés par décret ;

- le montant des loyers à la charge des personnes physiques ne peut excéder des limites fixées par décret en fonction notamment de la localisation du logement ;

- les logements peuvent être spécialement adaptés à l'hébergement de personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ou de personnes handicapées auxquelles des prestations de services de nature hôtelière peuvent être proposées ;

- une part minimale, définie par décret, de la surface habitable des logements est sous-louée à des personnes physiques dont les ressources sont inférieures aux plafonds définis et ce, pour des loyers inférieurs aux plafonds définis ;

- une fraction, définie par décret, du prix de revient d'un ensemble d'investissements correspond à des dépenses supportées au titre de l'acquisition d'équipements de production d'énergie renouvelable, d'appareils utilisant une source d'énergie renouvelable ou de matériaux d'isolation ;

- à l'issue de la période initiale de location, les logements ou les parts ou actions des sociétés qui en sont propriétaires sont cédés, dans des conditions, notamment de prix, définies par une convention conclue entre leur propriétaire et l'organisme locataire au plus tard lors de la conclusion du bail, à l'organisme locataire ou à des personnes physiques choisies par lui et dont les ressources, au titre de l'année précédant celle de la première occupation du logement, n'excèdent pas des plafonds fixés par décret ;

- un montant correspondant au moins à 70 % de la réduction d'impôt est rétrocédé par le contribuable sous la forme d'une diminution des loyers versés par l'organisme locataire et d'une diminution du prix de cession à l'organisme locataire ou aux personnes physiques mentionnées.

2. Montant de la réduction d'impôt

La réduction d'impôt est égale à 50 % d'un montant égal au prix de revient des logements minoré des taxes et des commissions d'acquisition versées et des aides publiques reçues.

Ce montant est retenu dans la limite mentionnée au 5 de l'article 199 undecies A du CGI soit 2 727 euros hors taxes par mètre carré de surface habitable et, dans le cas des logements adaptés aux personnes âgées ou handicapées de surface des parties communes dans lesquelles des prestations de services sont proposées.

Cette limite est relevée chaque année.

La réduction d'impôt est accordée au titre de l'année d'achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure.

Lorsque le montant de la réduction d'impôt excède l'impôt dû par le contribuable ayant réalisé l'investissement, le solde peut être reporté, dans les mêmes conditions, sur l'impôt sur le revenu des années suivantes jusqu'à la cinquième inclus.

B. UNE RÉDUCTION D'IMPÔT ÉGALEMENT POSSIBLE POUR DES ACQUISITIONS DE BIENS RÉHABILITÉS ET DES OPÉRATIONS DE RÉHABILIATION DE LOGEMENTS

Le VI de l'article 199 undecies C du CGI prévoit par ailleurs que la réduction d'impôt est également ouverte au titre de l'acquisition de logements achevés depuis plus de vingt ans faisant l'objet de travaux de réhabilitation permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique.

Dans ce cas, le montant retenu pour la réduction d'impôt est le même que celui prévu pour les opérations d'acquisition et de construction de logements neufs (cf. supra).

Le A du VI bis du même article prévoit de surcroit que cette réduction d'impôt est ouverte au titre des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans, détenus par les organismes susmentionnés et situés sur l'île de Tahiti, dans les communes de Nouméa, Dumbéa, Païta, Le Mont-Dore, Voh, Koné et Pouembout et à Saint-Martin, permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique.

Dans ce cas, le montant retenu pour la réduction d'impôt est plafonné à 50 000 euros par logement.

Enfin, le B du VI bis du même article ouvre cette réduction d'impôt au titre des travaux de démolition préalables à la construction des logements neufs lorsque l'achèvement des fondations de l'immeuble intervient dans un délai de deux ans à compter de la fin des travaux de démolition.

Dans ce cas, le montant retenu pour la réduction d'impôt est plafonné à 25 000 euros par logement démoli.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA SUPPRESSION DU CRITÈRE DE LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE POUR BÉNÉFICIER DE LA RÉDUCTION D'IMPÔT AU TITRE DES TRAVAUX DE RÉNOVATION ET DE RÉHABILITATION

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement du député Philippe Dunoyer et plusieurs de ses collègues.

Le I du présent article prévoit la suppression de condition de localisation géographique pour pouvoir bénéficier de la réduction d'impôt au titre des travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements achevés depuis plus de vingt ans, détenus par les organismes de logements et permettant aux logements d'acquérir des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou permettant leur confortation contre le risque sismique ou cyclonique.

En effet, jusqu'à présent ces opérations étaient éligibles à la réduction d'impôt si et seulement si elles se situaient sur l'île de Tahiti, dans les communes de Nouméa, Dumbéa, Païta, Le Mont-Dore, Voh, Koné et Pouembout et à Saint-Martin.

Elles seront désormais éligibles pour l'ensemble des territoires des collectivités d'outre-mer : à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna.

Le II de l'article précise que la suppression du critère de localisation s'appliquera aux travaux de rénovation ou de réhabilitation pour lesquels une déclaration préalable de travaux ou une demande de permis de construire est déposée à compter du 1er janvier 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SUPPRESSION BIENVENUE

Cette réduction d'impôt, qu'elle concerne l'acquisition, la construction, la réhabilitation ou la démolition, est applicable aux travaux réalisés entre la date de promulgation de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et le 24 septembre 2018, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, et le 31 décembre 2029 à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna.

À compter du 24 septembre 2018, elle a été remplacée, dans les DROM, par les dispositifs de crédits d'impôt prévus à l'article 244 quater X du CGI.

En revanche, elle demeure applicable dans les COM.

Dans ce contexte, afin de renforcer le soutien apporté à la rénovation et à la réhabilitation des logements sociaux situés dans les départements et régions d'outre-mer, l'article 6 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit de supprimer la condition de localisation géographique applicable à ces opérations, dans le cadre du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater X du CGI, qui nécessitait que les opérations se situent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Dans ce même objectif, le présent article propose de supprimer la condition de localisation géographique applicable à ces mêmes opérations réalisées dans les collectivités d'outre-mer, dans le cadre de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du CGI.

Cette mesure devrait permettre de lutter contre le vieillissement généralisé du parc social dans ces collectivités et permettra d'encourager la rénovation énergétique des logements ainsi que leur confortation contre les risques liés aux conditions climatiques locales.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 7 quater (nouveau)

Exonération de la redevance pour pollution de l'eau
d'origine domestique pour Mayotte

Le présent article vise à exonérer Mayotte de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026. Le département fait aujourd'hui face à une crise de l'eau particulièrement grave, qui impose l'exonération de cette redevance. Celle-ci ne se traduira pas par une diminution des recettes de l'office de l'eau de Mayotte, récemment créé, qui bénéficie de subventions.

I. LE DROIT EXISTANT : UN CRÉDIT D'IMPÔT POUR COMPENSER LES TRAVAUX OBLIGATOIRES POUR LA PRÉVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES

La redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique est prévue à l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement. Elle est due par :

- les usagers domestiques raccordés aux distributions d'eau potable ;

- les industriels qui rejettent des polluants dans l'eau, lorsque le niveau de ces polluants est inférieur aux seuils de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique ;

- sous certaines conditions, les usagers qui prélèvent de l'eau sur des sources autres que le réseau de distribution602(*).

Dans la pratique, les deuxièmes et troisièmes catégories représentent une part très mineure des redevables. La majeure part de la redevance provient de la consommation d'eau potable par les usagers domestiques. La redevance est assise sur le volume d'eau facturé à l'abonné603(*).

En outre-mer, les agences de l'eau ne sont pas compétentes pour fixer le tarif de cette redevance. À la place, l'article L. 213-13 du code de l'environnement institue, pour chaque département d'outre-mer, un office de l'eau, qui a le statut d'établissement public local à caractère administratif, et dont les compétences sont proches de celle des agences de l'eau. À Mayotte, l'office de l'eau a été créé très récemment, le 16 octobre 2023.

L'article L. 213-14-2 du code de l'environnement prévoit ainsi que chaque office de l'eau fixe par délibération le tarif de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique pour son département.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXONÉRATION DE LA REDEVANCE POUR POLLUTION DE L'EAU D'ORIGINE DOMESTIQUE POUR MAYOTTE JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2021

Le présent article, adopté par la commission des finances via amendement n° I-201 (FINC.44), ajoute une disposition à l'article L. 213-10 du code de l'environnement dans l'objectif d'exonérer Mayotte de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026.

Le département fait aujourd'hui face à une crise de l'eau particulièrement grave. Le niveau de précipitation jusqu'à présent sur l'année est en effet le plus bas enregistré depuis 1997, et des mesures de restriction ont été mises en place604(*). Le remplissage des réserves est également à un niveau inquiétant : le taux de remplissage est de 13,6 % à Combani, et de 7 % à Dzoumogné605(*).

En outre, l'archipel connaît des difficultés d'approvisionnement en eau depuis les sécheresses des années 2016 et 2017. La crise de l'eau que connaît le département est aussi structurelle. Une exonération jusqu'à la fin de l'année 2026 est donc justifiée.

Cette exonération ne conduira pas à une diminution des recettes de l'office de l'eau de Mayotte. Comme les autres offices de l'eau, les recettes de l'office de Mayotte comprennent des subventions (3° du IV de l'article L. 213-13) et le département fait et fera l'objet d'aides financières importantes pour répondre à la crise de l'eau. Le 5 octobre 2023, la Première ministre avait déjà annoncé une exonération de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique pour les habitants de Mayotte de septembre à décembre 2023. Le coût de la mesure a été chiffré à 12 millions d'euros par le ministre délégué à l'outre-mer.

Cet article additionnel a le même objet qu'une disposition de l'article 16 du présent projet de loi de finances. La seule différence est que l'exonération n'est pas étendue jusqu'au 31 décembre 2027 mais jusqu'au 31 décembre 2026, dans l'objectif de respecter le bornage de trois ans des dépenses fiscales sur lequel s'est engagé le Gouvernement. Cette limitation ne retire rien du soutien du rapporteur général à cette mesure, mais vise seulement à garantir le respect de la compétence fiscale du Parlement.

Le choix de faire de cette disposition un article additionnel est en cohérence avec l'adoption par la commission des finances d'un amendement de suppression de l'article 16, qui porte plus généralement sur la réforme des redevances de l'eau. Il est préférable, pour la clarté de la discussion parlementaire, que les deux sujets, l'exonération pour Mayotte d'une part, et la réforme des redevances de l'eau d'autre part, fassent l'objet de débats distincts.

Il faut enfin souligner que l'inscription dans le projet de loi de finances est une initiative qui a d'abord été portée par les sénateurs Mohamed Soilihi et Saïd Omar Oili. Selon les termes d'un article du Journal de Mayotte, daté du 20 octobre 2023 : « Dans le cadre des négociations menées entre la Première ministre et les sénateurs Thani Mohamed Soilihi et Saïd Omar Oili, le gouvernement a décidé d'intégrer dans le projet de loi de finances pour 2024, la mesure exonérant les Mahorais de la redevance sur la consommation d'eau potable606(*) ». Le rapporteur général s'associe ainsi pleinement à cette initiative.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

ARTICLE 8

Aménagement de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée
des entreprises

Le présent article prévoit de reporter la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à 2027, et de réduire d'un quart par an son montant jusqu'en 2026.

Par ailleurs, la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) est maintenue au profit des chambres de commerce et d'industrie (CCI), et son taux est adapté pour compensé la baisse progressive de la CVAE, sur laquelle elle est assise.

Le report de la suppression de la CVAE intervient moins d'un an après que le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant l'Assemblée nationale pour supprimer la CVAE dès 2024. Alors qu'aucun évènement économique de nature à justifier un tel revirement n'est intervenu, il est permis de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement fait le choix de revenir sur l'un de ses principaux engagements dans le cadre du dernier projet de loi de finances.

Le rapporteur général prend néanmoins acte de ce report, alors que le Gouvernement se montre incapable d'empêcher la dérive des comptes publics.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE SUPPRESSION COMPLÈTE DE LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES INITIALEMENT PRÉVUE EN 2024

A. LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES EST, AVEC LA COTISATION FONCIÈRE DES ENTREPRISES, L'UNE DES COMPOSANTES DE LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE

1. Depuis 2010, la contribution économique territoriale a remplacé la taxe professionnelle

Avant sa suppression en loi de finances pour 2010607(*), la taxe professionnelle (TP), héritière de la patente608(*), constituait le principal impôt local acquitté par les entreprises, représentant 30 milliards d'euros en 2009. Sa suppression avait été avant tout motivée par le caractère « anti-économique » de cet impôt, accusé de pénaliser l'investissement et l'emploi du fait de son assiette composite comprenant la valeur locative des immeubles, des équipements et biens mobiliers (matériels, outillages, etc.), la masse salariale et les recettes. La TP constituait ainsi l'un des principaux exemples d'impôt de production.

Les impôts de production

Selon l'Insee, les impôts de production englobent l'ensemble des impôts que les unités légales (entreprises, associations, établissements publics) supportent du fait de leurs activités de production, indépendamment de la quantité ou de la valeur des biens et services qu'elles produisent ou vendent. Ces prélèvements sont à distinguer de la fiscalité sur les produits, qui est acquittée par le consommateur (TVA, en particulier), et de la fiscalité sur le résultat (impôt sur les sociétés et impôt sur le revenu).

La fiscalité de production peut être appréhendée de deux façons :

- au sens large, elle englobe des prélèvements assis sur des facteurs de production, à savoir la masse salariale et le capital ou les actifs de l'entreprise comme le foncier utilisé ;

- au sens strict, ils correspondent à des impôts frappant directement la production et non ses facteurs, dans la mesure où leur assiette repose sur un produit du compte de résultat.

En remplacement de la TP, la loi de finances pour 2010 a instauré une contribution économique territoriale (CET) composée de deux cotisations :

la cotisation foncière des entreprises (CFE), régie par les articles 1447 à 1448 du code général des impôts (CGI) ;

- la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), régie par les articles 1586 ter à 1586 nonies du CGI, et objet du présent article.

2. La contribution économique territoriale fait l'objet d'un plafonnement en fonction de la valeur ajoutée

Afin de limiter le poids de la CET pour les entreprises qui y sont assujetties, le législateur a instauré un mécanisme de plafonnement sur la valeur ajoutée (PVA).

Ainsi, en application de l'article 1647 B sexies du CGI, le montant total dû par une entreprise au titre de la CET ne peut excéder, en 2023, 1,625 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise609(*), calculée selon les mêmes modalités et au cours de la même période de référence que celles utilisées pour déterminer l'assiette de la CVAE (voir infra).

La différence entre le montant théoriquement dû et l'application de ce plafonnement fait l'objet d'un dégrèvement. D'après les informations contenues dans l'évaluation préalable de la loi de finances pour 2022, « les entreprises exploitant un établissement industriel au sens foncier représentent ainsi environ 75 % des sommes dégrevées au titre du PVA. »

Les caractéristiques de la CVAE, qu'il s'agisse de l'établissement de son assiette ou de la détermination du taux applicable, conduisent à rattacher celle-ci à la catégorie des impôts de production.

B. UN IMPÔT ASSIS SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES, SANS PARVENIR À LA MÊME NEUTRALITÉ ÉCONOMIQUE QUE LA TVA

Sont assujetties à la CVAE les entreprises :

- situées dans le champ d'application de la CFE, soit toutes les personnes physiques ou morales, ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale, qui exercent à titre habituel une activité professionnelle ;

- dont le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période de référence est supérieur à 152 500 euros hors taxe610(*).

L'assiette imposable est calculée à partir de la valeur ajoutée réalisée au cours de la période de référence, en principe l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile611(*).

Alors que les charges de personnel ne sont pas déductibles de la valeur ajoutée et afin de répondre aux situations d'entreprises à forte intensité de main d'oeuvre, la valeur ajoutée imposable est plafonnée : elle ne peut excéder un pourcentage du chiffre d'affaires fixé à :

- 80 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 7,6 millions d'euros ;

- 85 % pour celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7,6 millions d'euros.

Aucun plafonnement n'est en revanche appliqué pour les établissements de crédits et les entreprises d'investissement agréés, les entreprises de gestion d'instruments financiers, les sociétés créées pour une opération de financement d'immobilisations corporelles et les entreprises d'assurance et assimilées612(*).

Cette valeur ajoutée, calculée en application de l'article 1586 sexies du CGI (voir encadré infra), est une valeur ajoutée « brute ». La CVAE vient frapper, selon les mots du Conseil d'analyse économique, « un solde de gestion très en amont du résultat net de l'entreprise, sans rapport avec sa rentabilité » 613(*). Pour le calcul de la valeur ajoutée, les entreprises ne peuvent pas déduire un certain nombre de charges, et notamment les dépenses de personnel.

Détermination de la valeur ajoutée imposable au titre de la CVAE pour la généralité des entreprises
(extrait de l'article 1586 sexies du CGI)

« La valeur ajoutée est égale à la différence entre :

a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré :

- des autres produits de gestion courante à l'exception, d'une part, de ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires et, d'autre part, des quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ;

- de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; il n'est pas tenu compte de la production immobilisée, hors part des coproducteurs, afférente à des oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques inscrites à l'actif du bilan d'une entreprise de production audiovisuelle ou cinématographique, ou d'une entreprise de distribution cinématographique pour le montant correspondant au versement du minimum garanti au profit d'un producteur, à condition que ces oeuvres soient susceptibles de bénéficier de l'amortissement fiscal pratiqué sur une durée de douze mois ;

- des subventions d'exploitation ;

- de la variation positive des stocks ;

- des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ;

- des rentrées sur créances amorties lorsqu'elles se rapportent au résultat d'exploitation ;

b) Et, d'autre part :

- les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ;

- diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ;

- la variation négative des stocks ;

- les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail ainsi que les redevances afférentes à ces biens lorsqu'elles résultent d'une convention de location-gérance ; toutefois, lorsque les biens pris en location par le redevable sont donnés en sous-location pour une durée de plus de six mois, les loyers sont retenus à concurrence du produit de cette sous-location ;

[...]

- les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ;

- les dotations aux amortissements pour dépréciation afférentes aux biens corporels donnés en location ou sous-location pour une durée de plus de six mois, donnés en crédit-bail ou faisant l'objet d'un contrat de location-gérance, en proportion de la seule période de location, de sous-location, de crédit-bail ou de location-gérance ;

- les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante. »

C. LA CVAE A DÉJÀ FAIT L'OBJET DE DEUX RÉFORMES RÉCENTES, LA PREMIÈRE EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2021, VISANT À DIVISER PAR DEUX SON MONTANT, PUIS EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2023, PRÉVOYANT SA SUPPRESSION EN DEUX TEMPS

1. Un impôt qui a déjà été réduit en 2021 et dont le taux effectif varie en fonction du chiffre d'affaires des entreprises assujetties

L'article 8 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 procède à une première réduction de la CVAE, dans le cadre du plan de relance. En effet, le Gouvernement affiche alors un objectif de réduction de 10 milliards d'euros par an des impôts de production pour les entreprises. Dans ce cadre, le taux de CVAE est divisé par deux, pour un coût direct d'un peu plus de 7 milliards d'euros.

En application de l'article 1586 quater du CGI, le montant dû par l'entreprise est déterminé par l'application à cette même base d'un « taux effectif d'imposition » (TEI) qui varie en fonction du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise. Il est nul pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 500 000 euros.

Taux effectif d'imposition des entreprises redevables de la CVAE

Chiffre d'affaires

Taux effectif d'imposition

(avant 2021)

Taux effectif d'imposition

(2021 - 2022)

CA < 500 000 €

0 %

0 %

500 000 € = CA = 3 000 000 €

0,5 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,25 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

3 000 000 € < CA = 10 000 000 €

0,5 %+ [0,9 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,25 %+ [0,45 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

10 000 000 € < CA = 50 000 000 €

1,4 % + [0,1 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,7 % + [0,05 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

CA > 50 000 000 €

1,5 %

0,75 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article 1586 quater du CGI

2. La suppression en deux temps de la CVAE par la loi de finances initiale pour 2023

L'article 55 de la loi de finances initiale pour 2023 a prévu la suppression de la CVAE en 2024 et, pour 2023, la division par deux des taux de CVAE, ainsi que la hausse temporaire de la taxe additionnelle à la CVAE au profit des chambres de commerce et d'industrie, et une adaptation du plafonnement appliqué à la valeur ajoutée (PVA).

Ainsi, en 2023, le produit de la CVAE a été directement affecté à l'État et non plus aux collectivités territoriales, le dégrèvement barémique a été supprimé et les différents taux utilisés pour déterminer la CVAE due par les entreprises en fonction de leur chiffre d'affaires ont été réduits.

Taux effectif d'imposition des entreprises redevables de la CVAE
en 2022 et en 2023

Chiffre d'affaires

Taux effectif d'imposition
(2022)

Taux effectif d'imposition
(2023)

CA < 500 000 €

0 %

0 %

500 000 € = CA = 3 000 000 €

0,25 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,125 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

3 000 000 € < CA = 10 000 000 €

0,25 %+ [0,45 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,125 %+ [0,225 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

10 000 000 € < CA = 50 000 000 €

0,7 % + [0,05 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,35 % + [0,025 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

CA > 50 000 000 €

0,75 %

0,375 %

Source : commission des finances du Sénat

L'article 55 de la loi de finances initiale pour 2023 procède également à trois ajustements :

- baisse du plafonnement appliqué à la valeur ajoutée (PVA), passant de 2 % à 1,625 % en 2023 puis à 1,25 % en 2024 ;

- division par deux du dégrèvement complémentaire applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros, qui passe de 500 à 250 euros pour 2023 ;

- division par deux du montant minimal de CVAE dont sont redevables les entreprises en 2023, qui passe de 125 à 63 euros.

En parallèle, le taux de la taxe additionnelle à la CVAE au profit des chambres de commerce et d'industrie (CCI) a été augmenté en 2023 pour palier la baisse de l'impôt sur lequel elle est assise. Cette taxe est supprimée pour 2024, tandis que la trajectoire de taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises affectée au CCI a été revue.

Par ailleurs, l'article 55 de la loi de finances initiale pour 2023 avait prévu la compensation aux collectivités territoriales de la suppressions de la CVAE par l'attribution d'une fraction de la TVA614(*).

Pour les départements, en application du A du XXV de cet article, cette fraction correspond à la moyenne du produit de CVAE perçu au titre des années 2020 à 2022 et qui aurait dû être perçu au titre de l'année 2023, et évolue comme la dynamique nationale de la TVA.

Pour le bloc communal, en application du XIV de cet article, cette fraction est composée de deux parts :

- une part « socle » fixe, correspondant à la moyenne du produit de CVAE perçu au titre des années 2020 à 2022 et qui aurait dû être perçu au titre de l'année 2023 (moyenne quadriennale), soit environ 5,3 milliards d'euros ;

- une part dynamique, correspondant à la dynamique additionnelle de la TVA, et qui, d'après les estimations communiquées au rapporteur général, devrait représenter 322 millions d'euros en 2023 (dont 317 millions d'euros en faveur des EPCI et 6 millions d'euros en faveur des communes) puis 547 millions d'euros en 2024. Cette part doit alimenter un fonds national d'attractivité économique des territoires (FNAET) qui, aux termes de la loi, est réparti chaque année entre les communes et leurs groupements afin de tenir compte « du dynamisme de leurs territoires respectifs », selon des modalités définies par décret.

La mise en place de ce fonds avait pour objectif de maintenir un intéressement des collectivités territoriales à attirer de l'activité économique sur leur territoire sous la forme d'un retour fiscal, que permettait la CVAE.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ÉTALEMENT SUR QUATRE ANS DE LA SUPPRESSION DE LA COTISATION SUR LA VALEUR AJOUTÉE DES ENTREPRISES

Le 1 du B du I prévoit la réduction progressive des différents taux utilisés pour déterminer la CVAE due par les entreprises. En application de ces dispositions, la CVAE pour les entreprises sera déterminée comme suit.

Taux effectif d'imposition des entreprises redevables de la CVAE
en 2024, 2025 et en 2023

Chiffre d'affaires

Taux d'imposition
(2024)

Taux d'imposition
(2025)

Taux d'imposition

(2026)

CA < 500 000 €

0 %

0 %

 

500 000 € = CA = 3 000 000 €

0,094 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,063 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

0,031 % x (CA - 500 000 €) /2 500 000 €

3 000 000 € < CA = 10 000 000 €

0,094 %+ [0,0169 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,063 %+ [0,113 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

0,031 %+ [0,056 % x (CA- 3 000 000 €)/ 7 000 000 €]

10 000 000 € < CA = 50 000 000 €

0,263 % + [0,019 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,175 % + [0,013 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

0,087 % + [0,006 % x (CA - 10 000 000 €) / 40 000 000 €]

CA > 50 000 000 €

0,28 %

0,19 %

0,09 %

Par ailleurs, 2 du B du I prévoit que le dégrèvement est progressivement réduit : de 250 euros en 2023, il passera à 188 euros en 2024, 125 euros en 2025 et 63 euros en 2026.

Le C du I modifie l'article 1586 septies pour remplacer le montant minimal de la CVAE de 63 euros par une franchise d'impôt en deçà de laquelle l'impôt n'est pas du. D'après l'évaluation préalable du présent article, cette modification conduit à sortir de la CVAE environ 300 000 entreprises, pour un coût de 18 millions d'euros.

En parallèle, le E du I augmente le taux de la taxe additionnelle à la CVAE au profit des CCI, passant de 6,92 %à 9,23 % en 2024, 13,84 % en 2025 et 27,68 % en 2026.

Le A du I renvoie, pour les règles de détermination de l'assiette de la CVAE de l'article 1586 ter du CGI, à la rédaction antérieure à la présente loi en ce qui concerne les exonérations votées par les collectivités. En effet, le D du I modifie l'article 1586 nonies pour abroger les dispositions relatives aux délibérations des collectivités permettant de décider d'une exonération de CVAE.

Alors que le 2° du V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts fixe les modalités de calculs des attributions de compensations (AC) versées par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité professionnelle unique (FPU) à leurs communes membres en contrepartie des recettes fiscales que celles-ci leur ont transférées, parmi lesquelles, obligatoirement, la CVAE, le F du I propose de modifier cet article afin de prendre en compte du montant de la fraction de TVA perçue par les EPCI à FPU en compensation de la perte de la CVAE pour le calcul desAC qu'ils versent à leurs communes membres, ce qui permet d'assurer la neutralisation des effets de la réforme sur les relations financières internes au bloc communal.

Le II abroge le II de l'article L. 5219-8- 1, qui prévoit la mensualisation des versements de CVAE à la métropole du Grand Paris. Cet article ne trouve en effet plus à s'appliquer depuis la loi de finances initiale pour 2023, qui a nationalisé le produit de la CVAE.

Le A du III prévoit d'adapter le plafonnement sur la valeur ajoutée (PVA), afin de tirer les conséquences du maintien de la CVAE jusqu'en 2026. Ainsi, il est prévu le PVA soit égal à 1,531 % en 2024, 1,438 % en 2025 et à 1,344 % en 2026. Il retrouvera le niveau initialement prévu pour 2024, à savoir 1,25 %, en 2027.

Le 2 du A du III supprime la référence au crédit d'impôt en faveur des entreprises implantées dans des zones de restructuration de la défense, l'article 1647 C septies ayant été abrogé par l'article 36 de la loi de finances initiale pour 2023.

Les B et C du III modifient les dates d'entrée en vigueur de l'article 55 de la loi de financer pour 2023, afin de prévoir le maintien de la CVAE jusqu'en 2026 et sa suppression complète en 2027.

Le IV prévoit les dates d'entrée en vigueur des dispositions du présent article.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE MODIFICATION DES MODALITÉS DE COMPENSATION DES DÉPARTEMENTS ET UN AJUSTEMENT TECHNIQUE

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement a intégré douze amendements identiques615(*) sous-amendés par un amendement rédactionnel du rapporteur général de la commission des finances Jean-René Cazeneuve tendant à modifier les modalités de compensation aux départements de la perte de la CVAE.

Après le A bis nouveau (voir infra) du III du présent article, il est ainsi inséré un A ter nouveau complétant le XXV l'article 55 précité de la loi de finances initiale pour 2023 par un C nouveau prévoyant que, si le produit de la fraction de TVA attribuée aux départements pour une année donnée en application du A du même XXV est inférieur au montant de la moyenne quadriennale 2020-2023 de CVAE perdue utilisée pour le calcul de fraction de TVA versée au titre de 2023, une attribution complémentaire de TVA leur est versée à due concurrence.

Ce dispositif revient à assurer aux départements une garantie de la fraction de compensation à son niveau historique, soit 4,9 milliards d'euros.

L'article considéré comme adopté intègre une modification de nature plus technique616(*) : un A bis nouveau est inséré après le A du III, prévoyant de modifier le R du I de l'article 55 de la loi de finances initiale pour 2023 de façon à « déclasser » en décret simple le décret en Conseil d'État initialement prévu pour déterminer, aux fins de l'application du PVA, le calcul de la valeur ajoutée provenant des opérations directement liées à l'exploitation de navires ou d'aéronefs ne correspondant pas à l'activité exercée en France. Selon l'auteur de l'amendement dont cet article est issu, cette mesure est de nature à assurer la mise en oeuvre de la mesure dès le début de l'année 2024 pour l'établissement de la CVAE et du PVA. Le présent article serait ainsi complété par un V précisant que ce A bis du III entrerait en vigueur en même temps que la loi de finances initiale pour 2024.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN REVIREMENT DIFFICILEMENT JUSTIFIABLE, QUI NUIT À LA LISIBILITÉ ET À LA STABILITÉ FISCALES POUR LES ENTREPRISES

A. ALORS QUE LES IMPÔTS DE PRODUCTION SONT LES PLUS ÉLEVÉS D'EUROPE, LA SUPPRESSION DE LA CVAE DOIT ÊTRE MAINTENUE

En comparaison internationale, les impôts de production en France sont parmi les plus élevés : si l'on excepte la situation spécifique de la Suède, la France est le pays qui impose le plus la production dans l'Union européenne (les impôts de productions représentent ainsi 4,5 % du produit intérieur brut).

Évolution de la part des impôts de production payés par les entreprises rapportée à leur valeur ajoutée depuis 2000 dans plusieurs pays européens

Source : les Thémas de la DGE, septembre 2022

Ces impositions visent un agrégat intermédiaire, sans rapport avec la profitabilité de l'activité de l'entreprise. Elles dégradent donc la situation financière de toutes les entreprises, y compris celles qui ne réalisent aucun bénéfice.

La CVAE nuit directement à la productivité et à la compétitivité des entreprises, et la prise en compte du chiffre d'affaires pour déterminer le taux d'imposition à la CVAE contribue à ce caractère anti-économique. Surtout, comme le relevait le Conseil d'analyse économique (CAE) dans sa note Les impôts pour (ou contre) la production : la CVAE « peut s'assimiler à deux taxes s'appliquant, avec le même taux, sur, d'une part, la masse salariale et, d'autre part, l'excédent brut d'exploitation (EBE). En taxant l'EBE et donc les amortissements, cet impôt affecte directement les capacités d'investissement des entreprises, bien plus que l'IS. En effet, les entreprises ne peuvent avec la CVAE déduire de la base taxable des charges économiquement liées à la production (les amortissements), ce qui pénalise tout particulièrement celles qui ont besoin de procéder à un renouvellement régulier de leur outil productif. La CVAE conduit ainsi à distordre la rentabilité des investissements en fonction des secteurs en concentrant son impact sur les secteurs les plus intensifs en capital. »

Il est donc indispensable, pour limiter la pression fiscale sur les investissements et l'activité économique, de maintenir la suppression de la CVAE.

B. LA SUPPRESSION DE LA CVAE EN CINQ ANS PLUTÔT QUE DEUX, LA PREUVE D'AMBITIONS TOUJOURS REVUES À LA BAISSE PAR LE GOUVERNEMENT

Le rapporteur général prend acte du choix du Gouvernement de lisser sur cinq ans, de 2023 à 2027, la suppression de la CVAE. En souhaitant repousser la suppression définitive de la CVAE, le Gouvernement revient sur un texte sur lequel il a lui-même engagé sa responsabilité devant l'Assemblée nationale.

En l'absence d'évènement économique majeur intervenu depuis l'examen du projet de loi de finances pour 2023, on peut s'interroger sur les causes de ce revirement, qui remet en cause la stabilité fiscale, un facteur pourtant décisif de l'attractivité.

Plutôt que d'adopter une politique de réduction des dépenses publiques ambitieuse, cohérente par ailleurs avec son choix de supprimer certains impôts, le Gouvernement fait le choix de la facilité : retarder des réformes structurelles pourtant indispensables à la restauration de la compétitivité de nos entreprises.

Recettes supplémentaires attendues en application du présent article

 

2024

2025

2026

Recettes de CVAE pour l'État

3 milliards d'euros

1,8 milliard d'euros

1 milliard d'euros

Source : évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2024

De plus, le report à 2027 crée un contexte d'incertitude pour les entreprises. La suppression intégrale de la CVAE avait initialement été annoncée dès 2023, cette promesse ayant ensuite été amendée pour prévoir la suppression en deux ans par la loi de finances initiale pour 2023, et désormais en cinq ans. Les entreprises n'ont plus de garantie sur la capacité du Gouvernement à tenir ses engagements.

Enfin, on peut s'interroger sur le choix de ne retenir la suppression définitive qu'à compter de 2027, c'est-à-dire à l'issue du présent quinquennat. Le choix du Gouvernement revient donc à faire porter les conséquences sur les finances publiques de la suppression de la CVAE au successeur du Président de la République.

C. LA COMPENSATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UN AJUSTEMENT BIENVENU POUR LES DÉPARTEMENTS ET LE MAINTIEN DU STATU QUO POUR LE BLOC COMMUNAL

Alors que le produit de la CVAE a été nationalisé par l'article 55 de la loi de finances initiale pour 2023, les modalités de compensation aux collectivités ne seraient ajustées qu'à la marge par le présent article, pour ce qui concerne les départements.

L'introduction d'une garantie plancher de la fraction de TVA attribuée aux départements à son niveau historiques de 2023 (4,9 milliards d'euros) répond à un besoin légitime, en ce qu'elle permet d'assurer une protection des départements face aux éventuels retournements conjoncturels, ce qui est d'autant plus nécessaire que leurs dépenses, compte tenu de leurs compétences sociales, sont elles-mêmes fortement contra-cycliques.

Cette mesure assure également une égalité de traitement avec les collectivités du bloc communal, dont les modalités de compensation restent inchangées (voir supra). L'attribution à leur profit d'une fraction « socle fixe » de TVA revient à assurer le même rôle de garantie de compensation au niveau historique.

S'agissant de la part dynamique de la compensation des collectivités du bloc communal, il est à noter qu'un décret du 13 mai 2023617(*) a prévu que la répartition du fonds national de l'attractivité économique des territoires (FNAET) serait répartie selon des modalités identiques à celles qui présidaient la territorialisation de la CVAE618(*), qui repose pour un tiers sur les effectifs salariés déclarés au titre de la CVAE (déclaration 1330) et pour un tiers sur les valeurs locatives des immobilisations imposées à la CFE.

Un projet de décret présenté au comité des finances locales (CFL) le 26 septembre a prévu de reconduire ces modalités de répartition pour 2024. À compter de 2025 en revanche, le projet de décret prévoit de substituer, pour la mesure des effectifs, les données de la déclaration sociale nominative (DSN) mentionnée à l'article L. 133-5- 3 du code de la sécurité sociale en lieu et place de la déclaration 1330, qui a vocation à disparaître avec la suppression de la CVAE. Le projet reprend ainsi une préconisation de l'inspection générale des finances qui, dans un rapport que le rapporteur général a pu consulter, observe que la DSN fournit des données plus fiables en la matière, raison pour laquelle la mission recommandait même d'adopter ce critère dès 2024. Les simulations qu'elle a pu réaliser à cet égard montraient que ce changement de critère générerait un nombre assez limité de « perdants » : seuls 5 % des EPCI, principalement les grosses métropoles, percevraient moins de FNAET en 2024 qu'en 2023.

En tout état de cause, ce projet de décret non encore publié a reçu un avis négatif du CFL, témoignant de la persistance de l'opposition à la réforme d'une grande partie des élus locaux.

Force de constater que le FNAE, bien qu'abondé par de la TVA, est réparti entre les collectivités selon des critères nationaux et s'apparente ainsi bien davantage à une dotation de l'État qu'à une ressource fiscale. Si, jusqu'à présent, le choix de la stabilité des critères de territorialisation a prévalu, les notions d' « attractivité » et de « dynamisme » économiques prévus par la loi semblent laisser de grandes latitudes au pouvoir réglementaire pour changer ces critères au gré des priorités gouvernementales.

Cette solution « technocratique » apporte certes une partie de la réponse au problème posé par la réforme. Pour autant, elle ne saurait se substituer au lien démocratique et politique fondamental opéré par l'impôt entre le territoire et les collectivités territoriales, déjà fortement abîmé par la suppression préalable de la taxe d'habitation sur les résidences principales.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8 bis (nouveau)

Prorogation de la contribution sur la rente inframarginale
de la production d'électricité

Le présent article prévoit de reconduire en 2024 la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité moyennant certaines modifications dont son application sur seulement 50 % de la fraction des revenus d'exploitation qui excèdent le seuil forfaitaire.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : ENCADRÉE PAR LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE, LA CONTRIBUTION SUR LA RENTE INFRAMARGINALE DE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ A ÉTÉ CRÉÉE EN RÉACTION À LA HAUSSE INÉDITE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ SUR LES MARCHÉS DE GROS

A. UNE MESURE COORDONNÉE À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE

Face à la crise des prix de l'énergie, notamment au pic des prix de l'électricité observé au cours de l'été 2022, et aux réponses nationales disparates qui menaçaient de mettre en péril l'Europe de l'énergie, il est apparu nécessaire de mettre en oeuvre des mesures coordonnées à l'échelle de l'Union. En effet, si la flambée inédite des prix de l'électricité affectait fortement les consommateurs et obligeait les Gouvernements à prendre des mesures de compensations très coûteuses pour les finances publiques, les producteurs exploitant de centrales électriques non soumises à une hausse équivalente du prix de leurs intrants récoltaient des revenus très largement supérieurs aux attentes légitimes qu'ils pouvaient nourrir au moment où ils avaient établi leurs plans d'affaires et déclenché leurs investissements.

Le 30 septembre 2022, le Conseil de l'Union européenne avait ainsi approuvé une série de propositions de la Commission européenne, et notamment l'une visant à instaurer sur le territoire de l'Union européenne (UE) un dispositif de plafonnement des recettes issues du marché pour les producteurs d'électricité infra-marginaux. En invoquant la situation de « grave difficulté dans l'approvisionnement en produits énergétiques » au sens du paragraphe 1 de l'article 122 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), le Conseil a pu adopter de façon accélérée et sans le Parlement européen, les mesures prévues par le règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022. Parmi celles-ci figurait, à l'article 1er du règlement, l'instauration d'un « plafonnement des recettes issues du marché que certains producteurs tirent de la production d'électricité ». Ce même règlement a fixé le cadre dans lequel devait s'inscrire les modalités de plafonnement établies aux niveaux nationaux. Ce cadre donnait une grande latitude aux États-membres.

B. LA CONTRIBUTION SUR LA RENTE INFRAMARGINALE DE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ A ÉTÉ INSTAURÉE EN FRANCE POUR UNE PÉRIODE S'ÉTENDANT DU 1ER JUILLET 2022 AU 31 DÉCEMBRE 2023

Le plafonnement des revenus des producteurs d'électricité prévu par le règlement européen du 6 octobre 2022 a été transposé par la France en droit national par l'article 54 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 qui a instauré, pour une période s'étendant du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2023, une contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité.

1. Les installations de production d'électricité redevables de la contribution et son fait générateur

Le II de l'article 54 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 détermine les installations d'électricité redevables de cette contribution par exclusions. Il exclut ainsi trois types d'installations.Premièrement, sont exclues celles dont la technologie de production repose sur l'un des processus suivant :

- la transformation d'énergie hydraulique stockée dans un ou plusieurs réservoirs d'une capacité unitaire de stockage supérieure à dix heures au moyen des installations hydroélectriques ;

- selon certaines conditions, la production au moyen d'installations pilotables pouvant être sollicitées en moins d'une heure et pour lesquelles le nombre annuel d'heures de fonctionnement est limité par une décision des autorités publiques à 500 heures au plus ;

- selon certaines conditions, la production combinée de chaleur et d'électricité au moyen de gaz naturel (cogénération) par une installation classée pour la protection de l'environnement et détenues ou exploitées par plusieurs personnes physiques ou morales ;

- la combustion de certains combustibles fossiles619(*).

Deuxièmement sont exclues les installations de stockage.

Enfin, troisièmement, sont exclues celles qui alimentent un « petit réseau » isolé620(*).

Ce même II prévoit par ailleurs une exemption pour les installations dont la production d'électricité ne dépasse pas 1 mégawatt (MW).

Le B du II de l'article 54 de la LFI pour 2023 prévoit que le fait générateur de la contribution est constitué par la production d'électricité pendant trois périodes de taxation :

- du 1er juillet 2022 au 30 novembre 2022 ;

- du 1er décembre 2022 au 30 juin 2023 ;

- et du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2023.

2. Le montant de la contribution est égal à une marge forfaitaire égale à la différence entre les revenus de marchés de l'installation et un forfait qui résulte du produit entre le volume d'électricité produite et un seuil unitaire exprimé en euros par mégawattheure

Le IV de l'article 54 de la LFI pour 2023 détermine les modalités de calcul du montant de la contribution.

Le A de ce IV dispose ainsi que le montant de la contribution est égal à la fraction des revenus de marché excédant un seuil forfaitaire et que cette fraction fait l'objet d'un abattement de 10 %.

Le B du IV définit le mode de calcul de cette fraction. Il dispose ainsi qu'elle correspond à la marge forfaitaire égale à la différence entre la somme des revenus de marchés perçus par le producteur et le « forfait » déterminé au D du même IV.

Ce D dispose que, dans son principe général, ce forfait résulte du produit entre les quantités d'électricité produites (qui ont permis de générer les revenus de marchés) par l'installation et un seuil unitaire, déterminé en fonction de la technologie de production d'électricité, exprimé en euros par mégawattheure (MWh).

Seuils unitaires par technologies de production d'électricité prévus au D du IV de l'article 54 de la LFI pour 2023

Technologie de production

Puissance électrique installée

(en MW)

Seuil unitaire

(en euros/MW)

Nucléaire

90

Éolien

100

Hydraulique

Inférieure à 0,5

140

De 0,5 à 2,5

100

Supérieure à 2,5

80

Traitement thermique des déchets, y compris pour la production combinée de chaleur et d'électricité

145

Combustion de biogaz, y compris pour la production combinée de chaleur et d'électricité

175

Combustion de gaz naturel

40

Combustion de biomasse

130

Production combinée de chaleur et d'électricité au moyen de la combustion de gaz naturel ou de biomasse

Inférieure à 12

110

De 12 à 100

85

Supérieure à 100

60

Autres

100

Source : commission des finances du Sénat, d'après le D du IV de l'article 54 de la LFI pour 2023

Ce même D prévoit plusieurs exceptions et garde-fous permettant de déroger au principe général du calcul de ce forfait.

Le 2 de ce D prévoit ainsi que certains coûts peuvent être ajoutés au forfait ainsi obtenu pour, in fine, réduire le montant dû par l'exploitation concernée au titre de la contribution. Il s'agit notamment des coûts provenant de l'acquisition d'intrants issus de source d'énergie d'origine fossile qui avaient eux-mêmes connu des hausses substantielles dans le contexte de la crise des prix de l'énergie. Il en est ainsi des coûts supportés par les installations au titre de l'acquisition des combustibles fossiles ou de biomasse brûlés pour la production d'électricité et ceux des quotas du système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.

Le 3 du D dispose quant à lui que lorsque le forfait calculé s'avère insuffisant à couvrir la somme des coûts et de la rémunération des investissements et du risque d'exploitation, le seuil unitaire de l'installation est alors porté à un niveau permettant la couverture de ces éléments.

Le 4 du même D prévoit un véritable mécanisme de « corde de rappel » permettant de traiter, pratiquement au cas par cas, la situation particulière de centrales dont l'équilibre économique serait mis en difficulté par la contribution. Il prévoit pour cela qu'une majoration du forfait peut être appliquée à l'initiative de l'exploitant lorsqu'elle est nécessaire pour assurer la couverture des coûts ainsi que la rémunération des investissements et du risque d'exploitation et dans la mesure où elle est réalisée pour tenir compte des éléments suivants :

- l'équilibre économique d'un contrat conclu ou modifié avant le 14 septembre 2022 avec des collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets ;

- les investissements décidés entre le 1er janvier 2022 et le 14 septembre 2022 et effectivement réalisés avant le 31 décembre 2023, dans la mesure où ils sont remis en cause par l'application du forfait calculé conformément aux dispositions de l'article 54 de la LFI pour 2023 ;

- le cas échéant, d'autres éléments, déterminés par un décret pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Le E du IV de l'article 54 de la LFI pour 2023 traite quant à lui plusieurs situations particulières telles que celle d'une même personne qui exploite plusieurs installations, des installations dont seule une fraction de la production génère des revenus de marché ou encore de l'autoconsommation au sein d'un même groupe.

Le F du même IV prévoit quant à lui les conditions d'évaluation de la marge forfaitaire dans les situations où l'exploitant réalise des cessions d'électricité générant des revenus de marché à la fois à destination des consommateurs finals et sur les marchés de gros. En particulier dans les cas où les quantités d'électricité produites sont supérieures ou égales à celles fournies aux consommateurs finals ou au contraire dans ceux où les quantités d'électricité produites sont inférieures à celles fournies aux consommateurs finals et notamment si cette situation résulte d'un déficit des installations de production.

Le G du IV définit le mode d'évaluation de la marge forfaitaire lorsque l'exploitant réalise des cessions d'électricité générant des revenus de marché auprès des consommateurs finals à la fois sur la base de contrats d'approvisionnement de long terme et sur la base d'autres contrats de fourniture.

Le 1 du H du IV prévoit que quatre types de déductions sont appliqués sur le montant de la contribution. Trois d'entre-elles concernent les installations hydroélectriques. Ainsi, sont déduits du montant de la contribution :

- les compensations financières versées par les concessionnaires d'installations hydroélectriques aux départements, au titre des réserves en énergie déterminées dans les cahiers des charges desdites concessions ;

- les « redevances proportionnelles »621(*) dues par les concessionnaires d'installations hydroélectriques en fonction, selon le cas, de la quantité d'énergie produite, des recettes de la concession ou encore des dividendes ou des bénéfices distribués622(*) ;

- les parts proportionnelles de la redevance mentionnée à l'article 3-1 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d'aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes623(*) ;

- les montants versés aux collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets.

Le 2 du même H prévoit quant à lui un dispositif particulier aux installations de cogénération dont la production est réalisée à partir de la combustion de gaz naturel ou de biomasse.

Les modalités déclaratives et de paiement de la contribution ont été précisées par le décret du 28 juin 2023624(*).

3. Le périmètre des revenus de marchés pris en compte pour déterminer la marge forfaitaire soumise à la contribution

Le C du IV de l'article 54 de la LFI pour 2023 détermine le champ des revenus de marché qui entrent dans le calcul de la marge forfaitaire de l'installation qui sera soumise à la contribution.

Les revenus de marchés pris en compte dans le calcul du montant de la contribution sont défini comme « ceux résultant de l'ensemble des contrats de fourniture (...) et des instruments dérivés portant sur de l'électricité » fournie pendant les trois périodes de taxation, « y compris, le cas échéant, les aides publiques dues à l'exploitant en substitution d'une fraction du prix de vente prévu par ces contrats ou ayant pour objet de compenser les pertes de revenus afférentes à ces contrats induites par une décision de l'État portant sur les niveaux des tarifs de vente aux consommateurs finals ». Ces aides publiques correspondent aux sommes versées aux fournisseurs au titre de la compensation des pertes de recettes induites par le dispositif de bouclier tarifaire sur les prix de vente de l'électricité.

Le même C écarte explicitement la prise en compte de certains revenus dans le calcul des revenus de marchés servant à calculer le montant de la contribution. Il s'agit entre autres notamment :

- des revenus perçus par Électricité de France (EDF) au titre des cessions réalisées dans le cadre du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ;

- ou encore des revenus des installations de production d'énergie renouvelable soutenues par les dispositifs d'obligation d'achat ou de complément de rémunération.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA PROROGATION EN 2024 D'UNE VERSION « ADOUCIE » DE LA CONTRIBUTION SUR LA RENTE INFRAMARGINALE DE LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, modifié par un sous-amendement présenté par M. Mathieu Lefèvre ainsi que de deux autres amendements identiques625(*) conservés dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

A. LA PROROGATION DE LA CONTRIBUTION EN 2024 SUR 50 % DES REVENUS EXCÉDANT LE SEUIL FORFAITAIRE

Elles visent à reconduire en 2024 la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité moyennant certaines modifications dont son application sur seulement 50 % de la fraction des revenus d'exploitation qui excèdent le seuil forfaitaire.

Le A du I du présent article prévoit de proroger la contribution en 2024. Pour cela, il ajoute un 4° au III de l'article 54 de la LFI pour 2023 afin d'ajouter aux trois premières, une quatrième période de taxation qui s'étendrait du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024. D'autres modifications rédactionnelles du même article 54 ne visent également qu'à proroger d'un an les dispositions relatives à ladite contribution. Il s'agit du a, du c et du d du 2° du B du I.

Le 1 du B, introduit par le sous-amendement déposé par M. Mathieu Lefèvre, prévoit de porter à 50 %, au lieu de 10 % dans le dispositif qui a été appliqué en 2022 et 2023, l'abattement appliqué à la fraction des revenus de marché qui excède le seuil forfaitaire. Cette disposition conduirait ainsi à n'exposer à la contribution plus que 50 % de la fraction des revenus de marché de l'exploitant qui excède le seuil forfaitaire plutôt que 90 %. Cette évolution aurait pour vocation de promouvoir les incitations aux nouveaux investissements dans la filière de la production d'énergies renouvelables dans un contexte de nécessaire accélération de la transition écologique. Le a du 3° du B du I du présent article revalorise l'ensemble des seuils unitaires par technologies de production de 4,8 % selon un principe d'indexation sur l'inflation.

Comparaison des seuils unitaires appliqués en 2022 et 2023 avec les seuils unitaires proposés par l'article 8 bis

Technologie de production

Puissance électrique installée (en MW)

Seuil unitaire appliqué en 2022 et 2023 (en euros/MW)

Seuil unitaire proposé pour 2024 par l'article 8 bis (en euros/MW)

Nucléaire

90

94

Éolien

100

105

Hydraulique

Inférieure à 0,5

140

147

De 0,5 à 2,5

100

105

Supérieure à 2,5

80

84

Traitement thermique des déchets, y compris pour la production combinée de chaleur et d'électricité

145

152

Combustion de biogaz, y compris pour la production combinée de chaleur et d'électricité

175

183

Combustion de gaz naturel

40

42

Combustion de biomasse

130

136

Production combinée de chaleur et d'électricité au moyen de la combustion de gaz naturel ou de biomasse

Inférieure à 12

110

115

De 12 à 100

85

89

Supérieure à 100

60

63

Autres

100

105

Source : commission des finances du Sénat

B. SÉCURISER JURIDIQUEMENT L'EXCLUSION DES INSTALLATIONS SOUTENUES PAR L'ÉTAT PAR DES CONTRATS CONCLUS SUITE À UNE PROCÉDURE D'APPEL D'OFFRE

Le b du 2° du B du I, en modifiant une référence faite à des dispositions du code de l'énergie au c du 1° du 2 du C du IV de l'article 54 de la LFI pour 2023, apporte une précision visant à sécuriser dans la loi le principe visant à exclure du dispositif l'ensemble des installations de production d'énergie renouvelable soutenues par l'État, y compris celles dont les contrats de soutien ont été conclus suite à une procédure d'appel d'offre et qui sont codifiées à la section 3, intitulée « la procédure de mise en concurrence », du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'énergie. Cette disposition, dont l'application serait rétroactive en vertu du II du présent article, vise ainsi à apporter une validation législative à un principe, qui correspondait manifestement à l'intention du législateur lors de l'adoption des dispositions normatives relatives à la contribution, et qui a d'ailleurs été interprété comme tel et appliqué par la doctrine administrative.

C. DES AJUSTEMENTS TECHNIQUES SYMBOLIQUES DE L'IMPROVISATION DANS LAQUELLE LA CONTRIBUTION A ÉTÉ CONÇUE

Le b du même 3° abroge quant à lui le 3° ainsi que le dernier alinéa du 4 du D du IV de l'article 54 de la LFI pour 2023 qui prévoyaient par sécurité la parution d'un décret susceptible de traiter des cas de figure qui n'auraient pas été couverts par les 1° et 2° de ce même 4. Pour rappel, ce 4 prévoit la possibilité, dans certaines configurations, pour l'exploitant, de procéder à une majoration du forfait626(*) propre à son installation lorsqu'elle est nécessaire pour assurer la couverture des coûts ainsi que la rémunération des investissements et du risque d'exploitation.

Ces dispositions doivent s'interpréter en référence au contexte de précipitation extrêmement insatisfaisant dans lequel ce dispositif complexe a été conçu et soumis au Parlement par le Gouvernement l'année dernière. Elles démontrent, comme l'avait fait valoir le Sénat à l'époque, que cette contribution construite dans l'urgence et l'improvisation n'était pas entière mature, y compris après la promulgation de la LFI pour 2023 et en dépit de l'ensemble des modifications dont elle avait fait l'objet, le plus souvent par des amendements tardifs présentés par le Gouvernement. Notre collègue rapporteur spécial Christine Lavarde a rappelé cet épisode fort peu respectueux du Parlement dans son rapport d'information publié à la fin du mois de juin dernier consacré à « l'usine à gaz des aides énergie »627(*).

Le 4° du B du I abroge les 3 et 4 du F du IV de l'article 54 de la LFI pour 2023 qui déterminaient les modalités d'évaluation de la marge forfaitaire appliquée à une installation dans les situations où les quantités d'électricité produites sont supérieures ou égales à celles fournies aux consommateurs finals ou inversement lorsque elles sont inférieures. Ce même 4° propose aussi de supprimer la référence aux déficits de production d'électricité, liée à la situation qui prévalait lors de l'hiver 2022-2023, qui figure au 5 du F du IV du même article 54. Ces dispositions complexes d'organisation des modalités de liquidation de la contribution étaient exigées par le règlement européen du 6 octobre 2022. Dès lors que la reconduction de la contribution en 2024 ne s'inscrit plus dans le cadre contraint de cette norme européenne, la simplification des règles de sa liquidation semble être une mesure de bon sens.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RECONDUTION QUI SE JUSTIFIE PAR LES PRIX ÉLEVÉS DE L'ÉLECTRICITÉ MAIS UN NIVEAU D'ABATTEMENT DE 50 % QUI INTERROGE

A. LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ SE MAINTIENNENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ

Si les prix de l'électricité sur les marchés de gros ont nettement diminués depuis leur pic de la fin de l'été 2022, ils restent néanmoins nettement plus élevés que leur niveau moyen d'avant crise qui oscillait autour de 50 euros/MWh.

Évolution des prix de l'électricité à terme entre les mois d'octobre 2022 et 2023

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Depuis le début de l'année 2023, les prix de gros de l'électricité en France pour une livraison en 2024 se sont ainsi élevés en moyenne à 177 euros/MWh même s'ils sont en baisse depuis le mois de juillet et qu'ils se sont repliés sous les 130 euros/MWh en octobre.

Évolution des prix de l'électricité pour les contrats à terme d'un an entre les mois de janvier et d'octobre 2023

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Au printemps et à l'été 2023, à l'instar du phénomène observé en 2022 lors du pic historique des prix de l'électricité, les prix de gros en France ont affiché des niveaux très supérieurs à ceux qui pouvaient être observés chez nos principaux partenaires européens. Cet écart s'est depuis largement résorbé et, comme l'illustre le graphique ci-après, les prix en France ont rejoint à la fin de l'été la moyenne observée chez nos voisins.

Comparaison de l'évolution des prix de l'électricité en Europe pour les contrats à terme d'un an entre les mois de février et d'octobre 2023

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Le rapport annuel de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et du Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) du mois de septembre dernier illustre le fait qu'en Europe, en 2023, le prix moyen de l'électricité payé par les consommateurs finals demeure significativement plus élevé que son niveau d'avant crise.

Évolution des prix de l'électricité pour le consommateur final en moyenne

Source : rapport annuel de l'ACER et CEER de septembre 2023

B. LE RENDEMENT DE LA CONTRIBUTION POUR LES ANNÉES 2022 ET 2023 SERA NETTEMENT MOINS ÉLEVÉ QUE LES CHIFFRES QUI AVAIENT ÉTÉ ANTICIPÉS À L'AUTOMNE 2022 TANDIS QUE SA RECONDUCTION EN 2024 POURRAIT RAPPORTER À L'ÉTAT DE L'ORDRE DE 500 MILLIONS D'EUROS

En raison de la baisse des prix de gros de l'électricité plus rapide qu'anticipée en fin d'année 2022, le rendement prévisionnel de la contribution a été divisé par trois, passant de 12,3 milliards d'euros (1,3 milliard d'euros au titre de son application au deuxième semestre de l'année 2022 et 11 milliards d'euros au titre de 2023) annoncés à la fin de la période d'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 au Parlement à 4,3 milliards d'euros d'après les estimations figurant dans le Tome I de l'annexe au PLF pour 2024 sur l'évaluation des voies et moyens.

D'après le Gouvernement, la reconduction du dispositif dans les conditions proposées par le présent article pourrait générer des recettes d'environ 500 millions d'euros, là encore cependant extrêmement dépendantes de l'évolution des prix de gros de l'électricité en 2024.

Estimations des rendement prévisionnels de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité pour la période 2022-2023
ainsi que pour l'année 2024 en cas de prorogation
dans les conditions proposées par l'article 8 bis

Période 2022-2023

(estimations PLF 2023)

Période 2022-2023

(estimations PLF 2024)

Période 2024

(prolongation proposée par l'article 8 bis)

12,3 milliards d'euros

4,3 milliards d'euros

0,5 milliard d'euros

Source : commission des finances du Sénat

C. UN NIVEAU D'ABATTEMENT RELEVÉ DE 10 % À 50 % SANS RÉELLE JUSTIFICATION

Comme présenté supra, le dispositif prévu au présent article propose de porter de 10 % à 50 % l'abattement appliqué à la fraction des revenus de marché qui excède le seuil forfaitaire, ce qui conduirait à n'exposer à la contribution plus que 50 % de la fraction des revenus de marché de l'exploitant qui excède le seuil forfaitaire au lieu de 90 % en 2022 et en 2023.

Si ce n'est le sentiment que cette augmentation substantielle de l'abattement doit conduire à encourager de nouveaux investissements dans le secteur de la production des énergies renouvelables, le Gouvernement n'a pu faire état d'aucune évaluation préalable solide permettant d'étayer véritablement la détermination de ce niveau d'abattement. Il semble que sans que la filière ait pris un quelconque engagement en matière d'investissement, l'État et les producteurs se sont accordés pour partager à parité les revenus exceptionnels générés par les prix élevés de l'électricité.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 9

Mécanisme d'encadrement du produit de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux portant sur les réseaux de télécommunications fixes

Le présent article prévoit une clause de sauvegarde tendant à freiner la hausse du produit, perçu par les régions, de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) portant sur les réseaux de télécommunications fixes lorsque le produit total de cet impôt dépasse 400 millions d'euros par an. Dans ce cas, le tarif par ligne de cette imposition applicable au titre de l'année suivante serait minoré.

Le présent article vise ainsi à limiter l'impact de la fiscalité concernée, alors que la sortie progressive d'exonération des nouvelles lignes de fibre optique va progressivement élargir significativement l'assiette de l'IFER fixe. Les régions bénéficieraient néanmoins d'une hausse des recettes pendant plusieurs années.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'IMPOSITION FORFAITAIRE SUR LES ENTREPRISES DE RÉSEAU DE TÉLÉCOMMUNICATIONS CONNAIT UN MÉCANISME D'AJUSTEMENT ANNUEL À LA HAUSSE DU TARIF PAR LIGNE EN CAS DE FAIBLESSE DES RECETTES

A. LES COMPOSANTES DE L'IMPOSITION FORFAITAIRE SUR LES ENTREPRISES DE RÉSEAUX

Créée en 2010 lors de la suppression de la taxe professionnelle, l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) s'applique aux entreprises dont l'activité repose sur l'exploitation d'un réseau. En application de l'article 1635-0 quinquies du code général des impôts, l'IFER est institué au profit des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics de coopération intercommunale.

L'IFER comporte aujourd'hui 10 composantes, s'appliquant à certaines catégories de biens628(*) :

- imposition sur les éoliennes et hydroliennes (article 1519 D du code général des impôts, CGI) ;

- imposition sur les installations de production d'électricité d'origine nucléaire ou thermique à flamme (article 1519 E du CGI) ;

- imposition sur les centrales de production d'électricité d'origine photovoltaïque ou hydraulique (article 1519 F du CGI) ;

- imposition sur les transformateurs électriques (article 1519 G du CGI) ;

- imposition sur les stations radioélectriques (article 1519 H du CGI) ;

- imposition sur les installations gazières et sur les canalisations de transport de gaz naturel, d'autres hydrocarbures et de produits chimiques (article 1519 HA du CGI) ;

- imposition sur les installations de production d'électricité d'origine géothermique (article 1599 HB du CGI) ;

- imposition sur le matériel ferroviaire roulant utilisé sur le réseau ferré national pour les opérations de transport de voyageurs (article 1599 quater A du CGI) ;

- imposition sur certains matériels roulants utilisés sur les lignes de transport en commun de voyageurs en Île-de-France (article 1599 quater A bis du CGI) ;

- imposition sur les répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre et sur les réseaux de communications électroniques en fibre optique et en câble coaxial (article 1599 quater B du CGI), IFER dit « fixe » ou « télécom ».

B. L'ASSIETTE DE L'IFER DIT « FIXE » OU « TÉLÉCOM »

1. Une assiette qui concerne les installations « cuivre », « fibre », et « câble »

Jusqu'en 2017, l'IFER dit « fixe » ou « télécom », prévu à l'article 1599 quater B du CGI, portait sur les répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre (réseaux téléphoniques classiques)629(*). Comme le précise le 4° ter de l'article L32 du code des postes et des communications électronique (CPCE), on entend par boucle locale « l'installation qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente d'un réseau de communications électroniques fixe ouvert au public ». Il s'agit de la partie de la ligne téléphonique (paires de fils de cuivre) allant du répartiteur de l'opérateur jusqu'à la prise de l'abonné.

L'article 49 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, qui a résulté d'un amendement de nos collègues députés Éric Bothorel et Anthony Cellier, a étendu, au sein de l'article 1599 quater B du CGI et à compter des impositions dues au titre de 2019, l'assiette de l'IFER :

- aux points de mutualisation des réseaux de communications électroniques en fibre optique jusqu'à l'utilisateur final (réseaux en « fibre optique »), définis par l'article L. 34-8- 3 du CPCE ;

- et aux noeuds de raccordement optique des réseaux de communications électroniques en fibre optique avec terminaison en câble coaxial (réseaux « câble »).

Il s'agissait ainsi d'étendre l'assiette de l'IFER à l'ensemble des réseaux de communications électroniques et de prendre en compte les évolutions technologiques en matière de réseaux de télécommunication, et en particulier du recul progressif du nombre de lignes cuivre en service en raison du déploiement de nouveaux modes de raccordement (fibre optique et câble coaxial).

2. Une exonération d'IFER de 5 ans pour les nouvelles lignes

Outre un ajustement à la baisse du tarif prévu compte tenu de l'extension de l'assiette, ledit article 49 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a prévu, à compter des impositions dues au titre de 2019, une exonération temporaire d'IFER pour les nouvelles lignes, quel que soit l'équipement concerné (cuivre, fibre ou câble).

Ainsi les lignes ne sont pas prises en compte dans le calcul du montant de l'imposition de l'équipement pendant les cinq années suivant celle de la première installation jusqu'à l'utilisateur final, comme le prévoit aujourd'hui le 1 du III bis de l'article 1599 quater B du CGI.

3. Une « clause de sauvegarde » destinée à protéger les ressources des régions tirées de l'IFER

L'IFER télécom est perçue au profit des régions, ainsi qu'aux collectivités territoriales uniques de Corse, de Martinique, de Guyane et de Mayotte, et affecté entre elles selon une clé de répartition fixée au V de l'article 71 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

Afin de préserver les recettes des régions tirées de l'IFER, un dispositif de majoration annuelle du tarif a été introduit par le III de l'article 112 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; il est toujours applicable. Ainsi, lorsque le montant du produit total de l'IFER « télécom » perçu au titre d'une année est inférieur à 400 millions d'euros, le tarif de l'imposition est majoré (en plus de la revalorisation au titre de l'inflation630(*)) par un coefficient égal au quotient d'un montant de 400 millions d'euros par le montant du produit perçu631(*). Ce système, qui ne garantit pas des recettes minimales annuelles de 400 millions d'euros, permet, toutes choses égales par ailleurs, de se rapprocher de ce seuil ou de ne pas trop s'en éloigner.

4. Un tarif revalorisé chaque année

Le second alinéa du III de l'article 1599 quater B du CGI précise que le montant de l'imposition est fonction du nombre de lignes de la partie terminale du réseau qu'il raccorde et qui sont en service (c'est-à-dire qu'elles font l'objet d'un contrat entre un opérateur commercial et un abonné) au 1er janvier de l'année d'imposition. Il précise également le tarif de l'imposition, fixé aujourd'hui à « 19,04 € par ligne en service ». C'est le propriétaire qui est redevable de l'imposition, comme le précise le II dudit article 1599 quater B.

Comme le prévoit le II de l'article 1635-0 quinquies du CGI, relatif à l'ensemble des composantes de l'IFER, les montants et tarifs de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux sont revalorisés chaque année comme le taux prévisionnel (associé au projet de loi de finances de l'année) d'évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac, pour la même année. En outre, une majoration est, le cas échéant, opérée en application de la « clause de sauvegarde » destinée à protéger les ressources des régions tirées de l'IFER632(*). La revalorisation, à laquelle se cumule éventuellement la majoration, intervient par décret ; ainsi, l'article 1er du décret n° 2023-422 du 31 mai 2023 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code a porté le tarif de 16,32 € à 19,04 €.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE CLAUSE DE SAUVEGARDE POUR LIMITER LE POIDS FISCAL DE L'IFER « FIXE » LORSQUE LE PRODUIT TOTAL DÉPASSE 400 MILLIONS D'EUROS

Le présent article prévoit une clause de sauvegarde en miroir de celle qui vise à protéger les recettes des régions tirées de l'IFER, prévue au III de l'article 112 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011633(*).

En effet, le premier alinéa du I du présent article prévoit que lorsque le produit total de l'IFER « fixe » perçu au titre d'une année est supérieur à 400 millions d'euros, le tarif de cette imposition applicable au titre de l'année suivante est minoré par un coefficient égal au quotient de ce montant de 400 millions d'euros par le montant du produit perçu.

Ce système, qui ne garantit pas que le produit total de l'imposition ne soit pas supérieur à 400 millions d'euros, permet, toutes choses égales par ailleurs, de se rapprocher de cet objectif « plafond » ou de ne pas le dépasser de manière trop conséquente.

Le second alinéa du I du présent article précise que le montant de l'objectif « plafond », fixé à 400 millions d'euros, est, tout comme le tarif de l'imposition, revalorisé chaque année par application du taux prévisionnel, associé au projet de loi de finances de l'année, d'évolution des prix à la consommation des ménages, hors tabac, pour la même année.

Le II du présent article prévoit une application du dispositif à compter des impositions dues au titre de 2024.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le Gouvernement, dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a apporté deux modifications rédactionnelles en reprenant un amendement du rapporteur général Jean-René Cazeneuve, qui modifie le II de l'article.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ FACE AU RISQUE D'UNE IMPOSITION TROP LOURDE DE LA FIBRE OPTIQUE

A. DES RECETTES DE L'IFER FIXE AUJOURD'HUI LIMITÉES MAIS QUI DEVRAIENT NOTABLEMENT AUGMENTER

Les recettes de l'IFER « fixe » dépendent, comme pour tout impôt, de la taille de son assiette, d'une part, et de son taux, ou du tarif en l'espèce, d'autre part.

L'assiette de l'IFER « fixe » tend à s'éroder depuis plusieurs années. En effet, le déploiement des réseaux de nouvelle technologie conduit à une migration des abonnements de lignes cuivre anciennes vers des lignes fibre nouvelles. Dans ce contexte d'obsolescence progressive du réseau cuivre, la société Orange, propriétaire du réseau, a d'ailleurs fixé, fin janvier 2022, les grands principes d'un plan de décommissionnement qui doit aboutir à la fermeture des infrastructures cuivre d'ici à 2030. Or, les nouvelles lignes sont quant à elles exonérées pendant 5 ans après leur mise en service.

Dès lors le cumul d'une sortie progressive des anciennes lignes cuivre, qui étaient taxées, et de l'exonération temporaire des nouvelles lignes, conduit à une contraction de l'assiette qui explique que le produit de l'IFER n'a plus atteint, depuis 2015, l'objectif « plancher » prévu de 400 millions d'euros par an de recettes.

Évolution du rendement annuel de l'IFER « fixe » ou « télécom » depuis 2011

(en euros)

Source : évaluation préalable du présent article.

Si, en application de la clause de sauvegarde protégeant les recettes des régions, le tarif par ligne est en conséquence rehaussé chaque année, cela ne suffit pas à compenser les effets de la réduction de l'assiette sur le produit total de l'impôt, et ceci en dépit du fait que le tarif de l'IFER a été multiplié par près de 2,5 depuis 2015, passant de 8 euros environ à plus de 19 euros en 2023. Cette hausse continue du tarif par ligne devrait se poursuivre jusqu'en 2026.

Évolution du tarif de l'IFER « fixe » ou « télécom » depuis 2015

(en euros et par ligne)

Source : évaluation préalable du présent article.

En 2023, le rendement estimé de l'IFER fixe est de 358,4 millions d'euros, soit un niveau de 41,6 millions inférieur à l'objectif « plancher » de recettes visé en faveur des régions.

Néanmoins, l'assiette de l'IFER fixe devrait, en sens inverse, redevenir dynamique dans les prochaines années. En effet, notamment dans le cadre du plan « France très haut débit », un nombre conséquent de lignes de fibre ont été déployées depuis 2013, dont environ 5,5 millions par an depuis 2020 selon le Gouvernement, avec un objectif gouvernemental de généralisation de la fibre sur le territoire fixé à fin 2025. Il en résulte une hausse notable des abonnements à la fibre (estimée de 3 à 4 millions par an), qui devrait se poursuivre jusqu'à la fermeture du réseau cuivre à l'horizon 2030. Or, alors qu'elles sont exonérées pendant cinq ans après leur mise en service, ces nouvelles lignes commercialisées entreront prochainement dans l'assiette de l'imposition, en particulier à compter de 2026, selon le Gouvernement. En 2030, environ 27,2 millions de lignes fibre devraient être imposées.

Dans ce contexte, la hausse des tarifs par ligne constatée ces dernières années - et liée à l'application du mécanisme de sauvegarde des recettes des régions - va conduire, sur la base d'une assiette en élargissement rapide, à une hausse importante du produit de l'IFER fixe. Selon les prévisions du Gouvernement, à droit constant, si ce produit annuel devrait rester relativement stable jusqu'en 2025 (année pour laquelle il atteindrait 373,1 millions d'euros), il s'approcherait des 400 millions d'euros en 2026 puis augmenterait rapidement, pour s'établir à près de 795 millions d'euros en 2030.

Évolution estimée du produit annuel de l'IFER fixe

(en euros)

Source : évaluation préalable du présent article.

B. UN DISPOSITIF ÉQUILIBRÉ DE NATURE À ÉVITER UNE HAUSSE TROP IMPORTANTE DE LA FISCALITÉ SANS EXCLURE UNE HAUSSE DES RECETTES DES RÉGIONS

Le dispositif prévu par le présent article vise à contrecarrer cette évolution en prévoyant, sur le même modèle que la clause de sauvegarde protégeant les recettes des régions mais en sens inverse, une flexibilité du tarif par ligne à la baisse, pour l'année suivante, dans le cas où le produit de l'impôt serait supérieur à 400 millions d'euros. Un tel dispositif avait été proposé par notre collègue Patrick Chaize dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023634(*).

Comme l'indique le Gouvernement, il est en effet nécessaire d'infléchir la forte hausse prévue du produit de l'IFER fixe en ce qu'en impactant essentiellement les lignes en fibre optique sortant de la période d'exonération, elle pourrait conduire à plusieurs effets pervers. En premier lieu, elle pourrait réduire les investissements des opérateurs dans ces lignes et donc leur déploiement sur l'ensemble du territoire, même si des dispositifs d'aides publiques sont mises en place dans certaines zones. En outre, elle pourrait, si les opérateurs sont en capacité de le faire, être répercutée sur les consommateurs, clients de ces derniers. Enfin, une telle hausse n'était pas souhaitée, elle ne résulte que d'un effet cliquet liée à l'augmentation du tarif par ligne, qui a eu lieu dans un contexte d'attrition de l'assiette fiscale.

Selon l'évaluation préalable du présent article, la mise en place du dispositif conduirait à un début d'impact en 2028 ; en effet, les recettes estimées à 440,3 millions d'euros en 2027 engendreraient une baisse du tarif par ligne au titre de 2028, et des années suivantes en raison du dynamisme de l'assiette. La baisse induite du produit de l'IFER fixe par rapport à son évolution tendancielle à droit constant serait de 18,2 millions d'euros en 2028, puis de 143,5 millions d'euros en 2029 et de 268,8 millions d'euros en 2030, aucune estimation n'étant fournie pour les années suivantes.

Mise en regard de l'évolution des paramètres et du rendement de l'IFER fixe
à droit constant et en appliquant le présent article de 2022 à 2030

(* = avec prise en compte de l'inflation)

Source : évaluation préalable de l'article 5 du projet de loi de finances pour 2024.

Néanmoins, de 2027 à 2030, le produit de l'IFER fixe resterait malgré tout supérieur à 400 millions d'euros, soit un niveau nettement supérieur à aujourd'hui. En 2028, il serait de 535 millions d'euros.

Le mécanisme proposé apparaît ainsi équilibré en ce qu'il n'exclue pas la hausse de recettes pour les régions, tout en évitant de laisser dériver la fiscalité à la hausse. Les recettes de l'IFER « fixe » seraient ainsi enserrées entre des objectifs « plancher » et « plafond », en miroir, fixés tous deux à 400 millions d'euros. À long terme, lorsque l'assiette se stabilisera, le niveau de recettes s'établira ainsi à environ 400 millions d'euros par an.

L'objectif « plancher » de 400 millions d'euros est par ailleurs, en application du présent article, indexé sur l'inflation. Pour une inflation moyenne annuelle de 2 %, le seuil serait de 490 millions d'euros environ dans 10 ans, en euros courants.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10

Transposition de la directive (UE) 2020/285 du 18 février 2020
relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée
en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises

Le présent article prévoit la transposition de la directive du 18 février 2020, qui a réformé le cadre juridique des régimes dérogatoires de TVA applicables aux petites entreprises.

En France, le régime de la franchise en base consiste à dispenser du paiement (et de la déclaration) de la TVA les assujettis établis en France dont le chiffre d'affaires annuel ne dépasse pas certains plafonds. Transposant la directive du 18 février 2020, le présent article ouvre le bénéfice de la franchise aux assujettis établis dans d'autres États membres de l'Union européenne, harmonise les modalités de calcul du chiffre d'affaires et procède à la mise en conformité du régime de franchise français avec le nouveau cadre européen, notamment concernant les plafonds d'application de la franchise.

Contraint par l'exercice de transposition, le législateur a néanmoins quelques marges de manoeuvre, qu'il convient d'utiliser, comme le propose le Gouvernement, pour assurer la stabilité du droit existant.

La commission des finances propose d'adopter cet article modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur général.

I. LE DROIT EXISTANT : LE RÉGIME DE LA « FRANCHISE EN BASE » DE TVA, APPLICABLE AUX PETITES ENTREPRISES ÉTABLIES EN FRANCE, DOIT ÊTRE RÉFORMÉ POUR S'ADAPTER À L'ÉVOLUTION DU DROIT EUROPÉEN

A. LE RÉGIME DE LA FRANCHISE EN BASE DE TVA EST ADAPTÉ AUX PETITES ENTREPRISES

La France a fait le choix, conformément au droit européen, d'adopter des régimes simplifiés d'imposition à la TVA. Il existe à ce jour quatre principaux régimes d'imposition, dont trois sont dérogatoires et concernent près des trois-quarts des entreprises. Le régime de la « franchise en base » de TVA, qui fait l'objet du présent article, constitue le régime à destination des plus petites entreprises et des entreprises individuelles.

1. Le régime de la « franchise en base » répond à la nécessité d'alléger les charges pesant sur les petites entreprises

a) Les bénéficiaires de la franchise sont dispensés du paiement de la TVA et de certaines taxes

Le régime de la franchise en base de TVA est prévu à l'article 293 B du code général des impôts (CGI), qui dispose que « pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France (...) bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée » lorsqu'il ont réalisé un chiffre d'affaires inférieur à un plafond déterminé par la loi.

Sont donc potentiellement concernées toutes les petites entreprises qui ont leur siège en France635(*) et que leur petite taille justifie de ne pas assujettir à la TVA. Seuls les redevables qui exercent une activité occulte, c'est-à-dire une activité non déclarée, voire illicite (article 293 B du CGI) ou pour lesquels l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale, pour manquement aux obligations déclaratives (article 293 BA du CGI) sont exclus d'office de la franchise.

Conformément au principe selon lequel seule les personnes redevables de la TVA ont droit à la déduction de leur TVA « amont », les bénéficiaires de la franchise ne peuvent pas facturer la TVA à leurs clients ; ils doivent au contraire indiquer sur leurs factures, notes d'honoraires ou sur tout autre document en tenant lieu, la mention : « TVA non applicable, article 293 B du CGI » (article 293 E du CGI). C'est là le principal désavantage de la franchise, car les entreprises doivent alors supporter une « rémanence » de la TVA.

Les bénéficiaires de la franchise, outre la TVA, sont également dispensés du paiement de la taxe sur les salaires (article 231 du CGI) et des autres taxes recouvrées selon les mêmes modalités que la TVA636(*).

b) La franchise de TVA et les obligations déclaratives minimales qu'elle permet répondent au souci d'alléger les « coûts de mise en conformité », des petites entreprises

La littérature économique et fiscale utilise la notion de « coût de mise en conformité » (compliance cost) pour désigner la charge résultant, pour les entreprises, de la complexité du système fiscal. Concrètement, la nécessité pour une entreprise de respecter toutes les obligations qui lui incombent en vertu de la législation fiscale (déclaration, calcul, etc.) peut se traduire par des coûts en termes financiers (recrutement d'agents comptables, recours à une expertise comptable) ou en termes de temps.

Cela est particulièrement vrai en matière de TVA, dans la mesure où ce sont les entreprises assujetties qui collectent la taxe auprès des consommateurs et la reversent à l'administration fiscale. Les coûts de mise en conformité pour les entreprises en matière de TVA sont donc importants ; ils sont également régressifs637(*), dans la mesure où ils affectent les petites entreprises beaucoup plus que les grandes. En effet, ils constituent des « coûts fixes » et peuvent empêcher l'entrée sur le marché ou la croissance des petites entreprises.

N'ayant pas à acquitter la TVA, les bénéficiaires de la franchise sont soumis à des obligations minimales. En termes d'obligations comptables, ils ne doivent en effet que tenir un registre détaillant leurs achats et leurs ventes, ainsi qu'une livre journal présentant leurs recettes professionnelles. En matière de déclarations, les bénéficiaires n'ont d'autre obligation que de se faire connaître auprès du service des impôts des entreprises du lieu de leur principal établissement, dans les quinze jours à compter du début de leur activité.

Ceci est à mettre en perspectives avec les obligations déclaratives plus poussées demandées aux assujettis soumis aux trois autres régimes de TVA.

Les différents régimes de TVA

EN EUROS

Assujettis concernés

Conséquences

Régime réel normal

CA > 783 000 (marchandises)
CA > 236 000 (services)

Déclaration mensuelle (TVA exigible > 4 000)
Déclaration trimestrielle (TVA exigible < 4 000)

Régime simplifié d'imposition (RSI)

CA < 783 000 (achat-revente)
CA < 236 000 (services)
Le CA plancher correspond au plafond de CA applicable à la franchise en base

Pas de déclaration de TVA en cours d'année (quatre acomptes et régularisation annuelle)
Droit d'option pour le régime réel normal

Régime simplifié agricole (RSA)

Exploitants agricoles assujettis à la TVA pour leurs opérations agricoles

Deux modalités déclaratives : acomptes ou déclaration trimestrielle

Régime de la franchise en base (1)

Franchise de droit commun :
CA < 91 900 (101 000) ou 36 800 (39 100)
Franchises spéciales :
CA < 47 700 (58 600) et 19 600 (23 700)

Dispense de paiement de la TVA
Impossibilité de facturer et déduire la TVA
Obligations déclaratives et comptables minimales
Droit d'option pour le RSI

(1) Les plafonds de chiffre d'affaires indiqués pour la franchise en base correspondent aux plafonds en vigueur depuis le 3 juin 2023. En vertu du VI de l'article 293 B du CGI, ces plafonds sont en effet revalorisés tous les trois ans suivant l'évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche de l'impôt sur le revenu.

Source : CPO, La Taxe sur la valeur ajoutée, décembre 2015

De fait, il est estimé que l'application d'un régime de franchise de TVA réduit, pour ses bénéficiaires, les coûts de mise en conformité de 60 % par rapport à une entreprise soumise au régime normal638(*).

c) En France, la franchise régit de nombreuses entreprises au regard de la TVA

En 2015, la franchise concernait entre 1,6 et 1,8 million de petites entreprises, entrepreneurs individuels ou microentreprises639(*). À cette époque, étaient concernées les entreprises réalisant moins de 82 000 euros de chiffre d'affaires annuel, toutefois, la majorité (94 %) des déclarants bénéficiant de la franchise était concentrée sous le seuil de 32 000 euros, qui représentait en 2015 la moyenne européenne non-pondéré des niveaux des plafonds d'éligibilité à la franchise.

Répartition du nombre de déclarants bénéficiant de la franchise en base
en fonction de leur chiffre d'affaires

(en France, en pourcentage et en euros)

(1) Autoentrepreneurs ; (2) Microentreprises ; (3) Autres

Source : CPO, La Taxe sur la valeur ajoutée, décembre 2015

L'impact budgétaire de la franchise est quant à lui imparfaitement connu : le tome II des Voies et Moyens ne comptabilise comme dépenses fiscales que les plafonds dérogatoire des franchies spéciales, applicables par professions ou par secteur.

Ainsi, la franchise des avocats représenterait un manque à gagner fiscal de 4 millions d'euros et celle des et auteurs et artistes-interprètes 3 millions d'euros. L'extension de la franchise à certaines activités lucratives des associations représente quant à elle un coût de 85 millions d'euros pour 2024640(*).

La franchise en base de droit commun, auparavant classée comme dépense fiscale mais déclassée depuis 2006, représentait dans sa dernière estimation 370 millions d'euros641(*).

2. La franchise concerne les assujettis dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à des plafonds fixés par la loi

Il convient de distinguer la franchise en base de droit commun des franchises spéciales applicables à certaines professions, qui se distinguent par leur exercice libéral ou individuel.

a) La franchise « de droit commun » applicable aux petites entreprises

Le I de l'article 293 B du CGI dispose qu'un assujetti ne peut bénéficier de la franchise que s'il n'a pas réalisé un chiffre d'affaires supérieur à des plafonds prédéterminés642(*). Il faut distinguer deux conditions de plafond :

- la première concerne le montant global du chiffre d'affaires, qui doit être inférieur à 91 900 euros l'année civile précédente (a du 1°), ou 101 000 euros lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année n'a quant à lui pas excédé 91 900 euros (b du 1°) ;

- la seconde concerne le montant des prestations de services (hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement), qui doit être inférieur à 36 800 euros l'année civile précédente (a du 2°) ou 39 100 euros lorsque le chiffre d'affaires de la pénultième année n'a quant à lui pas excédé 36 800 euros (b du 2°).

Dans le cas où le chiffre d'affaires d'un assujetti n'excède pas les limites ici posées, il est soumis de plein droit au régime de la franchise. En revanche, dans le cas où l'une des conditions prévues au 1° ou 2° du I n'est plus remplie, l'assujetti devient redevable de la TVA - en principe suivant les règles applicables au régime simplifié d'imposition (RSI). En d'autres termes, une entreprise respectant le plafond de chiffre d'affaires global mais dont le chiffre d'affaires afférent aux prestations de services (hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement) excède les plafonds prévus, deviendrait redevable de la franchise643(*) (II de l'article 293 B du CGI).

Conformément à l'article 293 C du CGI, la franchise n'est cependant pas applicable à certaines opérations immobilières644(*) (), aux opérations réalisées par les agriculteurs placés sous le régime du RSA (), aux opérations soumises à la TVA en vertu d'une option () et aux livraisons intracommunautaires de moyens de transport neufs ().

b) Les franchises spéciales applicables à certaines professions

Le III de l'article 293 B du CGI dispose qu'une franchise spéciale est applicable aux opérations réalisées par les avocats et les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation dans leur activité réglementée (1 du III), par les auteurs d'oeuvres de l'esprit (à l'exception des architectes) pour les livraisons de leurs oeuvres et la cession de leurs droits patrimoniaux (2 du III) et aux artistes-interprètes pour l'exploitation de leurs droits patrimoniaux (3 du III).

Cette franchise est applicable lorsque les chiffre d'affaires afférent à ces opérations ne dépasse pas 47 700 euros par an l'année civile précédente et 58 600 euros l'année en cours (III et V de l'article 293 B).

En outre, le IV de l'article 293 B prévoit que ces assujettis bénéficient d'une franchise supplémentaire pour les opérations ne relevant pas du III, lorsque le chiffre d'affaires afférents à ces opérations n'excède pas 19 600 euros l'année précédente et 23 700 euros l'année en cours (IV et V de l'article 293 B).

L'articulation entre ces différentes franchises n'est pas aisée, d'autant qu'un avocat peut également être auteur d'oeuvres de l'esprit. Dans ce cas, il peut bénéficier de la franchise au titre de son activité d'avocat et de la franchise au titre des livraisons de ses oeuvres, dans les limites de 47 700 euros l'année civile précédente et 58 600 euros l'année en cours.

En revanche, en cas de dépassement de la limite de 47 700 euros, l'excédent de chiffre d'affaires relatif aux autres opérations ne peut pas bénéficier de la franchise spéciale de 19 600 euros. Ainsi, l'intégralité du chiffre d'affaires sera soumis à la TVA (alinéa 2 du IV de l'article 293 B).

Enfin, si ces assujettis peuvent opter pour le bénéfice de la franchise « de droit commun », ils ne peuvent le cumuler avec le bénéfice d'une franchise spéciale (II et III de l'article 293 G).

Articulation des franchises « avocat », « auteur »
et « autres opérations »

Avocats (a)

< 47 700 (58 600)
pas d'option

> 47 700 (58 600)
ou option

Auteurs (b)

< 47 700 (58 600)
pas d'option

> 47 700 (58 600)
ou option

< 47 700 (58 600)
pas d'option

> 47 700 (58 600)
ou option

Autres opérations (c)

< 19 600 (23 700)
pas d'option

> 19 600 (23 700)
ou option

-

-

-

TOTAL

a+b+c
< 67 300
(82 300)

a+b+c
> 67 300
(82 300)

a+b
< 67 300
(82 300)

a+b
> 67 300
(82 300)

-

-

-

Franchise avocat

OUI

NON
sauf option (1)

OUI

NON
sauf option (1)

OUI

NON

NON

Franchise auteur

OUI

NON
sauf option (2)

OUI

NON
sauf option (2)

NON

OUI

NON

Franchise de
19 600 €

OUI

NON

NON

NON

NON
sauf option (3)

NON
sauf option (4)

NON
sauf option (5)

Note de lecture645(*) : NON sauf option (1) signifie que la franchise n'est pas applicable, à moins que l'assujetti exerce son droit d'option sur les activités d'auteur d'oeuvres de l'esprit.

Source : BOI-ANNX- 000189

c) La législation actuelle aménage une sortie progressive du régime de la franchise

L'existence de plusieurs conditions de plafond (concernant l'année précédente et la pénultième année) constitue un dispositif de « lissage » qui assure une sortie progressive du régime de la franchise (II de l'article 293 B du CGI).

Le tableau ci-dessous, qui décrit la situation d'une hypothétique entreprise, créée durant l'année N et ne réalisant aucune prestation de service hors ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement, permet de s'en rendre compte.

On constate que le dispositif actuel permet à cette entreprise imaginaire de continuer à bénéficier de la franchise durant l'année N+ 3, alors même qu'elle a dépassé le premier plafond. Ce n'est que lors de l'année N+ 4 qu'elle devient redevable de la TVA, à partir du premier jour du mois au cours duquel le seuil de 101 000 euros est dépassé, pour les opérations intervenant à compter de cette date.

Régime d'imposition par rapport aux plafonds
de l'article 293 B du CGI

Année

Chiffre d'affaires réalisé (€)

Seuils en vigueur au I de l'article 293 B du CGI (€)

Régime d'imposition

a du 1

b du 1

N

74 000

91 900

101 000

Franchise toute l'année N
CA N (année en cours, sans prorata temporis) < 101 000

N+ 1

86 700

91 900

101 000

Franchise toute l'année N+ 1
CA N (année précédente) < 91 900

N+ 2

92 200

91 900

101 000

Franchise toute l'année N+ 2
CA N+ 1 (année précédente) < 91 900

N+ 3

93 000

91 900

101 000

Franchise toute l'année N+ 3
CA N+ 2 (année précédente) compris entre 91 900 et 101 000
CA N+ 1 (pénultième année) < 91 900

N+ 4

102 300

91 900

101 000

Franchise jusqu'au dernier jour du mois de l'année en cours (N+ 4) précédant le dépassement du seuil de 101 000
CA N+ 4 (année en cours) > 101 000

N+ 5

104 200

91 900

101 000

Pas de franchise toute l'année N+ 5
Régime simplifié d'imposition (RSI) toute l'année N+ 5
CA N+ 5 (année en cours) > 101 000

N+ 6

99 000

91 900

101 000

Pas de franchise toute l'année N+ 6
Régime simplifié d'imposition (RSI) toute l'année N+ 6
CA N+ 5 (année précédente) > 91 900

N+ 7

89 200

91 900

101 000

Pas de franchise toute l'année N+ 7
RSI toute l'année N+ 7 mais franchise au 1er janvier N+ 8
Retour sous les seuils

N+ 8

84 900

91 900

101 000

Franchise toute l'année N+ 8
CA N+ 7 (année précédente) < 91 900

Source : commission des finances du Sénat, d'après BOI-TVA-DECLA- 40-10-20, n° 120

3. Le droit d'option demeure ouvert aux assujettis qui bénéficient de droit de la franchise

Les assujettis bénéficiant du régime de la franchise en base peuvent opter pour le paiement de la TVA (article 293 F du CGI). Le droit d'option en matière de TVA est une possibilité des plus originales puisqu'elle permet à un contribuable de choisir d'acquitter un impôt dont il est exempt.

L'existence d'une telle option en matière de TVA résulte du droit à déduction ouvert au profit des redevables de cette imposition. En effet, pour certaines entreprises, il est parfois plus pénalisant de ne pas être soumis à la TVA : si l'entreprise exonérée peut proposer des tarifs en principe inférieurs à ses concurrentes assujetties (ceux-ci n'étant pas grevés de TVA), elle peut aussi subir une « rémanence » et acquitter elle-même la TVA que ses fournisseurs lui ont facturée, sans pouvoir la déduire.

L'option prend effet le premier jour du mois au cours duquel elle est déclarée et couvre une période de deux années, y compris celle au cours de laquelle elle est déclarée. Ainsi, une option formulée le 15 août de l'année N couvrira la période allant du 1er août N au 31 décembre N+ 1.

Les entreprises qui optent pour le paiement de la TVA sont en principe placées sous le régime simplifié d'imposition. Elles acquièrent, en même temps que toutes les obligations des redevables de la taxe, le droit à déduction de leur TVA amont.

B. UNE OBSOLESCENCE PRÉVISIBLE, QUI A CONDUIT À L'ÉVOLUTION DU DROIT EUROPÉEN

La situation actuelle du régime de franchise est insatisfaisante, principalement du fait de sa territorialité. En effet, le régime français est réservé aux assujettis établis en France ; de même, les vingt-cinq autres régimes similaires adoptés par les autres États membres de l'Union européenne646(*) sont en principe réservés aux assujettis établis sur leur territoire. Ces règles ont été fixées à une époque où l'objectif affiché par l'Union européenne en matière de système commun de TVA était l'aboutissement à un régime fondé sur le principe d'origine.

Avec l'abandon du principe d'origine pour le principe de destination, intervenue en 2011, les difficultés liées à l'application territoriale des régimes tels que la franchise se sont accrues : en l'absence de réforme, les petites entreprises commerçant dans des États de l'UE autre que leur État d'établissement sont soumises à la TVA dans l'État membre de destination, qui ne leur reconnait pas de franchise. Leurs coûts de mise en conformité s'en trouvent démultipliés : il a par exemple été estimé que seules 5 % des entreprises de e-commerce pourraient supporter ces coûts - les autres devant se résoudre à abandonner leurs opérations transfrontalières, à moins de recourir à la fraude647(*).

Par ailleurs, la faible harmonisation des régimes dérogatoires de TVA à destination des petites entreprises permet la subsistance d'un paysage juridique fragmenté. Ainsi, le plafond de chiffre d'affaires fixé par la directive de 1977 avait été fixé à 5 000 euros par an et est donc devenu inadapté. Les États membres, dont la France, ont été amenés à recourir à des plafonds d'éligibilité dérogatoires et de niveaux très variables, dans le cadre de clauses de gel ou de mesures temporaires obtenues du Conseil de l'Union européenne.

Le régime de la franchise est ainsi devenu inadapté aux réalités et au fonctionnement du marché intérieur. La directive du 18 février 2020648(*), transposée par le dispositif à l'examen, en porte une réforme.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE DU 18 FÉVRIER 2020 CONDUIT À L'HARMONISATION DU RÉGIME DE FRANCHISE FRANÇAIS AVEC LES RÉGIMES EUROPÉENS

A. L'OUVERTURE DE LA FRANCHISE AUX ASSUJETTIS ÉTABLIS DANS D'AUTRES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Il est procédé à l'ouverture de la franchise en base de TVA aux assujettis établis dans d'autres États membres de l'Union européenne

a) En France : le bénéfice de la franchise ouvert aux assujettis établis dans d'autres États membres

Il est procédé à l'insertion dans le CGI d'un nouvel article 293 B bis, afin de rendre le régime de « franchise en base » français applicable aux assujettis établis dans un État membre de l'Union européenne autre que la France, à condition qu'ils ne réalisent pas sur le territoire de l'UE un chiffre d'affaires annuel supérieur à 100 000 euros et qu'ils aient adressé à leur État membre d'établissement une notification préalable (I du nouvel article 293 B bis).

Les II et III du nouvel article 293 B bis déterminent les dates auxquelles la franchise commence et cesse de s'appliquer.

b) Dans d'autres États membres de l'UE : le bénéfice de la franchise ouvert aux assujettis établis en France

Les assujettis établis en France pourront, par symétrie, bénéficier du régime de franchise prévu, dans d'autres États membres, par les dispositions transposant, dans ces États membres, les dispositions de la directive du 18 février 2020 (nouvel article 293 B ter). Dans ce cas, les assujettis en question sont soumis à des obligations, notamment déclaratives, rénovées.

2. Afin d'accompagner cette ouverture, les obligations pesant sur les assujettis sont également adaptées

Le nouvel article 293 B ter prévoit que, pour bénéficier de la franchise dans un autre État membre de l'Union européenne, un assujetti établi en France doit adresser à l'administration française une notification préalable et la mettre à jour à chaque modification. Il est identifié au moyen d'un numéro individuel d'identification (I du nouvel article 293 B ter).

Pour chaque trimestre civil, le III du nouvel article 293 B ter dispose que l'assujetti communique à l'administration française, dans un délai d'un mois à compter de la fin de chaque trimestre civil, d'une part, le montant total des livraisons de biens et prestations de services effectuées en France, et, d'autre part, le montant total des livraisons de biens et prestations de services effectuées dans chacun des États membres de l'UE.

Les assujettis établis dans un autre État membre s'acquittant de leurs obligations dans leur État d'établissement, il est précisé que ces assujettis sont dispensés de déclarer leur existence en France et de fournir les renseignements relatifs à leur activité professionnelle (a du 4° du présent article), de certaines obligations comptables et de l'utilisation d'un logiciel spécifique (b du 4° du présent article). Toutefois, les assujettis établis dans un autre État membre sont identifiés par un numéro individuel s'ils ne remplissent pas leurs obligations dans leur État d'établissement (5° du présent article). De même, ces assujettis ne sont pas non plus tenus de déclarer les livraisons de biens et prestations de services qu'ils effectuent dans le cadre du régime de la franchise, à moins de ne pas respecter leurs obligations dans leur État d'établissement (6° du présent article).

Sont enfin étendus aux bénéficiaires de la franchise établis dans un autre État membre de l'UE le principe selon lesquels les bénéficiaires de la franchise ne peuvent exercer de droit à déduction de leur TVA amont et le principe selon lequel ils ne peuvent faire apparaître la taxe sur leurs factures, qui doit comporter la mention « TVA non applicable, article 293 B bis du CGI » ou une référence à la directive du 18 février 2020 (nouvel article 293 E).

3. Le présent article procède à la définition de notions issues de l'effort d'harmonisation européenne

a) La notion d'assujetti établi en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne

Le présent article définit, aux fins de l'application de la franchise, la notion d'assujetti établi en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne (I du nouvel article 293-0 B). Est considéré comme établi en France l'assujetti dont le siège de l'activité économique est situé en France ou celui dont le siège de l'activité économique est situé dans un État non membre de l'Union européenne mais disposant d'un établissement stable en France et qui choisit d'être rattaché à la France.

Aux fins d'être rattaché à la France, l'assujetti en question doit manifester son intention de bénéficier de la franchise et ne pas déjà bénéficier de la franchise en étant rattaché à un autre État membre (II du nouvel article 293-0 B). La définition d'assujetti établi dans un autre État membre de l'Union européenne est précisée par parallélisme (2° du I du nouvel article 293-0 B).

b) Les notions de chiffre d'affaires réalisé en France et de chiffre d'affaires annuel dans l'Union européenne

Le I du nouvel article 293 D définit le chiffre d'affaires réalisé en France servant de référence pour l'application des articles 293 B et 293 B bis. La définition du chiffre d'affaires proposée diffère de la définition actuellement en vigueur. Demeurent inclues dans le calcul du chiffre d'affaires les livraisons de biens et des prestations de services, dans la mesure où elles seraient taxées si elles étaient effectuées par un assujetti ne bénéficiant pas de la franchise () et les opérations immobilières, bancaires, d'assurance et de réassurance (). En revanche, les opérations exonérées, jusque-là exclues, qu'elles donnent droit à déduction649(*) () ou non650(*) (3° et 4°), seraient désormais inclues.

Les cessions de biens d'investissement corporels et incorporels de l'assujetti demeurent exclues de la définition du chiffre d'affaires.

Le chiffre d'affaires annuel dans l'Union européenne servant de référence pour l'application des articles 293 B bis et 293 B ter est défini au II du nouvel article 293 D.

B. LE NOUVEL L'ARTICLE 293 B DU CGI : UNE MISE EN CONFORMITÉ PAR UNE RÉVISION DES PLAFONDS D'APPLICATION DE LA FRANCHISE

Les plafonds de chiffre d'affaires applicables pour bénéficier de la franchise en base de droit commun se voient légèrement abaissés, afin de respecter le nouveau maximum établi par la directive à 85 000 euros. Leur articulation est également révisée et clarifiée.

Le I du nouvel article 293 B concerne la franchise de droit commun et le II les franchises spéciales.

Désormais, la franchise est de droit au 1er janvier de la nouvelle année lorsque le chiffre d'affaires de l'année civile précédente n'a pas dépassé le plafond correspondant pour cette catégorie d'opérations. Lorsqu'un plafond afférent à l'année civile précédente a été dépassé, l'assujetti concerné peut continuer à bénéficier de la franchise s'il ne dépasse pas un plafond afférent à l'année en cours (qui correspond au plafond de l'année civile précédente + 10 %). Cependant, la franchise lui sera retiré au 1er janvier de l'année suivante.

Enfin, lorsqu'un assujetti dépasse le plafond de chiffre d'affaires pour l'année en cours, le bénéfice de la franchise lui est immédiatement retiré et il devient redevable de la TVA pour les opérations intervenues depuis la date de dépassement (III du nouvel article 293 B).

Différences entre les plafonds applicables avant et après
la réécriture de l'article 293 B du CGI

(en euros)

Franchise en base de droit commun

 

 

Livraisons de biens et ventes à consommer sur place et prestations d'hébergement

Prestations de services

Avant la réécriture de l'article 293 B

a) du 1° et du 2°

91 900

36 800

b) du 1° et du 2°

101 000

39 100

Après la réécriture de l'article 293 B

Année précédente

85 000

37 500

Année en cours

93 500

41 250

Franchises spéciales (avocats, auteurs, interprètes)

 

 

Activités réglementées, livraisons d'oeuvres, cessions de droits

Autres activités

Avant la réécriture de l'article 293 B

III, al. 1 et IV, al. 1

47 700

19 600

V, al. 1

58 600

23 700

Après la réécriture de l'article 293 B

Année précédente

47 500

37 500

Année en cours

52 250

41 250

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article 293 B du CGI et l'article 10 du projet de loi de finances pour 2024

Enfin, le nouvel article 293 BA regrouperait à l'avenir les cas dans lesquels la franchise n'est, malgré le respect des plafonds, pas applicable : lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale ou lorsque l'assujetti exerce une activité occulte.

C. AUTRES DISPOSITIONS

Le présent article procède à des coordinations afin de maintenir, pour les bénéficiaires de la franchise, l'exonération de taxe sur les salaires (1° du I du présent article), de la taxe au profit de l'Association nationale pour la formation automobile (16° du I), le mécanisme de retenue des droits patrimoniaux reconnus par la loi aux auteurs d'oeuvres de l'esprit (3° du I), leurs modalités actuelles de comptabilité (4° du I), la dérogation leur permettant de déposer l'état récapitulatif de leurs prestations de services sur un formulaire papier (7° et 17° du I), ainsi que leur exclusion logique de l'exonération de TVA de droit commun pour les livraisons intra-communautaires (2° du I) et du régime simplifié de déclaration (II).

Des coordinations permettent également de prendre acte de la réécriture des dispositions intéressant les avocats, avocats aux Conseils et auteurs d'oeuvres de l'esprit (12° et 14° du I) et de la réécriture de l'article 293 D, qui sert de référence pour déterminer l'assiette d'autres impositions (15° du I).

Enfin, le III précise que les I et II entrent en vigueur le 1er janvier 2025, date d'expiration du délai de transposition fixé par la directive.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN ARTICLE MODIFIÉ PAR UNE POIGNÉE D'AMENDEMENTS RÉDACTIONNELS

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, sept amendements rédactionnels et de coordination, déposés par le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve, ont été retenus. Ces amendements n'avaient pas été examinés en séance par l'Assemblée nationale avant l'engagement de la responsabilité du Gouvernement.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE ADOPTION QUI S'IMPOSE, DANS UNE DÉMARCHE VISANT À PRÉSERVER LA STABILITÉ DU RÉGIME DE LA FRANCHISE DE TVA

A. UNE ADOPTION QUI S'IMPOSE, TANT POUR ASSURER LA TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE QUE POUR CONCRÉTISER UNE MESURE BIENVENUE EN FAVEUR DES PETITES ENTREPRISES

1. Une réforme nécessaire pour laquelle le législateur national n'a que peu de marge de manoeuvre

De nombreuses dispositions de l'article à l'examen se bornent à transposer les dispositions claires et inconditionnelles de la directive du 18 février 2020. Or, en vertu d'une jurisprudence établie du Conseil constitutionnel, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle651(*). Ainsi, l'adoption de ces dispositions s'impose.

Tableau de transposition de la directive du 18 février 2020

Disposition de l'article 10 du PLF 2024

Disposition de la directive

2° du I (modification de l'article 262 ter)

Article 139

4° du I (modification de l'article 286)

Articles 292 ter et
292 quinquies

5° du I (modification de l'article 286 ter)

Articles 284 quinquies et 292 ter

6° du I (modification de l'article 287)

Articles 284 quinquies et 292 quater

7° du I (modification de l'article 289 B)

Article 292 quinquies

Nouvel article 293-0 B (8° du I)

 

Nouvel article 293 B (9° du I)

Article 284, §1
Article 288 bis, §1

Nouvel article 293 B bis (10° du I)

Article 284, §2, 3, 4 et 5
Article 288 bis, §2

Nouvel article 293 B ter (10° du I)

Article 284, §3, 4 et 5
Articles 284 bis, 284 ter, 284 quater et 284 sexies

12° du I (modification de l'article 293 C)

Article 283

Nouvel article 293 D (13° du I)

Articles 280 bis et 288

Nouvel article 293 E (13° du I)

Article 169

Source : commission des finances, d'après les informations transmises par la direction de la législation fiscale (DLF)

2. Une mesure bienvenue pour les petites entreprises dans le marché unique

Le principal changement consiste en la possibilité pour les entreprises établies dans un État membre de l'Union européenne de bénéficier du régime de la franchise, non seulement dans leur État d'établissement, mais également dans les autres États membres, à condition de ne pas dépasser le plafond de 100 000 euros de chiffre d'affaires fixé au niveau européen.

Rappelons qu'en raison de la territorialité de la TVA, régie par le principe de destination, les petites entreprises commerçant dans des États de l'UE autre que leur État d'établissement sont soumises à la TVA dans l'État membre de destination, qui ne leur reconnait pas toujours de franchise. Or, les plus petites entreprises, celles qui sont les plus susceptibles de bénéficier de la franchise, sont les moins susceptibles de s'engager dans le commerce transfrontalier : si les estimations varient selon les études, il est probable qu'environ 5 % seulement des petites entreprises soit concernés par le commerce transfrontalier652(*). Pour toutes ces entreprises, la réforme du cadre européen de la TVA est bénéfique et le marché unique en sort renforcé.

B. LE CHOIX DE LA STABILITÉ DU DROIT : UN DISPOSITIF QUI PERMET METTRE EN CONFORMITÉ SANS BOULEVERSER LE RÉGIME DE LA FRANCHISE EN BASE TEL QU'IL EST AUJOURD'HUI APPLICABLE

1. Des plafonds très proches du niveau actuel, bien que ménageant des sorties plus rapides du régime de la franchise

a) Des plafonds préservés, malgré un faible recours de la part des entreprises en croissance : une volonté de privilégier la stabilité du droit applicable

Le plafond national de chiffre d'affaires pour le bénéfice de la franchise est abaissé à 85 000 euros dans le dispositif proposé. Il s'agit du niveau maximal autorisé par l'article 284 de la directive, qui permet de maintenir des conditions de bénéfice de la franchise similaire à celles qui avaient cours en France auparavant.

Le plafond national de chiffre d'affaires a en effet été porté à 91 900 euros par la dernière revalorisation, réalisée en 2023. Il s'agit d'un niveau élevé par rapport aux standards européens : le CPO relevait en 2015 que le plafond français de droit commun, à l'époque fixé à 82 000 euros, était le deuxième plus important de l'Union européenne, juste derrière le Royaume-Uni qui avait fixé le sien à 114 397 euros.

Suivant ce constat et en vue d'augmenter le rendement de la TVA, le Conseil des prélèvements obligatoires proposait en 2015 d'abaisser le plafond de chiffre d'affaires pour bénéficier de la franchise, soit à son niveau de 2008 (80 000 euros), soit en le divisant environ par moitié (40 000 euros), afin de se rapprocher de la moyenne européenne (32 000 euros).

Le Conseil des prélèvements obligatoires estime le gain de recettes fiscales qui résulterait d'un abaissement des plafonds entre 80 et 90 millions d'euros en cas de diminution jusqu'à 80 000 euros, voire entre 2,2 et 2,4 milliards d'euros en cas d'abaissement du plafond jusqu'à 40 000 euros.

Cependant, cette estimation souffre d'une faiblesse importante : elle se fonde sur une évaluation réalisée « sans prise en compte de l'ouverture du droit à déduction pour les assujettis qui perdraient le bénéfice de la franchise en base653(*) ». En réalité, on estime que le gain net de TVA serait environ trois fois moindre que le gain qui serait réalisé sans droit à déduction654(*).

La commission a donc approuvé le choix de maintenir les plafonds de chiffre d'affaires au plus proche de leur niveau antérieur.

b) Des sorties plus rapides du régime de la franchise en base

Dans la nouvelle version de l'article 293 B, les modalités de sortie du régime de la franchise sont accélérées.

Tableau comparatif des conditions de sorties du régime de la franchise avant et après la réécriture proposée de l'article 293 B du CGI

(en euros)

A plafonds d'application constants (1)

Année

N

N+ 1

N+ 2

N+ 3

N+ 4

Chiffre d'affaires

77 500

81 000

86 400

88 700

93 600

Avant réécriture de l'article 293 B

Franchise toute l'année (de l'année N à l'année N+ 3)
CA année précédente < 85 000 (de l'année N à l'année N+ 2)
CA année précédente compris entre 85 000 et 93 500 et CA pénultième année < 85 000 (année N+ 3)

Franchise jusqu'au dernier jour du mois précédent le dépassement du plafond de 93 500

Après réécriture de l'article 293 B

Franchise toute l'année (de N à N+ 2)
CA année précédente < 85 000 (de N à N+ 2)

Plus de franchise à partir du 1er janvier N+ 3
CA N+ 2 > 85 000

(1) Ce tableau fait l'hypothèse de plafonds d'application inchangés par la réécriture de l'article 293 B, afin d'isoler l'impact de la pénultième année sur l'application de la franchise.

Source : commission des finances du Sénat

En effet, lorsque le plafond de l'année précédente est dépassé, il n'est plus fait référence à la « pénultième année », pour déterminer si le bénéfice de la franchise peut malgré tout se poursuivre. Cette différence pourrait avoir des effets notables, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Ensuite, s'il est possible de continuer de bénéficier de la franchise l'année du dépassement lorsque le chiffre d'affaires réalisé cette année ne n'excède pas 10 % du dépassement, le bénéfice cesse immédiatement en cas du dépassement du plafond afférent à l'année en cours (III du nouvel article 293 B).

Dans le dispositif proposé, le dépassement du plafond global de chiffre d'affaires européen de 100 000 euros fait également perdre immédiatement le bénéfice de la franchise dans les États membres autres que celui dans lequel l'entreprise s'est établie (1° du III du nouvel article 293 B bis).

c) Le non-recours à une option ouverte par la directive

L'abandon de la référence à la pénultième année résulte de l'exigence de transposition de la directive, qui ne permet pas de maintenir cette condition d'application de la franchise. Pourtant, le Gouvernement n'a pas fait usage d'une disposition qui aurait pu permettre d'atténuer les « sorties sèches » du régime de la franchise.

La directive, au troisième alinéa de son article 288 bis, permet en effet aux États membres de fixer le rapport entre le plafond afférent à l'année civile précédente et le plafond afférent à l'année en cours à 25 %, voire à ne fixer aucun plafond pour l'année en cours. L'exercice d'une telle option permettrait de faire bénéficier de la franchise les assujettis qui ont dépassé le plafond afférent à l'année civile précédente plus longtemps, voire pendant toute l'année en cours, jusqu'au 1er janvier de l'année suivante.

Le choix du Gouvernement résulte de sa décision de maintenir les plafonds afférents à l'année civile précédente à des niveaux déjà élevés - 85 000 euros, soit le montant maximal autorisé par l'article 284 de la directive. Or, aux termes mêmes de la directive, le bénéfice d'un plafond de 25 %, voire d'une absence de plafond ne saurait exonérer un assujetti dont le chiffre d'affaires dans l'État membre octroyant la franchise excède le chiffre d'affaires limite européen de 100 000 euros (article 288 bis de la directive).

Les plafonds fixés par la France étant déjà élevés, l'application d'un rapport de 25 % entre le plafond de l'année civile précédente et le plafond de l'année en cours aurait résulté en un plafond de 106 250 euros pour les biens, les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement, au-delà du plafond maximal européen. Ainsi limitée à 100 000 euros, l'option ouverte par l'article 288 bis de la directive perd assurément de son intérêt.

2. Le « rattachement » d'une entreprise établie dans un État tiers, qui n'est pas prévu par la directive, poursuit des objectifs de cohérence et de stabilité du droit

Il est également proposé, sans que cela soit rendu nécessaire par le droit européen655(*), que la franchise puisse bénéficier, à leur demande, à des assujettis rattachés à la France, c'est-à-dire qui n'y sont pas établis mais qui y disposent d'un établissement stable.

Selon la direction de la législation fiscale, il s'agit d'un choix du Gouvernement visant à inclure dans le nouveau régime de la franchise les assujettis dont le siège est situé hors de l'Union européenne qui bénéficient de la franchise dans le régime actuel grâce à leurs établissements stables en France. La modalité de rattachement retenue - à la demande l'assujetti concerné - minimise les divergences entre États membres.

Ce choix porteur de sécurité juridique ne suscite aucune réserve de votre rapporteur général.

La commission propose d'adopter cet article, modifié par un amendement rédactionnel I- 202 (FINC.45) du rapporteur général.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 bis (nouveau)

Mise en conformité des règles de TVA applicables à certaines prestations à caractère culturel, aux oeuvres d'art, objets de collection et antiquités ainsi qu'aux produits de la pêche

Aux fins de transposer le directive du 5 avril 2022 relative aux taux de TVA, le présent article prévoit une réforme du régime de territorialité des foires et expositions organisées virtuellement, une mise en conformité des règles régissant les opérations portant sur les oeuvres d'art, les objets de collection et les antiquités, ainsi que des mesures concernant les taux « super réduits », notamment la création d'un « taux zéro » sur les produits de la pêche.

La commission des finances propose d'adopter cet article en prévoyant le bornage et l'évaluation des nouvelles dépenses fiscales ainsi créées.

I. LE DROIT EXISTANT : LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX FOIRES ET EXPOSITIONS, AINSI QU'AUX oeUVRES D'ART, OBJETS DE COLLECTION ET D'ANTIQUITÉ, DOIT ÊTRE ADAPTÉE AU CHANGEMENT DU CADRE EUROPÉEN DE LA TVA

La directive 2006/112/CE de 2006, dite directive « TVA »656(*), définit précisément les catégories de biens et services qui peuvent bénéficier de taux réduits de TVA. Aux termes des articles 96 à 99, les États membres peuvent appliquer à une liste d'opérations strictement délimitée, essentiellement énumérée à l'annexe III de la directive, un ou deux taux réduits par rapport au taux normal, qui ne peuvent être inférieurs à 5 %.

A. LE RÉGIME DE TERRITORIALITÉ DE CERTAINES PRESTATIONS CULTURELLES, TELLES QUE LES FOIRES ET LES EXPOSITIONS, EST FONDÉ SUR LE LIEU D'ÉTABLISSEMENT OU DE RÉSIDENCE DU PRESTATAIRE

Aux termes du a du 5° de l'article 259 A du code général des impôts, les prestations fournies à un particulier ayant pour objet des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires, telles que les foires ou les expositions, qui sont matériellement exécutées ou ont effectivement lieu en France, sont taxables en France.

Il en va de même pour les prestations de services fournies à un assujetti consistant à donner accès à une manifestation de cette sorte (5° bis du même article 259 A).

B. LES oeUVRES D'ART, OBJETS DE COLLECTION ET ANTIQUITÉS PEUVENT, SOUS CERTAINES CONDITIONS, BÉNÉFICIER DE TAUX RÉDUITS ET FAIRE L'OBJET D'UN RÉGIME DE TAXATION SPÉCIFIQUE

1. Les livraisons d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité peuvent bénéficier, dans certaines conditions, de taux réduits

En l'état du droit, deux taux réduits de TVA peuvent s'appliquer aux opérations portant sur les oeuvres d'art, les objets de collection ou d'antiquité. Les hypothèses dans lesquelles un taux réduit peut s'appliquer concernent, hors un cas particulier, uniquement la première opération réalisée sur le territoire.

En application du I de l'article 278-0 bis du code général des impôts, le taux réduit de 5,5 % s'applique :

- aux importations ;

- aux acquisitions intracommunautaires, à condition qu'elles soient effectuées par un assujetti ou une personne morale non assujettie et que ces personnes les aient elles-mêmes importés sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ;

- aux acquisitions intracommunautaires de ces oeuvres et objets qui ont fait l'objet d'une livraison dans un autre État membre par des professionnels qui n'ont pas le statut d'assujetti-revendeur. Cette notion « d'assujetti-revendeur » recouvre notamment les galeries d'art, les brocanteurs, les antiquaires ou encore les négociants en timbres-poste ou monnaies anciennes.

Conformément à l'article 278 septies du code général des impôts, le taux réduit de 10 % s'applique :

- aux livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur ou ayant droit ;

- aux livraisons d'oeuvres d'art effectuées à titre occasionnel par les personnes qui les ont utilisées pour les besoins de leurs exploitations et chez qui elles ont ouvert droit à déduction de la TVA.

Les autres opérations afférentes aux oeuvres d'art, objets de collection ou d'antiquité, c'est-à-dire principalement les livraisons ayant lieu en France, ne peuvent pas, en l'état du droit, bénéficier d'un taux réduit de TVA. Cette limitation résulte de l'article 103 de la directive TVA de 2006.

2. Les opérations réalisées par des assujettis-revendeurs et portant sur des oeuvres d'art, objets de collections ou d'antiquité relèvent du régime dit « de la marge »

a) La marge est en principe « bénéficiaire »

En vertu de l'article 297 A du code général des impôts, les livraisons d'oeuvres d'art, objets de collection ou d'antiquité effectuées par des assujettis-revendeurs sont soumises de plein droit au régime particulier de la marge bénéficiaire lorsque les biens en question leur ont été livrés par un non redevable de la TVA ou une personne qui n'est pas autorisée à facturer la TVA - qu'il s'agisse d'un assujetti bénéficiaire d'une franchise de TVA ou d'un autre assujetti-revendeur.

Ne sont donc pas soumises au régime de la marge les reventes de biens qui ont été importés, qui ont fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire ou qui ont été acquis par assujetti qui a facturé la TVA lors de sa livraison - tel que, par exemple, un artiste ne bénéficiant pas de la franchise de TVA.

Toutefois, aux termes de l'article 297 B du code général des impôts, un assujetti-revendeur peut demander, au titre d'un droit d'option, à bénéficier du régime de la marge pour ses importations, acquisitions intracommunautaires et livraisons soumises à un taux réduit de 5,5 % ou 10 %.

Lorsqu'un assujetti-revendeur est soumis au régime de la marge bénéficiaire, il acquitte la taxe sur la différence entre le prix de vente et le prix d'achat calculée en principe opération par opération. Lorsque le prix de vente est inférieur au prix d'achat, aucune TVA n'est due, la marge n'étant dès lors pas « bénéficiaire ».

Aux termes de l'article 297 D du code général des impôts, l'application du régime de la marge interdit toute déduction de la TVA ayant grevé l'achat, l'importation ou l'acquisition intracommunautaire d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité.

b) La marge peut être, dans certaines conditions, « forfaitaire »

Très fréquemment, pour les ventes d'oeuvres d'art, il n'est pas possible de déterminer exactement le prix d'achat payé par l'assujetti-revendeur à son fournisseur. C'est notamment le cas concernant des stocks anciens d'oeuvre d'art, compte tenu des fluctuations du marché de l'art et de l'érosion monétaire.

Dans ce cas, le III de l'article 297 A du code général des impôts admet que la marge sur laquelle est appliquée la TVA soit égale à 30 % du prix de vente hors taxe de l'objet d'art.

C. LA FRANCE APPLIQUE, DANS LE CADRE DE «CLAUSES DE GEL », DES TAUX « SUPER RÉDUITS »À CERTAINES PRESTATIONS CULTURELLES

La France applique des taux « super réduits » inférieurs à 5 % et institués avant 1991, acceptés par le droit européen dans le cadre de « clauses de gel ». Un taux de 2,1 % est par exemple appliqué, entre autres657(*), à des prestations culturelles telles que les premières représentations d'une nouvelle oeuvre dramatique ou d'une nouvelle mise en scène d'une telle oeuvre (article 281 quater du code général des impôts) ou à la presse (article 298 septies du code général des impôts).

Dans ce cadre, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) admet une dérogation à la « théorie de l'accessoire » dégagée par sa jurisprudence, selon laquelle les composantes accessoires d'une opération « composite » sont soumises au même taux de TVA que la composante principale658(*). Dans le cas particulier où la composante principale relève d'un taux « super-réduit », et au regard du caractère fortement dérogatoire de ces taux, le Cour a permis aux États membres d'appliquer le principe de ventilation659(*) : chaque élément de l'opération composite est taxé au taux dont il relève, et non au taux « super-réduit ». Cette jurisprudence trouve une traduction dans l'article 278-0 A du code général des impôts.

Enfin, le droit français exonère certaines opérations de la TVA : c'est notamment le cas de la vente par les pêcheurs du produit de leur pêche (4° du 2 de l'article 261 du code général des impôts).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : DES MESURES DE TRANSPOSITION DE LA NOUVELLE DIRECTIVE SUR LES TAUX DE TVA

Le présent article est issu d'un amendement660(*) du Gouvernement retenu dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, afin de transposer les nouvelles règles issues de la directive du 5 avril 2022661(*). Celle-ci, adoptée sous présidence française, revoit le régime de territorialité de la TVA ainsi que les conditions dans lesquelles les États membres peuvent recourir à des taux réduits ou à des régimes spéciaux de TVA.

A. LE RÉGIME DE TERRITORIALITÉ DES FOIRES ET EXPOSITIONS VIRTUELLES EST ADAPTÉE AFIN D'ASSURER UNE TAXATION CONFORME AU PRINCIPE DE DESTINATION

La directive du 5 avril 2022 a modifié les articles 53 et 54 de la directive TVA pour adapter les règles de territorialité des foires et expositions lorsque celles-ci sont organisées virtuellement. Les 1°, 2° et 3° du I procèdent à la transposition de ces dispositions.

Le 1° du I prévoit que ne sont pas situées en France les foires ou expositions lorsqu'elles sont diffusées ou mises à disposition virtuellement au bénéfice d'un particulier qui n'est pas établi ou n'a pas son domicile en France. Parallèlement, le 3° du I dispose que ces mêmes prestations sont situées en France lorsqu'elles sont diffusées ou mises à dispositions virtuellement d'un particulier qui réside en France.

Enfin, le 2° du I consacre cette évolution en prévoyant que les dispositions des 5° et 5° bis de l'article 259 A du code général des impôts, qui en l'état du droit régit la territorialité des foires et des expositions, ne s'appliquent pas lorsque celles-ci sont organisées selon des modalités virtuelles.

B. LA MISE EN CONFORMITÉ DES RÈGLES RÉGISSANT LES OPÉRATIONS PORTANT SUR LES oeUVRES D'ART, LES OBJETS DE COLLECTION ET LES ANTIQUITÉS

En ce qui concerne les oeuvres d'art, objets de collections et antiquités, la directive TVA prévoit désormais :

- que les États membres peuvent appliquer un taux réduit à toutes les opérations de livraison d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, la directive du 5 avril 2022 ayant abrogé l'article 103 et l'annexe III comportant désormais un point 26 le permettant ;

l'interdiction pour les États membres d'appliquer à une même opération un taux réduit et le régime de la marge (nouveaux articles 98 bis et 136).

1. Une extension du taux réduit de TVA à 5,5 % au-delà de la première opération réalisée sur le territoire national

Le 6° du I procède à l'extension du champ du taux réduit de 5,5 % en y soumettant l'ensemble des livraisons d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, et pas seulement les importations et acquisitions intracommunautaires. Cette extension est parachevée par le b du 8° du I, qui abroge l'article 278 septies du code général des impôts et aligne ainsi le taux des livraisons d'oeuvres par leur auteur ou ayant droit sur le taux de 5,5 %, contre 10 % actuellement.

Enfin, tirant les conséquences de cette extension, le 5° du I soumet les oeuvres d'art au principe selon lequel les importations et les acquisitions intracommunautaires sont taxées au taux applicable aux livraisons des mêmes biens.

2. Une profonde réforme du régime de la marge

a) Une restriction de la marge bénéficiaire

Le 6° du I met fin à la possibilité d'appliquer à une même opération un taux réduit de TVA et le régime de la marge, transposant ainsi l'article 136 de la directive TVA dans sa nouvelle rédaction.

Ainsi, les c, d et du 8° du I abrogent les dispositions concernant le régime de la marge, qui sont désormais contraires au droit européen. Le c du 8° et le d du 8° procèdent à l'abrogation du droit d'option permettant aux assujettis revendeurs de bénéficier du régime de la marge lorsqu'il n'y sont pas soumis de droit - ce qui inclut au demeurant des hypothèse de cumul de la marge avec un taux réduit.

b) La suppression de la marge forfaitaire

Le c du 8° du I procède également à la suppression pure et simple du régime de la marge forfaitaire.

C. AUTRES DISPOSITIONS

1. Concernant les taux « super réduits »

Le a du 8° du I abroge l'article 278-0 A du code général des impôts, mettant fin à la de ventilation des taux de TVA au sein d'offres composites dont l'élément principal relève d'un taux « super-réduit ». Le 4 du I ouvre le droit à déduction à la vente par les pêcheurs du produit de leur pêche, actuellement exonérée sans droit à déduction.

2. Coordinations et entrée en vigueur

Le présent article procède à des coordinations pour tenir compte de l'abrogation de l'article 278 septies (7° du I) et de l'abrogation de l'article 297 B (e du 8° du I).

Enfin, le II précise que les dispositions du présent article, à l'exception du  et du a du 8° du I, entrent en vigueur le 1er janvier 2025, en cohérence avec le délai de transposition de la directive, qui court jusqu'à cette date. Par exception, le  et le a du 8° du I entrent en vigueur en même temps que la présente loi de finances pour 2024.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MISE EN CONFORMITÉ QUI S'IMPOSE, DES CHOIX DE TRANSPOSITION QUI PARAISSENT ÉQUILIBRÉS

A. LE RÉGIME DE TERRITORIALITÉ PROPOSÉ POUR LES FOIRES ET EXPOSITIONS VIRTUELLES TIENT COMPTE DE L'ÉVOLUTION DU CADRE EUROPÉEN COMME DE CELLE DES PRATIQUES ET DES TECHNIQUES

La réforme de la territorialité des foires et expositions organisées selon des modalités virtuelles permet la mise en conformité du droit français avec le droit européen. Elle permet également de tenir compte de l'évolution des techniques et des pratiques, de plus en plus d'événements étant organisées virtuellement, par exemple sur des plateformes telles que Twitch.

Comme telle, elle n'appelle aucune objection de votre rapporteur général.

B. LA MISE EN CONFORMITÉ DE LA FISCALITÉ DES oeUVRES D'ART, OBJETS DE COLLECTION ET ANTIQUITÉS, QUI S'IMPOSE COMPTE TENU DU DROIT EUROPÉEN, APPARAÎT SUFFISAMMENT ÉQUILIBRÉE POUR NE PAS BOULEVERSER UN SECTEUR EN PLEIN ESSOR

En vertu d'une jurisprudence établie du Conseil constitutionnel, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle662(*). Ainsi, la transposition de la directive du 5 avril 2022 s'impose dans son principe.

En revanche, les modalités de transposition retenues appellent plusieurs remarques de votre rapporteur général. Plusieurs acteurs du marché de l'art s'étaient inquiétés, à la suite de l'adoption de la directive, d'une « atteinte irrémédiable » pour le marché français, qui représente actuellement autour de 50 % du marché européen663(*). Nonobstant ces inquiétudes, l'équilibre trouvé dans le dispositif apparaît satisfaisant. La compensation des restrictions apportées au régime de la marge par une large extension du taux réduit de 5,5 % figurait d'ailleurs parmi les recommandations des galeristes, début 2023.

Quant au régime de la marge forfaitaire, sa suppression ne peut, d'un point de vue purement juridique, qu'être acceptée ; n'ayant aucune base juridique dans la directive, il exposait de longue date la France aux remontrances des institutions européennes.

C. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX TAUX RÉDUITS APPELENT DES RÉFLEXIONS CONTRASTÉES

1. La perspective de l'extinction des clauses de gel donne toute sa force au principe selon lequel « l'accessoire suit le principal »

La directive du 5 avril 2022 a abrogé le chapitre IV du titre VIII de la directive TVA, et ainsi supprimé les clauses de gel en matière de taux « super réduits » de TVA. Le nouvel article 98 §2 de la directive donne une nouvelle base juridique aux taux « super réduits », qui perdent en partie leur caractère dérogatoire.

Toutefois, il ne paraît pas découler nécessairement de ce changement de circonstances que la théorie de l'accessoire doive à nouveau trouver à s'appliquer. En effet, le maintien du principe de ventilation dans le cas où l'élément principal d'une opération « composite » résultait, selon l'arrêt Talacre Beach Caravan, du caractère fortement dérogatoire des taux « super-réduits ». Or, si la nouvelle rédaction de l'article 98 peut être interprétée comme acceptant le principe des taux inférieurs à 5,5 %, elle peut également être lue comme distinguant le principe (§1, deux taux réduits supérieurs à 5 %) de l'exception (§2, un taux « super-réduit » inférieur à 5 % et un « taux zéro »), en particulier en ce qui concerne l'option prévue à l'article 105 bis, qui ressemble à une nouvelle « clause de gel ».

Nonobstant cette réserve, le rapporteur général approuve volontiers la simplification qui résulterait de l'application uniforme de la théorie de l'accessoire. Ayant déjà relevé le caractère marginal des cas concernés par l'article 278-0 A664(*), il considère que l'adoption de cette disposition ne suscite pas d'objection particulière.

2. L'application d'un « taux zéro » à la vente par les pêcheurs du produit de leur pêche : une disposition aux allures de passager clandestin

L'unité thématique du présent article autour des prestations liées de près ou de loin à la culture serait totale n'était le 4° du I, qui porte sur l'ouverture du droit à déduction à la vente par les pêcheurs du produit de leur pêche.

En l'état du droit, les pêcheurs et armateurs de pêche sont exonérés de la TVA pour la vente des produits de leur pêche (4° du 2 de l'article 261 du code général des impôts), ce qui leur permet de vendre ces produits à des prix moindres que s'ils étaient grevés de TVA, mais expose également ces pêcheurs à une « rémanence » de TVA car ils ne peuvent déduire la TVA qui a elle-même grevé leurs achats d'équipement, par exemple.

Le nouvel article 98 (§2) de la directive TVA permet aux États membres d'appliquer une exonération avec droit à déduction (c'est-à-dire un « taux zéro » sur certains biens et services couverts par l'annexe III, notamment les denrées alimentaires. L'ouverture du droit à déduction à la vente par les pêcheurs du produit de leur pêche fait usage de cette faculté, et transforme la simple exonération sans droit à déduction en un véritable « taux zéro », avec l'ouverture du droit à déduction en sus de l'exonération. Cette mesure se justifie pour deux raisons :

- d'une part, pour assurer la pérennité du régime aujourd'hui applicable aux marins-pêcheurs : en effet, les produits de la pêche ne figure pas parmi les opérations mentionnées à l'année X B, que les États membres peuvent continuer à exonérer conformément à l'article 371 de la directive. Ainsi, ce régime d'exonération devrait disparaître, à moins de devenir une exonération avec droit à déduction et d'ainsi trouver une nouvelle base légale dans l'article 98 de la directive ;

- d'autre part, pour éviter aux pêcheurs de subir une « rémanence » préjudiciable de TVA : en effet, si les livraisons de biens destinés à l'avitaillement des navires affectés à la pêche professionnelle maritime sont en principe exonérées, les achats de carburant ne le sont pas, ce qui empêche les marins-pêcheurs de déduire la TVA qu'ils ont supporté en amont. L'ouverture d'un droit à déduction ferait cesser cette rémanence.

Pour ces raisons, le rapporteur général propose l'adoption de ce dispositif dans l'intérêt des pêcheurs. Il s'interroge toutefois sur le placement, dans un article portant principalement sur des prestations relevant du domaine de la culture, d'une disposition relative aux produits de la pêche, qui aurait pu faire l'objet d'un article distinct.

En tout état de cause et par cohérence avec l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 qui prévoit que les nouvelles dépenses fiscales qui seraient créées soit bornées à trois ans et fassent l'objet d'une évaluation des principales caractéristiques de leurs bénéficiaires, de leur efficacité et de leur coût, la commission a adopté un amendement I-203 (FINC.46) du rapporteur général.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 ter (nouveau)

Mise en conformité des règles de TVA relatives aux prestations hôtelières

Le présent article prévoit la mise en conformité des dispositions de l'article 261 D du code général des impôts avec le droit européen. Les dispositions actuelles soumettent en effet à un traitement différent deux secteurs économiques qui se trouvent en situation de concurrence potentielle.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : EN MATIÈRE DE TVA SUR LES PRESTATIONS D'HÉBERGEMENT, IL EST RÉCEMMENT APPARU QUE LA LÉGISLATION FRANÇAISE ÉTAIT INCOMPATIBLE AVEC LE DROIT EUROPÉEN

A. LE DROIT FRANÇAIS EXONÈRE DE LA TVA LES LOCATIONS DE LOGEMENTS MEUBLÉS À USAGE D'HABITATION, À L'EXCEPTION DES PRESTATIONS DU SECTEUR HÔTELIER

Aux termes du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garni à usage d'habitation sont exonérées de TVA. Toutefois, cette exonération ne s'applique pas :

- d'une part, au secteur hôtelier et à d'autres formes d'hébergement touristique précisément définies, telle que les villages de vacances (a du 4°) ;

- d'autre part, à l'ensemble des autres secteurs, qu'ils aient ou non une fonction similaires au secteur hôtelier (b du 4°), à la condition que soient fournies, en sus de l'hébergement, trois des quatre prestations connexes suivantes : petit déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fourniture de linge de maison et réception de la clientèle.

Aux termes du a de l'article 279 du code général des impôts, le secteur hôtelier et les locations de logements meublés, lorsqu'elles ne sont pas exonérées, sont soumises au même taux, de 10 %. Le même taux est applicable en Corse, pour les fournitures de logements meublés ou garni autres que celles visées à l'article 279 (c du 5° de l'article 297 du code général des impôts).

B. DANS UN AVIS DU 5 JUILLET 2023, LE CONSEIL D'ÉTAT A INTERPRÉTÉ CES DISPOSITIONS COMME INCOMPATIBLES AVEC LE DROIT EUROPÉEN

Dans une affaire qui lui était renvoyée pour avis contentieux au titre de l'article 113-1 du code de justice administrative par la Cour administrative d'appel de Douai, le Conseil d'État a interprété les dispositions de l'article 261 D du code général des impôts comme incompatibles avec les objectifs de l'article 135 de la 2006/112/CE de 2006, dite directive « TVA »665(*), qui dispose que sont exclues de l'exonération de TVA les « prestation d'hébergement (...) effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ».666(*)

Pour le Conseil d'État, l'incompatibilité réside dans la facilité avec laquelle les prestations fournies par les secteurs ayant une fonction similaires au secteur hôtelier peuvent échapper à la TVA. Il leur suffit en effet de ne fournir que deux des quatre prestations connexes pour sortir du champ du b du 4° de l'article 261 D et bénéficier de l'exonération de la TVA. Les dispositions en vigueur risquent ainsi de soumettre à un traitement différent des secteurs en concurrence l'un avec l'autre.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE NOUVELLE DISTINCTION ENTRE SECTEURS HÔTELIER ET SIMILAIRES D'UNE PART, ET SECTEUR RÉSIDENTIEL D'AUTRE PART

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement retenu dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Les a, b et c du 1° du présent article remplacent la distinction actuelle entre le secteur hôtelier et l'ensemble des autres secteurs, qu'ils soient similaires ou non, par une distinction entre, d'une part, le secteur hôtelier et les secteurs similaires, et, d'autre part, les autres secteurs (résidentiels). Le d du 1° opère une coordination.

Seraient donc exclues de l'exonération :

- d'une part, les prestations fournies par le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire, dont les prestations sont offertes pour une durée n'excédant pas 30 nuitées (hors possible reconduction) et comprennent au moins trois des quatre prestations connexes associées au secteur hôtelier (petit déjeuner, nettoyage régulier des locaux, fournitures de linge de maison et réception de la clientèle) ;

- d'autre part, les prestations fournies par le secteur résidentiel, pour qui l'exonération est plus aisée à obtenir, puisqu'il suffit de ne pas offrir deux des quatre prestations connexes associées au secteur hôtelier.

Conditions privant les prestations de l'exonération de TVA
par secteur (avant/après adoption du présent article)

 

Secteur hôtelier

Secteurs similaires

Secteur résidentiel

Conditions avant réécriture de l'article
261 D du CGI

Jamais exonéré

Au moins trois prestations connexes / quatre

Conditions après réécriture de l'article
261 D du CGI

Durée < 30 nuits
Au moins trois prestations connexes / quatre

Au moins trois prestations connexes / quatre

Source : commission des finances du Sénat

Le 2° du présent article reproduit la distinction opérée à l'article 261 D afin de conserver à ces prestations le bénéfice du taux réduit de 10 %.

Privé d'objet, le c du 5° de l'article 297 du code général des impôts est abrogé par le 3° du présent article.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DISTINCTION NÉCESSAIRE, OPÉRÉE SELON UN CRITÈRE OBJECTIF QUI DONNE SATISFACTION

La modification de l'article 261 D du code général des impôts d'impose. En effet, le juge administratif est compétent pour écarter l'application des dispositions législatives nationales incompatibles avec les exigences des normes européennes667(*).

Destinataire de l'avis contentieux du Conseil d'État, la Cour administrative d'appel de Douai n'appliquera donc pas l'article 261 D du code général des impôts dans sa rédaction actuelle. Il convient donc, pour l'avenir, de mettre le droit français en conformité avec l'article 135 de la directive.

En ce qui concerne les modalités de mise en conformité, le critère de distinction utilisé, à savoir la durée minimale de séjour, apparaît objectif et pertinent. En effet, contrairement à la pratique du secteur hôtelier, les prestations d'hébergement réalisées dans le secteur résidentiel dépassent généralement la durée d'un mois - pensons à nouveau aux résidences étudiantes.

Il s'agit au surplus d'un critère identifié par le Conseil d'État dans son avis contentieux : la Haute juridiction précisait en effet qu'il « appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. »

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10 quater (nouveau)

Clarification de la portée de l'obligation d'agrément des opérateurs de détaxe

Le présent article prévoit de clarifier la portée de l'obligation d'agrément incombant aux opérateurs de détaxe, dans la cadre de la procédure de détaxe de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

La relative complexité de la procédure de détaxe explique que des entreprises spécialisées, dénommées « opérateurs de détaxe », prennent en charge les formalités administratives relatives à cette procédure en échange de la perception d'une commission.

L'article 262-0 bis du code général des impôts (CGI), qui définit notamment les obligations qui s'appliquent aux opérateurs de détaxe, prévoit que ces derniers doivent disposer d'un agrément délivré par l'administration, et transmettre à cette dernière, par le biais d'une plateforme informatique, les informations contenues dans les bordereaux de vente à l'exportation (BVE).

Toutefois, la rédaction actuelle de l'article 262-0 bis du CGI présente une ambigüité, qui pourrait conduire à une interprétation restreinte du champ d'application de l'obligation d'agrément, censée pourtant s'appliquer à l'ensemble des opérateurs de détaxe.

La nouvelle rédaction de l'article 262-0 bis du CGI proposée permet de lever cette ambiguïté. Le rapporteur général propose à la commission des finances, sans remettre en cause cette clarification bienvenue, d'adopter un amendement rédactionnel I-204 (FINC.47).

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DÉTAXE DE LA TVA, UNE PROCÉDURE PERMETTANT AUX TOURISTES DE RÉALISER DES ACHATS EXONÉRÉS DE TVA, DONT LA COMPLEXITÉ IMPLIQUE L'INTERVENTION D'OPÉRATEURS SPÉCIALISÉS

A. LA DÉTAXE DE LA TVA : UNE PROCÉDURE PERMETTANT AUX VOYAGEURS RÉSIDANT HORS DE L'UNION EUROPÉENNE DE BÉNÉFICIER D'UNE RESTITUTION DE TVA

La détaxe de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est permise par le droit européen, et plus particulièrement par les articles 146 et 147 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dite « directive TVA »668(*).

L'article 146 précise que « les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acquéreur non établi sur leur territoire respectif, ou pour son compte, en dehors de la Communauté » sont exonérées de TVA à l'exportation. L'article 147 ajoute que lorsque la livraison « porte sur des biens à emporter dans les bagages personnels de voyageurs », l'exonération ne s'applique que lorsque « le voyageur n'est pas établi dans la Communauté » que « les biens sont transportés en dehors de la Communauté avant la fin du troisième mois suivant celui au cours duquel la livraison est effectuée », et que « la valeur globale de la livraison, TVA incluse, excède la somme de 175 euros ». Ce même article 147 précise que les États membres peuvent toutefois « exonérer une livraison dont la valeur globale est inférieure » à ce montant.

La procédure de détaxe de TVA a été retranscrite en droit national à l'article 262 du code général des impôts (CGI). Cet article permet ainsi à un « voyageur qui n'a pas son domicile ou sa résidence habituelle en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne » de bénéficier d'une restitution de la TVA acquittée sur les marchandises achetées en France.

Il prévoit par ailleurs que la valeur globale minimale de la livraison permettant de bénéficier de la détaxe, actuellement de 100 euros669(*), est fixée par arrêté du ministre chargé du budget670(*). Un délai de trois jours calendaires entre plusieurs opérations de détaxe au sein d'un même magasin doit en outre être respecté671(*).

Le remboursement de la détaxe est effectué au moyen d'un bordereau de vente à l'exportation (BVE) que le vendeur, ou un opérateur spécialisée (voir infra), édite par voie informatique et transmet au client bénéficiaire de la détaxe. Le BVE est ensuite dûment visé par le service douanier de sortie de l'Union européenne (UE) définitive de la TVA.

B. LE RECOURS À DES OPÉRATEURS DE DÉTAXE POUR FACILITER LA PROCÉDURE DE DÉTAXE EST AUJOURD'HUI LA NORME

1. La prise en charge de la procédure de détaxe par des opérateurs spécialisés est aujourd'hui la norme

La relative complexité de la procédure de détaxe justifie l'existence d'entreprises spécialisées dénommées « opérateurs de détaxe », qui prennent en charge certaines formalités administratives en échange de la perception d'une commission. Si le recours à de tels opérateurs n'est pas obligatoire, il est toutefois largement privilégié par les commerçants pour des raisons pratiques. Ainsi, en 2019, 92 % à 93 % des BVE émis en 2019 l'ont été par des opérateurs de détaxe672(*).

Les prestations de ces opérateurs de détaxe se présentent sous deux formes673(*) :

- soit les opérateurs de détaxe interviennent auprès du vendeur (système du mandat). Dans ce modèle, le commerçant exonère la vente dès sa conclusion, puis l'opérateur de détaxe se charge de gérer, pour le compte du commerçant, les obligations liées à la détaxe, en particulier la justification de la réunion des conditions du bénéfice de l'exonération ;

- soit les opérateurs de détaxe interviennent en tant qu' « acheteur-revendeur » (système dit de « double vente »). Dans ce système, l'opérateur de détaxe entretient des liens contractuels avec les deux parties (vendeur et le voyageur) et son principal client, sur le plan commercial, est le voyageur.

2. Les opérateurs de détaxe doivent solliciter un agrément auprès de l'administration et sont soumis à une obligation de transmission des BVE par voie dématérialisée

Les obligations incombant aux opérateurs de détaxe sont prévues à l'article 262-0 bis du CGI.

Le I de ce même article 262-0 bis du CGI prévoit que les opérateurs de détaxe doivent être agréés par l'administration674(*) et lui transmettre, par l'intermédiaire d'une plate-forme certifiée par l'État, les données électroniques des BVE.

D'après ce même I, l'obtention de la certification est conditionnée :

- au fait que l'opérateur soit doté d'un dispositif efficace de sécurisation des opérations qu'il réalise dans le cadre de la procédure de détaxe, au moyen d'un système informatique de gestion des BVE ;

- à la solvabilité financière de l'opérateur ;

- à l'absence de sanction du fait de manquements graves et répétés aux règles prévues par le code des douanes ou par le CGI au cours des trois années précédant la présentation de la demande d'agrément ou, le cas échéant, la décision de retrait de l'agrément par l'administration.

Le II précise en outre les obligations auxquelles l'opérateur agréé devra se soumettre. Ce dernier est ainsi tenu :

- de transmettre à l'administration les données électroniques des BVE qu'il émet ou qui sont émis par les vendeurs qui lui sont affiliés, au moyen de la plate-forme précédemment évoquée, dans un délai fixé par un décret en Conseil d'État ;

- d'utiliser un système d'évaluation et de gestion des risques liés au processus de détaxe ;

- d'assurer la formation et l'information régulière de son personnel et de ses clients ;

- de porter à la connaissance de l'administration, dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, toute modification de ses statuts et tout changement ne lui permettant plus d'assurer le respect des critères mentionnés au I.

D'après le IV du même article 262-0 bis du CGI, un décret en Conseil d'État675(*) précise :

- les modalités de délivrance et de retrait de l'agrément ;

- les conditions et procédures préalables à la certification de la plate-forme utilisée pour transmettre les BVE ;

- les modalités techniques permettant le respect des obligations mentionnées au II.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE CLARIFICATION RÉDACTIONNELLE VISANT À SÉCURISER L'OBLIGATION D'AGRÉMENT DES OPÉRATEURS DE DÉTAXE

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Cet article vise à réécrire la fin du premier alinéa du I de l'article 262-0 bis du CGI. La rédaction actuelle de cet article676(*) fait peser en effet une ambigüité sur la portée de l'obligation d'agrément des opérateurs de détaxe. Elle peut en effet laisser supposer que l'obligation de transmission des BVE limite le nombre de situations où les opérateurs de détaxe doivent être agréés par l'administration, alors que l'intention du législateur était bien de soumettre l'ensemble des opérateurs de détaxe à cette obligation.

La nouvelle rédaction du premier alinéa du I de l'article 262-0 bis du CGI précise que les opérateurs de détaxe « doivent, pour exercer leur activité, être agréé(e)s par l'administration ». Elle précise dans un second temps que les opérateurs de détaxe doivent transmettre « au moyen d'une plate-forme d'échange de données informatisées certifiée par l'administration, les données électroniques des bordereaux de vente à l'exportation qu'ils émettent ou qui sont émis par les vendeurs qui leur sont affiliés ».

Cette nouvelle rédaction lève donc l'ambigüité sur la portée de la procédure d'agrément des opérateurs de détaxe, en présentant clairement cet agrément comme une obligation préalable conditionnant l'exercice d'activité de chaque opérateur de détaxe, et la transmission des BVE à l'administration par le recours à une plateforme certifiée comme une obligation distincte et additionnelle.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CLARIFICATION DU DISPOSITIF BIENVENUE

Le rapporteur général partage l'objectif poursuivi par cet article. La nouvelle rédaction de l'article 262-0 bis du CGI opère en effet une clarification bienvenue de l'intention initiale du législateur, qui permettra d'éviter tout risque de contournement de la procédure d'agrément des opérateurs de détaxe. Cette clarification est d'autant plus nécessaire que la procédure de détaxe de la TVA est sujette à de nombreux schémas de fraude, mis en évidence dans le rapport de la mission d'information de la commission des finances relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales du 25 octobre 2022677(*).

Toutefois, le rapporteur général relève que, dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale, l'inscription dans le I de l'article 262-0 bis du CGI de l'obligation de transmission des BVE par l'intermédiaire d'une plateforme entraîne une redondance avec le II de ce même article, qui prévoit déjà cette obligation.

L'amendement rédactionnel I-204 (FINC.47) proposé par la commission des finances vise ainsi à corriger cette redondance, sans modifier le fond du dispositif de l'article 262-0 bis du CGI, ni remettre en cause la clarification rédactionnelle opérée par l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 quinquies (nouveau)

Maintien du taux réduit de TVA et d'autres dispositifs dans les quartiers perdant la qualification de quartier prioritaire de la
politique de la ville (QPV)

Le présent article maintient le bénéfice de certains dispositifs favorables dans les quartiers qui perdront, le 1er janvier 2024, la qualification de quartier prioritaire de la politique de la ville :

- jusqu'en 2026, le taux réduit de TVA à 5,5 % pour les livraisons de certains logements locatifs sociaux neufs et les opérations d'accession à la propriété ;

- la non-application aux locataires en place de certaines règles relatives aux locataires s'appliquant aux QPV actuels (supplément de loyer de solidarité, changement de logement en cas de sous-occupation ou de revenus excédant largement les plafonds de ressources).

La commission a adopté un amendement de coordination I-205 (FINC.48).

La commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LES LOGEMENTS SOCIAUX ET LES ACCÉDANTS À LA PROPRIÉTÉ BÉNÉFICIENT D'UN TAUX RÉDUIT DE TVA DANS LES QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

La prochaine redéfinition de la géographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville conduit à s'interroger sur l'application des taux réduits de TVA dans les quartiers qui ont actuellement cette qualification et pourraient la perdre prochainement.

A. LA LISTE DES QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE DOIT ÊTRE RÉVISÉE D'ICI À LA FIN DE L'ANNÉE 2023

Comme il a été indiqué supra lors de la présentation de l'article 7, la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville, dite loi Lamy, prévoit dans son article 5 que la liste des QPV fait l'objet d'une actualisation dans l'année du renouvellement général des conseils municipaux, et l'article 6 prévoit que les contrats de ville sont signés au cours de la même année.

Le renouvellement de ces deux dispositifs, qui devait être réalisé lors du renouvellement général des conseils municipaux de 2020, a été repoussé à plusieurs reprises et devrait être effectif au 1er janvier 2024. Cette mise à jour a d'ailleurs été confirmée lors du récent comité interministériel des villes du 27 octobre 2023678(*).

S'agissant des contrats de ville, une circulaire de la secrétaire d'État chargée de la ville, en date du 31 août 2023, a prolongé la concertation citoyenne jusqu'à la fin octobre 2023, la négociation des nouveaux contrats de ville devant être engagée au début du mois de novembre. Selon cette circulaire, les nouveaux contrats de ville devraient être signés d'ici au 31 mars 2024, ce qui signifie que, sauf nouveau prolongement de la validité des échéances en vigueur, les contrats de ville n'auraient plus d'effet pendant les premiers mois de 2024. Les futurs contrats de ville auraient une durée de six ans, soit jusqu'en 2030, avec une révision en 2027.

B. LES QUARTIERS PRIORITAIRES DE LA POLITIQUE DE LA VILLE BÉNÉFICIENT DE DISPOSITIFS FISCAUX SPÉCIFIQUES

Les QPV bénéficient de certains dispositifs d'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPB), déjà exposés lors de la présentation de l'article 7 du présent projet de loi, qui prévoit des dispositions transitoires en la matière pour les quartiers qui perdront cette qualité.

Ils bénéficient également de deux dispositifs de taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le premier concerne les logements sociaux situés dans les quartiers en renouvellement urbain.

En application du 2° du A du II de l'article 278 sexies du code général des impôts, les livraisons de logements sociaux neufs sont soumises de manière générale au taux de TVA réduit de 5,5 % si le logement est financé par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI, réservé aux logements les plus sociaux) et à 10 % dans les autres cas. Cette règle fait l'objet d'une dérogation dans les quartiers en renouvellement urbain, où s'applique le taux de TVA à 5,5 % même si le logement social est financé par un prêt locatif à usage social (PLUS, catégorie intermédiaire de logement social). Le même taux s'applique dans les ensembles immobiliers dont au moins la moitié des logements locatifs sociaux financés par un PLAI ou un PLUS font l'objet d'une convention de renouvellement urbain.

Le second dispositif a trait à l'accession à la propriété des ménages habitant dans ces quartiers ou à proximité.

Le III de l'article 278 sexies du code général des impôts applique le taux de TVA réduit à 5,5 % à différentes opérations relevant de l'accession à la propriété, dont, au 2° , les livraisons de logements et travaux faisant l'objet d'un contrat d'accession à la propriété pour lequel le prix de vente ou de construction n'excède pas le plafond prévu pour les contrats de location-accession (plafond PSLA)679(*), à condition que les logements soient situés dans un quartier faisant l'objet d'une convention de rénovation urbaine ou dans un QPV, ou à moins de 300 mètres de la limite de ces quartiers. Dans le cas d'un quartier en renouvellement urbain, le périmètre comprend la totalité d'un ensemble immobilier situé partiellement à moins de 300 mètres et entièrement à moins de 500 mètres de la limite d'un QPV.

Ce taux réduit de TVA est également applicable, en application de l'article 278 sexies A du même code, aux travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement ou d'entretien portant sur ces logements, ainsi qu'aux travaux de démolition réalisés dans le cadre d'une reconstitution de l'offre de logements locatifs sociaux prévue par la convention de renouvellement urbain.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution a retenu un amendement présenté par notre collègue député Karl Olive et plusieurs de ses collègues, tendant à maintenir le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 % applicable aux opérations d'accession sociale dans les QPV qui perdraient cette qualité au 31 décembre 2023.

Le I précise d'abord que l'application du taux de TVA réduit à un immeuble en rénovation urbaine dont une partie est située entre 300 et 500 mètres de la limite d'un QPV est liée à la signature d'un contrat de ville. Pour les permis de construire déposés en 2024, toutefois, la condition tenant à la conclusion d'un contrat de ville est appréciée le 31 décembre 2024, et non préalablement au dépôt du permis de construire.

Le même I crée un article 278 sexies B nouveau dans le code général des impôts, qui s'applique aux « anciens quartiers prioritaires », définis comme des quartiers qui sortent de la liste des QPV au 1er janvier 2024 et qui font l'objet d'une convention de renouvellement urbain conclue au plus tard le 31 décembre 2023.

Dans ces quartiers, le taux de TVA réduit à 5,5 % s'appliquerait, d'une part, aux livraisons de logements locatifs sociaux neufs jusqu'au 31 décembre 2026 (date de la demande d'aide de l'État ou de prêt réglementé) et, d'autre part, aux logements et travaux faisant l'objet d'un contrat d'accession à la propriété jusqu'à la même échéance (date de la demande de permis de construire). Le taux réduit de 5,5 % prévu par l'article 278 sexies A pour les travaux engagés avant le 1er janvier 2027 s'appliquerait également à ces logements.

Le II du présent article additionnel exonère les locataires en place de l'application de trois dispositions du code de la construction et de l'habitation.

L'article L. 441-3 de ce code définit le supplément de loyer de solidarité, que doivent payer les locataires de logements sociaux dont les ressources s'accroissent au point de dépasser d'au moins 20 % les plafonds en vigueur ; l'article L. 442-3-1 prévoit que, en cas de sous-occupation du logement, le bailleur doit proposer au locataire un logement plus adapté à ses besoins ; l'article L. 442-3-1 oblige, dans les zones tendues, le locataire dont les revenus sont supérieurs à 150 % des plafonds de ressources pendant deux années consécutives à quitter son logement dans un délai de dix-huit mois.

Dans le droit existant, ces trois dispositions ne sont pas applicables dans les QPV. Le II prévoit qu'elles ne s'appliquent pas non plus aux locataires de logements qui étaient situés, au moment de leur emménagement, dans un QPV.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ACCEPTER UNE DISPOSITIF QUI ATTÉNUE LA TRANSITION POUR LES LOCATAIRES DE QUARTIERS PERDANT LA QUALIFICATION DE QPV

La définition de la nouvelle géographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville et l'élaboration des nouveaux contrats de ville ont pris beaucoup de retard, puisqu'elles devaient à l'origine être réalisées dès 2020 et ont été repoussées en plusieurs fois jusqu'à la fin 2023.

Or, selon la circulaire précitée du 31 août 2023, les contrats de ville ne seraient renouvelés qu'à la fin du mois de mars 2024, soit trois mois après l'échéance des contrats actuels. En conséquence, la circulaire prévoit à titre transitoire que la programmation des crédits déconcentrés issus du programme 147 « pourra être anticipée avant la finalisation des nouveaux contrats de ville, afin de garantir la continuité des interventions de la politique de la ville et sans prolonger les actuels contrats de ville ». Cette programmation « pourra aussi tenir compte des grandes priorités identifiées à l'issue de la consultation citoyenne ».

De telles formulations ne peuvent que surprendre : l'administration appliquerait des contrats non encore signés par les collectivités locales concernées, alors qu'il aurait été de sa responsabilité d'engager les travaux suffisamment tôt pour que les contrats de ville, dont l'échéance a déjà été prolongée à plusieurs reprises, puissent être enfin renouvelés avant la fin 2023. En conséquence, le Gouvernement a intégré tardivement par amendement, dans la seconde partie du présent projet de loi de finances sur lequel il a engagé sa responsabilité devant l'Assemblée nationale, un article 50 D qui donne un fondement juridique à la possibilité de mobiliser les moyens financiers de la politique de la ville en l'absence de contrats de ville.

S'agissant des dispositions du présent article, il convient de les approuver dans la mesure où elles constituent des mesures de transition.

Alors que certaines communes craignent les effets soudains, pour les financements publics, de la perte de la qualification de QPV au début de 2024, il peut être nécessaire d'atténuer les effets de seuil qui risquent d'affecter, dans le cas du présent article, les organismes de logement social et les locataires et les ménages accédant à la propriété.

Sur la proposition du rapporteur général, la commission a adopté un amendement de coordination I-205 (FINC.48) qui tire les conséquences, sur le dispositif du présent article, du renommage des zones de revitalisation rurales en zones France ruralités revitalisation, qui résulte de l'article 7 du présent projet de loi de finances.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

ARTICLE 10 sexies (nouveau)

Taux de TVA applicable aux manifestations de e-sport

Le présent article prévoit d'appliquer un taux réduit de 5,5 % aux billetteries des compétitions de jeux vidéo, aussi dites « e-sport ». Pour assurer sa conformité au droit européen, la commission propose toutefois d'en modifier la base légale. Elle propose également de prévoir l'évaluation et le bornage du dispositif.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LES BILLETTERIES DES COMPÉTITIONS DE JEUX VIDÉO, DITES « E-SPORT », SONT AUJOURD'HUI SOUMISES AU TAUX NORMAL DE TVA, ÉTABLI À 20 %

A. LA PRATIQUE COMPÉTITIVE DES JEUX VIDÉO, DITE « E-SPORT », EST UN PHÉNOMÈNE À L'IMPORTANCE ÉCONOMIQUE ET CULTURELLE GRANDISSANTE

En 2015, la France comptait 30,7 millions de joueurs, dont 49 % dépensent de l'argent dans le cadre de leur pratique (soit 51 % de joueurs ne pratiquant que des jeux gratuits). Le marché du jeu vidéo en France s'est élevé à 2,7 milliards de dollars, soit le 7ème marché mondial (le premier marché étant la Chine, et le second, les États-Unis), et le 3ème marché en Europe (après le Royaume-Uni et l'Allemagne).

Données concernant les principaux marchés du jeu vidéo

Source : Rudy Salles et Jérôme Durain, « E-Sport. La pratique compétitive du jeu vidéo », mars 2016

S'agissant plus particulièrement de la pratique compétitive du jeu vidéo (parfois appelée « e-sport »), elle est en pleine expansion. Environ 4,5 millions de français seraient spectateurs de compétitions de jeux vidéo, et environ 850 000 français seraient des joueurs de jeux vidéo compétitifs. La taille du marché mondial de l'e-sport serait de l'ordre de 600 millions de dollars, dont 50 millions d'euros en France680(*). L'enjeu économique n'est donc pas négligeable. Plusieurs exemples peuvent être cités à l'appui de la normalisation et de la popularité croissante de l'e-sport en France :

la valeur des « cash prize », c'est-à-dire des prix ou cagnottes qui échoient aux vainqueurs des compétitions, est croissante : ainsi, le tournoi organisé sur le jeu Counter Strike II le 13 mai 2023 à Paris était doté d'une cagnotte de 1,25 million d'euros ; le championnat du monde de League of Legends, organisé en 2019, avait été doté d'un « cash prize » de 2,225 millions de dollars ;

la régularité d'organisation des événements et la diversité de leurs lieux d'organisation : ainsi, comme le montre le tableau ci-dessous, pas moins de treize événements d'e-sport ont été organisés en France au mois de septembre 2023 - il s'agissait du mois le plus dense de l'année - dans douze départements différents ;

Calendrier des principaux événements d'e-sport
organisés en France en septembre 2023

Tournoi ou événement

Date

Ville

Code Département

Les Veaux Bordelais

1, 2 et 3 septembre

Bègles

33

Finales LEC et EMEA Masters

8, 9 et 10 septembre

Montpellier

34

Grand Prix Explorer 2

9 septembre

Le Mans

72

Chibi Rouen

9 et 10 septembre

Rouen

76

Urban Series 6

9 et 10 septembre

Paris

75

Toulouse Fighting Monday 17

11 septembre

Toulouse

31

Ascension

16 septembre

Lille

59

KCX 3

19 septembre

Nanterre

92

Press Start

du 27 septembre au
2 octobre

Paris

75

M! TEMPS x FIVE

30 septembre

Montreuil

93

Spirit Summer BBQ 2023

29 et 30 septembre et 1er octobre

Segré-en-Anjou-Bleu

49

The Roads

30 septembre et
1er octobre

Marseille

13

Azerty Party

30 septembre et
1er octobre

Pau

64

Source : commission des finances du Sénat

la diversité des jeux représentés : si quelques jeux très populaires sont surreprésentés (League of Legends ou Fortnite, FIFA ou Call of Duty), des tournois sont également organisés sur des jeux plus discrets en e-sport; ainsi du tournoi de Pokémon organisé les 21 et 22 octobre 2023 à Lille ;

certaines équipes, à l'instar de certains sportifs conventionnels ou artistes, deviennent résidentes permanentes d'une salle qui leur est dédiée : c'est le cas de la Karmine Corp, l'une des plus importantes équipes françaises d'e-sport, qui a annoncé en septembre 2023 qu'elle deviendrait résidente à temps plein d'une salle de 3 000 places à Évry, en Essonne.681(*)

B. LES COMPÉTITIONS DE JEUX VIDÉO SONT SOUMISES AU TAUX NORMAL DE TVA

Faute d'indication contraire dans le code général des impôts, les droits d'entrée des spectateurs des compétitions de jeux vidéo sont soumis au taux normal de TVA, soit 20 %682(*). Cette situation contraste avec celle des spectacles (théâtre, cirque, concert), du cinéma ou des manifestations sportives, qui bénéficient d'un taux réduit à 5,5 % (respectivement F, G et J de l'article 278-0 bis du code général des impôts).

Plusieurs rapports de parlementaires, tels que le rapport remis par le député Rudy Salles et le sénateur Jérôme Durain683(*) en mars 2016, ou le rapport remis par le groupe de travail sur l'e-sport684(*) présidé par Denis Masséglia en 2019 s'en sont d'ailleurs étonnés, préconisant un alignement de la TVA applicable aux compétitions de jeux vidéo au taux de 5,5 %.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'EXTENSION DU TAUX RÉDUIT DE 5,5 % AUX DROITS D'ENTRÉE PERÇUS PAR LES ORGANISATEURS DE COMPÉTITIONS DE JEUX VIDÉO

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement685(*) de M. Denis Masséglia et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance.

Son I prévoit d'étendre le taux réduit de 5,5 % applicable aux droits d'entrée perçus par les organisateurs de réunions sportives, y compris lorsque ces réunions concernent des « compétitions de jeux vidéo telles que définies à l'article L. 321-8 du code de la sécurité intérieure. » Ce rattachement concernerait les seuls droits d'entrée des spectateurs de la compétition, et non les éventuels droits d'entrée acquittés par les participants686(*).

Son II prévoit en outre que le présent article est applicables aux prestations de services dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2024. Le droit applicable à une transaction est celui en vigueur au moment du fait générateur687(*), un événement e-sport qui se tiendrait après le 1er janvier 2024 donnerait lieu à l'application du taux réduit, même si les droits d'entrée ont été acquittés avant cette date.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DIMINUTION DU TAUX DE TVA SUR LES BILLETTERIES DES COMPÉTITIONS D'E-SPORT PARAÎT ENVISAGEABLE, À CONDITION DE LUI TROUVER UNE BASE JURIDIQUE CONVENABLE

A. L'APPLICATION D'UN TAUX RÉDUIT DE 5,5 % À LA BILLETERIES DES COMPÉTITIONS DE JEUX VIDÉO PEUT ÊTRE ENVISAGÉE

L'application d'un taux réduit de TVA sur les droits d'entrée perçus par les organisateurs de compétitions de jeux vidéo a déjà été adoptée par le Sénat. En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, le Sénat a adopté deux amendements identiques688(*) de nos collègues Christine Lavarde, et de Jérôme Durain.

La commission des finances réitère ses réserves habituelles vis-à-vis de l'usage des taux réduits : l'effet sur les finances publiques de l'accumulation des taux réduits de TVA est négatif et important. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) estime que les mesures dérogatoires au taux normal de TVA représentent un manque à gagner de 47 milliards d'euros, soit 24 % de son rendement en 2021, et recommande en conséquence d'éviter la création de nouveaux taux réduits. Le présent article, s'apparenterait cependant à une extension d'un taux réduit de TVA déjà existant, plutôt qu'à la création d'un nouveau taux.

Le rapporteur général invite également à la prudence quant à l'objectif, affiché par les auteurs de l'amendement, d'accessibilité sociale. Dans cette logique, la baisse du taux de TVA sur les manifestations d'e-sport pourrait entrainer une baisse du prix des billets et ainsi permettre à des publics moins favorisés d'assister à ces événements. Or, rien ne garantit que la baisse du taux de TVA soit répercutée sur leurs prix par les organisateurs des compétitions d'e-sport. Comme tend à la montrer le CPO, la diminution du taux de la TVA se traduit la plupart du temps par une baisse moindre des prix pratiqués, l'assujetti empochant la différence. Une étude de l'INSEE de 2014689(*) estime, par exemple, à seulement 20 % le taux de répercussion sur les prix de la baisse de TVA dans la restauration.

Les auteurs de l'amendement le présentent également comme une mesure de soutien au secteur de l'e-sport. L'intérêt de soutenir la filière e-sport avait été mis en avant par les rapports de mars 2016 et de juillet 2019 qui y avaient été consacrés. Au vu des enjeux économiques associés, cet argument doit être sérieusement considéré, d'autant plus que le Conseil des prélèvements obligatoires admet que les taux réduits de TVA peuvent constituer un outil pertinent de soutien sectoriel de long-terme690(*).

Estimation de l'impact, en euros, d'une baisse de TVA de 20 % à 5,5 %
sur la billetterie d'une compétition de jeux vidéo

À partir de l'exemple de l'événement « Occitanie E-sport » (2018)

 

Joueurs*

Visiteurs

Total

Nombre

800

10 000

10 800

Hypothèse TVA 20 %

Droit d'accès moyen**

37,75

23,90

 

Revenus générés

30 200,0

239 000,0

269 200,0

dont part organisateurs

24 160,0

191 200,0

215 360,0

dont TVA

6 040,0

47 800,0

53 840,0

Hypothèse TVA 5,5 %***

Droit d'accès moyen**

37,75

23,21

 

Revenus générés

30 200,0

232 069,0

262 269,0

dont part organisateurs

24 160,0

219 305,2

243 465,2

dont TVA

6 040,0

12 763,8

18 803,8

Différence

Droit d'accès moyen**

-

- 0,7

 

Revenus générés

-

- 6 931,0

- 6 931,0

dont part organisateurs

-

+ 28 105,2

+ 28 105,2

dont TVA

-

- 35 036,2

- 35 036,2

*Seuls les visiteurs seraient concernés par cette baisse du taux de TVA.

** Pour les joueurs, hypothèse de 45 % de joueurs sur PC, 45 % de joueur sur console et 10 % de manager ; pour les visiteurs, hypothèse de 45 % d'entrées pour un jour, 35 % d'entrée sur trois jours et de 20 % d'entrée incluant l'accès au forum attenant.

*** Hypothèse d'une répercussion de 20 % de la baisse de TVA sur les prix ; affluence inchangée.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le « Guide d'organisation d'un événement e-sport » de France E-sport

Comme le montre le tableau ci-dessus, l'amélioration de l'accessibilité sociale qui résulterait de l'instauration d'un taux réduit sur les manifestations d'e-sport ne serait peut-être pas à la hauteur des attentes. En revanche, le coût pour les finances publiques serait vraisemblablement plus important. Les organisateurs seraient les principaux gagnants de cette réforme.

B. LA QUALIFICATION DE « L'E-SPORT » COMME UN SPORT APPARAÎT TOUTEFOIS PROBLÉMATIQUE AU REGARD DU DROIT EUROPÉEN

1. « L'e-sport » n'est pas un « sport » au sens du droit fiscal

Les auteurs de l'amendement affirment que le présent article constitue une mesure d'équité et de cohérence au regard de la situation des réunions sportives, qui bénéficient du taux de 5,5 %. Ainsi, le groupe de travail sur l'e-sport de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale appelait de ses voeux l'assimilation des compétitions vidéo-ludiques à une rencontre sportive.

Toutefois, l'assimilation des compétitions de jeux vidéo à des réunions sportives aux fins de leur conférer un avantage fiscal est à la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), pour qui les activités sportives sont caractérisées par une composante physique non-négligeable691(*). Ainsi, le bridge, le go ou les échecs, jeux parfois qualifiés de « sports cérébraux » et dont nul ne conteste l'investissement qu'ils nécessitent de la part des joueurs, ne sont pas, faute de composante physique suffisante, des activités sportives au sens du droit fiscal.

Il semble donc que les compétitions de jeux vidéo, pas plus que les compétitions de bridge, de go ou d'échecs, ne puissent être rattachées au taux réduit de TVA applicable aux réunions sportives.

2. Par analogie avec les compétitions de « sports cérébraux », une possible application du taux réduit de TVA au titre des spectacles

En ce qui concerne les compétitions de « sports cérébraux », tels que les échecs, le bridge, le go, le poker, la belote ou les dames, le Bulletin officiel des finances publiques indique que « s'agissant de l'accès à des sites permettant au visiteur d'assister, en tant que spectateur, à des manifestations ou compétitions relatives à ces activités », il convient de se reporter à la législation applicable aux spectacles.

Si leur rattachement au taux réduit de TVA applicable aux droits d'entrée aux réunions sportives n'est pas possible, les droits d'entrée perçus par les organisateurs des compétitions de jeux vidéo semblent pouvoir bénéficier, par analogie avec les compétitions d'échecs, de bridge ou de go, d'un taux de TVA réduit de 5,5 % en tant que « spectacles ». L'inscription dans le code général des impôts des compétitions de jeux vidéo comme des spectacles permettrait d'écarter le taux normal aujourd'hui appliqué par l'administration, tout en évitant l'écueil consistant à assimiler la pratique compétitive du jeu vidéo à un sport au sens du droit fiscal.

En tout état de cause et par cohérence avec l'adoption conforme de l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, il convient de prévoir que la nouvelle dépense fiscale qui serait ainsi créée soit bornée à trois ans et fasse l'objet d'une évaluation des principales caractéristiques de ses bénéficiaires, de son efficacité et de son coût.

La commission a en conséquence adopté un amendement I-206 (FINC.49) du rapporteur général.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 septies (nouveau)

Taux de TVA applicable aux prestations effectuées
par les centres équestres

Le présent article prévoit d'instaurer un taux réduit de 5,5 % de TVA sur les prestations effectuées par les centres équestres (enseignement et pratique de l'équitation, activités de démonstration et accès aux installations dédiées à l'utilisation des équidés). La commission propose toutefois de borner à trois ans cette dépense fiscale et d'en prévoir l'évaluation.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : AUPARAVANT BÉNÉFICIAIRES D'UN TAUX RÉDUIT, LES CENTRES ÉQUESTRES SONT EN PRINCIPE SOUMIS, DEPUIS 2013, AU TAUX NORMAL DE TVA

A. LE DROIT EUROPÉEN A ENCADRÉ PAR VOIE DE DIRECTIVE LES BIENS ET SERVICES QUI PEUVENT FAIRE L'OBJET DE TAUX RÉDUITS DE TVA

La directive 2006/112/CE de 2006, dite directive « TVA »692(*), définit précisément les catégories de biens et services qui peuvent bénéficier de taux réduits de TVA. Aux termes des articles 96 à 99, les États membres peuvent appliquer à une liste d'opérations strictement délimitée, essentiellement énumérée à l'annexe III de la directive, un ou deux taux réduits par rapport au taux normal, qui ne peuvent être inférieurs à 5 %.

À titre d'exemple, peuvent bénéficier de taux réduits de TVA selon l'annexe III les denrées alimentaires (point 1 de l'annexe III), les produits médicaux et pharmaceutiques (points 3 et 4 de l'annexe III), les services de transport de personnes (point 5 de l'annexe III), les billets pour des manifestations sportives ou culturelles (point 7 de l'annexe III), ou encore la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans le cadre de la politique sociale (point 9 de l'annexe III).

B. JUSQU'EN 2022, LE DROIT EUROPÉEN FAISAIT EN PRINCIPE OBSTACLE À L'APPLICATION D'UN TAUX RÉDUIT AUX ACTIVITÉS DES CENTRES ÉQUESTRES

Si un taux réduit avait été appliqué par la France à la filière équine au titre de son caractère agricole, il avait été jugé contraire aux dispositions de la directive TVA par la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) dans une décision du 8 mars 2012693(*). Depuis 2013, la filière équine est en principe soumise au taux normal de TVA.

Par dérogation néanmoins, la doctrine fiscale applique par tolérance des taux réduits à certaines activités, en les rattachant à d'autres points de l'annexe III de la directive. Par une instruction fiscale de 31 janvier 2014694(*), une mesure transitoire a été mise en place pour atténuer l'augmentation de 14,5 % du taux de TVA résultant de la décision de la CJUE. Ainsi, se voient appliquer un taux :

de 2,1 % : les livraisons d'animaux de boucherie vivants à des non-assujettis ;

de 5,5 % au titre des droits d'admission aux spectacles (point 7) ou de leur caractère sportif (points 13 et 14) : les animations, activités de démonstration et visites des installations sportives aux fins de découverte et de familiarisation avec l'environnement équestre, ainsi que l'accès aux centres à des fins d'utilisation des installations à caractère sportif des établissements équestres ;

de 10 % au titre du 3° de l'article 278 bis du code général des impôts : les opérations afférentes à des équidés en tant que produits destinés à la production agricole ou à la consommation (les ventes d'étalons, de parts d'étalon en indivision ou de femelles à des fins reproductives695(*), les cessions entre assujettis d'équidés morts ou vifs immédiatement destinés à la boucherie ou à la charcuterie et les ventes, locations, pré-débourrage, débourrage et prises en pension d'équidés destinés à être utilisés dans la production agricole, sylvicole ou piscicole). Les poulains vivant destinés à la consommation sont également concernés ;

de 20 % : l'ensemble des opérations se rapportant aux équidés (l'entraînement, le pré-débourrage, le débourrage, le dressage, les prises en pension, les locations d'équidés à des fins de promenades ou de randonnées, etc.) à l'exception de celles précédemment citées. L'enseignement et la pratique de l'équitation se voient donc appliquer, en l'état du droit, du taux normal de 20 %.

C. LA RÉVISION, SOUS PRÉSIDENCE FRANÇAISE, DE LA DIRECTIVE DE 2006, PERMET D'APPLIQUER UN TAUX RÉDUIT DE TVA AUX CENTRES ÉQUESTRES

L'adoption de la directive du 5 avril 2022696(*) a notamment procédé à une refonte de l'annexe III de la directive de 2006. Il faut relever en particulier l'inscription au point 11 bis de l'annexe III, à l'initiative du Gouvernement français, la possibilité de prévoir un taux réduit de TVA pour « les équidés vivants et les prestations de services liées aux équidés vivants ».

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'APPLICATION DU TAUX RÉDUIT DE 5,5 % AUX ACTIVITÉS DES CENTRES ÉQUESTRES

Le présent article, retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement697(*) de M. Éric Woerth et plusieurs de ses collègues.

Il prévoit d'appliquer le taux réduit de 5,5 % aux biens et prestations de la filière équine, c'est-à-dire « l'enseignement et la pratique de l'équitation, les animations et activités de démonstration aux fins de découverte de l'environnement équestre et de familiarisation avec celui-ci ainsi que l'accès aux installations sportives dédiées à l'utilisation des équidés ».

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA RECONNAISSANCE D'UNE REVENDICATION DE LONGUE DATE DES CENTRES ÉQUESTRES

L'adoption de cet article dans sa rédaction issue de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement, aurait pour effet, d'une part de codifier la doctrine fiscale bienveillante déjà appliquée à certaines activités au sein du code général des impôts, et d'autre part d'étendre le bénéfice du taux réduit à 5,5 % à l'enseignement et à la pratique de l'équitation, aujourd'hui exclus de cette doctrine.

Il est vrai que la situation actuelle, qui repose sur la bienveillance de l'administration fiscale pour une partie des activités de la filière équine, est insatisfaisante sur le plan de la sécurité juridique. En effet, la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne698(*) interdit d'appliquer un taux réduit à une prestation de service complexe unique si l'un de ses éléments doit être soumis au taux normal. En pratique, cette jurisprudence fragilise la situation des prestataires de services liés à l'utilisation des équidés et leur fait courir des risques contentieux.

En ce qui concerne les activités de démonstration et l'accès aux installations hippiques, le présent article aurait pour effet d'inscrire dans la loi la doctrine existante, lui trouvant une base légale solide, fondée sur le point 11 bis de l'annexe III de la nouvelle directive.

En ce qui concerne l'enseignement et la pratique de l'équitation, le présent article diminuerait le taux de TVA applicable de 20 % à 5,5 %. Il aurait également pour effet de soumettre l'ensemble des éléments d'une prestation complexe (accès aux installations sportives dédiées à l'utilisation des équidés en vue de la pratique de l'équitation, par exemple) à un seul et même taux de TVA, ce qui serait source de sécurité juridique tant en termes de modalités de calcul699(*) qu'au regard de la jurisprudence Bastova. Le présent article ne couvrirait cependant pas les ventes d'équidés.

L'application d'un taux réduit de TVA sur les biens et services de la filière équine constitue une revendication de longue date du secteur. Par ailleurs, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, le Sénat a adopté un amendement700(*) de notre collègue Jean-Pierre Vogel largement co-signé ; de même, le Sénat a adopté à la faveur de l'examen de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France un article portant des dispositions similaires701(*).

La commission des finances a toutefois, chaque fois qu'elle a été appelée à émettre un avis sur de tels dispositifs, souligné ses réserves habituelles vis-à-vis de l'usage des taux réduits :

- d'une part, la perte de recettes résultant pour les finances publiques de ce dispositif est chiffrée par le Gouvernement à 20 millions d'euros. Au global, le Conseil des prélèvements obligatoires estime que les mesures dérogatoires au taux normal de TVA représentent un manque à gagner de 47 milliards d'euros, soit 24 % de son rendement en 2021, et recommande en conséquence d'éviter la création de nouveaux taux réduits ;

- d'autre part, si l'annexe III de la directive comprend aujourd'hui 33 items, les États-membres ne peuvent appliquer des taux réduits que pour 24 des items énumérés. Or, en France, les taux réduits couvrent déjà des opérations se rattachant à 21 des items de l'annexe. Il n'est donc plus possible de créer que 3 nouveaux taux réduits. Étendre aujourd'hui par voie législative le bénéfice d'un taux réduit de TVA aux activités équestres impliquerait de se priver de cette possibilité à l'avenir pour d'autres activités.

En tout état de cause et par cohérence avec l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, il convient de prévoir que la nouvelle dépense fiscale qui serait ainsi créée soit bornée à trois ans et fasse l'objet d'une évaluation des principales caractéristiques de ses bénéficiaires, de son efficacité et de son coût. En ce sens, la commission a adopté un amendement I-207 (FINC.50) du rapporteur général.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 10 octies (nouveau)

Calendrier d'entrée en vigueur de la facturation électronique
et de la transmission des données de transaction

Le présent article prévoit de décaler l'entrée en vigueur de la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de la transmission des données de transaction.

Alors que le calendrier prévoit une entrée en vigueur au 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises, 1er janvier 2025 pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 1er janvier 2026 pour les petites et moyennes entreprises, le présent article décale ces dates d'entrée en vigueur au 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les ETI et au 1er septembre 2027 pour les PME. Le Gouvernement se réserverait également le droit de décaler de nouveau et par décret l'entrée en vigueur de ces dispositions d'un trimestre.

Après avoir rappelé les avantages attendus de cette réforme, que ce soit en termes de gains de productivité pour les entreprises ou en recettes supplémentaires de TVA pour l'État, la commission a estimé qu'un décalage aussi important ne se justifiait par pour les grandes entreprises. Elle a donc adopté un amendement n° I-208 (FINC.51) pour avancer l'entrée en vigueur de la facturation électronique au 1er juillet 2025 pour ces entreprises, ce qui leur laisserait une année supplémentaire pour se préparer par rapport au calendrier actuel. Surtout, les ETI et les PME pourraient bénéficier de leur retour d'expérience, ce qui sera absolument primordial pour la réussite de la réforme.

Par l'amendement n° I-208 (FINC.51), la commission a également supprimé la possibilité pour le Gouvernement de décaler de nouveau le calendrier par décret. L'entrée en vigueur de ces dispositions relève du domaine de la loi et un nouveau report devrait être justifié devant le Parlement.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA GÉNÉRALISATION, À COMPTER DU 1ER JUILLET 2024, DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE

A. LE PRINCIPE DE FACTURATION EST ESSENTIEL POUR LA LIQUIDATION ET LE CONTRÔLE DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

Impôt sur la consommation, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s'applique aux livraisons de biens et aux prestations de services situées en France.

Elle est assise sur la valeur ajoutée et repose donc sur un régime de déductions permettant à la personne assujettie de déduire de la TVA qu'il a collectée auprès de l'acheteur la TVA qu'il a lui-même acquittée en amont pour produire le bien ou le service vendu.

Le régime de déduction repose sur le système de facturation : pour pouvoir déduire la TVA déjà acquittée, l'assujetti doit détenir un justificatif, essentiellement sous la forme d'une facture.

Les règles de facturation sont prévues par l'article 289 du code général des impôts702(*) (CGI). Elles précisent les opérations pour lesquelles une facture doit être émise, les conditions dans lesquelles le client peut émettre la facture au nom et pour le compte de l'assujetti, le fait générateur de l'émission (selon les cas au moment de la livraison ou de la prestation de services, au 15 du mois suivant ou encore de façon périodique), l'obligation de conserver un double et les conditions de modification ainsi que les règles applicables à la facturation électronique.

B. LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE DOIT PROGRESSIVEMENT ÊTRE MISE EN oeUVRE À COMPTER DU 1ER JUILLET 2024

1. En l'état actuel du droit et jusqu'au 30 juin 2024, le recours à la facturation électronique inter-entreprises est facultatif

Concernant la facturation électronique, le VI de l'article 289 du CGI prévoit que « les factures électroniques sont émises et reçues sous une forme électronique quelle qu'elle soit » et qu'elles « tiennent lieu de factures d'origine ».

Aux termes du VII de l'article 289 du CGI, trois formes d'émissions sont acceptées pour qu'une facture électronique tienne lieu de facture d'origine, à savoir :

- sous forme électronique, « dès lors que des contrôles documentés et permanents sont mis en place par l'entreprise et permettent d'établir une piste d'audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou prestation de service qui en est le fondement » ;

- en recourant « à la procédure de signature électronique avancée » prévue par la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée703(*) ;

- par le biais d'un « message structuré selon une norme convenue entre les parties, permettant une lecture par ordinateur et pouvant être traité automatiquement et de manière univoque ».

La facturation électronique est facultative, puisque sa transmission et sa mise à disposition sont soumises, aux termes de l'article 289 du CGI, à l'acceptation du destinataire. Cette situation résulte de l'article 395 de la directive du 28 novembre 2006 précitée, qui prohibe à tout État membre de rendre obligatoire la facturation électronique dans les rapports inter-entreprises sans avoir préalablement obtenu l'autorisation du Conseil, accordée à l'unanimité sur proposition de la Commission européenne. L'Italie est le seul État membre à avoir demandé cette dérogation et à avoir généralisé la facturation électronique inter-entreprises. Onze autres États disposent toutefois d'un système de recoupement ayant la même finalité que la facturation électronique, tandis que l'Espagne s'est engagée, dans le cadre de son plan de relance, à généraliser la facturation électronique.

À l'inverse, la directive du 28 novembre 2006 précitée contraint les États membres à accepter la remise d'une facture électronique dans les relations avec leurs fournisseurs. C'est le cas en France depuis le 1er janvier 2012704(*). De même, la directive du 16 avril 2014 a rendu obligatoire la facture électronique pour le paiement des prestations réalisées par les entreprises en exécution des contrats publics705(*). Plus généralement, et depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises traitant avec le service public, et quelle que soit leur taille, doivent transmettre leurs factures sous format électronique et, en parallèle, toutes les entités publiques de l'Union européenne sont tenues d'accepter les factures sous cette forme. En France, ces factures transitent par le portail public de facturation Chorus Pro, qui compte 1,2 million d'utilisateurs actifs, pour 145 millions de factures échangées entre 2016 et 2020706(*).

2. La généralisation de la facturation électronique inter-entreprises et de la transmission des données de transaction à compter du 1er juillet 2024

a) Une disposition « programmatique » en loi de finances pour 2020

L'article 153 de la loi de finances pour 2020707(*) prévoyait que les factures des transactions entre assujettis à la TVA devraient obligatoirement être émises sous forme électronique au plus tôt le 1er janvier 2023 et au plus tard le 1er janvier 2025, ce qui supposait l'obtention de l'autorisation prévue à l'article 395 de la directive européenne précitée du 28 novembre 2006.

Il prévoyait également que les informations figurant dans les factures électroniques devraient être transmises à l'administration fiscale pour leur exploitation, « à des fins notamment de modernisation de la collecte et des modalités de contrôle de la TVA ». Toutefois cette disposition, comme la précédente, avait une portée largement programmatique, et non normative.

Le Gouvernement devait enfin remettre au Parlement, avant le 1er septembre 2020, un rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'obligation de facturation électronique, qui devait également évaluer les gains attendus en matière de recouvrement de la TVA et les bénéfices attendus pour les entreprises. Les dispositions contenues dans l'ordonnance du 15 septembre 2021 se sont largement appuyées sur les conclusions de ce rapport, remis le 4 novembre 2021.

b) Une habilitation à légiférer par ordonnance en loi de finances pour 2021, dont la ratification a été déclarée « cavalier budgétaire »

C'est sur la base du rapport remis par le Gouvernement au Parlement ainsi que de l'évaluation conduite par l'inspection générale des finances sur l'impact de la dématérialisation obligatoire des factures entre assujettis à la TVA pour les entreprises que le Gouvernement a demandé, à l'article 195 de la loi de finances initiale pour 2021708(*), une habilitation à légiférer par ordonnance.

Le contenu de l'habilitation s'articulait autour de deux objectifs :

- la généralisation du recours à la facturation électronique ;

- l'obligation de transmettre à l'administration et de manière dématérialisée les informations relatives aux opérations réalisées par des assujettis à la TVA qui ne sont pas issues des factures électroniques. Ces informations comprennent les données complémentaires à celles figurant sur les factures, les données qui ne se rapportent pas à une opération soumise à une obligation de facture électronique ou encore les données qui se rapportent à une opération non soumise à l'obligation de facturation pour les besoins de la TVA.

L'ordonnance devait être prise dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 2021. Elle avait été prise le 15 septembre 2021709(*). Elle prévoyait un ajustement majeur par rapport à la disposition « programmatique » adoptée en loi de finances pour 2020 (article 153) et par rapport aux informations qui avaient été transmises par le Gouvernement lors de l'examen de l'article 195 de la loi de finances pour 2021 : le report d'un an des dates d'entrée en vigueur.

Le calendrier devait désormais être le suivant :

- 1er juillet 2024 : obligation d'émission des factures sous forme électronique pour les grandes entreprises ;

- 1er janvier 2025 : même obligation pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) ;

- 1er janvier 2026 : même obligation pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Le Gouvernement avait justifié ce report par la nécessité de tenir compte des effets de la crise sanitaire sur les entreprises, alors même que le passage à la facturation électronique suppose des investissements numériques.

L'article 93 de la loi de finances pour 2022710(*), introduit par un amendement du Gouvernement, visait à ratifier l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la TVA et à la transmission des données de transaction.

Dans sa décision relative à la loi de finances pour 2022711(*), le Conseil constitutionnel a censuré comme « cavaliers budgétaires », c'est-à-dire comme étrangères au domaine de la loi de finances, les dispositions de dix articles du texte, dont l'article 93.

Le Conseil explique dans ses attendus que « l'article 93 a pour seul objet de ratifier l'ordonnance du 15 septembre 2021 » puis rappelle ensuite pour l'ensemble des dispositions considérées comme des cavaliers budgétaires son considérant de principe en la matière. La censure se fonde ainsi sur l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)712(*), qui définit le contenu de chacune des deux parties de la loi de finances.

La censure de l'article 93 de la loi de finances pour 2022 et donc de la ratification de l'ordonnance du 15 septembre 2021 avait, d'après le Gouvernement, rendu caduques ses dispositions713(*), l'obligeant à proposer de les reprendre par la voie législative dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative.

c) L'introduction « en dur » des dispositions relatives à la généralisation de la facturation électronique

L'article 26 de la première loi de finances rectificative pour 2022714(*) a repris « en dur » les dispositions de l'ordonnance précitée du 15 septembre 2021. Le calendrier a en revanche été conservé.

Ainsi, aux termes de l'article 289 bis du code général des impôts, par dérogation au VI de l'article 289 du CGI, l'émission, la transmission et la réception des factures s'opèreront sous une forme électronique, selon des normes de facturation électronique définies par arrêté du ministre chargé du budget, pour :

- les livraisons de biens et les prestations de services qu'un assujetti effectue pour un autre assujetti et qui ne sont pas exonérées en application des articles 261 à 261 E du CGI ;

- les opérations de livraisons aux enchères publiques de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité ;

- les acomptes afférant aux opérations précitées.

Cette obligation s'appliquera aux opérations pour lesquelles l'émetteur de la facture et son destinataire sont des assujettis qui sont établis, ont leur domicile ou ont leur résidence habituelle en France. Les assujettis pourront, pour l'émission, la transmission et la réception des factures électroniques, recourir au portail public de facturation ou à une autre plateforme de dématérialisation.

Par dérogation au secret des affaires, l'article 289 bis du CGI prévoit que le portail public de facturation mettra à disposition des opérateurs de plateforme de dématérialisation un annuaire central constitué des informations transmises par ces opérateurs et nécessaires à l'adressage des factures à leurs destinataires715(*).

En complément, l'article 1737 du CGI permettra de sanctionner d'une amende de 15 euros par facture le non-respect par l'assujetti de l'obligation d'émission d'une facture sous forme électronique, sans que le total des amendes appliquées au titre d'une même année civile puisse être supérieur à 15 000 euros. L'amende ne sera toutefois pas appliquée s'il s'agit de la première infraction commise sur l'année civile en cours et sur les trois années précédentes, lorsque l'infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours d'une première demande de l'administration.

L'article 289 bis imposera également aux assujettis de communiquer à l'administration les données relatives aux mentions figurant sur les factures électroniques qu'ils émettent. Si les assujettis recourent au portail de facturation publique, cette transmission sera automatiquement opérée du portail vers l'administration fiscale ; s'ils recourent à une autre plateforme de matérialisation, les données devront être transmises par l'opérateur de cette plateforme716(*). En sont toutefois exclues les opérations couvertes par le secret de la défense nationale.

Cette obligation de transmission s'appliquera aux transactions entre assujettis à la TVA établis en France, aux transactions entre un émetteur et un destinataire qui ne sont pas tous les deux établis en France ainsi qu'aux assujettis non établis en France, ou à leur représentant fiscal s'ils sont tenus d'en désigner un717(*).

En complément, l'article 1788 D du CGI permettra de sanctionner d'une amende de 250 euros par transmission le non-respect par l'assujetti de ses obligations, sans que le total des amendes appliquées au titre d'une même année civile puisse être supérieur à 15 000 euros. L'amende ne sera toutefois pas appliquée s'il s'agit de la première infraction commise sur l'année civile en cours et sur les trois années précédentes, lorsque l'infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours d'une première demande de l'administration.

d) L'obtention de l'autorisation du Conseil européen

En application des dispositions de l'article 395 a « directive TVA »718(*), pour la mise en oeuvre de la facturation électronique, la France a dû demander une dérogation aux règles des articles 218 et 232719(*) de ladite directive. Cette dérogation a été obtenue le 25 janvier 2022, par une décision d'exécution du Conseil720(*), la France ayant transmis sa demande par lettres du 12 avril 2021 et du 20 septembre 2021.

La décision autorisant la France à introduire une mesure particulière dérogatoire en matière de TVA n'est toutefois valable que du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026, couvrant ainsi le calendrier initialement prévu pour la mise en oeuvre de la généralisation de la facturation électronique et de la transmission des données de transaction. La France sera donc obligée de demander la prorogation de sa dérogation, demande qui devra être accompagnée d'un rapport évaluant l'efficacité de ces mesures en matière de lutte contre la fraude à la TVA et de simplification de perception de la taxe. Le rapport devra également contenir une évaluation des effets sur les assujettis, afin de s'assurer notamment que ces dérogations n'ont pas conduit à augmenter leurs charges et leurs coûts administratifs.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN NOUVEAU DÉCALAGE DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE

Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Il procède tout d'abord à la correction d'une erreur matérielle au 1 du VII de l'article 289 du CGI afin de prévoir que si les factures électroniques ne sont pas émises en recourant à la procédure de cachet électronique721(*), alors leur émission sous forme électronique devra s'accompagner de la mise en place par l'entreprise de contrôles documentés et permanents permettant d'établir une piste d'audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou prestation de service qui en est le fondement (I du présent article). Les mêmes dispositions sont prévues pour l'émission de factures électroniques recourant à la signature électronique722(*) ou sous la forme d'un message structuré selon une norme convenue entre les parties.

Par ailleurs, le II du présent article modifie le III de l'article 26 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative précitée pour 2022 afin de reporter l'entrée en vigueur de la généralisation de la facturation électronique. Ainsi :

- l'émission de factures électronique et l'obligation de transmettre les données de transaction s'appliqueraient à compter du 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire. Un décret pourrait fixer une date ultérieure, qui ne pourra être postérieure au 1er décembre 2026 ;

- ces deux obligations s'appliqueraient à compter du 1er septembre 2027 pour les microentreprises et les petites et moyennes entreprises, si ces dernières ne sont pas membres d'un assujetti unique mentionné à l'article 256 C du CGI723(*). Là encore, un décret pourrait fixer une date ultérieure, qui ne pourra être postérieure au 1er décembre 2027. 

Par coordination, les mesures relatives aux amendes encourues en cas de défaut de transmission d'une facture sous format électronique et de transmission des données de transaction ne s'appliqueraient elles aussi qu'aux nouvelles dates d'entrée en vigueur prévues pour les grandes entreprises, les ETI, les PME et les microentreprises.

Enfin, le II du présent article insère deux nouveaux alinéas au sein du III de l'article 26 de la loi de finances rectificative du 16 août 2022.

Le premier vise à préciser que les catégories d'entreprises correspondent à celles prévues à l'article 51 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie724(*). L'appartenance à une catégorie s'appréciera au niveau de chaque personne juridique au 1er janvier 2025, sur la base du dernier exercice clos avant cette date ou, en l'absence d'un tel exercice, sur celle du premier exercice clos à compter de cette date.

Le second nouvel alinéa prévoit que les dispositions relatives à la généralisation de la facturation électronique ne pourront s'appliquer qu'après obtention de l'autorisation du Conseil européen, au titre du 1 de l'article 395 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée725(*). La précédente autorisation, obtenue le 25 janvier 2022, échoit en effet au 31 décembre 2026, ce qui ne permet pas de couvrir le calendrier prévu pour la mise en oeuvre de la facturation électronique pour les microentreprises et les PME.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN NOUVEAU REPORT DONT LE CALENDRIER DOIT ÊTRE AJUSTÉ POUR LES GRANDES ENTREPRISES

A. LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE, UNE TRANSITION BÉNÉFIQUE POUR LES ENTREPRISES ET POUR LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE À LA TVA

La commission des finances a toujours soutenu la généralisation de la facturation électronique et de la transmission des données de transaction, qui répondent à deux objectifs distincts726(*).

La facturation électronique devrait être source de simplification et de gains de productivité pour les entreprises. Missionnée par le ministère de l'économie et des finances, l'inspection générale des finances avait estimé que le coût complet d'émission d'une facture électronique était de moins d'un euro, contre plus de 10 euros pour une facture « papier »727(*).

La facturation électronique réduirait ainsi la charge administrative de constitution, d'envoi et de traitement des factures au format « papier ». En Italie, où l'obligation de facturation électronique est entrée en vigueur le 1er janvier 2019, les économies nettes pour une entreprise générant environ 3 000 factures par an seraient de 7,5 euros à 11 euros par facture728(*). Ainsi, dans le rapport remis au président de la République sur l'ordonnance du 15 septembre 2021, le Gouvernement estimait que les gains de productivité résultant de la seule facturation électronique pourraient s'élever à 4,5 milliards d'euros pour les 1,5 million de PME qui utilisent encore des factures papier729(*). Ce nouveau support pour les factures de TVA doit par ailleurs servir de support à un futur pré-remplissage des déclarations de TVA.

L'obligation de transmettre les données de transaction répond quant à elle à l'objectif d'accroître l'efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA, au moyen de recoupements automatisés à partir des données figurant sur les factures. L'Insee a ainsi estimé que les montants manquants de versement de TVA seraient de l'ordre de 20 à 26 milliards d'euros chaque année730(*). La transmission des informations figurant sur les factures doit permettre de mieux tracer les transactions avec des opérateurs de l'étranger, dans l'optique de la lutte contre la « fraude carrousel »731(*) ainsi que d'avoir une plus grande visibilité sur les transactions des entreprises vers les particuliers pour mieux évaluer la TVA due sur les ventes à distance.

Les données issues de l'expérience italienne montrent que depuis l'instauration de la facturation électronique l'écart entre la TVA qui aurait dû être perçue par l'administration fiscale italienne et celle effectivement perçue se serait réduit de deux milliards d'euros, tandis que le coût pour l'État du système d'échange des informations s'élèverait à environ 10 millions d'euros par an732(*). L'administration fiscale italienne aurait ainsi intercepté un milliard de faux crédits TVA en 2019.

C'est d'ailleurs pour ces raisons que, dans le cadre de son projet de réforme pour la TVA à l'ère du numérique, présenté au mois de décembre 2022733(*), la Commission européenne a fait part de son intention de développer la facturation électronique à l'échelle européenne.

Le fait d'avoir prévu un calendrier progressif de mise en oeuvre devait en outre permettre de limiter les coûts et les effets de transition sur les entreprises. Les avantages attendus de la mise en oeuvre de la facturation électronique devait en parallèle permettre de compenser les coûts de transition supportés par les entreprises.

B. UN DEUXIÈME REPORT POUR UN DISPOSITIF ANNONCÉ DEPUIS PLUS DE QUATRE ANS

La commission avait également approuvé le premier report de l'entrée en vigueur de la facturation électronique, pour tenir compte de la crise sanitaire et de ses conséquences sur les entreprises. Elle avait en effet admis que davantage de temps était nécessaire pour permettre aux entreprises de s'adapter et de réaliser les investissements numériques requis, mais aussi pour permettre à la DGFiP, en lien avec l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE), de proposer un portail de facturation électronique fonctionnel. Or, ce projet informatique a vu son coût être révisé à deux fois plus que son montant initial - passant de 117 millions d'euros à 231 millions d'euros734(*) - et son calendrier être allongé de 10 mois - passant de 84 mois à 94 mois735(*).

Le nouvel ajustement calendaire proposé par le présent article apparaît en revanche comme un recul du Gouvernement, qui admet par-là n'avoir pas réussi à convaincre les entreprises de se mobiliser et de se préparer à cette réforme de grande ampleur. Il n'est pas normal que, près de quatre ans après le lancement de ce projet, seulement 46 % des grandes entreprises déclarent que leurs travaux de mise en conformité sont à un stade avancé736(*).

Pourtant, une première disposition « programmatique » avait été votée en loi de finances pour 2020. La direction générale des finances publiques (DGFiP) avait également conduit une concertation avec les entreprises au deuxième trimestre 2021 pour les sensibiliser au passage de la facturation électronique, avec la création en parallèle d'un espace dédié sur le site impots.gouv.fr. Une première expérimentation avait également été annoncée par la DGFiP pour le 3 janvier 2024 et confirmée par le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui avait annoncé, dans un communiqué du 19 avril 2023, qu'une « phase de rodage » serait organisée entre les mois de janvier et de mars 2024737(*).

Cet ajustement calendaire suppose par ailleurs que le Gouvernement obtienne bien auprès du Conseil une nouvelle dérogation aux règles des articles 218 et 232 de la directive TVA du 28 novembre 2006. Sur cet aspect, le rapporteur général ne peut qu'inviter le Gouvernement à engager au plus vite cette démarche. La décision du Conseil avait été prise en un peu moins d'un an en 2022738(*). Il est par ailleurs possible que le Conseil demande, comme indiqué dans sa décision d'exécution, des éléments d'évaluation sur l'efficacité de ces mesures en matière de lutte contre la fraude fiscale, sur la simplification de la perception de la TVA et sur les effets sur les assujettis, ce qui pourrait créer un décalage supplémentaire en l'absence desdits éléments d'évaluation.

La dérogation obtenue jusqu'au 31 décembre 2026 pourrait dès lors être utilisée à meilleur escient si de premières grandes entreprises se voyaient soumettre aux obligations de facturation électronique et de transmission des données de transaction. Leur retour d'expérience serait absolument essentiel pour préparer la généralisation de cette réforme de grande ampleur, tant pour obtenir des éléments d'évaluation que pour aider au mieux les ETI et les PME à entrer dans ce dispositif : des ajustements pourraient être faits « en cours de mise en oeuvre », avec des impacts moindres pour les plus petites entreprises.

La commission a ainsi adopté un amendement n° I-208 (FINC.51) visant à prévoir, comme cela a toujours été le cas depuis 2020, une entrée en vigueur distincte pour les grandes entreprises et pour les ETI. La facturation électronique et l'obligation de transmettre les données de transaction entreraient en vigueur le 1er juillet 2025 pour les grandes entreprises et le 1er septembre 2026 pour les ETI. De cette façon, un nouveau délai d'un an est accordé aux grandes entreprises, pour qu'elles finalisent leurs investissements numériques, mais les ETI et les PME pourront bénéficier de leur retour d'expérience. Ce moindre décalage pour les grandes entreprises se justifie également par le fait qu'elles sont davantage préparées à cette échéance.

Surtout, fixer l'échéance au 1er juillet 2025 laisserait le temps nécessaire à l'expérimentation proposée par la DGFiP début 2024 et à la « phase de rodage » annoncée par le ministère. Il est par ailleurs temps, quatre ans après le vote de la première disposition en loi de finances pour 2020, que la facturation électronique entre en vigueur. Les enjeux sont réels, tant pour les entreprises que pour les recettes publiques. Dans le cadre de son plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques739(*), le Gouvernement estime que trois milliards d'euros de recettes supplémentaires de TVA pourraient être collectés chaque année d'ici 2027 grâce à la mise en place de la facturation électronique (mesure n° 1 du plan). Le contexte dégradé des finances publiques et l'importance de lutter plus efficacement contre la fraude fiscale doivent inviter le Gouvernement et le Parlement à trouver un meilleur équilibre pour l'entrée en vigueur de cette réforme.

Enfin, la commission s'étonne de la démarche du Gouvernement, qui a annoncé à l'été aux entreprises un décalage du calendrier comme s'il était acté, avant même l'intervention du Parlement. Le rapporteur général rappelle que l'entrée en vigueur de la réforme relève du domaine de la loi. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'amendement n° I-208 (FINC.51) supprime également la possibilité pour le Gouvernement de décaler d'un trimestre et par décret l'entrée en vigueur de la facturation électronique. Non seulement un nouveau report n'apparaît pas justifié, mais s'il devait advenir, en cas d'aléas majeurs, il devrait être validé par le Parlement.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 11

Adaptation des tarifs d'accise sur les énergies

Le présent article prévoit :

- d'une part de proroger en 2024 le dispositif visant à minorer les tarifs d'accise sur l'électricité à leurs niveaux minimums autorisés par le droit de l'Union européenne ;

- d'autre part de rendre possible le relèvement du tarif normal de l'accise sur le gaz naturel à usage combustible dans la limite de 8 euros par mégawattheure (MWh).

La minoration non ciblée des tarifs de l'accise sur l'électricité au coût exorbitant de 10 milliards d'euros par an, bénéficiant avant tout aux ménages les plus aisés, ne peut pas être reconduite en l'état. Génératrice d'effets d'aubaines massifs, elle est en flagrante contradiction avec les promesses de sortie du « quoi qu'il en coûte » et d'une gestion des deniers publics « à l'euro prêt ». Au regard de la situation dégradée de nos finances publiques, elle n'est plus soutenable. Pour les particuliers, il convient ainsi de substituer à cette mesure non ciblée une aide renforcée concentrée sur les foyers modestes et les classes moyennes. L'amendement n° I- 209 (FINC.52) de la commission entend ainsi supprimer pour les particuliers cette minoration fiscale indiscriminée pour lui substituer, via un second amendement qui sera déposé sur la deuxième partie du texte, une aide renforcée et ciblée.

Concernant la mesure portant sur l'accise sur le gaz naturel, les conséquences du relèvement proposé du tarif en termes de recettes budgétaires et sur le prix pour les personnes consommant du gaz naturel sont trop importantes pour que le Parlement puisse donner un blanc-seing au Gouvernement. L'adaptation de la mesure aux dernières prévisions d'inflation ne justifie pas que le législateur doive se satisfaire d'une fourchette située entre 0 et 1,9 milliard d'euros laissée à l'appréciation du pouvoir exécutif. Il est indispensable que le Gouvernement énonce clairement le tarif qu'il souhaite retenir. Pour cette raison, il est proposé de supprimer le II de l'article 11, par un amendement n° I- 210 (FINC.53).

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LES ACCISES SUR L'ÉLECTRICITÉ ET SUR LE GAZ NATUREL

A. EN 2022 ET EN 2023, POUR UN COÛT DE PRÈS DE 20 MILLIARDS D'EUROS, LA MINORATION DES TARIFS DE L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ A CONTRIBUÉ À ALLÉGER LA FACTURE D'ÉLECTRICITÉ DES CONSOMMATEURS PARTICULIERS ET PROFESSIONNELS

1. La fiscalité sur l'électricité

a) L'accise sur l'électricité

Depuis le 1er janvier 2022, l'ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), est devenue la « fraction perçue sur l'électricité » de « l'accise sur les énergies » dont les dispositions législatives sont définies aux articles L. 312-1 à L. 312-107 du code des impositions sur les biens et services (CIBS).

Les taxes départementale et communale sur la consommation finale d'électricité ont quant-à-elles été réformées par l'article 54 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Elles ont été intégrées (à leur niveau plafond) à l'accise sur l'électricité en tant que majoration de celle-ci. Le produit de ces taxes continue d'être perçu par douzièmes par les collectivités territoriales au moyen du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales ».

Le fait générateur de cette accise correspond à la livraison de l'électricité par un fournisseur à un utilisateur final. La taxe est exigible au moment de cette livraison. Les redevables de cette accise sont les fournisseurs d'électricité, à savoir les personnes qui produisent ou achètent de l'électricité en vue de la revendre à un consommateur final et les personnes qui produisent de l'électricité et l'utilisent pour leurs propres besoins.

Elle est assise sur la quantité d'électricité fournie ou consommée, exprimée en mégawattheures (MWh). Depuis le 1er janvier 2023, et après l'intégration de la taxe communale, ses tarifs normaux, présentés à l'article L. 312-37 du CIBS, sont de 32,0625 euros le MWh pour les ménages et les petites entreprises, 25,6875 euros le MWh pour les petites et moyennes entreprises et 22,5 euros le MWh pour les entreprises dont la puissance de l'électricité fournie dépasse les 250 kilovoltampères (kVA).

Tarifs normaux de l'accise sur l'électricité

(en euros par MWh)

Catégories fiscales

(prévues à l'article L. 312-24 du CIBS)

Tarif normal en 2023

Ménages (puissance inférieure ou égale à 250 kVA) et assimilés (puissance inférieure ou égale à 36 kVA)

32,0625

Petites et moyennes entreprises

(puissance inférieure ou égale à 250 kVA)

25,6875

Haute puissance

(supérieure à 250 kVA)

22,5

Source : commission des finances du Sénat

L'accise sur l'électricité est encadrée par les dispositions de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité. Cette directive fixe notamment, au tableau C de son annexe 1, les niveaux minimum de taxation de 0,5 euro par MWh pour les consommations professionnelles et 1 euro par MWh pour les consommations non professionnelles, ainsi que, à son article 5, les exonérations et taux de taxation différenciés compatibles avec le droit de l'Union européenne (UE).

En conformité avec la norme européenne, le CIBS prévoit des exonérations de l'accise pour :

- l'électricité utilisée pour produire elle-même de l'électricité (article L. 312-32 du CIBS) ;

- les doubles usages définis par le droit de l'Union européenne740(*) (article L. 312-66 du CIBS) ;

- les procédés minéralogiques et la production de biens très intensive en électricité (articles L. 312-67 et L. 312-68 du CIBS) ;

- l'électricité produite à bord des bateaux (article L. 312-57 du CIBS) ;

- l'électricité produite par de petits producteurs d'électricité qui la consomment intégralement pour les besoins de leur activité (article L. 312-17 du CIBS) ;

- les achats d'électricité effectués par les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité pour les besoins de la compensation des pertes inhérentes aux opérations de transport et de distribution de l'électricité (article L. 312-13 du CIBS).

Le CIBS prévoit aussi, toujours en conformité avec le droit de l'Union européenne, une série de tarifs réduits destinés à soutenir l'activité de secteurs économiques qui sont de grands consommateurs d'électricité. L'instauration de tels tarifs, constitutifs d'une aide d'État, doit faire l'objet d'une approbation préalable par la Commission européenne.

Actuellement, il est notamment prévu que, pour les personnes qui exercent une activité de transport de personnes et de marchandises par train, métro, tramway, câble, autobus hybride rechargeable ou électrique et trolleybus, le tarif applicable à la consommation d'électricité réalisée pour les besoins de ces activités soit fixé à 0,5 euro par MWh (articles L. 312-50 et L. 312-51 du CIBS).

Des tarifs réduits sont aussi prévus, à l'article L. 312-71 du CIBS, pour les personnes qui exploitent des installations industrielles situées au sein de sites industriels électro-intensifs ou d'entreprises industrielles électro-intensives741(*).

Ainsi, le tableau de l'article L. 312-65 du CIBS dispose-t-il que les tarifs d'accise sur l'électricité des sites industriels et entreprises électro-intensifs sont fixés à :

- 2 euros par MWh si la consommation du site ou de l'entreprise est strictement supérieure à 3 kilowattheures (kWh) par euro de valeur ajoutée ;

- 5 euros par MWh si la consommation du site ou de l'entreprise est comprise entre 1,5 et 3 kWh par euro de valeur ajoutée ;

- 7,5 euros par MWh si la consommation du site ou de l'entreprise est strictement inférieure à 1,5 kWh par euro de valeur ajoutée.

Pour les personnes qui exploitent des installations « hyperélectro-intensives » et fortement exposées à la concurrence internationale (article L. 312-73 du CIBS), le tarif applicable pour les besoins de ces installations est fixé à 0,5 euro par MWh. Ces installations sont celles dont la consommation est supérieure à 6 kWh par euro de valeur ajoutée et appartenant à un secteur dont l'intensité des échanges avec les pays tiers est supérieure à 25 %.

Les installations exposées à un risque important de fuite de carbone sont aussi concernées par des tarifs réduits, de même qu'une partie de l'électricité consommée par les centres de stockage de données numériques (article L. 312-70 du CIBS).

Un tarif réduit de 7,5 euros par MWh est également appliqué à l'électricité consommée par les exploitants d'aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique, dont la consommation totale d'électricité est supérieure à 222 wattheures (Wh) par euro de valeur ajoutée (article L. 312-59 du CIBS).

Un tarif réduit de 0,5 euro par MWh existe pour la fourniture d'électricité aux navires stationnant à quai dans les ports (article L. 312-56 du CIBS).

Enfin, sur le même modèle, l'article 27 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 dispose qu'un taux réduit de 0,5 euro par MWh s'applique à l'électricité fournie aux aéronefs durant leur stationnement dans les aérodromes. L'entrée en vigueur de ce taux réduit doit intervenir à une date fixée par décret après la validation du dispositif par la Commission européenne.

b) La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et la contribution tarifaire d'acheminement (CTA)

(1) La TVA sur l'électricité

Deux taux de TVA s'appliquent en matière d'électricité :

- un taux réduit de 5,5 % est appliqué aux abonnements pour des puissances souscrites inférieures ou égales à 36 kVA ainsi que sur la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) pour ce même niveau de puissance ;

- le taux normal de 20 % s'applique quant à lui à la consommation d'électricité, à l'accise sur l'électricité, aux abonnements pour une puissance souscrite supérieure à 36 kVA et à la CTA pour ce même niveau de puissance.

La TVA représente environ 15 % de la facture d'électricité d'un ménage.

(2) La contribution tarifaire d'acheminement (CTA)

Instaurée par l'article 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz naturel et aux entreprises électriques et gazières, la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) sert à financer les droits spécifiques relatifs à l'assurance vieillesse des personnels des entreprises de réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel pour leurs droits acquis avant l'adossement au régime général intervenu le 1er janvier 2005. Les tarifs de la CTA sont fixés par arrêté ministériel.

Prévus par l'arrêté du 20 juillet 2021 relatif aux taux de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel, les taux en vigueur sont les suivants :

- 10,11 % pour les consommateurs raccordés au réseau public de transport d'électricité ou à un réseau public de distribution d'électricité de tension supérieure ou égale à 50 kilovolts ;

- 21,93 % pour les autres consommateurs raccordés aux réseaux publics de distribution d'électricité.

La CTA représente environ 4 % de la facture d'électricité d'un ménage.

c) Habituellement, la fiscalité représente environ un tiers des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE)

D'après la Commission de régulation de l'énergie (CRE), au sein des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE), la fiscalité représente habituellement un peu plus d'un tiers du prix payé par le consommateur.

Postes de coûts couverts par la facture au tarif réglementé de vente d'électricité pour un client résidentiel en 2021

Source : commission des finances du Sénat d'après l'observatoire des marchés de détail de l'électricité et du gaz naturel, Commission de régulation de l'énergie, juillet 2021

En 2022 comme en 2023, du fait de la minoration des tarifs d'accise sur l'électricité à leur plus bas niveau autorisé par le droit de l'Union européenne, la part de la fiscalité dans les TRVE s'est repliée à moins de 20 %.

2. En 2022 et en 2023, pour près de 20 milliards d'euros, le volet fiscal du bouclier tarifaire a consisté en une minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne

En raison de la crise des prix de l'énergie qui s'est déclarée à partir de l'automne 2021, des dispositifs d'accompagnement des consommateurs d'électricité ont été mis en place, au premier rang desquels les mesures dites de « bouclier tarifaire » sur les prix de l'électricité.

Pour 2022 comme 2023, ce bouclier comportait un volet fiscal qui s'est matérialisé par la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité à leurs niveaux minimum autorisés par le droit de l'Union européenne. Les coûts de cette minoration ont été estimés à environ 8 milliards d'euros au titre de 2022 puis 10 milliards d'euros au titre de 2023742(*), soit un montant global de pertes de recettes pour l'État d'environ 18 milliards d'euros.

Comme ce fut le cas en 2022 en application des dispositions de la LFI pour cette même année, l'article 64 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a ainsi prévu que les tarifs de l'accise sur l'électricité soient minorés en 2023 à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne, soit 1 euro/MWh pour les particuliers et 0,5 euros/MWh pour les professionnels.

Comparaison des tarifs d'accise sur l'électricité prévus au CIBS avec les tarifs minorés en 2023 en application de l'article 64 de la loi de finances initiale pour 2023743(*)

(en euros par MWh)

Dénomination du tarif

Tarifs normaux et réduits

Tarifs minorés en 2023

Tarifs normaux

Ménages et assimilés

32,0625

1

Petites et moyennes entreprises

25,6875

0,5

Haute puissance

22,5

0,5

Activités de transports

Transport guidé de personnes et de marchandises

0,5

0,5

Transport collectif routier de personnes

0,5

0,5

Alimentation à quai des engins flottants

0,5

0,5

Production à bord des navires

0,5

0,5

Exploitation des aérodromes

7,5

0,5

Procédés et activités industriels autres que ceux des entreprises électro-intensives

Doubles usages

0

0

Fabrication de produits minéraux non métalliques

0

0

Production de biens très intensive en électricité

0

0

Centre de stockage de données

12

0,5

Entreprises électro-intensives

Niveau d'électro-intensivité au moins égal à 0,5 %

7,5

0,5

Niveau d'électro-intensivité au moins égal à 3,375 %

5

0,5

Niveau d'électro-intensivité au moins égal à 6,75 %

2

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 0,5 %

5,5

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 3,375 %

2,5

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 6,75 %

1

0,5

Concurrence internationale et électro-intensivité 13,5 %

0,5

0,5

Tarifs particuliers

Electricité directement consommée par de petits producteurs

0

0

Source : commission des finances du Sénat

Évolution du rendement de l'accise sur l'électricité (2017-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. LE TARIF DE L'ACCISE SUR LE GAZ FAIT L'OBJET D'UNE MINORATION CALCULÉE À PARTIR DU GAZ PRODUIT À PARTIR DE BIOMASSE INJECTÉ DANS LE RÉSEAU

Depuis le 1er janvier 2022, l'ancienne taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), est devenue la « fraction perçue sur le gaz naturel » de l'accise sur les énergies.

Auparavant, l'article 67 de la loi de finances pour 2020744(*) avait déjà procédé à l'intégration de tous les usages du gaz naturel au sein de la TICGN : quel que soit l'usage, combustible ou carburant, le fait générateur, l'exigibilité, la liquidation ou l'acquittement sont unifiés.

Jusqu'au 1er janvier 2020, l'imposition du gaz naturel dépendait de son usage : utilisé comme combustible, c'est-à-dire brûlé en vue de produire directement de la chaleur, l'imposition du gaz naturel relevait de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN).

Utilisé comme carburant, c'est-à-dire brûlé pour produire une énergie mécanique, le gaz naturel relevait de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Le biogaz est utilisé comme carburant pour des véhicules de flottes captives (autobus, etc) fonctionnant au gaz naturel véhicule (GNV) - il s'agit du « bioGNV ».

La différenciation de la taxation du gaz naturel selon son usage constituait une source de complexité fiscale pour les redevables, les règles régissant les deux taxations étant différentes - s'agissant d'une part du fait générateur et de l'exigibilité des taxes, qui interviennent pour la TICGN en aval du circuit de distribution et pour la TICPE en amont de ce circuit, et s'agissant de leurs calendriers de déclaration, d'autre part, différents alors qu'il s'agit des mêmes produits.

Source : commission des finances

Les tarifs de l'accise n'en restent pas moins distincts selon que le gaz est utilisé comme carburant ou comme combustible.

Pour 2023, le tarif normal du gaz utilisé comme carburant est de 5,23 euros/MWh en application de l'article L. 312-35 du CIBS, et il est de 8,45 euros/MWh lorsqu'il est utilisé comme combustible selon l'article L. 312-36 du CIBS. Le présent article ne change rien au tarif « carburant », et donc les développements suivants porteront uniquement sur le versant « combustible » de l'accise.

Le tarif de l'accise pour les gaz naturels combustibles fait l'objet d'une minoration. En effet, l'article L. 312-36 du CIBS prévoit que pour obtenir le tarif « effectif », il est nécessaire de soustraire du tarif indiqué le quotient entre :

- au numérateur, la quantité d'hydrocarbures à l'état gazeux, autres que le gaz naturel, produits à partir de la biomasse injectée en France dans les réseaux de gaz naturel ;

- au dénominateur, la consommation de gaz fournie en France par les réseaux de gaz naturel.

Ces quantités sont évaluées au cours de la deuxième année qui précède celle de l'application du tarif. Le tarif qui résulte de cette minoration est constaté par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'économie. Il est applicable à tous les consommateurs de gaz naturels qui ne bénéficient pas d'un tarif réduit.

En 2023, le tarif est minoré de 0,8 euros/MWh, et donc le tarif effectif est de 8,37 euros/MWh.

Tarifs normaux de l'accise sur le gaz (ex-TICGN)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Tarif non minoré

4,34

5,88

8,45

8,45

8,45

8,45

8,45

8,45

Tarif minoré

-

-

-

-

-

8,43

8,41

8,37

Note : la minoration prévue à l'article 61 de la loi de finances initiale pour 2021 est appliquée depuis le 1er janvier 2021

Source : commission des finances

Cette minoration est issue de l'article 61 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Avant cette disposition, le biogaz injecté dans les réseaux de gaz faisait l'objet d'une exonération de TICGN745(*).

La loi de finances initiale pour 2021746(*) a transformé cette exonération en une « forfaitisation », qui se traduit par une minoration du tarif du gaz naturel pour l'ensemble des consommateurs. La quantité d'hydrocarbures à l'état gazeux produits à partir de la biomasse injectée en France dans les réseaux de gaz naturel conduit à une minoration du tarif du gaz naturel.

La raison de la mise en place de cette forfaitisation était qu'il est très difficile d'assurer la traçabilité du biogaz injecté dans les réseaux, et donc que l'exonération ouvrait la voie à des fraudes.

En effet, le dispositif des garanties d'origine ne fonctionne qu'au niveau national. Par conséquent, dans un contexte de forte interconnexion des réseaux, l'application de l'exonération entraînait des risques importants de fraudes, comme le double comptage du biogaz au niveau de différents États membres de l'Union européenne.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RECONDUCTION DE LA MINORATION DES TARIFS DE L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ ET L'AUGMENTATION DU TARIF DE L'ACCISE SUR LE GAZ NATUREL

A. LA RECONDUCTION EN 2024 DE LA MINORATION DES TARIFS DE L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ À LEURS NIVEAUX MINIMUMS AUTORISÉS PAR LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

Le I du présent article prévoit de proroger du 1er février 2024 au 31 janvier 2025 la minoration des tarifs de l'accise sur l'électricité à leurs niveaux minimums autorisés par le droit de l'Union européenne.

Pour ce faire, le premier alinéa de l'article prévoit que l'ensemble des tarifs qui ne sont pas nuls au 31 janvier 2024 soient abaissés à leur niveau minimum permis par la réglementation européenne.

Aussi, le 1° du I de l'article prévoit-il que les consommations relevant de la catégorie fiscale « ménages et assimilés » définie à l'article L. 312-24 du code des impositions sur les biens et services (CIBS), se voient appliquer un tarif de 1 euro par MWh. En vertu de l'article L. 312-24 du code précité, ce tarif concerne d'une part les activités non économiques pour des puissances sous lesquelles l'électricité est fournie qui sont égales ou inférieures à 250 kVA et d'autre part les activités économiques pour des puissances égales ou inférieures à 36 kVA.

Le 2° du I de l'article prévoit quant à lui que toutes les autres consommations, notamment celles des entreprises dont la puissance sous laquelle l'électricité est fournie est supérieure à 36 kVA, bénéficient d'un tarif de 0,5 euro par MWh.

B. L'ARTICLE OUVRE LA POSSIBILITÉ D'UN QUASI-DOUBLEMENT DU TARIF D'ACCISE DU GAZ NATUREL

Par ailleurs, le II du présent article remplace le troisième alinéa de l'article L. 312-36 du code des impositions sur les biens et services par la disposition selon laquelle le tarif normal de la TICGN peut être majoré par arrêté du ministre chargé du budget. L'arrêté doit être pris au plus tard le 31 décembre 2023, et ne peut excéder 16,37 euros par mégawattheure.

Un tarif de 16,37 euros par mégawattheure correspondrait à un relèvement de 8 euros du tarif normal applicable en 2023.

Dans l'évaluation préalable de l'article, le Gouvernement justifie le renvoi à un arrêté plutôt qu'une inscription directe du tarif dans la loi par la nécessité d'évaluer plus précisément l'évolution des prix hors taxes avant la détermination du tarif applicable en 2024.

Le remplacement du troisième alinéa de l'article L. 312-32 du CIBS conduit également à la disparition de la forfaitisation de l'exonération d'accise sur le biogaz injecté dans le réseau de gaz naturel.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Cet article n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. LE COÛT ET LES EFFETS D'AUBAINE ASSOCIÉS À LA PROLONGATION DE LA MINORATION DES TARIFS DE L'ACCISE SUR L'ÉLECTRICITÉ, UNE MESURE NON CIBLÉE ET DISPENDIEUSE, JUSTIFIENT QUE, POUR LES PARTICULIERS, LUI SOIT SUBSTITUÉE UNE AIDE RÉSERVÉE AUX MÉNAGES QUI EN ONT VÉRITABLEMENT BESOIN

1. En baisse, les prix de l'électricité se maintiennent néanmoins à un niveau élevé

Si les prix de l'électricité sur les marchés de gros ont nettement diminués depuis leur pic de la fin de l'été 2022, ils restent néanmoins nettement plus élevés que leur niveau moyen d'avant crise, qui oscillait autour de 50 euros/MWh.

Évolution des prix de l'électricité à terme entre les mois d'octobre 2022 et 2023

Source : site internet du courtier Opéra énergie

Depuis le début de l'année 2023, les prix de gros de l'électricité en France pour une livraison en 2024 se sont ainsi élevés en moyenne à 177 euros/MWh même s'ils sont en baisse depuis le mois de juillet et qu'ils se sont repliés sous les 130 euros/MWh en octobre.

Évolution des prix de l'électricité pour les contrats à terme d'un an entre les mois de janvier et d'octobre 2023

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Au printemps et à l'été 2023, à l'instar du phénomène observé en 2022 lors du pic historique des prix de l'électricité, les prix de gros en France ont affiché des niveaux très supérieurs à ceux qui pouvaient être observés chez nos principaux partenaires européens. Cet écart s'est depuis largement résorbé et, comme l'illustre le graphique ci-après, les prix en France ont rejoint à la fin de l'été la moyenne observée chez nos voisins.

Comparaison de l'évolution des prix de l'électricité en Europe pour les contrats à terme d'un an entre les mois de février et d'octobre 2023

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Le rapport annuel de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) et du Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) du mois de septembre dernier illustre le fait qu'en Europe, en 2023, le prix moyen de l'électricité payé par les consommateurs finals demeure significativement plus élevé que son niveau d'avant crise.

Évolution des prix de l'électricité pour le consommateur final en moyenne

Source : rapport annuel de l'ACER et CEER de septembre 2023

2. Une minoration non ciblée au coût exorbitant : 10 milliards d'euros

À l'instar du coût pour les finances publiques qui a été celui de cette disposition en 2022 puis en 2023, la prorogation en 2024 de la minoration des tarifs d'accise sur l'électricité telle qu'elle est prévue par le présent article devrait se traduire pour l'État par une perte de recettes d'environ 10 milliards d'euros, soit un montant équivalent au budget annuel du ministère de la justice.

L'estimation produite au sein de l'évaluation préalable fait état d'une perte de recettes de 7,5 milliards d'euros en 2024 puis d'une autre de 2 milliards d'euros en 2025.

Ainsi, sur la période 2022-2025, les dispositions prises en LFI pour 2022, 2023 et 2024 visant à minorer les tarifs de l'accise sur les énergies se seraient traduites par une perte de recettes cumulée de plus de 27 milliards d'euros.

3. Un usage sérieux et raisonné des deniers publics impose, pour les particuliers, de substituer à cette mesure générale, un dispositif d'aide réservé aux ménages qui en ont réellement besoin

Le projet de loi de finances prévoit un déficit de 144 milliards d'euros, dans un contexte de hausse des taux et d'alourdissement sans précédent de la charge de la dette dans les prochaines années. Malgré cela, le présent article entend proroger un dispositif indifférencié d'aide à la consommation d'électricité de 10 milliards d'euros, qui profite d'abord aux ménages les plus aisés les plus consommateurs d'électricité et génère des effets d'aubaine massifs. Le maintien d'un tel dispositif est en contradiction flagrante avec les affirmations maintes fois répétées de la sortie du « quoi qu'il en coûte » et d'une gestion des finances publiques à « l'euro près ».

Du fait notamment de l'adoption de mesures extrêmement coûteuses, non ciblées et fortement génératrices d'effets d'aubaine, d'après un rapport de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER) du 14 juillet dernier, la France se classe au deuxième rang européen en ce qui concerne le coût budgétaire des mesures de soutien aux ménages prises dans le cadre de la crise des prix de l'énergie. Celles-ci auraient déjà représenté 4,2 % de son PIB contre 2,5 % en moyenne dans l'Union européenne (UE).

Toujours en juillet dernier, le Conseil d'analyse économique (CAE) a recommandé dans une note de mettre fin aux mesures de soutien sur les prix de l'électricité pour les ménages les plus aisés afin de réduire leur coût budgétaire et d'encourager la sobriété énergétique. Il proposait notamment de substituer aux mesures de soutien non ciblées un chèque énergie exceptionnel réservé aux foyers modestes. En effet, selon le CAE, cette option se révèlerait plus optimale : « des résultats similaires, sinon meilleurs, pourraient être obtenus avec une politique sous condition de ressources qui ne subventionnerait pas la consommation des ménages relativement insensibles aux variations des prix de l'énergie, et pourrait en revanche protéger les ménages à faible revenu de la précarité énergétique ».

Le 24 mai dernier, dans ses recommandations faites à la France dans le cadre de la procédure du semestre européen, la Commission européenne s'est montrée particulièrement critique sur le coût des mesures non ciblées prises par la France dans le cadre de la crise des prix de l'énergie. Elle conseillait à la France de supprimer rapidement les dispositifs d'aide non ciblés afin de réduire son déficit budgétaire.

Le maintien de mesures non ciblées, extrêmement coûteuses pour les finances publiques et desquelles résultent des effets d'aubaine de plusieurs milliards d'euros n'est plus soutenable. C'est pour cette raison que l'amendement n° I- 209 (FINC.52) de la commission entend annuler la reconduction indifférenciée de cette baisse d'impôt pour lui substituer une aide ciblée et renforcée sur les ménages modestes ainsi que les classes moyennes. Cette aide prendra la forme d'un chèque énergie qui sera introduit dans le texte par un amendement déposé en deuxième partie de ce projet de loi de finances.

Cette mesure évitera les effets d'aubaine et fera un usage plus efficace et nettement moins dispendieux des deniers publics. Cette proposition renforcera par ailleurs significativement le soutien aux personnes qui souffrent de la hausse des prix de l'électricité en leur octroyant une aide très significativement supérieure à celle qui résulterait d'une mesure fiscale indifférenciée qui bénéficierait surtout aux ménages les plus aisés.

B. LA HAUSSE DES TARIFS DU GAZ NATUREL VISE À RAPPROCHER LES PRIX DU GAZ DE CEUX DE L'ÉLECTRICITÉ

1. L'augmentation des tarifs au maximum autorisé conduirait à un quasi-doublement du rendement de l'accise sur le gaz

Le rendement de l'accise sur le gaz naturel est systématiquement supérieur à 2 milliards d'euros. Le rendement de l'accise a connu un sommet en 2019, où son montant était de 2,41 milliards d'euros.

D'après l'évaluation préalable de l'article 11, le rendement associé à une majoration du tarif normal d'accise de 1 euro s'élève à 237,5 millions d'euros. Une augmentation de 8 euros du tarif de l'accise conduirait ainsi à une augmentation du rendement de la taxe 1,9 milliard d'euros.

En retenant l'hypothèse que le Gouvernement retienne un tarif de 16,37 euros/MWh, le rendement total de l'accise en 2023 serait de 4 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 92,3 % du rendement en 2024 par rapport au rendement prévisionnel de 2023, soit un quasi-doublement de la taxe.

Évolution du rendement de l'accise sur le gaz naturel (2018-2024)

(en millions d'euros)

Note : les remboursements et dégrèvements ne sont pas inclus dans ces chiffrages.

Source : commission des finances

2. L'augmentation des tarifs est justifiée pour éviter que le prix du gaz naturel soit trop avantageux par rapport à celui de l'électricité

L'impact de la hausse du tarif serait significatif pour les consommateurs de gaz naturel. En 2021, il est estimé que 30 % des maisons individuelles et 54 % des logements collectifs (au chauffage collectif) utilisent le gaz comme énergie de chauffage. Or, pour une maison de 100 m2 chauffée au gaz, le coût supplémentaire de l'augmentation maximale du tarif serait environ de 124 euros d'accise par an.

L'augmentation importante de la fiscalité du gaz est parfois justifiée par la diminution des prix de ce dernier sur la période récente. Cette diminution fait cependant suite à une forte augmentation des prix depuis 2021.

Les prix de gros européens du gaz naturel ont en effet progressé à partir du printemps 2021, en raison des facteurs conjugués d'une demande importante (reprise économique à la suite de la crise sanitaire) et d'une offre contrainte (saturation des capacités en Algérie et en Norvège).

La guerre en Ukraine a ensuite conduit à une hausse inédite des prix du gaz : le prix sur le cours spot européen de référence pour le gaz (TTF néerlandais) est passé de 73 euros le MWh le 13 février 2022 à 193 euros le MWh le 27 févier, et ils ont ensuite fortement remonté le reste de l'été, jusqu'à atteindre 310 euros/MWh le 26 août. Les prix étaient redescendus en septembre et en octobre (fin septembre 2022, les prix du gaz s'élevaient à 102,18 euros/MWh), mais restaient nettement plus élevés qu'en 2021.

Au cours de l'année 2023, le prix du gaz a poursuivi sa tendance baissière engagée à la fin de l'année 2022. Ainsi, au 10 avril 2023, il était à 42,6 euros par MWh, contre 60,5 euros par MWh au 5 janvier 2023 (marché « day-ahead »).

Le prix du gaz a toutefois connu une remontée récente sur le dernier mois et le prix à la livraison pour 2024 se situe à la mi-octobre à 52 euros/MWh. La DGEC souligne dans ses réponses que le contexte géopolitique au Moyen-Orient « entraîne une inquiétude sur les marchés et une augmentation des prix ».

Outre la situation au Moyen-Orient, une reprise de la demande en Chine pourrait également créer des tensions sur le marché du gaz. Il faut également rappeler que les prix actuels restent toujours nettement plus élevés que ceux qui étaient constatés au début 2021 (aux alentours de 25 euros/MWh).

L'augmentation des tarifs de l'accise sur le gaz n'est donc pas justifiée par des prix du gaz qui seraient trop faibles dans l'absolu, mais pour éviter un écart trop important par rapport aux prix de l'électricité.

Comme indiqué supra, les prix de l'électricité sont en moyenne de 177 euros/MWh en 2023 pour une livraison en 2024, contre 50 euros/MWh avant la crise. Par ailleurs, le tarif normal d'accise sur le gaz naturel est près de quatre fois inférieur à celui applicable à l'électricité (32,0625 euros/MWh pour l'électricité contre 8,37 euros/MWh pour le gaz).

L'augmentation du tarif sur le gaz doit ainsi permettre que cette énergie ne devienne pas trop attractive par rapport à l'électricité. Or, d'un point de vue environnemental, le gaz demeure une énergie à l'empreinte carbone élevée.

Par ailleurs, il s'agit d'une énergie qui est pour l'essentiel importée, contrairement notamment au nucléaire ou aux énergies renouvelables. Un prix du gaz trop avantageux par rapport au prix de l'électricité présente donc de risques.

L'augmentation des tarifs du gaz peut donc se justifier, même si elle doit faire l'objet d'un suivi renforcé. Il est en particulier indispensable de s'assurer que ses effets sur les ménages modestes soient atténués, ce qui suppose de s'assurer de l'efficacité du chèque énergie. Le sénateur Christine Lavarde avait ainsi formulé plusieurs recommandations à ce sujet dans son rapport d'information relatif aux dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie747(*).

3. La fin de la minoration pour le biogaz injecté dans le réseau de gaz naturel est la conséquence du caractère symbolique de cette mesure

Enfin, l'article supprime la minoration pour l'injection d'hydrocarbures à l'état gazeux produits à partir de la biomasse. Il est regrettable que l'évaluation préalable de l'article 11 se borne à indiquer cette suppression, sans indiquer aucune raison à celle-ci. Cela illustre toutefois le fait que la forfaitisation de l'exonération de taxe sur le biogaz avait des effets plus symboliques que réels.

En effet, la forfaitisation décidée par la loi de finances pour 2021 actait en réalité la fin de la différenciation fiscale entre le gaz et le biogaz, dans la mesure où le tarif résultant était identique pour toute consommation de gaz en tant que combustible. L'influence de la minoration sur le développement du biogaz était donc pratiquement nulle, et le mécanisme servait surtout à masquer la fin de l'exonération de TICGN pour le biogaz. Il n'y a donc pas de réelles conséquences à la suppression de la minoration.

Le retour de l'exonération fiscale sur le biogaz n'est cependant pas souhaitable, en raison des risques importants de fraude qui ont été soulignés supra.

Le gaz au sens large doit jouer un rôle dans la transition écologique, mais il est préférable de soutenir la production de biométhane à partir de dispositifs qui présentent moins de risques qui sont davantage ciblés.

4. Au regard des sommes qui en sont en jeu, le renvoi de la détermination du tarif du gaz à un arrêté ne respecte pas la compétence du législateur

Le renvoi de la détermination du tarif à un arrêté, alors que l'augmentation de l'imposition peut aller de 0 à 1,9 milliard d'euros ne semble pas compatible avec la compétence du législateur.

Il faut rappeler premièrement que le Conseil constitutionnel peut censurer une disposition législative au motif d' « incompétence négative », c'est-à-dire du non-exercice par le Parlement de sa compétence. La matière fiscale ne fait pas exception. Par exemple, dans sa décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987, portant sur la loi de finances rectificative pour 1987, le Conseil a considéré qu'en « s'en remettant à la seule décision des chambres de commerce et d'industrie du soin de fixer le taux de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle instituée pour pourvoir aux dépenses ordinaires de ces organismes, le législateur est resté en deçà de la compétence qui est la sienne en vertu de l'article 34 de la Constitution »748(*).

Au-delà de la question juridique, les conséquences du relèvement du tarif en termes de recettes budgétaires, et sur le prix pour les personnes consommant du gaz naturel, sont trop importantes pour que le Parlement puisse donner un blanc-seing au Gouvernement. L'adaptation de la mesure aux dernières prévisions d'inflation ne justifie pas que le législateur doive se satisfaire d'une fourchette située entre 0 et 1,9 milliard d'euros.

Il est indispensable que le Gouvernement énonce le clairement le tarif qu'il souhaite retenir et que le Parlement puisse exprimer sa volonté par un vote. Pour cette raison, il est proposé de supprimer le II de l'article 11, par un amendement n° I- 210 (FINC.53).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 12

Réduction progressive de dépenses fiscales défavorables
à l'environnement

Le présent article prévoit :

- l'alignement progressif, d'ici à 2030, du tarif réduit d'accise sur les énergies appliqué au gazole non routier (GNR) utilisé pour des activités non agricoles ;

- l'augmentation du tarif réduit d'accise dont bénéficie le secteur agricole sur ses consommations de gazole non routier, à raison de 2,85 euros / MWh par an, jusqu'à ce que le tarif de 23,86 euros / MWh soit atteint à compter du 1er janvier 2030 ;

- la modification de l'article 73 du code général des impôts, à compter du 1er janvier 2024, pour que soient relevés les plafonds de la déduction pour épargne de précaution (DEP) des agriculteurs ;

- la suppression d'une série de tarifs réduits d'accise sur les énergies dont bénéficient les entreprises grandes consommatrices d'énergie relevant du système d'échange de quotas de gaz à effet de serre pour leur consommation d'énergies d'origine fossile ;

- la suppression, à horizon 2027, des tarifs nuls d'accise sur les énergies appliqués à la consommation de charbon utilisée pour la valorisation de la biomasse ainsi qu'aux énergies fossiles employées dans le cadre des secteurs de la construction navale et aéronautique ;

- la mise à jour du code des impositions sur les biens et services pour tenir compte d'évolutions récentes du droit de l'Union européenne.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE TARIF DE L'ACCISE APPLIQUÉE AU GAZOLE NON ROUTIER (GNR) NON AGRICOLE DEVAIT ÊTRE ALIGNÉ SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER À COMPTER DU 1ER JANVIER 2024

1. Une dépense fiscale d'un milliard d'euros

L'article 8 de la directive 2003/96/CE du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et l'électricité autorise les États membres de l'Union européenne à instaurer des niveaux de taxation réduits pour les carburants qualifiés de « carburants sous conditions d'emploi » ou « carburants non routiers », c'est-à-dire pour les carburants utilisés pour le fonctionnement des moteurs qui ne sont pas destinés à la propulsion des véhicules sur route. Aussi, ces tarifs réduits ne constituent-ils pas une aide d'État au sens du droit européen de la concurrence. Les carburants sous condition d'emploi concernent notamment les travaux agricoles ou les travaux publics.

Le gazole non routier (GNR) est un mélange d'hydrocarbures d'origine minérale ou de synthèse et, le cas échéant, d'esters méthyliques d'acides gras, qui possède les mêmes caractéristiques que le gazole routier.

L'accise sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons, l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)749(*), est acquittée lors de la mise à la consommation des produits sur le territoire national, en amont du circuit de distribution. Aussi, pour que les carburants sous conditions d'emploi puissent être distingués des carburants routiers, ils font l'objet d'un marquage fiscal, c'est-à-dire d'une dénaturation par adjonction de colorants et/ou de traceurs : le GNR est ainsi coloré en rouge (colorant rouge écarlate RED 24) et suivi à l'aide de l'agent traceur « Solvent Yellow 124 ». Le système de traçage des carburants non routiers s'est traduit par la mise en place d'un circuit de distribution dédié et composé d'environ 1 600 entreprises locales de distribution. Ce réseau permet aux utilisateurs d'acquérir un produit ayant été directement taxé au tarif réduit d'accise en amont de sa distribution.

Fixé au dernier alinéa de l'article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services, le tarif spécifique d'accise sur les énergies dont bénéficie le GNR est une aide significative pour les secteurs concernés. L'écart de taxation par rapport au gazole routier est loin d'être insignifiant, comme l'illustre le tableau ci-après :

Différentiel de tarifs d'accise entre gazoles routier en 2023

(en euros par mégawattheures)

 

Tarif routier (2023)

Tarif sous condition d'emploi (2023)

Écart de fiscalité (2023)

Gazole

59,40 €/MWh750(*)

18,82 €/MWh

- 40,58 €/MWh

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services

Selon le tome II du rapport « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024, le tarif réduit de l'accise sur les énergies applicable au GNR autre que celui utilisé pour les usages agricoles aurait représenté pour l'État une dépense fiscale de 916 millions d'euros en 2022 (le même montant est anticipé en 2023).

Le premier secteur qui utilise des « carburants sous conditions d'emploi », en dehors du secteur agricole, est le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Le transport ferroviaire non électrifié est également un consommateur important de GNR. D'autres secteurs utilisent du carburant sous conditions d'emploi de façon diffuse, notamment l'industrie extractive, ainsi que celles du commerce et du transport.

2. Après une série de tentatives infructueuses, le tarif de l'accise appliquée au GNR non agricole devait être aligné sur celui du gazole routier à compter du 1er janvier 2024

a) Une première tentative avortées d'aligner le tarif d'accise du GNR sur celui du gazole routier

Après l'échec de la suppression brutale envisagée dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2019, l'article 60 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoyait un alignement progressif, en trois étapes, de la fiscalité du GNR sur celle du gazole routier. Ce même article prévoyait que plusieurs secteurs seraient exemptés de la hausse de fiscalité, en particulier le secteur agricole751(*). En outre, ce même article prévoyait aussi une série de mesures destinées à accompagner cette évolution752(*). L'article 60 précité avait également prévu un dispositif de taxation spécifique à la manutention portuaire dans les ports maritimes et en faveur des industries extractives spécialisées dans certains matériaux à forte valeur ajoutée. L'objectif de l'instauration de ces nouveaux taux réduits était de protéger des secteurs particulièrement exposés à la concurrence internationale.

À l'issue de l'alignement du tarif d'accise sur le GNR avec celui du gazole routier, le secteur agricole devait bénéficier d'une mesure de simplification puisque les exploitants pourraient désormais avoir accès directement à la pompe à un carburant au taux d'accise super-réduit qui est le leur753(*). Cette évolution devait mettre fin au système de remboursement a posteriori qu'ils sollicitent après avoir, dans un premier temps, acquis du GNR au tarif réduit de 18,82 c€/L (voir infra).

Parmi les autres mesures d'accompagnement prévues par la LFI pour 2020, les entreprises du secteur du transport frigorifique devaient se voir appliquer un mécanisme d'indexation des prix du type « pied de facture » sur le modèle du dispositif en vigueur pour le transport routier. Par ailleurs, pour les contrats en cours, il était prévu un dispositif autorisant les entreprises à répercuter la hausse de fiscalité sur leurs clients.

Enfin, deux dispositifs de suramortissement avaient été instaurés. Le premier devait permettre aux entreprises qui utilisaient auparavant des moteurs fonctionnant avec du GNR d'acquérir des machines utilisant des moteurs alimentés par des énergies renouvelables ou des carburants moins émetteurs. Ce suramortissement a été en vigueur du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2022. Le second dispositif de suramortissement a bénéficié, là encore entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2022, aux petites et moyennes entreprises (PME) de commerce de détail de GNR.

b) Deux premiers reports successifs de la mesure

Compte tenu des conséquences de la crise sanitaire sur les secteurs concernés, l'article 6 de la n° 020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative (LFR) pour 2020 a reporté la suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR au 1er juillet 2021.

Si l'ensemble des dispositifs d'accompagnement qui avaient été prévus par la LFI pour 2020 ont bien été maintenus par l'article 6 précité pour cette même année, l'entrée en vigueur de certains d'entre eux a été différée pour tenir compte du nouveau calendrier de suppression du tarif réduit d'accise sur le GNR.

Alors que le secteur du BTP était encore fragilisé par les répercussions de la crise sanitaire, l'année 2021 a été marquée par une très forte tension sur les marchés des matériaux de construction. Aussi, est-il apparu que l'alignement de la fiscalité du GNR sur le gazole routier au 1er juillet 2021 risquait de mettre en péril le secteur.

Lors de l'examen du premier projet de loi de finances rectificative pour 2021 au Sénat, le rapporteur général de la commission des finances a ainsi déposé un amendement reportant l'entrée en vigueur de la mesure au 1er janvier 2023. Ce vote du Sénat a été conservé en commission mixte paritaire et le report de 18 mois a finalement été entériné par l'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

À l'instar du précédent report, cette nouvelle entrée en vigueur différée avait emporté un décalage des mesures qui doivent accompagner l'alignement du tarif d'accise sur le GNR754(*).

Le maintien à 18,82 euros par mégawattheure du tarif réduit d'accise en faveur des missions de service public en zone de montagne ou pour le transport ferroviaire a par ailleurs été garanti lors de la création du nouveau code des impositions sur les biens et services au 1er janvier 2022. Ils sont désormais prévus aux articles L. 312-48 et L. 312-49 pour le transport ferroviaire et aux articles L. 312-60 et L. 312-63 pour les activités en zone de montagne.

c) Un troisième report de la suppression du tarif réduit d'accise sur le GNR au 1er janvier 2024

En 2022, il est apparu, une fois encore, que la conjoncture économique compromettait gravement la viabilité de la mesure d'alignement de la fiscalité du GNR sur celle du gazole routier. En effet, la flambée des prix de l'énergie depuis l'automne 2021, amplifiée par l'agression russe de l'Ukraine, n'a pas épargné le prix à la pompe du GNR. Ainsi, celui-ci était-il passé de 0,80 €/l au début de l'année 2021 à 1,6 €/l en juin 2022.

Évolution de la moyenne mensuelle du prix du GNR
entre janvier 2021 et juin 2022

(en €/l)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de transition énergétique

Aussi, dans un tel contexte d'inflation des prix à la pompe du GNR, l'article 22 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a prévu de reporter d'une année supplémentaire, au 1er janvier 2024, l'alignement de son tarif d'accise sur celui du gazole routier.

En outre, ce même article 22 a également reporté d'une année, plusieurs dispositifs d'accompagnement de la hausse de la fiscalité sur le GNR :

- la mise en oeuvre d'un système de « pieds de facture » permettant de répercuter en partie la hausse du tarif de l'accise du GNR sur les contrats en cours dans le secteur du BTP ;

- l'entrée en vigueur de tarifs réduits d'accise au profit des activités de manutention portuaire et en faveur des entreprises grandes consommatrices d'énergie pour les besoins d'activités d'extraction de matériaux à forte valeur ajoutée.

Ces dispositions ne sont pas modifiées par le présent article et entreront en vigueur comme prévu le 1er janvier 2024.

B. LES AGRICULTEURS BÉNÉFICIENT QUANT À EUX DE PLUSIEURS DISPOSITIFS FISCAUX AVANTAGEUX

1. Le GNR utilisé pour les travaux agricole et forestier se voit appliquer un tarif d'accise super-réduit de 3,86 euros par mégawattheure

La mise en oeuvre d'un tarif réduit d'accise sur les énergies, et en particulier sur le gazole, employées dans le cadre des travaux agricoles et forestiers, est explicitement autorisée par le droit dérivé de l'Union européenne755(*).

Prévu à l'article L. 312-61 du code des impositions sur les biens et services, le tarif réduit d'accise sur le GNR utilisé pour les travaux agricole et forestier est encore plus favorable que celui des autres secteurs. En effet, précisé à la deuxième ligne du tableau de l'article L. 312-60 du même code, le tarif de l'accise sur le GNR des exploitants agricoles et forestiers est ainsi de 3,86 €/MWh, contre 18,82 €/MWh pour le GNR des autres secteurs et 59,40 €/MWh pour le gazole routier. Le différentiel avec le gazole non routier est donc de 14,96 €/MWh et celui avec le gazole routier est de 55,54 €/MWh.

Pour bénéficier de ce tarif très réduit, les exploitants agricoles s'approvisionnent dans un premier temps en GNR « rouge » au tarif d'accise de 18,82 €/MWh. Ils sollicitent ensuite auprès de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) un remboursement du différentiel entre leur tarif spécifique (3,86 €/MWh) et le tarif d'accise de droit commun sur le GNR. 

Cette procédure de remboursement est dématérialisée. Elle est annuelle et nécessite la compilation et la vérification de l'ensemble des factures d'achats de carburants non routier des exploitants agricoles, si bien qu'elle représente une charge administrative importante. Elle conduit ainsi les exploitants agricoles, au titre d'une année donnée, à consentir, au moment de l'achat du carburant, une avance de trésorerie égale à la différence de fiscalité entre carburant sous condition d'emploi et carburant à usage agricole. Cette avance n'est remboursée que l'année suivante avec la demande de restitution.

Selon le tome II du rapport « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024, les tarifs réduits de l'accise sur les énergies applicables aux gazoles, aux fiouls lourds et aux gaz de pétrole liquéfiés utilisés pour les travaux agricoles et forestiers auraient représenté pour l'État une dépense fiscale de 1,7 milliard d'euros en 2022 (le même montant est anticipé en 2023) pour un total de 2,3 millions d'entreprises bénéficiaires.

2. Une fiscalité adaptée aux sujétions particulières touchant les agriculteurs 

a) Encourager la constitution d'une épargne de précaution pour les agriculteurs

La dotation pour épargne de précaution (DEP) permet à un exploitant agricole de déduire une certaine somme de son bénéfice imposable, à la condition de constituer une épargne monétaire. Il s'agit d'un outil de gestion pluriannuelle des risques en agriculture, pour accompagner la croissance des exploitations, d'une part, et la multiplication des aléas, d'autre part. Elle a été introduite, à compter du 1er janvier 2019, par l'article 51 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Le mécanisme, prévu à l'article 73 du code général des impôts, concerne autant les exploitants individuels que les sociétés ou groupements agricoles qui relèvent de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles, sous réserve d'être imposés d'après un régime réel d'imposition, qu'il s'agisse du régime réel normal ou du régime réel simplifié, applicable de plein droit ou sur option.

Afin d'éviter un effet d'aubaine cumulatif, la DEP pratiquée par les sociétés ou groupements agricoles non soumis à l'impôt sur les sociétés doit l'être à leur niveau : un associé ne peut pas, par exemple, appliquer de DEP sur sa quote-part de résultat. Toutefois, pour les groupements agricoles d'exploitation en commun, les plafonds de DEP sont multipliés par le nombre des associés exploitants, dans la limite de quatre, sans pouvoir, bien entendu, excéder le montant du bénéfice imposable.

La régularité de la DEP s'exerce à la condition que, dans les six mois suivant la clôture de l'exercice comptable756(*), l'exploitant ait inscrit, sur un compte courant ouvert auprès d'un établissement de crédit, une somme comprise entre 50 % et 100 % du montant de la déduction. En outre, les sommes déduites doivent être utilisées pour faire face à des dépenses nécessitées par l'activité professionnelle, au cours des dix exercices qui suivent celui de la déduction.

Par ailleurs, la DEP est plafonnée selon le bénéfice imposable réalisé, apprécié au regard des différentes situations exposées ci-avant. Dans le cadre d'un régime réel d'imposition, la déductibilité compte cinq tranches et peut atteindre 43 872 euros, lorsque le bénéfice imposable est supérieur ou égal à 105 970 euros. Ces montants sont actualisés chaque année en fonction de la variation de l'indice des prix à la consommation hors tabac constatée au titre de l'année précédente et arrondis à l'euro le plus proche. Ils l'ont été pour la dernière fois au mois de mai dernier par voie réglementaire757(*).

Le plafond de déductibilité de la DEP pour chacune de ces cinq tranches est le suivant :

- 100 % du bénéfice imposable, s'il est inférieur à 28 612 euros ;

- 28 612 euros, majorés de 30 % du bénéfice excédant cette limite, lorsqu'il est supérieur ou égal à 28 612 euros et inférieur à 52 985 euros ;

- 35 924 euros, majorés de 20 % du bénéfice excédant 52 985 euros, lorsqu'il est supérieur ou égal à 52 985 euros et inférieur à 79 478 euros ;

- 41 222 euros majorés de 10 % du bénéfice excédant 79 478 euros, lorsqu'il est supérieur ou égal à 79 478 euros et inférieur à 105 970 euros ;

- 43 872 euros, lorsque le bénéfice imposable est supérieur ou égal à 105 970 euros.

Pour tenir compte de certaines situations particulières, la déduction est pratiquée après application de certains abattements destinés :

- d'une part aux jeunes agriculteurs (article 73 B du code général des impôts) ;

- d'autre part aux entreprises implantées dans des bassins d'emploi à redynamiser, dans les zones de restructuration de la défense et dans les zones franches d'activités outre-mer (respectivement régies par les articles 44 duodecies, 44 terdecies et 44 quaterdecies du code général des impôts, lesquels sont modifiés par l'article 7 du présent projet de loi).

b) Un régime particulier d'exonération de plus-value agricole

À l'occasion de la cession d'un élément d'actif immobilisé par une entreprise, une société ou un groupement non soumis à l'impôt sur les sociétés, la plus-value professionnelle réalisée fait l'objet d'une exonération, totale ou dégressive, dès lors qu'elle relève d'une activité « commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » exercée pendant au moins cinq ans758(*).

S'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole (et également s'il s'agit d'entreprises vendant des produits à consommer sur place ou fournissant un logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés), l'exonération est totale lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à 250 000 euros, et partielle lorsqu'elles sont comprises entre 250 000 et 350 000 euros759(*).

S'il s'agit d'autres entreprises, ou de titulaires de bénéfices non commerciaux, l'exonération est totale lorsque les recettes sont inférieures ou égales à 90 000 euros et partielles entre 90 000 et 126 000 euros760(*).

Par ailleurs, les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de matériels agricoles ou forestiers par des entreprises de travaux agricoles ou forestiers réalisant moins de 250 000 euros de recettes annuelles sont exonérées en totalité761(*).

c) L'existence d'un régime de micro-bénéfices agricoles

Un régime d'imposition dit « micro-BA » pour « micro-bénéfices agricoles », s'applique à tout exploitant agricole762(*) dont la moyenne annuelle des recettes, sur les trois derniers exercices, pour l'ensemble de ses exploitations, ne dépasse pas 91 900 euros.

Plus précisément, pour ces exploitants, le bénéfice imposable, avant prise en compte des plus-values ou des moins-values provenant de la cession des biens affectés à l'exploitation, est égal à la moyenne des recettes hors taxes de l'année d'imposition et des deux années précédentes, diminuée d'un abattement de 87 %, lequel ne peut être inférieur à 305 euros. En cas de création d'activité, le montant des recettes à prendre en compte est égal, pour l'année de la création, aux recettes de ladite année et, pour l'année suivante, à la moyenne des recettes de l'année d'imposition et de l'année précédente.

L'exploitant dont la moyenne triennale des recettes dépasse 91 900 euros est, pour sa part, imposé au réel.

Ce seuil de 91 900 euros est actualisé tous les trois ans dans la même proportion que l'évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu763(*).

C. LES ENTREPRISES GRANDES CONSOMMATRICES D'ÉNERGIE RELEVANT DU SYSTÈME D'ÉCHANGE DE QUOTAS DE GAZ À EFFET DE SERRE BÉNÉFICIENT DE TARIFS RÉDUITS D'ACCISE SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES

1. Les tarifs réduits d'accise appliqués aux consommations de produits énergétiques d'origine fossile des installations intensives en énergie dont les activités relèvent du système d'échange européen de quotas de gaz à effet de serre

Le droit de l'Union européenne autorise l'application de tarifs réduits d'accise sur les énergies employées par les entreprises intensives en énergie764(*). En application de ces dispositions, au niveau national, les articles L. 312-74 à L. 312-78 du code des impositions sur les biens et service (CIBS) régissent les tarifs réduits applicables aux activités relevant du système d'échange de quotas de gaz à effet de serre dans l'Union européenne dit « SEQE de l'UE ».

Trois catégories d'installations relevant de tarifs réduits d'accise pour leur consommation en tant que combustible de certains produits énergétiques sont distinguées par les articles L. 312-76, L. 312-77 et L. 312-78 :

- les installations intensives en énergie soumises au SEQE de l'UE (article L. 312-76) ;

- les installations intensives en énergie exposées à la concurrence internationale non-soumises au SEQE de l'UE mais dont les activités relèvent de ce système (article L. 312-77) ;

- seulement pour leur consommation de charbons, les installations de valorisation de la biomasse intensives en énergie soumises au SEQE de l'UE ou à des dispositions d'un accord conclu avec l'autorité administrative permettant d'atteindre des objectifs équivalents en matière de protection de l'environnement ou d'efficacité énergétique (article L. 312-78).

En vertu des dispositions de ces trois mêmes articles, une installation intensive en énergie doit s'entendre comme « une installation exploitée par des entreprises dont le niveau d'intensité énergétique est au moins égal à 3 % en valeur de production ou à 0,5 % en valeur ajoutée »765(*).

Le système d'échange de quotas d'émission de gaz
à effet de serre de l'Union européenne

Le système d'échange de quotas d'émission (SEQE) de l'Union européenne a été mis en place par la directive 2003/87/CE du parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003, et est effectif depuis 2005. En France, le SEQE a été transposé par l'ordonnance n°2004-330 du 15 avril 2004 portant création d'un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.

Les États membres définissent un plafond d'émission pour l'ensemble des installations concernées par le SEQE, et allouent des quotas pour chacune des installations. Une entreprise peut dépasser le nombre de quotas qui lui a été alloué, mais elle est obligée dans ce cas d'acheter des quotas d'émissions aux entreprises qui ne les ont pas utilisés.

Par conséquent, les entreprises qui dépassent leurs quotas sont pénalisées financièrement, tandis que celles émettent moins que leur allocation génèrent des revenus. Le SEQE repose sur le principe du « pollueur-payeur ».

Les 27 États membres de l'Union européenne participent au système, ainsi que la Norvège, l'Islande et le Lichtenstein.

Le SEQE a connu trois phases jusqu'en 2020, au cours desquelles de plus en plus d'activités y ont été intégrées. Une quatrième phase est ouverte depuis 2021, et doit s'achever en 2030. Les quotas étaient pour leur très grande majorité distribués gratuitement jusqu'en 2012, et depuis 2013, la moitié des quotas est vendue aux enchères.

Source : commission des finances du Sénat

L'article L. 312-75 du CIBS précise les tarifs réduits d'accise qui s'appliquent sur certaines des consommations énergétiques de chacune des trois catégories d'installations :

- premièrement pour les charbons, les fiouls lourds, les fiouls domestiques, les pétroles lampants, les gaz de pétroles liquéfiés combustible et les gaz naturels combustibles utilisés par les installations intensives en énergie soumises au SEQE de l'UE ;

- deuxièmement pour les mêmes produits utilisés par les installations intensives en énergie exposées à la concurrence internationale non-soumises au SEQE de l'UE ;

- troisièmement un tarif nul sur la consommation des charbons utilisés pour les besoins de la valorisation de la biomasse.

Comparaison des tarifs normaux et réduits d'accise sur
la consommation énergétique des installations intensives en énergie

(euro/MWh)

Combustible

Tarif normal

Tarif réduit pour les installations soumises au SEQE

Tarif réduit pour les installations exposées à la concurrence internationale

Tarif pour les installations de valorisation de la biomasse

Charbons

14,62

1,19

2,29

0

Fiouls lourds

12,555

1,665

1,971

 

Fiouls domestiques

15,62

5,66

5,66

 

Pétroles lampants

15,686

5,822

5,822

 

Gaz de pétroles liquéfiés combustibles

5,189

0

0

 

Gaz naturel combustible

8,45

1,52

1,6

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article L. 312-75 du code des impositions sur les biens et services

Pour 2023, d'après les estimations fournies dans le tome II du rapport « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024, le coût total des tarifs réduits prévus à l'article L. 312-75 du code des impositions sur les biens et services pourrait s'établir à un peu plus de 480 millions d'euros.

Comme l'illustre le tableau ci-après, les tarifs réduits qui s'appliquent aux gaz naturels représentent à eux seuls 95 % (460 millions d'euros) du coût total de ces dépenses fiscales. Le tarif réduit appliqué aux consommations de charbon des installations soumises au SEQE de l'UE pourrait quant à lui avoir un coût de 14 millions d'euros en 2023.

Les autres tarifs réduits représenteraient des coûts nettement plus modérés : 11 millions d'euros pour les autres énergies et 1 million d'euros pour le tarif réduit appliqué au charbon utilisé pour les besoins de valorisation de la biomasse. Le tarif réduit sur le charbon des installations exposées à la concurrence internationale mais non soumises au SEQE de l'UE ne serait quant à lui pas utilisé.

Coût prévisionnel en 2023 des tarifs réduits d'accise sur les énergies prévus à l'article L. 315-75 du code des impositions sur les biens et services

(en millions d'euros)

Catégories d'installations

Gaz naturel

Charbon

Autres énergies

Total

Installations soumises au SEQE

404

14

9

427

Installations exposées à la concurrence internationale

54

0

2

56

Valorisation de la biomasse

-

1

-

1

Total

458

15

11

484

Source : commission des finances d'après le tome 2 des Voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2024

2. Les dispositions législatives adoptées en loi de finances initiale pour 2023

Deux articles de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 ont apporté des modifications aux tarifs réduits applicables aux activités relevant du système d'échange de quotas de gaz à effet de serre dans l'Union européenne.

a) L'article 65 de la loi de finances initiale pour 2023

L'article 65 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 a ainsi prévu de relever les tarifs réduits d'accise appliqués aux consommations de charbons des installations soumises au SEQE de l'UE ainsi que des installations exposées à la concurrence mais non soumises au SEQE de l'UE.

Cet article dispose ainsi que ces tarifs augmenteront une première fois de 1,6 euro/MWh en 2024 puis une nouvelle fois, pour le même montant, en 2025.

Évolution des tarifs réduits d'accise sur les charbons
prévue par l'article 65 de la LFI pour 2023

(euro/MWh)

Catégories d'installations

2023

2024

2025

Charbons pour les installations soumises au SEQE

1,19

2,79

4,39

Charbons pour les installations exposées à la concurrence internationale

2,29

3,89

5,49

Source : commission des finances du Sénat

b) L'article 71 de la loi de finances initiale pour 2023

L'article 71 de la LFI pour 2023 entendait mettre un terme à horizon 2027 à deux tarifs réduits d'accise sur les énergies dont celle qui s'applique aux charbons consommés pour la valorisation de la biomasse régie par l'article L. 312-78 du code des impositions sur les biens et services (voir supra).

La seconde dépense fiscale que l'article 71 entendait « borner dans le temps » correspondait au tarif réduit d'accise dont relèvent les produits énergétiques « consommés par les moteurs des aéronefs et des navires pour les besoins de la construction, du développement, de la mise au point, des essais et de l'entretien de ces engins ou de leurs moteurs ». Ce tarif réduit, régi par l'article L. 312-69 du code des impositions sur les biens et services, s'applique ainsi aux combustibles utilisés dans les secteurs de la construction navale et aéronautique. Le tableau de l'article L. 312-64 du même code fixe ce tarif réduit à 0 euro/MWh.

Pour 2023, selon les données figurant dans le tome II du rapport « Voies et Moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024, le coût de cette dernière dépense fiscale s'est s'établi à environ 20 millions d'euros en 2022 (un montant identique est anticipé pour 2023).

D. LES ÉVOLUTIONS FISCALES ISSUES DE LA LOI N° 2023-580 DU 10 JUILLET 2023 VISANT À RENFORCER LA PRÉVENTION ET LA LUTTE CONTRE L'INTENSIFICATION ET L'EXTENSION DU RISQUE INCENDIE

La loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification du risque incendie a prévu, dans ses articles 50 et 51 la création de trois nouvelles dépenses fiscales.

L'article 50 de cette loi a créé un nouveau paragraphe 3 bis de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre II du titre premier du livre III du code des impositions sur les biens et services consacré aux tarifs réduits d'accise sur les énergies applicables aux consommations de certaines administrations publiques. Ce paragraphe, composé de deux nouveaux articles L. 312-78-1 et L. 312-78-2, prévoit un tarif nul pour l'accise sur les énergies appliquée aux gazoles et aux essences consommés pour les besoins de la propulsion des véhicules des services d'incendie et de secours (SDIS).

L'article 51 de la même loi a quant à lui complété les articles L. 421-70-1 et L. 421-81-1 du code des impositions sur les biens et services pour y prévoir l'exonération de taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, dite « malus CO2 » et de taxe sur la masse en ordre de marche, dite « malus masse » des véhicules d'intervention des acteurs de la défense des forêts contre les incendies (DFCI). Les véhicules éligibles à ces exonérations sont ceux des services déconcentrés de l'État chargés de la forêt et de l'office national des forêts (ONF), des services des collectivités territoriales et de leurs groupements exerçant des missions de lutte contre les incendies, des associations syndicales chargées des travaux de défense contre les incendies et des comités communaux feux de forêt.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE TRAJECTOIRE D'AUGMENTATION PROGRESSIVE DU TARIF D'ACCISE APPLIQUÉ AU GNR NON AGRICOLE QUI CONDUIRAIT À SON ALIGNEMENT SUR LE TARIF DES GAZOLES ROUTIERS EN 2030

Le 1° du III du présent article abroge la disposition (le a du 4° bis de l'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne) qui prévoyait, en supprimant le dernier alinéa de l'article L. 312-35 du code des impositions sur les biens et services le 1er janvier 2024, de mettre un terme, à cette même échéance, au tarif spécifique d'accise sur les énergies appliqué au GNR non agricole.

Le B du II du présent article modifie ce même dernier alinéa de l'article L. 312-35 afin quant à lui de prévoir une trajectoire pluriannuelle d'augmentation progressive du tarif d'accise sur les énergies appliqué au GNR non agricole. Cette trajectoire, qui s'étend de l'année 2024 jusqu'en 2030, prévoit une hausse annuelle de 5,99 euros par MWh.

Ainsi, en 2030, l'avantage fiscal relatif au GNR non agricole disparaîtrait et le tarif d'accise sur les énergies qui lui serait appliqué serait identique au tarif de droit commun qui frappe les gazoles routiers. D'ici à 2030, le tarif appliqué au GNR non agricole serait ainsi multiplié par trois.

Trajectoire pluriannuelle d'augmentation du tarif d'accise sur le GNR
non agricole proposée par l'article 12

(en euros/MWh)

Source : commission des finances du Sénat

B. GNR AGRICOLE ET MESURES DE COMPENSATIONS

1. Une trajectoire d'augmentation progressive du tarif d'accise appliqué au GNR agricole d'ici à 2030

Le F du II du présent article modifie le tableau figurant à l'article L. 312-60 du code des impositions sur les biens et services afin de prévoir une trajectoire pluriannuelle d'augmentation progressive du tarif d'accise sur les énergies appliqué au GNR employé pour les travaux agricoles et forestiers. Cette trajectoire, qui s'étend de l'année 2024 jusqu'en 2030, prévoit une hausse annuelle de 2,85 euros par MWh.

Au terme de cette trajectoire, le tarif appliqué au GNR employé pour les travaux agricoles et forestiers atteindrait ainsi 23,81 euros par MWh, soit 40 % du tarif actuel appliqué aux gazoles routiers. Cette trajectoire prévoit ainsi, d'ici à 2030, une multiplication par six du tarif appliqué au GNR agricole et forestier.

Trajectoire pluriannuelle d'augmentation du tarif d'accise sur le GNR agricole
et forestier proposée par l'article 12

(en euros / MWh)

Source : commission des finances du Sénat

2. Une avance du remboursement du tarif d'accise appliqué au GNR agricole

Le N du II du présent article complète la section 7 du chapitre II du titre premier du livre III du code des impositions sur les biens et services par deux articles L. 312-104-1 et L. 312-104-2 qui visent à créer la base juridique permettant d'instaurer une avance sur le montant de remboursement dont bénéficient ex post les utilisateurs de GNR employé pour les activités agricoles et forestières sur le tarif d'accise appliqué à leur consommation de ce carburant.

Les dispositions du nouvel article L. 312-104-1 renverrait ainsi à un décret la détermination des « situations dans lesquelles la personne qui acquiert un produit pour lequel l'accise devenue éligible a été constatée à un tarif supérieur à celui dont relève l'usage auquel elle destine ce produit peut bénéficier d'une avance sur le montant du remboursement mentionné au second alinéa de l'article L. 311-36 dont elle sera susceptible de bénéficier ».

Le nouvel article L. 312-104-2 détaillerait quant à lui le contenu dudit décret, lequel devrait déterminer :

- les produits, usages et catégories de redevables concernés ;

- la date à laquelle l'avance est sollicitée ou versée à l'initiative de l'administration ainsi que les modalités de sollicitation et de versement ;

- la date à laquelle l'avance est régularisée et les modalités de cette régularisation ;

- le nombre des avances, qui ne pourrait excéder trois par année civile ;

- les règles de détermination du montant des avances.

3. l'instauration de mesures de compensations en faveurs du secteur agricole

Afin que le secteur agricole puisse supporter économiquement ces hausses prévues de tarifs d'accise sur le GNR, tout en contribuant effectivement à la transition environnementale, le présent article prévoit des mesures de compensation.

En premier lieu, est prévue une augmentation des plafonds de la déduction pour épargne de précaution pour encourager les exploitants à constituer une épargne permettant de couvrir, partiellement au moins, ces investissements favorables à la décarbonation.

Dès le 1er janvier 2024, les plafonds de la déduction pour épargne de précaution (DEP) seront rehaussés comme suit pour chacune des cinq tranches précitées :

- la totalité du bénéfice imposable, jusqu'à 32 608 euros (au lieu de 28 612 euros, soit + 13,9 %) ;

- 32 608 euros (au lieu de 28 612 euros), majorés de 30 % du bénéfice au-delà, entre 32 608 euros et 60 385 euros (au lieu de 52 985 euros) ;

- 40 942 euros (au lieu de 35 924 euros), majorés de 20 % du bénéfice au-delà de 60 385 euros, pour un bénéficie compris entre 60 385 euros et 90 579 euros (au lieu de 79 478 euros) ;

- 46 979 euros (au lieu de 41 222 euros), majorés de 10 % du bénéfice au-delà de 90 579 euros (au lieu de 79 478 euros), entre 90 579 euros et 120 771 euros (au lieu de 105 970 euros) ;

- 50 000 euros (au lieu de 43 872 euros), au-delà de 120 771 euros (au lieu de 105 970 euros).

La disposition prévoyant que, pour les groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) et les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) qui n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, ces plafonds soient multipliés par le nombre des associés exploitant, dans la limite de quatre, sans pouvoir excéder le montant du bénéfice imposable, demeurerait inchangée.

En second lieu, le dispositif proposé rehausse les seuils de recettes permettant de bénéficier d'une exonération totale (de 250 000 euros à 350 000 euros) ou partielle (de 350 000 euros à 450 000 euros) des plus-values professionnelles agricoles de cession afin d'encourager le renouvellement des matériels agricoles des exploitations et d'assurer leur productivité.

Enfin, dans une ampleur inédite, le plafond de recettes pour l'application du régime « micro-BA » serait revalorisé de 91 900 euros à 120 000 euros, sans préjudice de l'actualisation prévue au VI de l'article 69 du CGI, laquelle demeurera applicable. Une prochaine actualisation triennale interviendra donc au 1er janvier 2026.

C. LA SUPPRESSION D'UNE SÉRIE DE TARIFS RÉDUITS D'ACCISE SUR LES ÉNERGIE DONT BÉNÉFICIENT LES ENTREPRISES GRANDES CONSOMMATRICES D'ÉNERGIE RELEVANT DU SYSTÈME D'ÉCHANGE DE QUOTAS DE GAZ À EFFET DE SERRE POUR LEUR CONSOMMATION D'ÉNERGIES D'ORIGINE FOSSILE

1. La suppression dès 2024 de quatre tarifs d'accise sur les énergies dont bénéficient les entreprises grandes consommatrices d'énergie effectivement soumises au système d'échange de quotas de gaz à effet de serre

En modifiant le tableau de l'article L. 312-75 du code des impositions sur les biens et services, le a) du 2° du J du II du présent article prévoit de supprimer, dès 2024, quatre des six tarifs réduits d'accise sur les énergies dont bénéficient, pour leurs consommations d'énergie fossile, les entreprises grandes consommatrices d'énergie effectivement soumises au système d'échange de quotas de gaz à effet de serre de l'Unioneuropéenne.

Les tarifs réduits dont la suppression est proposée sont ceux qui s'appliquent aux fiouls lourds, aux fiouls domestiques, aux pétroles lampants ainsi qu'aux gaz de pétroles liquéfiés combustible. Les tarifs réduits dont bénéficient ces entreprises sur leurs consommations de charbons et de gaz naturels combustible ne sont en revanche pas concernés.

Pour ces entreprises, les consommations de fiouls lourds, de fiouls domestiques, de pétroles lampants ainsi que de gaz de pétroles liquéfiés combustible se verraient désormais appliquer les tarifs de droit commun. Les évolutions des tarifs d'accise concernés sont détaillées dans le tableau ci-après.

Évolution des tarifs d'accise sur les énergies relatifs aux entreprises grandes consommatrices d'énergie effectivement soumises au système d'échange de quotas de gaz à effet de serre telle que proposée par l'article 12

Catégories fiscales

Tarif en 2023

(en euros/MWh)

Tarif en 2024 d'après les dispositions prévues
à l'article 12

(en euros/MWh)

Charbons

1,19

2,79766(*)

Fiouls lourds

1,665

12,555

Fiouls domestiques

5,66

15,62

Pétroles lampants

5,822

15,686

Gaz de pétroles liquéfiés combustible

0

5,189

Gaz naturels combustible

1,52

1,52

Source : commission des finances du Sénat

Le 1° du K du présent article tire les conclusions de la suppression de ces quatre tarifs réduits en modifiant l'article L. 312-76 du code des impositions sur les biens et services pour préciser que seules les consommations de charbons et de gaz naturels combustible font l'objet de tarifs réduits d'accise pour les entreprises concernées.

2. La suppression dès 2024 de cinq tarifs d'accise sur les énergies dont bénéficient les entreprises grandes consommatrices d'énergie exposées à la concurrence internationale mais non soumises au système d'échange de quotas quand bien même leurs activités relèvent de ce système

Toujours en modifiant le tableau de l'article L. 312-75 du code des impositions sur les biens et services, le même a) du 2° du J du II prévoit aussi de supprimer, dès 2024, cinq des six tarifs réduits d'accise sur les énergies dont bénéficient, pour leurs consommations d'énergie fossile, les entreprises grandes consommatrices d'énergie exposées à la concurrence internationale mais non soumises au système d'échange de quotas de gaz à effet de serre de l'Union européenne quand bien même leurs activités relèvent de ce système.

Les tarifs réduits dont la suppression est proposée sont ceux qui s'appliquent aux charbons, aux fiouls lourds, aux fiouls domestiques, aux pétroles lampants ainsi qu'aux gaz de pétroles liquéfiés combustible. Le tarif réduit dont bénéficient ces entreprises sur leurs consommations de gaz naturels combustible n'est en revanche pas concerné.

Pour ces entreprises, les consommations de charbons, de fiouls lourds, de fiouls domestiques, de pétroles lampants ainsi que de gaz de pétroles liquéfiés combustible se verraient désormais appliquer les tarifs de droit commun. Les évolutions des tarifs d'accise concernés sont détaillées dans le tableau ci-après.

Évolution des tarifs d'accise sur les énergies relatifs aux entreprises grandes consommatrices d'énergie exposées à la concurrence internationale mais non soumises au système d'échange de quotas de gaz à effet de serre de l'Union européenne quand bien même leurs activités relèvent de ce système telle que proposée par l'article 12

Catégories fiscales

Tarif en 2023

(en euros/MWh)

Tarif en 2024 d'après les dispositions prévues à l'article 12

(en euros/MWh)

Charbons

2,29

14,62

Fiouls lourds

1,971

12,555

Fiouls domestiques

5,66

15,62

Pétroles lampants

5,822

15,686

Gaz de pétroles liquéfiés combustible

0

5,189

Gaz naturels combustible

1,6

1,6

Source : commission des finances du Sénat

Le 1° du L du présent article tire les conclusions de la suppression de ces cinq tarifs réduits en modifiant l'article L. 312-77 du code des impositions sur les biens et services pour préciser que seules les consommations de gaz naturels combustible font l'objet de tarifs réduits d'accise pour les entreprises concernées.

Par ailleurs, le 2° du III du présent article abroge les dispositions de l'article 65 de la LFI pour 2023 qui prévoyaient deux hausses successives, en 2024 (2,79 euros/MWh) puis en 2025 (5,49 euros/MWh), du tarif réduit d'accise sur les charbons consommés par ces entreprises.

3. La suppression en 2027 du tarif nul d'accise sur les énergies spécifique à la consommation de charbons pour les besoins de la valorisation de la biomasse

Le b) 2° du J du II prévoit quant à lui de supprimer du tableau de l'article L. 312-75 du code des impositions sur les biens et services, au 1er janvier 2027, la mention du tarif nul d'accise sur les énergies spécifique à la consommation de charbons pour les besoins de la valorisation de la biomasse767(*). Au 1er janvier 2027, ces consommations se verraient alors appliquer le tarif normal sur les charbons qui est aujourd'hui fixé à 14,62 euros/MWh.

Toujours dans la perspective de supprimer ce tarif nul, le 3° du O du même II propose d'abroger, en date du 1er janvier 2027, l'article L. 312-78 du même code qui constitue aujourd'hui la base légale de l'existence de ce tarif.

Le M du II du présent article supprime une modification apportée au même article L. 312-78 par l'article 71 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023. Comme le prévoit le présent article 12, cet article entendait déjà supprimer en 2027 le tarif nul d'accise sur les énergies spécifique à la consommation de charbons pour les besoins de la valorisation de la biomasse. L'étude d'impact annexée au présent PLF reconnaît le caractère inapplicable qui caractérisait la disposition prévue à l'article 71 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 en soulignant qu'elle « n'est pas rédigée de manière conforme aux usages légistiques ».

Pour mémoire, le Sénat avait rejeté cette disposition768(*) après que le rapporteur général de la commission des finances avait mis en évidence les incohérences légistiques de cette disposition, emblématiques de l'impréparation qui la caractérisait.

D. LA SUPPRESSION EN 2027 DU TARIF NUL D'ACCISE SUR LES ÉNERGIES QUI FRAPPE LES COMBUSTIBLES UTILISÉS DANS LES SECTEURS DE LA CONSTRUCTION NAVALE ET AÉROPORTUAIRE

Le G du II du présent article prévoit de supprimer du tableau de l'article L. 312-64 du code des impositions sur les biens et services, au 1er janvier 2027, la mention du tarif nul d'accise sur les énergies appliqué aux combustibles utilisés dans les secteurs naval et aéronautique pour des usages autres que le transport, c'est-à-dire essentiellement pour les activités de construction navale et aéronautique.

Dans la même intention de suppression de ce tarif nul, le 3° du O du même II propose d'abroger, en date du 1er janvier 2027, l'article L. 312-69 du même code, qui constitue aujourd'hui la base légale de l'existence de ce tarif.

Enfin, pour les mêmes raisons d'incohérences légistiques décrites supra769(*), pour le tarif nul portant sur la consommation de charbons pour les besoins de la valorisation de la biomasse, le H du même II supprime une modification apportée au même article L. 312-69 par l'article 71 de la LFI pour 2023.

E. L'ABROGATION DISCRÈTE DES DISPOSITIONS FISCALES ISSUES DE LA LOI DU 10 JUILLET 2023 VISANT À RENFORCER LA PRÉVENTION ET LA LUTTE CONTRE L'INTENSIFICATION ET L'EXTENSION DU RISQUE INCENDIE

Le 1° du O du II du présent article propose l'abrogation du paragraphe 3 bis de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre II du titre premier du livre III du code des impositions sur les biens et services consacré aux tarifs réduits d'accise sur les énergies applicables aux consommations de certaines administrations publiques. Ce paragraphe, instauré par l'article 50 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie comporte deux articles L. 312-78-1 et L. 312-78-2 qui prévoient un tarif nul d'accise sur les énergies pour les gazoles et les essences consommés pour les besoins de la propulsion des véhicules des services d'incendie et de secours (SDIS).

Le 2° du même O propose quant à lui l'abrogation des 3° des articles L. 421-70-1 et L. 421-81-1 du code des impositions sur les biens et services. Ces deux dispositions, issues de l'article 51 de la même loi du 10 juillet 2023, prévoient d'exonérer de taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, dite « malus CO2 » et de taxe sur la masse en ordre de marche, dite « malus masse » les véhicules d'intervention des acteurs de la Défense des forêts contre les incendies (DFCI).

Le rapporteur général note qu'aucune mention de la suppression de ces dispositions législatives récemment adoptées par le Parlement n'était faite ni dans l'exposé des motifs succinct de l'article 12 ni dans son évaluation préalable incomplète.

F. DES MISES À JOUR DU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES POUR TENIR COMPTE D'ÉVOLUTIONS RÉCENTES DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

1. La révision du cadre européen en matière d'aides d'État

Les 2° du A ainsi que les C et D du II du présent article mettent à jour des renvois qui figurent aux articles L. 133-4, L. 312-42, L. 312-54 et L. 312-55 du code des impositions sur les biens et services pour tenir compte de l'application aux tarifs réduits d'accise de la révision récente du cadre européen relatif aux aides d'État qui s'est traduite :

- d'une part par le remplacement du règlement (UE) n° 1388/2014 par le règlement (UE) 2022/2473 du 14 décembre 2022 ;

- et d'autre part par la modification du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 par le règlement (UE) 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023.

2. L'extension du système d'échange de quotas de gaz à effet de serre

Les I, 1° du J ainsi que les 2° des K et L du II du présent article ont pour objet de mettre à jour les références faites au système européen d'échange de quotas de gaz à effet de serre afin de tenir compte de son extension prévue par la directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d'une réserve de stabilité du marché pour le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre de l'Union.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement a retenu une série d'amendements émanant de l'ensemble des groupes politiques représentés à l'Assemblée Nationale et visant supprimer les dispositions de l'article (au 1° du O du II) qui proposaient d'abroger les mesures tout juste adoptées par le Parlement dans le cadre de la loi du 10 juillet 2023 portant sur le renforcement de la prévention et de la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. LES TRAJECTOIRES D'ÉVOLUTION PLURIANNUELLE DES TARIFS D'ACCISE SUR LE GNR ONT FAIT L'OBJET DE PROTOCOLES D'ACCORD NÉGOCIÉS AVEC LES SECTEURS CONCERNÉS

1. L'alignement du tarif d'accise appliqué au GNR non agricole dès le 1er janvier 2024 causerait de graves difficultés à un secteur du BTP privé d'alternatives

Le tarif réduit d'accise appliqué au GNR non agricole est une dépense fiscale non seulement très coûteuse pour le budget de l'État (916 millions d'euros en 2022) mais également défavorable à l'environnement. Ainsi, d'après l'Agence de la transition écologique (ADEME) en 2018, la consommation de GNR représentait 7,5 millions de tonnes de CO2, soit environ 2 % des émissions nationales. La feuille de route de décarbonation de la filière véhicules lourds du mois d'avril 2023770(*) estime que les seules émissions générées par le GNR consommés par les engins de chantier du BTP atteignent 3,3 millions de tonnes de CO2.

Aussi, depuis 2019 et la première tentative de mettre un terme à cette fiscalité dérogatoire, la commission des finances a-t-elle défendu avec constance le principe selon lequel il convient de mettre un terme avec discernement à cette fiscalité dérogatoire. D'un côté, cette dépense fiscale est classée comme défavorable à l'environnement dans la mesure où elle se traduit par le subventionnement d'un carburant composé d'énergies fossiles fortement émetteur de gaz à effets de serre. D'un autre côté, les mesures de mise en extinction de dépenses fiscales de cette nature doivent être réalisées de façon à minimiser au maximum leurs conséquences socio-économiques sur les secteurs concernés, tout particulièrement lorsqu'ils sont exposés à la concurrence internationale et que leur fragilisation pourrait affecter l'emploi sur le territoire national.

Le secteur du BTP représente environ 500 000 entreprises, un chiffre d'affaires de 315 milliards d'euros et 1,6 million d'emplois. Le taux de marge des entreprises du BTP est plus faible que la moyenne.

a) Les prix du GNR demeurent nettement plus élevés qu'avant le déclenchement de la crise des prix de l'énergie et ils ont fortement augmenté depuis l'été 2023

Il apparaît qu'à l'instar de la situation observée à l'occasion des précédents reports, la conjoncture économique actuelle n'est pas favorable à une suppression brutale du tarif réduit d'accise appliqué au GNR non agricole dès le 1er janvier 2024. Les prix du GNR demeurent extrêmement volatiles, en raison notamment des paramètres économiques et des évènements géopolitiques qui affectent le prix du baril de pétrole. En effet, s'ils sont moins élevés que lors du pic atteint au mois de mars 2022, les prix à la pompe du GNR étaient toujours, en septembre 2023 (1,398 euros/l), près de deux fois supérieurs à leur niveau de janvier 2021 (0,799 euros/l).

Évolution de la moyenne mensuelle du prix du GNR
entre janvier 2021 et septembre 2023

(en €/L)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de transition énergétique

Par ailleurs, depuis le début de l'été 2023, et à l'unisson des autres carburants, les prix du GNR ont connu une forte augmentation passant de 1,133 euro/L au début du mois de juin à 1,356 euro/L au milieu du mois d'octobre. Ces évolutions pèsent sur l'équilibre économique des secteurs qui utilisent du GNR, au premier rang desquels celui du BTP.

Évolution de la moyenne hebdomadaire du prix du GNR
entre le 1er juin 2021 et le 13 octobre 2023

(en €/L)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du ministère de transition énergétique

b) Les alternatives aux engins de travaux alimentés au GNR sont encore balbutiantes

Qui plus est, l'offre d'engins de travaux à motorisation alternative au gazole reste très peu développée et ne concernent que des matériels et des usages limités. Estimés à 275 000771(*), les engins de chantiers alimentés par le GNR sont de natures très diverses : chargeuses et tracteurs sur chenille, chargeuses sur pneus, chargeuses compactes (dites « mini pelles »), chargeuses pelleteuses sur pneus, décapeuses de routes, tombereaux, niveleuses ou encore pelles hydrauliques. À l'instar de leur consommation en carburant, le poids de ces engins est très variable, d'une à plusieurs dizaines de tonnes. Aujourd'hui, la quasi-totalité de ces engins fonctionne au moyen d'énergie thermique.

Depuis maintenant quatre ans, quelques constructeurs développent des engins à motorisation électrique fonctionnant avec des batteries. Cette offre émergeante ne concerne que le matériel à usage urbain, léger et faiblement consommateur de gazole, de types mini pelles et chargeuses compactes.

Pour les engins plus lourds et puissants, qui consomment davantage de carburants, il n'existe toujours aucune offre de motorisation alternative au gazole. La feuille de route précitée signale à ce titre que « à court terme, la décarbonation des matériels lourds ne pourra donc s'appuyer que sur le remplacement des matériels les plus anciens par des engins équipés de motorisations de dernière génération ». Elle ajoute que « à moyen terme, sauf progrès significatif des batteries, la piste la plus probable de décarbonation passera par l'ajout progressif dans ces motorisations de biocarburants ».

Plusieurs caractéristiques propres aux chantiers de construction compliquent d'ailleurs les perspectives de leur électrification, même à long terme. Il s'agit notamment de leurs caractères mobile et éphémère qui rendent difficile leur alimentation électrique. Par ailleurs, les plus gros engins nécessitent des niveaux de puissance très importants, peu compatibles avec les technologies de batteries actuelles.

Les perspectives de développement à court-terme semblent limitées même si la conversion électrique du segment des engins à usage urbain pourrait monter en puissance.

Par ailleurs, des solutions d'engins à motorisation hydrogène sont également à l'étude et au stade de prototypes mais ne pourront pas être développées avant plusieurs années. En outre, le réseau de distribution d'hydrogène demeure aujourd'hui très circonscrit.

Le coût des matériels électriques représente deux à trois fois celui des engins thermiques et, en dépit d'une disposition adoptée en ce sens au Sénat lors de l'examen de la LFI pour 2023772(*), le suramortissement qui avait été mis en oeuvre pour favoriser le renouvellement des outils du secteur du BTP n'a pas été prolongé à l'issue de son échéance au 31 décembre 2022. Or, la feuille de route de décarbonation de la filière véhicules lourds précise que le renouvellement des petits engins de chantier pour lequel une offre alternative existe est conditionné à « la mise en place de mécanismes de soutien afin de combler l'écart de prix à l'usage entre les solutions thermiques et électriques ».

c) La trajectoire d'alignement progressif du tarif d'accise sur le GNR non agricole a été négociée avec le secteur du BTP

La nouvelle trajectoire d'alignement du tarif d'accise appliqué au GNR non agricole prévue par le présent article a fait l'objet d'une négociation entre l'État et le secteur du BTP. Un protocole d'accord a été conclu au mois de septembre dernier.

Les organisations représentatives des entreprises de la construction ont manifesté leur satisfaction quant à l'accord qui a été trouvé. Celui-ci prévoit notamment le développement d'une filière française de biocarburants professionnels réservés aux travaux publics.

2. La trajectoire pluriannuelle d'augmentation du tarif d'accise applicable au GNR agricole a été négociée entre l'État et le secteur en contrepartie d'une série de mesures d'accompagnement au bénéfice des exploitations agricoles

a) Une dépense fiscale « brune » onéreuse qui bénéficie à des exploitants dont les alternatives au GNR demeurent trop restreintes

Le tarif réduit d'accise appliqué au GNR non agricole est une dépense fiscale lourde pour les finances publiques (1,7 milliard d'euros en 2022 en incluant la fiscalité dérogatoire sur les fiouls lourds et les gaz de pétrole liquéfiée) qualifiée de « brune » dans la mesure où elle bénéficie à un carburant d'origine fossile. Principale source d'énergie utilisée par le secteur agricole (essentiellement employée pour alimenter les tracteurs et engins automoteurs), le GNR représentait en 2021 55 % de sa consommation finale d'énergie. Toujours en 2021, d'après un rapport du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA) d'avril 2022, la consommation d'énergies fossiles représentait 13 % des émissions de CO2 du secteur agricole et 2,5 % des émissions nationales.

Il apparaît par ailleurs que le tarif d'accise appliqué au GNR agricole en France est plus faible que celui en vigueur dans la majeure partie des principaux pays producteurs agricole en Europe, à l'exception de la Belgique qui applique un tarif nul.

Tarif d'accise appliqué au GNR agricole dans les principaux pays producteurs agricoles en Europe

(en €/hl)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la commission européenne

Les équipementiers agricoles développent actuellement des motorisations alternatives au GNR mais ne permettant pas encore à ce jour d'assurer une véritable substitution aux engins thermiques. Dans son rapport d'avril 2022 consacré à la décarbonation de l'agriculture, le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAER) met ainsi en avant la perspective, plus ou moins lointaine, de plusieurs options de substitution. Il s'agit notamment de l'usage :

- du biodiesel (dit B100) y compris après une opération de « rétrofit » (qui se heurtent cependant à des problématiques d'homologation et ainsi d'assurance) sur un engin à motorisation thermique ;

- du biogaz naturel pour véhicule (bioGNV) qui nécessite cependant le développement d'infrastructures collectives d'avitaillement ;

- de l'hydrogène à un horizon nettement plus lointain.

En revanche, l'usage de l'électricité semble devoir rester très circonscrit du fait des spécificités des travaux agricoles qui supposent des puissances fortes et des autonomies prolongées.

b) La trajectoire d'augmentation progressive du tarif d'accise sur le GNR agricole a été négociée avec le secteur agricole en contrepartie de mesures d'accompagnement

Le 11 septembre dernier, comme ça a été le cas pour la filière du BTP, le secteur agricole et le Gouvernement se sont mis d'accord sur une trajectoire pluriannuelle d'augmentation progressive du tarif d'accise appliqué au GNR agricole. Lissée sur sept ans, cette trajectoire, prévue par le présent article, doit conduire à un tarif de 23,81 euros/MWh en 2030, c'est-à-dire dans la moyenne des tarifs pratiqués aujourd'hui dans les principaux pays producteurs agricoles de l'Union européenne.

En contrepartie, le secteur agricole a obtenu l'augmentation des plafonds de la déduction pour épargne de précaution, un rehaussement des exonérations de plus-value agricole et une hausse substantielle du plafond de recettes pour l'application du régime « micro-BA » (cf. supra).

Cette hausse de la DEP, sans être aussi importante que ce qu'avait envisagé le Sénat, répond à une attente forte de notre assemblée, exprimée en particulier lors de l'examen de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, adoptée le 23 mai dernier et transmise à l'Assemblée nationale773(*).

Sans mesure complémentaire, le mécanisme actuel de remboursement ex post dont bénéficient les agriculteurs conduirait à ce que l'avance de trésorerie qu'ils consentent au moment où ils s'approvisionnent en GNR augmente par ricochet du fait de la hausse du tarif d'accise sur le GNR non agricole. Pour éviter ce phénomène qui aurait pénalisé les exploitants agricoles, le présent article prévoit l'instauration d'un mécanisme d'avance du remboursement (voir supra). Compte tenu des engagements pris par le Gouvernement, cette avance, constituée de deux acomptes, devra représenter 50 % du remboursement.

B. LA SUPPRESSION RELATIVEMENT INDOLORE DE DÉPENSES FISCALES BRUNES QUI BÉNÉFICIENT À L'INDUSTRIE

Si la commission, et plus encore dans le contexte actuel, se montre particulièrement sensible à la compétitivité des entreprises grandes consommatrices d'énergie, force est de constater que les dépenses fiscales dont la disparition est proposée dès 2024 dans le présent article, se caractérisent par leur usage très limité. Aussi, leur suppression ne semble-t-elle pas de nature à affaiblir la santé financière des secteurs concernés.

Ainsi, comme indiqué supra, en 2023 le coût prévisionnel des tarifs réduits d'accise auxquels sont soumises les énergies fossiles hors charbon et gaz naturel en application de l'article L. 315-75 du code des impositions sur les biens et services ne représenterait que 11 millions d'euros. S'agissant des installations exposées à la concurrence internationale mais non soumises au SEQE, le tarif réduit appliqué à la consommation de charbon présenterait même un montant nul. L'évaluation préalable de l'article ajoute que ces dépenses fiscales ne présentent qu'un « caractère très ponctuel » et qu'elles sont par ailleurs « en forte décroissance ».

Par ailleurs, les dispositions visant à supprimer en 2027 les tarifs d'accise nuls appliqués à la consommation de charbon utilisée pour les besoins de valorisation de la biomasse ainsi qu'aux combustibles utilisés dans les secteurs de la construction navale et aéronautique ne visent qu'à prendre acte de l'article 71 de la LFI pour 2023 et à le rendre juridiquement opérationnel.

Enfin, en 2023, les coûts prévisionnels des dépenses fiscales relatives aux tarifs nuls d'accise appliqués à la consommation de charbon utilisée pour les besoins de valorisation de la biomasse ainsi qu'à la construction navale et aéronautique devraient atteindre respectivement un million d'euros et 20 millions d'euros.

C. LA SUPPRESSION DISCRÈTE DE MESURES FRAICHEMENT ADOPTÉES DANS LE CADRE DE LA DE PRÉVENTION DU RISQUE INCENDIE : UNE TENTATIVE GROSSIÈRE QUI A FAIT LONG FEU

Face au tollé suscité par sa tentative discrète de revenir seulement quelques mois après leur adoption sur plusieurs mesures adoptées par le Parlement dans le cadre de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, le Gouvernement a fait machine arrière en retenant les amendements visant à supprimer les dispositions concernées du présent article 12 dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée Nationale en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Si le Gouvernement n'avait pas effectué ce geste de respect élémentaire envers le Parlement, le rapporteur aurait proposé lui-même de supprimer les deux alinéas visés.

D. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE SERONT COÛTEUSES POUR LES FINANCES PUBLIQUES

Les dispositions prévues au présent article, même si elles se traduisent par une diminution progressive de dépenses fiscales « brunes » coûteuses, ne seront pas source d'économies pour le budget de l'État.

Le rapporteur rappelle que le droit existant prévoit aujourd'hui un alignement du tarif d'accise du GNR non agricole sur celui du gazole routier dès le 1er janvier 2024, une mesure qui devait permettre de dégager des recettes budgétaires supplémentaires de l'ordre de 600 millions d'euros dès 2024 puis de 870 millions d'euros par an en rythme de croisière dès 2025.

Or, les dispositions proposées par le présent article, qui reviennent notamment sur cet alignement au 1er janvier 2024 pour lui substituer une trajectoire d'alignement progressive jusqu'en 2030, ne permettraient, d'après l'évaluation préalable, de dégager que 190 millions d'euros de recettes supplémentaires en 2024. Le montant net de recettes fiscales annuelles supplémentaires prévisionnelles que permettrait de dégager les mesures prévues à l'article 12 progresserait ensuite au fur et à mesure des trajectoires d'augmentation des tarifs d'accise sur les GNR agricole et non agricole pour atteindre un montant pérenne d'environ 760 millions d'euros par an qui aurait par ailleurs vocation à se restreindre progressivement au rythme de la diminution de la consommation de GNR, de l'ordre de 5 % par an d'après les prévisions de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

Comparaison des recettes supplémentaires attendues par l'État sur la période 2024-2031 entre l'application du droit existant prévoyant l'alignement du tarif d'accise du GNR non agricole dès le 1er janvier 2024 et l'application des différentes mesures prévues par le présent article

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les évaluations préalables annexées aux lois de finances

Sur la période s'étendant de 2024 à 2031 les pertes de recettes cumulées pour l'État qui résulterait de l'adoption des mesures prévues au présent article atteindraient ainsi plus de 2,6 milliards d'euros. L'écart serait encore nettement plus significatif si l'on ne tenait compte que des seules mesures relatives à l'étalement sur sept ans de l'alignement du tarif d'accise du GNR non agricole sur celui du gazole routier.

Dans le détail, l'évaluation (fournie dans l'évaluation préalable) des recettes supplémentaires permises par l'application des dispositions du présent article tient compte de leurs effets à la baisse sur le rendement de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés.

Pour l'année 2030, le gain prévisionnel pour l'État en termes de recettes du fait des dispositions du présent article se trouve être ponctuellement sensiblement réduit. Ce phénomène, cantonné à cette seule année, s'explique par un effet de trésorerie négatif pour l'État qui résulte du fait qu'à compter du 1er janvier 2030 le GNR coloré en rouge commercialisé par un réseau dédié sera désormais réservé aux seuls exploitants agricoles et forestiers et que le tarif d'accise qui lui sera alors appliqué dès sa commercialisation sera dorénavant celui qui concerne ces derniers (soit 23,81 euros/MWh selon la trajectoire proposée par le présent article), et non plus le tarif d'accise auquel étaient soumis les utilisateurs de GNR non agricole (54,76 euros/MWh en 2029 selon la trajectoire proposée par le présent article), au premier rang desquels le secteur du BTP. Ces derniers se fourniront désormais en gazole classique au tarif d'accise de droit commun du gazole routier. Ces évolutions conduiront ainsi l'État, en 2030, à devoir procéder, d'une part, et pour la dernière fois, au remboursement partiel ex post du tarif d'accise acquitté par les exploitants agricoles et forestiers sur le GNR qu'ils auront consommé en 2029 et, d'autre part à constater une diminution des recettes d'accise sur le GNR agricole consommé en 2030 en raison de l'application immédiate à la pompe du tarif réservé aux exploitants agricoles et forestiers. À compter de 2031, le remboursement disparaît.

Enfin, l'évaluation préalable estime les recettes supplémentaires générées par la suppression des tarifs réduits d'accise appliqués aux entreprises grandes consommatrices d'énergie qui relèvent du SEQE à environ 11 millions d'euros par an tandis que les mesures d'accompagnement des exploitants agricoles devraient avoir un coût annuel d'au moins 60 à 70 millions d'euros d'après les premières projections transmises par le Gouvernement, dont la moitié pour les nouvelles règles relatives aux plus-values agricoles, un tiers lié au nouveau plafond du micro-bénéfice agricole et le reste liés au rehaussement du plafond de la dotation pour épargne. Toutefois, lors de récents échanges avec les acteurs concernés, une nouvelle évaluation autour de 90 millions d'euros a été évoquée par ceux-ci.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 13

Renforcement des incitations fiscales à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports

Le présent article prévoit de rehausser les tarifs et pourcentages cibles d'incorporation de la taxe incitative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT). Le tarif et le pourcentage cible des carburéacteurs augmentent particulièrement dans le sillage de l'adoption du règlement européen sur les carburants aériens durables le 9 octobre dernier.

Alors que la TIRUERT est censée être une taxe incitative à très faible rendement, ses recettes ont connu une très forte progression entre 2021 et 2022, passant de 4 millions à 539 millions d'euros. Cette explosion du rendement, contraire à la vocation initiale de la taxe, s'explique par la hausse des prix des biocarburants dans le contexte de la crise énergétique. Les mécanismes incitatifs à l'incorporation des énergies renouvelables dans les carburants étant moins forts en France que chez nos voisins européens, les opérateurs ont préférer payer la TIRUERT et exporter les biocarburants.

Le relèvement des paramètres doit donc être poursuivi. De plus, le renforcement de la TIRUERT est indispensable pour respecter nos engagements européens, dans le cadre du programme « Fit for 55 ».

Toutefois, la hausse du tarif et du pourcentage cible des carburéacteurs peut pénaliser la compétitivité des compagnies aériennes française, dans la mesure où il n'existe pas encore une filière nationale mature de production de carburants durables à destination de l'aviation. Le règlement européen sur les carburants aériens durables ne permet pas de modifier les paramètres de la TIRUERT, mais il convient tout de même que le Gouvernement accompagne l'aviation civile dans la transition énergétique.

La commission des finances propose d'adopter cet article modifié par un amendement rédactionnel.

I. LE DROIT EXISTANT : LA TAXE INCITATIVE À L'UTILISATION D'ÉNERGIE RENOUVELABLE DANS LES TRANSPORTS (TIRUERT) A VOCATION À PROUMOUVOIR L'USAGE DES BIOCARBURANTS LES PLUS VERTUEUX

A. LES ORIGINES DE LA TAXE INCITATIVE À L'UTILISATION D'ÉNERGIE RENOUVELABLE DANS LES TRANSPORTS (TIRUERT)

1. L'incitation fiscale au développement des biocarburants : du prélèvement biocarburants de la TGAP à la TIRUERT

Pour favoriser l'utilisation des biocarburants et réduire les émissions de gaz à effet de serre, la loi de finances initiale pour 2005774(*) avait créé un prélèvement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) appliquée à certains carburants d'origine fossile (la TGAP-b).

L'article 192 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a remplacé ce prélèvement supplémentaire « biocarburants » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) par la taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants (TIRIB), prévue à l'article 266 quindecies du code des douanes. Taxe incitative, la TIRIB avait pour vocation d'encourager l'incorporation d'énergie renouvelable dans les carburants routiers775(*) en appliquant une taxation sur les carburants contenant une part de biocarburants inférieure à des objectifs d'incorporation déterminés dans la loi.

À compter du 1er janvier 2022, suite à l'élargissement de la base de calcul des seuils d'incorporation à l'électricité d'origine renouvelable délivrée dans les bornes de recharge publiques et au kérosène (carburéacteurs), la TIRIB a été rebaptisée en taxe incitative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT).

2. La TIRUERT s'inscrit dans un cadre et des objectifs européens visant à promouvoir l'usage des énergies produites à partir de sources renouvelables

La TIRUERT est déterminée par des normes issues du droit dérivé de l'Union européenne. Il s'agit tout d'abord de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite directive « ENR ». Elle a défini un cadre juridique pour les biocarburants à l'échelle européenne. Cette directive fixait également aux États membres un objectif de 10 % d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale du secteur des transports à horizon 2020.

Dans le prolongement de ce premier encadrement, une nouvelle norme européenne a été établie en 2018. La directive 2018/2001/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « ENR 2 » fixe ainsi un objectif d'utilisation des énergies renouvelables dans les transports à 14 % d'ici à 2030. Elle précise aussi que, dans l'atteinte de cet objectif, la contribution des biocarburants avancés et du biogaz doit représenter au moins 0,2 % en 2022, 1 % en 2025 et 3,5 % en 2030. Cette même directive plafonne aussi l'usage des biocarburants qui peuvent entrer en concurrence avec l'alimentation humaine ou animale. Elle prévoit ainsi que la part des biocarburants « produits à partir de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale » ne peut dépasser 7 % de la consommation finale d'énergie dans le secteur des transports.

Dans le cadre du programme dit « Fit for 55 », la Commission européenne a pris l'initiative de proposer une révision de la directive « ENR 2 ». La proposition publiée le 14 juillet 2021 par l'exécutif européen prévoit notamment de renforcer la consommation de biocarburants avancés et d'hydrogène dans les transports sur la période respectivement de 2,2 % et de 2,6 %. Le Parlement a voté cette directive en septembre 2022 et la période de trilogue se poursuit avec pour perspectives d'arriver à un accord avant la fin de l'année 2022. En droit national, les directives européennes ont été transposées à l'article L. 641-6 du code de l'énergie.

Les négociations européennes relatives à la révision de la directive sur les énergies renouvelables ont été conclues le 30 mars 2023. L'accord prévoit un objectif d'utilisation d'au moins 29 % d'énergies renouvelables d'ici 2030 dans le secteur des transports, ainsi qu'un objectif de 5,5 % de biocarburants avancés et de carburants renouvelables d'origine non biologique dans la part des énergies renouvelables utilisées pour les transports.

Article L. 641-6 du code de l'énergie

L'État crée les conditions pour que la part de l'énergie produite à partir de sources renouvelables utilisée dans tous les modes de transport en 2020 soit égale à 10 % au moins de la consommation finale d'énergie dans le secteur des transports et à au moins 15 % en 2030.

Dans la part minimale visée au premier alinéa, la contribution des biocarburants et du biogaz avancés produits à partir des matières premières énumérées à l'annexe IX, partie A, de la directive (UE) 2018/2001, comme part de la consommation finale d'énergie dans le secteur des transports, est d'au moins 0,2 % en 2022,1 % en 2025 et 3,5 % en 2030.

Pour l'application du présent article, seuls sont pris en compte les produits qui vérifient les critères de durabilité définis aux articles L. 281-5 à L. 281-10, selon des modalités fixées par voie réglementaire.

Les modalités de calcul des objectifs mentionnés au présent article sont fixées par voie réglementaire.

Source : code de l'énergie

B. UN DISPOSITIF INCITATIF VISANT À PROMOUVOIR L'INCORPORATION DES ÉNERGIES RENOUVELABLES LES PLUS VERTUEUSES TOUT EN PLAFONNANT L'USAGE DES BIOCARBURANTS DÉFAVORABLES À L'ENVIRONNEMENT OU EN CONCURRENCE AVEC LES PRODUCTIONS ALIMENTAIRES

1. Un mécanisme général visant à inciter à l'incorporation d'énergies renouvelables dans les carburants

Les redevables de la TIRUERT776(*) sont les personnes qui mettent à la consommation en France des essences, du gazole, des carburéacteurs et tous les carburants équivalents. En pratique, ces redevables sont les titulaires des dépôts pétroliers qui réalisent l'incorporation des biocarburants. Le fait générateur et l'exigibilité de la TIRUERT intervient au moment où « la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons » de l'accise sur les énergies (l'ancienne taxe intérieure sur la consommation sur les produits énergétiques ou TICPE) est exigible777(*).

L'assiette de la TIRUERT est constituée du volume total, respectivement, des essences, des gazoles et des carburéacteurs pour lesquels elle est devenue exigible au cours de l'année civile. Son montant est calculé séparément, pour les essences, pour les gazoles et pour les carburéacteurs.

Le montant de la TIRUERT dont doivent s'acquitter les redevables est égal au produit de son assiette par un tarif déterminé dans le tableau du IV de l'article 266 quindecies du code des douanes (cf infra), auquel est appliqué un coefficient égal à la différence entre le pourcentage cible d'incorporation d'énergie renouvelable, également précisé dans le tableau du IV du même article, et la proportion d'énergie renouvelable contenue dans les produits inclus dans l'assiette.

Le tableau du IV de l'article 266 quindecies fixe ainsi, d'une part, des tarifs de taxation en euros par hectolitre et, d'autre part, des pourcentages cibles d'incorporation d'énergie renouvelable (EnR) pour les essences, les gazoles et les carburéacteurs. Ces pourcentages cibles constituent des objectifs nationaux d'incorporation qui font l'objet d'augmentations progressives. Si la proportion d'EnR est supérieure ou égale au pourcentage cible d'incorporation, le montant de la taxe est nul.

Tarifs et cibles nationales d'incorporation de la TIRUERT
en vigueur en 2023

Produits

Tarif

(en euros par hectolitre)

Pourcentage cible d'incorporation

Essences

140

9,5 %

Gazoles

140

8,6 %

Carburéacteurs

168

1 %

Source : article 266 quindecies du code des douanes

Le metteur sur le marché est ainsi imposé sur l'écart entre le pourcentage cible d'incorporation et la proportion d'énergie renouvelable contenue dans les carburants. Une fois la part d'EnR contenue dans les carburants calculée, le taux de la TIRUERT est égal au pourcentage cible diminué de cette part. Le contribuable est alors redevable du volume total mis en consommation multiplié par ce taux et par le tarif correspondant (140 euros par hectolitre pour les essences et les gazoles ou 168 euros par hectolitre pour les carburéacteurs).

Le calcul de « la proportion d'énergie renouvelable (EnR) » définie à l'article 266 quindecies, c'est à dire du taux d'incorporation d'EnR dans les carburants concernés par la TIRUERT, dépend du pouvoir calorifique inférieur (PCI) ainsi que de la quantité du biocarburant incorporé. La proportion d'EnR désigne ainsi la proportion, évaluée en PCI, d'énergie produite à partir de sources renouvelables dont le redevable peut justifier qu'elle est contenue dans les carburants mis à la consommation. Cette proportion correspond au quotient entre la quantité d'EnR incorporée et la quantité d'énergie produite par celle-ci.

La quantité d'EnR des produits éligibles contenus dans les carburants mis à la consommation qui doit permettre de calculer la TIRUERT est obtenue en additionnant les quantités d'EnR de chaque type de produits éligibles soit, conformément au 1 du B du V de l'article 266 quindecies :

- les quantités d'énergies produites à partir de sources renouvelables contenues dans les carburants inclus dans l'assiette de la taxe que le redevable doit ;

- depuis le 1er janvier 2022, les quantités d'électricité d'origine renouvelable utilisées pour l'alimentation en France de véhicules routiers, exploités par le redevable de la TIRUERT, au moyen d'infrastructures de recharge ouvertes au public778(*) ;

- depuis le 1er janvier 2023, les quantités d'énergie contenues dans l'hydrogène renouvelable que le redevable a utilisé, en France, soit pour les besoins du raffinage de produits pétroliers, soit pour la production de produits inclus dans l'assiette de la TIRUERT779(*), soit encore pour l'alimentation de piles à combustible des moteurs électriques servant à la propulsion des véhicules qu'il exploite ;

- à compter du 1er janvier 2024, les quantités d'énergie contenues dans l'hydrogène bas-carbone produit par électrolyse, dans les mêmes conditions que pour l'hydrogène renouvelable.

Le 4 du B du V de l'article 266 quindecies précise par ailleurs que l'énergie renouvelable est comptabilisée uniquement lorsque les trois critères cumulatifs sont réunis :

- la traçabilité des produits dans lesquels l'énergie renouvelable est contenue est assurée depuis leur production ;

- les quantités d'électricité qui la contiennent sont mesurées et communiquées à l'administration ;

- lorsque l'énergie renouvelable est contenue dans des produits issus de la biomasse, ces derniers répondent aux critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévus au niveau européen780(*).

2. Des mécanismes spécifiques pour encourager les EnR les plus vertueuses et éviter les externalités négatives de certains biocarburants

a) Un plafonnement de l'incorporation des biocarburants qui génèrent des externalités négatives

La TIRUERT comporte un mécanisme de plafonnement concernant des matières premières issues de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale. Ainsi, le tableau du C du V de l'article 266 quindecies du code des douanes prévoit-il qu'au-delà des seuils qu'il fixe, les quantités d'énergie issues de matières premières qu'il comporte ne peuvent être prises en compte dans la détermination du taux d'incorporation d'EnR dans les carburants mis à la consommation.

Seuils maximums de prise en compte de l'énergie issue
de certaines matières premières en 2023

 

Droit en vigueur

Catégorie de matières premières

Seuil pour les essences

Seuil pour les gazoles

Seuil pour les carburéacteurs

1. Cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale et résidus assimilés

7 %

7 %

0 %

2. Égouts issus des plantes sucrières et obtenus après deux extractions sucrières et amidons résiduels issus des plantes riches en amidon, en fin de processus de transformation de l'amidon

1,0 %

1,0 %

aucun seuil

3. Tallol

0,1 %

0,1 %

0,1 %

4. Graisses et huiles usagées

0,9 %

1 %

aucun seuil

Source : article 266 quindecies du code des douanes

Ce dispositif vise à ne pas générer des effets de bords indésirables en raison du développement de biocarburants dont la production se fait au détriment de l'alimentation humaine ou de cultures agricoles néfastes à l'environnement.

b) Des coefficients multiplicateurs pour encourager l'incorporation d'EnR issues de matières premières « avancées », ainsi que l'usage de l'électricité et de l'hydrogène d'origine renouvelables

Dans une logique inverse à celle du plafonnement prévu par le C du V de l'article 266 quindecies, le E du même V prévoit un dispositif pour encourager l'incorporation d'énergies issues de matières premières dites « avancées », dont les incidences néfastes sur l'environnement sont moindres. Dans le cadre du calcul de la part d'EnR incorporée dans les carburants mis à la consommation, ces produits peuvent ainsi être comptabilisés pour le double de leur valeur énergétique réelle.

Cette mesure vise à favoriser l'émergence de biocarburants avancés en permettant aux metteurs sur le marché d'atteindre plus facilement les objectifs de taux d'incorporation qui leur sont fixés. Il s'agit également d'encourager l'utilisation de biocarburants apportant des externalités positives additionnelles, notamment par la réutilisation de déchets, de résidus, de matières cellulosiques non alimentaires, de matières ligno-cellulosiques et d'algues.

c) Une part de l'avantage fiscal lié aux pourcentages cibles d'incorporation est réservée aux seules énergies issues de matières premières avancées

Le D du V de l'article 266 quindecies prévoit que, pour la comptabilisation des quantités d'EnR incorporées, ne sont pas prises en compte les quantités d'énergie autres que celles issues des matières premières avancées si celles-ci excèdent la différence entre les pourcentages cibles d'incorporation fixés au tableau du IV du même article et les pourcentages qui figurent au tableau du D.

Pourcentages cibles prévus aux IV et au V de l'article 266 quindecies
du code des douanes applicables en 2023

Produits

Pourcentages cibles d'incorporation réservées aux matières premières avancées

(tableau du D du V)

Pourcentages cibles d'incorporation globaux

(tableau du IV)

Pourcentages cibles résiduels pour les biocarburants non issus de matières premières avancées

Essences

1,2 %

9,5 %

8,3 %

Gazoles

0,4 %

8,6 %

8,2 %

Carburéacteurs

0,0 %

1,0 %

1,0 %

Source : commission des finances du Sénat d'après l'article 266 quindecies du code des douanes

Les matières premières avancées

Les matières premières avancées correspondent aux produits retenus dans la partie A de l'annexe IX de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 dite directive « ENR 1 » dont la liste est la suivante :

a) algues si cultivées à terre dans des bassins ou des photobioréacteurs ;

b) fraction de la biomasse correspondant aux déchets municipaux en mélange, mais pas aux déchets ménagers triés relevant des objectifs de recyclage fixés à l'article 11, paragraphe 2, point a), de la directive 2008/98/CE ;

c) biodéchets tels que définis à l'article 3, point 4), de la directive 2008/98/CE, provenant de ménages privés et faisant l'objet d'une collecte séparée au sens de l'article 3, point 11), de ladite directive ;

d) fraction de la biomasse correspondant aux déchets industriels impropres à un usage dans la chaîne alimentaire humaine ou animale, comprenant les matières provenant du commerce de détail et de gros ainsi que des industries de l'agroalimentaire, de la pêche et de l'aquaculture, et excluant les matières premières visées dans la partie B de la présente annexe ;

e) paille ;

f) fumier et boues d'épuration ;

g) effluents d'huileries de palme et rafles ;

h) brai de tallol ;

i) glycérine brute ;

j) bagasse ;

k) marcs de raisins et lies de vin ;

l) coques ;

m) balles (enveloppes) ;

n) râpes ;

o) fraction de la biomasse correspondant aux déchets et résidus provenant de la sylviculture et de la filière bois, c'est-à-dire les écorces, branches, produits des éclaircies précommerciales, feuilles, aiguilles, cimes d'arbres, sciures de bois, éclats de coupe, la liqueur noire, la liqueur brune, les boues de fibre, la lignine et le tallol ;

p) autres matières cellulosiques non alimentaires ;

q) autres matières ligno-cellulosiques à l'exception des grumes de sciage et de placage.

Source : partie A de l'annexe IX de la directive (UE) 2018/2001 du 11 décembre 2018

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DES MESURES VISANT À RENFORCER LE CARACTÈRE INCITATIF DE LA TIRUERT

Le 1° du I de l'article prévoit de modifier, à compter du 1er janvier 2025 (en vertu du II de l'article), le tableau du IV de l'article 266 quindecies du code des douanes afin d'augmenter les tarifs et pourcentages cibles de la TIRUERT :

- le tarif des carburéacteurs serait rehaussé à 280 euros par hectolitre ;

- les pourcentages cibles des essences, des gazoles et des carburéacteurs seraient respectivement rehaussés à 10,5 %, 9,4 % et 2,0 %.

Tarifs et seuils d'incorporation de la TIRUERT prévus au IV
de l'article 266 quindecies du code des douanes : comparaison entre
le droit existant et le droit proposé

(les tarifs indiqués en euros par hectolitre)

 

Droit existant en vigueur au
1er janvier 2023

Droit existant qui sera en vigueur
au 1er janvier 2024

Droit proposé à partir du

1er janvier 2025

Produits

Tarif

Pourcentage cible

Tarif

Pourcentage cible

Tarif

Pourcentage cible

Essences

140

9,5 %

140

9,9 %

140

10,5 %

Gazoles

140

8,6 %

140

9,0 %

140

9,4 %

Carburéacteurs

168

1,0 %

168

1,5 %

280

2,0 %

Note : les tarifs et pourcentages cibles pour 2024 ont été définies par la loi n°2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances initiale pour 2023, et sont laissés inchangés par le présent article. Les chiffres surlignés en gras dans ce tableau et les suivants sont ceux qui ont fait l'objet de modifications entre le droit en vigueur et le droit proposé.

Source : commission des finances du Sénat

Le a du 2° du I de l'article propose de renforcer, à compter du 1er janvier 2025, l'incitation à recourir à l'énergie provenant de certaines formes de matières premières. Cette disposition rehausse ainsi le niveau à partir duquel les sources d'énergies suivantes ne peuvent plus être valorisées dans le calcul du pourcentage cible d'incorporation :

- le niveau d'incorporation des égouts pauvres781(*) est rehaussé à 1,2 % pour les essences ;

- celui des graisses et huiles usagées est rehaussé à 1,1 % pour les essences et à 1,2 % pour les gazoles.

Le 2° du I du présent article n'apporte pas de modifications aux tarifs et aux pourcentages cibles qui ont été définis pour l'année 2024.

Seuils à partir desquels les quantités d'énergies issues de certaines matières premières
ne sont plus prises en compte dans le calcul du pourcentage cible d'incorporation782(*) :
comparaison entre le droit existant et le droit proposé

Droit existant

 

Droit en vigueur au 1er janvier 2023

Droit qui sera en vigueur à partir du 1er janvier 2024

Catégorie de matières premières

Seuil pour les essences

Seuil pour les gazoles

Seuil pour les carburéacteurs

Seuil pour les essences

Seuil pour les gazoles

Seuil pour les carburéacteurs

1. Cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale et résidus assimilés

7 %

7 %

0 %

7 %

7 %

0 %

2. Égouts pauvres

1,0 %

1,0 %

aucun seuil

1,1 %

1,1 %

aucun seuil

3. Tallol

0,1 %

0,1 %

0,1 %

0,1 %

0,1 %

0,1 %

4. Graisses et huiles usagées

0,9 %

1 %

aucun seuil

0,9 %

1,1 %

aucun seuil

Droit proposé

 

Droit proposé à partir du 1er janvier 2025

Catégorie de matières premières

Seuil pour les essences

Seuil pour les gazoles

Seuil pour les carburéacteurs

1. Cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale et résidus assimilés

7 %

7 %

0 %

2. Égouts pauvres

1,2 %

1,1 %

aucun seuil

3. Tallol

0,1 %

0,1 %

0,1 %

4. Graisses et huiles usagées

1,1 %

1,2 %

aucun seuil

Note : la catégorie 2 se réfère plus exactement aux égouts pauvres issus des plantes sucrières et obtenus après deux extractions sucrières et amidons résiduels issus des plantes riches en amidon, en fin de processus de transformation de l'amidon.

Source : commission des finances du Sénat

En parallèle, les b et c du 2° du I modifient les conditions dans lesquelles les égouts pauvres sont pris en compte pour l'application des seuils d'incorporation prévus dans le tableau précédent.

Le b prévoit tout d'abord que les égouts pauvres, à compter du
1er janvier 2024, sont pris en compte à hauteur de 60 % (au lieu de 50 % en droit existant) de leur contenu énergétique pour l'application de la limite prévue dans la seconde catégorie, et à hauteur de 40 % (contre 50 %) pour l'application de la limite prévue dans la première catégorie. Il s'agit de la seule disposition de l'article qui prend effet en 2024 (II du présent article), les autres prenant toutes effet à partir du 1er janvier 2025.

Le c prévoit ensuite qu'à partir du 1er janvier 2025, les conditions dans lesquelles les égouts pauvres sont pris en compte pour l'application des seuils des catégories 1 et 2 du tableau précédent sont déterminées par arrêté conjoint du ministre chargé du budget, du ministre chargé de l'énergie et du ministre chargé de l'agriculture. Le Gouvernement justifie la fixation de cette répartition au niveau réglementaire par la nécessité de suivre et de prendre en compte les évolutions techniques de la filière de production du bioéthanol.

Répartition de la prise en compte du contenu énergétique des égouts pauvres
entre les catégories de matière première

Catégorie de matière première

Droit en vigueur au 1er janvier 2023

Droit proposé à partir du 1er janvier 2024

Droit proposé à partir du 1er janvier 2025

1. Cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale et résidus assimilés

50 %

60 %

Déterminé par arrêté

2. Égouts pauvres

50 %

40 %

Le d du 2° du I prévoit d'inciter davantage à l'incorporation des matières premières avancées783(*) en rehaussant, à la seconde ligne du tableau du D du V de l'article 266 quindecies du code des douanes, à 1,8 % pour les essences et à 0,7 % pour les gazoles, la fraction de l'avantage fiscal réservée aux matières premières avancées.

Fraction de l'avantage fiscal réservé aux matières premières avancées prévue au tableau du D du V de l'article 266 quindecies du code des douanes : comparaison entre le droit actuel et le droit proposé

Droit en vigueur au
1er janvier 2023

Droit qui sera en vigueur
au 1er janvier 2024

Droit proposé à partir du

1er janvier 2025

Essences

Gazoles

Carburéacteurs

Essences

Gazoles

Carburéacteurs

Essences

Gazoles

Carburéacteurs

1,2 %

0,4 %

0 %

1,3 %

0,5 %

0 %

1,8 %

0,7 %

0 %

Source : commission des finances du Sénat

Le troisième tiret du e du 2° du I vise à encourager l'utilisation des graisses et huiles usagées en rehaussant de 0,2 % à 0,4 %, le seuil en-deçà duquel un doublement est appliqué pour la comptabilisation des quantités d'énergie applicable à cette matière. Pour rappel, au-delà de ce seuil, les quantités d'énergie sont comptabilisées à leur valeur réelle.

Enfin, les deux premiers tirets du e du I procèdent à la suppression du double compte, c'est-à-dire du mécanisme de coefficient multiplicateur, pour les carburéacteurs. Il faut souligner que les carburéacteurs, contrairement aux essences, ne disposent d'aucun seuil pour l'application du double compte pour l'énergie issue des matières premières avancées (autres que le tallol) et celle issue des graisses et huiles usagées.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE DISPOSITION VISANT À ENCOURAGER LE DÉVELOPPEMENT DE TECHNOLOGIES PERMETTANT L'INCOPORATION DE BIOCARBURANTS DANS LE GAZOLE PÊCHE

Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement a retenu un amendement déposé par la députée Marie-Agnès Poussier-Winsback et plusieurs de ses collègues.

Le II de l'amendement vise à appliquer le mécanisme double-compte du V de l'article 266 quindecies du code des douanes aux énergies issues des huiles végétales hydrotraitées (hydrotreted vegetable oil - HVO). Il ne prévoit pas de seuil pour les essences et les carburéacteurs, et un seuil de 15 % pour les gazoles. L'objectif est d'inciter au développement de nouvelles technologies permettant l'incorporation de ces huiles dans le gazole pêche.

Pour éviter l'emploi de matières premières qui sont en concurrence avec l'alimentation, l'amendement restreint le bénéfice du double-compte aux HVO issues des matières de catégorie 3, c'est-à-dire à matières issues des animaux. Cette catégorisation est issue de l'article 10 du règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine.

En effet, contrairement à ce que leur nom indique, les HVO, qui désignent les carburants de génération « 1 G+ », incluent les huiles traitées à partir de graisses animales, qui sont les matières spécifiquement visées par cet amendement.

L'amendement précise par ailleurs que l'atteinte du seuil pour les gazoles doit être apprécié au regard des quantités de gazoles mises à la consommation ou déplacées par à des fins commerciales par le cédant des droits. Les quantités qui excèdent ce seuil ne peuvent donner lieu à une cession de droit que lorsqu'elles conduisent à excéder le pourcentage national cible d'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports.

Le double compte pour les HVO de catégorie 3 doit entrer en vigueur au 1er janvier 2024, et la mesure doit prendre fin au 1er janvier 2025.

Le I de l'amendement précise également que les essences et les gazoles qui sont exonérés de l'accise sur les énergies ne plus inclus par le mécanisme TIRUERT. Les seules essences et gazoles qui font l'objet d'une exonération complète d'accise pour un usage « carburant » sont utilisés pour la navigation intérieure et maritime (articles L. 312-54 et L. 312-55 du CIBS).

Il faut souligner que l'amendement ne vise pas directement à renforcer l'incorporation des HVO de catégorie 3 dans le gazole utilisé pour la pêche. En effet, même si les HVO sont les seules catégories de biocarburants qui peuvent, en théorie, être incorporés au gazole de pêche, la technologie pour réaliser cette incorporation n'est pas encore mature.

Les auteurs de l'amendement cherchent donc à encourager via la TIRUERT l'incorporation de HVO de catégorie 3 dans le gazole utilisé par les véhicules terrestres, afin à terme de permettre le développement de technologies qui permettent à terme de les incorporer dans le gazole de pêche.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. LE RELÈVEMENT DE DES CIBLES DE LA TIRUERT EST NÉCESSAIRE POUR RESPECTER NOS ENGAGEMENTS EUROPÉENS ET LIMITER LE PHÉNOMÈNE DE « FUITE DES BIOCARBURANTS » À L'EXPORTATION

1. Une taxe comportementale dont le rendement a explosé avec la crise énergétique

Le volume de biocarburants incorporé dans les carburants en France en 2021 a atteint 4,5 milliards de litres, soit 10,2 % du volume de carburants consommé sur le territoire français la même année. Ce volume était en hausse par rapport à 2020, mais n'avait pas atteint pas le niveau de 2019. La diminution constatée en 2020 s'explique par les répercussions de la crise sanitaire sur les activités de transport.

Entre janvier et juillet 2023, on estime que 2,9 mégamètres cubes de biocarburant ont été incorporés en France, dont 1,9 mégamètre cube dans le gazole, 1 mégamètre cube dans l'essence.

Volume de biocarburants mis à la consommation en France
de 2014 à 2021

Source : Panorama 2020 des biocarburants incorporés dans les carburants en France, Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), et le tableau de bord biocarburants d'Ifp énergie nouvelles pour l'année 2021.

Il convient de souligner qu'en tant que fiscalité dite « pigouvienne » ou comportementale, la TIRUERT est censée être une taxe purement incitative qui n'a pas un objectif de rendement. En cherchant à inciter à l'évolution des comportements en matière de production et d'usage d'EnR dans les transports, elle a pour finalité l'atteinte d'objectifs en matière d'incorporation d'énergie issue de sources renouvelables dans les carburants. Par conséquent, la réussite d'un tel dispositif fiscal se matérialise, normalement, par la faiblesse de son rendement budgétaire.

Or, alors que le rendement de la TIRUERT était 4 millions d'euros en 2021, ce qui était déjà exceptionnel, les recettes de la taxe sont estimées à 539 millions d'euros en 2022784(*), et il est prévu qu'elle atteigne 500 millions d'euros en 2023.

Sur ces deux années, la TIRUERT est ainsi devenue une « taxe de rendement », à l'encontre de sa vocation initiale.

Rendement de la TIRUERT entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

0,6

0,9

4

539

500

Note : le montant pour 2023 est prévisionnel

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les objectifs d'incorporation n'ont ainsi pas été atteints en 2022 :

- pour la filière « gazole », le taux d'incorporation est de 7,7 %, pour un objectif national de 8,6 % ;

- pour la filière « essence », le taux d'incorporation est de 9,12 %, pour un objectif national de 9,2 % ;

- enfin, pour la filière « carburéacteurs », le taux d'incorporation est de 0,98 %, pour un objectif national de 1 %.

2. Le phénomène de « fuite des biocarburants » s'explique par la crise énergétique ainsi que par le caractère moins incitatif de la TIRUERT en France par rapport à nos voisins européens

Dans l'évaluation préalable de l'article, l'administration explique le rendement exceptionnel de la taxe par le choix des opérateurs de vendre leurs matières premières renouvelables à l'exportation, dans le but de bénéficier de la hausse des prix de l'énergie consécutive à la guerre en Ukraine.

Cette situation vient matérialiser le risque de « fuite des biocarburants », contre lequel le rapporteur général mettait en garde l'année dernière : « dans un contexte de hausse des prix de l'énergie, de tensions exceptionnelles sur les approvisionnements énergétiques et de concurrence pour l'accès aux biocarburants, les tarifs actuels de la TIRUERT, insuffisamment incitatifs par rapport aux mécanismes mis en place par certains de nos partenaires, font courir un risque de fuite à l'étranger de ces produits ».785(*)

En effet, en 2022, les biocarburants s'échangeaient à des prix compris entre 1 100 euros par m3 et 1 800 euros par m3, alors que le marché se situait entre 500 euros par m3 et 700 euros par m3 en 2021. Or, les tarifs de la TIRUERT actuelles font que la pénalité en cas de non-respect des seuils d'incorporation est inférieure à ces prix (1 040 euros par m3 en 2022). De ce fait, il était devenu économiquement plus intéressant de payer la TIRUERT plutôt que d'atteindre les cibles d'incorporation.

Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur général, l'administration a confirmé cette hypothèse : « Ce montant reflète le comportement des opérateurs, qui, pour 2022, ont fait le choix de s'acquitter de la taxe en raison du prix élevé de certains biocarburants. En effet, les tensions sur les prix des énergies et sur les marchés des matières premières en 2022, en raison de la guerre en Ukraine, ont conduit à rendre les prix de certains biocarburants plus élevés que le montant de la pénalité acquittée en cas de non incorporation. »

La préférence à l'exportation s'explique aussi et surtout par le caractère plus incitatif des taxes comportementales des autres pays européens. En effet, d'après les données de la DGEC, nos voisins pratiquent en moyenne des pénalités 60 % plus élevées que la France pour les diesels et 40 % pour les essences. En conséquence, dans ces pays, un biocarburant peut ainsi être vendu entre 40 % et 60 % plus cher qu'en France.

Depuis le 1er janvier 2023, la pénalité de la TIRUERT s'élève à 1400 euros par m3 pour les filières essence et gazole et à 1680 euros par m3 pour la filière carburéacteur. À l'inverse, le cours des biocarburants est une diminution : le prix du biodiesel de Colza baisse de 34,2 % en 2023 par rapport à 2022, tandis que celui de l'éthanol diminue de 23 %. Il est donc possible que le rendement de la TIRUERT diminue dès 2023.

En tout état de cause, d'après l'administration, le rendement de la TIRUERT devrait revenir à la normale à partir de 2025.

Toutefois, si la crise énergétique est effectivement le fruit de circonstances exceptionnelles, la faiblesse de la TIRUERT par rapport à nos voisins européens est d'ordre structurel. Il importe donc de poursuivre la trajectoire de renforcement de la taxe.

3. Le relèvement de la TIRUERT est nécessaire pour le respect de nos engagements européens

Le relèvement des pourcentages cibles d'incorporation de la TIRUERT est également nécessaire pour atteindre les objectifs d'utilisations d'énergies renouvelables dans les transports fixés par le cadre européen.

Il convient toutefois de laisser le temps au secteur de s'organiser et à la production de s'accroître, stimulée par l'anticipation d'une demande supplémentaire, en donnant une visibilité suffisante aux acteurs. Les cibles sont ainsi régulièrement relevées en loi de finances initiale pour l'année avec une entrée en vigueur lors de l'année N+ 1.

La mission d'information du Sénat sur le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert, relevait que « plusieurs critiques ont été formulées à l'encontre des variations trop fréquentes de la TIRUERT, les acteurs demandant aujourd'hui plus de visibilité dans les trajectoires à venir »786(*), et préconisait ainsi de fixer une trajectoire pluriannuelle sur cinq ans. La mise en place d'une telle trajectoire permettrait effectivement des acteurs de la filière de mieux se projeter sur le long terme.

Évolution des pourcentages cibles d'incorporation (2010-2025)

Source : commission des finances du Sénat d'après le site internet du ministère de la transition écologique et le code des douanes

Par ailleurs, le renforcement de la promotion d'énergies issues de certaines matières premières, tout particulièrement des matières premières dites « avancées », les plus vertueuses d'un point de vue environnemental, apparait souhaitable.

B. L'ABSENCE D'UNE FILIÈRE NATIONALE MATURE DE CARBURANTS D'AVIATION DURABLES PÉNALISE LA COMPÉTITIVITÉ DES COMPAGNIES AÉRIENNES FRANÇAISES

L'évolution des dispositions de la TIRUERT relatives aux carburéacteurs doit être appréhendée dans un contexte européen marqué par l'adoption définitive du règlement sur les carburants aériens durables, dit « RefuelEU Aviation », par le Conseil le 9 octobre 2023, après son approbation par le Parlement européen le 13 septembre.

Partie intégrante du paquet législatif européen « Fit for 55 », le règlement RefuelEU Aviation vise à accroître l'utilisation des carburants durables d'aviation, afin d'inscrire le transport aérien sur la trajectoire des objectifs climatiques de l'Union (réduction de 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et neutralité carbone en 2050).

Pour ce faire, les aéroports et les fournisseurs de carburant de l'UE devront garantir, à partir de 2025, une proportion minimale de carburants d'aviation durables (CAD ou « Sustainable Aviation Fuels », SAF) dans les carburants mis à disposition des exploitants d'aéronefs (notamment les compagnies aériennes), avec une exigence croissante jusqu'en 2050 : 2 % en 2025, 6 % en 2030, 20 % en 2035, 34 % en 2040, 42 % en 2045, pour atteindre 70 % en 2050. Le règlement prévoit également un sous-objectif de part minimale de carburants de synthèse : 1,2 % en moyenne pour la période 2030-2031, 2,0 % en moyenne pour la période 2032-2034, 5 % en 2035, 10 % en 2040, 15 % en 2045 et 35 % en 2050.

Il convient de préciser que les biocarburants de première génération stricto sensu (c'est-à-dire principalement issus de cultures destinées à l'alimentation humaine ou animale) ne peuvent pas contribuer aux SAF, à la différence des biocarburants avancés.

L'augmentation du pourcentage cible d'incorporation d'énergie renouvelable pour les carburéacteurs prévue par le PLF 2024, à 2 % à compter de 2025, est cohérente avec l'objectif de 2 % de SAF en 2025 posé par le règlement RefuelEU Aviation.

Cependant, ce relèvement significatif, qui correspond à un doublement de la cible d'incorporation en seulement deux ans (les pourcentages fixés en loi de finances initiale pour 2023 étant respectivement de 1 % en 2023, 1,5 % en 2024 et 1,5 % en 2025), risque de se traduire par une dégradation de la compétitivité des compagnies aériennes françaises, voire par une perte de souveraineté technologique et énergétique, faute de développement d'une offre adéquate à l'échelle industrielle.

En effet, la croissance du recours aux SAF continue de se heurter à l'absence de structuration d'une filière de production, au niveau français comme au niveau européen, susceptible d'offrir une capacité suffisante et des prix compétitifs. La filière est davantage structurée aux États-Unis.

Selon les données recueillies dans le cadre du rapport d'information du Sénat de juillet 2023 sur les biocarburants précité, les biocarburants de maturité technologique relativement élevée coûteraient actuellement 3 à 4 fois plus cher que le kérosène, et ce coefficient serait de 4 à 10 pour les e-fuels (carburants de synthèse), technologiquement moins matures.

D'après l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les coûts des SAF devraient même rester supérieurs à celui du kérosène d'ici à 2050. Dans ce contexte, faute de production suffisante et compte tenu des surcoûts importants liés aux objectifs d'incorporation de biocarburants, les compagnies aériennes risquent de se détourner de manière croissante de la France et de l'Europe pour leurs approvisionnements en SAF.

Selon les représentants du secteur (Ufip Energies et Mobilités), alors que la demande de carburants bas carbone devrait doubler en France d'ici à 2035, l'offre n'augmenterait que de 30 % suivant l'état actuel des projets annoncés. Le déséquilibre serait tel que, pour remplir les objectifs d'incorporation définis par l'UE tous secteurs des transports confondus, la France devrait importer au moins 4 millions de tonnes de biocarburants en 2035, les SAF représentant plus du quart de ce déficit.

La commission propose d'adopter cet article, modifié par un amendement rédactionnel i-211 (FINC.54).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 13 bis (nouveau)

Modification de l'assiette de la contribution des assureurs au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO)

Le présent article prévoit de modifier l'assiette de la contribution des assureurs au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage (FGAO) et le taux associé pour les aligner sur ceux de la contribution des assurés. Actuellement assise sur les charges du FGAO, dont elle doit représenter au total 14 %, tout en étant proportionnelle aux primes et cotisations du dernier exercice, accessoires et rappels compris et annulations déduites, la contribution des assureurs serait désormais assise sur les primes et cotisations nettes qu'elles perçoivent pour l'assurance des risques de responsabilité civile résultant d'accidents causés par les véhicules terrestres à moteur, à un taux compris entre 0 et 2 %.

Ce changement d'assiette, qui n'est pas mal venu en ce qu'il permettrait d'assurer des ressources plus stables à un FGAO dont la pérennité financière n'est pas assurée du fait de l'inflation du coût des dommages corporels, pourrait entraîner une forte augmentation de la contribution des assureurs. Le taux, dont la fixation est prévue par arrêté, devrait toutefois dans un premier temps se limiter à 0,6 %, ce qui aboutirait à une contribution des assureurs conforme à sa tendance historique.

Par un amendement n° I-212 (FINC.55), la commission des finances propose de limiter le pouvoir de hausse de contribution aux mains de l'exécutif, en conservant la nouvelle assiette du FGAO mais en diminuant le plafond de la contribution des assureurs de 2 % à 1 %. Cette solution aurait le mérite, si la situation financière du FGAO requérait une contribution supplémentaire à l'avenir, de nécessiter une intervention du Parlement.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES, UN INSTRUMENT ESSENTIELLEMENT FINANCÉ PAR LES CONTRIBUTIONS DES ASSURÉS ET DES ASSUREURS DONT LA SITUATION FINANCIÈRE EST FRAGILE

A. LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) EST ESSENTIELLEMENT FINANCÉ PAR LES CONTRIBUTIONS DES ASSURÉS ET DES ASSUREURS

Le fonds de garantie automobile a été mis en place en 1951787(*). Renommé « Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages » (FGAO) par la loi de sécurité financière du 1er août 2003, il indemnise les victimes et ayant droits des victimes des dommages nés d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur (voiture, moto, ...), ainsi que les dommages aux biens, lorsque le responsable des dommages est inconnu ou qu'il n'est pas assuré788(*). Depuis 1966, il indemnise également les dommages corporels occasionnés par tout acte de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles789(*) ainsi que, depuis 1977, les victimes et ayants droit de victimes de dommages nés d'un accident de la circulation causé par une personne circulant sur le sol (piétons, cyclistes, skieurs, rollers...) ou un animal, si la personne responsable du dommage, ou le propriétaire de l'animal, est inconnu ou n'est pas assuré. Une indemnisation en cas de dommages aux biens est également prévue790(*). Le FGAO indemnise également les dommages causés par une catastrophe technologique et les risques miniers791(*), et d'autres dommages.

Notons enfin que la loi de finances rectificative n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 ayant confié aux entreprises d'assurances le versement des majorations légales de rentes pour les accidents survenus à compter du 1er janvier 2013, le FGAO n'exerce plus cette mission que pour un stock limité de dossiers, avec un simple rôle d'intermédiaire entre les sociétés d'assurances et leurs bénéficiaires792(*).

Comme le précise l'article 1629 du code général des impôts, les règles d'assiette, les taux, la liquidation et le recouvrement de la contribution pour l'alimentation du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages des responsables d'accidents non assurés sont définis aux articles  L. 421-4, L. 421-4-1 et L. 421-4-2 du code des assurances.

En plus du produit de ses placements financiers, des liquidations suite à un retrait d'agrément et des recours contre les auteurs de dommages non assurés, le FGAO est ainsi alimenté par des contributions des automobilistes assurés, des entreprises d'assurance, et des responsables d'accidents d'automobiles non bénéficiaires d'une assurance793(*).

Selon les articles L. 421-4-1 et L. 421-4-2 du code des assurances, la contribution des assurés, perçue par les entreprises d'assurance, est assise sur toutes les primes ou cotisations nettes qu'ils versent aux entreprises d'assurance pour l'assurance des risques de responsabilité civile résultant d'accidents causés par les véhicules terrestres à moteur et des remorques ou semi-remorques des véhicules. Le taux des contributions est fixé par arrêté, dans une fourchette comprise en 0 % et 2 % des primes. Le taux actuel est de 1,2 % des primes794(*).

La contribution des entreprises d'assurance est proportionnelle aux primes ou cotisations du dernier exercice, accessoires et rappels compris et annulations déduites, relatives à l'assurance des véhicules terrestres à moteur et des remorques ou semi-remorques des véhicules. Elle est recouvrée mensuellement par le fonds auprès des assureurs. Le taux de la contribution, également fixé par arrêté, est compris, pour les entreprises d'assurance au titre de la section « automobile »795(*), entre 0 % et 14 % des charges de cette section.

Le taux actuel est de 14 % de la totalité des charges de la section « automobile » du FGAO796(*). Pour la détermination de la contribution des assureurs, sont compris dans le calcul des charges, pour chaque mission rattachée, les indemnités et rentes réglées dans l'exercice, les variations de provisions lorsqu'elles correspondent à une dotation, ainsi que les frais de gestion du FGAO797(*).

La procédure intervient en deux étapes : une fois déterminé, dans un premier temps, le rendement que doit atteindre la contribution, il est fait appel, dans un second temps, aux assureurs en proportion des primes ou cotisations de leur dernier exercice : cette proportion est donc variable chaque année, et fixée de façon à atteindre le rendement de 14 % des charges du FGAO au titre de la section « automobile ».

L'augmentation du plafond du taux de la contribution des assureurs de 12 % à 14 % par la loi de finances pour 2019

L'article 52 bis du projet de loi de finances pour 2019 prévoyait de rehausser le plafond du taux de la contribution des assureurs au FGAO de 12 % à 25 %. Constatant que le report sur les cotisations des assurés serait très faible, mais notant que ce relèvement constituait un élément d'incertitude et de surprise pour les acteurs du marché de l'assurance automobile, la commission avait toutefois proposé d'adopter cet article.

En séance, deux amendements de suppression de M. Fouché et ses collègues, et M. Bocquet et ses collègues, ainsi qu'un amendement du Gouvernement tendant à ramener le plafond de 25 à 14 % avaient été déposés. Après que la commission a demandé le retrait des amendements de suppression et donné un avis de sagesse sur l'amendement du Gouvernement, ce sont finalement les premiers qui ont été adoptés.

À la suite de l'adoption d'un amendement du rapporteur général en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, la disposition, devenue l'article 124 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, a finalement été rétablie et le taux plafond de la contribution des assureurs fixé à 14 %, une hausse qui représente un coût de moins de 10 centimes d'euro par véhicule par an.

Sources : rapport n° 147 (2018-2019) d'Albéric de Montgolfier sur la seconde partie de la loi de finances, compte rendu de la séance du 7 décembre 2018 au Sénat, interview de Michel Gougnard

Enfin, la contribution des responsables d'accidents causés par l'utilisation des véhicules terrestres à moteur non assurés est assise sur le montant total des indemnités mises à leur charge à titre de réparation des dommages résultant de ces accidents. Le taux est fixé à 10 % des indemnités restant à la charge des responsables, mais peut être ramené à 5 % lorsque l'accident a été provoqué par un véhicule utilisé par l'État ou par un État étranger. Il est également ramené à 5 % des indemnités restant à la charge des responsables non assurés pour les bénéficiaires d'une assurance avec franchise.

B. LA SITUATION FINANCIÈRE DU FGAO EST « DÉLICATE »

Si la situation financière du FGAO, en 2022 donne l'impression d'une bonne santé financière, avec un résultat net de 34,3 millions d'euros, il faut noter que cet excédent intervient après une année 2021 particulièrement négative. Le résultat net de -169,8 millions d'euros était dû essentiellement aux dotations nettes aux provisions techniques, augmentant de 262,6 millions d'euros sans que les recettes n'augmentent autant, malgré le mode de calcul de la contribution des assureurs.

Recettes et charges de la section historique du FGAO en 2022

(en millions d'euros)

Source : rapport financier 2022 du FGAO

Ainsi, selon la Cour des comptes, qui a rendu un référé sur le sujet le 25 novembre 2020, « la situation financière du FGAO est délicate : ses fonds propres (...) pourraient encore se dégrader en raison de l'aléa majeur que constituent la non-assurance et plus généralement la délinquance routière ». Ce constat est appuyé par les propos du directeur général du FGAO, Julien Rencki, selon lequel « le modèle financier du FGAO est structurellement déséquilibré en raison de l'inflation du coût des dommages corporels (+ 4 à 6 % par an) », qui « représentent 99 % des provisions constituées par le FGAO »798(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'ALIGNEMENT DE L'ASSIETTE ET DU TAUX DE LA CONTRIBUTION DES ASSUREURS SUR CELLE DES ASSURÉS

Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement, vise à aligner l'assiette de la contribution des assureurs sur celle de la contribution des assurés. Le 1° du I, qui modifie l'article L. 421-4-1 du code des assurances, vise ainsi à asseoir la contribution des entreprises d'assurances sur toutes les primes ou cotisations nettes qu'elles perçoivent pour l'assurance des risques de responsabilité civile résultant d'accidents causés par les véhicules terrestres à moteur et des remorques ou semi-remorques des véhicules. En conséquence, le 2° du I, qui modifie l'article L. 412-4-2 du même code, vise à ce que le taux de la contribution soit compris entre 0 et 2 % de ces primes ou cotisations.

En effet, selon le Gouvernement, « compte tenu de l'intégration des différentes provisions techniques sur les charges futures calculées en prenant en compte les taux d'intérêt », le mode de calcul actuel de la contribution des assureurs lui confère un « caractère erratique ».

Le II du présent article prévoit que, au titre de l'année 2023, la contribution des entreprises d'assurances est établie dans les conditions prévues aux articles L. 421-4-1 et L. 421-4-2 du code des assurances dans leur version applicable au 31 décembre 2023.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF QUI FINIRAIT PAR PESER EXCESSIVEMENT SUR LES ASSURÉS ET QU'IL CONVIENT DE MODIFIER EN CONSÉQUENCE, NOTAMMENT EN METTANT DAVANTAGE À CONTRIBUTION LES NON-ASSURÉS

A. UNE ASSIETTE QUI PERMET DE METTRE FIN À LA VARIABILITÉ DE LA CONTRIBUTION DES ASSUREURS

Le mode de calcul actuel de la contribution des assureurs, en ce qu'il est assis sur les charges du FGAO, vise à leur correspondre au plus près. Toutefois le taux retenu pour la contribution des assureurs, de 14 % des charges du FGAO, ne suffit pas à leur garantir une situation financière systématiquement saine, puisque le résultat net du fonds peut être fortement négatif, comme en 2021 (-170 milliards d'euros) ou positif comme en 2022 (34 milliards d'euros). En outre, ces charges varient fortement d'une année à l'autre, et il en va de même, conséquemment, pour la contribution des assureurs.

En effet, les charges de la section « automobile » du FGAO incluent les « provisions mathématiques », c'est-à-dire les sommes que le fonds n'a pas à décaisser en l'année d'exercice, mais à l'avenir (par exemple les rentes en faveur de victimes étalées sur 30 ans). Ces provisions varient tous les ans en fonction de variables macroéconomiques comme les taux d'intérêt et taux d'inflation. Ainsi, une baisse des taux d'intérêt conduira à augmenter le montant des provisions mathématiques et donc les contributions des assureurs. A l'inverse, comme actuellement, une hausse des taux d'intérêt conduira à une reprise de provisions, ce qui limite le montant des charges et donc la contribution des assureurs quand bien même le niveau des décaissements reste le même.

Ainsi, le FGAO voit ses ressources évoluer en partie en fonction de son activité mais en grande partie aussi en fonction de l'évolution de ses provisions. Cela est en effet source de variabilité dans la contribution des assureurs, et ne suffit pas à garantir un résultat net positif, en dépit du taux de 14 %.

L'assiette proposée au présent article permet ainsi de mettre fin à cette variabilité et stabiliser la contribution.

B. LE PLAFOND DE CONTRIBUTION DES ASSUREURS DOIT TOUTEFOIS ÊTRE ABAISSÉ

L'évolution du taux de la contribution des assureurs de 12 à 25 % envisagée par le Gouvernement dans le PLF pour 2019 aurait sans doute été de nature à consolider le niveau des produits du FGAO et à le faire correspondre davantage aux charges - ce pourquoi le rapporteur général de l'époque avait accepté cette idée. Cette augmentation était sans doute probablement excessive, ce pourquoi le Sénat avait adopté sa suppression.

La raison principale de ce refus était que les assureurs auraient probablement reporté cette charge supplémentaire sur les primes et cotisations des assurés. Cette solution était apparue déséquilibrée aux sénateurs, puisqu'il s'agissait de faire peser un poids supplémentaire aux assurés du fait de la non-assurance ou de la fuite d'autres personnes.

De même, il faut noter que l'assiette prévue par le présent article et l'application du taux qui prévaut actuellement pour les assurés de 1,2 % induirait une participation beaucoup plus élevée des assureurs puisqu'elle serait désormais équivalente à celle des assurés, à ceci près que la contribution des assurés est assise sur les primes et cotisations qu'ils versent, et que celle des assureurs serait assise sur celle qu'ils perçoivent. Si cette mesure avait été appliquée dès 2022, cela aurait eu pour conséquence de quadrupler le niveau de contribution des assureurs - soit une hausse largement plus conséquente que celle prévue par le projet de loi de finances initial pour 2019.

Si la contribution serait juridiquement à la charge des assureurs, elle ne manquerait probablement pas de se répercuter sur les primes versées par les assurés, ce qui pourrait finir par avoir pour effet, contreproductif, de diminuer le nombre de personnes assurées en raison du niveau des primes.

Selon les informations recueillies par le rapporteur général, le Gouvernement ne souhaite toutefois pas augmenter structurellement la contribution des assureurs, mais au contraire la maintenir à sa tendance. Pour l'heure, le ministère des finances prévoit, après discussion avec le FGAO et les assureurs, de fixer par arrêté un taux à 0,6 %.

La borne supérieure de la contribution prévue pour les assureurs peut donc sans difficulté être ramenée de 2 % à 1 % : c'est l'objet de l'amendement n° I-212 (FINC.55). Cette solution aurait le mérite, si la situation financière du FGAO requérait une contribution supplémentaire à l'avenir, de nécessiter une intervention du Parlement, qui pourrait examiner l'opportunité de faire porter l'effort non pas uniquement sur l'assurance des risques des véhicules terrestres à moteur, mais également sur d'autres types d'assurances liées aux autres missions du FGAO (accidents de chasse, accidents causés par des personnes circulant sur le sol...).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 14

Renforcement du caractère incitatif à la transition énergétique
de la fiscalité applicable aux véhicules

Le présent article prévoit :

- un durcissement des barèmes des malus CO2 et masse auxquels sont soumis les véhicules particuliers ;

- la suppression du plafonnement du montant du malus CO2 à 50 % du prix de vente du véhicule ;

- le durcissement du barème de la taxe annuelle sur les émissions de CO2 des véhicules de société ;

- la substitution de la taxe sur l'ancienneté des véhicules de société par une nouvelle taxe sur les émissions de polluants atmosphériques ;

- la suppression en 2025 des exonérations de malus masse et de taxe annuelle sur les émissions de CO2 dont bénéficient les véhicules hybrides rechargeables ;

- une redéfinition de la notion de véhicule de tourisme et un encadrement de l'abattement de malus pour les familles nombreuses afin de contrecarrer des manoeuvres de contournement de l'impôt.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA NOTION DE VÉHICULE DE TOURISME

La notion de véhicule de tourisme constitue une catégorisation propre à la fiscalité des véhicules qui n'a pas d'existence en dehors de celle-ci. Elle n'est donc pas inscrite sur le certificat d'immatriculation mais se déduit d'informations qui y figurent. Quatre taxes régies par le code des impositions des biens et services, qui s'appliquent toutes aux véhicules de tourisme, se fondent sur cette notion :

pour les véhicules particuliers, la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, dite « malus CO2 » et la taxe sur la masse en ordre de marche, dite « malus masse »;

pour les véhicules des entreprises, la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone et la taxe annuelle sur l'ancienneté.

Cette notion de véhicule de tourisme est définie par les dispositions de l'article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services et s'appuie sur des catégories, sous-catégories, dénominations et carrosseries de véhicules elles-mêmes régies par le droit dérivé de l'Union européenne799(*).

En vertu de l'article L. 421-2 précité, cette notion comprend les voitures particulières relevant de la catégorie européenne M1 à l'exception des véhicules à usage spécial autres que ceux qui sont accessibles en fauteuil roulant. La catégorie M1 regroupe les véhicules conçus et construits pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum800(*).

Elle s'étend également, sous conditions, à certains véhicules de la catégorie N1, c'est-à-dire des véhicules conçus et construits pour le transport de marchandises ayant un poids maximal inférieur ou égal à 3,5 tonnes801(*) :

- d'une part, les véhicules de carrosserie « Camion pick-up » (BE) s'ils comportent au moins cinq places assises et s'ils ne sont pas exclusivement affectés à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables ;

- d'autre part, les véhicules de carrosserie « Camionnette » (BB) qui comportent, ou sont susceptibles de comporter après une manipulation aisée, au moins deux rangs de places assises et qui sont affectés au transport de personnes.

B. LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX VÉHICULES DE TOURISME DES PARTICULIERS

L'article L. 421-30 du code des impositions sur les biens et services dispose que l'immatriculation d'un véhicule est soumise à une taxe fixe (de 11 euros), une taxe régionale ou encore, pour les véhicules des catégories N, M2 et M3 à une taxe sur les véhicules de transport.

Ce même article prévoit que les véhicules de tourisme tels que définis à l'article L. 421-2 du même code (voir supra) se voient appliquer :

- une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, le « malus CO2 » ;

- et une taxe sur la masse en ordre de marche, le « malus masse ».

S'agissant de ces deux dernières taxes, l'article L. 421-33 du même code dispose que leur fait générateur est constitué par la délivrance d'un certificat d'immatriculation résultant de la première immatriculation en tant que véhicule de tourisme en France.

1. Le malus CO2

a) Une taxe assise sur les émissions des véhicules de tourisme

La taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, dite « malus CO2 », est une taxe assise sur les émissions des véhicules de tourisme. Elle intervient à l'occasion de la première immatriculation du véhicule en France. Dans son modèle actuel, le malus CO2 est issu de la réforme des taxes sur l'immatriculation des véhicules réalisée par l'article 55 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

L'article L. 421-59 du code des impositions sur les biens et services dispose que le montant du malus CO2 est égal à un tarif par véhicule déterminé en fonction de ses émissions de dioxyde de carbone. Ce montant figure dans un barème qui dépend de la norme dans laquelle les véhicules ont été réceptionnés et de l'année de première immatriculation.

Cette norme renvoie à la procédure dont font l'objet les véhicules lors de leur homologation appelée « cycle de roulage » ou bien « cycle de conduite ». Cette procédure permet de quantifier certains paramètres du véhicule et notamment ses rejets de CO2 et de polluants. En 2018, un nouveau cycle de conduite dit WLTP (pour Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures) est venu remplacer l'ancien dit NEDC (pour New European Driving Cycle).

Pour les véhicules les plus anciens qui n'ont pas été homologués selon les normes WLTP ou NEDC, le barème déterminant le montant de la taxe est fonction de leur puissance administrative exprimée en chevaux administratifs.

b) Des barèmes déterminent le montant de la taxe

Les barèmes du malus CO2 sont durcis chaque année802(*), l'article 55 de la LFI pour 2021 prévoyait ainsi un durcissement pluriannuel des barèmes sur la période 2021-2023. Ces revalorisations annuelles du barème prévoyaient notamment un abaissement annuel de 5 g de CO2 par km (gCO2/km) du seuil plancher d'émissions à partir duquel un véhicule se voyait soumis au malus. Celui-ci est ainsi passé de 138 gCO2/km en 2020 à 123 gCO2/km en 2023.

Évolution du barème du malus CO2 de 2008 à 2023

Source : Bonus-malus automobile : la nécessaire évaluation, I4CE, septembre 2021.

L'article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services se compose des barèmes relatifs à la méthode d'homologation WLTP. Pour une immatriculation en 2023, le barème en vigueur est présenté ci-après.

Barème de CO2, méthode dite WLTP, pour les années à compter de 2023

Émissions de CO2 (g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO2 (g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO2 (g/km)

Tarif (euros)

Inférieures à 123

0

157

2544

192

16149

123

50

158

2726

193

16810

124

75

159

2918

194

17490

125

100

160

3119

195

18188

126

125

161

3331

196

18905

127

150

162

3552

197

19641

128

170

163

3784

198

20396

129

190

164

4026

199

21171

130

210

165

4279

200

21966

131

230

166

4543

201

22781

132

240

167

4818

202

23616

133

260

168

5105

203

24472

134

280

169

5404

204

25349

135

310

170

5715

205

26247

136

330

171

6039

206

27166

137

360

172

6375

207

28107

138

400

173

6724

208

29070

139

450

174

7086

209

30056

140

540

175

7462

210

31063

141

650

176

7851

211

32094

142

740

177

8254

212

33147

143

818

178

8671

213

34224

144

898

179

9103

214

35324

145

983

180

9550

215

36447

146

1074

181

10011

216

37595

147

1172

182

10488

217

38767

148

1276

183

10980

218

39964

149

1386

184

11488

219

41185

150

1504

185

12012

220

42431

151

1629

186

12552

221

43703

152

1761

187

13109

222

45000

153

1901

188

13682

223

46323

154

2049

189

14273

224

47672

155

2205

190

14881

225

49047

156

2370

191

15506

Supérieures à 225

50000

Source : article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services

L'article L. 421-63 du même code comporte quant à lui les barèmes relatifs à l'ancienne méthode d'homologation NEDC tandis qu'à l'article L. 421-64 figure les barèmes exprimés en puissance administrative pour les véhicules les plus anciens. Le barème en puissance administrative pour une première immatriculation en France en 2023 est présenté ci-après.

Barème en puissance administrative pour les années à compter de 2023

Puissance administrative (CV)

Tarif (en euros)

Inférieure à 4

0

4

500

5

2250

6

3500

7

4750

8

6500

9

8000

10

9500

11

11500

12

12750

13

14500

14

16000

15

18750

16

20500

17

23000

18

25500

19

28000

20

30500

21

33000

22

35500

23

38000

24

40000

25

42500

26

45000

27

47500

Supérieure à 27

50000

Source : article L. 421-64 du code des impositions sur les biens et services

c) Des exonérations, des abattements et d'autres régimes dérogatoires

Il existe plusieurs types d'exonérations au malus CO2 :

les véhicules dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux (article L. 421-67 du code des impositions sur les biens et services) ;

- les véhicules accessibles en fauteuil roulant (article L. 421-65 du même code) ;

- les véhicules détenus par des personnes titulaires de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité », d'une carte d'invalidité militaire ou assumant la charge effective et permanente d'un enfant titulaire de l'une de ces deux cartes (article L. 421-69 du même code) ;

- les véhicules exclusivement affectés aux besoins des services d'incendie et de secours (SDIS), des associations de sécurité civile agréées pour participer aux opérations de secours, aux actions de soutien et d'accompagnement des populations victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que des acteurs de la Défense des forêts contre les incendies (article L. 421-70-1 du même code)803(*).

Des abattements au malus CO2 sont également prévus :

pour une personne qui assume la charge effective et permanente d'au moins trois enfants : un abattement de 20g/km par enfant pour les émissions de CO2 ou d'un cheval administratif par enfant pour la puissance administrative, dans la limite d'un seul véhicule d'au moins cinq places par foyer (article L. 421-70 du même code) ;

pour les véhicules d'au moins huit places assises détenus par une personne morale : un abattement de 80g/km pour les émissions de CO2 ou de quatre chevaux administratifs (article L. 421-66 du même code) ;

pour les véhicules dont la source d'énergie comprend le superéthanol E85 : un abattement de 40 % des émissions si elles ne dépassent pas 250g/km ou de deux chevaux administratifs si la puissance administrative du véhicule ne dépasse pas 12 chevaux (article L. 421-68 du même code).

L'article L. 421-60 du code des impositions sur les biens et services prévoit que le montant du malus est réduit de 10 % pour chaque période de douze mois entamée depuis la date de première immatriculation. Cette disposition concerne les véhicules anciens transformés en véhicules de tourisme ou les véhicules d'occasion importés.

L'article L. 421-61 du même code prévoit quant à lui, pour les véhicules dont la première immatriculation est intervenue à compter du 1er janvier 2022, un plafonnement du montant de la taxe à 50 % du prix d'acquisition du véhicule toutes taxes comprises.

En 2023, le produit du malus CO2 pourrait atteindre environ 600 millions d'euros.

Rendement du malus CO2 depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les chiffres fournis par la DGEC

2. Le malus masse

a) Une taxe assise sur la masse en ordre de marche des véhicules

La taxe sur la masse en ordre de marche des véhicules, dite « malus masse », est issue d'une recommandation qui avait été formulée par la convention citoyenne pour le climat. Elle a été instaurée par l'article 171 de la LFI pour 2021 et est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2022. À l'instar du malus CO2, elle intervient à l'occasion de la première immatriculation du véhicule en France.

Encadré par l'article L. 421-72 du code des impositions sur les biens et services, le montant du malus masse est égal au produit d'un tarif unitaire fixé à 10 euros par kg par la fraction de la masse en ordre de marche804(*) qui excède le seuil de 1 800 kg.

Ces deux paramètres sont déterminés par le tableau figurant à l'article L. 421-75 du code des impositions sur les biens et services présenté ci-après.

Barème du malus masse

Année de première immatriculation

Tarif unitaire (en euros/kg)

Seuil minimal (en kg)

Années à compter de 2022

10

1800

2021 et années antérieures

0

0

Source : article L. 421-75 du code des impositions sur les biens et services

L'article L. 421-74 du même code prévoit par ailleurs que le montant du malus masse ne peut excéder un seuil égal à la différence entre le tarif maximal du barème de malus CO2 applicable et le montant effectif de ce celui-ci. En d'autres termes, pour un même véhicule, l'addition du montant des deux malus ne peut excéder le tarif plafond du malus CO2, soit 50 000 euros en 2023.

b) Des exonérations, des abattements et d'autres régimes dérogatoires

Il existe plusieurs types d'exonérations au malus masse :

les véhicules dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux (article L. 421-78 du code des impositions sur les biens et services) ;

- les véhicules accessibles en fauteuil roulant (article L. 421-76 du même code) ;

- les véhicules hybrides rechargeables dont l'autonomie équivalente en mode tout électrique en ville est supérieure à 50 km ;

- les véhicules détenus par des personnes titulaires de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité », d'une carte d'invalidité militaire ou assumant la charge effective et permanente d'un enfant titulaire de l'une de ces deux cartes (article L. 421-80 du même code) ;

- les véhicules exclusivement affectés aux besoins des services d'incendie et de secours (SDIS), des associations de sécurité civile agréées pour participer aux opérations de secours, aux actions de soutien et d'accompagnement des populations victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que des acteurs de la Défense des forêts contre les incendies (article L. 421-81-1 du même code)805(*).

Des abattements au malus masse sont également prévus :

pour une personne qui assume la charge effective et permanente d'au moins trois enfants : un abattement de 200 kg par enfant dans la limite d'un seul véhicule d'au moins cinq places par foyer (article L. 421-81 du même code) ;

- pour les véhicules d'au moins huit places assises détenus par une personne morale : un abattement de 400 kg (article L. 421-77 du même code).

À l'instar de la disposition prévue pour le malus CO2, l'article L. 421-73 du code des impositions sur les biens et services prévoit que le montant du malus masse est réduit de 10 % pour chaque période de douze mois entamée depuis la date de première immatriculation.

Environ 2 % des véhicules immatriculés sont actuellement soumis malus masse806(*) pour un produit estimé à environ 27 millions d'euros en 2023807(*).

C. LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX VÉHICULES DE TOURISME DES ENTREPRISES

Comme le précise l'article L. 421-94 du code des impositions sur les biens et services, les véhicules de tourisme affectés à une activité économique sont actuellement soumis à deux taxes :

- la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone ;

- la taxe annuelle sur l'ancienneté.

Ces deux taxes ont été créées suite à la réforme des deux composantes de la taxe sur les véhicules de société opérée par l'article 55 de la LFI pour 2021. Leur fait générateur est constitué par « toute affectation du véhicule à des fins économiques » (article L. 421-105 du même code).

L'article L. 421-95 du même code dispose qu'un véhicule de tourisme est « affecté à une activité économique » s'il répond à l'une des trois conditions ci-après :

- il est détenu par une entreprise immatriculée en France ;

- une entreprise prend à sa charge, totalement ou partiellement, les frais engagés par une personne physique pour en disposer ou pour son utilisation ;

- il circule pour les besoins de la réalisation de l'activité économique d'une entreprise.

Le montant des deux taxes est calculé, pour chaque véhicule, pour chaque entreprise et pour chaque année civile par le produit entre :

- d'une part le quotient entre, au numérateur, la durée de l'affectation du véhicule en France à des fins économiques, en jours, et, au dénominateur, le nombre de jours de l'année civile, c'est-à-dire un prorata de la durée d'affectation de chaque véhicule au cours de l'année considérée ;

- d'autre part le tarif annuel qui résulte des conditions propres à chacune des deux taxes (voir infra).

1. La taxe annuelle sur les émissions de CO2

La taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone est fonction des émissions de CO2 des véhicules des entreprises. Son montant est calculé à partir de barèmes qui associent des tarifs annuels à des niveaux d'émissions exprimées en gCO2/km. Ces barèmes sont distingués selon le mode de réception du véhicule (WLTP ou NEDC). Pour les plus anciens véhicules, le tarif annuel est fonction de la puissance administrative du véhicule.

L'article L. 421-120 du code des impositions sur les biens et services comporte le barème appliqué aux véhicules réceptionnés selon la procédure WLTP. Présenté ci-après, ce barème définit un tarif annuel pour chaque quantité de grammes d'émissions de CO2.

Barème de la taxe annuelle sur les émissions de CO2 appliqué aux véhicules réceptionnés selon la procédure WLTP

CO2 (g/km)

Tarif annuel (euros)

CO2 (g/km)

Tarif annuel (euros)

CO2 (g/km)

Tarif annuel (euros)

CO2 (g/km)

Tarif annuel (euros)

CO2 (g/km)

Tarif annuel (euros)

0 à 20

0

71

57

122

195

173

1938

224

4682

21

17

72

58

123

197

174

2001

225

4725

22

18

73

58

124

198

175

2065

226

4769

23

18

74

59

125

200

176

2130

227

4812

24

19

75

60

126

202

177

2195

228

4880

25

20

76

61

127

203

178

2261

229

4924

26

21

77

62

128

218

179

2327

230

4968

27

22

78

117

129

232

180

2394

231

5036

28

22

79

119

130

247

181

2480

232

5081

29

23

80

120

131

249

182

2548

233

5150

30

24

81

122

132

264

183

2617

234

5218

31

25

82

123

133

266

184

2686

235

5288

32

26

83

125

134

295

185

2757

236

5334

33

26

84

126

135

311

186

2827

237

5404

34

27

85

128

136

326

187

2899

238

5474

35

28

86

129

137

343

188

2970

239

5521

36

29

87

131

138

359

189

3043

240

5592

37

30

88

132

139

375

190

3116

241

5664

38

30

89

134

140

392

191

3190

242

5735

39

31

90

135

141

409

192

3264

243

5783

40

32

91

137

142

426

193

3300

244

5856

41

33

92

138

143

443

194

3337

245

5929

42

34

93

140

144

461

195

3374

246

6002

43

34

94

141

145

479

196

3410

247

6052

44

35

95

143

146

482

197

3448

248

6126

45

36

96

144

147

500

198

3485

249

6200

46

37

97

146

148

518

199

3522

250

6250

47

38

98

147

149

551

200

3580

251

6325

48

38

99

149

150

600

201

3618

252

6401

49

39

100

150

151

664

202

3676

253

6477

50

40

101

162

152

730

203

3735

254

6528

51

41

102

163

153

796

204

3774

255

6605

52

42

103

165

154

847

205

3813

256

6682

53

42

104

166

155

899

206

3852

257

6733

54

43

105

168

156

952

207

3892

258

6811

55

44

106

170

157

1005

208

3952

259

6889

56

45

107

171

158

1059

209

3992

260

6968

57

46

108

173

159

1113

210

4032

261

7047

58

46

109

174

160

1168

211

4072

262

7126

59

47

110

176

161

1224

212

4113

263

7206

60

48

111

178

162

1280

213

4175

264

7286

61

49

112

179

163

1337

214

4216

265

7367

62

50

113

181

164

1394

215

4257

266

7448

63

50

114

182

165

1452

216

4298

267

7529

64

51

115

184

166

1511

217

4340

268

7638

65

52

116

186

167

1570

218

4404

269

7747

66

53

117

187

168

1630

219

4446

   

67

54

118

189

169

1690

220

4488

   

68

54

119

190

170

1751

221

4531

   

69

55

120

192

171

1813

222

4573

   

70

56

121

194

172

1875

223

4638

   

Source : article L. 421-120 du code des impositions sur les biens et services

L'article L. 421-121 du même code comporte le barème appliqué aux véhicules réceptionnés selon la procédure NEDC. Présenté ci-après, ce barème prévoit un tarif unitaire annuel identique pour des fractions de grammes de CO2 émises.

Barème de la taxe annuelle sur les émissions de CO2 appliqué aux véhicules réceptionnés selon la procédure NDEC

Émissions de CO2 (g/km)

Tarif unitaire annuel (euros/g/km)

Inférieures à 21

0

De 21 à 60

1

De 61 à 100

2

De 101 à 120

4,5

De 121 à 140

6,5

De 141 à 160

13

De 161 à 200

19,5

De 201 à 250

23,5

Supérieures à 250

29

Source : article L. 421-121 du code des impositions sur les biens et services

L'article L. 421-122 du même code comporte le barème fonction de la puissance administrative exprimée en chevaux administratifs (CV) appliqué aux véhicules les plus anciens. Ce barème est présenté ci-après.

Barème de la taxe annuelle sur les émissions de CO2 fonction de la puissance administrative

Puissance administrative (CV)

Tarif annuel (euros)

Inférieure à 4

750

De 4 à 6

1400

De 7 à 10

3000

De 11 à 15

3600

Supérieure à 15

4500

Source : article L. 421-122 du code des impositions sur les biens et services

Il existe plusieurs exonérations à la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone :

les véhicules accessibles en fauteuil roulant (article L. 421-123 du code des impositions sur les biens et services) ;

les véhicules dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux (article L. 421-124 du même code) ;

- dans la limite de seuils plafonds d'émissions ou de puissance administrative, les véhicules hybrides dont la source d'énergie combine soit, d'une part, l'électricité ou l'hydrogène et, d'autre part, le gaz naturel, le gaz de pétrole liquéfié, l'essence ou le superéthanol E85, soit d'une part, le gaz naturel ou le gaz de pétrole liquéfié et, d'autre part, l'essence ou le superéthanol E85 (article L. 421-125 du même code) ;

les véhicules affectés aux besoins des opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée (article L. 421-126 du même code), à des fins économiques par une personne physique exerçant son activité professionnelle en nom propre (article L. 421-127) au transport public de personne (article L. 421-130), aux activités agricoles ou forestières (article L. 421-131) à l'enseignement de la conduite ou du pilotage ainsi qu'aux compétitions sportives (article L. 421-132) ;

- les véhicules exclusivement affectés par une entreprise à des activités de location ou à la mise disposition temporaire de ses clients en remplacement de leur véhicule immobilisé (article L. 421-128 du même code) ;

les véhicules pris en location sur une période d'au plus un mois civil ou trente jours consécutifs (article L. 421-129 du même code).

2. La taxe annuelle sur l'ancienneté des véhicules

La taxe annuelle sur l'ancienneté des véhicules de tourisme des entreprises est fonction de l'année de la première immatriculation du véhicule et de sa source d'énergie808(*). Son montant est calculé à partir du barème suivant, présenté à l'article L. 421-134 du code des impositions sur les biens et services.

Barème de la taxe annuelle sur l'ancienneté

Année de première immatriculation

Tarif annuel lorsque la source d'énergie est assimilée au gazole (euros)

Tarif annuel lorsque la source d'énergie n'est pas assimilée au gazole (euros)

À partir de 2015

40

20

De 2011 à 2014

100

45

De 2006 à 2010

300

45

De 2001 à 2005

400

45

Jusqu'à 2000

600

70

Source : article L. 421-134 du code des impositions sur les biens et services

Les exonérations en vigueur pour la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone (voir supra) s'appliquent également pour la taxe annuelle sur l'ancienneté des véhicules de tourisme, à l'exception de l'exonération sur les véhicules hybrides.

Le rendement cumulé de la taxe annuelle sur les émissions de CO2 et de la taxe sur l'ancienneté, autrefois comprises dans l'ancienne taxe sur les véhicules de société, oscille entre 700 et 800 millions d'euros par an. L'administration n'est pas en mesure de préciser le rendement associé à chacune de ces deux taxes.

Rendement des deux taxes sur les véhicules des sociétés depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les chiffres fournis par la DGEC

D. DES FAILLES DANS LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX VÉHICULES DE TOURISME SONT GÉNÉRATRICES DE PRATIQUES D'ÉVITEMENT ILLÉGITIMES ET DE SCHÉMA FRAUDULEUX

1. Le contournement de la fiscalité par certains véhicules « pick-up »

Si, à l'origine, la notion de véhicule de tourisme ne s'appliquait qu'aux voitures particulières, sa définition a été élargie à compter du 1er janvier 2019 afin d'y intégrer les véhicules « pick-up » d'au moins cinq places. Cette évolution traduisait le constat que ces véhicules fortement émetteurs de CO2, bien qu'initialement conçu pour des activités de transport de marchandises, pouvaient également être utilisés pour un usage familial. De nombreux modèles de ces véhicules comportent deux rangées de places assises et sont conçus pour être utilisés comme des véhicules particuliers. Jusqu'en 2018, ces véhicules de catégorie N1 n'étaient pourtant pas soumis à la fiscalité écologique.

Depuis 2019, comme présenté supra, les véhicules de catégorie N1 et de carrosserie « Camion pick-up » (BE), s'ils comportent au moins cinq places assises et s'ils ne sont pas exclusivement affectés à l'exploitation des remontées mécaniques et des domaines skiables, sont considérés comme des véhicules de tourisme et sont à ce titre soumis à la taxation écologique.

L'évaluation préalable du présent article met en évidence le fait qu'en dépit de cet élargissement, un nombre significatif de véhicules de type « pick-up » continuent à ne pas être considérés comme des véhicules de tourisme et, par voie de conséquence, à ne pas être soumis aux malus CO2 et masse, soit parce que, sur proposition du constructeur, le véhicule est immatriculé avec un code carrosserie « Camion » (BA), soit parce qu'il ne propose que quatre places assises.

Ainsi, l'administration estime que sur les 5 481 véhicules de type « pick-up » immatriculés en 2022, 115 (de carrosserie « BA3 et comportant au moins cinq places assises), soit 2 % seulement du total ont été considérés comme des véhicules de tourisme soumis aux malus.

L'évaluation préalable estime que cette situation répond largement, de la part des constructeurs, à des logiques d'évitement illégitimes de la fiscalité sur les véhicules de tourisme. L'évaluation préalable vise tout particulièrement et explicitement le Ford Ranger.

2. Des pratiques de fraudes au remboursement de malus pour les familles nombreuses

L'évaluation préalable du présent article signale des pratiques « susceptibles d'être qualifiées de fraudes ou d'optimisation agressive » concernant le dispositif de remboursement de l'abattement de malus destiné aux familles nombreuses (voir supra les références aux articles L. 421-70 et L. 421-81 du code des impositions sur les biens et services).

Cet abattement est limité à un véhicule par foyer, aussi, le demandeur doit-il justifier de la cession d'un éventuel précédent véhicule pour être bénéficiaire d'un remboursement. En revanche, le dispositif ne prévoit aucune condition de durée s'agissant de la détention du précédent véhicule. Un même bénéficiaire peut donc bénéficier plusieurs fois, sur des périodes très courtes, d'une série de remboursements d'abattements consécutifs.

Toujours d'après l'évaluation préalable, les services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) auraient ainsi détectés des cas où un même usager demandait plusieurs remboursements sur des périodes très courtes en cédant de façon quasi immédiate les véhicules pour lesquels il venait de bénéficier d'un abattement. Dans le cadre de ces schémas frauduleux, des individus se serviraient de prête-noms dans le but de réaliser des plus-values sur les véhicules ayant fait l'objet d'abattements sur leurs montants de malus.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LE DURCISSEMENT DES MALUS APPLICABLES AUX VÉHICULES DES PARTICULIERS

1. Le durcissement du malus CO2

a) Le durcissement du barème du malus CO2

Le 3° du C du présent article propose de réviser, pour les immatriculations effectuées à compter du 1er janvier 2024, le barème des émissions de dioxyde de carbone du malus CO2 prévu à l'article L. 421-62 du code des impositions sur les biens et services, dans une perspective de durcissement à travers à la fois une augmentation conséquente de ses tarifs ainsi que, comme en 2021 et en 2022, un nouvel abaissement de 5 gCO2/km du plancher d'émissions (118 gCO2/km au lieu de 123 gCO2/km) à partir duquel un véhicule individuel se trouve imposé au malus. Le barème proposé par l'article est présenté ci-après.

Barème de CO2, méthode dite WLTP, pour les années à compter de 2024

Émissions de CO2 (g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO2 (g/km)

Tarif (euros)

Émissions de CO2 (g/km)

Tarif (euros)

Inférieures à 117

0

147

1761

177

17247

118

50

148

1901

178

18858

119

75

149

2049

179

20569

120

100

150

2205

180

22380

121

125

151

2370

181

24291

122

150

152

2544

182

26302

123

170

153

2726

183

28413

124

190

154

2918

184

30624

125

210

155

3119

185

32935

126

230

156

3331

186

35346

127

240

157

3552

187

37857

128

260

158

3784

188

40468

129

280

159

4026

189

43179

130

310

160

4279

190

45990

131

330

161

4543

191

48901

132

360

162

4818

192

51912

133

400

163

5105

193

55023

134

450

164

5404

Supérieures à 193

60000

135

540

165

5715

   

136

650

166

6126

   

137

740

167

6537

   

138

818

168

7248

   

139

898

169

7959

   

140

983

170

8770

   

141

1074

171

9681

   

142

1172

172

10692

   

143

1276

173

11803

   

144

1386

174

13014

   

145

1504

175

14325

   

146

1629

176

15736

   

Source : article 14 du PLF pour 2024

Comparaison du barème en vigueur pour une immatriculation en 2023 avec le barème proposé par l'article 14 pour une immatriculation en 2024 d'un véhicule homologué selon la méthode WLTP

Source : commission des finances du Sénat

Le 5° du C du présent article propose quant à lui un durcissement, pour les immatriculations effectuées à compter du 1er janvier 2024, du barème en puissance administrative du malus CO2 prévu à l'article L. 421-64 du même code. Le barème proposé par l'article est présenté ci-après.

Barème en puissance administrative pour l'année 2024

Puissance administrative (CV)

Tarif 2024 (en euros)

Inférieure à 4

0

4

1000

5

3250

6

5000

7

6750

8

10750

9

15750

10

22500

11

28500

12

35500

13

43250

14

52000

15 et plus

60000

Source : article 12 du PLF pour 2024

b) Réduction du coefficient de vétusté appliqué en fonction du nombre d'années qui précède la date de la première immatriculation en France

Le a) du 1° du C du présent article propose de modifier l'article L. 421-60 précité afin d'abaisser à 5 % par an, au lieu de 10 %, le coefficient de vétusté appliqué en fonction du nombre d'années qui précède la date de la première immatriculation en France et qui permet de réduire d'autant le montant du malus CO2 dû au titre du véhicule concerné.

Le c) du du 1° du C du présent article prévoit quant à lui que le montant du malus CO2 soit nul pour les véhicules dont la première immatriculation est antérieure au 1er janvier 2014. L'application du nouveau coefficient de 5 % à ces véhicules aurait conduit à les imposer au titre du malus CO2 quand l'ancien coefficient de 10 % les en aurait affranchi.

c) La suppression du plafonnement du malus CO2 à 50% du prix du véhicule

Le 2° du C du présent article prévoit de supprimer le plafonnement du malus à 50 % du prix du véhicule en proposant d'abroger l'article L. 421-61 du code des impositions sur les biens et services.

En outre, le b) du 1° du C du présent article 14 propose une coordination rédactionnelle visant à modifier l'article L. 421-60 du code des impositions sur les biens et services afin de tenir compte de la suppression du plafonnement809(*) prévue au 2° du C du présent article.

2. Le durcissement du malus masse

a) L'introduction d'un barème progressif pour le malus masse

En proposant une réécriture de l'article L. 421-72 du code des impositions sur les biens et services, le 1° du D du présent article prévoit une refonte globale du mode de calcul du malus masse. Il prévoit ainsi que dorénavant le montant du malus soit fixé en fonction d'un barème qui associe un tarif marginal à chaque fraction de la masse en ordre de marche du véhicule.

Le 3° du même D réécrit quant à lui l'article L. 421-75 du code des impositions sur les biens et services pour y faire figurer le nouveau barème destiné à déterminer le montant du malus masse pour les véhicules immatriculés à compter de l'année 2024. Ce barème est présenté dans le tableau ci-après.

Pour les années à compter de 2024

Fraction de la masse en ordre de marche (kg)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 1599

0

De 1600 à 1799

10

De 1800 à 1899

15

De 1900 à 1999

20

De 2000 à 2100

25

À partir de 2100

30

Source : article 14 du PLF pour 2024

Cette nouvelle méthode de calcul et l'introduction de ce barème conduirait à imposer au malus poids des véhicules qui ne le sont pas au regard du droit existant puisqu'il conduit à abaisser le plancher de masse en ordre de marche à partir duquel le véhicule est concerné par la taxe de 1 800 kg aujourd'hui à 1 600 kg en 2024. Par ailleurs, l'introduction d'un barème dont les tarifs marginaux augmentent à chaque fraction de la masse du véhicule conduirait à majorer significativement les montants de malus appliqués aujourd'hui aux véhicules qui y sont exposés.

Ce même 3° introduit un autre barème destiné aux véhicules immatriculés en 2022 et en 2023 qui permet de ne pas alourdir le malus qui leur aurait été appliqué au regard du droit existant.

b) Réduction du coefficient de vétusté appliqué en fonction du nombre d'années qui précède la date de la première immatriculation en France

À l'instar de ce que prévoit le présent article pour le malus CO2, le a) du 2° du D du présent article propose de modifier l'article L. 421-73 afin d'abaisser à 5 % par an, au lieu de 10 %, le coefficient de vétusté appliqué en fonction du nombre d'années qui précède la date de la première immatriculation en France et qui permet de réduire d'autant le montant du malus masse dû au titre du véhicule concerné.

Le b) du du 2° du D du présent article prévoit quant à lui que le montant du malus masse soit nul pour les véhicules dont la première immatriculation est antérieure au 1er janvier 2022, c'est-à-dire la date à laquelle le malus masse est entré en vigueur.

c) L'application du malus masse aux véhicules hybrides rechargeables à compter de 2025

Le 4° du D du présent article réécrit le premier alinéa de l'article L. 421-79 du code des impositions sur les biens et services afin, en date du 1er janvier 2025, de substituer à l'exonération de malus masse dont bénéficient actuellement les véhicules hybrides rechargeables un simple abattement de 200 kg dans la limite de 15 % de la masse en ordre de marche du véhicule afin de tenir compte du poids de la batterie électrique de celui-ci.

À compter de 2025, les véhicules hybrides rechargeables se verraient donc exposés au malus masse.

d) Une coordination rédactionnelle visant à actualiser une référence au droit de l'Union européenne

Le 2° du A du présent article modifie l'article L. 421-23 du code des impositions sur les biens et services qui définit la masse en ordre de marche et la masse en charge maximale techniquement admissible pour renvoyer aux références du droit de l'Union européenne appropriées les plus récentes, à savoir les 1.3, 1.6 et 1.7 de la section A de la partie 2 de l'annexe XIII du règlement d'exécution (UE) 2021/535 de la Commission du 31 mars 2021 établissant des règles relatives à l'application du règlement (UE) 2019/2144 du Parlement européen et du Conseil.

B. LE DURCISSEMENT DE LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX VÉHICULES DE TOURISME DES ENTREPRISES

1. Le durcissement de la taxe annuelle sur les émissions de CO2

a) La révision du mode de calcul de la taxe et l'introduction d'une trajectoire pluriannuelle conduisent à son renforcement progressif jusqu'en 2027

En créant un nouvel article L. 421-119-1 dans le code des impositions sur les biens et services, le a) du 2° du E du présent article procède à une profonde révision du mode de calcul de la taxe annuelle sur les émissions de CO2. En effet, désormais, sur le modèle du nouveau proposé pour le malus masse (voir supra), un nouveau barème associerait un tarif marginal à chaque fraction d'émissions de CO2 supplémentaire. Pour rappel, dans le droit existant, le montant de la taxe correspond simplement à un tarif fonction des émissions de CO2 de de chaque véhicule.

Le b) du même 2° propose ainsi de modifier les articles L. 421-120810(*), L. 421-121811(*) et L. 421-122812(*) afin de remplacer les anciens barèmes par de nouveaux qui répondent à ce nouveau principe de calcul basé sur la détermination d'un tarif marginal à chaque fraction d'émissions de CO2 supplémentaire des véhicules.

Les nouveaux barèmes proposés pour l'année 2024 pour les véhicules qui relèvent de la procédure d'homologation WLTP, de la méthode NDEC ou sur la base de la puissance administrative pour les véhicules qui ne relèvent pas de ces deux méthodes sont présentés ci-après.

Barème WLTP (article L. 421-120 du code des impositions sur les biens et services) proposé pour 2024 par l'article 14

Barème WLTP

Fraction des émissions de CO2 (g/km)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 14

0

De 15 à 55

1

De 56 à 63

2

De 64 à 95

3

De 96 à 115

4

De 116 à 135

10

De 136 à 155

50

De 156 à 175

60

À partir de 176

65

Source : article 14 du PLF pour 2024

Barème NEDC (article L. 421-121 du code des impositions sur les biens et services) proposé pour 2024 par l'article 14

Barème NEDC

Fraction des émissions de CO2 (g/km)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 12

0

De 13 à 45

1

De 46 à 52

2

De 53 à 79

3

De 80 à 95

4

De 96 à 112

10

De 113 à 128

50

De 129 à 145

60

À partir de 146

65

Source : article 14 du PLF pour 2024

Barème en puissance administrative (article L. 421-122 du code des impositions sur les biens et services) proposé pour 2024 par l'article 14

Barème en puissance administrative

Fraction des émissions de CO2 (g/km)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 3

1500

De 4 à 6

2250

De 7 à 10

3750

De 11 à 15

4750

À partir de 16

6000

Source : article 14 du PLF pour 2024

Les c), d) et e) du même 2° prévoient une évolution pluriannuelle de ces barèmes qui conduiraient à durcir progressivement la taxe en réduisant le plancher d'émission en dessous duquel le tarif marginal est égal à zéro (jusqu'à le supprimer totalement en 2027, année où813(*) la fraction d'émissions inférieure à 40g de CO2/km se verrait appliquer un tarif marginal de un euro) et, en parallèle, en faisant glisser les fractions d'émissions d'année en année avec pour conséquence de leur appliquer des tarifs marginaux en hausse.

Les barèmes proposés pour l'année 2027 sont présentés ci-après.

Barème WLTP (article L. 421-120 du code des impositions sur les biens et services) proposé pour 2027 par l'article 14

Barème WLTP

Fraction des émissions de CO2 (g/km)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 40

1

De 41 à 48

2

De 49 à 80

3

De 81 à 100

4

De 101 à 120

10

De 121 à 140

50

De 141 à 160

60

À partir de 161

65

Source : article 14 du PLF pour 2024

Barème NEDC (article L. 421-121 du code des impositions sur les biens et services) proposé pour 2027 par l'article 14

Barème NEDC

Fraction des émissions de CO2 (g/km)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 33

1

De 34 à 40

2

De 41 à 66

3

De 67 à 83

4

De 84 à 99

10

De 100 à 116

50

De 117 à 132

60

À partir de 133

65

Source : article 14 du PLF pour 2024

Barème en puissance administrative (article L. 421-122 du code des impositions sur les biens et services) proposé pour 2027 par l'article 14

Barème en puissance administrative

Fraction des émissions de CO2 (g/km)

Tarif marginal (euros)

Jusqu'à 3

2250

De 4 à 6

3750

De 7 à 10

4750

De 11 à 15

6000

À partir de 16

6750

Source : article 14 du PLF pour 2024

b) La suppression de l'exonération actuellement prévue pour les véhicules hybrides rechargeables

Le g) du 2° du E du présent article propose de réécrire l'article L. 421-125 du code des impositions sur les biens et services afin de substituer à l'exonération des véhicules hybrides rechargeables de simples abattements pour les véhicules dont la source d'énergie comprend le superéthanol E85. Ces abattements seraient les suivants :

- 40 % des émissions de dioxyde de carbone, sauf lorsque ces émissions excèdent 250 grammes par kilomètre ;

- deux chevaux administratifs pour la puissance administrative, sauf lorsque cette dernière excède 12 chevaux administratifs.

Par cohérence, et pour tenir compte de cette évolution, le f) du même 2° prévoit de modifier l'intitulé du sous-paragraphe 3 du paragraphe 3 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre 1er du titre II du livre IV de la partie législative du code des impositions sur les biens et services pour préciser que le sous-paragraphe en question concernerait non seulement des exonérations mais également des « abattements ».

2. Le remplacement de la taxe annuelle sur l'ancienneté des véhicules de tourisme par une nouvelle taxe sur les émissions de polluants atmosphériques

Le 3° du E du présent article entend créer une nouvelle taxe sur les émissions de polluants atmosphériques qui viendrait se substituer à l'actuelle taxe sur l'ancienneté des véhicules de tourisme.

En premier lieu, le a) du 3° du E du présent article modifie la dénomination de ladite taxe à l'article L. 421-133 du code des impositions sur les biens et services ainsi que dans l'intitulé du paragraphe 4 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre 1er du titre II du livre IV de la partie législative du même code.

En deuxième lieu, le b) du même 3° propose une réécriture des articles L. 421-134 et L. 421-135 dans le but de définir le cadre permettant de déterminer le montant de cette nouvelle taxe.

Ainsi, la proposition de nouvelle rédaction de l'article L. 421-134 prévoit-elle que le tarif annuel de la taxe sur les émissions de polluants atmosphériques soit déterminé en fonction de l'appartenance du véhicule à l'une des trois catégories d'émissions de polluants suivantes :

- la catégorie E, qui regrouperait les véhicules dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux ;

- la catégorie 1, qui regroupe les véhicules alimentés814(*) par un moteur thermique à allumage commandé815(*) et qui respectent les valeurs limites d'émissions Euro 5 ou Euro 6 ;

- la catégorie des véhicules les plus polluants, qui regroupe les véhicules ne relevant pas des deux précédentes.

La proposition de nouvelle rédaction de l'article L. 421-135 établit quant à elle le barème qui serait appliqué pour déterminer le montant de la nouvelle taxe. Les véhicules de la catégorie E (électrique et/ou hydrogène) se verraient appliquer un tarif annuel de 0 euros, les véhicules de la catégorie 1, un tarif de 100 euros et les véhicules considérés comme « les plus polluants » seraient frappés d'un tarif annuel de 500 euros.

Barème proposé pour la nouvelle taxe sur les émissions de polluants atmosphériques des véhicules de tourisme

Catégorie d'émission de polluants

Tarif annuel (euros)

E

0

1

100

Véhicules les plus polluants

500

Source : article 14 du PLF pour 2024

Le c) du même 3° abroge la disposition législative du code des impositions des biens et services qui prévoyait une exonération de taxe sur l'ancienneté pour les véhicules « dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux ». Ces véhicules correspondant à la catégorie E du barème de la nouvelle taxe sur les émissions de polluants atmosphériques, ils se verraient appliquer un tarif nul (voir supra).

Le 4° du E du présent article met à jour la référence qui figure à l'article L. 421-167 pour substituer la taxe sur les émissions de polluants atmosphériques à la taxe sur l'ancienneté. La nouvelle taxe resterait affectée à la branche famille du régime général de la sécurité sociale dans les conditions prévues par l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale.

Enfin, le 1° du E du présent article remplace les références à la taxe annuelle sur l'ancienneté qui figurent aux articles L. 421-94 et L. 421-113 du code des impositions sur les biens et services par la dénomination de la nouvelle taxe qu'il entend lui substituer.

D. DES MESURES VISANT À CONTRECARRER DES PRATIQUES D'ÉVITEMENT ILLÉGITIMES DE LA FISCALITÉ APPLICABLE AUX VÉHICULES DE TOURISME

1. Enrayer les pratiques de contournement de la fiscalité liées aux véhicules « pick-up » par la révision de la définition du véhicule de tourisme

Le 1° du A du présent article réécrit le 2° de l'article L. 421-2 du code des impositions sur les biens et services pour renvoyer à un décret la détermination des véhicules de la catégorie N1 susceptibles de recevoir les mêmes usages que ceux de la catégorie M1 et donc d'être considérés comme des véhicules de tourisme imposés au titre des malus CO2 et masse.

Le Gouvernement entend par là étendre la définition des véhicules de tourisme aux véhicules de carrosserie « pick-up » (BE) de quatre places assises et plus ainsi qu'aux de catégorie N1G enregistrés sur proposition des constructeurs avec un code carrosserie « camion » (BA) mais qui présentent en réalité toutes les caractéristiques opérationnelles d'un véhicule « pick-up ».

Le B de cet article 12 réalise deux coordinations rédactionnelles visant à modifier les articles L. 421-30 et L. 421-36 du code des impositions sur les biens et services afin de tenir compte de la réécriture de l'article L. 421-2 du même code proposée par le 1° du A du présent article (voir supra).

2. Décourager les pratiques de fraude au remboursement de malus pour les familles nombreuses

Les 6° du C et 5° du D du présent article modifient les articles L. 421-70 et L. 421-81 du code des impositions sur les biens et services pour prévoir que, sauf dans des situations déterminées par décret où le véhicule est devenu inutilisable, les abattements famille nombreuse des malus écologiques ne peuvent être accordés que dans une limite d'une fois tous les deux ans à un même foyer.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

A. L'ABANDON DE LA BAISSE DU COEFFICIENT DE VÉTUSTÉ APPLIQUÉ AUX VÉHICULES D'OCCASION

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement a intégré un amendement qu'il avait lui-même déposé et qui vise à renoncer à l'abaissement à 5 % par an (au lieu de 10 %) du coefficient de vétusté appliqué en fonction du nombre d'années qui précède la date de la première immatriculation en France et qui permet de réduire le montant des malus CO2 et masse de ces véhicules.

Pour ce faire, l'amendement supprime ainsi les dispositions qui étaient prévues au a) et au c) du 1° du C ainsi qu'au 2° du D.

Cette modification est présentée comme visant à réduire les conséquences du durcissement des malus sur le marché des véhicules d'occasion.

B. LA MAJORATION DE 100 KG DE L'ABATTEMENT DE MALUS MASSE DONT BÉNÉFICIENT LES PERSONNES MORALES

Dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, le Gouvernement a également retenu un amendement de Mme Lise Magnier et plusieurs de ses collègues visant à majorer de 100 kg, pour le porter à 500 kg, l'abattement de malus masse816(*) concernant les véhicules d'au moins huit places assises détenus par une personne morale.

C. DES CORRECTIONS MATÉRIELLES ET DES AJUSTEMENTS RÉDACTIONNELS MINEURS

Un amendement du Gouvernement a également modifié l'article d'origine afin de corriger des erreurs matérielles, notamment celle mentionnée supra au b) du 3° du E de l'article.

Enfin, le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité comprend aussi les dispositions de deux amendements rédactionnels du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée Nationale.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

A. L'ÉVOLUTION DES MALUS SUR LES VOITURES PARTICULIERES

1. Une nécessaire transition énergétique du parc automobile

a) Des engagements européens et des objectifs nationaux visant à décarboner la flotte de véhicules individuels

Aujourd'hui, le transport routier représente 95 % des émissions générées par le secteur des transports, soit à lui seul 28 % des émissions de CO2 en France. Les voitures individuelles représentant 55 % de cette part soit environ 15 % des émissions totales de CO2 en France.

Volume des émissions de CO2 des véhicules particuliers (VP) et des véhicules utilitaires légers (VUL) en France (1990-2018)

Source : feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile, mai 2023

D'après la feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile publiée en mai 2023 en application de l'article 301 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, en 2019, 37 millions de véhicules particuliers parcouraient 12 000 km par an en émettant en moyenne 150 gCO2/km.

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) poursuit l'objectif de réduire les émissions des voitures neuves de 28 % à horizon 2030 par rapport au niveau constaté en 2019 et d'atteindre, à cette même échéance une part de marché des véhicules électriques de 45 % (dont 10 % d'hybrides rechargeables). L'objectif actuellement envisagé pour la future SNBC, dit « run 1 » serait de porter cette ambition à - 41 %.

Trajectoire et leviers de décarbonation de la filière automobile

Source : feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile, mai 2023

Enfin, l'article 103 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (loi dite « climat-résilience ») a complété l'article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) pour prévoir un objectif d'ici au 1er janvier 2030, de « fin de de la vente des voitures particulières neuves émettant plus de 123 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre ».

Le droit de l'Union européenne prévoyait un objectif d'émissions moyennes des véhicules neufs de 95 gCO2/km pour la période 2020-2024, un niveau atteint dès 2020. À horizon 2030, il a fixé un objectif de réduction de 37,5 % de ces émissions par rapport à leur niveau de 2019, soit 60 gCO2/km. Il prévoit désormais un objectif de 0 g CO2/km en 2035, soit la fin de la vente des véhicules thermiques, y compris hybrides rechargeables.

Incidences prévisionnelles des objectifs fixés par la règlementation européenne
sur les types de motorisation des véhicules neufs vendus (2020-2035)

BEV : véhicule 100 % électrique

FCEV : véhicule hydrogène

PHEV : véhicule hybride rechargeable

HEV : véhicule hybride non rechargeable de l'extérieur

ICE : véhicule 100 % thermique

Source : feuille de route de décarbonation de la chaîne de valeur de l'automobile, mai 2023

En revanche, le droit de l'Union européenne ne prévoit aucun objectif en termes de masse des véhicules.

b) La transition du parc automobile français est engagée

En France, depuis 2010, les émissions moyennes des voitures particulières neuves sont orientées à la baisse.

Évolution des émissions moyennes des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers neufs (2010-2023)817(*)

(gCO2/km)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

En juin 2023, les émissions moyennes de CO2 des voitures neuves en France s'élevaient à 94,7 g/km contre 103,8 g/km en juin 2022 (et 120 g/km en janvier 2020), soit une baisse significative de près de 10 % en un an en raison notamment de la hausse de la part des ventes des véhicules électriques.

Sur les six premiers mois de l'année 2023, 140 200 voitures électriques neuves ont été immatriculées, contre 95 500 sur la même période en 2022, soit une augmentation de près de 50 %. Leur part de marché a également progressé de 3,4 points par rapport aux six premiers mois de 2022 pour s'établir à 15,5 %.

Évolution de la part de marché des véhicules électriques (2011-2023)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

La masse des véhicules neufs poursuit quant à elle une tendance à la hausse qui s'est nettement accélérée depuis 2018. Cette évolution s'explique notamment par le succès des véhicules de type SUV (sport utility vehicle).

Évolution de la masse des véhicules légers neuf immatriculés en France

Source : SDES, RSVERO

D'après l'évaluation préalable de l'article, la tendance à la hausse de la masse moyenne des voitures individuelles neuves se traduiraient par des augmentations annuelles comprises entre 17 et 25 kg.

2. Le malus CO2 concerne plus d'un tiers des véhicules neufs vendus contre 2 % seulement pour le malus masse

En juin 2023, la part des voitures neuves dont le taux d'émission de CO2 était supérieur ou égal à 123 g/km, les exposant ainsi au malus CO2, était de 36,2 %. Comme l'illustre le graphique ci-après, cette proportion connait une tendance haussière. D'après les éléments communiqués par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), pour les trois quarts de ces véhicules, le montant de malus serait inférieur à 1 000 euros.

Évolution de la proportion des véhicules neufs affectés d'un malus ou bénéficiant d'un bonus (2010-2023)

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

La proportion des véhicules frappés par des montants de malus CO2 les plus élevés, soit plus de 5 000 euros serait très marginale (moins de 2 %) mais représenterait plus de la moitié du rendement annuel de cette taxe. Le montant de malus moyen se situerait à un niveau légèrement inférieur à 1 000 euros.

Dans une étude publiée en septembre 2021818(*), l'Institut I4CE (Institute for climate economics) considérait que le barème actuellement en vigueur du malus CO2, même en réduisant chaque année de 5 gCO2/km son seuil de déclenchement, ne permettrait pas d'atteindre les objectifs prévus dans la SNBC. L'étude affirmait ainsi que « le barème gouvernemental prévu jusqu'en 2023 n'est pas compatible avec les objectifs de réduction d'émissions du parc neuf estimés à partir du scénario de référence de la SNBC ». Cette même étude ajoutait : « une refonte majeure du barème serait nécessaire pour atteindre les objectifs climats de la feuille de route française ».

En 2022, le malus masse ne concernait quant à lui qu'environ 2 % des véhicules vendus et aucune voiture produite en France. Hormis en Norvège, le malus masse en vigueur en France n'existe nulle part ailleurs en Europe.

3. Les malus CO2 et masse changent d'échelle

a) Un durcissement inédit des malus auxquels sont soumis les voitures particulières

(1) Le malus CO2

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, le durcissement du barème du malus CO2 prévu au présent article est sans commune mesure avec les ajustements annuels opérés depuis 2020. La courbe montre que les voitures les plus émettrices, à partir d'environ 170 gCO2/km, seraient particulièrement touchées par la révision du barème.

Comparaison des barèmes en vigueur pour 2020, 2021, 2022 et 2023 avec le barème proposé par l'article 14 pour une immatriculation en 2024 d'un véhicule homologué selon la méthode WLTP

Source : commission des finances du Sénat

Le tableau ci-dessous présente un échantillon des hausses de malus qui seraient constatées, en montant et en pourcentage, entre 2023 et 2024 si le barème du présent article entrait en vigueur. Elles vont de 50 euros, pour les véhicules émettant 118 gCO2/km qui entrent dans le dispositif du fait de la baisse du seuil de déclenchement du malus à ce niveau d'émissions jusqu'à 42 510 euros pour les véhicules émettant 194 gCO2/km qui seraient désormais frappés du nouveau montant plafond de 60 000 euros alors qu'en 2023 ils se voient appliqué un malus de 17 490 euros. Le montant plafond serait désormais déclenché dès 194 gCO2/km contre 225 gCO2/km aujourd'hui.

Évolution du montant de malus CO2 entre le barème 2023 et le barème 2024 proposé par le présent article

Émissions de CO2 en g/km

Hausse, en euros

Évolution en %

118-122

De 50 à 150 euros

100 %

123

120 euros

240 %

130

100 euros

48 %

135

230 euros

74 %

140

443 euros

82 %

150

701 euros

47 %

160

1 160 euros

37 %

170

3 966 euros

69 %

180

12 830 euros

134 %

190

31 109 euros

209 %

194 et plus

De 10 000 à 42 510 euros

De 20 % à 243 %

Source : commission des finances du Sénat

Du fait de la nouvelle diminution du seuil d'émissions à partir duquel le malus CO2 se déclenche, de petites citadines à essence (Clio, Peugeot 208, etc.), jusqu'ici épargnées, vont désormais être frappées d'un malus de 50 euros à 150 euros. La Dacia Sandero, modèle d'entrée de gamme prisé des foyers modestes et des classes moyennes, se verrait dorénavant soumise à un malus de 210 euros au lieu de 100 euros.

Parmi les principaux véhicules produits en France, seuls les Peugeot 308 (+ 90 euros) et 3008 (+ 488 euros) verraient le montant de leur malus CO2 augmenter entre 2023 et 2024.

Évolution du montant de malus CO2 entre le barème 2023 et le barème 2024 proposé par le présent article pour les 20 véhicules les plus vendus en France

Modèle

Énergie

Émissions de CO2 en g/km

Malus CO2 2023

(en euros)

Malus CO2 2024

(en euros)

Évolution 2023-2024

(en euros)

Renault Clio

Essence

119

0

75

+ 75

Peugeot 208

Essence

118

0

50

+ 50

Citroen C3

Essence

125

100

210

+ 110

Dacia Sandero

Essence

125

100

210

+ 110

Peugeot 2008

Essence

130

210

310

+ 100

Tesla Model Y

Électricité

0

0

0

-

Toyota Yaris Cross

Hybride non rechargeable

106

0

0

-

Renault Austral

Hybride non rechargeable

112

0

0

-

Dacia Spring

Électricité

0

0

0

-

Volkswagen Polo

Essence

124

75

190

+ 115

Dacia Sandero

Bicarburation essence-GPL

112

0

0

-

Toyota Yaris

Hybride non rechargeable

91

0

0

-

Peugeot 308

Essence

129

190

280

+ 90

Peugeot 208

Électricité

0

0

0

-

Fiat 500

Électricité

0

0

0

-

Ford Puma

Hybride non rechargeable

119

0

0

-

Renault Clio E-Tech Hybrid

Hybride non rechargeable

95

0

0

-

Volkswagen T-Roc

Essence

140

540

983

+ 443

Tesla Model 3

Électricité

0

0

0

-

Nissan Qashqai

Hybride non rechargeable

127

150

240

+ 90

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Alors qu'en 2023, la part des véhicules neufs soumis au malus CO2 devrait s'élever à 37,5 %, d'après les estimations de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), le nouveau barème prévu par le présent article pourrait conduire à soumettre, en 2024, 42 % des véhicules neufs vendus en France.

Véhicules soumis au malus CO2 depuis 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

D'après les données communiquées par la DGEC, la part des véhicules neufs vendus en France frappée par un montant de malus CO2 compris entre 50 euros et 240 euros ne devrait que faiblement évoluer entre l'application du barème 2022 et celle du nouveau barème prévu pour 2024 : 17,5 % au lieu de 17,3 %. Cependant, comme l'illustre le graphique ci-après, les parts des véhicules frappés par des montants de malus supérieurs augmenteraient de façon plus substantielle. À titre d'exemple, les véhicules soumis à un malus compris entre 260 euros à 740 euros représenteraient 13,7 % des ventes en 2024 contre 9,7 % en 2022.

Évolution des parts prévisionnelles des véhicules neufs soumis au malus CO2 répartie en fonction de fourchettes de montants entre l'application du barème 2022 et celle du barème prévu pour 2024 par le présent article

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

(2) Le malus masse

Un premier véhicule produit en France (le seul dans ce cas de figure), le monospace Renault Espace, se verrait désormais soumis à des malus masse allant de 200 euros jusqu'à 1 500 euros selon les modèles.

Sur la base des données d'immatriculation de l'année 2022, il apparaît que la diminution du seuil de déclenchement du malus masse à 1 600 kg prévue au présent article conduirait à exposer de 4 % à 10 % des véhicules neufs en 2024, contre environ 2 % avec le barème actuellement en vigueur avec un seuil de 1 800 kg.

Outre la baisse du seuil de son déclenchement à 1 600 kg, l'article prévoit aussi un net durcissement du barème du malus masse en proposant, en lieu et place des 10 euros par kg dépassant le seuil qui sont prévus aujourd'hui, des tarifs marginaux qui évoluent selon une logique de progressivité : 15 euros par kg pour les kg compris entre 1 800 kg et 1 900 kg, 20 euros pour les kg compris entre 1 900 kg et 2 000 kg, 25 euros pour les kg compris entre 2 000 kg et 2 100 kg et 30 euros pour les kg supérieurs à 2 100 kg.

À titre d'exemple, comme le montre le tableau ci-après, un véhicule de 2 200 kg est aujourd'hui frappé d'un malus masse de 4 000 euros (10 x 400 kg). Avec le nouveau barème proposé par le présent article, il serait soumis à un malus masse de 14 455 euros, soit une hausse de 10 455 euros.

Calcul du montant de malus masse pour un véhicule de 2 200 kg selon le nouveau barème proposé par le présent article

Fraction de la masse en ordre de marche (kg)

Montant en euros

Jusqu'à 1 599

0 (1 599 x 0)

De 1600 à 1799

1 990 (199 x 10)

De 1 800 à 1 899

2 985 (199 x 15)

De 1 900 à 1 999

3 980 (199 x 20)

De 2 000 à 2 100

2 500 (100 x 25)

À partir de 2 100

3 000 (100 x 30)

Montant total de malus masse

14 455

Source : commission des finances du Sénat

D'après l'évaluation préalable de l'article, le plafonnement du malus CO2 à 50 % du prix du véhicule ne concernerait que 0,3 % des nouvelles immatriculations annuelles. Il s'appliquerait en outre à des voitures dont le prix de vente est important, en moyenne de 71 000 euros, et les émissions élevées (en moyenne 238 gCO2/km). Néanmoins, en tenant compte de la révision des deux malus proposée par l'article 12, certains de ces véhicules seront frappés par un montant total cumulé supérieur à 90 000 euros. Avec la suppression du plafonnement à 50 % du prix d'achat, certains modèles se verront désormais appliquer un montant de malus près de deux fois supérieur à leur prix de vente. En pratique, de tels modèles ne pourront plus être vendus en France à compter de 2024. D'après les estimations de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), le rendement supplémentaire prévisionnel généré par la suppression de ce plafonnement pourrait atteindre 20 millions d'euros en 2024.

b) Un rendement prévisionnel supplémentaire d'environ 200 millions d'euros par an

L'évaluation préalable de l'article estime que l'ensemble des évolutions proposées par l'article à la fiscalité des véhicules particuliers pourrait se traduire par un accroissement du rendement cumulé des malus CO2 et masse de l'ordre de 200 millions d'euros par an sur la période 2024-2027.

Pour 2024, cette augmentation prévisionnelle se décomposerait entre 156 millions d'euros pour le malus CO2 et 44 millions d'euros pour le malus masse.

Rendement prévisionnels des malus CO2 et masse entre 2023 et 2024 en cas d'application des nouveaux barèmes prévus par le présent article

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données fournies par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

c) Des ajustements légitimes visant à résorber des pratiques de contournement de l'impôt ainsi que des schémas frauduleux

Les évolutions proposées par l'article pour entraver d'une part les pratiques de contournement de l'impôt concernant les véhicules de type « pick-up » en raison des failles de la définition législative actuelle des véhicules de tourisme et, d'autre part les schémas d'optimisation agressive voire de fraude à l'abattement de malus octroyé au bénéfice des familles nombreuses apparaissent comme légitimes.

D'après l'évaluation préalable, la redéfinition de la notion de véhicules de tourisme devrait ainsi permettre de taxer 2 538 véhicules supplémentaires soit environ 80 % de ceux qui présentent les caractéristiques opérationnelles des « pick-up ».

B. LE VERDISSEMENT DES VÉHICULES DE SOCIÉTÉ DOIT SERVIR D'AIGUILLON AU RESTE DU PARC AUTOMOBILE FRANÇAIS

En 2022, les flottes de véhicules de sociétés comptent environ 2,9 millions de voitures, soit un peu moins de 8 % du parc automobile dans son ensemble. Si les motorisations diesel représentaient toujours un peu plus de la moitié de ces flottes en 2022, leur part est en nette diminution depuis 2014, année où elle avait dépassé les 80 %.

Les véhicules de société représentent plus de la moitié des immatriculations neuves annuelles. En cela, et puisqu'elles alimentent fortement le marché de l'occasion, qui représente environ 70 % du volume des achats tous les ans, les flottes de véhicules des entreprises jouent un rôle tout à fait décisif dans la transition du parc automobile français. Leur décarbonation détermine, dans un deuxième temps, celle de l'ensemble du parc national.

Le nouveau barème proposé par l'article concernant la taxe annuelle sur les émissions de CO2 se traduit par un durcissement mais il apparaît également plus lisible que le dispositif actuel. En outre, sa trajectoire d'évolution lissée jusqu'en 2027 donne aux entreprises concernées une visibilité absolument essentielle pour ce type de dispositif. Enfin, en faisant notamment évoluer les règles relatives aux exonérations, les nouvelles modalités de cette taxe doivent aussi permettre de renforcer l'incitation à l'acquisition par les sociétés de véhicules 100 % électriques, plutôt que des véhicules hybrides.

Aujourd'hui, la taxe sur l'ancienneté, qui a pour objet d'inciter au renouvellement des flottes de véhicules de société, ne remplit pas pleinement son office, notamment parce que les tarifs prévus pour les véhicules immatriculés à partir de 2015 sont modestes (20 à 40 euros par véhicule). Dans la mesure où les flottes de véhicules de société sont en moyenne nettement moins anciennes que le reste du parc automobile, cette taxe semble aujourd'hui inadaptée à sa finalité et son rendement est extrêmement faible. Sa transformation en une taxe sur les émissions de polluants atmosphériques conduira à la durcir tout en la rendant véritablement incitative. Par ailleurs, elle ne sera plus fondée sur l'ancienneté du véhicule mais uniquement sur les émissions de polluants atmosphériques qu'il génère, soit un critère qui apparaît nettement plus pertinent pour une taxe comportementale à vocation environnementale.

L'évaluation préalable de l'article estime que les évolutions proposées par l'article pourraient se traduire par une augmentation du produit des taxes sur les véhicules de tourisme affectés à une activité économique d'environ 200 millions d'euros par an entre 2024 et 2027.

Le marché des véhicules de société devant servir d'aiguillon pour le renouvellement de l'ensemble du parc automobile, le verdissement de la fiscalité environnementale auquel il est soumis, s'il aura une incidence sur le niveau d'impôt acquitté par les entreprises concernées, apparaît comme nécessaire pour que la France tienne ses engagements de moyen et long terme et qu'elle soit au rendez-vous de la transition écologique du secteur du transport routier aux horizons de 2030 et au-delà.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14 bis (nouveau)

Création d'un abattement de taxe sur la masse en ordre de marche applicable aux véhicules hybrides non rechargeables

Le présent article prévoit la création d'un abattement de 100 kg sur le malus masse pour les véhicules hybrides non rechargeables.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE MALUS MASSE COMPORTE DES EXONÉRATIONS ET DES ABATTEMENTS

La taxe sur la masse en ordre de marche des véhicules, dite « malus masse » a été instaurée par l'article 171 de la loi de finances initiale (LFI) pour 2021819(*) et est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2022. Elle intervient à l'occasion de la première immatriculation du véhicule en France. Le cadre de cette taxation appliquée aux véhicules particuliers est décrit en détail dans le commentaire de l'article 14.

Il existe plusieurs types d'exonérations au malus masse :

les véhicules dont la source d'énergie est exclusivement l'électricité, l'hydrogène ou une combinaison des deux (article L. 421-78 du code des impositions sur les biens et services) ;

- les véhicules accessibles en fauteuil roulant (article L. 421-76 du même code) ;

- les véhicules hybrides rechargeables dont l'autonomie équivalente en mode tout électrique en ville est supérieure à 50 km (article L. 421-79 du même code) ;

- les véhicules détenus par des personnes titulaires de la carte mobilité inclusion portant la mention « invalidité », d'une carte d'invalidité militaire ou assumant la charge effective et permanente d'un enfant titulaire de l'une de ces deux cartes (article L. 421-80 du même code) ;

- les véhicules exclusivement affectés aux besoins des services d'incendie et de secours (SDIS), des associations de sécurité civile agréées pour participer aux opérations de secours, aux actions de soutien et d'accompagnement des populations victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que des acteurs de la Défense des forêts contre les incendies (article L. 421-81-1 du même code)820(*).

Des abattements au malus masse sont également prévus :

pour une personne qui assume la charge effective et permanente d'au moins trois enfants : un abattement de 200 kg par enfant dans la limite d'un seul véhicule d'au moins cinq places par foyer (article L. 421-81 du même code) ;

- pour les véhicules d'au moins huit places assises détenus par une personne morale : un abattement de 400 kg (article L. 421-77 du même code).

À l'instar de la disposition prévue pour le malus CO2, l'article L. 421-73 du code des impositions sur les biens et services prévoit que le montant du malus masse est réduit de 10 % pour chaque période de douze mois entamée depuis la date de première immatriculation.

Environ 2 % des véhicules immatriculés sont actuellement soumis malus masse pour un produit qui pourrait approcher les 250 millions d'euros en 2023.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA CRÉATION D'UN ABATTEMENT DE MALUS MASSE POUR LES VÉHICULES HYBRIDES NON RECHARGEABLES DE L'EXTÉRIEUR

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par Mme Lise Magnier et certains de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Ces dispositions proposent d'ajouter un article L. 421-79 au sous-paragraphe 3 du paragraphe 5 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code des impositions sur les biens et services. Ce nouvel article instaurerait un nouvel abattement au malus masse en faveur des véhicules hybrides non rechargeables de l'extérieur.

Sa rédaction prévoit en effet l'application d'un abattement de 100 kg pour un véhicule dont la source d'énergie comprend l'électricité et qui n'est pas éligible aux abattements prévus aux articles L. 421-78 et L. 421-79 du même code, c'est-à-dire les véhicules 100 % électriques ou hybride rechargeable de l'extérieur.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ABATTEMENT JUSTIFIÉ PAR LE POIDS DE LA BATTERIE D'UN VÉHICULE HYBRIDE

L'abattement proposé par le présent article est indissociable des dispositions prévues par l'article 14 du présent projet de loi de finances (PLF). En effet, ce dernier prévoit une profonde réforme du mode de calcul du malus masse ainsi qu'un abaissement de son seuil de déclenchement à 1 600 kg au lieu de 1 800 kg aujourd'hui ce qui conduirait à un net durcissement de cette taxation, à laquelle serait exposée une proportion plus importante des véhicules neufs.

Par ailleurs, ce même article 14 prévoit aussi, à compter de 2025, de substituer à l'exonération de malus masse dont bénéficient actuellement les véhicules hybrides rechargeables un simple abattement de 200 kg.

Comme l'avancent les auteurs de l'amendement dans leur objet, instaurer un abattement au malus masse en faveur des véhicules hybrides se justifie par l'alourdissement de ces véhicules qui résulte du poids de leur batterie. Cette cause d'augmentation de la masse des véhicules, vertueuse d'un point de vue environnemental, mérite de faire l'objet d'un traitement dérogatoire.

Par ailleurs, l'abattement de 100 kg prévu pour ces véhicules demeurerait inférieur à celui prévu pour les véhicules hybrides rechargeables de l'extérieur ce qui permettra de conserver un vecteur incitatif bienvenu au bénéfice de ces derniers.

Son coût budgétaire qui devrait être limité n'a pas été précisé par le Gouvernement dans l'objet de son amendement à l'article d'équilibre.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 15

Taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance

Le présent article prévoit l'instauration d'une taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance qui s'appliquerait aux sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) ainsi qu'aux principaux aéroports.

Alors que l'article prévoit d'affecter la totalité du produit prévisionnel de cette taxe à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France), l'amendement n° I-213 (FINC.56) de la commission propose d'en affecter deux fractions d'un douzième (soit 50 millions d'euros par fraction) aux départements d'une part et aux communes et à leurs groupements d'autre part pour soutenir les efforts d'entretien de leur voirie.

La commission des finances propose d'adopter l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : NON SANS DIFFICULTÉ, LE GOUVERNEMENT RECHERCHE UN DISPOSITIF JURIDIQUEMENT SOLIDE POUR FAIRE CONTRIBUER LES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES D'AUTOROUTES À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DES TRANSPORTS

A. LA FISCALITÉ SPÉCIFIQUE AUX SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES D'AUTOROUTES

Aujourd'hui, en dehors du cas des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), l'exploitation des infrastructures de transport ne fait pas l'objet d'une fiscalité spécifique.

Les SCA sont soumises pour leur part à deux taxes spécifiques :

la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé, ou taxe d'aménagement du territoire (TAT) ;

la taxe sur les recettes de l'exploitation du réseau autoroutier concédé.

Par ailleurs, les SCA versent également à l'État une redevance domaniale ainsi qu'une contribution volontaire exceptionnelle affectées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France).

1. Le produit de la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé pourrait dépasser les 750 millions d'euros en 2024

La taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé, ou taxe d'aménagement du territoire (TAT)821(*) est prévue par l'article L. 421-175 du code des impositions sur les biens et services. Son fait générateur est constitué par la réalisation d'un trajet par un usager sur une autoroute concédée (article L. 421-176 du même code).

Cette taxe est due par les SCA à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. Aussi, l'article L. 421-177 du même code dispose que le montant de la taxe est égal au produit d'un tarif unitaire par la distance parcourue par l'usager telle qu'elle résulte du système de péage.

La détermination de ce tarif unitaire est fixée par l'article L. 421-178 du même code. Établi à 7,32 euros par 1 000 km parcourus en 2019, ce tarif est, depuis 2020 et une modification apportée par l'article 21 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, indexé sur 70 % de l'inflation822(*). Aussi, en 2023, ce tarif a atteint 7,83 euros.

Évolution du tarif unitaire de la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé depuis 2019

(en euros pour 1 000 km parcourus)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le BOFIP

D'après l'article 28 du présent projet de loi de finance, le rendement de la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé pourrait atteindre 751 millions d'euros en 2024.

Rendement annuel de la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé depuis 2006

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Jusqu'à un plafond défini chaque année en loi de finances, et stable à 567 millions d'euros depuis quatre ans, le produit de cette taxe est affecté à l'AFIT France en vertu des dispositions de l'article L. 1512-20 du code des transports.

2. Le rendement de la taxe sur les recettes de l'exploitation du réseau autoroutier concédé ne dépasse pas 3 millions d'euros par an

Prévue par l'article L. 421-181 du code des impositions sur les biens et services, la taxe sur les recettes de l'exploitation du réseau autoroutier concédé, autrefois appelée taxe annuelle pour frais de contrôle823(*) a pour fait générateur la clôture de l'exercice comptable des SCA (article L. 421-182 du même code). En vertu de l'article L. 421-183 du même code, le montant de cette taxe correspond au produit d'un taux (compris entre 0,15 %o et 0,4 %o déterminé par arrêté824(*)) par les sommes perçues par le concessionnaire, au titre de l'exercice comptable, en contrepartie de l'exploitation du service public autoroutier, c'est-à-dire le chiffre d'affaires des SCA, minorées de 200 millions d'euros.

Le produit de cette taxe à faible rendement se situe entre deux et trois millions d'euros par an. Il a ainsi atteint 2,8 millions d'euros en 2022.

3. Une redevance domaniale pour un produit d'environ 400 millions d'euros par an

L'article R. 122-48 du code de la voirie routière prévoit que les SCA versent annuellement à l'État, pour une période comprise entre le 1er juillet et le 30 juin, une redevance pour occupation du domaine publique.

Assis sur le chiffre d'affaire de l'année précédente, et pour cela affecté en 2021 par les répercussions de la crise sanitaire, le produit de cette redevance domaniale a atteint 370 millions d'euros en 2022 mais pourrait dépasser les 400 millions d'euros cette année.

Évolution de la redevance domaniale (2016-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'AFIT FRANCE

La redevance domaniale due par les SCA

L'article R. 122-48 du code de la voirie routière prévoit que les sociétés concessionnaires d'autoroutes versent annuellement à l'État, pour une période comprise entre le 1er juillet et le 30 juin, une redevance pour occupation du domaine public déterminée par application de la formule suivante :

R = (R 1 + R 2) x 0,3,

où :

R 1 = V x 1 000 x L ;

R 2 = 0,055 x CA ;

V est la valeur locative de 1 mètre de voie autoroutière telle que fixée au II de l'article 1501 du code général des impôts et actualisée selon les modalités prévues pour les propriétés bâties autres que les immeubles industriels à l'article 1518 bis de ce même code.

L correspond au nombre de kilomètres des voies autoroutières exploitées par le concessionnaire au 31 décembre de l'année précédant l'année du versement.

CA représente le montant du chiffre d'affaires réalisé par la société au titre de son activité de concessionnaire d'autoroutes sur le domaine public national, tel qu'il apparaît dans les comptes définitifs au titre de l'année précédant l'année du versement.

Le montant de la redevance domaniale a connu une hausse importante à compter du 1er juillet 2013 en application du décret n° 2013-436 du 28 mai 2013 qui a modifié la composante R2 en portant de 1,5 % à 5,5 % le taux appliqué au chiffre d'affaires. À la suite de cette hausse, son produit est passé de 198 millions d'euros en 2012 à 300 millions d'euros en 2013, soit une forte augmentation de 51,5 %.

Cette hausse a été contestée par les SCA. Des compensations leur ont finalement été consenties dans le cadre du protocole du 9 avril 2015.

Source : Commission des finances du Sénat

4. Une contribution volontaire exceptionnelle à l'AFIT France que les SCA refusent de verser depuis 2021 en raison du conflit qui les oppose à l'État au sujet de l'indexation de la TAT sur l'inflation

Depuis la signature d'un protocole d'accord le 9 avril 2015 (voir infra) entre elles et l'État, les SCA se sont engagées à verser une contribution volontaire exceptionnelle pour un montant total de 1,2 milliard d'euros courants sur la durée des concessions, soit 60 millions d'euros par an.

Cependant, depuis 2021, les SCA, engagées dans un contentieux avec l'État au sujet de l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) sur l'inflation, refusent de s'acquitter de leur contribution annuelle de 60 millions d'euros due à l'AFIT France. Depuis trois ans, en raison de cette situation, l'AFIT France a déjà dû faire face à un déficit de recettes cumulé de 180 millions d'euros. À ce jour, il semble extrêmement peu probable que les SCA versent cette contribution en 2024, ce qui devrait porter le déficit cumulé à 240 millions d'euros sur la période 2021-2024.

Le contentieux entre l'État et les SCA au sujet de l'indexation de la TAT

Suite à l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) prévue par la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020 et devant le refus de l'État de compenser aux SCA ses effets, ces dernières ont estimé que les termes du protocole d'accord du 9 avril 2015 n'étaient plus respectés. Selon leur interprétation, ce protocole lierait le paiement par les sociétés de la contribution volontaire exceptionnelle à l'AFIT France à un engagement de l'État de stabilité de la fiscalité appliquée aux SCA. Les SCA ont ainsi pris la décision de suspendre le paiement de cette contribution en invoquant l'article 5 des conventions signées entre elles et l'AFIT France. Une phase de conciliation infructueuse entre l'État et les SCA a été menée au premier semestre de l'année 2021.

À ce jour, les SCA ont introduit deux contentieux juridictionnels :

- un premier devant le tribunal administratif de Paris aux fins d'être compensées des effets de l'indexation de la TAT,

- un autre devant le tribunal judiciaire de Nanterre825(*) ainsi que devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux fins de contestation des sommes réclamées par l'AFIT France au titre de la contribution.

S'agissant du premier contentieux, dans un arrêt du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a donné tort aux SCA en considérant que l'indexation de la TAT n'avait pas à leur être compensée. Le tribunal a notamment considéré que le requérant n'avait pas démontré que l'indexation avait un « impact significatif » sur la concession.

Toutefois les SCA ont toutes interjeté appel en mars 2023 de cette décision devant le Conseil d'État.

Source : commission des finances du Sénat

B. DEVANT LA RELANCE DU DÉBAT SUR LA RENTABILITÉ DES CONCESSIONS AUTOROUTIÈRES, LE GOUVERNEMENT RECHERCHE UN MOYEN DE LES METTRE À CONTRIBUTION

1. Sept sociétés concessionnaires « historiques » gèrent l'essentiel du réseau autoroutier français

Dès 1955, et pour rattraper son retard en matière d'investissements autoroutiers, la France a décidé d'opter pour un modèle concessif financé par les péages des usagers. Les concessions ne pouvaient alors être attribuées qu'à des personnes publiques ou des sociétés d'économie mixte (SEM) dans lesquelles les intérêts publics étaient majoritaires. Ainsi, au cours des 15 ans qui ont suivi, cinq sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA) à capital exclusivement public ont été créées :

- la Société de l'autoroute Esterel-Côte d'Azur Alpes (Escota), en 1956 ;

- la Société de l'Autoroute de la Vallée du Rhône (SAVR), en 1957, devenue société des Autoroutes du sud de la France (ASF) en 1973 quand son réseau s'est étendu à d'autres régions ;

- la Société de l'Autoroute Paris-Lyon (SAPL), en 1961, devenue la Société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) en 1975 ;

- la Société des Autoroutes Paris-Normandie (SAPN), en 1963 ;

- la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef), également en 1963.

En 1958 et en 1962 se sont également constituées la Société du tunnel du Mont-Blanc (STBM, devenue ATBM) ainsi que la Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF).

En 1970, un décret autorise l'État à confier la construction et l'exploitation des autoroutes à des personnes privées. Quatre nouvelles SCA à capitaux privés sont alors constituées :

- Cofiroute (Compagnie financière et industrielle des autoroutes) ;

- ACOBA (Société de l'autoroute de la côte basque) ;

- AREA (Société des autoroutes Rhône-Alpes) ;

- APPEL (Société des autoroutes Paris-Est-Lorraine).

La crise économique qui fait suite au choc pétrolier de 1973 se traduit par une chute du trafic autoroutier et à une mise à mal de l'équilibre économique des SCA privées qui font faillite et sont reprises par l'État à l'exception de Cofiroute, seule SCA historique à demeurer privée.

En 1994, une réforme de l'organisation du système autoroutier concédé est lancée dans le but de développer l'autonomie de gestion des SCA. Cette réforme se traduit notamment par des recapitalisations opérées par l'établissement public Autoroutes de France (ADF) créé en 1983 et devenu le principal actionnaire des SCA ainsi que par la mise en place de contrats de plan quinquennaux entre ces dernières et l'État.

La réforme se traduit également par une restructuration des SCA qui sont regroupées selon des critères géographiques en trois ensembles :

ASF (Autoroutes du sud de la France) et Escota (Esterel-Côte d'Azur) ;

- Sanef (Société des autoroutes du nord et de l'est de la France) et SAPN (Société des autoroutes Paris-Normandie) ;

- SAPRR (Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône) et AREA (Société des autoroutes Rhône Alpes).

De nouvelles concessions ont été créées à partir de 2001.

Après des introductions en bourse en 2002 puis en 2005, en 2006, les trois groupements de SCA historiques ont été privatisés. La cession des parts que l'État détenait dans le capital des SCA lui a rapporté 16,5 milliards d'euros à l'époque tandis que la dette financière des sociétés historiques de 16,8 milliards d'euros était transférée aux nouveaux acquéreurs privés.

La plus grande partie du réseau autoroutier concédé (95 % de son chiffre d'affaires) reste encore aujourd'hui gérée par les sept SCA historiques désormais privées : ASF, Escota, APRR, AREA, Sanef, SAPN et Cofiroute. Elles se partagent la desserte du territoire national selon une logique encore largement géographique, héritée de l'histoire des concessions. Dix SCA dites « récentes » gèrent également des concessions de même que les deux SEM évoquées supra : ATMB et SFTRF. Les 19 SCA qui interviennent sur le territoire national sont titulaires de 24 contrats de concession.

Réseau des sociétés concessionnaires d'autoroutes

Source : association française des sociétés d'autoroutes (AFSA)

2. L'article 32 des contrats de concession : une clause de stabilité fiscale renforcée en 2015

Après la privatisation, la négociation de plusieurs plans d'investissements autoroutiers a donné lieu à des avenants aux contrats de concession et à des allongements de la durée de celles-ci. Après plusieurs années d'âpres négociations, un protocole d'accord est signé en avril 2015 entre l'État et les SCA pour prévoir un nouveau plan d'investissements de 3,3 milliards d'euros. Les engagements pris dans le cadre de ce protocole sont intégrés aux contrats de concession par voie d'avenants. Ce protocole prévoit notamment un rattrapage du gel des tarifs des péages décidé par le Gouvernement en 2015 ainsi que de la hausse de la redevance domaniale qui était intervenue en 2013, elle-même compensée par une hausse des tarifs de péages.

Ce protocole prévoit aussi une réécriture de l'article 32 des contrats de concessions des SCA historiques qui conduit à un renforcement du principe de stabilité fiscale qu'il stipule. La nouvelle rédaction garantit aux SCA une stabilité totale des prélèvements obligatoires qui leur sont spécifiques.

Cet article stipule ainsi désormais que « en cas de modification, de création ou de suppression (...) d'impôt, de taxe ou de redevance, y compris non fiscale, spécifique aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, les parties se rapprocheront, à la demande de l'une ou de l'autre, pour examiner si cette modification, création ou suppression est de nature à dégrader ou améliorer l'équilibre économique et financier de la concession, tel qu'il existait préalablement à la création, modification ou suppression dudit impôt, taxe ou redevance. Dans l'affirmative, les parties arrêtent, dans les meilleurs délais, les mesures de compensation, notamment tarifaires, à prendre en vue d'assurer, dans le respect du service public, des conditions économiques et financières ni détériorées ni améliorées ».

En contrepartie, les SCA se sont engagées à verser à l'AFIT France une contribution volontaire exceptionnelle de 1,2 milliard d'euros sur 20 ans, soit 60 millions d'euros par an.

3. Dans le prolongement d'une commission d'enquête du Sénat de 2020, les interrogations sur le niveau de rentabilité des SCA ont rebondi cette année

L'évaluation de la rentabilité des SCA est une question éminemment complexe en raison notamment du modèle économique très particulier de ces dernières. Ce modèle se caractérise en effet par des pertes initiales importantes en raison d'un endettement lourd nécessaire au financement d'importants travaux auxquelles succèdent petit à petit des bénéfices au fur et à mesure de l'amortissement du réseau et de l'augmentation des péages ce qui doivent permettre, d'une part, de rembourser la dette contractée avant la fin de la concession et, d'autre part, de rémunérer le capital investi.

Le modèle économique des concessions autoroutières

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Le calcul de la rentabilité d'une concession autoroutière doit analyser ses résultats au regard des capitaux investis pour permettre de dégager ces résultats. Aussi, comme le signale l'Autorité de régulation des transports (ART), « de fait, la rentabilité s'évalue au regard des capitaux investis et non du chiffre d'affaires : un taux de marge élevé révèle une profitabilité importante par rapport au chiffre d'affaires, mais peut aller de pair avec une rentabilité modeste des capitaux investis »826(*). La rentabilité effective d'une concession autoroutière ne peut ainsi être calculée que sur l'ensemble de sa durée et n'être réellement constatée qu'au moment de son échéance.

La rentabilité des concessions autoroutières est d'autant plus difficile à objectiver que sur cette très longue temporalité, la prévisibilité de nombreux paramètres de nature à faire évoluer leur économie générale est très incertaine. C'est néanmoins en s'appuyant sur des hypothèses de long terme de ces paramètres que les taux de rentabilité interne (TRI) prévisionnels des concessions historiques ont été calculé en 2006 lors de la privatisation puis à l'occasion de la signature des avenants ultérieurs.

En 2020, sur la base des analyses réalisées par Frédéric Fortin, expert en fusion acquisition et en finances d'entreprise, le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières827(*) a considéré que si la rentabilité économique des concessions autoroutières se situait légèrement en deçà des attentes d'origine sur la période 2006-2019, elle deviendrait très élevée sur le reste de la période. En retenant la méthodologie dite du « TRI actionnaires », la commission d'enquête estimait ainsi que la rentabilité prévisionnelle de plusieurs SCA se situerait désormais à des niveaux très supérieurs aux estimations réalisées en 2006 lors de la privatisation.

Au printemps 2023, le Gouvernement a publié un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) daté de 2021 sur le modèle économique des SCA. Ce rapport estimait notamment que l'effet de l'indexation de la TAT sur l'inflation sur le taux de rentabilité interne (TRI) des SCA était au moins 5 fois inférieur à celui, favorable aux SCA, de la diminution du taux d'IS.

Ce même rapport considérait également que les TRI actionnaires de certaines SCA présentent des niveaux très supérieurs à ceux qui avaient été pris en compte en 2006. D'après ce même rapport, trois raisons principales expliqueraient cette évolution :

- l'amélioration des paramètres d'exploitation ;

- la baisse des taux d'intérêt ;

- des démarches d'optimisation bilancielle de type « effet de levier ».

Sans utiliser exactement la même méthodologie, le rapport de l'IGF et du CGEDD arrive peu ou prou aux mêmes conclusions que la commission d'enquête du Sénat en 2020.

L'Autorité de régulation des transports (ART) a quant à elle une lecture très différente de la question et ne considère pas que les TRI des SCA s'écartent de façon aussi nette des estimations d'origine828(*).

Cette différence d'approche s'explique notamment par la méthodologie utilisée pour le calcul du TRI. Tandis que l'ART retient la méthodologie du« TRI projet », la commission d'enquête du Sénat ainsi que le rapport des inspections de 2021 ont calculé des « TRI actionnaires ».

Les deux modes de calcul du taux de rentabilité'' interne (TRI)

Le taux de rentabilité'' interne (TRI) est une mesure de la rentabilité'' d'un investissement consistant à ramener l'ensemble des flux de trésorerie, sur toute la durée de vie de celui-ci, à un rendement annuel. Le TRI correspond au taux d'actualisation qui annule la valeur actualisée nette des flux de trésorerie sur la durée de vie de l'investissement.

Il est généralement utilisé en début de période pour motiver la décision d'investissement, mais le calcul du TRI réalisé en cours de période, comparé au TRI initialement projeté, peut également constituer un outil de pilotage intéressant pour le concédant.

Deux TRI distincts peuvent être calculés pour évaluer la rentabilité d'une concession :

- le TRI projet se fonde sur les flux d'investissements (négatifs) et d'exploitation (normalement positifs) de la concession. Il doit être comparé au coût moyen pondéré'' du capital (CMPC), qui est une estimation de la rémunération du capital attendue par l'ensemble des pourvoyeurs de fonds (actionnaires et créanciers) compte tenu du profil de risque de l'actif ;

- le TRI actionnaire se fonde sur les flux d'acquisition du capital de la concession par ses actionnaires (négatifs) et les versements de dividendes (positifs). Il doit être comparé au seul coût des fonds propres, c'est à dire à la rémunération attendue par les actionnaires compte tenu du profil de risque de l'actif.

Source : rapport de l'IGF et du CGEDD sur le modèle économique des sociétés concessionnaires d'autoroutes, février 2021

4. Dans un avis rendu à la demande du Gouvernement, le Conseil d'État trace une voie étroite en vue de la création d'une nouvelle taxe qui mettrait à contribution les SCA

Suite aux remous suscités par la divulgation du rapport des inspections de 2021 et dans la perspective de trouver de nouvelles sources de financement pour les investissements nécessaires à la transition écologique du secteur des transports (voir infra), le Gouvernement a demandé l'avis du Conseil d'État sur l'hypothèse de mettre à contribution les SCA sans pour autant être tenu de compenser cette nouvelle taxe au titre de la clause de stabilité fiscale prévue à l'article 32 des contrats de concession.

Il apparaît que la création d'une taxation spécifique aux SCA contraindrait l'État à en compenser les conséquences financières au titre de cette clause.

Le Gouvernement a donc demandé l'avis du Conseil d'État sur la possibilité d'introduire une disposition législative qui viserait à neutraliser la compensation prévue à l'article 32 des contrats. Le Conseil d'État a rappelé au Gouvernement que le Conseil constitutionnel juge que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant. Or, d'après l'avis rendu, les différents motifs invoqués par le Gouvernement ne permettraient pas d'éviter une censure constitutionnelle.

Sur le fait de savoir si une taxation dont le périmètre serait plus large pourrait être instaurée sans compensation, le Conseil d'État estime que « toute nouvelle contribution qui, sans viser explicitement les sociétés concessionnaires d'autoroutes, aurait pour effet pratique, compte tenu de ses modalités, de peser exclusivement ou quasi exclusivement sur elles pourrait entrer, sous réserve de l'appréciation du juge du contrat, dans le champ de l'article 32 et, par suite, ouvrir à ces sociétés un droit à compensation ».

La marge de manoeuvre visant à mettre à contribution les SCA apparaît donc étroite. Une taxation qui porterait sur un périmètre cohérent et objectif plus vaste que les seules SCA pourrait ne pas tomber sous le coup de l'article 32 des contrats mais à condition de ne pas peser quasi exclusivement sur celles-ci. À défaut, le juge administratif serait susceptible de condamner l'État à compenser les conséquences financières de cette taxe sur les SCA, le cas échéant au moyen d'une augmentation des tarifs des péages.

C. LES BESOINS DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT SONT RENFORCÉS PAR LES EXIGENCES RELATIVES À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DU SECTEUR

1. L'AFIT France bénéficie d'un panier de ressources affectées pour financer des dépenses en hausse

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) est un établissement public national à caractère administratif qui est chargé de financer, au titre de l'État, les projets d'infrastructures de transport. Ses champs d'intervention s'étendent du réseau ferroviaire aux infrastructures routières, en passant par les transports en commun, les ports, les voies navigables ou encore les mobilités dites actives.

En 2024, il est prévu qu'elle dépense 4,6 milliards d'euros soit une augmentation de 0,8 milliard d'euros par rapport aux prévisions les plus récentes pour 2023, concentrée à 65 % (0,5 milliard d'euros) sur les infrastructures ferroviaires, de transports collectifs et cyclables.

Pour financer ces dépenses, l'AFIT France bénéficie d'un panier de diverses recettes affectées. L'article L. 1512-20 du code des transports prévoit ainsi qu'une part du rendement des trois taxes suivantes est affectée à l'AFIT France :

le tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers pour un montant que l'article 28 du présent PLF propose de plafonner à 252 millions en 2024 ;

la taxe sur la distance parcourue sur le réseau autoroutier concédé (voir supra) pour un montant plafonné à 561 millions d'euros ;

- et l'accise sur les énergies (ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou TICPE) que l'article 28 du présent PLF propose de plafonner à 2,1 milliards d'euros en 2024.

Le panier de recettes affectées de l'AFIT France comprend également une part du produit des amendes des radars automatiques du réseau routier national (pour un montant qui pourrait s'établir à 250 millions d'euros en 2024) ainsi que la redevance domaniale prévue à l'article R. 122-48 du code de la voierie routière (voir supra).

Enfin, elle devrait percevoir, pour 60 millions d'euros par an, le produit de la contribution volontaire exceptionnelle des SCA (voir supra).

2. L'enjeu renouvelé du financement des infrastructures de transports

En février dernier, suite à la remise du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), la Première Ministre a annoncé un programme d'investissements dans les infrastructures ferroviaires de 100 milliards d'euros d'ici à 2040. Pour le financer, elle a notamment indiqué vouloir mettre à contribution le secteur aérien et les SCA.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INSTAURATION D'UNE NOUVELLE TAXE SUR L'EXPLOITATION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE LONGUE DISTANCE AFFECTÉE À L'AFIT FRANCE

A. UNE TAXE SUR LES GROS EXPLOITANTS D'INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE LONGUE DISTANCE QUI AFFICHENT UNE RENTABILITÉ SUPÉRIEURE À 10 %

1. La suppression de la taxe sur les recettes de l'exploitation du réseau autoroutier concédé

Le 1° du I. du présent article procède à la suppression de la taxe sur les recettes de l'exploitation du réseau autoroutier concédé829(*), ancienne taxe annuelle pour frais de contrôle.

2. Une taxe qui frapperait l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance dont le chiffre d'affaires excède 120 millions d'euros sur une année et qui affichent une rentabilité supérieure à 10 %

Le 2° du même I propose quant à lui de compléter par un nouveau chapitre V le titre II du livre IV du code des impositions sur les biens et services. Ce chapitre intitulé « taxes communes à plusieurs modes de transports » serait composé d'une section unique appelée « taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance ».

Composée de trois articles L. 425-1, L. 425-2 et L. 425-3, la sous-section 1 serait intitulée « éléments taxables et territoires ».

L'article L425-2 proposé par le présent article prévoit ainsi que la taxe s'applique à l'exploitation d'une ou plusieurs infrastructures de transport de longue distance qui réunirait les trois critères suivants :

- le rattachement au territoire de taxation (définit infra à l'article L. 425-3);

- des revenus d'exploitation encaissés au cours de l'année civile qui excèdent 120 millions d'euros;

- un niveau moyen de rentabilité de l'exploitant qui excède 10 %.

L'article L. 425-3 définit quant à lui le territoire de taxation de la nouvelle imposition, à savoir, en plus du territoire unique mentionné à l'article L. 411-5 du code des impositions sur les biens et services (formé de la métropole, des territoire de la Guadeloupe et de la Martinique, de la Guyane, de la Réunion et de Mayotte), les territoires des collectivités de Saint-Barthélemy (à l'exception de la voirie et des ports maritimes), de Saint-Martin (à l'exception de la voirie et des ports maritimes) et de Saint-Pierre-et-Miquelon (à l'exception de la voirie classée en route nationale).

3. Les définitions d'une infrastructure de transport de longue distance et des revenus tirés de son exploitation

Composé de trois articles (L. 425-4, L. 425-5 et L. 425-6), le paragraphe 1 de la sous-section 1 traite de « l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance ».

a) La notion d'infrastructure de transport de longue distance

Le premier alinéa de l'article L. 425-4 définit la notion d'infrastructure de transport de longue distance comme celle qui « permet le déplacement de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d'engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d'aéronefs ou d'engins flottants ».

Le deuxième alinéa de ce même article propose une définition du concept de « déplacements de longue distance » sur lequel repose la définition des infrastructures de transport de longue distance. Ainsi, ces déplacements de longue distance correspondent à « ceux dont l'origine et la destination ne sont pas compris dans le ressort d'une même autorité organisatrice de la mobilité (AOM) ».

L'article L. 425-5 précise que les infrastructures principalement utilisées pour la réalisation de déplacements autorisés par un État étranger dans le cadre d'une convention conclue avec ce dernier ne sont pas concernées par la taxe. Cette disposition vise notamment à ne pas intégrer dans le périmètre de taxation l'aéroport international de Bâle-Mulhouse-Fribourg.

b) La définition des revenus d'exploitation d'une infrastructure de transport de longue distance

L'article L. 425-6 détermine le périmètre des revenus d'exploitation au sens de la nouvelle taxe. Ces derniers doivent s'entendre de « l'ensemble des contreparties, hors taxe sur la valeur ajoutée, obtenues ou à obtenir par l'entreprise qui exploite ces infrastructures au titre des opérations économiques qu'elle réalise ». Cette définition supporte cependant trois exceptions.

Premièrement, ne sont pas considérés comme faisant partie des revenus de l'exploitation d'une infrastructure de transport de longue distance les contreparties des opérations qui répondent aux conditions cumulatives suivantes :

- elles relèvent d'une activité distincte et indépendante de l'exploitation d'une infrastructure de transport de longue distance ;

- elles ne sont pas réalisées au moyen d'une telle infrastructure ;

- elles ne résultent pas d'une valorisation du domaine relatif à une telle infrastructure ou à ses accessoires.

Deuxièmement, sont également exclues du périmètre des revenus d'exploitation les contreparties obtenues au titre de la vente d'électricité produite par l'entreprise qui exploite l'infrastructure à des personnes autres que les usagers de l'infrastructure.

Enfin, troisièmement, ne font pas non plus partie des revenus d'exploitation les sommes versées par les collectivités publiques en compensation des coûts déterminés par décret imputables à l'accomplissement de missions régaliennes ou d'actions de prévention ou de correction des dommages environnementaux.

4. Un niveau moyen de rentabilité de l'exploitant calculé comme la part moyenne du résultat net sur le chiffre d'affaires au cours des sept dernières années

Les deux articles (L. 425-7 et L. 425-8) du paragraphe 2 de la sous-section 1 définissent le niveau moyen de rentabilité de l'exploitant qui déterminera son assujettissement à la taxe.

a) Le niveau de rentabilité

L'article L. 425-7 dispose ainsi que « le niveau de rentabilité de l'exploitant s'entend du quotient, apprécié sur un exercice comptable, entre le résultat net et le chiffre d'affaires ».

Ce même article précise que « la taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance n'est pas prise en compte dans les charges pour déterminer le résultat net ».

b) Le niveau moyen de rentabilité

L'article L. 425-8 prévoit que le niveau moyen de rentabilité qui conditionne l'assujettissement d'une exploitant à la nouvelle taxe correspond à « la moyenne des niveaux de rentabilité de l'exploitant des sept derniers exercices comptables achevés en excluant les deux exercices pour lesquels ce niveau est le plus élevé et les deux pour lesquels il est le plus faible ».

B. UN MONTANT DÉTERMINÉ PAR L'APPLICATION D'UN TAUX DE 4,6 % À LA FRACTION DES REVENUS D'EXPLOITATION QUI EXCÈDE 120 MILLIONS D'EUROS

Les deux articles (L. 425-9 et L. 425-10) de la sous-section 2 définissent le cadre relatif au fait générateur de la taxe qui se trouve être l'achèvement de l'année civile.

Les deux articles (L. 425-11 et L. 425-12) de la sous-section 3 prévoient les modalités de calcul du montant de la taxe. L'article L. 425-12 précise ainsi que le montant de la taxe correspond au résultat de l'application d'un taux de 4,6 % à la fraction des revenus d'exploitation encaissés au cours d'une année civile qui excède le seuil de 120 millions d'euros.

Les sous-sections 4 à 8 prévoient que pour cette nouvelle taxe, les règles relatives à son exigibilité, aux personnes soumises aux obligations fiscales, à sa constatation, à son paiement, à son contrôle ainsi qu'à son recouvrement contentieux correspondent aux dispositions de droit commun prévues par le titre 1er du code des impositions sur les biens et services.

L'article L. 425-15 précise que le redevable de la taxe est l'entreprise exploitant une ou plusieurs infrastructures de transport de longue distance tandis que l'article L. 425-18 prévoit qu'elle est acquittée par acomptes.

Le II du présent article modifie l'article 39 du code général des impôts pour ajouter cette nouvelle taxe à la liste des impositions non déductibles du calcul des bénéfices imposables, à l'instar également des taxes sur l'affectation des véhicules à des fins économiques pour lesquelles la disposition correspondante est à cette occasion, pour des raisons de simplification et de clarification, basculée de l'article 213 à l'article 39.

C. UN RENDEMENT ANNUEL PRÉVISIONNEL DE 600 MILLIONS D'EUROS AFFECTÉ AU FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

Alors que l'article L. 425-20 de la sous-section 9 indique que l'affectation du produit de la taxe est déterminée par le 4° de l'article L. 1512-20 du code des transports, le III du présent article vise à créer ce 4° qui prévoit que le produit de cette nouvelle taxe est affecté à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France).

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement a retenu deux amendements de précision déposés par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée Nationale.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE FRACTION DU PRODUIT DE LA TAXE DOIT ÊTRE FLÉCHÉE VERS L'ENTRETIEN DU RÉSEAU ROUTIER GÉRÉ PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. AU MOINS 75 % DU RENDEMENT DE LA TAXE SERAIT ASSURÉ PAR LES SCA

L'administration a fait en sorte de calibrer les paramètres de la taxe de façon à ne pas soumettre à celle-ci SNCF Réseau, les petits aéroports de province ou encore les ports même s'il ne semble pas exclu que le port Haropa (le grand port fluviomaritime de l'axe Seine qui a fusionné les ports du Havre, de Rouen et de Paris en 2021) y soit exposé si ce n'est en 2024, dans un horizon de plus ou moins court terme.

Le produit attendu de la taxe devrait ainsi se répartir entre d'une part les SCA, pour environ 450 millions d'euros, soit au 75 % du rendement total, et d'autre part les principaux aéroports, pour environ 150 millions d'euros.

Les SCA historiques appartenant aux groupes Eiffage, Vinci et Abertis devraient toutes être assujetties à la nouvelle taxe de même que la concession autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (ATMB). D'autres concessions plus récentes pourraient également y être soumises à plus ou moins brève échéance, comme notamment Atlandes et Alis.

Le groupe Vinci estime que la taxe devrait lui coûter 260 millions d'euros en 2024 tandis que le groupe Eiffage évalue sa contribution à 120 millions d'euros.

B. NON PRÉVU À L'ORIGINE LE VOLET AÉROPORTUAIRE DE LA TAXE N'IRA PAS SANS POSER CERTAINES DIFFICULTÉS

Les aéroports apparaissent manifestement comme des victimes collatérales de cette taxe. Alors que le Gouvernement entendait mettre à contribution les SCA, les aéroports ont été touchés de façon incidente pour éviter que la nouvelle taxe ne tombe sous le coup de l'article 32 des contrats de concessions autoroutières et de l'obligation de compensation de ses conséquences financières sur ces dernières.

Le Gouvernement entendait certes mettre à contribution le secteur aérien pour financer la hausse des investissements dans les infrastructures ferroviaires mais par un autre mécanisme, qui aurait ciblé directement les prix des billets sans qu'il n'ait d'incidences sur les aéroports, à savoir le relèvement du tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers (l'ancienne taxe de solidarité sur les billets d'avion). Cette nouvelle taxation des aéroports, qui n'avait pas du tout pu être anticipée par ces derniers, ne va pas sans poser des difficultés, tout particulièrement sur certaines plateformes. Elle augmentera très significativement leur charge fiscale et représentera une part tout sauf négligeable de leur résultat.

La taxe devrait concerner les aéroports de Roissy, Orly, Lyon, Marseille, Nice et Toulouse. Le groupe Aéroports de Paris (ADP) estime que le montant de taxe qu'il devrait verser en 2024 serait d'environ 120 millions d'euros.

Les aéroports ont annoncé qu'ils entendent répercuter le coût de la taxe sur leurs redevances. Une part substantielle de la taxe qui affectera les aéroports sera ainsi supportée par les compagnies et, in fine, par les passagers. Cependant, cette répercussion ne sera pas systématiquement immédiate et certaines particularités telles que le système de double caisse (en vigueur pour ADP) ou de double caisse aménagée limiteront les capacités de répercussions de la taxe par les aéroports. En outre, l'aéroport de Nice ayant déjà fait homologuer ses redevances pour 2024 par l'Autorité de régulation des transports (ART)830(*), il ne sera pas en capacité de répercuter immédiatement la taxe sur ses redevances.

Le fait que les paramètres de la taxe aient été calibrés de façon à ce qu'elle ne s'applique pas aux aéroports de province plus modestes, comme par exemple l'aéroport de Beauvais-Tillé, induira en outre un effet de bord indésirable en introduisant une forme de distorsion de concurrence au détriment de la compagnie Air-France et au bénéfice des compagnies low-cost, au premier rang desquels Ryanair, beaucoup plus présentes sur ces petites plateformes.

C. UN RISQUE JURIDIQUE QUI RESTE PRÉSENT EN DÉPIT DE L'AVIS DEMANDÉ AU CONSEIL D'ÉTAT

L'adoption de cette nouvelle taxe déclenchera à n'en pas douter une nouvelle longue bataille juridique entre l'État et les SCA qui ont d'ores et déjà affiché leur intention de saisir la juridiction administrative. Au regard des intentions initiales du Gouvernement, qui étaient de ne mettre à contribution que les SCA et de la part du produit de la taxe qui pèsera sur elles, il n'est pas complètement exclu que la juridiction administrative considère que cette nouvelle contribution porte « quasi exclusivement » sur les SCA et qu'elle doive à ce titre être compensée en vertu de l'article 32 des concessions.

Certains acteurs du secteur autoroutier considèrent à ce titre, qu'au terme d'une procédure contentieuse qui durera plusieurs années, la compensation des répercussions financières de cette taxe sur les concessions sera inévitable. Si cette compensation venait effectivement à être exigée par le juge administratif au terme du contentieux, elle pourrait se traduire par un rattrapage massif imputé sur les tarifs des péages, ce qui entrainerait alors une amputation significative du pouvoir d'achat des usagers du réseau autoroutier.

D. LE PRODUIT DE CETTE NOUVELLE TAXE DOIT AUSSI PERMETTRE D'AIDER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À ENTRETENIR LE RÉSEAU ROUTIER DONT ELLES ONT LA CHARGE

L'affectation de la majeure partie du rendement prévisionnel de cette nouvelle taxe à l'AFIT France est légitime dans la perspective de contribuer à la transition écologique du secteur des transports. Ainsi, elle participera notamment au financement des investissements nécessaires à la régénération et à la modernisation du réseau ferroviaire.

Néanmoins, dans la mesure notamment où la majeure partie du rendement de cette impositions sera issu des concessions autoroutières, il est aussi parfaitement justifié qu'une fraction de celui-ci bénéficie aux usagers des réseaux routiers départementaux et communaux, d'autant plus qu'ils sont bien souvent contraints de les emprunter avec leur véhicule individuel faute d'alternatives suffisantes en matière de transports collectifs, en particulier ferroviaires.

En 2022, selon le rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales, les départements ont dépensé 4,6 milliards pour entretenir leur voirie, soit une augmentation de 5 % en un an. Dans le même temps, la Cour des comptes signalait dans son rapport de mars 2022 portant sur l'entretien des routes nationales et départementales que l'entretien et l'exploitation des routes départementales restent malheureusement trop souvent des variables d'ajustement.

En 2022, de leur côté, les communes de plus de 3 500 habitants ont dépensé 3,6 milliards d'euros pour l'entretien de leur voirie, ce qui correspond à une augmentation de 7 % par rapport à l'année 2021. S'agissant des métropoles, des communautés urbaines, des communautés d'agglomération et des communautés de communes, ces dépenses se sont élevées à 3 milliards d'euros pour la même année 2022 (+ 5 % par rapport à 2021).

Alors que l'entretien des voiries départementale et communale est trop dépendant des aléas de la situation financière de ces collectivités, il apparaît plus que légitime que le produit de la taxation perçue sur le réseau concédé puisse être très partiellement redistribué au profit des réseaux routiers départementaux et communaux.

C'est pourquoi l'amendement n° I-213 (FINC.56) de la commission vise à affecter deux fractions du rendement prévisionnel de la nouvelle taxe égales à 50 millions d'euros, d'une part aux départements et d'autre part aux communes et aux groupements de communes qui exercent la compétence voirie.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16

Réforme des redevances des agences de l'eau

Le présent article réforme les redevances des agences de l'eau. La réforme est prévue pour entrer en vigueur au 1er janvier 2025.

Il existe aujourd'hui sept redevances de l'eau, qui sont perçues par les agences de l'eau et abondent leur budget. Leur rendement est supérieur à 2 milliards d'euros, et elles portent à 71 % sur les usages domestiques de l'eau.

La réforme vise premièrement à rendre plus lisibles les redevances de l'eau, dont la dénomination et l'objectif en droit existant n'est pas toujours cohérent avec leur assiette et leur mode de calcul.

Elle supprime la prime pour la performance épuratoire, et remplace la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte par une redevance pour la performance des réseaux d'eau potable et une autre pour la performance pour la performance des réseaux d'assainissement. Ces deux redevances sont conçues pour être des taxes incitatives.

La réforme augmente les plafonds et tarifs de la redevance pour pollutions diffuses et de la redevance pour prélèvement de la ressource en eau.

L'augmentation des tarifs de la redevance pour pollutions diffuses et de la redevance pour prélèvement de la ressource permet d'augmenter les ressources des agences de l'eau, de réduire la part des usages domestiques dans la fiscalité de l'eau, et d'inciter à des pratiques moins polluantes et moins consommatrices d'eau. Toutefois, cette augmentation peut avoir des effets importants sur certains secteurs, en particulier sur l'agriculture.

Ensuite, la réforme ne présente pas des garanties suffisantes pour les collectivités territoriales. En effet, elles perdent la prime de performance épuratoire, qui était à leur main, au profit d'une diminution incertaine de redevances auxquelles elles n'étaient pas originellement assujetties. Les effets de bord de la réforme sur les collectivités territoriales ne sont pas précisément évalués par l'article, alors que ceux-ci peuvent être très significatifs.

De manière générale, la réforme n'a pas été menée suffisamment en concertation avec les collectivités territoriales. Des annonces, comme une augmentation de 475 millions d'euros des recettes des agences de l'eau, et de la création d'une redevance pour atteinte à la biodiversité n'ont pas été tenues : l'augmentation des recettes n'est finalement que de 169 millions d'euros, et la redevance ne se trouve nulle part dans la réforme.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : SEPT REDEVANCES DE L'EAU SONT PERÇUES PAR LES AGENCES DE L'EAU

A. LES REDEVANCES DE L'EAU SONT PERÇUES PAR LES AGENCES DE L'EAU ET ABONDENT LEUR BUDGET

Les redevances de l'eau désignent les prélèvements pour la consommation ou la pollution de la ressource en eau perçus par les agences de l'eau. Elles sont considérées juridiquement comme des taxes.

En théorie, les redevances de l'eau sont fondées sur le principe du « pollueur-payeur », c'est-à-dire qu'elles sont payées à proportion de l'atteinte à la ressource en eau. Elles sont définies à articles L. 213-10 et suivants du code de l'environnement.

Article L. 213-10 du code de l'environnement

En application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l'environnement, l'agence de l'eau établit et perçoit auprès des personnes publiques ou privées des redevances pour atteintes aux ressources en eau, au milieu marin et à la biodiversité, en particulier des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvement sur la ressource en eau, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacle sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique.

Lorsqu'un redevable de bonne foi, à partir d'une présentation écrite, précise et complète de la situation de fait, a demandé à l'agence de l'eau de prendre formellement position sur l'application à sa situation des règles de droit prévues à la présente sous-section, l'agence répond de manière motivée dans un délai de trois mois. La réponse est opposable par le demandeur à l'agence qui l'a émise jusqu'à ce que survienne un changement de fait ou de droit qui en affecte la validité ou jusqu'à ce que l'agence notifie au demandeur une modification de son appréciation.

Cet article souffre d'ailleurs d'un problème de coordination puisque la redevance pour obstacle sur les cours d'eau (ex-article L. 213-10-11 du code de l'environnement) a été abrogée par l'article 195 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, dont l'entrée en vigueur était le 1er janvier 2020.

Les redevances de l'eau sont donc aujourd'hui au nombre de sept :

Liste des redevances de l'eau

Redevance

Référence juridique

(code de l'environnement)

Pollution non domestique

L. 213-10-2

Pollution domestique

L. 213-10-3

Modernisation des réseaux

L. 213-10-5 et L. 213-10-6

Pollutions diffuses

L. 213-10-8

Prélèvement de la ressource en eau

L. 213-10-9

Stockage

L. 213-10-10

Protection du milieu aquatique

L. 213-10-12

Source : commission des finances

Les redevances de l'eau ne sont pas seulement recouvrées par les agences de l'eau, mais elles viennent également abonder leur budget. Les agences ont également la capacité de fixer le taux des redevances, dans les limites prescrites par la loi.

Les agences de l'eau sont des établissements publics de l'Etat à caractère administratif, dont le rôle, défini à l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement, est de favoriser une gestion équilibrée et durable de la ressource et des milieux aquatiques, l'alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques. Les agences de l'eau jouent également un rôle dans « la connaissance, la protection et la préservation de la biodiversité terrestre et marine ainsi que du milieu marin »831(*).

L'action des agences de l'eau portent sur un bassin ou un ensemble de bassins hydrologiques. Six agences ont ainsi été créées :

- Agence de l'eau Adour-Garonne ;

- Agence de l'eau Artois-Picardie ;

- Agence de l'eau Loire-Bretagne ;

- Agence de l'eau Rhin-Meuse ;

- Agence de l'eau Rhône-Méditerranée Corse ;

- Agence de l'eau Seine-Normandie.

Les recettes globales des six agences ont atteint 2 339,9 millions d'euros, ce qui représente un taux d'exécution de 102,4 % des recettes prévisionnelles. Ces recettes sont pour l'essentiel constituées par les redevances de l'eau et par la redevance cynégétique, qu'elles perçoivent également.

Les agences de l'eau sont également soumises à un plafond de recettes, appelée communément « plafond mordant ». Depuis 2021, le niveau de ce plafond est de 2 197,6 milliards d'euros. En 2022, le montant des recettes hors plafond était donc de 142 millions d'euros. Ces recettes sont reversées à l'Etat.

B. LES SEPT REDEVANCES DE L'EAU

1. Redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique

La redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique est prévue à l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement. Elle est due par :

- les usagers domestiques raccordés aux distributions d'eau potable ;

- les industriels qui rejettent des polluants dans l'eau, lorsque le niveau de ces polluants est inférieur aux seuils de la redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique ;

- sous certaines conditions, aux usagers qui prélèvent de l'eau sur des sources autres que le réseau de distribution832(*).

Dans la pratique, les deuxièmes et troisièmes catégories représentent une part très mineure des redevables. La majeure part de la redevance provient de la consommation d'eau potable par les usagers domestiques.

La redevance est assise sur le volume d'eau facturé à l'abonné833(*).

Les agences de l'eau fixent un tarif de la redevance, différent pour chaque « unité géographique cohérente », dans la limite de 50 centimes par mètre cube.

Pour déterminer ce tarif, les agences doivent tenir compte de l'état des masses d'eau, des risques d'infiltration ou d'écoulement des polluants dans les nappes phréatiques, des prescriptions de police relatives à l'eau, ainsi que des objectifs fixés par les schémas d'aménagement relatifs à l'eau.

Par exemple, l'agence de l'eau Seine-Normandie a fixé pour le 11e programme des agences de l'eau (2019-2024) trois différents tarifs selon que l'état écologique des rivières est préoccupant (zone renforcée), normal (zone de base) ou intermédiaire (zone moyenne). Au niveau du bassin de la Seine-Normandie, 80 unités hydrographiques sont réparties entre ces trois zones. Ce zonage est également valable pour la redevance pour pollution d'origine non domestique.

Zonage pour les redevances pour pollution
dans le bassin de la Seine-Normandie

Source : site de l'agence de l'eau de Seine-Normandie

Tarifs de la redevance pour pollution d'origine domestique
dans le bassin de Seine-Normandie

 

Tarif

(euros/m3)

Zone de base

0,22

Zone moyenne

0,38

Zone renforcée

0,42

Source : commission des finances, d'après le site de l'agence de l'eau de Seine-Normandie

2. Redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique

La redevance pour pollution de l'eau d'origine non domestique est prévue l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement. Sauf exonération, elle est due par toute personne dès lors qu'elle rejette dans le milieu naturel (directement ou indirectement par un réseau de collecte) une source de pollution.

Les personnes suivantes ne sont pas assujetties à cette redevance :

- les propriétaires et occupants d'immeubles à usage principal d'habitation ;

- les abonnés au service d'eau potable dont les activités impliquent des utilisations de l'eau assimilables aux utilisations à des fins domestiques ;

- les personnes qui épandent du digestat issu de méthanisation.

Tout comme la redevance pour la pollution de l'eau d'origine domestique, son tarif est déterminé par les agences de l'eau, dans la limite de plafonds déterminés par la loi. Les agences de l'eau doivent tenir compte des mêmes critères que ceux qui sont énoncés à l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement.

Il existe ensuite deux manières distinctes de déterminer l'assiette de la redevance :

- si le volume des polluants est supérieur à un seuil déterminé par décret, alors un dispositif de suivi des rejets doit obligatoirement être mis en place, et ainsi l'assiette est déterminée directement à partir des résultats du suivi des rejets ;

- si les rejets de polluants sont inférieurs au seuil précédemment évoqué, ou qu'il est impossible de suivre le niveau des rejets, alors l'assiette est déterminée de manière indirecte. Elle est obtenue en faisant la différence entre un niveau théorique de pollution correspondant à l'activité en cause et le niveau de pollution évitée par les dispositifs de dépollution mis en place par le redevable ou le gestionnaire du réseau.

Seuil de suivi réguliers des rejets

Éléments constitutifs de la pollution (par kg)

Unité

Seuils

Matières en suspension

Tonnes/an

600

Demande chimique en oxygène

Tonnes/an

600

Demande biochimique en oxygène en cinq jours

Tonnes/an

300

Azote réduit et azotes oxydé, nitrites et nitrates

Tonnes/an

40

Phosphore total, organique ou minéral

Tonnes/an

10

Matières inhibitrices

Kiloéquitox/an

10 000

Métox

Kg/an

10 000

Composés halogénés adsorbables sur charbon actif

Kg/an

2 000

Sels dissous

M3siemens/cm/an

100 000

Chaleurs rejetée

Mégathermie/an

2 000

Substances dangereuses pour l'environnement

Mégathermie/an

360

Source : commission des finances

À cela, il faut ajouter un seuil de polluant inscrit dans la loi en dessous duquel la redevance n'est pas due. En revanche, ces personnes sont assujetties à la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique834(*).

Le IV de l'article L. 213-10-2 donne les tarifs-plafonds associés aux différents polluants, ainsi que les seuils en question.

Tarifs maximum (extrait du tableau)

Éléments constitutifs de la pollution (par kg)

Tarif

(en euros par unité)

Seuils

(en kg)

Matières en suspension

0,3

5 200 kg

Demande chimique en oxygène

0,2

9 900 kg

Demande biochimique en oxygène en cinq jours

0,4

4 400 kg

Azote réduit

0,7

880 kg

Azote oxydé, nitrites et nitrates

0,3

220 kg

Source : commission des finances, d'après l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement

L'article 213-10-2 du code de l'environnement prévoit également des dispositions particulières pour les rejets des épandages par l'élevage. La redevance dans ce cas est assise sur le nombre d'unités de gros bétail, et sur un chargement supérieur à 1,4 unité de gros bétail par hectare de surface agricole utilisée.

La redevance n'est pas perçue si l'élevage comprend moins de 90 unités (moins de 150 unités pour les zones de montagne). Lorsque ces seuils sont dépassés, 40 unités de gros bétail sont retranchées du calcul de l'assiette. Le tarif est fixe, à 3 euros par unité.

3. Redevance pour modernisation des réseaux de collecte

La redevance pour modernisation des réseaux de collecte est prévue aux articles L. 213-10-5 et L. 213-10-6 du code de l'environnement.

Le second article définit la façon dont la redevance s'applique pour les personnes qui s'acquittent de la redevance pour la pollution de l'eau d'origine domestique (usagers non industriels), et dont les activités entraînent des rejets d'eaux usées dans un réseau public de collecte.

L'article L. 213-10-5 porte quant à lui sur les personnes qui s'acquittent de la redevance pour pollution d'origine non domestique et qui sont soumises à la redevance d'assainissement de l'article L. 224-12-3 du code général des collectivités territoriales.

Dans les deux cas, la redevance est assise sur le volume d'eau retenu pour le calcul de la redevance d'assainissement. La redevance d'assainissement est proportionnelle à la consommation d'eau.

Le taux de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte est fixé par les agences de l'eau, en fonction des priorités et des besoins du programme pluriannuelle d'intervention de chaque agence de l'eau (article L. 213-8-1 du code de l'environnement). Ce taux ne peut pas dépasser un plafond de 30 centimes par mètre cube. Pour les usagers non domestiques, l'article L. 213-10-05 précise que le taux « peut être dégressif, par tranches, en fonction des volumes rejetés ».

4. Redevance pour prélèvement de la ressource en eau

La redevance pour prélèvement de la ressource en eau est prévue à l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement. Elle est due pour toute personne dont les activités entraînent un prélèvement sur la ressource en eau.

Le II de cet article liste toute une série d'exceptions au paiement de cette redevance, dont les prélèvements effectués en mer, ceux liés à l'aquaculture, à la géothermie et à la lutte antigel pour les cultures pérennes.

La redevance est assise sur le volume d'eau prélevé au cours d'une année. Toute personne qui dispose d'un forage pour son alimentation en eau est tenue de mettre en place un dispositif de comptage de l'eau prélevé. Si toutefois ce dispositif n'a pas été mis en place, alors le niveau de l'eau prélevé est déterminé indirectement en fonction d'échantillons représentatifs et de la nature de l'activité.

La redevance n'est pas due en dessous de certains seuils de volume d'eau prélevée, qui sont déterminés par les agences de l'eau. Ces seuils ne peuvent être supérieurs 7 000 mètres cubes par an pour les zones en tension quantitative (catégorie 2), et à 10 000 mètres cubes par an pour les autres zones (catégorie 1).

Les agences de l'eau fixent un tarif par unité géographique cohérente, en distinguant selon les usages du prélèvement de la ressource en euro. Les tarifs ne peuvent pas dépasser des plafonds, qui sont plus élevés lorsque les prélèvements sont effectués dans les zones qui connaissent des tensions sur la ressource en eau (catégorie 2).

Les plafonds sont prévus par le tableau du V de l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement.

Plafonds de la redevance pour prélèvement de la ressource en eau

Usages

Catégorie 1

Catégorie 2

Irrigation (sauf irrigation gravitaire)

3,6

7,2

Irrigation gravitaire

0,5

1

Alimentation en eau potable

7,2

14,4

Refroidissement industriel conduisant à une restitution supérieure à 99 %

0,5

1

Alimentation d'un canal

0,03

0,06

Autres usages économiques

5,4

10,8

Source : commission des finances, d'après l'article L. 213-10-9 du code de l'environnement

Par ailleurs, le taux de redevance pour l'usage « alimentation en eau potable » est majoré de 100 % dans deux cas :

- lorsque le descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d'eau potable (article L. 2224-7-1 du code général des collectivités territoriales) n'a pas été établi ;

- lorsqu'un taux de perte en eau supérieur au taux fixé par le décret a été constaté et que le plan d'actions prévu à l'article L. 2224-7-1 n'a pas été établi dans les délais prescrits.

Des modalités spécifiques de calcul de la redevance sont applicables lorsque le prélèvement est destiné à plusieurs des usages listés dans le tableau ci-dessus. Des dispositions spécifiques existent également lorsque le prélèvement est destiné au fonctionnement d'une installation hydroélectrique.

5. Redevance pour stockage d'eau en période d'étiage

La redevance pour stockage d'eau en période d'étiage est prévue à l'article L. 213-10-10 du code de l'environnement. Elle est due par toute personne qui dispose d'une installation de stockage de plus d'un million de mètres cubes, et qui stocke tout ou partie du volume écoulé dans un cours d'eau en période d'étiage.

L'assiette est le volume d'eau stocké pendant la période d'étiage. Ce volume est calculé en faisant la différence entre volume stocké en fin de période et le volume stocké en début de période. La période d'étiage est déterminée dans chaque bassin par les agences de l'eau en fonction du régime des cours d'eau.

Le taux de la redevance est fixée par les agences de l'eau, dans la limite d'un plafond de 0,01 euro par mètre cube.

6. Redevance pour pollutions de l'eau diffuses

La redevance pour pollutions de l'eau diffuses est prévue à l'article
L. 213-10-8 du code de l'environnement, et elle est due par toute personne qui :

- acquiert en France des produits phytopharmaceutiques ou une semence traitée au moyen de ces produits ;

- qui commande une prestation de traitement de semence au moyen de ces produits.

La redevance est assise sur la masse des substances actives dangereuses pour la santé ou pour l'environnement qui sont contenues dans les produits phytopharmaceutiques. Le tarif d'imposition diffère selon le niveau de dangerosité de ces substances.

Les types de dangerosité sont définis à partir de la classification effectuée dans le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008835(*). Les types de dangerosité, par exemple la toxicité chronique pour le milieu aquatique ou la toxicité spécifique pour certains organes cible, peuvent être distinguées en catégories.

Le tableau suivant donne un exemple des catégories qui sont utilisées.

Exemple de définition des types de dangerosité en droit européen

Toxicité chronique - catégorie 1

CL50 96h (pour les poissons) = 1 mg/l et/ou

CE50 48h (pour les crustacés) = 1 mg/l et/ou

CEr50 72h ou 96 h (pour les algues et d'autres plantes aquatiques) = 1 mg/l

et la substance n'est pas rapidement dégradable et/ou le facteur de bioconcentration déterminé par voie expérimentale BCF = 500 (ou, à défaut, le log K ow = 4).

Toxicité chronique - catégorie 2

CL50 96h (pour les poissons) > 1 à = 10 mg/l et/ou

CE50 48h (pour les crustacés) > 1 à = 10 mg/l et/ou

CEr50 72h ou 96 h (pour les algues et d'autres plantes aquatiques) > 1 à = 10 mg/l (note 2)

et la substance n'est pas rapidement dégradable et/ou le facteur de bioconcentration déterminé par voie expérimentale BCF = 500 (ou, à défaut, le log Kow = 4), sauf si les NOEC pour la toxicité chronique sont > 1 mg/l.

Note : CL = concentration létale, CE = concentration effective, CEr = la CE en termes de réduction de croissance. L'indice 50 signifie que 50 % de la population observée est affectée. Le log Kow est une mesure de solubilité différentielle de composés chimiques dans deux solvants.

Source : commission des finances, d'après le tableau 4.1.0 de l'annexe 1 du règlement n° 1272/2008 du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n°1907/2006

Le tableau suivant indique les tarifs qui sont appliqués pour les produits selon le type de dangerosité des substances qu'ils contiennent. Contrairement à la plupart des redevances de l'eau, il ne s'agit pas de plafonds mais de tarifs fixes, qui ne peuvent donc pas être modulés par les agences de l'eau.

Tarifs applicables pour la redevance pour pollutions diffuses

Substances

Tarifs

(en euros par kg)

Cancérogénicité, mutagénicité sur les cellules germinales ou toxicité pour la reproduction

9,0

Toxicité aiguë de catégorie 1, 2 ou 3, ou toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, ou effets sur ou via l'allaitement

5,1

Toxicité aiguë pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégories 1 ou 2

3,0

Toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégories 3 ou 4

0,9

Qui ne répondent pas aux critères des paragraphes 3.6 (incidence sur la santé humaine) et 3.7 (devenir dans l'environnement) de l'annexe II du règlement européen n°1107/2009 du 21 octobre 2009

5,0

Dont on envisage la substitution au sens de l'article 24 du règlement précité

2,5

Source : commission des finances, d'après l'article L. 213-10-8 du code de l'environnement

Des dispositions spécifiques sont prévues lorsqu'un produit relève de plusieurs catégories à la fois.

7. Redevance pour protection du milieu aquatique

La redevance pour protection du milieu aquatique est prévue à l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement. Elle est due par les personnes qui pratiquent la pêche au sein d'associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique, les associations agréées de pêcheurs amateurs aux engins et filets, les associations agréées de pêche professionnelle en eau douce et la commission syndicale de la Grande Brière Mottière.

Ses plafonds dépendent de la durée de la pratique, et un supplément est appliqué pour la pêche de l'alevin d'anguille, du saumon et de la truite. Ses plafonds sont fixés par les agences de l'eau.

Plafonds applicables pour la redevance
pour protection du milieu aquatique

Plafonds

Applicable par personne qui se livre à la pêche pendant les durées suivantes

10 euros

Pendant une année

4 euros

Pendant sept jours consécutifs

1 euros

À la journée

20 euros

En supplément annuel par personne qui se livre à la pêche de l'alevin d'anguille, du saumon et de la truite

Source : commission des finances, d'après l'article L. 213-10-12 du code de l'environnement

C. UNE PRIME POUR LA PERFORMANCE ÉPURATOIRE INCITE À L'AMÉLIORATION DU RÉSEAU D'ASSAINISSEMENT

L'article L. 213-10-3 du code de l'environnement dispose qu'une prime dite de « performance épuratoire » est reversée chaque année aux services publics d'assainissement performants. Cette prime est versée par les agences de l'eau aux collectivités territoriales dans la mesure où ce sont elles qui assurent ce service public.

L'article précise que « le montant de cette prime est au plus égal à 80 % du montant des redevances pour pollution domestique versées par les abonnés non raccordables à un réseau d'assainissement collectif en fonction des résultats du contrôle et de l'activité du service qui en a la charge. »

La prime est calculée pour chaque dispositif d'épuration, et son montant est proportionnel à la quantité de pollution domestique éliminée. Elle est calculée en faisant le produit :

- d'une assiette, qui est la pollution d'origine éliminée par le dispositif. Elle peut être déterminée par forfait ou par une mesure ;

- d'un taux, qui est fixé par paramètre de pollution ;

- de cinq « coefficients de conformité ».

Les coefficients en question sont un coefficient de conformité à la directive européenne Eaux Résiduaires urbaines (ERU) un coefficient de conformité des performances, un coefficient de conformité de la collecte, un coefficient d'autosurveillance, et un coefficient de destination des boues.

La méthode de calcul de la prime de performance épuratoire est détaillée dans le document suivant.

Source : site de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse

La prime de performance épuratoire est le principal dispositif incitatif à la performance des systèmes d'assainissement rattaché aux redevances de l'eau. Les agences de l'eau versent environ 150 millions d'euros par an aux bénéficiaires de la prime.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA RÉFORME RÉORGANISE LES REDEVANCES DE L'EAU ET VISE À AUGMENTER LE RENDEMENT DE DEUX REDEVANCES

A. DISPOSITIONS D'ORDRE GÉNÉRAL

De manière générale, l'article 16 réorganise les redevances de l'eau pour en améliorer la lisibilité. La redevance pour pollution d'origine domestique est déplacée dans le code de l'environnement et renommée, la redevance pour pollution non domestique est scindée, et la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte est remplacée par deux nouvelles redevances.

Organisation des redevances de l'eau en droit existant et en droit proposé

Droit existant

Droit proposé

Redevance

Référence juridique (code de l'environnement)

Redevance

Référence juridique (code de l'environnement)

Pollution non domestique

L. 213-10-2

Pollution non domestique

L. 213-10-2

Activités de l'élevage

L. 213-10-3

Pollution domestique

L. 213-10-3

Consommation d'eau potable

L. 213-10-4

Modernisation des réseaux de collecte

L. 213-10-5
et L. 213-10-6

Performance des réseaux d'eau potable

L. 213-10-5 et L. 213-10-7

Performance des systèmes d'assainissement collectif

L. 213-10-6 et L. 213-10-7

Pollutions diffuses

L. 213-10-8

Pollutions diffuses

L. 213-10-8

Prélèvement de la ressource en eau

L. 213-10-9

Prélèvement de la ressource en eau

L. 213-10-9

Stockage

L. 213-10-10

Stockage

L. 213-10-10

Protection du milieu aquatique

L. 213-10-12

Protection du milieu aquatique

L. 213-10-12

Source : commission des finances

L'ensemble de ces changements est examiné en détail infra.

L'article 16 comprend également plusieurs dispositions d'ordre général.

Premièrement, le 1° du I ajoute un alinéa à l'article L. 213-9-1 du code de l'environnement, qui prévoit qu'en l'absence d'avis conforme du comité de bassin, le taux minimal des redevances de l'eau s'applique.

En droit existant, il n'est prévu aucun plancher pour les redevances de l'eau, hors certaines redevances en outre-mer. Le présent article prévoit de mettre en place des planchers pour plusieurs redevances, qui seront détaillés infra.

Les 18° et 26° du I réécrivent des dispositions relatives au seuil de recouvrement des redevances des articles L. 213-11-10 et L. 213-10 du code de l'environnement. Alors qu'en droit existant, il est indiqué que « les redevances ou suppléments de redevances inférieurs à 100 euros ne sont pas mis en recouvrement », l'article 16 du projet de loi de finances adopte la rédaction suivante, plus précise sur la procédure à suivre : « l'ordonnateur n'émet pas d'ordre de recouvrer pour les redevances ou les suppléments de redevance inférieurs à 100 euros ».

Le b du 2° et le 17° du I déplacent de l'article L. 231-10 à l'article L. 213-11-9 du code de l'environnement les dispositions qui prévoient la possibilité de demander aux agences de l'eau un rescrit sur les redevances.

Les 11°, 12°, 14°, 15°, 19°, 20°, 21°, 22°, 23° et 24° du I ainsi que le II sont des mesures de coordination.

Le III du présent article prévoit que l'ensemble de la réforme entre en vigueur au 1er janvier 2025.

B. LA RÉFORME RÉAORGANISE LES REDEVANCES DE L'EAU ET CRÉE DEUX REDEVANCES POUR LA PERFORMANCE DANS LA GESTION DE L'EAU

L'article 16 réforme les deux redevances pour pollution et la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte. Un certain nombre de dispositions ne visent qu'à les rendre plus lisibles et à les simplifier. D'autres visent à créer des incitations à la mise en place de mesures de suivi et incitent à la performance dans la gestion des réseaux.

Ces réformes sont prévues pour se faire à rendement constant, en tenant compte cependant de l'inflation, puisque les planchers et les plafonds de ces redevances sont désormais indexés à l'évolution des prix.

1. La redevance pour pollution d'origine domestique est renommée la redevance sur la consommation d'eau potable

Le 6° du I renomme la redevance pour pollution d'origine domestique en « redevance sur la consommation d'eau potable ». Cette nouvelle dénomination prend acte du fait que la redevance pour pollution d'origine domestique n'a en réalité qu'un lien faible avec la pollution de l'eau, et qu'il s'agit pour l'essentiel d'une taxe sur la consommation d'eau.

Le 6° du I déplace également cette redevance de l'article L. 213-10-3 à l'article L. 213-10-4 du code de l'environnement. L'actuel article L. 213-10-4, qui énonce seulement qu'un décret précise les modalités d'application des redevances pour pollution d'origine domestique et non domestique, est abrogé par le bis du I.

La liste des personnes redevables est restreinte aux personnes abonnées au service d'eau potable. Les personnes qui prélèvent sur des sources autres que le réseau de distribution et les industriels qui rejettent des polluants à un niveau inférieur aux seuils de la redevance pour pollution d'origine domestique ne sont plus mentionnés.

L'assiette demeure le volume d'eau facturé à l'abonné. Le plafond du tarif de la redevance est également laissé inchangé 50 centimes par mètres cubes, mais il est désormais indexé à l'inflation.

Le ajoute également un minimum de 50 mètres cubes et un maximum de 70 mètres cube pour le forfait par habitant applicable836(*) lorsque la facturation d'eau ne comporte pas de terme proportionnel au volume d'eau consommé et en l'absence de comptage de l'eau consommé. Pour rappel, aucun minimum ou maximum n'est prévu en droit existant pour ce forfait.

2. La création d'une « redevance pour pollution de l'eau par les activités de l'élevage », qui est en réalité une reprise du droit existant

À l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, laissé vacant après le déplacement de la redevance pour pollution domestique, le 5° du I crée une « redevance pour pollution de l'eau par les activités de l'élevage ». Elle est due par toutes les personnes ayant des activités d'élevage.

Cette redevance n'est en réalité pas nouvelle, puisqu'elle est comprise en droit existant dans la redevance pour pollution non domestique (article L. 213-10-2).

Le présent article a préféré séparer le cas des élevages du reste de la redevance pour pollution non domestique pour des raisons de lisibilité du droit. En effet, la taxation applicable à la pollution provoquée par les épandages a une assiette et un mode de calcul distincts, ce qui justifie d'en faire une redevance à part entière.

Le tarif, à 3 euros par unité de gros bétail, ainsi que les seuils de perception de la redevance sont inchangés par rapport au droit existant. Le tarif est désormais indexé sur l'inflation.

3. Redevance pour pollution d'origine non domestique

Les personnes dont les activités entraînent le rejet d'un des éléments de pollution mentionnés supra directement dans l'eau demeurent assujetties à la redevance pour pollution d'origine non domestique. Toutefois, les personnes qui rejettent des polluants indirectement via le réseau de collecte ne sont plus assujetties à cette redevance.

L'article ajoute également une exception : les abonnés au service d'eau potable qui ont une activité d'élevage ne sont plus concernés par cette redevance. Le rajout de cette exception est attendu puisque, comme cela a été vu, un article spécifique a été créé pour la pollution de l'eau pour les activités d'élevage. En cohérence, toutes les mentions de l'élevage ont été supprimées de l'article L. 213-10-2.

Le 4° du I vient également introduire des minima et maxima pour les seuils de pollution où le suivi régulier des rejets est obligatoire.

Pour rappel, en droit existant, au-delà d'un seuil déterminé par décret, l'assiette de la redevance pour pollution non-domestique est déterminée directement à partir du résultat du suivi. En deçà de ce seuil, l'assiette est déterminée indirectement par la différence entre le niveau théorique de pollution et le niveau théorique de pollution évitée.

Ainsi, le présent article vient tout d'abord relever ce seuil de suivi, c'est à la dire les minima précédemment mentionnés, du niveau réglementaire au niveau législatif.

Ensuite, il introduit des maxima pour les seuils de suivi des rejets, qui n'ont pas d'équivalents en droit existant. Ils ne correspondent pas des plafonds au-delà desquels le suivi régulier des rejets ne serait plus obligatoire. Au contraire, il s'agit de seuils au-delà desquels l'absence d'un dispositif de suivi des rejets, ou sa non-validation, a pour conséquence la majoration de 40 % de la redevance.

Comparaison entre les seuils de suivi régulier des rejets
en droit existant et en droit proposé

Éléments constitutifs de la pollution (par kg)

Unité

Seuils de suivi régulier des rejets

Minimal

(droit existant)

Minimal

(droit proposé)

Maximal

(droit proposé)

Matières en suspension

Tonnes/an

600

120

700

Demande chimique en oxygène

Tonnes/an

600

120

700

Demande biochimique en oxygène en cinq jours

Tonnes/an

300

60

400

Azote réduit et azotes oxydé, nitrites et nitrates

Tonnes/an

40

8

60

Phosphore total, organique ou minéral

Tonnes/an

10

2

15

Matières inhibitrices

Kiloéquitox/an

10 000

2 000

15 000

Métox

Kg/an

10 000

2 000

15 000

Composés halogénés adsorbables sur charbon actif

Kg/an

2 000

400

3 000

Sels dissous

M3siemens/cm/an

100 000

20 000

150 000

Chaleurs rejetée

Mégathermie/an

2 000

400

3 000

Substances dangereuses pour l'environnement

Mégathermie/an

360

70

500

Source : commission des finances

À la lecture du tableau, il est possible de constater que les minima en droit proposé sont bien plus bas qu'en droit existant. L'introduction de maxima permet ainsi de mettre en place une marge, au sein de laquelle l'absence de mise en place d'un suivi régulier des rejets ne se traduit pas par une forte hausse de la redevance. L'enjeu est de renforcer l'incitation à mettre en place des suivis de rejet, tout en ne rendant pas le dispositif trop punitif.

Les seuils d'exonération de la redevance pour pollution d'origine non domestique n'ont pas fait l'objet de changement.

De même, les tarifs-plafonds associés à chaque source de pollution sont identiques en droit existant et en droit proposé, si ce n'est que ces tarifs sont désormais indexés à l'inflation.

4. Une redevance pour la performance des réseaux d'eau potable et une redevance pour la performance des systèmes d'assainissement collectif sont créées en remplacement de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte

Le 7° du I du présent article opère une réforme de fond de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte. Celle-ci est remplacée par deux redevances qui ont la vocation d'être des taxes incitatives : l'une pour la performance des réseaux d'eau potable et l'autre pour la performance des systèmes d'assainissement collectif.

La prime pour la performance épuratoire est ainsi supprimée. Les mécanismes incitatifs de la prime sont repris en partie par la redevance pour la performance des systèmes d'assainissement collectif.

Les redevables ne sont plus les usagers mais les collectivités territoriales. Il est prévu toutefois qu'elles puissent répercuter ces redevances sur les usagers via les redevances locales.

Les modalités de calcul des deux redevances pour la performance évoluent sensiblement par rapport à la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte. Le montant des deux redevances n'est pas plus calculé en multipliant seulement l'assiette par le tarif, mais il faut compter en plus un coefficient « global » qui module ce montant. Pour les deux redevances montant de la redevance est ainsi déterminé de cette manière :

Assiette x tarif (max 50 centimes/m3) x coefficient global
= montant de la redevance

Le coefficient global est calculé de deux manière différente selon que l'on considère la redevance pour la performance des réseaux d'eau potable et celle pour la performance des systèmes d'assainissement collectif.

a) La redevance pour la performance du réseau d'eau potable

La redevance pour la performance du réseau d'eau potable, inscrite à l'article L. 213-10-5 du code de l'environnement (droit proposé), a vocation à inciter à la réparation des fuites d'eau et plus généralement à l'entretien des canalisations. Il s'agit d'un système d'incitations nouveau, qui va au-delà de ce que prévoyait la prime pour la performance épuratoire.

Les redevables sont les communes ou leurs établissements compétents en matière de distribution d'eau potable, et l'assiette de la redevance est le volume d'eau facturé aux personnes abonnées au service d'eau potable. Le tarif est fixé par les agences de l'eau dans la limite de 50 centimètres par mètres cubes.

Quant au coefficient global, il est obtenu en partant de 1, et en soustrayant les coefficients suivants :

- un « coefficient de performance », modulé entre 0 et 0,55. Il est déterminé en fonction de la somme des pertes par fuites et des volumes d'eau consommés sur le réseau de distribution qui ne font pas l'objet d'un comptage rapportés. Ces sommes sont ensuite mises en rapport avec la longueur du réseau de distribution et la densité des abonnés ;

- un « coefficient de gestion patrimoniale », modulé entre 0 et 0,25. Il est déterminé en fonction de la connaissance du réseau d'eau potable et de la programmation d'actions vivant à améliorer ses performances.

Par conséquent, le coefficient global de la redevance pour la performance du réseau d'eau potable est toujours compris entre 0,2 et 1. Les coefficients de performance et de gestion patrimoniale sont déterminés par les agences de l'eau.

b) La redevance pour la performance du réseau d'assainissement

La redevance pour la performance du réseau d'assainissement, inscrite à l'article L. 213-10-6 du code de l'environnement, a vocation à inciter à la réparation des fuites et plus généralement à l'entretien des canalisations. Elle reprend le champ de la prime pour la performance épuratoire, mais elle simplifie son calcul en réduisant le nombre de coefficients utilisés.

Elle est due par les communes ou leurs établissements publics compétents en matière d'assainissement des eaux usées, et son assiette est le volume d'eau pris en compte pour le calcul de la redevance d'assainissement collectif. Le tarif est fixé par les agences de l'eau dans la limite de 50 centimètres par mètres cubes.

Le coefficient global est déterminé en calculant tout d'abord le produit entre :

- la charge entrante en demande chimique en oxygène pendant l'année considérée de chaque système d'assainissement collectif géré par le redevable ;

- et un coefficient de modulation calculé pour chaque système d'assainissement collectif.

Ce coefficient est lui-même déterminé en partant de 1, et en retranchant les trois coefficients suivants :

- un « coefficient d'autosurveillance », modulé entre 0 et 0,3. Il est établi en fonction de la validation de l'autosurveillance du système d'assainissement collectif ;

- le coefficient de « conformité réglementaire », modulé entre 0 et 0,5 et déterminé en fonction de la conformité réglementaire du système d'assainissement collectif ;

- le coefficient « d'efficacité », modulé entre 0 et 0,2 et déterminé en évaluant le fonctionnement du système d'assainissement à partir de critères d'efficacité.

Enfin, tous ces produits sont additionnés, et ils sont divisés par la somme de la charge entrante en demande chimique en oxygène de chaque système d'assainissement collectif géré par le redevable. Le quotient obtenu est le coefficient « global », et il se situe nécessairement entre 0 et 1.

c) Les recettes cumulées des deux nouvelles redevances ne peuvent pas dépasser 50 % de la redevance sur la consommation d'eau potable

Le 7° du I du présent article réécrit également l'article L. 213-10-7 du code de l'environnement837(*). La nouvelle version de l'article dispose désormais que, lorsque les agences de l'eau fixent les tarifs de la redevance pour la performance des réseaux d'eau potable et celle pour la performance des systèmes d'assainissement collectif, elles doivent faire en sorte que les recettes prévisionnelles pour les deux redevances cumulées ne dépassent pas 50 % de celles de la redevance pour la consommation d'eau potable.

Dans le cas où les recettes dépassent ce seuil, l'article impose aux agences de l'eau d'adapter les tarifs des deux redevances pour performance et celle sur la consommation d'eau potable.

5. Les plafonds de la redevance pour le stockage de l'eau en période d'étiage et de celle pour la protection des milieux aquatiques sont indexées sur l'inflation

Le 10 ° et le 13 ° du I du présent article indexent à l'inflation les plafonds respectivement de la redevance pour stockage de l'eau en période d'étiage (L. 213-10-10 du code de l'environnement) et de la redevance pour la protection des milieux aquatiques (L. 213-10-12).

Les deux redevances sont par ailleurs laissées inchangées.

C. LES TARIFS DES REDEVANCES POUR POLLUTIONS DIFFUSES ET POUR PRÉLÈVEMENT DE LA RESSOURCE EN EAU SONT AUGMENTÉS

1. Un relèvement et l'indexation sur l'inflation des tarifs de la redevance pour pollutions diffuses

La redevance pour pollutions diffuses ne connaît pas de modifications au niveau des personnes redevables, de son assiette ou de ses modalités de calcul. Par contre, l'article 16 du projet de loi de finances change ses paramètres.

Le i du a du 8° du I de l'article augmente ainsi les tarifs applicables en fonction du type de dangerosité du produit. Le tableau suivant présente une comparaison des tarifs en droit existant et en droit proposé.

Comparaison des tarifs de la redevance pour pollutions diffuses
entre le droit existant et le droit proposé

Substances

Tarif en droit existant

(en euros par kg)

Tarif en droit proposé

(en euros par kg)

Taux d'augmentation

Cancérogénicité, mutagénicité sur les cellules germinales ou toxicité pour la reproduction

9,0

10,5

16,7 %

Toxicité aiguë de catégorie 1, 2 ou 3, ou toxicité spécifique pour certains organes cibles, de catégorie 1, ou effets sur ou via l'allaitement

5,1

5,5

7,8 %

Toxicité aiguë pour le milieu aquatique de catégorie 1 ou toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégories 1 ou 2

3,0

3,5

16,7 %

Toxicité chronique pour le milieu aquatique de catégories 3 ou 4

0,9

1

11,1 %

Qui ne répondent pas aux critères des paragraphes 3.6 (incidence sur la santé humaine) et 3.7 (devenir dans l'environnement) de l'annexe II du règlement européen n°1107/2009 du 21 octobre 2009

5,0

5,5

10 %

Dont on envisage la substitution au sens de l'article 24 du règlement précité

2,5

3,5

40 %

Le ii du 8° prévoit en outre une indexation de ces nouveaux tarifs à l'inflation.

2. La redevance pour prélèvement de la ressource en eau est réorganisée et ses plafonds sont relevés

a) Les modifications de formes

Le 9° du I de présent article opère plusieurs modifications de forme pour rendre l'article L. 213-10-9 plus lisible.

La façon dont la redevance est calculée ne change pas par rapport au droit existant, mais elle est plus explicite en droite proposé : son montant est égal au produit de l'assiette d'imposition et du tarif déterminé par les agences de l'eau, en fonction de la catégorie des ressources en eau prélevés (c'est-à-dire si elles se trouvent en zone de tension ou non), et de l'usage.

Les modalités de calcul de la redevance pour les installations hydroélectriques sont inscrites juste après le tableau qui détaille les taux applicables au V de l'article L. 213-10-9, alors qu'en droit existant, elles sont situées à la fin de l'article.

b) Les plafonds de la redevance sont rehaussés et des planchers sont introduits

Le 9° du I ajoute une disposition selon laquelle les volumes d'eau soumis à la redevance, y compris pour les usages listés dans la liste des exonérations (II de l'article L. 213-10-9) sont constatés à partir des relevés d'index du dispositif de mesure prévu à l'article L. 214-8 du code de l'environnement.

Le plancher n'est supérieur au tarif maximum actuel que dans le cas du refroidissement industriel. Pour rappel, la catégorie 2 désigne les zones de tension sur la ressource en eau, tandis que la catégorie 1 regroupe les autres zones.

Comparaison entre le droit proposé et le droit existant des seuils des tarifs de la redevance pour prélèvement de la ressource en eau

(centimes par m3)

Usages

Catégorie 1

Catégorie 2

 

Minimum droit proposé

Maximum droit existant

Maximum droit proposé

Minimum droit proposé

Maximum droit existant

Maximum droit proposé

Irrigation (sauf irrigation gravitaire)

1,41

3,6

5,04

2,82

7,2

10,08

Irrigation gravitaire

0,2

0,5

0,7

0,4

1

1,4

Alimentation en eau potable

2,82

7,2

10,08

5;64

14,4

20,16

Alimentation d'un canal

0,012

0,03

0,42

0,024

0,06

0,084

Refroidissement industriel conduisant à une restitution supérieure à 99 %

0,53

0,5

0,95

1,06

1

1,9

Autres usages économiques

1,97

5,4

7,56

3,93

10,8

15,12

Source : commission des finances

Le ii relève également le maximum applicable aux installations hydroélectriques de 1,8 euro par millions de mètres cubes à 2,52 euros par millions de mètres cubes, et inscrit dans loi un minimum, situé à 0,71 euro par millions de mètres cubes.

Enfin, cette disposition met en place une indexation à l'inflation pour l'ensemble de ces minima et maxima.

c) Les règles de majoration de la redevance pour prélèvement de la ressource en eau sont réformées

Le 9° du I ajoute un V ter qui définit les cas où la redevance est majorée :

- lorsque, sauf impossibilité avérée, le volume d'eau prélevé n'est pas déterminé à partir des relevés d'index du dispositif de mesure prévu en application du I de l'article L. 214-8 du code de l'environnement, la redevance est majorée de 60 % ;

- lorsque le dispositif de mesure n'est pas conforme aux caractéristiques techniques fixées en application du I de l'article L. 214-8 du code de l'environnement, la redevance est majorée de 40 % ;

- lorsque le registre relatif au dispositif de mesure d'un volume prélevé n'est pas tenu ou est tenu de façon lacunaire au regard des dispositions du II de l'article L. 214-8 la redevance est majorée de 20 %.

Pour qu'il soit compatible avec la réforme de la redevance sur le prélèvement de la ressource en eau, le 27° du I de l'article 16 du projet de loi de finances modifie l'article L. 214-8 du code de l'environnement.

Le premier alinéa de l'article, qui prévoit que les installations de prélèvement d'eau soient pourvues des moyens de mesure ou d'évaluation appropriés, est laissé inchangé. Le second alinéa est réécrit pour préciser que ces moyens de mesure doivent être conformes à des prescriptions techniques. Enfin, il est ajouté un troisième alinéa qui prévoit que les données correspondant à la pose et au fonctionnement des moyens et dispositifs de mesure sont inscrites dans un registre spécialement ouvert à cet effet par le redevable.

Enfin, le 9° du I ajoute une disposition selon laquelle, lorsqu'un prélèvement est destiné à l'irrigation gravitaire et qu'un dispositif de mesure n'a pas été mis en place, l'assiette est fixée forfaitairement à 10 000 mètres cubes d'eau par hectare irrigué en 2024. L'article ajoute que ce volume forfaitaire est relevé de 1 000 mètres cubes par hectare irrigué par an à compter de 2025 et jusqu'à 2029 inclus.

Dans les autres cas, le volume forfaitaire est calculé en prenant compte des grandeurs caractéristiques de l'activité en cause déterminée à partir de campagnes générales de mesures ou d'études fondées sur des échantillons représentatifs. 

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXONÉRATION POUR MAYOTTE, ET DES MODIFICATIONS DE PLAFONDS POUR LAISSER PLUS DE MARGES DE MANoeUVRE AUX AGENCES DE L'EAU

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, quatre amendements sur l'article 16 ont été retenus.

A. UNE EXONÉRATION DE LA REDEVANCE SUR LA CONSOMMATION D'EAU POTABLE POUR MAYOTTE

Un amendement déposé par la députée Estelle Youssouffa et plusieurs de ses collègues exonère les habitants Mayotte de la redevance sur la consommation d'eau potable du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2027. L'exonération de la taxation sur la consommation d'eau à Mayotte avait déjà été décidée par le Gouvernement pour la période entre septembre et décembre 2023.

Le département fait en effet face à une crise de l'eau continue depuis la sécheresse de 2016-2017, qui s'est amplifiée au début de 2023. Le niveau de précipitation jusqu'à présent sur l'année est en effet le plus bas enregistré depuis 1997, et des mesures de restriction ont été mises en place838(*). Le remplissage des réserves est également à un niveau inquiétant : le taux de remplissage est de 13,6 % à Combani, et de 7 % à Dzoumogné839(*).

Bien que l'année 2023 soit exceptionnelle, l'archipel connaît des difficultés dans l'accès à la ressource en eau depuis plusieurs années.

B. DES PLAFONDS SONT REHAUSSÉS POUR LAISSER DAVANTAGE DE MARGES DE MANoeUVRE AUX AGENCES DE L'EAU

Deux amendements, l'un déposé par le rapporteur général Jean-René Cazeneuve, et l'autre par député Mathieu Lefèvre, visent à modifier plusieurs plafonds de tarifs et un coefficient :

- les plafonds des tarifs de la redevance sur la consommation d'eau potable et des deux redevances pour la performance sont relevés de cinquante centimes par mètres cubes à un euro par mètres cubes ;

- le niveau maximal du coefficient de « conformité réglementaire » (utilisé dans le calcul du montant de la redevance pour la performance du réseau d'assainissement) est abaissé de 0,5 à 0,2. Le montant du coefficient global de cette redevance est donc désormais nécessairement situé entre 0,2 et 1.

La modification des plafonds du tarif de la redevance sur la consommation d'eau peut étonner en particulier, alors que la réforme des redevances de l'eau, à l'exception de la redevance pour pollutions diffuses et sur le prélèvement de l'eau, est censée se faire à rendement constant.

Elle est cependant justifiée par les contours de la réforme des redevances de l'eau.

En effet, l'assiette de la redevance sur la consommation d'eau potable est un peu plus restreinte que celle de la redevance pour pollution d'origine domestique, mais surtout, les deux redevances pour la performance sont censées générer moins de recettes que l'ancienne redevance pour la modernisation des réseaux de collecte. Dans certains bassins d'outre-mer en particulier, l'assiette pour la redevance pour la performance du réseau d'assainissement collectif est très réduite.

Le rehaussement des plafonds doit donc permettre aux agences de l'eau d'adapter de disposer de davantage de manoeuvre pour adapter la fiscalité de l'eau, et ainsi de maintenir un rendement équivalent.

Cette modification des plafonds est d'ailleurs prévue pour se faire sans incidence sur la part supportée par les usagers raccordés aux réseaux d'eau. L'administration a en effet indiqué que les présidents des comités de bassin ont eu pour consigne de s'assurer que la part relative des usagers domestiques sera réduite, ou sinon stabilisée, à l'occasion du vote des tarifs des trois redevances.

On peut néanmoins regretter le caractère sommaire de l'exposé des motifs (identique) de ces deux amendements, qui se borne à indiquer qu'il s'agit « de procéder à la rectification d'erreurs matérielles. »

C. L'AMENDEMENT SUR LE NUCLÉAIRE

Un dernier amendement du Gouvernement vise à maintenir les règles applicables actuellement aux centrales nucléaires en matière de comptage des volumes d'eau.

En effet, la disposition selon laquelle les volumes d'eau soumis à la redevance pour prélèvement de la ressource en eau sont constatés à partir des relevés d'index du dispositif de mesure (prévue à l'article L. 214-8 du code de l'environnement) s'applique soit aux usages listés dans tableau du V de l'article L. 210-10-9, soit aux usages exonérés de la taxe listés dans le II du même article.

Or, les installations nucléaires ne sont listées ni dans l'un, ni dans l'autre. Par conséquent, cet amendement les mentionne directement à l'article L. 210-10-9. Cet amendement vise donc à pérenniser le droit existant.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉFORME QUI NE PRÉSENTE PAS DES GARANTIES SUFFISANTES POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

A. LA RÉFORME MODIFIE LA RÉPARTITION DE LA PRESSION FISCALE DES REDEVANCES DE L'EAU

1. La réforme conduit à une augmentation des ressources des agences de l'eau de 169 millions d'euros

L'augmentation du rendement de certaines redevances de l'eau vise d'abord à augmenter le financement des agences de l'eau.

Le plafond mordant a été relevé dans l'article 28 du PLF pour 2024 de 150 millions d'euros pour atteindre 2 347,6 millions d'euros. Toutefois, il faut rappeler que le relèvement du plafond n'équivaut pas à une augmentation du financement des agences de l'eau si les recettes n'augmentent pas en parallèle.

On pourrait s'étonner que le nouveau plafond mordant soit proche du niveau de recettes effectif des agences de l'eau (2 339,9 millions d'euros en 2022)840(*).

Toutefois, il faut prendre en compte que le rendement des deux redevances pour la performance est prévu pour être inférieur de 150 millions d'euros au niveau de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte qu'elles remplacent, pour compenser la suppression de la prime pour la modernisation des réseaux de collecte.

L'opération est neutre pour les agences de l'eau puisque la suppression de la prime de performance épuratoire représente 150 millions d'euros de dépenses en moins tous les ans.

Ainsi, pour atteindre le nouveau seuil du plafond mordant, la réforme vise à augmenter le rendement des redevances suivantes pour un total de 169 millions d'euros :

- l'augmentation des tarifs de la redevance pour pollutions diffuses doit générer 37 millions d'euros supplémentaires ;

- le rehaussement des plafonds de la redevance pour prélèvement de la ressource en eau doit générer 132 millions d'euros supplémentaires.

Si l'on prend comme base le volume des recettes générées en 2022, les recettes atteignent 2 358,9 millions d'euros.

2. La diminution de la part des usages domestiques dans la fiscalité de l'eau est souhaitable

L'enjeu de la réforme n'est pas seulement d'augmenter le financement des agents de l'eau, mais également de réduire la part des usages domestiques dans la fiscalité de l'eau.

Le produit des redevances de l'eau est très variable selon les différentes redevances. La redevance pour pollution d'origine domestique dégage plus d'un milliard d'euros de recettes chaque année, tandis que le produit de la redevance pour protection du milieu aquatique est généralement inférieur à 10 millions d'euros, et celui de la redevance pour stockage de l'eau inférieur à 500 000 euros par an.

Produit des redevances de l'eau

 

2019

exécution

2020

exécution

2021

exécution

2022

prévisions

2022

exécution

2023

prévisions

2024

prévisions

Pollution non domestique

60,7

69,4

58,3

56,8

55,2

57,1

59,3

Pollution domestique

1053,8

1021,9

1040,2

1058,7

1039,5

1053,3

1051,5

Modernisation des réseaux

544,9

539,7

528

529,6

525

532,4

526,7

Pollutions diffuses

139,2

97,1

188,9

149,3

187,1

169,2

156

Prélèvement de la ressource en eau

395,7

402,2

357,7

375,3

369,9

371,8

378,6

Stockage

0,2

0,2

0,1

0,1

0,1

0,1

0,3

Protection du milieu aquatique

12,5

7,7

7,5

7,7

7,8

7,9

8,1

Total

2207

2138,2

2180,7

2177,5

2184,6

2191,8

2180,5

Note : ce tableau n'inclut pas les redevances cynégétiques et le droit de validation du permis de chasse, qui sont également affectés au budget des agences de l'eau

Source : commission des finances, d'après le document annexé au projet de loi de finances pour 2024, « Les agences de l'eau ».

Actuellement, 71 % du rendement des redevances de l'eau provient de la redevance pour pollution d'origine domestique et de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte. Par conséquent, la fiscalité de l'eau pèse effectivement surtout sur les usagers domestiques841(*).

Le reste des recettes est principalement assuré par la redevance pour prélèvement de la ressource en eau et la redevance pour pollutions diffuses.

Part des différentes redevances dans les recettes totales en 2022

Source : commission des finances

Pour cette raison, la réforme ne vise à augmenter les rendements que de redevances qui ne sont pas assises sur les usages domestiques : la redevance pour pollutions diffuses et la redevance pour prélèvement de la ressource en eau.

La redevance pour pollutions diffuses concerne en effet les usages agricoles, et la hausse des plafonds de la redevance pour prélèvement de la ressource en eau pèsera majoritairement sur les énergéticiens, les industriels et les agriculteurs.

Répartition de l'augmentation de la redevance
pour prélèvement de la ressource en eau

(en millions d'euros)


Énergéticiens


Industriels


Agriculteurs


Collectivités


100


20


11


1

Note : les 100 millions d'euros d'effort pour les énergéticiens concernent pour l'essentiel EDF, au titre des prélèvements de l'eau par les centrales nucléaires.

Source : commission des finances, d'après l'évaluation préalable de l'article

L'objectif de la réforme est notamment de renforcer la pression fiscale sur les usagers qui ont des leviers pour réduire leur consommation d'eau et la pollution dont ils sont à l'origine.

Lorsque l'on ajoute les recettes supplémentaires générées par la redevance pour pollutions diffuses (37 millions d'euros) et par la redevance pour prélèvement de la ressource en eau (132 millions d'euros), on aboutit à une diminution de la part de la fiscalité de l'eau payée par les usagers domestiques : cette part est de 60 % au lieu de 71 %.

Part des différentes redevances dans les recettes prévisionnelles en 2024 en incluant les effets de la réforme

Source : commission des finances

Note : on observe une diminution de la part de la redevance pour pollutions diffuses qui s'explique par le différentiel entre l'exécution de la redevance en 2022 et les prévisions en 2024.

Toutefois, si l'on prend en compte le fait que la prime de performance collective venait compenser la pression fiscale pour les usagers domestiques, alors l'effet de la réforme est moins notable : la part de la fiscalité de l'eau supportée par les usagers domestiques avant la réforme descend à 64 %, contre 60 % après la réforme.

Il ne serait cependant pas souhaitable d'approfondir la réforme pour diminuer la part des usagers domestiques. En effet, la réforme se traduit déjà par une augmentation notable de la pression fiscale sur les usagers non domestique, et en particulier sur les agriculteurs. Augmenter encore les tarifs pourrait ainsi conduire à menacer des modèles économiques qui sont parfois fragiles.

B. LES GARANTIES APPORTÉES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LE CADRE DE LA RÉFORME NE SONT PAS SUFFISANTES

Sur le principe, la mise en place de mécanismes incitatifs qui visent spécifiquement la réparation des fuites d'eau et l'entretien des canalisations est pertinente. On estime en effet qu'un litre sur cinq d'eau potable n'arrive jamais jusqu'au consommateur en raison des fuites.

Dans un contexte où, avec la multiplication des sécheresses consécutives au changement climatique, la ressource en eau deviendra de plus en plus précieuse, ce gâchis n'est pas tolérable, et il est nécessaire que les actions des collectivités territoriales qui visent à améliorer l'entretien des réseaux potables soient soutenues par l'Etat.

Toutefois, la réforme prévue par cet article présente de nombreuses limites et inconnues, qui ne permettent pas aux collectivités territoriales de réellement se l'approprier.

Premièrement, le produit des redevances pour la performance a vocation à diminuer progressivement, mais dans le même temps, les agences de l'eau doivent répondre à la nécessité de maintenir leurs recettes à un niveau élevé.

Une solution serait d'augmenter progressivement les tarifs des deux redevances pour la performance, pour maintenir l'incitation tout en conservant un niveau de recettes élevées. Toutefois, la hausse de la pression fiscale pourrait ne plus être soutenable pour les acteurs considérés comme les moins « performants », qui peuvent être des collectivités territoriales dans une situation financière fragile.

Les effets de bord pour un grand nombre de collectivités territoriales sont potentiellement nombreux, et ils ne sont pas évalués avec précision dans le présent projet de loi. Selon Intercommunalités de France, les augmentations des redevances pourraient être « de l'ordre de 50 % à l'échelle de certaines intercommunalités selon les scénarios ».

En outre, rendre les collectivités territoriales redevables des deux redevances pour la performance plutôt que les usagers ne peut pas être réduit à un artifice comptable, même si elles ont la possibilité de répercuter ces redevances sur les usagers.

En effet, les collectivités doivent déterminer la répartition des répercussions entre les usagers domestiques et non domestiques (les deux catégories de redevables de la redevance pour la modernisation pour les réseaux de collecte), ce qui représente des contraintes nouvelles. La réforme conduira à une charge de travail très importante pour les services, dans la mesure où les logiciels de facturation et les contrats de délégation de service public devront être modifiés.

De plus, les collectivités territoriales perdent une prime qui était à leur main, au profit d'une diminution de redevance qui est à la fois incertaine, et dont les collectivités n'étaient pas redevables à l'origine. Une modulation des redevances selon la performance dans le réseau d'eau potable et l'assainissement n'est pas à écarter, mais elle ne doit pas conduire à restreindre les possibilités d'action des territoires.

De manière générale, la réforme n'a pas été menée suffisamment en concertation avec les collectivités territoriales. D'après des représentants d'élus, les simulations chiffrées n'ont été présentées que 8 jours avant la présentation de la réforme au Comité nationale de l'eau du 14 mars 2023, ce qui n'avait pas permis aux collectivités d'apprécier les conséquences de la transformation de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte sur leurs territoires.

Enfin, la création d'une redevance pour atteinte à la biodiversité, qui avait pourtant fait l'objet d'un engagement, n'est pas non plus présente dans l'article 16. La redevance pour la protection du milieu aquatique joue en effet un rôle marginal dans la préservation des espèces. La réforme aurait dû ainsi concrétiser le passage du principe de « l'eau paie l'eau » à « l'eau et la biodiversité payent l'eau et la biodiversité », mais celle-ci reste malheureusement un angle mort des redevances de l'eau.

Pour l'ensemble de ces raisons, il est proposé de supprimer l'article 16 par un amendement I-214 (FINC.57).

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 16 bis (nouveau)

Ajustement de la fiscalité relative aux déchets radioactifs

Le présent article prévoit de créer une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour la réception de déchets radioactifs métalliques, dont le tarif augmenterait de manière progressive jusqu'en 2027, tout en abaissant en parallèle la fiscalité sur les installations nucléaires de traitement ou de stockage définitif des déchets. Il sera possible d'être exempté de cette TGAP lorsque les déchets radioactifs en question font l'objet d'une valorisation.

L'objectif de l'article est ainsi de remplacer une part de la taxe sur les installations nucléaires de base, qui est une taxe de rendement, par une taxe incitative encourageant le recyclage des déchets métalliques radioactifs.

Deux décrets du 14 février 2022 autorisent le recyclage de déchets métalliques radioactifs de très faible activité. Le processus de recyclage est connu et sans risque, et les enjeux sont significatifs, dans la mesure où l'on estime que 800 000 mètres cubes de matériaux métalliques seraient valorisables de cette manière.

Les conséquences sur le budget de l'Etat de cette mesure devraient restées limitées.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (TGAP) EST UNE TAXE INCITATIVE TANDIS QUE LA TAXE SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EST UNE TAXE DE RENDEMENT

A. LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES EST DUE EN PRINCIPE PAR TOUTE PERSONNE RÉCEPTIONNANT DES DÉCHETS OU QUI LES TRANSFÈRE VERS UN AUTRE ÉTAT

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a été créée par la loi de finances pour 1999842(*), par le regroupement de plusieurs taxes fiscales ou parafiscales. Le champ d'application de la composante « déchets » de la TGAP est régi par l'article 266 sexies du code des douanes.

Cette taxe est notamment due par :

- toute personne réceptionnant des déchets, dangereux ou non dangereux, et exploitant une installation soumise à autorisation ;

- toute personne qui transfère ou fait transférer des déchets vers un autre État en application du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets ;

- toute personne qui, pour les besoins de son activité économique, livre pour la première fois en France, ou y utilise pour la première fois, des préparations pour lessive, des produits adoucissants, ou des matériaux d'extraction de toutes origines se présentant naturellement sous la forme de grains ou obtenus à partir de roches concassées ou fractionnées.

L'article 266 septies du code des douanes détermine le fait générateur de la taxe, à savoir la réception des déchets par l'exploitant de l'installation. L'article 266 octies du même code définit l'assise de la TGAP, et l'article 266 nonies du même code donne ses tarifs.

La taxe fait l'objet de nombreuses exonérations, qui sont listées au II de l'article 266 sexies.

B. LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE SONT ASSUJETTIES À UNE TAXE

L'article 43 de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 prévoit que les installations nucléaires de base sont assujetties à une taxe annuelle. Les installations nucléaires de base sont listées à l'article L. 593-2 du code de l'environnement, et comprennent notamment les réacteurs nucléaires, les installations contenant des substances radioactives ou fissiles et les centres de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs.

La taxe est due par l'exploitant de l'installation nucléaire, à compter de l'autorisation de création de l'installation.

Le montant de la taxe est déterminé par le produit d'une imposition forfaitaire et d'un coefficient multiplicateur. Le niveau de ces coefficients est fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du type et de l'importance des installations, dans les limites énoncées au III de l'article 43.

L'ensemble des montants forfaitaires et des limites des coefficients multiplicateurs sont ainsi répertoriés au tableau du III de l'article 43.

Tarifs et limites des coefficients de la taxe sur les installations nucléaires de base

Catégorie

Installations n'étant pas à l'arrêt définitif

Installations à l'arrêt définitif

Montant de l'imposition forfaitaire

(en euros)

Coefficient multiplicateur

Montant de l'imposition forfaitaire

(en euros)

Coefficient multiplicateur

Réacteurs nucléaires de production d'énergie autres que ceux consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

3 670 000

1 à 4

263 000

1 à 4

Réacteurs nucléaires de production d'énergie consacrés à titre principal à la recherche (par tranche)

1 197 470

1 à 2

263 000

1 à 2

Autres réacteurs nucléaires

263 000

1 à 3

131 500

1 à 3

Installations de séparation des isotopes des combustibles nucléaires

618 824

1 à 3

131 500

1 à 3

Usines de fabrication de combustibles nucléaires

618 824

1 à 3

309 412

1 à 3

Usines de traitement de combustibles nucléaires usés

1 856 474

1 à 3

928 237

1 à 3

Installations de traitement d'effluents liquides radioactifs et/ ou de traitement de déchets solide radioactifs ; usines de conversion en hexafluore d'uranium ; autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives

278 472

1 à 4

139 236

1 à 4

Installations destinées au stockage définitif de substances radioactives

2 165 886

1 à 3

1 082 943

1 à 3

Installations destinées à l'entreposage temporaire de substances radioactives ; accélérateur de particules et installations destinées à l'irradiation ; laboratoires et autres installations nucléaires de base destinées à l'utilisation de substances radioactives

24 754

1 à 4

12 377

1 à 4

Source : commission des finances

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : LA CRÉATION D'UNE TGAP POUR LES DÉCHETS RADIOACTIFS MÉTALLIQUES EN PARALLÈLE D'UN ABAISSEMENT DE LA TAXE SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE

Le présent article est issu de la reprise dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, d'un amendement déposé par la députée Annaïg Le Meur et plusieurs de ses collègues.

L'amendement à deux visées : il crée une TGAP pour les personnes réceptionnant des déchets métalliques radioactifs, et il abaisse la fiscalité sur les installations nucléaires de base, principalement l'imposition sur les installations destinées au stockage définitif de substances radioactives.

A. L'INSTAURATION D'UNE TGAP POUR LES PERSONNES RÉCEPTIONNANT DES DÉCHETS RADIOACTIFS MÉTALLIQUES

Le a du I ajoute à la liste des redevables de la TGAP les personnes réceptionnant des déchets radioactifs métalliques et exploitant une installation de stockage de ces déchets.

L'article définit du même coup ce que recoupent les déchets métalliques radioactifs : il s'agit de déchets de nature métallique, qui sont susceptibles de contenir des substances radioactives qui répondent à l'une de ces deux caractéristiques :

- elles ne sont pas d'origine naturelle ;

- leur activité en radionucléides naturels des chaines de l'uranium et du thorium est supérieure à 20 becquerels par gramme.

Le III du présent définit la tarification suivante des déchets radioactifs métalliques à l'article 266 nonies du code des douanes.

Tarification des déchets radioactifs métalliques en droit proposé

 

2024

2025

2026

À partir de 2027

Tarif

(en euros/ par tonne)

200

300

250

400

Source : commission des finances

Le ii du b du I de l'article ajoute à la liste des exonérations de TGAP la réception de déchets radioactifs métalliques lorsque ceux-ci sont issus d'une valorisation de matière radioactive. La création de cette TGAP a donc vocation à encourager le recyclage de ces déchets.

Les autres dispositions du I sont des mesures de coordination.

B. L'ABAISSEMENT DES TARIFS DE LA TAXE SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE DE TRAITEMENT OU DE STOCKAGE DÉFINITIF DES DÉCHETS

Le II du présent article modifie les paramètres de la taxe sur les installations nucléaires de base. Les minima et maxima des coefficients sont laissés inchangés, tandis que les tarifs des installations nucléaires relatives au traitement ou au stockage définitif des déchets nucléaires sont abaissés.

Il faut également souligner que les tarifs de la catégorie des « installations de traitements d'effluents liquides radioactifs et/ou de traitement de déchets solides radioactifs » et celle des « usines de conversion en hexafluorure d'uranium ; autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives » sont désormais distingués.

Le tarif applicable aux installations nucléaires destinées au stockage définitif de substances radioactives est celui qui connaît la plus forte baisse, de 2 165 886 euros (imposition forfaitaire) à 15 000 euros, soit une diminution de 98,6 %.

Comparaison entre le montant de l'imposition forfaitaire
des installations de traitement ou de stockage définitif
des déchets nucléaires en droit existant et en droit proposé

 

Montant de l'imposition forfaitaire (en euros)

 

Installations n'étant pas à l'arrêt définitif

Installations à l'arrêt définitif

 

Droit existant

Droit proposé

Évolution

Droit existant

Droit proposé

Évolution

Usines de traitement de combustibles nucléaires usés

1 856 474

1 856 474

0 %

928 237

880 000

- 5,2 %

Installations de traitement d'effluents liquides radioactifs et/ ou de traitement de déchets solide radioactifs

278 472

250 000

- 10,2 %

139 236

125 000

- 10,2 %

Usines de conversion en hexafluore d'uranium ; autres usines de préparation et de transformation des substances radioactives

278 472

278 472

0 %

139 236

139 236

0 %

Installations destinées au stockage définitif de substances radioactives

2 165 886

2 165 886

0 %

1 082 943

15 000

- 98,6 %

Source : commission des finances

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE RECYCLAGE DES DÉCHETS RADIOACTIF MÉTALLIQUE DE TRÈS FAIBLE ACTIVITÉ DOIT ÊTRE ENCOURAGÉ

A. LA PERTE DE RENDEMENT DE LA TAXE SUR LES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES EST COMPENSÉE PAR LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE TGAP

Le rendement de la taxe sur les installations nucléaires de base est constant sur les dernières années : il était de 600 millions d'euros en 2022, et il est prévu que son montant soit similaire en 2023 et en 2024. La majeure partie des recettes de la taxe provient de l'imposition par tranche des installations nucléaires de production d'énergie (hors ceux consacrés à titre principal à la recherche), qui n'est pas concernée par l'abaissement des tarifs. Les effets des mesures prévues par l'article 16 bis sur le rendement de la taxe devraient donc rester limités.

Le rendement de la nouvelle TGAP sur les déchets nucléaires radioactifs métallique n'est pas détaillé. Il faut néanmoins relever que la taxe touche pour l'essentiel les personnes redevables de la taxe sur les installations destinées au stockage définitif de substances radioactives, qui est aussi celle dont le tarif est fortement abaissé par le présent. L'objectif est donc que la création de cette TGAP puisse équilibrer sur le plan budgétaire la diminution de cette part de la fiscalité sur les installations nucléaires de base.

Par ailleurs, l'abaissement des tarifs de la taxe sur les installations destinées au stockage définitif de substances radioactives n'a pas d'incidence sur la taxe additionnelle dite de « stockage » (VI de l'article 43 de la loi de finances pour 2000), dont le produit est reversé aux collectivités territoriales.

B. LE PROCESSUS DE VALORISATION DES DÉCHETS MÉTALLIQUES DE TRÈS FAIBLE ACTIVITÉ DOIT ÊTRE ENCOURAGÉ

La valorisation des déchets radioactifs métalliques est autorisée depuis récemment. Un décret du 14 février 2022843(*), prévoit que les matériaux qui sont contaminés, activés ou susceptibles de l'être par des radionucléides peuvent être autorisés pour la fabrication de biens lorsque :

- ils sont valorisés par une installation ayant fait l'objet d'une autorisation ;

- si les produits contiennent un ou plusieurs radionucléides, ceux-ci doivent se trouver en dessous de certains seuils définit dans l'annexe 13-8 du code de la santé publique. Si le radionucléide n'est pas mentionné dans l'annexe précitée, la dose efficace ajoutée pouvant être reçue par une personne résultant de tout usage de produits issus de l'opération de valorisation ne doit pas excéder 10 microsieverts par an.

Par comparaison, l'exposition naturelle à la radioactivité en France représente environ 3 000 microsieverts par an, ce qui demeure très en dessous des seuils où les radiations présentent un danger pour la santé.

Un autre décret du 14 février 2022844(*) précise que les matériaux autorisés sont les substances métalliques qui, avant leur usage dans une activité nucléaire, ne justifiaient pas un contrôle de la radioprotection.

En France, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) est l'établissement public à caractère industriel et commercial chargé de la gestion des déchets nucléaires. Elle est notamment l'agence qui assure notamment la gestion du projet Cigéo (centre industriel de stockage géologique) de stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde. Les déchets de très faibles activités sont quant à eux gérés dans une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) : Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (Cires) ouvert en 2003 et située dans la commune de Morvilliers, dans l'Aube. Il est d'une capacité de stockage de 650 000 m3.

Classification des déchets nucléaires et mode de gestion

Source : direction générale de l'énergie et du climat

Les matériaux concernés sont par exemples des ferrailles produites lors de l'activité ou du démantèlement d'une centrale nucléaire, et qui sont peu contaminées. Chaque pièce n'en fait pas moins l'objet d'une décontamination et de mesures de la radioactivité à chaque étape du processus. Les lots de matériel sont également marqués dans le but d'assurer leur traçabilité.

À la suite de l'évolution réglementaire de février 2022, EDF et Orano ont conduit conjointement un projet dénommé « Technocentre », qui consiste dans la mise en place installation de valorisation de ces pièces métalliques. Selon les réponses données par l'administration au questionnaire du rapporteur général, « EDF et Orano ont indiqué que le montant de TGAP prévu à l'article 16 bis serait de nature à permettre conforter le projet « Technocentre », dont le procédé serait alors plus compétitif que le stockage pour les substances radioactives métalliques qu'il pourrait recevoir. »

L'ANDRA estime que les déchets radioactifs métallique à très faible activité représentent un total de 800 000 mètres cubes de matériaux valorisables. Les enjeux sont donc significatifs, à la fois en termes économique et environnemental, et le processus de recyclage de ces déchets est connu. Il est donc justifié d'encourager, dans la mesure du possible, la valorisation de ces matériaux.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 16 ter (nouveau)

Exemption de TGAP déchets pour les dépôts créés dans le cadre du plan national de résorption des décharges littorales historiques

Le présent article prévoit d'exonérer de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) les réceptions de déchets en provenance d'un dépôt situé à moins de 100 mètres du trait de côte dans une zone soumise à érosion ou dans une zone de submersion marine potentielle.

Cet article s'inscrit dans le cadre du plan national de résorption des décharges littorales historiques, qui vise à identifier et réhabiliter les décharges littorales qui présentent un risque de déversement dans la mer. Les critères retenus par l'article sont similaires à ceux du plan, et l'exemption de TGAP concerne les opérations de transfert et de sécurisation des décharges à risque.

La TGAP est une taxe incitative qui a vocation à s'appliquer pour le circuit de production ordinaire des déchets, mais pas pour les opérations de réhabilitation et de sécurisation des décharges qui présentent un risque pour l'environnement. L'exonération prévue par le présent article apparaît donc comme justifiée.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (TGAP) EST UNE TAXE INCITATIVE QUI VISE À LIMITER LA PRODUCTION DES DÉCHETS

A. LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES EST DUE EN PRINCIPE PAR TOUTE PERSONNE RÉCEPTIONNANT DES DÉCHETS OU QUI LES TRANSFÈRE VERS UN AUTRE ÉTAT

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) a été créée par la loi de finances pour 1999845(*), par le regroupement de plusieurs taxes fiscales ou parafiscales. Le champ d'application de la composante « déchets » de la TGAP est régi par l'article 266 sexies du code des douanes.

Cette taxe est notamment due par toute personne exploitant une installation soumise à autorisation qui réceptionne des déchets, dangereux ou non dangereux, et par toute personne qui transfère ou fait transférer des déchets vers un autre État.

L'article 266 septies du code des douanes détermine le fait générateur de la taxe, à savoir la réception des déchets par l'exploitant de l'installation. L'article 266 octies du même code définit l'assise de la TGAP, et l'article 266 nonies du même code donne ses tarifs.

B. L'APPLICATION DE LA TGAP COMPREND PLUSIEURS EXCEPTIONS

Le II de l'article 266 sexies donne également la liste des personnes ou des activités pour lesquelles la TGAP ne s'applique pas. Certaines des activités exonérées de TGAP sont :

- les réceptions de déchets de matériaux de construction et d'isolation contenant de l'amiante, ou les déchets d'équipement de protection individuelle et les moyens de protection collective pollués par des fibres d'amiante ;

- les réceptions de déchets générés par une catastrophe naturelle ;

- les réceptions de déchets non dangereux par les installations de co-incinération ;

- les réceptions de déchets aux fins de production de chaleur ou d'électricité et de déchets préparés sous forme de combustibles solides de récupération, associés ou non à un autre combustible ;

- les réceptions de déchets en vue de les transformer, par traitement thermique, en combustibles qui sont destinés à cesser d'être des déchets.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXEMPTION DE TGAP POUR CERTAINS DÉPÔTS DE DÉCHETS SITUÉS SUR LA CÔTE

Le présent article est issu de la reprise dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, d'un amendement déposé par la députée Annaïg Le Meur et plusieurs de ses collègues.

L'amendement ajoute à la liste des exemptions de TGAP du II de l'article 266 sexies du code des douanes les réceptions de déchets en provenance d'un dépôt de déchets situé à moins de 100 mètres du trait de côte dans une zone soumise à érosion, ou dans une zone de submersion marine potentielle.

Il est précisé qu'un arrêté du ministre chargé de l'environnement constate les dépôts qui satisfont à ces conditions.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXONÉRATION QUI APPARAÎT JUSTIFIÉE DANS LE CADRE DU PLAN NATIONAL DE RÉSORPTION DES DÉCHARGES LITTORALES HISTORIQUES

L'amendement vise à exonérer de TGAP les déchets réceptionnés dans le cadre d'un dépôt couvert par le plan national de résorption des décharges littorales historiques.

Le plan a été lancé en février 2022, à l'occasion du « One Ocean Summit » qui s'est tenu à Brest. Son objectif principal est de résorber en dix ans les 55 décharges littorales françaises qui présentent le plus fort risque de déversement de déchets en mer à court terme.

Le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a été chargé de l'inventaire de ces décharges. Il a procédé en se fondant sur deux critères cumulatifs, qui sont ceux qui ont été retenus par l'article :

- les décharges doivent se trouver à moins de 100 mètres du trait de côté ;

- elles doivent être situées dans une zone soumise à érosion ou dans une zone potentielle de submersion marine (par exemple de submersion dans la partie arrière des dunes).

L'inventaire est évolutif, puisqu'il est possible de faire des signalements de décharges littorales abandonnées qui présentent des risques de déversement en mer. Dans ce cas, le BRGM procède à leur analyse pour déterminer leur caractère prioritaire ou non.

Une fois qu'une décharge a été identifiée, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) doit fournir une expertise aux collectivités territoriales concernées, et l'Agence de la transition écologique (ADEME) apporte un soutien financier à hauteur de 50 % maximum du coût des travaux.

Lors de ces travaux, des transferts de déchets peuvent être réalisés à proximité, et ce sont ces opérations pour l'essentiel que l'article 16 ter exempte de TGAP. Leur stockage ne relève pas ici du circuit ordinaire de production des déchets, mais d'une opération de réhabilitation et de sécurisation de ces décharges.

La TGAP est avant tout une taxe incitative à la réduction de la production de déchets ou à leur traitement. La taxe n'a pas vocation à s'appliquer lorsque les marges de manoeuvre sur la production et le traitement des déchets sont inexistantes. Pour cette raison d'ailleurs, les déchets générés par une catastrophe naturelle font l'objet d'une exonération de la taxe (1 quinquies du II de l'article 266 sexies).

Par conséquent, l'exemption de TGAP pour les dépôts dans le cadre du plan de résorption des décharges littorales historiques apparaît justifiée.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 16 quater (nouveau)

Création d'une taxe incitative relative à la réduction de l'intensité d'émission de gaz à effet de serre dans les transports

Le présent article prévoit l'institution, à compter du 1er janvier 2025, d'une taxe incitative relative à la réduction de l'intensité d'émission de gaz à effet de serre (GES) dans les transports. Inspirée très fortement du mécanisme de la taxe incitative relative à l'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT), cette nouvelle taxe fixerait un pourcentage national cible de réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports, dont le degré d'atteinte déterminerait le montant dû par les redevables. Ainsi, la taxe serait nulle en cas de réduction de l'intensité d'émission de GES supérieure ou égale au pourcentage national cible.

Le principe de cette « TIRUERT nouvelle génération » ou « TIRUERT carbone » présente un intérêt indéniable par rapport au mécanisme actuel : alors que la TIRUERT vise l'incorporation de volumes de carburants durables, dont l'intensité carbone peut être très variable, la nouvelle taxe ciblerait directement la réduction de l'intensité d'émission de GES.

Cependant, le dispositif proposé apparaît encore inabouti, que ce soit au plan du cadre juridique, avec des renvois importants au pouvoir réglementaire, de la mise en oeuvre opérationnelle, notamment au regard de l'articulation avec le système européen d'échange de quotas d'émission, ou encore des objectifs de réduction visés. En effet, si le pourcentage national cible de réduction est fixé à 5 % pour 2025, il n'est aucunement déterminé pour les années suivantes. Alors que cette absence de visibilité sur la trajectoire fiscale a été critiquée pour la TIRUERT, l'indétermination du pourcentage national cible de réduction sur un horizon pluriannuel risque de contrarier le caractère incitatif et, partant, la réussite de la nouvelle taxe.

Dans ces conditions, le dispositif de cette nouvelle taxe incitative ne saurait être approuvé en l'état.

La commission des finances propose, par un amendement I-215 (FINC.58), de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : ALORS QUE LE DROIT NATIONAL FIXE DES CIBLES D'INCORPORATION DES ÉNERGIES RENOUVELABLES DANS LES TRANSPORTS, LA RÉVISION DU CADRE EUROPÉEN PRÉVOIT LA POSSIBILITÉ POUR LES ETATS MEMBRES D'ADOPTER UN OBJECTIF CONTRAIGNANT DE RÉDUCTION DE L'INTENSITÉ D'ÉMISSION DE GES DANS LES TRANSPORTS D'ICI 2030

A. À TRAVERS LA TIRUERT, LE DROIT NATIONAL FIXE DES OBJECTIFS D'INCORPORATION DES ENR DANS LES TRANSPORTS

1. Une fiscalité écologique dans le secteur des transports conçue pour inciter au développement des biocarburants : du prélèvement biocarburants de la TGAP à la TIRUERT

Pour favoriser l'utilisation des biocarburants et réduire les émissions de gaz à effet de serre, la loi de finances initiale pour 2005846(*) avait créé un prélèvement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) appliquée à certains carburants d'origine fossile (la TGAP-b).

L'article 192 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a remplacé ce prélèvement supplémentaire « biocarburants » de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) par la taxe incitative relative à l'incorporation des biocarburants (TIRIB), prévue à l'article 266 quindecies du code des douanes. Taxe incitative, la TIRIB avait pour vocation d'encourager l'incorporation d'énergie renouvelable dans les carburants routiers847(*) en appliquant une taxation sur les carburants contenant une part de biocarburants inférieure à des objectifs d'incorporation déterminés dans la loi.

À compter du 1er janvier 2022, suite à l'élargissement de la base de calcul des seuils d'incorporation à l'électricité d'origine renouvelable délivrée dans les bornes de recharge publiques et au kérosène (carburéacteurs), la TIRIB a été rebaptisée en taxe incitative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT).

2. Un mécanisme général visant à inciter à l'incorporation d'énergies renouvelables dans les carburants

Les redevables de la TIRUERT848(*) sont les personnes qui mettent à la consommation en France des essences, du gazole, des carburéacteurs et tous les carburants équivalents. En pratique, ces redevables sont les titulaires des dépôts pétroliers qui réalisent l'incorporation des biocarburants. Le fait générateur et l'exigibilité de la TIRUERT intervient au moment où « la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons » de l'accise sur les énergies (l'ancienne taxe intérieure sur la consommation sur les produits énergétiques ou TICPE) est exigible849(*).

L'assiette de la TIRUERT est constituée du volume total, respectivement, des essences, des gazoles et des carburéacteurs pour lesquels elle est devenue exigible au cours de l'année civile. Son montant est calculé séparément, pour les essences, pour les gazoles et pour les carburéacteurs.

Le montant de la TIRUERT dont doivent s'acquitter les redevables est égal au produit de son assiette par un tarif déterminé dans le tableau du IV de l'article 266 quindecies du code des douanes (cf. infra), auquel est appliqué un coefficient égal à la différence entre le pourcentage cible d'incorporation d'énergie renouvelable, également précisé dans le tableau du IV du même article, et la proportion d'énergie renouvelable contenue dans les produits inclus dans l'assiette.

Le tableau du IV de l'article 266 quindecies fixe ainsi, d'une part, des tarifs de taxation en euros par hectolitre et, d'autre part, des pourcentages cibles d'incorporation d'énergie renouvelable (EnR) pour les essences, les gazoles et les carburéacteurs. Ces pourcentages cibles constituent des objectifs nationaux d'incorporation qui font l'objet d'augmentations progressives. Si la proportion d'EnR est supérieure ou égale au pourcentage cible d'incorporation, le montant de la taxe est nul.

Tarifs et cibles nationales d'incorporation de la TIRUERT
en vigueur en 2023

Produits

Tarif

(en euros par hectolitre)

Pourcentage cible d'incorporation

Essences

140

9,5 %

Gazoles

140

8,6 %

Carburéacteurs

168

1 %

Source : article 266 quindecies du code des douanes

Le metteur sur le marché est ainsi imposé sur l'écart entre le pourcentage cible d'incorporation et la proportion d'énergie renouvelable contenue dans les carburants. Une fois la part d'EnR contenue dans les carburants calculée, le taux de la TIRUERT est égal au pourcentage cible diminué de cette part. Le contribuable est alors redevable du volume total mis en consommation multiplié par ce taux et par le tarif correspondant (140 euros par hectolitre pour les essences et les gazoles ou 168 euros par hectolitre pour les carburéacteurs).

Le calcul de « la proportion d'énergie renouvelable (EnR) » définie à l'article 266 quindecies, c'est-à-dire du taux d'incorporation d'EnR dans les carburants concernés par la TIRUERT, dépend du pouvoir calorifique inférieur (PCI) ainsi que de la quantité du biocarburant incorporé. La proportion d'EnR désigne ainsi la proportion, évaluée en PCI, d'énergie produite à partir de sources renouvelables dont le redevable peut justifier qu'elle est contenue dans les carburants mis à la consommation. Cette proportion correspond au quotient entre la quantité d'EnR incorporée et la quantité d'énergie produite par celle-ci.

La quantité d'EnR des produits éligibles contenus dans les carburants mis à la consommation qui doit permettre de calculer la TIRUERT est obtenue en additionnant les quantités d'EnR de chaque type de produits éligibles soit, conformément au 1 du B du V de l'article 266 quindecies :

- les quantités d'énergies produites à partir de sources renouvelables contenues dans les carburants inclus dans l'assiette de la taxe que le redevable doit ;

- depuis le 1er janvier 2022, les quantités d'électricité d'origine renouvelable utilisées pour l'alimentation en France de véhicules routiers, exploités par le redevable de la TIRUERT, au moyen d'infrastructures de recharge ouvertes au public850(*) ;

- depuis le 1er janvier 2023, les quantités d'énergie contenues dans l'hydrogène renouvelable que le redevable a utilisé, en France, soit pour les besoins du raffinage de produits pétroliers, soit pour la production de produits inclus dans l'assiette de la TIRUERT851(*), soit encore pour l'alimentation de piles à combustible des moteurs électriques servant à la propulsion des véhicules qu'il exploite ;

- à compter du 1er janvier 2024, les quantités d'énergie contenues dans l'hydrogène bas-carbone produit par électrolyse, dans les mêmes conditions que pour l'hydrogène renouvelable.

Le 4 du B du V de l'article 266 quindecies précise par ailleurs que l'énergie renouvelable est comptabilisée uniquement lorsque les trois critères cumulatifs sont réunis :

- la traçabilité des produits dans lesquels l'énergie renouvelable est contenue est assurée depuis leur production ;

- les quantités d'électricité qui la contiennent sont mesurées et communiquées à l'administration ;

- lorsque l'énergie renouvelable est contenue dans des produits issus de la biomasse, ces derniers répondent aux critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre prévus au niveau européen852(*).

B. LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE (UE) 2018/2001 PRÉVOIT, CONCERNANT LE SECTEUR DES TRANSPORTS, UNE OPTION POUR LES ÉTATS MEMBRES ENTRE UN OBJECTIF DE RÉDUCTION DE L'INTENSITÉ D'ÉMISSION DE GES ET UN OBJECTIF DE PROPORTION D'ENR DANS LA CONSOMMATION FINALE D'ÉNERGIE, D'ICI 2030

1. La fiscalité écologique française s'inscrit dans un cadre et des objectifs européens visant à promouvoir l'usage des énergies produites à partir de sources renouvelables ainsi que la réduction de l'intensité d'émission des GES

La fiscalité écologique est largement déterminée par des normes issues du droit dérivé de l'Union européenne. Ces normes fixent non seulement des objectifs d'utilisation des énergies renouvelables dans les transports mais également des cibles de réduction de l'intensité d'émission de GES.

D'une part, la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite directive « ENR », a défini un premier objectif de 10 % d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale du secteur des transports à horizon 2020. La directive 2018/2001/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « ENR 2 », a relevé cette cible initiale de 10 % en fixant un objectif d'utilisation des énergies renouvelables dans les transports à 14 % d'ici à 2030.

D'autre part, le droit européen a posé un objectif de réduction de l'intensité des émissions de GES par rapport à 2010. En vertu de la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel853(*), les États membres sont tenus d'exiger des fournisseurs de carburants qu'ils réduisent l'intensité des GES sur l'ensemble du cycle de vie des carburants destinés aux transports854(*) au minimum de 6 % au plus tard le 31 décembre 2020 par rapport à la norme de base concernant les carburants pour 2010 fixée à 94,1 g de CO2eq/MJ855(*).

Ces deux objectifs d'utilisation des énergies renouvelables et de réduction de l'intensité d'émission des GES ont été récemment révisés avec l'adoption d'une nouvelle directive en octobre 2023 (voir infra).

2. La révision de la directive sur les énergies renouvelables prévoit de nouveaux objectifs pour le secteur des transports, dont un nouvel objectif de réduction des émissions de GES de 14,5 % pour 2030

Dans le cadre du programme dit « Fit for 55 », la Commission européenne a pris l'initiative de proposer une révision de la directive « ENR 2 », finalement actée par l'adoption de la nouvelle directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023856(*).

Aux termes de l'article 25 de la directive « ENR 2 » révisée, chaque État membre doit imposer aux fournisseurs de carburants l'obligation de veiller à ce que :

- la quantité de carburants et d'électricité produits à partir de sources renouvelables fournie au secteur des transports entraîne, (i) soit une part d'énergie renouvelable dans la consommation d'énergie finale dans le secteur des transports d'au moins 29 % d'ici à 2030, (ii) soit une réduction de l'intensité d'émission de gaz à effet de serre d'au moins 14,5 % d'ici à 2030 par rapport à la valeur de référence fixée à l'article 27, paragraphe 1, point b, conformément à une trajectoire indicative fixée par l'État membre ;

- la part cumulée des biocarburants avancés et du biogaz produits à partir des matières premières énumérées à l'annexe IX, partie A, et des carburants renouvelables d'origine non biologique dans l'énergie fournie au secteur des transports soit d'au moins 1 % en 2025 et 5,5 % en 2030, dont une part de carburants renouvelables d'origine non biologique d'au moins 1 point de pourcentage en 2030.

Ainsi, au titre de la directive « ENR 2 » révisée, les États sont soumis à une obligation alternative, laquelle consiste :

- soit à réduire l'intensité carbone des carburants transports d'au moins 14,5 % d'ici à 2030 par rapport à 2010,

- soit à avoir une part d'au moins 29 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie du secteur.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article, qui résulte d'un amendement déposé par la députée Lise Magnier et plusieurs de ses collègues, repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, prévoit d'introduire, à compter du 1er janvier 2025, une nouvelle taxe incitative relative à la réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports.

A. L'INSTITUTION D'UNE NOUVELLE TAXE INCITATIVE RELATIVE À LA RÉDUCTION DE L'INTENSITÉ D'ÉMISSION DE GES DANS LES TRANSPORTS

1. Une taxe conçue sur le modèle de la TIRUERT, avec un pourcentage national cible de réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports

Le présent article, qui insère un article 266 sexdecies au chapitre 1er du titre X du code des douanes, prévoit d'instituer une taxe incitative inspirée du modèle de la TIRUERT, visant l'atteinte d'un pourcentage national cible de réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports.

Aux termes du V de l'article 266 sexdecies, le montant de la taxe serait ainsi calculé de la manière suivante :

Total des émissions x Tarif par tonnes de CO2 non évitées x Coefficient

Le coefficient appliqué pour le calcul du montant de la taxe serait égal à la différence entre un pourcentage national cible de réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports, fixé par année, et la réduction de l'intensité d'émission de GES, soit :

Pourcentage national cible de réduction - Réduction

Ainsi, la taxe est nulle si la réduction de l'intensité d'émission de GES est supérieure ou égale au pourcentage national cible de réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports.

En vertu du VI de l'article 266 sexdecies, le tarif de la taxe serait défini pour chaque année et serait, pour l'année 2025, de 100 euros par tonnes de CO2 non évitées.

Aux termes du VII, le pourcentage national cible de réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports serait de 5 % en 2025 par rapport à une valeur de référence857(*).

2. La prise en compte, pour la réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports, de l'utilisation des énergies renouvelables durables, de biogaz renouvelable durable, d'électricité d'origine renouvelable, d'hydrogène renouvelable durable et d'hydrogène bas carbone durable

En vertu du VIII de l'article 266 sexdecies, la réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports tiendrait compte des réductions des émissions de GES résultant de l'utilisation dans les transports en France :

d'énergies renouvelables durables contenues dans les produits inclus dans l'assiette de la taxe que le redevable doit ;

de biogaz renouvelable durable ;

d'électricité d'origine renouvelable utilisée pour l'alimentation en France de véhicules routiers au moyen d'infrastructures de recharge ouvertes au public ;

d'hydrogène renouvelable durable et d'hydrogène bas carbone durable produit par électrolyse.

Le dispositif proposé précise les conditions pour la qualification d'énergie durable :

le biogaz renouvelable est durable lorsqu'il remplit les critères de durabilité définis dans la directive (EU) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ;

les autres produits sont considérés comme durables lorsqu'ils sont éligibles à la minoration du taux de la TIRUERT, dans les conditions prévues à l'article 266 quindecies du code des douanes.

La méthodologie de calcul de la réduction de l'intensité d'émission de GES serait déterminée par un arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de l'écologie et de l'énergie. Il en est de même pour la méthodologie de calcul de la valeur de référence correspondant au pourcentage national cible de réduction de l'intensité d'émission de GES.

B. LA CRÉATION D'UN SYSTÈME NATIONAL D'ÉCHANGE DE DROITS DE COMPTABILISATION DE RÉDUCTION DE L'INTENSITÉ D'ÉMISSION

En vertu du IX de l'article 266 sexdecies, tout redevable de la taxe pourrait acquérir, y compris à titre onéreux, des droits de comptabilisation de réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports auprès des autres redevables ou des personnes suivantes :

- les personnes exploitant des infrastructures de recharge ouvertes au public qui fournissent en France de l'électricité d'origine renouvelable durable pour l'alimentation des véhicules routiers ;

- les personnes fournissant du biogaz renouvelable durable ou de l'hydrogène renouvelable durable et de l'hydrogène bas carbone durable produit par électrolyse.

Les droits ainsi acquis sont comptabilisés pour la détermination de la réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports.

En application du VIII, les réductions de l'intensité d'émission de GES dans les transports correspondant aux droits de comptabilisation acquis par le redevable sont ajoutées à la valeur obtenue, celles cédées par le redevable dans ce cadre étant soustraites de cette valeur. Il est précisé que la réduction des émissions de GES ne peut être comptabilisée qu'une seule fois.

Aux termes du X, un décret fixe les documents et justificatifs devant être fournis par le redevable aux fin de la prise en compte de la réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports ainsi que les conditions de transfert des droits de comptabilisation.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF AU PRINCIPE INTÉRESSANT MAIS DONT LES MODALITÉS SONT ENCORE INABOUTIES

Selon l'exposé sommaire de l'amendement dont est issu le présent article, le dispositif proposé vise à « promouvoir l'utilisation d'énergies renouvelables durables moins émettrices de gaz à effet de serre, notamment de bioGNV, en maximisant la contribution des différentes filières à la décarbonation du secteur des transports ». À ce titre, la nouvelle taxe incitative participerait de « l'atteinte de l'objectif européen d'une réduction de l'intensité d'émission de gaz à effet de serre dans les transports d'au moins 14,5 % d'ici à 2030, telle qu'il résulte de la directive révisée (UE) 2018/2001 ».

Si la fiscalité écologique française doit s'inscrire en cohérence avec les objectifs européens de décarbonation, les modalités du dispositif proposé apparaissent encore inabouties, que ce soit au plan du cadre juridique, de la mise en oeuvre opérationnelle ou encore des pourcentages nationaux cibles de réduction visés.

A. UN NOUVEAU DISPOSITIF DE TAXE INCITATIVE DONT LES MODALITÉS D'APPLICATION SONT ENCORE PEU ÉVIDENTES AU PLAN JURIDIQUE ET OPÉRATIONNEL

1. Un dispositif de taxe incitative dont le principe s'inscrit dans la suite des recommandations de la mission d'information du Sénat sur les biocarburants

Le principe de ce nouveau dispositif de taxe incitative présente l'avantage de cibler directement la réduction de l'intensité d'émission de GES dans les transports, à la différence de la TIRUERT qui vise l'incorporation de carburants durables. À cet égard, la nouvelle taxe incitative proposée s'apparente à une « TIRUERT nouvelle génération », basée sur l'intensité carbone.

Dans le cadre de la récente mission d'information du Sénat sur les biocarburants, une évolution de la fiscalité incitative dans les transports avait ainsi été recommandée afin de prendre davantage en compte la contribution à la décarbonation.

Le rapport de la mission d'information relevait expressément que « la TIRUERT se base sur des volumes d'incorporation tandis que l'Allemagne a mis en place un mécanisme fondé sur le pourcentage d'abattement de CO2 et donc sur l'efficacité dans la réduction des émissions. La direction de la législation fiscale a observé que le mécanisme actuel de la TIRUERT conduisait à rendre le marché français attractif pour les produits qui, dans chaque catégorie, sont les moins performants sur le plan environnemental et qu'une réforme de la TIRUERT pour tenir compte du contenu en carbone réel des produits conduirait à un dispositif plus lisible et plus efficace ».

2. Des modalités encore inabouties, alors que l'expérience de la TIRUERT devrait justifier une évaluation approfondie

En dépit de son intérêt théorique, le dispositif proposé apparaît encore largement inabouti dans ses modalités, au risque que la finalité incitative ne soit finalement éclipsée par celle du rendement.

Sollicitée par les services de la commission des finances, l'administration fiscale a ainsi indiqué que son analyse sur le plan opérationnel et juridique était encore en cours et qu'aucune estimation de rendement n'était prévue à ce stade. Néanmoins, selon l'administration, cette nouvelle taxe incitative aurait vocation comme la TIRUERT à n'avoir qu'un très faible rendement (voire quasi nul).

Pourtant, cette dernière considération doit être prise avec les plus grandes réserves, compte tenu de l'évolution du rendement de la TIRUERT sur la période récente. En effet, dans le contexte de la crise énergétique et sous l'effet du renchérissement des prix des carburants, le rendement de la TIRUERT a connu une croissance exponentielle, passant de 4 millions d'euros en 2021 à 539 millions d'euros en 2022, avec une prévision de 500 millions d'euros pour 2023. Sur ces deux années, la TIRUERT est ainsi devenue une « taxe de rendement », à l'encontre de sa vocation initiale.

Rendement de la TIRUERT entre 2019 et 2023

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

0,6

0,9

4

539

500

Note : le montant pour 2023 est prévisionnel.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, l'application opérationnelle du dispositif pourrait rencontrer des difficultés importantes, notamment s'agissant de la mesure de l'assiette imposable. Ainsi, le rapport de la mission d'information du Sénat précitée soulignait que l'institution d'un mécanisme fiscal ciblant la réduction de l'intensité d'émission des GES « impliquerait (...) que les opérateurs nationaux investissent pour assurer un suivi plus précis des émissions réelles évitées par leurs produits ».

De même, l'articulation de cette nouvelle taxe avec le système européen d'échange de quotas d'émission n'est pas précisée.

B. ALORS QUE LA FRANCE AFFICHE UNE RÉDUCTION DE L'INTENSITÉ D'ÉMISSION DE GES DES CARBURANTS DE SEULEMENT 4,4 % SUR LA PÉRIODE 2010-2020, LE POURCENTAGE NATIONAL CIBLE DE RÉDUCTION, FIXÉ À 5 % POUR 2025, APPARAÎT À LA FOIS EXCESSIVEMENT ÉLEVÉ ET INSUFFISAMENT ENGAGEANT POUR LES ACTEURS ÉCONOMIQUES

1. Avec une réduction de l'intensité d'émission de GES des carburants de seulement 4,4 % entre 2010 et 2020, la France n'a pas atteint l'objectif européen de réduction de 6 %

Alors que la législation européenne impose aux États d'exiger des fournisseurs de carburants qu'ils aient réduit l'intensité carbone d'au moins 6 % au 31 décembre 2020 par rapport à 2010, la France affiche une réduction de 4,4 %, contre une réduction de 5,5 % au niveau de l'UE858(*).

Dans ces conditions, la France doit certes rattraper son retard en termes de trajectoire carbone par une action résolue, notamment en matière d'incitations. Pour autant, afin d'aboutir à des résultats significatifs et sans affecter de manière excessive la compétitivité du secteur des transports, le cadre juridique et fiscal doit être défini de manière claire et précise, à travers une évolution progressive et cohérente offrant une visibilité suffisante aux acteurs économiques.

Réductions de l'intensité des GES des carburants enregistrées
par les fournisseurs européens de carburants des États membres
au cours des périodes 2010-2020 et 2010-2021

Source : Agence européenne pour l'environnement

2. Un pourcentage national cible fixé de manière arbitraire pour 2025 et qui demeure indéterminé pour les années suivantes, au risque d'un non-respect ou d'une sur-transposition de l'objectif européen de réduction d'au moins 14,5 % d'ici 2030

Alors que le présent article fixe le pourcentage national cible de réduction à 5 % pour 2025, le choix de ce niveau élevé pour la première année d'application de la nouvelle taxe incitative n'est aucunement motivé.

De fait, cette cible apparaît excessive au regard de l'objectif européen de réduction de 14,5 % de l'intensité d'émission de GES dans les transports d'ici 2030.

En effet, si le pourcentage national cible de 5 % devait être maintenu pour chaque année jusqu'à 2030, le pourcentage de réduction théorique par rapport à 2010 s'élèverait au total à environ 26 %, soit quasiment le double de l'objectif européen.

3. Afin de donner une visibilité suffisante aux acteurs du secteur des transports, une trajectoire pluriannuelle de réduction devrait être clairement définie par la loi

Au-delà de la fixation du pourcentage national cible à 5 % pour 2025, dont le choix apparaît excessif, le dispositif proposé n'offre aucune visibilité sur la trajectoire de réduction de l'intensité d'émission de GES visée jusqu'en 2030.

Alors que cette absence de visibilité sur la trajectoire fiscale a été critiquée pour la TIRUERT, l'indétermination du pourcentage national cible de réduction sur un horizon pluriannuel risque de contrarier le caractère incitatif et, partant, la réussite de la nouvelle taxe.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission propose de supprimer cet article par l'adoption d'un amendement I-215 (FINC.58).

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 16 quinquies (nouveau)

Diverses dispositions relatives aux taxes d'urbanisme

Le présent article apporte plusieurs ajustements aux dispositions relatives aux taxes d'urbanisme dans le contexte du transfert de leur gestion à la direction générale des finances publiques (DGFiP).

En premier lieu, le régime d'exonération de la taxe d'archéologie préventive est aligné sur celui de la taxe d'aménagement en matière de création de surface de stationnement intégrée au bâti en projection verticale.

En deuxième lieu, est précisée la mise en conformité, avec le droit européen, des exonérations et de l'abattement de taxe d'aménagement qui s'appliquent aux constructions et aménagements dans le domaine du logement social.

Enfin, les méthodes de revalorisation annuelle des valeurs forfaitaires par mètre carré de surface de construction de l'assiette de la taxe d'aménagement sont harmonisées entre les services de l'urbanisme, qui gèrent le stock d'autorisations d'urbanisme, et la DGFiP, à la suite du transfert de la gestion de ces taxes en 2022.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE TRANSFERT DES IMPOSITIONS À LA DGFIP SE POURSUIT

A. UNE EXTENSION PROGRESSIVE DU PÉRIMÈTRE DES IMPOSITIONS ET DES TAXES DONT LE RECOUVREMENT ET LA GESTION SONT TRANSFÉRÉS À LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

Le Gouvernement a amorcé en 2018 une réforme du recouvrement des impositions, taxes et amendes, à la suite de plusieurs recommandations en ce sens de la Cour des comptes et après une mission confiée à Alexandre Gardette859(*), administrateur général des finances publiques, pour la préparer. Elle s'articule autour d'un axe principal : le transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP) du recouvrement et souvent de la gestion de la quasi-totalité des impositions, taxes et amendes jusqu'ici recouvrées et gérées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ou, dans une moindre mesure, par d'autres administrations.

Des premiers transferts ont eu lieu par la voie législative ordinaire, dans le cadre de dispositions adoptées en loi de finances pour 2019860(*) (taxe générale sur les activités polluantes, contributions sur les boissons non alcooliques).

L'article 184 de la loi de finances pour 2020861(*) a ensuite habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant notamment au transfert :

- de taxes sur les véhicules (1er janvier 2021) ;

- des taxes intérieures de consommation sur le gaz naturel et ses équivalents lorsqu'ils sont utilisés comme combustible, sur les houilles, les lignites et les cokes destinées à être utilisées comme combustible ainsi que sur la consommation finale d'électricité (1er janvier 2022) ;

- des amendes autres que celles de nature fiscale prévues par le code des douanes ou le code général des impôts (1er janvier 2023) ;

- des accises sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés (1er janvier 2024).

L'article 161 de la loi de finances initiale pour 2021862(*) a complété l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 en ajoutant aux impositions transférées à compter du 1er janvier 2024 :

- la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés comme carburant ou combustible :

- la taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques (TSC) dans les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion ;

- la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB)863(*).

En particulier, l'article 155 de la loi de finances pour 2021 a transféré la gestion des taxes d'urbanisme à la DGFiP à compter du 1er janvier 2021.

L'article 128 de la loi de finances pour 2022864(*) a de nouveau modifié l'article 184 de la loi de finances pour 2020, notamment pour procéder à des ajustements de calendrier. Il a également permis d'octroyer au Gouvernement une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance pour continuer à procéder à l'organisation du transfert de la gestion de certaines taxes et impositions à la DGFiP ainsi qu'à la construction du code des impositions sur les biens et services.

Le délai laissé au Gouvernement pour publier cette ordonnance est extrêmement long, puisqu'il s'établit à deux ans à compter de la promulgation de la loi de finances, le projet de loi de ratification devant ensuite être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit au plus tard le 30 mars 2024.

L'article 80 de la loi de finances pour 2023865(*) a finalement abrogé l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 et ratifié l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne866(*), en apportant plusieurs changements dans le cadre de la mise en oeuvre du transfert du recouvrement. 

B. LE TRANSFERT DU RECOUVREMENT À LA DGFIP DEVRAIT SE CONFIRMER EN 2024 AVEC LES CONTRIBUTIONS INDIRECTES SUR LES ALCOOLS ET LES TABACS

L'article 18 du projet de loi de finances pour 2024 procède notamment au transfert à compter du 1er janvier 2024, de la Douane à la direction générale des finances publiques (DGFiP), du recouvrement de l'ensemble des contributions indirectes frappant les alcools et les tabacs867(*) :

l'accise sur les alcools mentionnée à l'article L. 313-1 du CIBS ;

l'accise sur les tabacs mentionnée à l'article L. 314-1 du CIBS ;

le droit de licence pour le tabac prévu à l'article 568 du CGI ;

la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées (taxe « prémix ») prévue à l'article 1613 bis du CGI ;

la cotisation sur les boissons alcooliques prévue à l'article L. 245-7 du code de la sécurité sociale ;

- et, enfin, la cotisation basée sur la remise mentionnée au 3° du I de l'article 570 du CGI finançant le régime d'allocations viagères en faveur des gérants de débits de tabac ordinaires868(*).

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article, qui résulte d'un amendement déposé par le Gouvernement, a été repris dans le texte sur lequel celui-ci a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

A. LA RATIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 14 JUIN 2022 RELATIVE AU TRANSFERT DE GESTION DES TAXES D'URBANISME À LA DGFIP

Le III du présent article vient reconnaître le transfert du recouvrement des taxes d'urbanisme à la DGFiP, en ratifiant l'ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022 relative au transfert à la DGFiP de la gestion de la taxe d'aménagement et de la part logement de la redevance d'archéologie préventive.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ APPORTE PLUSIEURS AJUSTEMENTS AU RÉGIME DES TAXES D'URBANISME

Le présent article modifie le régime des taxes d'urbanisme s'agissant de la taxe d'archéologie préventive et de la taxe d'aménagement, pour les opérations pour lesquelles le fait générateur de la taxe concernée intervient à compter du 1er janvier 2024 (IV du présent article).

Ainsi, le régime d'exonération de la taxe d'archéologie préventive est aligné sur l'exonération de taxe d'aménagement concernant les surfaces annexes, à usage de stationnement, aménagées au-dessus ou en-dessous des immeubles ou intégrées au bâti, dans un plan vertical (11° de l'article 1635 quater D du CGI, auquel fait référence le 1° du III de l'article 235 ter ZG).

Par ailleurs, dans un objectif de mise conformité avec le droit européen des aides d'État, le bénéfice des exonérations et de l'abattement de 50 % de taxe d'aménagement relatifs aux constructions et aménagements dans le domaine du logement social serait subordonné au respect des règles afférentes aux aides de minimis prévu par le règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 (II des articles 1635 quater D, 1635 quater E et 1635 quater I).

Cet encadrement s'appliquerait aux constructions ou aménagements qui ne seraient pas réalisés au titre du service d'intérêt général défini par les dispositions pertinentes de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitat, à savoir les activités de logement social.

Enfin, les méthodes de revalorisation annuelle des valeurs forfaitaires par mètre carré de surface de construction de l'assiette de la taxe d'aménagement seraient harmonisées, afin de mettre fin à la différence de méthode appliquée pour la revalorisation annuelle entre le stock d'autorisations d'urbanisme, géré par les services de l'urbanisme, et le flux de ces dernières, géré par la DGFiP depuis le 1er septembre 2022 (article 14 de l'ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE RATIFICATION QUI NE POSE PAS DE DIFFICULTÉ, DES AJUSTEMENTS APPORTÉS QUI APPARAISSENT PERTINENTS

A. UNE RATIFICATION D'ORDONNANCE SANS ENJEU PARTICULIER

La ratification de l'ordonnance n° 2022-883 du 14 juin 2022 relative au transfert à la DGFiP de la gestion de la taxe d'aménagement et de la part logement de la redevance d'archéologie préventive ne présente pas de difficulté.

En effet, la délégation de la gestion des taxes d'urbanisme à la DGFiP s'inscrit dans la suite des précédents transferts d'impositions et répond à un objectif d'unification du recouvrement fiscal, facteur de simplification et de sécurité juridique pour l'ensemble des parties prenantes, administration comme contribuables.

B. DES AJUSTEMENTS UTILES POUR LA TAXE D'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE ET LA TAXE D'AMÉNAGEMENT

Les révisions apportées par le dispositif proposé quant au régime d'exonération des taxes d'urbanisme apparaissent pertinentes, en ce qu'elles procèdent :

- d'une part, à un alignement des conditions d'exonération pour les surfaces annexes, à usage de stationnement, aménagées au-dessus ou en-dessous des immeubles ou intégrées au bâti, dans un plan vertical ;

- d'autre part, à une mise en conformité avec le droit européen des aides d'État.

De même, l'harmonisation des méthodes de valorisation entre les services de l'urbanisme et ceux de la DGFiP devrait permettre d'améliorer les conditions du transfert de la gestion de la taxe d'aménagement, en minimisant les conséquences négatives pour les contribuables.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 16 sexies (nouveau)

Modification du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe
sur le transport aérien de passagers (TTAP)

Le présent article prévoit une réforme du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers en :

- augmentant de 1,20 euro en 2024 le tarif maximum susceptible d'être appliqué aux aéroports de classe 3 ;

- réformant profondément le mode de fixation des tarifs par aéroport à compter de 2025 pour donner une latitude beaucoup plus grande à l'administration et éviter de devoir revenir vers le Parlement pour faire évoluer les fourchettes de tarifs par classe d'aéroport de la taxe ;

- renforçant la minoration appliquée aux passagers en correspondance ;

- complétant le code des transports pour encadrer la possibilité de lisser sur plusieurs années le financement de certains investissements relatifs aux missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires.

Outre le fait qu'elles reviennent à contourner le Parlement en donnant toute latitude à l'exécutif pour fixer les tarifs par aéroport du tarif de sûreté et de sécurité, les dispositions qui visent à réviser en profondeur le mode de détermination de ces derniers à horizon 2025 entraînerait, sans nul doute, une censure par le Conseil constitutionnel au motif de l'incompétence négative du pouvoir législatif. L'amendement I-216 (FINC.59) de la commission prévoit ainsi de supprimer les dispositions concernées.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE TARIF DE DE SÛRETÉ ET DE SÉCURITÉ DE LA TAXE SUR LE TRANSPORT AÉRIEN DE PASSAGERS

Le tarif de sûreté et de sécurité est mentionné à l'article L. 422-20 du code des impositions sur les biens et services en tant que partie intégrante869(*) de la taxe sur le transport aérien de passager. Le régime juridique de ce tarif, qui correspond à l'ancienne taxe d'aéroport870(*), est déterminé à l'article L. 422-23 du même code. Cet article prévoit que ce tarif s'applique à « chaque aérodrome ou groupement d'aérodromes des classes 1 à 3 au sens de l'article L. 6328-2 du code des transports ».

Les classes d'aéroports

L'article L. 6328-2 du code des transports prévoit la répartition des aéroports en quatre classes selon leur volume de trafic calculé en unités de trafic. 1 unité de trafic ou « UDT » correspond à 1 000 passagers ou 100 tonnes de fret ou de poste.

La première classe correspond à des volumes supérieurs à 20 millions d'unités de trafic, la deuxième classe à des volumes compris entre 5 millions et 20 millions d'unités de trafic, la troisième classe à des volumes situés entre 5 000 et 5 millions d'unités de trafic et la quatrième classe, qui ne se voit pas appliquer de tarif, correspond aux plus petits aérodromes qui totalisent moins de 5 000 unités de trafic par an.

Ce même article prévoit qu'un « arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'aviation civile constate, pour chaque année civile, la liste des aérodromes relevant de chacune des classes 1 à 3 ».

L'arrêté du 15 mars 2023871(*) a établi cette classification pour la saison 2023-2024. Seul le groupe aéroports de Paris est catégorisé en classe 1. La classe 2 comporte quant à elle six aéroports (Bordeaux, Lyon, Nantes, Nice, Marseille et Toulouse) tandis que la classe 3 est composée de 53 aéroports.

Source : commission des finances du Sénat

Ce tarif de sûreté et de sécurité constitue une taxe collectée par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) pour le compte de tiers. À ce titre, cette dernière prélève des frais de gestion.

Conformément à l'article L. 6328-3 du code des transports, les recettes résultant de ce tarif sont affectées aux exploitants d'aérodromes pour financer les missions d'intérêt général qui leur sont confiées en matière de sécurité-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte contre le péril animalier et de mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux.

Article L. 6328-3 du code des transports

Sont éligibles au financement par des recettes fiscales les coûts directement imputables aux services de sécurité-incendie-sauvetage, de lutte contre le péril animalier, et de sûreté, ainsi qu'aux mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux :

1° À hauteur de 94 % pour les aérodromes ou groupements d'aérodromes des classes 1 et 2 pour lesquels ces coûts, rapportés par passager au titre de chacune des quatre dernières années civiles connues, sont au moins égaux à 9 euros ;

2° À hauteur de 100 % pour les autres aérodromes ou groupements d'aérodromes.

Source : article L. 6328-3 du code des transports

L'article L. 422-23 du code des impositions sur les biens et services prévoit ainsi que les tarifs sont fixés de telle manière que le produit qui en résulte couvre, en complément du produit de la taxe sur le transport aérien de marchandises mentionnée à l'article L. 422-41 du même code, et compte tenu des besoins en financement de l'exploitation de chaque aéroport, les coûts mentionnés à l'article L. 6328-3 du code des transports.

La procédure annuelle de détermination des tarifs de sûreté et de sécurité
par aérodrome

Les tarifs de sûreté et de sécurité par passager sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé du budget, dans les limites des fourchettes prévues par l'article L. 422-23 du code des impositions sur les biens et services, à partir du 1er avril de chaque année.

Pour la détermination du tarif passager, il est procédé chaque année à une évaluation, plateforme par plateforme, des besoins prévisionnels de financement pour les missions concernées sur la base de déclarations détaillées des exploitants distinguant les postes de dépenses suivants :

- les salaires des personnels, les dépenses de fonctionnement (maintenance, exploitation), les montants des contrats de sous-traitance ;

- pour les investissements, l'annuité d'amortissement ;

- les frais financiers et les frais généraux.

Les déclarations sont vérifiées par la DGAC, en particulier quant à la consistance des moyens mis en oeuvre et aux règles d'imputation sur le tarif de sûreté et de sécurité établies conjointement par les administrations des finances et de l'aviation civile. Les reports financiers éventuels, positifs ou négatifs, des années précédentes et le niveau du trafic prévisionnel sont des données également utilisées dans les calculs.

En application des dispositions de l'article L. 6328-6 du code des transports, les exploitants d'aéroports procèdent annuellement aux déclarations de coûts éligibles à un remboursement par le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers.

Ces déclarations font l'objet localement de vérifications de la part de la direction interrégionale de la sécurité de l'aviation civile (DSAC-IR) dont dépend chaque exploitant aéroportuaire et, in fine, par la direction du transport aérien (DTA). Ces vérifications se traduisent par des échanges avec les exploitants afin qu'ils justifient ces coûts, puis par une notification des coûts définitivement retenus.

La taxe est gérée par un guichet fiscal unique créé le 1er avril 2012 par la DGAC.

Source : commission des finances du Sénat

L'article L. 422-23 du code des impositions sur les biens et services précise ainsi que le tarif de sûreté et de sécurité est « déterminé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'aviation civile entre les limites inférieures et supérieures » fixées par le tableau qui figure au deuxième alinéa de l'article (voir tableau ci-après), « en fonction de la classe dont relève l'aérodrome ou le groupement d'aérodromes ».

Tableau de l'article L. 422-23 du code des impositions sur les biens et services déterminant les niveaux planché et plafond des tarifs de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers selon les classes d'aérodromes

(en euros par passager embarqué)

Classe de l'aérodrome

Tarif minimum

Tarif maximum

1

4,3

11,8

2

3,5

9,5

3

2,6

16

Source : article L. 422-23 du CIBS

Deux évolutions législatives récentes ont prévu des relèvements des limites supérieures de ce tarif :

- l'article 117 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 avait ainsi procédé à une augmentation de un euro, à compter du 1er avril 2022, du plafond du tarif applicable aux aéroports de catégorie 3, catégorie pour laquelle le déficit de financement des missions de sûreté et sécurité était le plus prononcé et alors que le tarif de la plupart des aéroports de cette classe atteignait déjà le niveau plafond de l'époque de 14 euros par passager ;

- l'article 79 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a quant à lui augmenté de un euro supplémentaire les plafonds des tarifs applicables aux aéroports de catégorie 1 et 3.

Évolution des niveaux plafond des tarifs de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers selon les classes d'aérodromes (2021-2023)

(en euros par passager embarqué)

Classe de l'aérodrome

Tarif maximum 2021

Tarif maximum 2022

Tarif maximum 2023

1

10,8

10,8

11,8

2

9,5

9,5

9,5

3

14

15

16

Source : commission des finances du Sénat

L'article L. 422-25 du code des impositions sur les biens et services prévoit que les passagers en correspondance font l'objet d'une minoration comprise entre 40 % et 65 % du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers, ce taux de minoration étant déterminé par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'aviation civile. L'arrêté du 15 mars 2023 précité a fixé le taux de minoration à 65 %, soit le niveau plafond de la fourchette, pour la saison 2023-2024.

L'arrêté du 15 mars 2023 a ainsi fixé pour la saison 2023-2024 le tarif des aéroports du groupe Aéroports de Paris (ADP), seul groupe d'aérodromes de classe 1 au tarif maximum prévu par le tableau de l'article L.422-23, soit 11,80 euros par passager, avec un abattement de 65 % pour les passagers en correspondance.

Les aéroports de classe 2 sont ceux pour lesquels le système de financement de leurs missions de sûreté et de sécurité apparaît comme le moins mis sous tension et aucun d'entre eux n'a vu son tarif fixé au niveau plafond prévu par l'article L. 422-23 soit 9,50 euros par passager embarqué.

Tarifs de sûreté et de sécurité appliqués aux aéroports de classe 1 et 2
pour la saison 2023-2024

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'arrêté du 15 mars 2023

La situation des aéroports de classe 3 illustre la très forte tension qui pèse aujourd'hui sur le système structurellement déficitaire du financement de leurs dépenses de sûreté et de sécurité. En effet, pour la saison 2023-2024, 35 des 53 aéroports de classe 3 voient leur tarif de sûreté et de sécurité établi au niveau du plafond prévu par l'article L.422-23, soit 16 euros par passager embarqué, un tarif maximum pourtant déjà relevé à deux reprises de un euro, en 2022 puis en 2023 (voir supra).

Répartition des tarifs de sûreté et de sécurité appliqués aux aéroports de classe 3 pour la saison 2023-2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'arrêté du 15 mars 2023

B. DEPUIS LA CRISE SANITAIRE, L'ÉQUILIBRE DU SYSTÈME DE FINANCEMENT DES MISSIONS DE SÛRETÉ ET DE SÉCURITÉ AÉROPORTUAIRES N'EST PLUS ASSURÉ

L'effondrement du trafic aérien a brisé une tendance qui s'orientait vers le retour à un quasi équilibre du financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires. En urgence, l'État a alloué aux aéroports des avances remboursables pour un montant cumulé de 700 millions d'euros entre 2020 et 2022 suivi sur le programme 826 « avances aux exploitants d'aéroports touchés par la crise deCcovid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité » au sein du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Avances remboursables versées aux aéroports depuis 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Les différés de remboursement de ces avances ont été fixés à deux ans, pour le dispositif de 2020, à trois ans, pour le dispositif de 2021 et à quatre ans pour les avances accordées en 2022, avec un échéancier de remboursement de sept ans. Aussi, les échéances de remboursement s'étaleront de 2024 à 2032. Ces remboursements d'avance entreront dans le périmètre des coûts de sûreté-sécurité. Par conséquent, à compter de 2024, les échéances de remboursement des avances vont provoquer, toutes choses égales par ailleurs, des augmentations du tarif de sûreté et de sécurité.

En 2023, d'après les estimations les plus récentes effectuées par la DGAC, les 953 millions d'euros qui devraient être perçus par les aéroports au titre de ce tarif ne permettront pas de couvrir les dépenses de sûreté et de sécurité de l'année qui pourraient s'élever à 1 057 millions d'euros. Le déficit cumulé du financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires devrait donc s'accroître de plus de 100 millions d'euros cette année.

Rendement annuel du tarif de sûreté et de sécurité depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2024, du fait à la fois de la reprise du trafic, des dernières évolutions législatives et des premières échéances de remboursement de ces avances remboursables, le produit du tarif de sûreté et de sécurité devrait augmenter de 34 % par rapport à 2022 pour atteindre 1 077 millions d'euros, soit un montant supérieur à son niveau d'avant crise.

Au cours des années à venir, le système de financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires risque de rester soumis à de très fortes tensions, notamment en raison de nouvelles obligations réglementaires qui vont peser sur l'évolution des dépenses des aéroports en la matière. À ce titre, le développement des équipements de détection d'explosifs pour les bagages de cabines (dits « EDS872(*) cabine ») dans les aéroports français à compter de 2026 devrait, d'après la DGAC, occasionner un montant total d'investissements d'environ 500 millions d'euros.

Estimé à 20 % en 2024, le déficit du système de financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires pourrait structurellement s'élever à 40 %.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par M. Robin Reda et certains de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

A. UNE AUGMENTATION DU TARIF MAXIMUM DES AÉROPORTS DE CLASSE 3 EN 2024 ET UNE RÉFORME DU MODE DE DÉTERMINATION DU TARIF PAR AÉROPORT EN 2025

Le I du présent article apporte une série de modifications au code des impositions sur les biens et services.

Le premier alinéa du a du 1° du I du présent article semble, par une modification rédactionnelle discrète, prendre acte du déséquilibre structurel du système de financement des mesures de sûreté et de sécurité aéroportuaires.

Alors que la rédaction actuelle du premier alinéa de l'article L. 422-23 du code des impositions sur les biens et services prévoit que le tarif de sûreté et de sécurité est « déterminé de manière à ce que le produit qui en résulte (...) couvre » les coûts de sûreté et de sécurité aéroportuaires mentionnés à l'article L. 6328-3 du code des transports, la nouvelle rédaction proposée par le présent article prévoit que ledit tarif est « déterminé de manière à ce que le produit qui en résulte (...) couvre au plus » lesdits coûts. La loi prévoirait donc dorénavant que le rendement du tarif de sûreté et de sécurité ne couvrirait plus qu'au maximum et dans le meilleur des cas les dépenses résultant des missions de sûreté et de sécurité des aéroports.

Le b de ce même 1° prévoit quant à lui de modifier le tableau de ce même article L. 422-23 afin d'augmenter de 1,20 euro par passager, pour le porter à 17,20 euros, le tarif maximum des aéroports de classe 3. Cette augmentation ferait suite aux deux précédentes hausses de ce tarif de 1 euro chacune intervenues en 2022 puis en 2023 (voir supra). Conformément au A du IV du présent article, cette disposition doit entrer en vigueur le 1er avril 2024, procédure habituelle pour faire coïncider ce type d'évolutions avec la date du début de la saison aéronautique.

Évolution des niveaux plafond des tarifs de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers selon les classes d'aérodromes selon les dispositions prévues à l'article 16 sexies (2021-2024)

(en euros par passager embarqué)

Classe de l'aérodrome

Tarif maximum 2021

Tarif maximum 2022

Tarif maximum 2023

Tarif maximum 2023873(*)

1

10,8

10,8

11,8

11,8

2

9,5

9,5

9,5

9,5

3

14

15

16

17,20

Source : commission des finances du Sénat

Par ailleurs, avec une entrée en vigueur le 1er avril 2025874(*), le c et le deuxième alinéa du a du même 1° prévoient une profonde révision du mode de détermination des tarifs de sûreté et de sécurité par aéroport.

Le deuxième aliéna du a modifie la rédaction du premier alinéa de l'article L. 422-23 pour supprimer la mention selon laquelle l'arrêté ministériel doit fixer les tarifs entre les limites inférieures et supérieures fonction de la classe dont relève l'aérodrome tandis que le c supprime le tableau du deuxième alinéa de ce même article sur lequel figure les fourchettes entre tarifs minimums et maximums par classe d'aéroport.

Cette évolution semble avoir pour objet de donner plus de marges de manoeuvre et de souplesse à l'administration, sans qu'il soit nécessaire pour elle de revenir vers le Parlement pour augmenter les plafonds du tarif de sûreté et de sécurité, dans un contexte où le financement des missions de sûreté et de sécurité de nombreux aéroports de classe 3 est structurellement déficitaire mais que dans le même temps, les deux tiers d'entre eux se voient déjà appliquer le tarif maximum.

Cependant, en faisant disparaître toute référence à un niveau de tarif ou à des fourchettes d'établissement des tarifs de la présente taxe, cette disposition ne semble pas conforme aux dispositions de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui prévoient que la Loi « fixe l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». La présente disposition aurait toutes les chances d'être censurée par le Conseil Constitutionnel au motif de l'incompétence négative du pouvoir législatif.

En effet, depuis sa première décision sanctionnant une incompétence négative en matière de procédure pénale (décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975), le Conseil constitutionnel exerce son contrôle de l'incompétence négative dans les différentes rubriques de l'article 34 de la Constitution, notamment en matière fiscale.

S'il apparaît que la Loi ne fixe pas « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement » d'une imposition de toutes natures, le législateur n'épuise pas sa compétence et se rend coupable d'incompétence négative. Dans sa décision n° 98-405 DC du 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel a censuré par exemple les dispositions de la loi de finances pour 1999 qui régissent sans précision suffisante les modalités de recouvrement de la taxe sur les activités à caractère saisonnier.

Conformément au III du présent article, l'ensemble des évolutions prévues dans son I s'appliquerait aussi aux territoires et collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de la Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

B. UN RENFORCEMENT DE LA MINORATION DE TARIF AU BÉNÉFICE DES PASSAGERS EN CORRESPONDANCE

Le 2° du I du présent article propose une modification de l'article L. 422-25 du code des impositions sur les biens et services visant relever la fourchette de taux au sein de laquelle l'arrêté ministériel peut déterminer le niveau de minoration du tarif de sûreté et de sécurité appliqué aux passagers en correspondance. Le taux de minoration pourrait ainsi désormais être fixé entre 60 % et 85 % plutôt qu'entre 40 % et 65 %.

Les auteurs de l'amendement justifient le renforcement de cette minoration par le fait que les embarquements réalisés en correspondance mobilisent moins les dispositifs de sûreté et de sécurité que les embarquements des autres passagers.

Conformément au III du présent article, cette modification s'appliquerait aussi aux territoires et collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de la Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

C. LA PRISE EN COMPTE DU FINANCEMENT PLURIANNUEL DE CERTAINS INVESTISSEMENTS RELATIFS AUX MISSIONS DE SÛRETÉ ET DE SÉCURITÉ DES AÉROPORTS

1. Des ajustements du code des transports

Avec une entrée en vigueur le 1er avril 2025875(*), les 1° et 2° du II du présent article proposent d'apporter des modifications aux articles L. 6328-3 et L. 6328-6 du code des transports.

Le 1° complète l'article L. 6328-3 de ce code pour préciser que les coûts des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires éligibles au financement par les recettes du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers sont « appréciés sur une base annuelle ».

Le 2° vient quant à lui compléter l'article L. 6328-6 du même code en ajoutant un élément au contenu de l'arrêté ministériel qui précise les modalités de la déclaration par l'exploitant aéroportuaire de ses coûts de sûreté et de sécurité éligibles au financement par le tarif de sûreté et de sécurité. Il prévoit ainsi que cet arrêté doit préciser « les conditions dans lesquelles les coûts effectivement supportés au cours d'une année civile sont, selon leur nature ou leur ampleur, imputés sur plusieurs années ».

Il s'agirait, dans un contexte de forte tension sur le modèle de financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires, de pouvoir lisser le financement de certains investissements sur une période pluriannuelle. Cette possibilité pourrait notamment trouver à s'appliquer dans les prochaines années en raison des investissements d'ampleur en perspectives dans certains aéroports, notamment en lien avec la stratégie de déploiement des EDS cabine (voir supra).

2. L'application de ces évolutions à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie Française

Le 3° du II du présent article apporte des modifications à l'article L. 6763-11 du code des transports qui, au sein des dispositions de ce code relatives à l'outre-mer (livre VII de la sixième partie de la partie législative du code des transports), concerne la Nouvelle-Calédonie (titre VI du livre VII). Il prévoit que les articles L. 6328-3 et L. 6328-6 du code des transports s'appliquent en Nouvelle-Calédonie dans leur rédaction résultant de la loi de finances initiale pour 2024 et non plus dans celle résultant de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

Le 4° procède à la même opération pour la Polynésie Française en modifiant l'article L. 6773-12 du titre VII (consacré à la Polynésie Française) du livre VII (portant sur les « dispositions relatives à l'outre-mer ») du code des transports.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : IL EST NÉCESSAIRE DE SUPPRIMER CERTAINES DISPOSITIONS MANIFESTEMENT INCONSTITUTIONNELLES VISANT À CONTOURNER LE PARLEMENT

Le relèvement de 1,20 euros du tarif appliqué aux aéroports de classe 3 se justifie par le déséquilibre manifeste du financement des missions de sûreté et de sécurité de ces plateformes, illustré par la part nettement majoritaire d'entre-elles qui se voit déjà appliqué le tarif plafond.

De même, la possibilité de relever le taux de la minoration du tarif de sûreté et de sécurité pour les passagers en correspondance se justifie par le fait que le circuit effectué par ces derniers dans les aéroports sollicite moins les installations et service de sûreté et de sécurité aéroportuaires.

En revanche, l'amendement I-216 (FINC. 59) de la commission propose de supprimer les dispositions qui visent, à compter de 2025, à profondément réviser les modalités de fixation par l'exécutif des tarifs qui s'appliquent aux aéroports au titre du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passager. En effet, en vertu de ces dispositions, à partir de cette date, plus aucune référence à un tarif ne figurerait dans la loi. L'encadrement actuel reposant sur la définition de tarifs minimums et maximums par classe d'aéroports que le Gouvernement doit respecter lorsqu'il détermine les niveaux de tarifs par aéroport serait ainsi supprimé. Si ce n'est la mention qui précise que les tarifs sont déterminés de manière à ce que le produit qui en résulte couvre au plus les coûts de sûreté et de sécurité aéroportuaires, le Gouvernement disposerait d'une latitude quasi-totale pour fixer par arrêté les tarifs propres à chaque aéroport.

L'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que la loi « fixe l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». À cet égard, la latitude laissée à l'exécutif par le présent article entraînerait, sans nul doute, une censure par le Conseil constitutionnel au motif de l'incompétence négative du pouvoir législatif.

Au-delà même de cet aspect, ces dispositions ont pour objet de contourner le Parlement en n'ayant plus à soumettre à la représentation nationale les évolutions de tarifs maximums qui, le cas échéant, peuvent apparaître nécessaires pour équilibrer le système de financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires. Cette évolution est d'autant plus critiquable que le Parlement n'a jamais été un obstacle aux évolutions du système de financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 16 septies (nouveau)

Extension aux monuments culturels non historiques de la possibilité de mettre en place des espaces d'affichage sur les bâches d'échafaudage et suppression de l'affectation des recettes au financement des travaux

Le présent article prévoit d'élargir aux bâtiments culturels non inscrits ou classés au titre des monuments historique la possibilité de mettre en place des espaces d'affichage publicitaire sur les bâches d'échafaudage lors des travaux de restauration.

Il supprime également l'obligation pour les monuments historiques d'affecter les recettes tirées de ces espaces publicitaires au financement des travaux. Dans le cas des monuments appartenant à l'État, les sommes ainsi collectées seraient reversées au budget général. Il semble regrettable de supprimer le cercle vertueux que constitue le financement des travaux par les externalités liées aux travaux eux-mêmes.

Ce dispositif apparait inopportun et juridiquement fragile et conduirait à outrepasser dans une mesure trop importante les limitations de l'affichage publicitaire prévues par le code de l'environnement.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE AUTORISATION DÉROGATOIRE D'AFFICHAGE DE MESSAGES PUBLICITAIRES SUR LES MONUMENTS HISTORIQUES AFIN D'EN FINANCER LES TRAVAUX

L'article L. 621-29-8 du code du patrimoine, créé par l'article 103 de la loi de finances initiale pour 2007876(*), prévoit que les propriétaires d'immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques peuvent demander à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) l'autorisation d'installer des bâches d'échafaudage comportant un espace dédié à l'affichage, et par conséquent d'images publicitaires. Ce même article prévoit que l'intégralité des recettes perçues par le propriétaire du monument pour cet affichage est affectée par le maître d'ouvrage au financement des travaux.

Cette autorisation constitue une dérogation aux dispositions générales du code de l'environnement, et notamment à son article L. 581-4. Celui-ci dispose que toute publicité est interdite sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques. En outre, l'article L. 581-8 du même code prévoit qu'à l'intérieur des agglomérations, la publicité est interdite aux abords des monuments historiques, dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables et dans les sites inscrits et dans un rayon de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles inscrits ou classés.

Afin de conserver le caractère dérogatoire de l'autorisation d'affichage de publicité sur des bâches d'échafaudages, plusieurs critères ont été définis par voie réglementaire877(*). Ainsi, l'article R. 621-90 du code du patrimoine prévoit notamment que « l'autorisation d'affichage est délivrée au vu de la compatibilité du contenu de l'affichage, de son volume et de son graphisme avec le caractère historique et artistique du monument et de son environnement ». Ce même article limite la surface consacrée à l'affichage, qui ne peut excéder 50 % de la surface totale de la bâche de support.

Lorsque ces dispositions s'appliquent à un monument privé, l'article R. 621-91 du code du patrimoine prévoit que le montant des subventions publiques accordées pour le financement en tiennent compte, y compris pour les subventions accordées ultérieurement si le gain résultant de l'affichage a été supérieur au montant des travaux.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXTENSION AUX BÂTIMENTS CULTURELS NON CLASSÉS

Le présent article retenu par le Gouvernement dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, reprend un amendement de notre collègue député Alexandre Holroyd et plusieurs de ses collègues.

Le 1° du présent article modifie l'article L. 621-29-8 pour étendre le régime applicable aux bâtiments inscrits et classés aux « immeubles à usage culturel ne bénéficiant pas d'une protection au titre des monuments historiques ». Ces derniers pourraient, par dérogation au cas général, installer des bâches d'échafaudage comportant un espace dédié à l'affichage publicitaire. Le présent article ouvre donc pour les immeubles à usage culturel le régime d'autorisation préalable par l'autorité administrative applicable aux immeubles inscrits et classés.

Le 2° du présent article supprime le fléchage des recettes issues de l'affichage au financement des travaux qui figure à ce même article L. 621-29-8. Il prévoit que les recettes perçues pour cet affichage sont affectées au budget général de l'État lorsque celui-ci est le propriétaire de l'immeuble. En revanche, il supprime la mention selon laquelle les recettes perçues par le propriétaire du monument pour cet affichage sont affectées par le maître d'ouvrage au financement des travaux lorsqu'il s'agit d'un monument privé ou appartenant à une collectivité territoriale.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF INOPPORTUN ET JURIDIQUEMENT FRAGILE

L'auteur de l'amendement à l'origine du présent article avait interrogé il y a quelques mois le ministère de la culture par l'intermédiaire d'une question écrite sur l'opportunité de mettre en place ce même dispositif. Le ministère de la culture avait signalé son opposition manifeste quant à la mise en place du dispositif : « l'extension de ce dispositif à tous les travaux effectués sur des établissements culturels, dont le périmètre resterait par ailleurs à définir, aurait pour effet de porter atteinte de manière excessive au principe d'interdiction de l'affichage publicitaire posé par l'article L. 581-8 du code de l'environnement »878(*). Il est dès lors curieux, à la lecture d'une telle réponse, que le présent dispositif ait trouvé sa place dans le texte transmis au Sénat.

Le dispositif proposé soulève en effet un certain nombre de difficultés juridiques. La première est la définition de la catégorie « d'immeuble culturel non classé ou inscrit au titre des monuments historiques ». Il n'est pas certain de pouvoir déterminer avec certitude ce que constitue un « immeuble culturel », le terme ne figurant pas dans le code du patrimoine. Ce terme peut recouvrir l'ensemble des lieux ayant un intérêt sur le plan culturel (lequel constitue une appréciation très subjective) ou des immeubles ayant une destination culturelle, ce qui imposerait d'ouvrir de façon assez large cette définition aux lieux recevant du public.

En outre, comme l'indique également la réponse du ministère de la culture, le présent dispositif rompt avec l'esprit global d'encadrement de la publicité dans l'espace public qui a été maintenu dans le code de l'environnement au cours de la dernière décennie. Les dérogations existantes concernent strictement des immeubles ayant un enjeu patrimonial important et dont les coûts de restauration seraient élevés. Le ministère de la culture et de la communication a ainsi assuré en 2016 qu'il resterait « vigilant pour que l'esprit de ce texte, qui vise à garantir la compatibilité de l'affichage avec l'histoire et le sens du monument, soit bien respecté [...] ce dispositif favorable aux monuments historiques, ne peut perdurer que s'il reste très cadré dans le temps et dans son contenu visuel »879(*). Élargir cette possibilité à l'ensemble des bâtiments culturels (et donc potentiellement selon la définition retenue, à l'ensemble des cinémas, galeries d'art, théâtres publics et privés, etc.) reviendrait à outrepasser dans une mesure trop importante les limitations de l'affichage publicitaire.

Enfin, le présent article supprime le fléchage des recettes publicitaires vers le financement des travaux. Dans le cas de monuments détenus par l'État, ces recettes seraient affectées au budget général. Cela qui semble difficilement opérable sur le plan pratique et pourrait juridiquement assimiler l'affichage de messages publicitaires sur les bâches d'échafaudage à une redevance d'occupation du domaine public. Par ailleurs, il semble regrettable de supprimer le cercle vertueux que constitue le financement des travaux par les externalités liées aux travaux eux-mêmes.

En conséquence, le rapporteur général a déposé un amendement n° I-217 (FINC.60) conduisant à supprimer le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 17

Suppression de dépenses fiscales inefficientes et d'une taxe
à faible rendement

Le présent article prévoit la suppression de différentes dépenses fiscales :

- la déduction dégressive sur les revenus des logements neufs loués à usage d'habitation principale (dispositifs dit « Périssol », « Besson neuf », « Robien classique » et « Robien recentré ») ;

- la déduction spécifique sur les revenus des logements loués sous conditions de loyer et de ressources du locataire (dispositif dit « Besson ancien ») ;

- la déduction spécifique sur les revenus des logements donnés en location dans le cadre d'une convention ANAH (dispositifs dits « Borloo ancien » et « Cosse ») ;

- la réduction d'impôt au titre des investissements dans le secteur du tourisme (dispositif dit « Demessine ») ;

- la réduction d'impôt sur le revenu au titre des travaux de réhabilitation effectués dans une résidence de tourisme classée ;

- la réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur de la location meublée non professionnelle (dispositif dit « Censi-Bouvard ») ;

- la réduction d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif réalisé entre 2009 et 2012 et, sous conditions, jusqu'au 31 mars 2013 dans les zones présentant un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements (dispositif dit « Scellier ») ;

- le crédit d'impôt à raison des intérêts de certains prêts souscrits entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2008 ;

- en outre, sept dispositifs provisoires mis en place à l'occasion de l'épidémie de Covid-19 :

1) la déductibilité ou non-imposition des loyers et accessoires non perçus afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise et consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2021 ;

2) le crédit d'impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique ;

3) l'exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 sous condition d'affectation ;

4) l'exonération des aides versées par le fonds de solidarité institué par l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de toutes les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle ;

5) le dégrèvement exceptionnel de la cotisation foncière des entreprises au titre de 2020 au profit de certaines entreprises de taille petite ou moyenne ;

6) le crédit d'impôt en faveur des bailleurs au titre des abandons du loyer de novembre 2020 ;

7) l'exonération des aides exceptionnelles versées par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) ainsi que les instances de gouvernance des régimes de retraite complémentaires, des professionnels libéraux et des avocats.

Il est également proposé la suppression de la redevance due par les sociétés parisiennes de courses de chevaux.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

Le présent article propose la suppression de dépenses fiscales considérées comme inefficientes et d'une taxe à faible rendement.

Le présent article n'ayant pas été modifié par le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, seule la rédaction initiale de l'article, ainsi que la position de la commission, seront présentées.

I. LES RECETTES FISCALES SONT MINORÉES PAR UN NOMBRE ÉLEVÉ DE NICHES FISCALES

L'ambigüité du terme de « dépense fiscale », qui rattache au domaine des recettes de l'État un terme associé aux décaissements budgétaires, convient bien à une notion dont la définition est mouvante et le chiffrage très incertain.

A. LES DÉPENSES FISCALES SONT DES DÉROGATIONS À LA NORME FISCALE, CE QUI FAIT DÉPENDRE LEUR PÉRIMÈTRE DE LA DÉFINITION DE CELLE-CI

Comme l'indique le tome II du document « Voies et moyens » associé au projet de loi de finances, les dépenses fiscales s'analysent comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l'application de la norme, c'est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

Le document s'empresse de rajouter que cette « norme » est tout sauf intangible et relève pour partie de l'interprétation des intentions du législateur.

Par exemple, des dispositifs tels que le barème progressif de l'impôt sur le revenu, l'abattement de 10 % pour frais professionnels et le quotient familial sont considérés comme des modalités de calcul de l'impôt faisant partie intégrante de la norme, et non comme des dépenses fiscales. Un autre choix aurait pour effet une augmentation considérable du chiffrage de ces dépenses fiscales.

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), le « Voies et moyens » dresse une liste de pas moins de 22 cas d'application de taux réduit aux produits les plus variés qui ne sont pas considérés comme des dépenses fiscales, au motif qu'ils tendent à favoriser la consommation de certains produits de base et non à stimuler un secteur ou un comportement.

Chaque année, des dépenses fiscales sont ainsi « déclassées ». C'est le cas cette année de trois dépenses fiscales, avec un impact limité puisque leur produit est estimé à zéro.

B. LE CHIFFRAGE DES DÉPENSES FISCALES EST DÉFICIENT ET FAIT EN OUTRE L'OBJET D'UNE MANIPULATION QUI EN RÉDUIT ARTIFICIELLEMENT LE COÛT DE 10 MILLIARDS D'ANNÉES EN 2024

Le nombre des dépenses fiscales recensées dans le présent projet de loi de finances est de 467, pour un coût total estimé de 85,6 milliards d'euros en 2022, 81,3 milliards d'euros en 2023 et 78,7 milliards d'euros en 2024.

Ce chiffrage est toutefois très approximatif.

D'une part, le chiffrage de 64 dépenses fiscales parmi 467 n'est pas calculé. C'est le cas à titre d'exemple du taux de TVA de 5,5 % dans le secteur social et médico-social880(*).

D'autre part, le chiffrage est qualifié de simple « ordre de grandeur » dans 129 cas sur 467, représentant un coût combiné de 19,6 milliards d'euros sur 85,6 milliards d'euros, les données de l'administration fiscale ne lui permettant pas d'en déterminer précisément le coût.

Coût estimé et fiabilité de l'estimation de coût des dépenses fiscales
selon l'impôt concerné

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données du document « Voies et moyens ». Coût estimé en 2022.

Enfin et surtout, le Gouvernement fait le choix dans le présent projet de loi de finances de modifier la comptabilisation des dépenses fiscales liées à la TVA. Les coûts indiqués ne correspondent plus aux diminutions de recettes globales de TVA, mais à l'impact restant à la charge de l'État après transferts aux collectivités territoriales et aux administrations de sécurité sociale.

Ce choix, qui conduit à diminuer le coût des dépenses fiscales liées à la TVA de moitié, soit 10 milliards d'euros environ, est contestable à plusieurs titres.

D'une part, il réduit l'information sur le coût, pour les finances publiques, de dépenses fiscales qui sont décidées par l'État dans la loi de finances. À titre d'exemple, le taux de 10 % pour les travaux d'amélioration des logements, à en croire l'annexe « Voies et moyens » ne coûterait que 2,2 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024, alors que son coût était chiffré à 4,5 milliards d'euros en projet de loi de finances pour 2023. Ce changement de présentation nuit donc au suivi pluriannuel des dépenses fiscales.

D'autre part, l'argument selon lequel les dépenses fiscales relatives à la TVA n'impacteraient les ressources de l'État que proportionnellement à la part des recettes de cet impôt qui reviennent à l'État est très discutable.

La part de TVA reversée aux administrations de sécurité sociale comme aux collectivités territoriales et à l'audiovisuel public est en effet définie en fonction des besoins de ces administrations et organismes.

Cette part est d'ailleurs parfois définie en valeur absolue et non en pourcentage881(*), de sorte qu'il ne peut pas être sensible au montant des dépenses fiscales.

Au total, ce choix méthodologique doit être qualifié de malheureux et il est souhaitable que, l'an prochain, les documents budgétaires présentent de nouveau le véritable coût des dépenses fiscales relatives à la TVA.

C. L'EFFICACITÉ DES DÉPENSES FISCALES EST RAREMENT ÉVALUÉE

Le présent projet de loi de finances propose la prorogation de nombreuses dépenses fiscales qui n'ont pas fait l'objet d'une évaluation présentée au Parlement, alors même que, dans bien des cas, une telle évaluation avait été prévue par une loi de finances.

Le Gouvernement manque de cohérence avec les dispositions qu'il a lui-même proposées à l'article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 qui prévoit que toute prorogation de dépense fiscale doit être précédée d'une évaluation.

Le texte de ce projet de loi considéré comme adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution limite également à trois années la durée de la prorogation des dépenses fiscales, durée qui n'est pas respectée par plusieurs dispositions du présent projet de loi de finances.

Le « Voies et moyens » annonce l'évaluation, en 2024, de seulement 4 dépenses fiscales parmi 467, parmi lesquelles figure le dispositif de l'éco-PTZ qui est pourtant prorogé pour quatre années dès le présent projet de loi de finances.

Au total, de nombreuses dépenses fiscales sont ainsi renouvelées année après année sans qu'il soit possible de connaître réellement leur efficacité au regard de leur coût, lorsque celui-ci est connu.

II. LES DÉPENSES FISCALES QUE LE PROJET DE LOI INITIAL PROPOSE DE SUPPRIMER

Le présent article supprime ou met fin aux effets budgétaires d'une dizaine de dépenses fiscales créées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010 afin d'encourager différents segments du marché de l'investissement locatif. Il n'est plus possible de souscrire aujourd'hui à ces dispositifs, mais certains d'entre eux ont encore une incidence budgétaire car ils donnent lieu à des réductions ou crédits d'impôt sur une durée prolongée.

Il supprime également plusieurs dispositifs temporaires d'aide mis en place pendant la crise sanitaire, au motif qu'ils ne sont plus en vigueur, ainsi que deux dépenses fiscales considérées comme inefficientes.

Enfin il supprime une redevance due par les sociétés parisiennes de courses de chevaux qui ne présente plus de rendement.

A. LA SUPPRESSION DE DÉPENSES FISCALES RELATIVES AU LOGEMENT

1. Déduction dégressive sur les revenus des logements neufs loués à usage d'habitation principale - dispositifs dit « Périssol », « Besson neuf », « Robien classique » et « Robien recentré » (I. A. 1° à 3°)

a) Le droit existant prévoit une déduction dégressive sur les revenus des logements neufs acquis entre 1999 et 2009 et loués à usage d'habitation principale

Aux termes des f (dispositif « Périssol », concernant les logements acquis entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1998), g (« Besson neuf », du 1er janvier 1999 au 2 avril 2003), h (« Robien classique » et « Robien recentré », du 3 avril 2003 et le 31 décembre 2009) du I de l'article 31 du code général des impôts, l'acquisition de logements neufs ou en état de futur achèvement entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 2009 permet de déduire de ses revenus un montant proportionnel au prix de l'acquisition du logement pour les années suivantes. Les dispositifs, qui reposent sur les mêmes principes, se différencient par la durée et le taux de la déduction.

Durée d'amortissement et montant annuel
de l'amortissement du prix d'acquisition

Dispositif

Période de souscription

Première période

Deuxième période

Amortissement et durée maximum

Périssol

1996-1998

10 % par an pendant 4 ans

2 % par an pendant
20 ans

80 %
24 ans

Besson neuf

1999-2003

8 % par an pendant 5 ans

2,5 % par an pendant
4, 7 ou 10 ans

65 %
15 ans

Robien classique

2003-2006

8 % par an pendant 5 ans

2,5 % par an pendant
4, 7 ou 10 ans

65 %
15 ans

Robien recentré

2006-2009

6 % par an pendant 7 ans

4 % pendant 2 ans

50 %
9 ans

Source : commission des finances

Le dispositif Périssol était ouvert à l'acquisition d'une résidence principale ou secondaire, alors que les dispositifs suivants étaient limités à l'acquisition d'une résidence principale.

Les dépenses de reconstruction et d'agrandissement donnent lieu aux mêmes avantages, calculés à partir du montant de la dépense engagée et sous réserve de la location du logement pendant une nouvelle durée de neuf ans. Les dépenses d'amélioration du logement donnent aussi lieu à une déduction au titre de l'amortissement pendant une durée de dix ans.

Pour bénéficier des dispositions précitées, il convient de louer ledit logement pendant une période de neuf ans.

Le coût actuel de ces dispositifs est limité : 26 millions d'euros en 2023 pour le « Périssol » (47 500 ménages), 3 millions d'euros pour le « Besson neuf » (2 900 ménages), 40 millions d'euros pour le « Robien classique » et le « Robien recentré » (55 000 ménages). Il est surtout mal connu : le tome II du document « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances le qualifie d'« ordre de grandeur » estimée par simulation.

b) Le dispositif proposé : clore dans le temps les recours au dispositif

En l'état du droit, ces dispositifs sont susceptibles de produire des effets pendant une très longue durée, car aucune limite n'est fixée pour la fin de la construction du logement ou des travaux donnant lieu à déduction882(*).

En conséquence, les 1° à 3° du A du I du présent article mettent un terme aux dispositifs de réduction fiscale, qui demeurent actifs pour les logements acquis entre 1996 et 2009, s'ils sont en cours d'achèvement ou si des travaux ont toujours lieu. Ainsi, ce texte prévoit que les bénéficiaires, pour se prévaloir de leurs droits, ont jusqu'au 1er juillet 2025 pour achever la construction du logement ou des travaux en question.

Ainsi, les derniers faits générateurs se produiraient en 2025 pour l'ensemble des dispositifs.

La modification relative au dispositif « Robien » met également fin, par voie de conséquence, à des dispositifs qui lui sont liés :

- le dispositif « Robien ZRR » : le k du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts autorise une déduction de 26 % des revenus bruts pour les logements situés en zone de revitalisation rurale, lorsqu'ils bénéficient du dispositif « Robien » ou du dispositif « Scellier » (voir infra) ;

- le dispositif « Borloo populaire » : le l du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts permet aux bénéficiaires des dispositifs « Robien » ou « Scellier » de déduire 30 % supplémentaires, à condition de louer le bien à un locataire dont les ressources sont inférieures à un plafond.

2. Déduction spécifique sur les revenus des logements loués sous conditions de loyer et de ressources du locataire - dispositif dit « Besson ancien » (I. A. 4° et I. B)

a) Le droit existant prévoit une déduction sur les revenus des logements loués sous conditions de loyers et de ressources du locataire en vertu d'un bail conclu entre 1999 et 2006

Aux termes du j du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, dit dispositif « Besson ancien », est permis aux propriétaires exclus des régimes précités « Périssol », « Besson neuf » et « Robien classique » ou « recentré » de bénéficier d'une réduction d'impôts de 26 % portant sur les revenus bruts pendant les six premières années de location, à condition que les ressources du locataire et le loyer ne dépassent un certain plafond établi par décret. Le logement doit pour cela être loué pendant six années et permet de bénéficier de déduction fiscale pendant la même durée. Cette période peut être suspendue pendant un certain temps en cas de mise à disposition du logement au profit d'un proche du propriétaire.

L'objectif du dispositif est d'augmenter l'offre de logements loués sous conditions de ressources. Ce dispositif bénéficierait à 36 000 foyers, pour un coût en 2023 estimé à 24 millions d'euros, estimation qui n'est toutefois qu'un ordre de grandeur.

b) Le dispositif proposé : supprimer ce dispositif

Le du A du I du présent article abroge cette disposition. Le gouvernement juge ce dispositif obsolète, au vu des autres dispositifs mis en place pour inciter à l'investissement locatif par la suite.

Le B du I procède à une modification de coordination dans l'article 232 du code général des impôts.

3. Déduction spécifique sur les revenus des logements donnés en location dans le cadre d'une convention ANAH - dispositifs dits « Borloo ancien » et « Cosse » (I. A. 5° à 6°)

a) Le droit existant prévoit une déduction spécifique sur les revenus des logements donnés en location dans le cadre d'une convention ANAH pour les baux conclus entre le 1er octobre 2006 et le 31 décembre 2016, sous conditions de loyers

Le dispositif « Borloo ancien », prévu au m du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, permet aux propriétaires qui proposent à la location, à titre d'habitation principale, des logements faisant l'objet d'une convention avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et conclue au plus tard le 31 décembre 2016, pour les baux conclus à compter du 1er octobre 2006, de pratiquer une déduction fixée à 30 % des revenus bruts des logements donnés en location. La mise en place d'une convention est soumise à des plafonds maximum de ressources pour le locataire et à un encadrement du loyer. Cette déduction peut être maintenue à l'issue de la reconduction de ce contrat de location tant que le même locataire reste en place, et que les conditions de loyer et de ressources du locataire demeurent respectées.

Le dispositif « Cosse » ou « Louer abordable », inscrit au o du 1° du I du même article 31 du code général des impôts, permet aux propriétaires de logements de pratiquer une déduction des revenus bruts des logements donnés en location dans le cadre d'une convention signée avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) à compter du 1er janvier 2017 et dont la date d'enregistrement par l'ANAH de la demande de conventionnement intervient jusqu'au 28 février 2022. Le taux de la déduction dépend du niveau du loyer et de la zone géographique.

La déduction fiscale « Cosse » a été remplacée par la réduction d'impôt « Loc' Avantages » pour les conventions ANAH enregistrées à compter du 1er avril 2022. Ce dispositif permet aux propriétaires bailleurs de bénéficier d'une réduction d'impôt à conditions de s'engager à louer leur bien à un montant inférieur aux loyers du marché local et sous certaines conditions de ressources du locataire.

Le coût du dispositif « Borloo ancien » est estimé à 49 millions d'euros en 2023 pour 43 600 ménages. Celui du dispositif « Cosse » serait de 27 millions d'euros la même année, pour 3 245 ménages.

b) Le dispositif proposé : clore ces dispositifs dans le temps

Les et du A du I du présent article prévoient que ces avantages fiscaux ne s'appliquent plus aux revenus fonciers pour les prorogations des conventions ANAH intervenant à partir du 1er janvier 2024.

En effet, seules les prorogations sont mentionnées car de nouvelles conventions ne peuvent bénéficier des deux dispositifs si elles ont été enregistrées par l'ANAH après le 28 février 2022 pour le dispositif Cosse, le plus récemment actif. Or, ces dispositifs peuvent demeurer actifs tant qu'il est possible de renouveler des conventions conclues avec l'ANAH qui ouvrent droit à des déductions fiscales pendant toute leur durée.

4. Réduction d'impôt au titre des investissements dans le secteur du tourisme - dispositif dit « Demessine » (I. E et I. F)

a) Le droit existant prévoit une réduction d'impôt sur les revenus des logements, acquis entre 1999 et 2010, neufs ou en l'état de futur achèvement, constituant des résidences de tourisme classée dans une zone de revitalisation rurale ou dans une résidence hôtelière à vocation sociale

Ce dispositif, inscrit aux articles 199 decies E et 199 decies G du code général des impôts, est également appelé « Demessine ». Aux termes de l'article 199 decies E, les contribuables qui acquièrent, entre le 1er janvier 1999 et 31 décembre 2010, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement, faisant partie d'une résidence de tourisme classée dans une zone de revitalisation rurale, peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu d'un taux de 25 % calculé sur le prix de revient de ces logements.

Ce taux est plafonné à différents niveaux selon le statut marital du propriétaire. Ce droit est valable pendant six ans au maximum et est conditionné à la location du logement pendant neuf années.

L'article 199 decies du code général des impôts prévoit, par ailleurs, dans les mêmes conditions, une réduction d'impôt identique pour l'acquisition, entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2010, d'un logement neuf en l'état futur d'achèvement ou à rénover, et faisant partie d'une résidence hôtelière à vocation sociale.

Ces dispositifs n'ont plus d'incidence budgétaire.

b) Le dispositif proposé : clore dans le temps le recours aux dispositifs

En l'état du droit, ces dispositifs sont susceptibles de produire des effets pendant une très longue durée, car aucune limite n'est fixée pour la fin de la construction du logement ou des travaux donnant lieu à déduction.

Le E et le F du I du présent article mettent un terme à ces deux dispositifs de réduction fiscale, qui demeurent actifs pour les logements acquis entre 1999 et 2010 en cours d'achèvement ou si des travaux ont toujours lieu. Ainsi, ce texte prévoit que les bénéficiaires, pour se prévaloir de leurs droits, ont jusqu'au 1er juillet 2025 pour achever la construction du logement ou des travaux en question.

5. Réduction d'impôt sur le revenu au titre des travaux de réhabilitation effectués dans une résidence de tourisme classée (I. J. et I. M. 3°)

a) Le droit existant prévoit une réduction d'impôt sur le revenu au titre des travaux de réhabilitation décidés entre 2017 et 2019 dans une résidence de tourisme classée

L'article 199 decies G bis permet aux propriétaires de logements situés en résidence de tourisme classée de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu pour des dépenses supportées visant à la réalisation de travaux améliorant la performance énergétique des logements ou en facilitant l'accès aux personnes handicapées. Cette réduction d'impôt est plafonnée à 22 000 euros pour des dépenses adoptées en assemblée générale de copropriétaires entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019. La réduction d'impôt s'applique à la condition que les travaux soient achevés au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de leur adoption par l'assemblée générale des copropriétaires. Cette réduction a couté 1 million d'euros en 2022 et a concerné 2 000 ménages. Son coût est estimé nul en 2023 et en 2024.

b) Le dispositif proposé : abroger cette disposition inactive

Le 3° du M du I du présent article abroge l'article 199 decies G bis précité. Ce dispositif était borné dans le temps, les propriétaires ayant jusqu'au 31 décembre 2022 pour achever des travaux décidés en assemblée générale au plus tard le 31 décembre 2019. Cette abrogation n'aurait donc pas d'effet sur les ménages, ni sur les finances de l'État.

Le J du même I procède à une modification de coordination dans l'article 239 nonies.

6. Réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur de la location meublée non professionnelle - dispositif dit « Censi-Bouvard » (I. G)

a) Le droit existant : une réduction d'impôt sur le revenu est accordée au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur de la location meublée non professionnelle, pour les logements acquis ou faisant l'objet de travaux entre le entre 2009 et 2022

En application de l'article 199 sexvicies du code général des impôts, les contribuables qui acquièrent un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement ou un logement achevé depuis au moins quinze ans ayant fait l'objet d'une réhabilitation ou d'une rénovation ou qui fait l'objet de travaux de réhabilitation ou de rénovation entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2022 peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt.

Cet avantage est soumis à l'usage du logement qui doit accueillir des personnes âgées ou handicapées, être une résidence étudiante, ou délivrer des soins de longue durée. Le taux de réduction décroit lorsque l'année d'acquisition est récente. Le logement doit être loué pendant neuf années pour les usages prévus afin d'ouvrir droit à une déduction fiscale répartie sur la même durée.

Ce dispositif également appelé « Censi-Bouvard » concerne 34 663 ménages pour un coût de 61 millions d'euros en 2022. Ce coût devrait diminuer à 45 millions d'euros en 2023 et 40 millions d'euros en 2024.

b) Le dispositif proposé : clore le recours à ce dispositif dans le temps

En l'état du droit, ces dispositifs sont susceptibles de produire des effets pendant une très longue durée, car aucune limite n'est fixée pour la fin de la construction du logement ou des travaux donnant lieu à déduction.

Le G du I du présent article prévoit que les bénéficiaires, pour se prévaloir de leurs droits, ont jusqu'au 1er juillet 2025 pour achever les travaux en question ou dans le cas de logements acquis en l'état futur d'achèvement après le 1er juillet 2021, lorsque les logements sont achevés dans un délai de quatre ans à compter de la date d'acquisition.

Cette dernière précision permet de laisser quatre années également aux propriétaires ayant acquis un logement en cours d'achèvement jusqu'au 31 décembre 2022.

7. Réduction d'impôt sur le revenu en faveur de l'investissement locatif réalisé entre 2009 et 2012 et, sous conditions, jusqu'au 31 mars 2013 dans les zones présentant un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements (sous conditions de loyer) - dispositif dit « Scellier » (I. H)

a) Le droit existant : une réduction d'impôt sur le revenu est accordée en faveur de l'investissement locatif du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012, étendu jusqu'au 31 mars 2013 dans les zones en tension, sous conditions de loyer

Le dispositif « Scellier », prévu à l'article 199 septvicies du code général des impôts, permet aux contribuables domiciliés en France qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement, situé dans une zone de tension défini par décret, de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu. Le logement, pour être éligible à ce dispositif, doit respecter les résultats minimaux de caractéristiques thermiques et la performance énergétique définis en application des articles L. 171-1 et L. 172-1 du code de la construction et de l'habitation. De plus, le logement doit être loué pendant neuf années, avec un loyer ne devant excéder un plafond fixé par décret. Le taux de réduction pratiqué est décroissant si la date d'acquisition ou de construction est récente. Ce taux peut être valorisé si le logement présente un niveau performance énergétique globale élevé.

La réduction d'impôt est répartie sur neuf années. Par ailleurs, cette déduction est prolongeable à l'issue des neufs ans de location, si toutes les conditions précédemment citées sont respectées, par période de trois ans, avec une limite de six ans de reconduction maximum.

Ce dispositif, dont 58 000 ménages bénéficient, se traduit par un coût de 193 millions d'euros en 2022 et est estimé à 130 millions d'euros pour 2023 et 2024.

b) Le dispositif proposé : clore dans le temps ce dispositif

Le H du I du présent article prévoit que les bénéficiaires, pour se prévaloir de leurs droits, ont jusqu'au 1er juillet 2025 pour achever la construction du logement ou les travaux donnant droit à la réduction d'impôt.

B. LA SUPPRESSION DE DISPOSITIFS TEMPORAIRES LIÉS À LA PANDÉMIE DE COVID-19

1. Le droit existant : plusieurs dispositifs temporaires mise en place dans le contexte de la crise sanitaire et à titre provisoire

a) Déductibilité ou non-imposition des loyers et accessoires non perçus afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise et consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2021 (I. C, I. D, I. , I. M. 1° et 2°)

Ce dispositif, prévu à l'article 14 B du code général des impôts, permet aux bailleurs d'immeubles donnés en location à des entreprises n'ayant pas de lien de dépendance avec eux de soustraire de leurs revenus fonciers imposables ou de leurs revenus imposés dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non-commerciaux (BNC) les éléments de revenus ayant fait l'objet, par le bailleur, d'un abandon ou d'une renonciation au profit de l'entreprise locataire entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2021.

Ce dispositif est une mesure temporaire mise en place dans le contexte de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, qui n'est plus actif depuis le 1er janvier 2022.

Plusieurs dispositions du code général des impôts font référence à ce dispositif et sont donc elles aussi obsolètes :

- le 9° du 1 et le 13 de l'article 39 ;

- l'article 92 B ;

- le dernier alinéa du I de l'article 209.

b) Crédit d'impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique (I. M. 5° à 7°)

L'article 49 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020883(*), codifié à l'article 220 sexies A du CGI, a mis en place un crédit d'impôt sur les dépenses engagées en faveur de la création par les éditeurs de services de télévision, de services de radio ou de services de médias audiovisuels à la demande. Sont concernées les entreprises de production audiovisuelle qui assument les fonctions d'entreprise de production déléguée.

Ce crédit d'impôt, s'élevant à 15 % des investissements des éditeurs en faveur de la création, s'applique aux dépenses suivantes : l'achat de droit de diffusion des oeuvres ; l'investissement en part de producteur dans le financement des oeuvres ; le financement des travaux d'écriture et de développement des oeuvres ; l'adaptation des oeuvres aux personnes aveugles ou malvoyantes ; la formation des auteurs ; la promotion des oeuvres ; la rémunération versée aux auteurs d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles.

L'objectif de ce crédit d'impôt étant de soutenir les investissements des médias dans les programmes et la création audiovisuels, lesquels avaient drastiquement diminué lors de la pandémie de Covid-19, ses dispositions étaient limitées dans le temps. L'article 220 F bis du CGI dispose qu'il s'applique à l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2020 ou du premier exercice clos à compter de cette date.

Pour en bénéficier, les entreprises devaient justifier d'une diminution de chiffre d'affaires d'au moins 10 % pour la période allant du 1er mars au 31 décembre 2020 par comparaison avec la période allant du 1er mars au 31 décembre 2019. Le j du 1 de l'article 223 O du CGI précise les conditions dans lesquelles ce crédit d'impôt s'applique dans le cas d'un régime de groupe.

L'article 49 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 renvoyait l'entrée en vigueur de ces dispositions à un décret, lequel a été publié près d'une année plus tard884(*).

c) Exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) dans la limite de 100 000 euros pour les dons de sommes d'argent effectués entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021 sous condition d'affectation des sommes reçues par le bénéficiaire à la souscription au capital d'une petite entreprise, à des travaux de rénovation énergétique ou à la construction de sa résidence principale (I. M. 9°)

L'article 19 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 a modifié l'article 790 A bis du code général des impôts (CGI) afin d'instaurer une exonération temporaire de droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

Cette exonération devait s'appliquer dans la limite de 100 000 euros sur les dons en sommes d'argent effectués dans le cadre familial (enfants, petits-enfants, arrières petits-enfants ou à défaut neveux) entre le 15 juillet 2020 et le 30 juin 2021. Pour en bénéficier, le donataire devait, dans un délai de trois mois à compter du don, affecter les sommes reçues :

à la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital d'une petite entreprise en phase de développement, le donataire devant par ailleurs exercer son activité professionnelle dans cette entreprise pendant une durée minimale de trois ans à compter de la souscription ;

- à des travaux et dépenses éligibles à « Ma Prime Rénov' » et réalisés en faveur de la rénovation énergétique du logement dont le donataire était propriétaire et qu'il avait affecté à son habitation principale ;

- à la construction de sa résidence principale, ce qui incluait les travaux d'extension, d'agrandissement ou de surélévation de la résidence principale préexistante, mais excluait les acquisitions dans le cadre d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA)885(*).

Le Sénat, à l'initiative du rapporteur général Albéric de Montgolfier, avait largement remanié et sécurisé le dispositif alors introduit à l'Assemblée nationale. Il avait ainsi procédé à une réécriture globale de l'article pour placer le dispositif en conformité avec les règles européennes en matière d'aides d'État, introduire des clauses anti-abus, plafonner le montant total des dons pouvant bénéficier de cet avantage fiscal et étendre le champ des dépenses éligibles aux travaux de rénovation et à la construction de sa résidence principale par le donataire.

d) Exonération des aides versées par le fonds de solidarité institué par l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de toutes les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle (II. 2°)

L'article 1 de la loi n° 2020-473 de finances rectificative pour 2020 met en place une exonération d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu et de toutes les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle, des aides versées dans le cadre des mesures d'urgence à destination des entreprises touchées par les conséquences de la Covid-19 ainsi que les aides versées par le fonds de solidarité. Le fonds de solidarité a été institué par l'ordonnance n°2020 317 du 25 mars 2020.

e) Dégrèvement exceptionnel de la cotisation foncière des entreprises au titre de 2020 au profit des entreprises de taille petite ou moyenne des secteurs relevant du tourisme, de l'hôtellerie, de la restauration, du sport, de la culture, du transport aérien et de l'événementiel particulièrement affectés par la crise sanitaire (II. 3°)

L'article 11 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, autorise les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à dégrever la cotisation foncière des entreprises et des prélèvements prévus par l'article 1641 du code général des impôts de deux tiers. Pour bénéficier de cet avantage les communes et les EPCI à fiscalité propre devaient prendre une délibération en ce sens avant le 31 juillet 2020. Ce dispositif est toutefois réservé à certains secteurs, les plus touchés par l'épidémie, tels que le tourisme, l'hôtellerie, la restauration, le sport, la culture, le transport aérien, et l'évènementiel. La liste a été définie par décret. Les dégrèvements sont pris en charge par l'État à hauteur de 50%, la différence est supportée par les communes et EPCI à fiscalité propre.

f) Crédit d'impôt en faveur des bailleurs au titre des abandons du loyer de novembre 2020 consentis aux entreprises locataires qui ont fait l'objet d'une fermeture administrative ou relèvent d'un secteur particulièrement touché par la crise sanitaire (II. 4°)

L'article 20 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, prévoit un crédit d'impôt en faveur des bailleurs au titre des abandons de loyers de novembre 2020 consentis aux entreprises locataires au plus tard le 31 décembre 2021. Ces dernières devaient faire l'objet d'une fermeture administrative ou appartenir à un secteur particulièrement touché par la crise sanitaire pour que les abandons consentis par les bailleurs soient éligibles au crédit d'impôt. L'objet du dispositif est de soutenir les entreprises locataires de moins de 5 000 salariés et de leur permettre de faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire en bénéficiant d'un allègement de leurs charges de loyers. Le crédit d'impôt est égal à 50 % de la somme totale des abandons ou renonciations de loyers.

g) Exonération des aides exceptionnelles versées par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) ainsi que les instances de gouvernance des régimes de retraite complémentaires, des professionnels libéraux et des avocats en application de l'article 10 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de toutes les contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle (II. 4°)

L'article 26 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 exonère d'impôt sur le revenu, sur les sociétés et de toutes contributions et cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle, les aides financières versées, en 2020, par le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) ainsi que les instances de gouvernance des régimes de retraite complémentaires, des professionnels libéraux et des avocats en application de l'article 10 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020. Ces mesures ont été adoptées, pendant la crise sanitaire et économique de l'épidémie de la Covid-19, afin de permettre la mobilité de la trésorerie des secteurs affectés, notamment les indépendants par l'intermédiaire du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, sans que l'État n'effectue de prélèvement.

Elles n'ont plus d'incidence budgétaire depuis 2022.

2. Le dispositif proposé

Le présent article propose de supprimer dans la législation la mention de la déductibilité ou non-imposition des loyers et accessoires non perçus afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise et consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2021, dispositif qui n'est plus actif et n'a pas d'incidence budgétaire depuis 2022. Il abroge à cette fin les dispositions précités, à savoir l'article 14 B, le 9° du 1 et le 13 de l'article 39, l'article 92 B et le dernier alinéa du I de l'article 209 du code général des impôts.

Le 5° du M du I prévoit l'abrogation des conditions d'application contenues à l'article 220 F bis du code général des impôts, au vu de la résolution de la crise sanitaire.

Le 6° du M du I du présent article abroge l'article 220 sexies A du CGI, qui prévoit la mise en place du crédit d'impôt pour les éditeurs de médias. Par coordination, le 5° du M du I du présent article abroge également l'article 220 F bis du même code, prévoyant les modalités d'entrée en vigueur et la période ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt. De même, le 7° du M du I présent article supprime le j du 1 de l'article 223 O concernant les groupes de sociétés.

Le 9° du I du présent article abroge l'article 790 A bis du CGI, relatif à l'exonération temporaire et partielle de DMTG pour les dons familiaux de sommes d'argent affectées par le bénéficiaire à la souscription au capital d'une petite entreprise, à des travaux de rénovation énergétique ou à la construction de sa résidence principale.

Le 2° du II prévoit l'abrogation de l'article 1 de la loi 2020-473 de finances rectificative pour 2020 qui exonérait les versements effectués au titre du fonds de solidarité.

Le 3° du II abroge les dispositions permettant aux communes et aux EPCI à fiscalité propre de dégrever de deux tiers les cotisations foncières des entreprises. Ce dispositif étant valide uniquement sur l'année 2020, son incidence fiscale était nulle en 2023 et en 2024.

Le 4° du II prévoit l'abrogation crédit d'impôt en faveur des bailleurs au titre des abandons de loyers de novembre 2020 consentis aux entreprises locataires au plus tard le 31 décembre 2021, qui est devenu sans objet.

C. LA SUPPRESSION D'AUTRES DÉPENSES FISCALES INEFFICIENTES

1. Crédit d'impôt à raison des intérêts de certains prêts souscrits entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2008 (I. M. 4°)

a) Le droit existant : un crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt des prêts étudiants souscrits entre 2006 et 2008

L'article 200 terdecies du code général des impôts (CGI), créé par l'article 80 de la loi de finances pour 2006886(*), ouvre le bénéfice d'un crédit d'impôt sur le revenu aux étudiants ayant contracté un prêt en vue du financement de leurs études entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2008.

Le montant du crédit d'impôt est égal à 25 % des intérêts d'emprunt versés au titre des cinq premières annuités de remboursement du prêt étudiant. Il est plafonné à hauteur de 1 000 euros sur cinq ans, soit 250 euros par an.

Outre le fait d'avoir souscrit un prêt entre le 1er septembre 2005 et le 31 décembre 2008 en vue du financement de leurs études supérieures, les bénéficiaires du crédit d'impôt doivent être âgées de vingt-cinq ans au plus, inscrits dans l'enseignement supérieur (y compris hors de France) et être fiscalement domiciliés en France. Les prêts éligibles au crédit d'impôt sont ceux mentionnés aux articles L. 311-1 à L. 311-3 du code de la consommation, à l'exception de ceux expressément exclus par l'article 200 terdecies.

b) Le dispositif proposé :

Le 4° du M du I du présent article abroge l'article 200 terdecies du CGI.

2. Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif (I. K et I. M. 8°)

a) Le droit existant : un dispositif à destination des collectivités publiques et des organismes sans but lucratif qui n'a pas été modifié depuis 1976

L'article 6 de la loi de finances pour 1977887(*) a mis en place une exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les opérations portant sur les annuaires et les publications périodiques ne relevant pas du régime de la presse édités par les collectivités publiques et leurs établissements publics à caractère administratif.

Cette exonération, codifiée à l'article 298 duodecies du CGI, concerne les collectivités publiques nationales et locales (État, régions, départements, communes) ainsi que les bulletins municipaux et les organismes à but non lucratif.

L'article 298 duodecies prévoit toutefois un certain nombre de conditions relatives à l'importance de la publicité dans la publication. Ainsi, d'une part, la publicité et les annonces ne doivent pas couvrir plus des deux tiers de la surface totale de la publication ; et, d'autre part, l'ensemble des annonces ou de la publicité d'un même annonceur ne doit pas, dans une même année, être supérieur au dixième de la surface totale des numéros parus au cours de l'année. Les recettes provenant des réclames et annonces sont soumises à la TVA dans les conditions de droit commun.

b) Le dispositif proposé

Le 8° du M du I du présent article abroge l'article 298 duodecies du CGI. Par coordination, le K du I du présent article supprime la référence à cet article à l'article 298 terdecies du même code, prévoyant l'entrée en vigueur dudit article 298 duodecies.

III. LA SUPPRESSION DE LA REDEVANCE DUE PAR LES SOCIÉTÉS PARISIENNES DE COURSES DE CHEVAUX (I. L ET II. 1°)

A. DES MESURES VISANT À CONTENIR L'AUGMENTATION DES RECETTES DES SOCIÉTÉS PARISIENNES DE COURSES DE CHEVAUX AU DÉBUT DES ANNÉES 1960

Le I de l'article 15 de la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964 de finances pour 1965 met en place une redevance due par chaque société parisienne de courses de chevaux, qui est égale à la moitié de l'augmentation de ses recettes par rapport aux recettes nettes de l'exercice précédent.

L'article précise que les recettes sont définies comme la différence entre les ressources d'exploitation et les charges de fonctionnement, qui comprennent les encouragements à l'élevage.

L'article de la loi n°78-1240 du 29 décembre 1978 de finances rectificative pour 1987 a en outre précisé que les sociétés de course doivent consacrer, chaque année, une partie de leurs recettes nettes à l'encouragement de l'élevage. Un arrêté du ministre du budget et du ministre de l'agriculture fixe chaque année la proportion minimale des recettes nettes ainsi affectées. Cette disposition devait viser à empêcher les sociétés de courses de s'octroyer une part trop grande des enjeux au Pari mutuel.888(*)

Cette disposition est appliquée par le décret n°79-803 du 11 septembre 1978 fixant les modalités d'application de l'article 7 de la troisième loi de finances rectificative pour 1978 relatif à la redevance annuelle mise à la charge des sociétés de courses parisiennes.

Le II de l'article 15 dispose que les sociétés de courses parisiennes doivent verser avant le 31 mai 1965 une somme de 36 millions de francs889(*) prélevées sur leurs réserves.

Ce prélèvement devait être effectué au prorata du montant totalisé de la réserve de chaque société au 31 décembre 1965, ainsi que du montant cumulé des dépenses de travaux exécutés par chaque société entre le 1er janvier 1960 et le 31 décembre 1963.

La raison de la mise en place des mesures de l'article 15 était l'augmentation importante des recettes des sociétés de courses parisiennes dans les années qui ont précédé : « en raison de la progression du montant des sommes engagées au pari mutuel au cours de ces dernières années, les ressources des sociétés de courses parisiennes ont crû dans des proportions que le Gouvernement estime trop importantes, eu égard à l'activité de ces sociétés ».890(*)

B. LA SUPPRESSION DE LA REDEVANCE

Le 1° du II du présent projet de loi supprime la redevance des sociétés parisiennes de courses de chevaux.

Le L du I est une mesure de coordination.

IV. LE DISPOSITIF COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Comme indiqué supra, le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, a repris sans modification le texte initial du présent article.

V. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES SUR L'ENSEMBLE DE L'ARTICLE

L'ensemble des mesures proposées par le présent article concernent des dispositifs obsolètes ou en extinction, qui pour certains n'ont plus du tout d'incidence budgétaire, et n'auront donc qu'un faible impact sur les recettes de l'État.

L'évaluation préalable de l'article confirme que la suppression et les bornages introduits par cet article pour ces dispositifs auront un impact qui n'est pas chiffrable, mais qui sera très limité.

Le rapporteur général regrette, s'agissant de cet article comme des nombreux articles de ce projet de loi de finances, que les impératifs d'évaluation des dépenses fiscales ne soient pas mis en oeuvre et qu'une très grande part des rapports demandés par le Parlement sur ce sujet ne soient pas suivis d'effets.

Il estime toutefois qu'il convient d'approuver les modifications opérées par le présent article car il s'agit d'une simplification du droit et d'une amélioration de sa lisibilité.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 18

Mise en oeuvre du transfert du recouvrement des contributions indirectes
à la DGFiP

Le présent article prévoit plusieurs évolutions relatives à la fiscalité des biens et services, à l'occasion de la poursuite du transfert de l'essentiel de leur recouvrement à la direction générale des finances publiques (DGFiP).

En premier lieu, le présent article complète, pour les accises sur les tabacs et les alcools, l'unification du recouvrement par la DGFiP, en organisant le transfert du recouvrement des taxes annexes applicables à ces produits, à savoir la cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques (CSS), le droit de licence pour le tabac, la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées (dite taxe « prémix ») et la cotisation finançant le régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac. En cohérence avec l'alignement des règles de gestion et de recouvrement, et afin d'éviter une charge administrative excessive, les produits exonérés de l'accise sur les alcools sont également exonérés de la CSS.

Par ailleurs, une exonération d'accise est prévue pour l'ensemble des petits bouilleurs de cru particuliers (producteurs d'alcool pour leur consommation personnelle), lesquels bénéficieraient également d'une augmentation du plafond de l'avantage fiscal, exprimé en volume de production, de 10 litres à 50 litres d'alcool pur par an. La commission des finances propose, par un amendement I-218 (FINC.61), de préciser que le plafond de l'avantage fiscal pour les petits bouilleurs de cru particuliers, fixé à 50 litres d'alcool pur par an, s'entend par ménage de fruiticulteurs.

En deuxième lieu, le présent article procède au transfert du recouvrement de plusieurs impositions relatives aux transports aérien et maritime de passagers, à compter du 1er janvier 2026.

Enfin, le présent article renouvelle, pour une durée de deux ans et un champ étendu excédant la recodification à droit constant, l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour recodifier les dispositions relatives à la fiscalité des biens et services, en vue de leur intégration dans le code des impositions sur les biens et services (CIBS). Eu égard à l'importance des objectifs à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, notamment pour les acteurs économiques, directement concernés par la fiscalité indirecte, il convient d'autoriser la poursuite de ce travail de recodification, désormais bien engagé. Cependant, une telle habilitation ne saurait être accordée pour une durée aussi longue. La commission des finances propose, par un amendement I-219 (FINC.62), de limiter la durée de l'habilitation ainsi conférée à un an.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'UNIFICATION DU RECOUVREMENT DE LA FISCALITÉ DES BIENS ET SERVICES, ENTAMÉE EN 2019, SE POURSUIT EN PARALLÈLE DE LA CONSTRUCTION, PAR VOIE D'ORDONNANCE, DU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES (CIBS)

A. UNE EXTENSION PROGRESSIVE DU PÉRIMÈTRE DES IMPOSITIONS ET DES TAXES DONT LE RECOUVREMENT ET LA GESTION SONT TRANSFÉRÉS À LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

Le Gouvernement a amorcé en 2018 une réforme du recouvrement des impositions, taxes et amendes, à la suite de plusieurs recommandations en ce sens de la Cour des comptes et après une mission confiée à Alexandre Gardette891(*), administrateur général des finances publiques, pour la préparer. Elle s'articule autour d'un axe principal : le transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP) du recouvrement et souvent de la gestion de la quasi-totalité des impositions, taxes et amendes jusqu'ici recouvrées et gérées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ou, dans une moindre mesure, par d'autres organismes.

Des premiers transferts ont eu lieu par la voie législative ordinaire, dans le cadre de dispositions adoptées en loi de finances pour 2019892(*) (taxe générale sur les activités polluantes, contributions sur les boissons non alcooliques).

L'article 184 de la loi de finances pour 2020893(*) a ensuite habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant au transfert :

- de taxes sur les véhicules (1er janvier 2021) ;

- des taxes intérieures de consommation sur le gaz naturel et ses équivalents lorsqu'ils sont utilisés comme combustible, sur les houilles, les lignites et les cokes destinées à être utilisées comme combustible ainsi que sur la consommation finale d'électricité. Étaient également concernés le droit de francisation et de navigation et le droit attaché à la délivrance d'un nouvel acte de francisation ainsi que la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) et la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévision (TST-D), recouvrées par le Centre national du cinéma et de l'image animée - CNC (1er janvier 2022) ;

- des amendes autres que celles de nature fiscale prévues par le code des douanes ou le code général des impôts (1er janvier 2023) ;

- des accises sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés (1er janvier 2024).

L'article 161 de la loi de finances initiale pour 2021894(*) a complété l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 en ajoutant aux impositions transférées à compter du 1er janvier 2024 :

- la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés comme carburant ou combustible :

- la taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques (TSC) dans les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion ;

- la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB)895(*).

En complément, l'article 155 de la loi de finances pour 2021 a transféré la gestion des taxes d'urbanisme à la DGFiP à compter du 1er janvier 2021, et l'article 180 lui a transféré, à compter du 1er janvier 2023, la gestion de la taxe due par les employeurs de main-d'oeuvre étrangère permanente, temporaire ou saisonnière, gérée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

L'article 128 de la loi de finances pour 2022896(*) a de nouveau modifié l'article 184 de la loi de finances pour 2020, notamment pour procéder à des ajustements de calendrier. Il a également permis d'octroyer au Gouvernement une nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance pour continuer à procéder à l'organisation du transfert de la gestion de certaines taxes et impositions à la DGFiP ainsi qu'à la construction du code des impositions sur les biens et services, le travail de codification concernant désormais :

- les impositions générales sur les biens et services (TVA, octroi de mer) ;

- les taxes annexes sur les produits soumis à accises ;

- les taxes sur les autres secteurs d'activité (alimentation-agriculture-pêche, environnement, numérique-communication-culture, paris et jeux de hasard, santé, finance).

Le délai laissé au Gouvernement pour publier cette ordonnance est extrêmement long, puisqu'il s'établit à deux ans à compter de la promulgation de la loi de finances, le projet de loi de ratification devant ensuite être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit au plus tard le 30 mars 2024.

L'article 80 de la loi de finances pour 2023897(*) a finalement abrogé l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 et ratifié l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne898(*), en apportant plusieurs changements dans le cadre de la mise en oeuvre du transfert du recouvrement.

En particulier, après un premier report au 1er janvier 2023 par l'article 128 de la loi de finances pour 2022, le transfert du recouvrement des trois taxes affectées au CNC (TSA, TST-E et TST-D) a été définitivement abandonné, du fait de la forte opposition de ce dernier.

Par ailleurs, outre de nouveaux ajustements de calendrier et la clarification des règles relatives à la liquidation de la taxe acquittée par les employeurs de main-d'oeuvre étrangère permanente, temporaire ou saisonnière, cet article a également permis le maintien des prérogatives de contrôle de la Douane pour l'accise sur les carburants et les taxes qui lui sont associées899(*).

B. DES HABILITATIONS À RÉALISER LES TRANSFERTS QUI ONT ÉGALEMENT PERMIS LA CRÉATION D'UN NOUVEAU CODE, AVEC UN CALENDRIER AJUSTÉ ET L'APPORT DE CORRECTIONS MATÉRIELLES

Si quelques transferts ont fait l'objet de dispositions « en dur » en loi de finances, ce ne fut pas le cas pour les taxes et impositions visées par l'article 184 de la loi de finances pour 2020, l'article 161 de la loi de finances initiale pour 2021 et l'article 128 de la loi de finances pour 2022. Le Gouvernement a en effet été habilité à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires à la refonte de l'ensemble des impositions, taxes et amendes transférées de la Douane à la DGFiP.

Ces habilitations visent à assurer le transfert du recouvrement de l'ensemble de ces droits à la DGFiP ; éventuellement en harmonisant les conditions dans lesquelles ces impositions sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées.

Cependant, le Gouvernement s'est aussi appuyé sur cette habilitation pour procéder à la recodification des dispositions ayant trait à ces impositions au sein d'un nouveau code, le code des impositions sur les biens et services (CIBS) sans qu'il n'ait jamais clarifié ce point devant le Parlement.

L'ordonnance devait initialement être prise dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 2020, soit avant le 28 juin 2021. Un projet de loi de ratification devait quant à lui être déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

L'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid- 19900(*) a toutefois prolongé de quatre mois les durées d'habilitation non expirées à sa date de publication, ce qui a donc reporté l'échéance de l'habilitation prévue à l'article 184 de la loi de finances pour 2020 du 28 juin 2021 au 28 octobre 2021. La durée d'habilitation a enfin été une nouvelle fois prolongée au 31 décembre 2021 par l'article 10 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2021901(*).

L'ordonnance portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne a ainsi été prise le 22 décembre 2021, et son projet de loi de ratification déposé sur le bureau du Sénat le 2 mars 2022.

Les dispositions du nouveau code sont donc entrées en vigueur le 1er janvier 2022 - le CIBS regroupant désormais le régime général des accises sur les énergies, les alcools et les tabacs ainsi que les impositions liées à la mobilité (déplacements routiers, navigation) et aux activités industrielles et artisanales. Il intégrera également, d'ici le premier trimestre 2024, les dispositions relatives aux impositions et taxes citées à l'article 128 de la loi de finances pour 2022.

L'article 9 de la première loi de finances rectificative pour 2022902(*) a procédé à la correction d'erreurs matérielles commises dans le cadre de la publication de l'ordonnance portant partie législative du code des impositions sur les biens et services. Il a également permis de tirer les conséquences, en modifiant le CIBS, des modifications apportées dans le cadre de la loi de finances pour 2022 aux dispositions trouvant désormais leur place dans ce nouveau code.

Finalement, l'ordonnance du 22 décembre 2021 a été ratifiée par l'article 80 de la loi de finances pour 2023.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN NOUVEL ARTICLE COMPOSITE QUI ORGANISE LE TRANSFERT DU RECOUVREMENT ET DE LA GESTION DES TAXES ANNEXES APPLICABLES AUX TABACS ET AUX ALCOOLS, AINSI QUE DE PLUSIEURS IMPOSITIONS RELATIVES AUX TRANSPORTS AÉRIEN ET MARITIME DE PASSAGERS, ET PRÉVOIT UN RENOUVELLEMENT DE L'HABILITATION DU GOUVERNEMENT À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE

A. UN TRANSFERT DU RECOUVREMENT ET DE LA GESTION DES TAXES ANNEXES APPLICABLES AUX TABACS ET AUX ALCOOLS QUI S'ACCOMPAGNE D'UNE EXONÉRATION D'ACCISE POUR L'ENSEMBLE DES PETITS BOUILLEURS DE CRU PARTICULIERS

1. L'unification du recouvrement de l'ensemble des accises sur les tabacs et les alcools par la DGFiP avec le transfert des taxes annexes applicables à ces produits

a) Un préalable : l'unification des règles de gestion et de recouvrement pour l'ensemble des contributions indirectes frappant les alcools et les tabacs, laquelle se double, pour les alcools, d'un alignement des exonérations d'accise et de cotisation de sécurité sociale

Le I du présent article, qui modifie le code général des impôts (CGI), étend les règles de gestion et de recouvrement des accises sur les tabacs et sur les alcools à deux taxes annexes, applicables respectivement aux tabacs et aux alcools, à savoir :

- le droit de licence pour le tabac, dont les règles relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux sont unifiées avec celles applicables à l'accise sur les tabacs (1° du I du présent article, modifiant l'avant-dernier alinéa de l'article 568 du CGI) ;

- la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées (dite taxe « prémix »), dont les règles relatives au fait générateur, à l'exigibilité, aux personnes soumises aux obligations fiscales, à la constatation et au paiement (2° du I du présent article, modifiant le III de l'article 1613 bis du CGI), ainsi que les règles relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux (2° du I du présent article, modifiant le IV de l'article 1613 bis du CGI) sont unifiées avec celles applicables à l'accise sur les alcools. En conséquence, le VI du présent article abroge le c du 32° de l'article 10 de l'ordonnance du 22 décembre 2021, qui prévoyait au 1er janvier 2024 une modification du IV de l'article 1613 bis du CGI afin de distinguer entre, d'une part, le contrôle de la taxe « prémix », soumis aux règles applicables aux contributions indirectes, et, d'autre part, son recouvrement, soumis aux règles applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

De même, le III du présent article, qui modifie le code de la sécurité sociale, étend les règles de gestion et de recouvrement de l'accise sur les alcools à une troisième taxe annexe applicable à ces produits, la cotisation sur les boissons alcooliques.

Ainsi, les règles relatives au fait générateur, à l'exigibilité, aux personnes soumises aux obligations fiscales, à la constatation et au paiement (2° du III du présent article, modifiant l'article L. 245-8 du code de la sécurité sociale), tout comme les règles relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux de cette taxe annexe (4° du III du présent article, modifiant l'article L. 245-10 du code de la sécurité sociale), sont unifiées avec celles applicables à l'accise sur les alcools. En conséquence de la modification de la rédaction de l'article L. 245-8 du code de la sécurité sociale, le seuil minimal de teneur en alcool fixé à 18 % pour l'application de la cotisation sur les boissons alcooliques est transféré à l'article L. 245-7 (1° du III du présent article, modifiant l'article L. 245-7 du code de la sécurité sociale).

De surcroît, en cohérence avec l'alignement des règles de gestion et de recouvrement, et afin d'éviter une charge administrative excessive, les produits exonérés de l'accise sur les alcools sont également exonérés de la cotisation sur les boissons alcooliques (3° du III du présent article, insérant un article L. 245-9- 1 après l'article L. 245-9 du code de la sécurité sociale).

Cet alignement des règles relatives aux trois taxes annexes précitées sur le régime applicable aux accises sur les tabacs et sur les alcools favorise ainsi le transfert de leur recouvrement à une administration unique, la DGFiP, désormais compétente pour l'ensemble de la fiscalité indirecte portant sur ces produits.

b) Le transfert de la DGDDI à la DGFiP du recouvrement de l'ensemble des contributions indirectes frappant les alcools et les tabacs

En 2022903(*), le recouvrement par la DGDDI des contributions indirectes sur les alcools et tabacs représentait plus de 18,7 milliards d'euros de recettes, soit plus de 30 % de la fiscalité douanière. Dans le détail, la fiscalité indirecte sur les alcools et boissons recouvrée par la DGDDI était de 4,3 milliards d'euros, quand la fiscalité indirecte sur les tabacs s'élevait à 14,4 milliards d'euros.

De fait, le transfert du recouvrement de ces contributions à la DGFiP constitue une évolution tout à fait significative pour les missions de la DGDDI.

Ainsi, le IV du présent article, qui modifie l'article 130 de la loi de finances pour 2022, procède au transfert à la DGFiP de la compétence du recouvrement de l'ensemble des contributions indirectes frappant les alcools et les tabacs.

Pour ce faire, le ii du a du 1° du IV du présent article modifie le 10° du A du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022, afin d'ajouter à la liste des impositions dont la prise en charge et le recouvrement sont transférés des comptables publics de la DGDDI à ceux de la DGFiP les contributions suivantes :

l'accise sur les alcools mentionnée à l'article L. 313-1 du CIBS ;

l'accise sur les tabacs mentionnée à l'article L. 314-1 du CIBS ;

le droit de licence pour le tabac prévu à l'article 568 du CGI ;

la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées (taxe « prémix ») prévue à l'article 1613 bis du CGI ;

la cotisation sur les boissons alcooliques prévue à l'article L. 245-7 du code de la sécurité sociale ; et

la cotisation basée sur la remise mentionnée au 3° du I de l'article 570 du CGI finançant le régime d'allocations viagères en faveur des gérants de débits de tabac ordinaires904(*).

De même, le iii du a du 1° du IV du présent article modifie le dernier alinéa du A du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022, afin de transférer aux comptables publics de la DGFiP la prise en charge et le recouvrement des créances, se rapportant aux six impositions et cotisations précitées, dont le fait générateur est antérieur à la date d'entrée en vigueur du transfert des contributions correspondantes, lorsque ces créances sont issues d'un contrôle réalisé par la DGDDI dans le cadre de son délai de reprise.

Par exception au principe du transfert de la prise en charge et du recouvrement à la DGFiP, et conformément à la répartition retenue pour les autres impositions déjà transférées, le d du 1° du IV du présent article modifie le premier alinéa du E du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022, afin de réserver la compétence de la DGDDI pour les six impositions et cotisations précitées, dans deux cas particuliers :

- lorsqu'une contestation d'assiette ou de recouvrement a été formulée par le redevable antérieurement à la date d'entrée en vigueur du transfert à la DGFiP ;

- lorsqu'une contestation d'assiette ou de recouvrement est formulée par le redevable postérieurement à la date d'entrée en vigueur du transfert à la DGFiP, dès lors que le fait générateur de la créance ou que l'acte de poursuites est antérieur à cette date.

En revanche, le e du 1° du IV du présent article, qui modifie le premier alinéa du F du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022, transfère, pour les six impositions et cotisations précitées, aux comptables publics de la DGFiP la compétence du recouvrement des droits, majorations et intérêts de retard y afférents prononcés par une juridiction.

Répartition de la prise en charge et du recouvrement
des contributions indirectes applicables aux alcools et aux tabacs
entre la DGFiP et la DGDDI telle que proposée par l'article 18 du PLF 2024

Fait générateur ou acte de poursuites antérieur à la date d'entrée en vigueur du transfert

Fait générateur postérieur à la date d'entrée en vigueur du transfert

Contestation formulée antérieurement

Contestation formulée postérieurement

Absence de décision juridictionnelle

Décision juridictionnelle

Absence de décision juridictionnelle

Décision juridictionnelle

DGDDI

DGFiP

DGDDI

DGFiP

DGFiP

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'article 18 du projet de loi de finances pour 2024

c) L'extension de la possibilité de recourir à un texte réglementaire pour rendre obligatoire la télédéclaration et le télérèglement

Le 3° du I du présent article, qui modifie le début du premier alinéa de l'article 1698 D du CGI, étend la possibilité de recourir à un texte réglementaire pour rendre obligatoire la télédéclaration et le télérèglement.

Plus précisément, est supprimé, pour le droit de licence sur le tabac, la taxe sur les mélanges de boissons alcooliques et boissons sucrées et la cotisation sur les boissons alcooliques, le seuil minimal de 50 000 euros conditionnant l'application des obligations de télédéclaration et de télérèglement. Ce seuil de 50 000 euros demeure cependant applicable à l'impôt sur les maisons de jeux prévu à l'article 1559 du CGI.

Désormais, ces trois contributions pourront être soumises aux obligations de télédéclaration et de télérèglement, dans les conditions définies par le décret visé au XVI de l'article 1649 quaterquater du CGI.

2. Une exonération d'accise sur les alcools pour l'ensemble des petits bouilleurs de cru particuliers, qui se double d'une exonération de cotisation sur les boissons alcooliques (CSS)

Le régime fiscal applicable aux petits bouilleurs de cru particuliers constitue un régime fiscal de faveur, qui s'applique aux particuliers qui produisent des petites quantités d'alcools pour leur consommation propre. D'après l'évaluation préalable du Gouvernement, ce régime concernerait 60 000 bénéficiaires, pour un rendement fiscal de 2,4 millions d'euros.

Le 1° du II du présent article, qui modifie l'article L. 313-34 du CIBS, procède à un aménagement important pour les bénéficiaires de ce régime.

Ainsi, le a du II du présent article assouplit le régime fiscal des petits bouilleurs de cru particuliers en prévoyant, en lieu et place du tarif particulier égal à la moitié du tarif normal actuellement en vigueur soit 917,21 euros/hectolitre d'alcool pur contre 1 834,42 euros pour le tarif normal en 2023905(*), une exonération d'accise sur les alcools.

De surcroît, le b du II du présent article révise le plafond de l'avantage fiscal permis par ce régime, exprimé en volume de production, en augmentant ledit plafond à 50 litres d'alcool pur par bénéficiaire et par campagne de distillation906(*), contre 10 litres d'alcool pur actuellement.

En conséquence de l'institution de cette exonération générale d'accise pour l'ensemble des petits bouilleurs de cru particuliers, le 2° du II du présent article, qui abroge l'article L. 313-35 du CIBS, supprime l'exonération spéciale d'accise qui bénéficiait, dans la limite de 10 litres d'alcool pur, aux petits bouilleurs de cru particuliers ayant servi sous les drapeaux en tant que militaires pendant la campagne de distillation 1959-1960, soit pendant la guerre d'Algérie.

Enfin, et en application du 3° du III du présent article, qui exonère de la cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques (CSS) les produits exonérés de l'accise sur les alcools, l'exonération d'accise prévue pour les petits bouilleurs de cru particuliers se double d'une exonération de CSS (voir supra).

B. UNE RATIONALISATION DU RECOUVREMENT DES IMPOSITIONS RELATIVES AUX TRANSPORTS AÉRIEN ET MARITIME DE PASSAGERS

1. L'unification du recouvrement de la taxe sur le transport aérien de passagers par la DGAC avec le transfert des majorations en Corse et en outre-mer, qui s'accompagne de la suppression des frais d'assiette et de recouvrement spéciaux de 2,5 % qui s'appliquaient à la majoration en outre-mer

Le V du présent article, qui modifie le 1° de l'article L. 6431-6 du code des transports, supprime, s'agissant de la compétence de la DGAC pour le recouvrement de la taxe sur le transport aérien, la double exception relative aux majorations en Corse et en outre-mer.

En effet, les majorations en Corse et en outre-mer, prévues respectivement aux articles L. 422-29 et L. 422-30 du code des transports, étaient jusqu'alors respectivement recouvrées par la DGFiP et par la DGDDI.

Désormais, avec le transfert de ces deux majorations, l'ensemble du recouvrement de la taxe sur le transport aérien sera assuré par la DGAC.

Par voie de conséquence, c'est donc l'ensemble du recouvrement des taxes aéronautiques qui est confié à la DGAC. Centralisées dans un Guichet Fiscal Unique (GFU) situé à Aix-en-Provence, les missions de gestion et de recouvrement assurées par la DGAC ont suivi la refonte du régime des taxes aéronautiques au sein du CIBS, pour porter depuis le 1er janvier 2022 sur les trois taxes suivantes :

la taxe sur le transport aérien de passagers, pour les recettes résultant du tarif de l'aviation civile, du tarif de solidarité, du tarif de sûreté et de sécurité et du tarif de péréquation aéroportuaire (article L. 422-13 du CIBS) ;

la taxe sur le transport aérien de marchandises, pour les recettes résultant du tarif de l'aviation civile et du tarif de sûreté et de sécurité (article L. 422-41 du CIBS) ; et

la taxe sur les nuisances sonores aériennes (article L. 422-49 du CIBS).

Par cohérence, le 4° du II du présent article, qui abroge l'article L. 422-39 du CIBS907(*), supprime la dérogation aux règles générales relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux des impositions sur les biens et services908(*), qui prévoyait l'application en la matière des dispositions du code des douanes pour la majoration en outre-mer de la taxe sur le transport aérien.

De même, le 4° du I du présent article, qui abroge le 1° du VII de l'article 1647 du CGI909(*), supprime les frais d'assiette et de recouvrement spéciaux de 2,5 % des sommes recouvrées qui s'appliquaient à la majoration en outre-mer, laquelle est désormais soumise aux frais d'assiette et de recouvrement généraux de 0,5 % applicables au produit de la taxe sur le transport aérien de passagers910(*) (XVII de l'article 1647 du CGI).

Pour mémoire, ces frais d'assiette et de recouvrement prélevés par l'État représentent le corolaire de l'affectation du produit de la majoration en outre-mer (voir encadré ci-dessous).

L'affectation du produit de la majoration en outre-mer du transport aérien de passagers

En vertu du 6° de l'article L. 422-20 du CIBS, le produit de la majoration en outre-mer du transport aérien de passagers est affecté :

- pour 70 %, à la région du lieu d'embarquement des vols concernés (6° du a de l'article L. 4331-2 du code général des collectivités territoriales - CGCT) ; et

- pour 30 %, aux communes littorales érigées en stations classées de tourisme situées sur le territoire de la région du lieu d'embarquement (1° de l'article L. 2563-1- 1 du CGCT).

Source : commission des finances du Sénat

2. Le transfert à la DGFiP de la taxe sur le transport maritime de passagers à destination d'espaces naturels protégés et du droit de francisation et de navigation

Le 4° du II du présent article, qui abroge l'article L. 423-55 du CIBS911(*), transfère à la DGFiP le recouvrement de la taxe sur le transport maritime de passagers à destination d'espaces naturels protégés (TPM).

Est ainsi supprimée la dérogation aux règles générales fixées à l'article L. 180-1 du CIBS relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux des impositions sur les biens et services - notamment concernant les pouvoirs des personnes chargées du contrôle -, inscrite à l'article L. 423-55 du CIBS, qui prévoyait l'application pour la TPM des dispositions du code des douanes.

De même, le b du 1° du IV du présent article, qui complète par un nouvel alinéa le D du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022, soumet le recouvrement du droit de francisation et de navigation au régime applicable en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Ainsi, le c du 1° du IV du présent article, qui insère un D bis après le D du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022, dispose que les créances correspondantes seront recouvrées sur le fondement d'un titre de perception prévu à l'article L. 252 A du LPF, lequel pourra, le cas échéant, se substituer, pour l'avenir, à l'avis de mise en recouvrement précédemment émis par le comptable de la DGDDI.

Cette disposition relative aux modalités de recouvrement du droit de francisation et de navigation est également reprise par le ii du e du 1° du IV du présent article, qui insère un 1° bis au F du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022. De même, les iii et iv du e du 1° du IV du présent article procèdent à des coordinations rédactionnelles, en modifiant les 3° et 4° du F du IV de l'article 130 de la loi de finances pour 2022.

Enfin, le 4° du I du présent article, qui abroge le 3° du VII de l'article 1647 du CGI912(*), supprime les frais d'assiette et de recouvrement de 2,5 % des sommes recouvrées qui s'appliquaient à la TPM.

Interrogée par la commission des finances du Sénat, la direction de la législation fiscale (DLF) a indiqué que cette suppression des frais d'assiette et de recouvrement de la TPM était proposée au Parlement à l'occasion du transfert de son recouvrement à la DGFiP, nonobstant le maintien de l'affectation du produit de cette taxe à divers bénéficiaires (voir encadré ci-dessous).

Selon la DLF, de tels frais sont sources d'une complexité en gestion, qui apparaît disproportionnée au regard de ce qu'ils sont susceptibles de rapporter, étant eux-mêmes assis sur une taxe à faible rendement. D'après l'évaluation donnée par le tome 1 de l'annexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2024913(*), le produit annuel de la TPM représente en effet seulement 3,6 millions d'euros.

L'affectation du produit de la taxe sur le transport maritime de passagers à destination d'espaces naturels protégés (TPM)

En vertu de l'article L. 423-56 du CIBS, qui renvoie à l'article L. 321-12 du code de l'environnement, le produit de la TPM est affecté aux bénéficiaires suivants :

- les parcs nationaux, à hauteur de la fraction de TPM perçue, le cas échéant, sur les embarquements à destination du parc concerné (article L. 331-11 du code de l'environnement) ;

- les gestionnaires publics de réserves naturelles classées, à hauteur de la fraction de TPM perçue, le cas échéant, sur les embarquements à destination de la réserve concernée (article L. 332-8- 1 du code de l'environnement) ;

- les gestionnaires publics de sites naturels inscrits ou classés, à hauteur de la fraction de TPM perçue, le cas échéant, sur les embarquements à destination du site concerné (article L. 341-15-2 du code de l'environnement) ;

- le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, à hauteur de la fraction de TPM perçue sur les embarquements à destination des espaces relevant de sa compétence et pour la part ne relevant pas des trois cas d'affectation précités (article L. 322-15 du code de l'environnement) ; et

- les communes sur le territoire desquelles est situé l'espace naturel protégé, à hauteur de la fraction de TPM résiduelle (deuxième alinéa de l'article L. 321-12 du code de l'environnement).

Source : commission des finances du Sénat

C. UN RENOUVELLEMENT DE L'HABILITATION DU GOUVERNEMENT À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE POUR RECODIFIER LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA FISCALITÉ DES BIENS ET SERVICES

Le VII du présent article prévoit, conformément à l'article 38 de la Constitution, une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance visant à recodifier les dispositions relatives aux impositions sur les biens et services, afin de continuer l'intégration de ces dispositions dans le code des impositions sur les biens et services (CIBS), en vigueur depuis le 1er janvier 2022.

Plus précisément, le Gouvernement est autorisé à prendre, par voie d'ordonnance, « toutes mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte des règles relatives aux impositions frappant, directement ou indirectement, les produits, services ou transactions et aux impositions contrôlées ou recouvrées selon les mêmes procédures ainsi que des régimes relatifs à ces produits, services ou transactions », en vue de poursuivre, par la recodification au sein du CIBS914(*), trois ensembles d'objectifs :

- d'une part, harmoniser les conditions dans lesquelles ces impositions sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées, y compris en adaptant les dispositions relatives au fait générateur et à l'exigibilité de l'impôt ainsi qu'aux régimes relatifs aux produits, services ou transactions concernées (1° du VII du présent article) ;

- d'autre part, améliorer la lisibilité des dispositions concernées et des autres dispositions dont la modification serait rendue nécessaire, notamment en remédiant aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, en regroupant des dispositions de nature législative qui n'auraient pas été codifiées ou l'auraient été dans des codes différents, en réorganisant le plan et la rédaction de ces dispositions et en abrogeant les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet (2° du VII du présent article) ;

- enfin, assurer le respect de la hiérarchie des normes, harmoniser et simplifier la rédaction des textes, adapter les dispositions de droit interne au droit de l'Union européenne ainsi qu'aux accords internationaux ratifiés et adapter les renvois au pouvoir réglementaire à la nature et à l'objet des mesures d'application concernées (3° du VII du présent article).

Par ailleurs, le Gouvernement est également autorisé, dans un objectif d'amélioration de la lisibilité des dispositions concernées, à transférer dans d'autres codes et lois (i.e. tels que le CIBS) les dispositions du CGI, du LPF et du code des douanes suivantes :

- les dispositions relatives à des produits, services ou transactions qui ne sont soumis à aucune imposition particulière ;

- les dispositions relatives aux affectataires des impositions destinées à être recodifiées dans le CIBS et qui ne se rapportent pas directement à ces impositions (avant-dernier alinéa du VII du présent article).

Le dernier alinéa du VII du présent article fixe une durée d'habilitation de deux ans à compter de la publication de la loi de finances pour 2024 ; un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance est prévu pour le dépôt du projet de loi de ratification devant le Parlement.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, le présent article a été repris avec une modification légistique, issue d'un amendement rédactionnel visant à corriger une erreur de coordination juridique, déposé par le député Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale (modifiant le B du VIII du présent article).

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE POURSUITE DE L'UNIFICATION DU RECOUVREMENT QUI DOIT ÊTRE ENCOURAGÉE, UNE NOUVELLE HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE EXCÉDANT LA RECODIFICATION A DROIT CONSTANT QUI DOIT ÊTRE LIMITÉE DANS SA DURÉE

A. DES TRANSFERTS D'IMPOSITIONS ET DE COTISATIONS QUI SE JUSTIFIENT AU REGARD DES OBJECTIFS DE SIMPLIFICATION ET D'EFFICACITÉ DU RECOUVREMENT ET DE LA GESTION

1. L'unification du recouvrement des accises sur les tabacs et les alcools au profit de la DGFiP : un transfert conforme aux recommandations du rapport sur la réforme du recouvrement fiscal et social

Le transfert à la DGFiP du recouvrement et du contrôle des contributions indirectes frappant les alcools et les tabacs s'inscrit dans la suite directe des recommandations du rapport d'Alexandre Gardette, administrateur général des finances publiques, lequel envisageait expressément l'entrée en vigueur d'un tel transfert en 2024. De même, l'article 184 de la loi de finances pour 2020 avait notamment habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et visant au transfert des accises sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés au 1er janvier 2024.

S'agissant plus précisément du contrôle, le rapport précité préconisait le transfert des contrôles documentaires sur pièces (vérification des déclarations), mais non le transfert des contrôles physiques sur place, qui devaient donc demeurer de la compétence de la DGDDI. Les contrôles physiques des prélèvements devaient ainsi être maintenus pour l'essentiel à la DGDDI « tant pour leur programmation que pour leur réalisation et le traitement du contentieux (hormis, naturellement, celui lié au recouvrement) », « compte tenu des missions particulières de la Douane en matière de surveillance des flux économiques, de son expertise et de son organisation »915(*).

En l'espèce, comme pour la fiscalité sur les carburants, la DGDDI restera pleinement compétente pour le contrôle (physique ou sur pièces) et la gestion des six impositions sur les alcools et les tabacs concernées.

Ce nouveau cadre juridique est prévu, pour l'accise sur les alcools, par les articles L. 313-43 à L. 313-44-1 du CIBS, dans leur rédaction applicable au 1er janvier 2024 et telle qu'elle résulte de l'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 et, pour les autres impositions sur les alcools, du renvoi à ces dispositions introduit par le présent article.

Il en est de même pour les impositions frappant les tabacs, en se référant aux articles L. 314-35 à L. 314-36-1 du CIBS dans leur rédaction en vigueur à cette même date.

2. L'unification partielle du recouvrement des taxes applicables aux transports aérien et maritime : un transfert à la DGFiP limité au transport maritime et une centralisation accrue du recouvrement des taxes aéronautiques par la DGAC

De même que le transfert à la DGFiP du recouvrement de la TPM participe de l'unification du recouvrement par l'administration fiscale, le transfert à la DGAC des majorations en Corse et en outre-mer relatives à la taxe sur le transport aérien de passagers unifie le recouvrement de cette taxe et, partant, de l'ensemble des taxes aéronautiques par les services de l'aviation civile.

Ainsi que le note l'évaluation préalable du Gouvernement au sujet des taxes aéronautiques et de la TPM, le présent article permet de « finaliser l'unification de la gestion et du régime des procédures fiscales dans le secteur maritime et le secteur aérien en alignant les règles des deux majorations et de la taxe en cause sur les règles de droit commun propres à chacun de ces deux secteurs et déjà mises en oeuvre pour les taxes frappant les mêmes assiettes et/ou les mêmes redevables »916(*). De fait, l'unification du recouvrement des taxes aéronautiques par la DGAC, étendu aux majorations en Corse et en outre-mer actuellement recouvrées par la DGFiP et par la DGDDI, constitue une rationalisation utile.

Cependant, et contrairement à la présentation faite par le Gouvernement, cette unification partielle doit être considérée, non comme un aboutissement, mais bien comme une première étape en vue d'un transfert à la DGFiP à moyen terme. À cet égard, si la centralisation accrue du recouvrement des taxes aéronautiques par la DGAC se traduit dans l'immédiat par le transfert de la DGFiP à la DGAC de la majoration en Corse relative à la taxe sur le transport aérien de passagers, ce mouvement ne devrait pas empêcher à terme le transfert du recouvrement des taxes aéronautiques à la DGFiP.

La perspective d'un transfert à la DGFiP du recouvrement des taxes aéronautiques a été expressément envisagée par le rapport précité de juillet 2019. Si le rapport relevait qu'il n'y aurait « pas de réelle difficulté technique »917(*), en termes de solutions de paiement, à procéder à un transfert à la DGFiP, l'auteur notait cependant deux éléments susceptibles de s'opposer à une telle évolution :

- d'une part, un argument budgétaire, correspondant au coût du module de télépaiement développé pour la DGAC, dans la mesure où le transfert à la DGFiP du recouvrement des taxes aéronautiques se traduirait par l'abandon de ce module au profit de l'utilisation du module de télépaiement PayFip ;

- d'autre part, un argument de gestion des finances publiques, tiré de la spécificité d'un budget annexe tel que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », nécessitant selon le rapport une analyse complémentaire de la part de la Direction du Budget.

Au-delà de ces considérations budgétaires et financières, des éléments sectoriels avaient également été présentés par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour s'opposer à un transfert à la DGFiP : « outre la crainte d'une gestion fiscale moins intégrée, les particularités du secteur aérien (tissu fiscal considéré comme atypique) sont mises en avant, dans un contexte marqué par l'annonce récente d'une fiscalité aérienne alourdie »918(*).

De fait, ces différents arguments n'apparaissent pas rédhibitoires à un transfert à l'administration fiscale (i.e. la DGFiP) du recouvrement des taxes aéronautiques. S'agissant du coût du module de télépaiement développé pour la DGAC, celui-ci doit être considéré comme un coût irréversible et donc être exclu de l'analyse coût-bénéfice à porter sur le sujet. De même, l'objection relative aux particularités du secteur aérien peine à convaincre, celles du secteur maritime n'ayant pas par exemple empêché le Gouvernement de proposer, dans le présent article (voir supra), le transfert à la DGFiP du recouvrement de la TPM. Quant à l'affectation de ces taxes au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », celle-ci pourrait parfaitement être maintenue, le transfert du recouvrement à une administration plutôt qu'à telle autre étant en principe indépendant de la destination des sommes recouvrées.

À terme, l'unification du recouvrement fiscal par la DGFiP devrait donc pouvoir se poursuivre afin d'inclure les taxes aéronautiques.

B. L'EXONÉRATION D'ACCISE POUR L'ENSEMBLE DES PETITS BOUILLEURS DE CRU PARTICULIERS : UN CHOIX PRÉSENTÉ COMME UNE SIMPLIFICATION QUI NE S'IMPOSAIT PAS NÉCESSAIREMENT, UN RELÈVEMENT DU PLAFOND DE PRODUCTION ANNUELLE QUI INTERROGE AU REGARD DES OBJECTIFS DE SANTÉ PUBLIQUE

1. Un choix présenté comme une simplification dont la nécessité apparaît cependant peu évidente

Dans son exposé des motifs, le Gouvernement explique son choix d'aménager le régime fiscal des petits bouilleurs de cru particuliers par la volonté « d'éviter de complexifier les opérations de transfert et de faire peser sur les bouilleurs de cru particuliers des formalités déclaratives importantes »919(*).

Cette justification est détaillée dans l'évaluation préalable de l'article, qui indique qu' « afin de ne pas faire peser sur les bouilleurs de cru particuliers comme sur l'administration fiscale des contraintes déclaratives lourdes, en particulier au regard de la faiblesse des enjeux financiers et de santé publique associés, le présent article élargit l'application du régime fiscal favorable en prévoyant un seuil d'exonération d'accises à 50 litres d'alcool pur (contre un demi-tarif d'accise applicable jusqu'à 10 litres d'alcool pur actuellement). Cet aménagement est cohérent avec la finalité de limitation des charges administratives, à l'instar des dispositifs de franchises existant pour d'autres impôts (comme la TVA) »920(*).

Selon cette même évaluation préalable, le traitement des bouilleurs de cru particuliers, non soumis à l'obligation de détenir un numéro SIREN, nécessiterait de « lourds travaux d'adaptation » du circuit de déclaration et de recouvrement de l'accise, conçu pour les redevables professionnels. Ces travaux d'adaptation seraient ainsi « disproportionnés au regard des faibles recettes fiscales potentielles et du faible nombre de redevables concernés » (2,6 millions d'euros et 60 000 redevables).

De fait, l'extension de l'exonération d'accise sur les alcools, qui était auparavant réservée aux seuls bouilleurs de cru particuliers ayant servi sous les drapeaux en tant que militaires pendant la guerre d'Algérie, devrait se traduire par la suppression de certaines obligations déclaratives pour l'ensemble des bouilleurs de cru particuliers.

Ce faisant, la suppression du demi-tarif particulier, égal à 917,21 euros/hectolitre d'alcool pur en 2023 dans la limite annuelle de 10 litres, au profit d'une exonération dans la limite annuelle de 50 litres921(*), constituerait également un allègement fiscal significatif pour les bouilleurs de cru particuliers concernés.

Aussi, l'avantage fiscal qui serait ainsi accordé pourrait représenter, au maximum, un montant d'environ 800-900 euros par bénéficiaire et par an, dans le cas d'une production de 50 litres d'alcool pur.

Montant total de l'accise sur les alcools due par les bouilleurs
de cru particuliers en fonction du volume de production annuelle d'alcool pur, résultant du régime fiscal proposé par l'article 18 du PLF 2024

(en euros)

 

Régime fiscal existant

Régime fiscal proposé par l'article 18 du PLF 2024

10 litres d'alcool pur

91,72

0

50 litres d'alcool pur

825,49

0

100 litres d'alcool pur

(à titre de comparaison)

1 742,70

917,21

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction de la législation fiscale

Selon la direction de la législation fiscale, ce montant maximum aurait peu de chance d'être atteint, notamment car les conditions d'application du tarif réduit excluent toute vente et se limitent à une consommation privée. Ainsi, suivant les données mentionnées dans l'évaluation préalable (2,6 millions d'euros pour 60 000 bénéficiaires), l'impact moyen de l'assouplissement fiscal proposé serait de 43 euros par bénéficiaire et par an, sur la base des volumes actuels.

Néanmoins, et comme le Gouvernement l'admet lui-même dans son évaluation préalable, les bénéficiaires de ce régime de faveur resteront soumis à une obligation déclarative auprès de la DGDDI afin d'assurer le respect des conditions de l'exonération (propriété des matières premières, plafond de production en exonération, absence de vente).

Ainsi, l'objectif affiché de simplification administrative apparaît peu convaincant.

2. Un plafond de production annuelle fixé au niveau de la limite maximale posée par le droit européen pour l'application d'un régime de faveur pour les petits bouilleurs de cru particuliers

La directive (UE) 2020/1151 du Conseil du 29 juillet 2020 modifiant la directive 92/83/CEE du 19 octobre 1992922(*) a ouvert la possibilité d'un régime de faveur pour les petits bouilleurs de cru particuliers, distinct du régime des petites distilleries prévu aux paragraphes 1 à 7 de l'article 22 de la directive 92/83/CEE.

Ainsi, la directive (UE) 2020/1151 a ajouté un paragraphe 8 à l'article 22 de la directive 92/83/CEE, aux termes duquel les États membres peuvent appliquer une exonération de l'accise ou des taux d'accises réduits à l'alcool éthylique qui est consommé par un particulier, les membres de sa famille ou ses invités, à condition qu'il n'y ait pas de vente, et qui est :

produit par ledit particulier à partir de fruits qui lui appartiennent, cultivés et fournis par lui depuis une parcelle de terrain sur laquelle il est titulaire d'un droit, au moyen d'un appareil de distillation simple et de petite taille enregistré auprès de l'autorité compétente de l'État membre concerné ;

- ou produit pour ledit particulier dans des distilleries autorisées par l'autorité compétente de l'État membre concerné, à partir de fruits appartenant à ce particulier, cultivés et fournis par lui depuis une parcelle de terrain sur laquelle il est titulaire d'un droit.

Le même paragraphe précise que les États membres limitent l'application de l'exonération ou des taux réduits à un maximum de 50 litres d'alcool de fruits par an et par ménage de fruiticulteurs.

Ainsi, l'aménagement proposé par le Gouvernement, avec un plafond de production annuelle précisément fixé à 50 litres par bénéficiaire pour l'application de l'exonération d'accise concernant les petits bouilleurs de cru particuliers, représenterait un usage maximaliste de la possibilité offerte par le droit européen, qui peut interroger au regard des enjeux sanitaires et sociaux associés à cette mesure.

3. Des enjeux de santé publique voire de lutte contre la fraude fiscale qui ne doivent pas être sous-estimés

À l'inverse des impératifs de simplification administrative allégués par le Gouvernement, dont la motivation apparaît peu probante, les enjeux de santé publique associés sont étonnamment minimisés, en particulier s'agissant du relèvement du plafond de production annuelle par bénéficiaire, de 10 litres à 50 litres d'alcool pur.

Alors que cette multiplication par cinq du seuil maximal de production (et donc de consommation potentielle) par personne constitue une augmentation substantielle, aucune autorité ou organisation représentative dans le domaine de la santé publique n'a ainsi été consultée, à la différence des syndicats de bouilleurs de cru, à savoir la Fédération Nationale des Syndicats des Récoltants familiaux de fruits et Producteurs d'Eau de vie naturelle (FNSRPE)923(*).

Or, la consommation d'alcool constitue en France un fort enjeu de santé publique et fait partie des trois premières causes de mortalité évitable avec 41 000 décès en 2015924(*). Estimé à 118 milliards d'euros en 2010, le coût social de l'alcool se compose principalement de coûts liés à la mortalité (66 milliards d'euros) et à la morbidité (39 milliards d'euros) attribuables925(*). À cet égard, le plafond de production annuelle retenu pour les bénéficiaires du régime des petits bouilleurs de cru particuliers doit être mis en regard avec le volume global d'alcool pur consommé par personne et par an en France, égal à 11,7 litres par habitant de 15 ans et plus en 2017926(*).

Aussi, la limite maximale de 50 litres d'alcool pur par bénéficiaire et par an proposée par le Gouvernement pour l'application de l'exonération d'accise apparaît manifestement excessive et contraire aux objectifs de la politique de santé publique. Par ailleurs, et même si le contrôle des agents de la DGDDI apporte une garantie importante, on ne peut exclure que ce nouveau seuil de 50 litres d'alcool pur favorise un contournement de l'interdiction, faite aux bénéficiaires de ce régime fiscal de faveur, de vendre leur production à des tiers.

Dès lors, la commission des finances propose, par un amendement I-218 (FINC.61), de préciser que la limite maximale permettant de bénéficier du régime fiscal des petits bouilleurs de cru particuliers, fixée à 50 litres d'alcool pur par an, s'entend par ménage de fruiticulteurs.

C. UN RENOUVELLEMENT D'HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE QUI, EN DÉPIT DE SON CHAMP TRÈS LARGE ET COMPTE TENU DES TRAVAUX DÉJÀ RÉALISÉS ET DES OBJECTIFS DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE D'INTELLIGIBILITÉ ET D'ACCESSIBILITÉ DE LA LOI, APPELLE NON PAS UN REFUS MAIS UNE LIMITATION DE SA DURÉE

1. Un renouvellement d'habilitation à légiférer par ordonnance d'une durée longue de deux ans et dont le champ très large excède manifestement la recodification à droit constant

La nouvelle habilitation à légiférer par ordonnance pour une durée de deux ans sollicitée par le Gouvernement en matière d'impositions sur les biens et services recouvre un champ extrêmement large, qui dépasse la recodification à droit constant.

En effet, qu'il s'agisse d'harmoniser les conditions de liquidation, de recouvrement, de remboursement et de contrôle, de réorganiser le plan et la rédaction de dispositions, d'abroger des dispositions considérées comme obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet, ou encore d'adapter au droit de l'Union européenne ainsi qu'aux accords internationaux ratifiés et réviser les renvois au pouvoir réglementaire, la refonte des règles envisagée comporte à l'évidence la création de régimes juridiques nouveaux.

À cet égard, on ne peut oublier les conditions dans lesquelles le code des impositions sur les biens et services (CIBS) a été créé. C'est en effet à partir d'une habilitation très large que ce nouveau code a été institué par l'ordonnance du 22 décembre 2021, avec de nombreuses dispositions méconnaissant le principe de la recodification à droit constant.

Ce contournement de la compétence législative du Parlement a ainsi justifié la décision de la commission des finances du Sénat de s'opposer à la ratification de l'ordonnance précitée, finalement actée par la loi de finances pour 2023, adoptée en dernière lecture à l'Assemblée nationale après que le Gouvernement ait engagé sa responsabilité sur ce texte en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.

2. Compte tenu des travaux de recodification déjà réalisés et de l'importance des objectifs de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, le renouvellement d'habilitation demandé doit être accordé, mais sous la stricte réserve d'une vigilance accrue et d'une limitation de sa durée à un an

Alors que le CIBS est entré en vigueur le 1er janvier 2022 et que les travaux de codification se poursuivent, notamment avec l'examen des dispositions relatives à la TVA, il serait excessif voire tout simplement vain de vouloir s'opposer à l'achèvement de la refonte de l'ensemble des règles applicables aux contributions indirectes au sein d'un code unique, offrant une lisibilité et une sécurité juridique accrues.

Ces impératifs fondamentaux, en particulier pour les acteurs économiques, qui sont directement concernés par la fiscalité indirecte, ont été expressément reconnus par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, le Conseil a ainsi consacré un « objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi »927(*), lequel peut notamment justifier la codification de dispositions législatives, et a fortiori l'achèvement de cette codification.

Cependant, aux termes de cette même jurisprudence, la codification par ordonnance demeure subordonnée à un ensemble de conditions :

les dispositions législatives faisant l'objet de l'habilitation doivent être précisément définies, ainsi que les conditions dans lesquelles il sera procédé à leur adoption par voie d'ordonnance ;

- l'autorisation donnée au Gouvernement vise à la codification de dispositions législatives en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance ;

le Gouvernement ne saurait apporter de modifications de fond aux dispositions législatives existantes ;

les seules exceptions prévues à ce principe sont limitées dans leur portée et sont strictement définies par la loi d'habilitation ;

- la référence à la hiérarchie des normes impose au Gouvernement de respecter la suprématie du traité sur la loi, énoncée à l'article 55 de la Constitution, ainsi que la distinction entre matières législatives et matières réglementaires déterminées par ses articles 34 et 37 ;

- les modifications rendues nécessaires pour harmoniser l'état du droit doivent se borner à remédier aux incompatibilités pouvant apparaître entre des dispositions soumises à codification ;

la loi d'habilitation ne saurait permettre l'intervention d'ordonnances dans des domaines réservés par les articles 46, 47, 47-1, 74 et 77 de la Constitution à la loi organique, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale ;

l'applicabilité des dispositions codifiées à la Nouvelle-Calédonie, aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier ne pourra être décidée que dans les matières relevant de la compétence de l'État et moyennant les seules adaptations que justifie l'organisation particulière de ces collectivités.

C'est donc au regard de ces conditions, posées par le Conseil constitutionnel, que le champ de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement doit être apprécié.

Dans le cas présent, ces conditions sont a priori respectées, notamment en ce que :

- d'une part, les dispositions législatives concernées par la codification, à savoir les « règles relatives aux impositions frappant, directement ou indirectement, les produits, services ou transactions et aux impositions contrôlées ou recouvrées selon les mêmes procédures ainsi que [les] régimes relatifs à ces produits, services ou transactions », sont définies avec suffisamment de précision ;

- d'autre part, les conditions dans lesquelles la codification sera adoptée par voie d'ordonnance, avec un délai d'habilitation de deux ans et un délai supplémentaire de trois mois pour le dépôt du projet de loi de ratification, sont également clairement fixées ;

- enfin, les exceptions prévues au principe de la codification à droit constant sont limitées dans leur portée et strictement définies, avec trois motifs possibles : harmoniser les conditions dans lesquelles ces impositions sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées ; améliorer la lisibilité des dispositions concernées et des autres dispositions dont la modification serait rendue nécessaire ; assurer le respect de la hiérarchie des normes, harmoniser et simplifier la rédaction des textes (voir supra pour le détail des motifs invoqués par le Gouvernement).

Pour autant, si le renouvellement d'habilitation demandé par le Gouvernement doit être autorisé, le Parlement devra veiller, dans le cadre du suivi et de la ratification de la future ordonnance, au strict respect du champ de l'habilitation accordée, conformément à l'équilibre défini par la jurisprudence constitutionnelle. En effet, l'impératif d'accessibilité et d'intelligibilité attaché au travail de codification ne saurait conduire au renoncement progressif du Parlement à sa compétence législative, dans quelque domaine que ce soit, et plus particulièrement en matière fiscale, le principe du consentement à l'impôt étant au fondement des prérogatives parlementaires (article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789).

À cet égard, la durée de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement, de deux ans, apparaît excessivement longue. Afin d'assurer un contrôle effectif de la part du Parlement sur l'avancée du travail de codification, la commission des finances propose, par un amendement I-219 (FINC.62), de limiter la durée de l'habilitation ainsi conférée à un an.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 19

Mise en oeuvre du plan de lutte contre les fraudes

Le présent article comprend sept dispositifs visant principalement à améliorer la lutte contre la fraude. Il prévoit de :

- modifier les règles relatives à la liquidation de la TVA à l'importation et à la représentation fiscale des assujettis non établis en France ;

- étendre le mécanisme d'auto-liquidation de la TVA pour les transferts de certificats de garanties d'origine d'énergie produite à partir de sources renouvelables ;

- assujettir, sous conditions, une partie de l'activité de dropshipping à la TVA en France ;

- octroyer aux agents de la direction générale des finances publiques la possibilité de réaliser des enquêtes sous pseudonyme ;

- instaurer une injonction de mise en conformité fiscale pour accroître l'efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA en remédiant aux manquements commis par les prestataires de services électroniques établis hors de l'Union européenne ;

- instaurer une sanction administrative « générique » en cas de fraude aux aides publiques ;

- enfin, proroger et étendre l'expérimentation visant à permettre aux agents de l'administration fiscale et de la Douane de collecter et d'analyse les données publiées sur les plateformes en ligne.

L'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale suppose une adaptation permanente du dispositif législatif et règlementaire pour répondre aux schémas toujours plus complexes et innovants utilisés par les contribuables et les entités les moins soucieuses de leurs obligations fiscales. Pour autant, les outils mis en place ne doivent pas conduire à fragiliser les droits garantis à chacun, en particulier dans le cadre de la pénalisation croissante de la lutte contre la fraude, qui suppose des garanties spécifiques. C'est au prisme de cet équilibre, parfois difficile à tenir, que la commission a évalué les dispositifs proposés dans le présent article et a adopté les quatre amendements n° I-220 (FINC.63), I-301 (FINC.64), I-221 (FINC.65) et I-222 (FINC.66).

Elle doit toutefois noter que la volonté de regrouper dans un même article plusieurs dispositions très différentes les unes des autres nuits considérablement à la lisibilité des dispositifs proposés.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

L'amélioration de l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, dans ses deux dimensions de dissuasion et de répression, est une préoccupation constante du Parlement. En 10 ans, trois textes d'envergure ont permis de consolider et de compléter l'arsenal législatif mis en place par la France pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales :

- la loi du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière928(*) a aggravé les peines en cas de fraude fiscale et renforcé les pouvoirs de l'administration fiscale et des douanes (droit d'accès aux informations, droit de copie de documents, etc.). La loi organique du 6 décembre 2013929(*) a quant à elle créé le parquet national financier (PNF), à compétence nationale. La création du PNF a marqué le début de la pénalisation croissante de la lutte contre la fraude fiscale, logique au coeur de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude ;

la loi du 9 décembre 2016930(*), dite loi dite « Sapin 2 », comportait un important volet de dispositions relatives à la lutte contre la fraude fiscale, que ce soit l'introduction d'une procédure de transaction pénale pour les personnes morales ou la création d'un registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales ;

la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude931(*) a renforcé les prérogatives de l'administration fiscale et les dispositifs de lutte contre la fraude : extension des conventions judiciaires d'intérêt public à la fraude fiscale, suppression du « verrou de Bercy », responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA, déclaration automatique par les plateformes en ligne des revenus perçus par leurs utilisateurs, renforcement des sanctions à l'encontre des intermédiaires, création d'une nouvelle police fiscale, extension du dispositif des « aviseurs fiscaux ».

Afin d'être pleinement efficace, le dispositif législatif et règlementaire mis en place pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscales doit être en mesure de s'adapter rapidement et d'intégrer des moyens de contrôle sans cesse plus novateurs, pour répondre aux schémas toujours plus complexes et innovants utilisés par les contribuables et les entités les moins soucieuses de leurs obligations fiscales.

Pour autant, et comme il l'avait rappelé dans le cadre de la mission d'information de la commission des finances dont il était le rapporteur932(*), le rapporteur général souligne que les instruments mis en place et les textes adoptés à cet effet ne doivent pas fragiliser les droits garantis à chacun, en particulier dans le contexte d'une pénalisation croissante de la lutte contre la fraude fiscale et de l'extension des moyens à disposition de l'administration fiscale pour déceler et réprimer ces comportements.

C'est au prisme de cet équilibre, parfois difficile à tenir, que la commission a évalué les dispositifs proposés dans le présent article, au nombre de sept et présentés successivement. Elle doit toutefois noter que la volonté de regrouper dans un même article plusieurs dispositions du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques933(*), présenté par le Gouvernement au mois de mai 2023, conduit à un article peu lisible et incohérent, d'autant que seules deux mesures annoncées dans le cadre de ce plan sont reprises au présent article et que trois autres font l'objet d'articles distincts (articles 20, 21 et 22).

I. DE NOUVELLES PRÉCISIONS APPORTÉES AUX RÈGLES RELATIVES À LA LIQUIDATION DE LA TVA À L'IMPORTATION ET À LA REPRÉSENTATION FISCALE

A. LE DROIT EXISTANT : L'AUTO-LIQUIDATION DE LA TVA À L'IMPORTATION AUPRÈS DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ET L'OBLIGATION DE DÉSIGNER UN REPRÉSENTANT FISCAL POUR LES ASSUJETTIS DE PAYS TIERS

Les importations de biens en France sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la taxe devenant exigible au moment où le bien est considéré comme importé.

Sont considérées comme des importations de biens :

- l'entrée en France d'un bien originaire ou en provenance d'un État ou d'un territoire tiers à l'Union européenne934(*) et qui n'a pas été mis en libre pratique935(*) ;

- la mise à la consommation en France d'un bien placé lors de son entrée sur le territoire sous l'un des régime suivants, prévus par le code des douanes de l'Union européenne (CDU) : conduite et mise en douane, magasins et aires de dépôt temporaire, zone franche, entrepôt franc, entrepôt d'importation, perfectionnement actif, admission temporaire en exonération totale des droits à l'importation, transit externe ;

- l'entrée en France d'un bien originaire ou en provenance des départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de Mayotte, de Martinique et de La Réunion.

1. Une simplification des modalités de recouvrement de la TVA à l'importation depuis le 1er janvier 2022

a) Des modalités de recouvrement complexes avant le 1er janvier 2022

Avec l'objectif de simplifier les modalités de recouvrement de la TVA sur les importations, particulièrement complexes, l'article 181 de la loi de finances pour 2020936(*) a conduit, depuis le 1er janvier 2022, à généraliser la procédure de paiement-déduction simultanés de la TVA - ou auto-liquidation - à l'ensemble des assujettis à la TVA à l'importation.

Jusqu'à l'entrée en vigueur de cette réforme, les assujettis redevables de la TVA sur leurs importations devaient faire constater la base imposable à la TVA et s'acquitter de la taxe auprès de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Ils devaient en revanche faire valoir auprès de leur service d'impôts des entreprises, service de la direction générale des finances publiques (DGFiP), leurs droits à déduction, soit par voie de remboursement, soit par voie d'imputation de la TVA due sur d'autres opérations.

En pratique, les entreprises importatrices déléguaient la gestion de leurs obligations auprès de la DGDDI à des transitaires en douane, une profession règlementée chargée de régler les formalités administratives et de s'acquitter de la TVA pour le compte des entreprises. Aux termes de l'article 293 A du code général des impôts (CGI), les transitaires en douanes étaient solidairement redevables de la TVA en cas de défaut de l'entreprise qu'ils représentaient.

Autre difficulté, l'expression utilisée au sein de l'article 293 A du CGI pour désigner le redevable de la TVA à l'importation, à savoir « le destinataire réel des biens imposés », était imprécise juridiquement et ne permettait pas de garantir que le redevable de la TVA due au titre de l'importation était bien l'assujetti en mesure de la déduire.

En réponse à ce cadre complexe, diverses mesures avaient été prises pour simplifier le recouvrement de la TVA à l'importation, à travers, par exemple, le « régime d'achats en franchise » et le « régime 42 », qui permettaient d'obtenir des exonérations de TVA lorsque les marchandises importées depuis un pays tiers étaient destinées à être transportées dans un autre État membre. La commission des finances du Sénat et la Cour des comptes européenne avaient à plusieurs reprises alerté sur les risques de fraude liés à l'utilisation de ces régimes.

b) La généralisation de l'auto-liquidation de la TVA

Dès 2015, un guichet « unique » avait été mis en place auprès de la DGFiP pour l'acquittement et la déduction de la TVA sur les importations, sous réserve des encadrements prévus à l'article 1695 du CGI. Cette faculté était initialement réservée aux entreprises titulaires d'un agrément à la procédure de dédouanement unique et concernait donc majoritairement les grandes entreprises. Elle avait été élargie en 2017 aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et petites et moyennes entreprises (PME) importatrices satisfaisant quatre critères :

- la réalisation d'au moins quatre importations au sein du territoire de l'Union européenne au cours des douze derniers mois ;

- la mise à disposition d'un système de gestion des écritures douanières et fiscales permettant le suivi des opérations d'importation ;

- la possibilité de justifier de l'absence d'infractions graves ou répétées aux dispositions douanières et fiscales ;

- la possibilité de justifier de leur solvabilité financière.

La loi de finances pour 2020 a permis de franchir une étape supplémentaire en généralisant la procédure d'auto-liquidation pour les importations au 1er janvier 2022. Ainsi, si la constatation de la base imposable relève toujours de la DGDDI, avec la transmission des justificatifs requis, il revient à la DGDDI de transmettre ces informations à la DGFiP pour que cette dernière mette en oeuvre la procédure de paiement-déduction simultanés. La déclaration à la DGFiP de la TVA due sur les importations donne lieu à l'exigibilité et à l'acquittement de cette taxe, dans les conditions de droit commun prévues à l'article 287 du CGI. De fait, la déduction peut désormais être demandée soit par le biais d'un remboursement, soit par l'imputation sur de la TVA due ultérieurement, sur une autre opération.

Cette réforme a conduit à imposer aux assujettis concernés qu'ils s'identifient à la TVA auprès de la DGFiP, dans les termes prévus à l'article 286 ter du CGI, par le biais d'un numéro de TVA intracommunautaire. Par coordination, l'article 286 ter A du CGI a été modifié afin de prévoir explicitement que sont exclues de ces obligations déclaratives les opérations non-imposables à la TVA.

La réforme de l'auto-liquidation de la TVA s'est également accompagnée d'une clarification juridique pour sécuriser l'identification de l'assujetti redevable de la TVA à l'importation. L'article 293 A du CGI, qui dispose qu'à l'importation, le fait générateur se produit et la taxe devient éligible au moment où le bien est considéré comme importé, distingue, depuis le 1er janvier 2022, trois situations :

lorsque le bien fait l'objet d'une livraison située en France ou d'une vente à distance de biens importés, expédiés ou transportés dans un autre État membre, le redevable est celui qui réalise cette livraison ;

lorsque le bien importé fait l'objet d'une vente à distance ne relevant pas des précédentes opérations, c'est-à-dire depuis un pays tiers, et qu'un assujetti facilite cette livraison par l'utilisation d'une interface électronique, telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, le redevable est cet assujetti « facilitateur »937(*). L'article 293 A quater du CGI laisse toutefois la possibilité pour le vendeur de choisir d'être le redevable ;

dans tous les autres cas, le redevable est le destinataire des biens indiqué sur la déclaration d'importation, soit effectivement la personne en mesure de déduire la TVA, sauf si le vendeur a décidé de recourir à l'option prévue par l'article 293 A quater du CGI.

La généralisation de l'auto-liquidation de la TVA a été mise en oeuvre en parallèle des modifications apportées aux règles de recouvrement de la TVA pour les opérations de ventes à distance de biens importés facilités par une plateforme de e-commerce, dans le cadre de la transposition938(*) de la directive relative au régime de TVA du commerce électronique939(*). Dans ce cadre, un guichet unique a été prévu au niveau européen.

Le guichet unique de déclaration de la TVA à l'importation (IOSS)

Le guichet unique à l'importation (guichet IOSS) a été instauré par l'article 147 loi de finances initiale pour 2020, dans le cadre de la transposition de la directive du 5 décembre 2017940(*), issue du paquet TVA « e-commerce ».

Il s'agit d'un dispositif optionnel permettant aux fournisseurs et aux interfaces électroniques vendant des biens importés à des acquéreurs situés dans le territoire de l'Union européenne de collecter, déclarer et payer la TVA aux autorités fiscales, au lieu de faire peser la responsabilité du paiement de la TVA sur l'acquéreur au moment où les biens sont importés dans le territoire de l'UE comme c'était le cas précédemment.

Ce guichet IOSS ne concerne que les ventes de biens en provenance de pays tiers dans des envois d'une valeur inférieure ou égale à 150 euros localisées dans l'UE, à destination de personnes non assujetties dans l'UE.

Source : commission des finances

2. Des obligations renforcées pour les représentants fiscaux

a) Un cadre strict pour les représentants fiscaux « de plein droit »

Pour faciliter les démarches des entreprises assujetties à la TVA sur certaines de leurs opérations mais non établies dans l'Union européenne, l'article 21 de la directive 77/388/CE du 17 mai 1977941(*) a introduit la possibilité pour les États membres de faire recouvrer la TVA par un représentant fiscal et de rendre celui-ci solidairement responsable de son paiement.

L'article 289 A du CGI exige ainsi que toute entreprise non établie dans l'Union européenne désigne un représentant fiscal si elle est redevable de la TVA en France ou si elle doit s'y acquitter de formalités déclaratives. En sont toutefois dispensés les assujettis établis dans un pays tiers à l'Union européenne mais avec lequel il existe un instrument juridique d'assistance mutuelle ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du 16 mars 2010 relative au recouvrement des créances de désignation de représentant fiscal942(*).

Le représentant s'engage à remplir les formalités incombant à l'assujetti et, en cas d'opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place. Le représentant est solidairement responsable de l'assujetti. Pendant de nombreuses années, le seul critère légal de désignation du représentant légal imposait que ce dernier soit lui-même établi et assujetti à la TVA à la France. L'administration fiscale y avait adjoint dans sa doctrine un critère de « moralité fiscale », appréciée à la fois au moment de la demande d'accréditation, en fonction de la ponctualité dont le représentant avait fait preuve dans le respect de ses obligations déclaratives et pour le paiement de l'impôt, mais également après la délivrance de l'accréditation, où cette moralité fiscale était appréciée au regard du respect des obligations pour son compte et en qualité de représentant.

L'article 116 de la loi de finances pour 2022943(*) a élevé au niveau législatif le critère de moralité financière. Aux termes de l'article 289 A du CGI ainsi complété, le représentant fiscal :

ne doit pas avoir commis, ainsi que son ou ses dirigeants lorsqu'il s'agit d'une personne morale, d'infractions graves ou répétées aux dispositions fiscales ;

- ne peut avoir fait l'objet de sanctions suite à une insuffisance d'actifs dans le cadre d'une liquidation judiciaire, d'une faillite personnelle au cours des trois années qui précédent ;

doit disposer d'une organisation administrative et de moyens humains et matériels lui permettant d'assurer sa mission de représentation ;

- doit disposer d'une solvabilité financière en relation avec ses obligations de représentant ou d'une garantie financière à hauteur d'un quart des sommes nées de ces obligations. Toutefois, lorsque ces sommes ne peuvent être déterminées pour une personne représentée, le représentant doit disposer d'une garantie financière égale à un niveau fixé par arrêté du ministre chargé du budget, à savoir 10 000 euros944(*). Pour les accréditations délivrées avant le 1er janvier 2022, cette condition entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024.

Le non-respect de l'un de ces critères a un effet suspensif : l'accréditation peut être retirée à tout représentant cessant de remplir ces conditions ou ne respectant plus ses obligations déclaratives et de paiement des taxes qui lui incombent pour le compte des personnes qu'il représente ou pour son propre compte.

Le renforcement des obligations imposées aux représentants fiscaux avait été salué par la commission. Il s'inscrivait à la suite des conclusions sévères de l'inspection générale des finances (IGF)945(*), qui avait souligné l'absence d'uniformité du dispositif de représentation fiscale au sein de l'Union européenne, notamment en matière de garantie financière.

Or, la solvabilité financière est un aspect majeur pour la lutte contre la fraude à la TVA, pour en limiter les effets financiers. Certains représentants fiscaux représentaient en effet des milliers de vendeurs établis dans des pays tiers, sans pour autant disposer de l'organisation administrative ou des ressources suffisantes pour exercer leurs missions, alimentant de fait les doutes sur leur capacité à répondre à leurs obligations fiscales. La mise en place du critère de moralité financière, et plus encore de la garantie financière préalable à l'accréditation, avait donc été considérée par la commission comme indispensable à la lutte contre la fraude à la TVA.

b) Des obligations assouplies pour certaines entreprises

Pour les entreprises qui ne réalisent que des importations ou des opérations de transit en France, les exigences ont été assouplies.

Si les entreprises ne sont pas établies dans l'Union européenne, elles peuvent, aux termes du III de l'article 289 A du CGI, désigner plusieurs représentants fiscaux, sans en avoir un de plein droit. Dénommés « représentants ponctuels », ils sont soumis aux mêmes obligations que les représentants fiscaux de plein droit, sous deux réserves. D'une part, ils disposent d'un numéro d'identification unique pour l'ensemble des entreprises qu'ils représentent et non pour chacune d'entre elles. D'autre part, leurs obligations déclaratives sont allégées, elles ne sont pas mensuelles mais reposent sur les états récapitulatifs trimestriels.

Si les entreprises sont établies dans l'Union européenne, l'entreprise peut recourir à un mandataire ponctuel, en application d'une tolérance administrative. Il remplit les mêmes fonctions et dispose des mêmes facilités que le représentant ponctuel sauf qu'il n'est pas accrédité par l'administration. De fait, les critères de moralité fiscale ne s'appliquent pas au mandataire.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PRÉCISER LES OBLIGATIONS DES ENTREPRISES, POUR LEURS OBLIGATIONS DÉCLARATIVES COMME POUR LE PAIEMENT DE LA TVA

1. La modification de la répartition des compétences entre la DGDDI et la DGFiP pour l'auto-liquidation de la TVA

Pour mémoire, aux termes de l'article 286 du code général des impôts (CGI), tout assujetti redevable de la TVA à l'importation ainsi que tout assujetti effectuant des livraisons de biens ou des prestations de services qui leur ouvrent le droit à déduction de la TVA est obligé de s'identifier par le biais d'un numéro individuel. Il effectue ensuite ses obligations déclaratives auprès de la DGFiP.

Conséquemment, l'article 286 ter A du CGI dresse la liste des personnes dispensées de cette obligation. Le C du I du présent article le modifie afin d'ajouter à cette liste :

les assujettis qui effectuent exclusivement des importations de biens mis en libre pratique ou placés en admission temporaire en exonération partielle de droits sur la base d'une déclaration verbale en application des articles 135 ou 136 du règlement délégué du 28 juillet 2015 relatif au code des douanes de l'Union946(*) (nouveau 6° de l'article 286 ter A). Il s'agit par exemple des marchandises dépourvues de tout caractère commercial, les produits agricoles sous conditions, les effets personnels et marchandises à utiliser à des fins sportives, certains matériels médicaux ou d'urgence ;

- les assujettis qui effectuent exclusivement des importations de biens destinés à être utilisés ou cédés à titre gratuit dans le cadre de foires, d'expositions et de manifestation similaires (nouveau 7° du même article) ;

- les assujettis qui effectuent exclusivement des importations pour lesquelles la TVA est intégralement déductible, et lorsqu'un mandataire a été désigné dans les conditions du nouvel article 289 A bis du CGI, créé par le présent article (nouveau 8° de l'article 286 ter A).

Aux termes du VI du présent article, ces dispositions entreraient en vigueur le 1er janvier 2025.

Par coordination, le 1° du H du I du présent article modifie l'article 1695 du CGI afin de prévoir que, pour les opérations mentionnées aux 6° et 7° de l'article 286 ter A, lorsque le redevable est un assujetti qui n'est pas tenu d'être identifié, la TVA est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les droits de douane. Pour ces opérations donc, la TVA est recouvrée par la DGDDI, et non plus par la DGFiP. En revanche, le 2° du H du I abroge le 3 de l'article 1695 du CGI, ce qui a pour conséquence de soumettre le recouvrement et l'acquittement de la TVA sur les opérations de transport entre la France et les territoires situés en dehors du territoire communautaire et listés par décret aux conditions de droit commun, auprès de la DGFiP et non plus de la DGDDI.

2. La légalisation de la désignation d'un mandataire pour l'accomplissement des formalités de TVA

Le D du I du présent article modifie les dispositions de l'article 289 A du CGI relatif à la désignation des représentants fiscaux pour la déclaration et le paiement de la TVA à l'importation.

Le 1 du D du I abroge tout d'abord les II et III de l'article 289 A du CGI, qui, d'une part, prévoient que les prestataires non établis dans l'Union européenne sont tenus de désigner un représentant assujetti établi en France, qui doit réaliser les opérations afférentes à l'opération en cause et acquitter la TVA, et qui, d'autre part, permettent aux personnes non établies dans l'Union européenne et réalisant exclusivement des opérations pour lesquelles elles sont dispensées du paiement de TVA, de nommer si elles le souhaitent un représentant en France. Le 2 du D procède ensuite à une simple coordination au sein dudit article 289 A.

En contrepartie, le E du I du présent article complète la section VII du chapitre Ier du titre II de la première partie du livre Ier du CGI, relative aux obligations des redevables de la TVA, par un nouvel article 289 A bis. Il dispose ainsi que, par dérogation aux dispositions du I de l'article 289 A, qui oblige toutes les personnes non établies dans l'Union européenne et devant accomplir des obligations déclaratives à désigner un représentant fiscal chargé de ces obligations et de l'acquittement de la taxe, l'assujetti qui n'est ni établi ni identifié en France peut désigner un ou plusieurs mandataires.

Cette possibilité ne serait ouverte, aux termes du I du nouvel article 289 A bis du CGI, que lorsque les seules opérations soumises à la TVA que l'assujetti réaliserait en France seraient des importations pour lesquelles l'intégralité de la TVA est déductible ou des opérations, déterminées par décret, portant sur des biens dans le cadre des échanges avec les territoires tiers et faisant l'objet d'une exonération ouvrant droit à déduction, d'une dispense de paiement ou d'une suspension de l'exigibilité.

Les compétences de ces mandataires seraient similaires à celles du représentant fiscal puisqu'ils devraient, au nom et pour le compte de l'assujetti, remplir les obligations de déclaration, de paiement, de déduction, de remboursement de la TVA ainsi que la tenue de registre ou d'état qui lui incombent (III du nouvel article 289 A bis du CGI). Ils seraient, comme le sont les représentants fiscaux, solidairement tenus au paiement de toute taxe afférente aux biens faisant l'objet du mandat ou aux biens du mandat qui lui ont été confiés, ce qui incluent aussi les intérêts de retard, les majorations et les amendes fiscales correspondantes.

Le mandataire devrait satisfaire plusieurs conditions, prévues au II du nouvel article 289 A bis :

- il devrait être établi et identifié à la TVA en France depuis un an et identifié en tant que mandataire par le service des impôts dont il relève ;

- ni le mandataire, ni le dirigeant, s'il s'agit d'une personne morale, ne devraient avoir commis d'infractions graves ou répétées aux dispositions fiscales ni avoir vu leur responsabilité être engagée pour insuffisance d'actif, ni avoir été déclarés en faillite personnelle dans les trois dernières années. Le mandataire devrait au contraire avoir souscrit pendant une année au moins des déclarations mensuelles ou trimestrielles de TVA en son nom et pour son compte ;

- il disposerait d'un mandat écrit de la personne qui l'a désigné, ce mandat précisant à la fois la période d'application de l'accord et les conditions dans lesquelles le mandant confie en France des biens à son mandataire ;

- les biens sur lesquels portent les opérations devraient être confiés aux mandataires en France, dans le cadre d'un contrat de vente en consignation, d'ouvraison, de montage, de façon, de location ou d'entreposage ou d'un contrat assurant le transit des biens à destination d'un autre territoire que la France.

Les importations faisant l'objet d'un mandat et le mandataire devront être identifiés en tant que tels lors de l'importation, c'est-à-dire sur la déclaration d'importation, au sens de l'article 293 A du CGI. De même, les opérations faisant l'objet d'un mandat devront être déclarées par le mandataire distinctement de ses propres opérations.

Un décret devrait enfin venir définir et déterminer les modalités et conditions d'identification du mandataire, les modalités de déclaration des opérations ainsi que les modalités selon lesquelles le mandataire tient un registre dédié aux opérations faisant l'objet d'un mandat.

Le B du II du présent article procède à une coordination à l'article L10 BA du LPF.

Aux termes du VI du présent article, ces dispositions entreraient en vigueur le 1er janvier 2025.

3. De nouvelles règles de compensation pour le paiement de la TVA

Aux termes de l'article L80 du LPF, l'administration fiscale peut effectuer toutes les compensations entre l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, la contribution annuelle sur les revenus locatifs, la taxe d'apprentissage, la taxe sur les salaires et la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction, établis au titre d'une même année. Des compensations peuvent également être prévues pour ce qui concerne les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière ou encore les droits de timbre perçus au profit de l'État.

Le 3 du II du présent article crée un nouvel article L80-0 A au sein du LPF afin de prévoir un mécanisme similaire de compensation pour la TVA, mais entre les montants acquittés auprès de la DGDDI et les montants acquittés auprès de la DGFiP.

Ainsi, tout montant déclaré et acquitté auprès de la DGDDI au titre de la TVA à laquelle est soumise une importation, et qui n'a pas été déduit par le redevable, ferait l'objet d'une compensation avec les montants qui auraient dû être déclarés auprès de la DGFiP, si ces montants relèvent de l'une des deux catégories suivantes :

- supplément de TVA à laquelle est soumise l'importation, sauf lorsque cette dernière intervient dans le cadre d'une vente à distance de biens importés ;

supplément de TVA à laquelle est soumise une vente à distance de biens importés, lorsque l'importation intervient dans le cadre d'une vente à distance.

Cette compensation s'effectuerait sans préjudice des intérêts de retard et des pénalités applicables au titre du manquement déclaratif constaté. Elle vise plus particulièrement les opérations réalisées dans le cadre du commerce électronique et elle doit permettre à la DGFiP de pouvoir réclamer la TVA à la personne qui en est redevable, déduction faite des montants déjà acquittés auprès de la DGDDI.

Ce mécanisme s'appliquerait même dans le cas où « le redevable de la TVA à laquelle est soumise l'importation n'est pas la personne pour le compte de laquelle la TVA a été déclarée et acquittée auprès de la DGDDI. Dans ce cas, la personne assujettie concernée est réputée avoir acquitté la TVA au nom et pour le compte du redevable ». Concrètement, cela signifie qu'il serait possible de compenser la TVA due par une personne par la TVA déjà acquittée par une autre personne pour ce même bien. Cette disposition a été ajoutée dans le cadre du dropshipping (cf. infra, III.).

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION 

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, huit amendements rédactionnels déposés par le rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, ont été retenus sur les dispositions concernant la TVA à l'importation.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : DES AJUSTEMENTS DE NATURE À PRÉCISER LES DÉMARCHES DE DÉCLARATION DE TVA À L'IMPORTATION

La commission relève tout d'abord que les mesures prévues au présent article concernant la TVA à l'importation n'ont qu'un lien modéré avec la lutte contre la fraude fiscale. Elles visent à procéder à des ajustements pour simplifier les démarches des entreprises et faciliter la gestion du recouvrement de la TVA.

À cet égard, la modification des règles de répartition entre la DGFiP et la DGDDI concernant la déclaration et l'acquittement de la TVA n'appelle pas de commentaire particulier. Elle doit permettre de tenir compte des spécificités des secteurs concernés - prestations de transport international et biens importés destinés à être utilisés dans les foires et salons - avec des formalités déclaratives à effectuer respectivement auprès de la Douane et de l'administration fiscale qui ne se justifient plus. Pour les premiers la TVA serait désormais déclarée et acquittée auprès de la DGFiP, pour les seconds, auprès de la DGDDI.

Il en va de même pour l'instauration du mécanisme de compensation de la TVA, qui constitue avant tout une mesure visant à accroître l'efficacité du recouvrement de la TVA à l'importation par la DGFiP. L'évaluation préalable du présent article donne l'exemple des déclarations à la TVA à l'importation par les assujettis dans le cadre du commerce électronique : de nombreux assujettis continuent de s'acquitter irrégulièrement de la TVA auprès de la DGDDI et doivent ensuite engager une procédure de rectification. La TVA doit alors être remboursée puis de nouveau déclarée, auprès de la DGFiP cette fois-ci, et potentiellement déduite. Ce schéma peut être source de fraude mais surtout d'erreurs, de délais dans le recouvrement et de complexité, surtout si la TVA a été acquittée par une personne qui n'en est pas le redevable légal, ce qui est possible au regard des règles en vigueur.

La même logique de simplification et d'amélioration du recouvrement est poursuivie par l'institutionnalisation du statut de mandataire, chargé d'accomplir au nom d'un assujetti non établi en France et pour son compte les obligations déclaratives et de paiement de la TVA. La désignation d'un représentant fiscal ne permettait pas de répondre aux difficultés parfois rencontrées par ces entreprises pour la déduction de TVA et l'instauration, dans la loi, du statut de mandataire permet également de réunir sous un même formalisme les représentants ponctuels et les mandataires, jusqu'ici fruits d'une tolérance administrative.

La commission est donc favorable au dispositif proposé.

II. L'EXTENSION DU MÉCANISME D'AUTO-LIQUIDATION DE LA TVA POUR LES OPÉRATIONS DE CESSIONS DE GARANTIES D'ORIGINE ET DE PRODUCTION PRÉVUES DANS LE CODE DE L'ÉNERGIE

A. LE DROIT EXISTANT : L'AUTO-LIQUIDATION DE LA TVA POUR CERTAINES CATÉGORIES DE CERTIFICATS DE GARANTIE EN MATIÈRE D'ÉNERGIE

1. L'acquisition par les producteurs d'énergie de certificats matérialisant le respect de leurs obligations

Les garanties d'origine sont des documents électroniques qui servent à prouver au client final qu'une part ou qu'une quantité déterminée d'énergie a été produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération947(*).

Il en existe pour l'électricité (article L. 311-20 du code de l'énergie), pour le gaz renouvelable injecté dans le réseau de gaz naturel (article L. 445-3 du même code) ainsi que pour le biogaz depuis la loi « Climat et résilience »948(*) (article L. 446 18 du même code).

Les certificats d'origine sont délivrés par un seul organisme, nommé par le ministère chargé de la transition écologique et également chargé de tenir à jour un registre électronique des garanties d'origine. Il s'agit d'European Energy Exchange (EEX), dont le marché a été renouvelé au mois de septembre 2023 pour une durée de cinq ans. Ces garanties d'origine sont donc cessibles et négociables.

Les garanties d'origine provenant d'autres États membres de l'Union européenne et délivrées conformément aux dispositions de la directive 2018/2001 du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables949(*) sont reconnues et traitées par EEX comme s'il s'agissait de garantie d'origine liée à une unité de production située sur le territoire national, qu'il s'agisse d'électricité (article L. 311-22 du code de l'énergie), de gaz naturel (article L. 445-15 du même code) ou de biogaz (article L. 446-22-1 du même code). Il y a donc une logique de reconnaissance mutuelle de ces garanties au sein de l'Union européenne.

La même tolérance est octroyée aux garanties d'origine d'hydrogène renouvelable (article L. 824-1 du code de l'énergie) mais il ne s'agit que d'une possibilité pour les garanties d'hydrogène bas-carbone, encadrée par des conditions fixées par voie règlementaire (article L. 824-2 du code de l'énergie), qui n'ont pas encore été publiées.

2. L'instauration en 2020 d'un mécanisme d'auto-liquidation des certificats de garanties de capacité pour limiter les risques de fraude fiscale

Instaurés par l'article L. 335-3 du code de l'énergie, les certificats de garanties de capacité ont pour objectif de garantir durablement la sécurité d'approvisionnement de l'électricité en France. Chaque fournisseur doit disposer d'un montant de garanties de capacité lui permettant de couvrir la consommation électrique de ses clients pendant les périodes de forte consommation950(*). Les certificats sont acquis auprès des producteurs et des opérateurs d'effacement951(*).

Quant au dispositif de certificats de production de biogaz, prévu à l'article L. 446-31 du code de l'énergie, il vise à favoriser la production de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel.

Les certificats de garanties de capacité et de production constituent des biens meubles corporels et leur cession constitue donc une prestation de services soumise à la TVA, dès lors qu'elle est effectuée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

L'article 170 de la loi de finances pour 2020 a complété le 2 septies de l'article 283 du CGI afin d'étendre à compter du 1er janvier 2020 l'auto-liquidation de la TVA aux transferts entre assujettis de certificats de garanties d'origine et de garanties de capacité mentionnés respectivement aux articles L. 335-3, L. 446-18 et L. 446-20 du code de l'énergie. L'assujetti destinataires des livraisons de certificats est donc le redevable de la TVA, une possibilité autorisée dans le cadre de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée952(*).

L'instauration de cette modalité de liquidation de la TVA particulière pour les transferts de certificats de garantie avait été justifiée par l'identification de tentatives de fraudes à la TVA sur les marchés de certificats de garantie au sein de plusieurs États membres, sous la forme de schémas dits de « fraude carrousel ». Le même schéma avait été utilisé dans le cadre de la fraude de grande ampleur aux quotas carbone, qui aurait entrainé une perte de recettes fiscales de 1,6 milliard d'euros pour la France et de cinq milliards d'euros pour l'ensemble des États membres de l'Union européenne953(*).

Le « carrousel » : une fraude en trois étapes

Étape 1 : la société fournisseur, située dans un autre État membre, vend une marchandise hors taxe (les livraisons intercommunautaire sont exonérées) à une société fictive et/ou éphémère « taxi » en France ;

Étape 2 : la société « taxi », en France, est fiscalement défaillante et ne dispose d'aucun moyen matériel ou humain. Elle est simplement chargée de créer, facture par facture, une créance sur le Trésor, qui représente la TVA soi-disant facturée, mais jamais reversée au Trésor ;

Étape 3 : l'entreprise déductrice, installée en France et « en bout de chaîne » finalise le schéma. Elle peut demander le remboursement de la TVA déductible à partir des (fausses) factures émises par la société « taxi », et/ou bénéficier d'une rétention abusive de TVA (la société « taxi » a refacturé le produit à un coût inférieur au prix d'achat tel qu'inscrit sur les factures du fournisseur). Il est par ailleurs possible que la marchandise revienne à son point de départ, à un prix inférieur (d'où le nom de carrousel).

Le bénéfice de cette fraude à la TVA est partagé entre tous les intervenants. Dans les faits, de nombreuses autres entreprises peuvent s'insérer dans ce schéma frauduleux.

Source : rapport de la mission d'information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, d'après les données transmises par la direction générale des finances publiques

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ASSUJETTIR LES BÉNÉFICIAIRES DES TRANSFERTS DES CERTIFICATS D'ORIGINE À LA TVA

Le B du I du présent article modifie le 2 septies de l'article 283 du CGI afin de préciser que, pour tous les transferts de certificats de garanties d'origine, de certificats de garanties de capacité et de certificats de production, la TVA est acquittée par l'assujetti bénéficiaire du transfert.

Il s'agit donc d'une extension d'un dispositif jusqu'ici réservé aux transferts de certificats de capacité et de production, qui conduit à imposer aux destinataires d'auto-liquider la TVA sur ces certificats.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement déposé par le rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, a été retenu.

Il étend le mécanisme d'auto-liquidation de la TVA aux certificats de garanties d'origine d'hydrogène renouvelable ou bas-carbone français, prévus à l'article L. 821-3 du code de l'énergie.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE MESURE D'HARMONISATION QUI NE SOULÈVE PAS DE DIFFICULTÉ

La commission des finances avait soutenu, lors de l'examen de la loi de finances pour 2020, l'extension de l'auto-liquidation de la TVA aux transferts entre assujettis de certificats de garantie d'origine et de garanties de capacité. Elle avait alors souligné que ce mécanisme devait permettre de limiter les possibilités de fraude puisqu'il faisait du paiement et de la déduction simultanés de la TVA un « jeu d'écritures », hors cas particulier de non-déductibilité de la TVA et de régularisations.

Les schémas de fraude à la TVA sur le marché des quotas carbone ont été identifiés depuis près de 15 ans et la création des certificats de garanties d'origine, de capacité et de production a pu raviver le risque de fraude à la TVA. Dans ce contexte, pour limiter et prévenir ce risque, la mesure proposée au présent article vise à harmoniser les conditions de liquidation de la TVA sur l'ensemble des certificats.

La commission est ainsi favorable au dispositif proposé.

III. L'ADAPTATION DES RÈGLES DE LA TVA POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE PAR LE BIAIS DU DROPSHIPPING

Dans le cadre de sa mission d'information sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales954(*), la commission des finances avait appelé à « poursuivre et amplifier les efforts déployés pour lutter contre la fraude à la TVA au niveau national comme européen ». Elle avait notamment souligné qu'il s'agissait d'une fraude dynamique, favorisée par la persistance de schémas de fraude complexes - tels que les carrousels - et par la croissance du commerce électronique.

Les montants recouvrés au titre du contrôle fiscal sur la TVA demeurent toutefois limités, de l'ordre de moins d'un milliard d'euros par an, soit 9 % du total. Pourtant, l'Insee a estimé que les montants manquants de versement de TVA seraient de l'ordre de 20 à 26 milliards d'euros chaque année955(*).

Part de la TVA dans les résultats du contrôle fiscal

(en montants recouvrés, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par la direction générale des finances publiques

A. LE DROIT EXISTANT : LE DROPSHIPPING, UN CONTOURNEMENT DES RÈGLES SPÉCIFIQUES AU COMMERCE ÉLECTRONIQUE POUR L'APPLICATION DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE

1. Des évolutions législatives récentes pour mieux encadrer le régime de TVA applicable au commerce électronique

a) Les ventes à distance, une sous-catégorie spécifique des livraisons de biens au regard de la TVA

Les ventes à distance, sous-catégorie des livraisons de biens, sont soumises à des règles spécifiques en matière de territorialité et de redevabilité de la TVA. Pour être caractérisée de vente à distance, une opération doit satisfaire aux trois critères cumulatifs prévus au II bis de l'article 256 du code général des impôts (CGI), à savoir :

le bien doit traverser une frontière de la France métropolitaineLa livraison doit être réalisée à destination d'un État membre de l'Union européenne. Sont alors distinguées les ventes à distance intracommunautaires, lorsque le lieu de départ de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur est situé dans un autre État membre de l'Union, et les ventes à distance de biens importés, lorsque ce lieu est situé dans un territoire tiers ou un pays tiers de l'Union. Dans ce dernier cas, deux sous-catégories sont prévues : les ventes à distance de biens importés directes - avec une importation directement dans l'État membre d'arrivée de l'expédition ou du transport des biens - et les ventes à distance de biens importés indirectes - lorsque le bien fait l'objet d'une importation dans un premier État membre avant d'être acheminé dans l'État membre de destination finale de l'expédition ;

les biens livrés ne sont ni des moyens de transport neufs, ni des biens livrés après montage ou installation, avec ou sans essai de mise en service, par le fournisseur ou pour son compte ;

l'acquéreur est une personne physique non assujettie, ou assimilée.

Le IV de l'article 258 du CGI définit les situations dans lesquelles, par défaut, le lieu de livraison des biens importés de territoires ou de pays tiers dans le cadre de ventes à distance est réputé se situer en France :

- au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport des biens à destination de l'acquéreur si le bien a été importé et dédouané dans un autre État membre ;

- au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport des biens à destination de l'acquéreur, si le bien a été importé en France dans le cadre du régime particulier de déclaration et de paiement prévu à l'article 298 sexdecies H, à savoir le régime de simplification des démarches déclaratives des entreprises non établies dans l'Union européenne, avec le guichet unique européen ;

- au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport des biens à destination de l'acquéreur, lorsque le bien a été importé en France sans recourir au régime particulier prévu à l'article 298 sexdecies I et que la vente est réputée avoir été facilitée par une plateforme en ligne, pour une valeur d'envoi inférieure à 150 euros.

Le V de l'article 258 du CGI ajoute à cette liste les livraisons de biens importés lorsque le vendeur recourt à l'option prévue à l'article 293 A quater du CGI, c'est-à-dire lorsqu'il choisit d'être redevable de la TVA, sans l'être par défaut au titre de l'article 293 A du CGI, à savoir si c'est lui qui réalise la livraison, s'il la facilite ou s'il est le destinataire des biens indiqué sur la déclaration d'importation.

b) Des règles liées aux spécificités du commerce électronique, avec l'objectif de mieux lutter contre la fraude à la TVA

La transposition956(*) du paquet TVA « commerce électronique »957(*) a apporté des ajustements significatifs aux règles applicables à la déclaration, à la liquidation et au recouvrement de la TVA pour les ventes de biens à distance au moyen d'interfaces électroniques.

Ces nouvelles règles s'appliquent depuis le 1er juillet 2021, après un décalage de six mois958(*) pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire sur la préparation des administrations fiscales et douanières des États membres à cette réforme. La commission avait soutenu ce report en considérant qu'il était le corrélatif d'une entrée en vigueur coordonnée de ces nouvelles règles sur l'ensemble du territoire de l'Union.

Elles ont tout d'abord conduit à définir un seuil unique de chiffre d'affaires du vendeur sur une année pour déterminer le pays dans lequel la TVA doit être acquittée dans le cadre de ventes à distance intracommunautaires de biens. En dessous du seuil de 10 000 euros de chiffre d'affaires, la TVA doit être payée et déclarée dans l'État membre où se situe le vendeur du produit, au-delà, la TVA doit être payée et déclarée dans l'État membre où se situe l'acheteur.

De plus, en application des dispositions du 2° du V de l'article 256 du CGI, les plateformes facilitant les ventes en ligne de marchandises importées de pays tiers peuvent être considérées comme les fournisseurs présumés et donc redevables de la TVA, lorsqu'elles facilitent une vente à distance, dans deux situations :

- la facilitation d'une vente à distance de biens importés de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque de moins de 150 euros ;

- la facilitation de la livraison à une personne non assujettie d'un bien dans l'Union européenne par un assujetti non établi sur le territoire de l'Union européenne. Dans cette hypothèse, les biens sont livrés depuis un État membre de l'Union vers un consommateur final dans l'Union, mais le vendeur est établi hors de l'Union (ex. : utilisation d'un entrepôt).

« Faciliter » au sens du droit européen

En vertu de l'article 5 ter du règlement 2019/2026 du 21 novembre 2019, le terme « facilite » désigne l'utilisation d'une interface électronique permettant à un acquéreur et à un fournisseur qui met des biens en vente au moyen de cette interface électronique d'entrer en contact, ce qui aboutit à une livraison de biens au moyen de cette interface électronique.

Est notamment considéré comme assujetti facilitateur tout assujetti exploitant l'interface électronique et remplissant l'une des conditions suivantes :

1/ il fixe, directement ou indirectement, l'une des conditions en vertu desquelles la livraison des biens est effectuée ;

2/ il intervient, directement ou indirectement, dans l'autorisation de la facturation à l'acquéreur en ce qui concerne le paiement effectué ;

3/ il intervient, directement ou indirectement, dans la commande ou dans la livraison des biens.

N'est toutefois pas considéré comme fournisseur présumé et donc assujetti facilitateur l'interface électronique qui réalise exclusivement l'une ou plusieurs des activités suivantes :

- traiter les paiements en rapport avec la livraison de biens ;

- placer les annonces concernant des biens ou la promotion de ceux-ci ;

- réorienter ou transférer les acquéreurs vers d'autres interfaces électroniques où des biens sont mis en vente, sans autre intervention dans la livraison.

Source : règlement d'exécution (UE) 2019/2026 du Conseil du 21 novembre 2019 modifiant le règlement d'exécution (UE) no 282/2011 en ce qui concerne les livraisons de biens ou les prestations de services facilitées par des interfaces électroniques et les régimes particuliers applicables aux assujettis qui fournissent des services à des personnes non assujetties et effectuent des ventes à distance de biens et certaines livraisons intérieures de biens

La modification des règles de la TVA s'est accompagnée de la mise en place d'un guichet unique pour éviter aux entreprises de devoir s'immatriculer dans chaque État membre où ils sont redevables de la TVA, même si ce guichet ne peut conduire à les exonérer de leurs obligations déclaratives nationales. Pour s'y inscrire, les entreprises doivent disposer d'un numéro de TVA intracommunautaire.

Par ailleurs, la directive du 5 décembre 2017959(*) a supprimé la franchise de TVA pour les envois de valeur négligeable, dont le plafond était fixé à 22 euros. Depuis le 1er juillet 2021, la TVA est donc due dès le premier euro, l'une des modifications les plus importantes pour limiter la fraude à la TVA. En effet, une technique simple de contournement du paiement de la TVA était de minorer la valeur du bien dans les déclarations pour bénéficier de la franchise de TVA, la Douane étant dans l'impossibilité de contrôler l'ensemble des biens importés.

De surcroît, pour les envois de moins 150 euros, la directive prévoit que les plateformes en ligne, et non les vendeurs, sont réputés effectuer la livraison et donc redevables de la TVA. La France a été plus loin en introduisant ce mécanisme de redevabilité pour l'ensemble des envois, indifféremment de leur montant, lorsque le lieu d'imposition à la TVA est situé en France (article 293 A du CGI).

Le nouveau régime de TVA sur le commerce électronique devait permettre de tenir compte des spécificités des ventes en ligne et d'adapter des règles parfois obsolètes à la concurrence des vendeurs implantés hors de l'Union européenne ainsi qu'aux schémas de fraude, par exemple le fractionnement des colis pour bénéficier des franchises de TVA sur les envois de valeur négligeable. La Commission européenne avait alors estimé que plus de cinq milliards d'euros de TVA pourraient être collectés dans l'Union européenne sur des transactions échappant jusque-là à l'impôt.

Ces règles supposent toutefois une adaptation des moyens déployés par la Douane pour contrôler les colis. Selon le ministère de l'économie, des finances et de la relance, ce sont plus de 450 millions de déclarations électroniques en douane qui pourraient être faites, contre 15 millions avant la modification des règles960(*). La Douane travaille ainsi à l'élaboration d'un système d'information capable d'analyser les millions de données relatives aux colis importés tant pour vérifier qu'ils ont bien été soumis à la TVA que pour s'assurer qu'ils ne contiennent pas de biens prohibés.

2. Le contournement des règles de TVA par les dropshippeurs, une source nouvelle d'évasion fiscale

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la fraude (DGCCRF) définit le dropshipping comme une vente sur internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit.

Concrètement, l'intermédiaire achète le bien situé dans un pays tiers de l'Union européenne et le revend en ligne, sans jamais en disposer physiquement. Le dropshippeur identifie l'acquéreur en France d'un bien possédé par une personne dans un pays tiers et procède concomitamment à son achat auprès du fournisseur et à sa revente auprès de l'acquéreur. Il demande au fournisseur de faire acheminer le bien directement auprès de l'acquéreur final, ce qui fait qu'il ne participe pas à sa livraison ni ne facilite plus généralement l'opération au sens strict de l'article 5 ter du règlement d'exécution 2019/2026 précité. Il n'apparait donc à aucun moment dans le cadre du processus de dédouanement et échappe aux obligations déclaratives.

L'évaluation préalable du présent article souligne que cette pratique n'est pas illégale en soi mais que l'absence du dropshippeur du circuit de livraison peut mener à une minoration de la TVA due à l'importation dans le cadre d'une vente à distance. En effet, dans le cadre du dropshipping, la TVA due à l'importation sera calculée sur le montant de la vente du bien du fournisseur à l'acquéreur, donc sans inclure la marge réalisée par le dropshippeur.

Or, les moyens à disposition de la DGFiP et de la Douane sont limités pour appréhender ces pratiques de minoration et obtenir le versement de la TVA effectivement due. Non seulement le Gouvernement indique que le droit européen ne permet pas clairement de qualifier cette infraction mais, même si cette infraction existe, elle est difficilement détectable. La Douane ne le peut pas - le dropshippeur n'apparaissant pas du tout dans l'opération d'importation - et la DGFiP ne le peut que difficilement. En l'absence de vente territorialisée, il revient en effet au consommateur final de payer le complément de TVA (« TVA résiduelle »), pour une personne non assujettie lorsqu'il s'agit de particuliers consommateurs. La seule possibilité est d'engager la responsabilité du dropshippeur comme complice d'une manoeuvre de fraude fiscale, mais les schémas sont complexes et les procédures longues.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : POUVOIR, DANS CERTAINS CAS, SITUER EN FRANCE LA VENTE D'UN BIEN PAR L'INTERMÉDIAIRE D'UN DROPSHIPPEUR ET L'ASSUJETTIR À LA TVA

Plusieurs modifications sont apportées aux règles relatives à la territorialité et à la désignation du redevable de la TVA, dans l'optique de lutter contre la fraude à la TVA par l'intermédiaire du dropshipping en localisant en France la prestation d'intermédiaire du dropshippeur.

Le A du I du présent article modifie tout d'abord le V de l'article 258 du code général des impôts (CGI) afin de prévoir qu'est réputé se situer en France :

la livraison d'un bien qui est importé et les éventuelles livraisons subséquentes, si le redevable de la TVA à l'importation est le vendeur de cette première livraison en application du 4° du 2 de l'article 293 A du CGI tel que modifié par le présent article ;

la vente à distance de biens importés lorsque le redevable de la TVA n'est ni l'assujetti qui facilite cette vente par l'utilisation d'une interface électronique, c'est-à-dire la plateforme en ligne, ni le destinataire de la vente, sauf dans les cas mentionnés aux b et c du 2° du 2 de l'article 293 A du même code, tel qu'issu du présent article.

Le 1° du F du I du présent article modifie en effet l'article 293 A du CGI relatif aux règles de désignation du redevable de la TVA à l'importation afin que le redevable de la TVA soit le bénéficiaire de la transaction ayant servi à établir la valeur en douane.

Il apporte pour ce faire des ajustements en matière de ventes à distance. En l'état du droit, lorsque le bien fait l'objet d'une vente à distance de biens importés depuis un pays tiers de l'Union européenne et qu'un assujetti facilite la livraison par l'utilisation d'une interface électronique, c'est cet assujetti qui est redevable de la TVA.

Plusieurs cas seraient désormais prévus. D'une part, lorsque le bien fait l'objet d'une vente à distance de biens importés, c'est la personne qui réalise cette vente qui serait redevable de la TVA, sauf dans deux situations (2° du 2 de l'article 293 A tel que modifié par le présent article) :

- si un assujetti a facilité la vente par une interface électronique, telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, c'est cet assujetti qui est redevable de la TVA s'il remplit les conditions cumulatives suivantes : i) les biens se trouvent en France au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur ; ii) un tel assujetti intervient sans être réputé avoir réalisé la vente au sens du a du 2° du V de l'article 256961(*) (b du 2° du 2). Sur cet aspect, les règles ne changent pas pour les plateformes électroniques ;

- le destinataire de la vente est redevable de la TVA s'il satisfait aux conditions cumulatives suivantes : i) les biens se trouvent en France au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur ; ii) aucun assujetti n'a facilité la vente à distance de biens importés par l'utilisation d'une interface électronique ; iii) la TVA n'est pas déclarée dans le cadre du régime particulier prévu à l'article 298 sexdecies H du CGI pour les biens importés contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 euros ; iv) la base d'imposition de la TVA due à l'importation est égale à celle qui serait déterminée pour la vente à distance si elle était localisée en France (c du 2° du 2).

C'est cette dernière disposition qui doit permettre de mieux encadrer le dropshipping : à partir du moment où il y aura un écart entre la valeur indiquée sur la déclaration à l'importation et le prix de vente, alors la vente sera considérée comme située en France et le dropshippeur sera redevable de la TVA à la vente.

Un 3° est également inséré au 2 de l'article 293 A afin de couvrir « les autres situations », c'est-à-dire les situations dans lequel le bien n'a pas fait l'objet d'une livraison située en France et n'entre pas dans les situations de vente à distance présentées ci-dessus :

le redevable de la TVA sera le destinataire de la vente mentionnée à l'article 128 du règlement d'exécution (UE) 2015/2447962(*), si la valeur en douane est déterminée à partir de la valeur transactionnelle mentionnée à l'article 70 du règlement (UE) 952/2013963(*). Ce cas vise les marchandises vendues pour l'exportation à destination du territoire douanier de l'Union européenne. La valeur transactionnelle correspond au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu'elles sont vendues pour l'exportation à destination du territoire douanier de l'Union ;

le redevable de la TVA est le débiteur de la dette douanière en application du 3 de l'article 77 ou des 3 et 4 de l'article 79 du règlement (UE) 952/2013, si la valeur en douane n'est pas déterminée à partir de la valeur transactionnelle mentionnée à l'article 70 du même règlement. La dette douanière nait au moment où une marchandise « non Union », qui est donc soumise aux droits à l'importation, est placée sous le régime douanier de la mise en libre pratique. La dette nait donc au moment de l'acceptation de la déclaration en douane et son débiteur est soit le déclarant soit, dans certains cas, la personne pour le compte de laquelle la déclaration en douane a été faite. Lorsqu'il y a eu soustraction de la marchandise aux obligations douanières, le débiteur est également toute personne appelée à remplir ces obligations, toute personne sachant qu'une telle obligation n'était pas remplie, toute personne qui a acquis ou détenu les marchandises en cause et qui devait raisonnablement savoir que toutes les formalités n'avaient pas été effectuées.

Le 2° du F du I du présent article modifie le 4 de l'article 293 A du CGI afin d'imposer au représentant en douane de transmettre au redevable ou de lui rendre accessible par voie électronique, au plus tard lors de la réception des marchandises par le destinataire, l'information de la base imposable constatée ainsi que les documents nécessaires pour l'exercice du droit à déduction. Dès lors, le représentant en douane sera toujours solidaire du paiement de la TVA, puisqu'auparavant la transmission des éléments précités suffisait à l'exonérer de cette responsabilité.

Le 3° du F du I du présent article modifie la rédaction du 5 de l'article 293 A du CGI afin de prévoir que, dans les cas mentionnés aux nouveaux b et c du 2° du 2 du même article, la personne qui réalise la livraison de biens importés et le destinataire de cette livraison sont solidairement tenus au paiement de la TVA. Cela inclut donc l'assujetti qui a facilité la vente par une interface électronique, telle qu'une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire.

Par ailleurs, pour compléter l'ensemble de ces dispositions visant les dropshippeurs, le G du I du présent article complète l'article 298 sexdecies I du CGI afin que ce régime ne soit pas utilisé par les dropshippeurs pour échapper au paiement de la TVA sur leur commission d'importation. À cet effet, il est précisé au sein de cet article du CGI que les marchandises ne sont pas présentées pour le compte de la personne destinataire des biens lorsque la base d'imposition à l'importation diffère de celle qui serait déterminée pour la vente à distance de biens importés si elle était située en France. Pour mémoire, désormais, s'il y a un écart entre ces deux valeurs, le dropshippeur devient redevable de la TVA à la vente (article 293 A tel que modifié par le présent article).

Enfin, comme indiqué précédemment, le 3 du II du présent article crée un nouvel article L80-0 A au sein du LPF afin de prévoir un mécanisme de compensation entre la TVA acquittée auprès de la Douane et la TVA acquittée auprès de la DGFiP. Le dernier alinéa vise spécifiquement l'activité de dropshipping : si la vente est localisée en France, parce que le prix de vente est différent de la valeur déclarée à l'importation, alors le dropshippeur sera redevable de la TVA à la vente. Toutefois, sera déduite du montant total dû la partie déjà acquittée à l'importation.

À titre d'illustration, prenons le cas d'un consommateur qui acquiert un bien à 40 euros taxé au taux normal de TVA (20 %). La TVA, acquittée lors du dédouanement par le transporteur, est de 8 euros. Or, le prix de vente n'est pas de 40 mais de 100 euros, l'écart correspondant à la marge réalisée par le dropshippeur. Dans ce cas, la condition iv) prévue au c du 2 de l'article 293 A du CGI n'est pas respectée, la base imposable à l'importation n'est pas la même que la valeur de vente et cette dernière peut donc être située en France. Le dropshippeur devient alors redevable de la TVA à la vente, qui est de 20 euros. Or, 8 euros ont déjà été payés : ils ne vont pas être rendus au consommateur - ce qui opérationnellement serait très complexe à mettre en oeuvre pour des millions de transactions et des centaines de millions d'euros de flux - mais ils vont être déduits des 20 euros dont est redevable le dropshippeur. Au final, l'État aura bien collecté l'ensemble de la TVA qu'il aurait dû obtenir.

Comme le soulignent les éléments transmis dans l'évaluation préalable, l'objectif est donc qu'en cas de vente à distance de biens importés à une personne non assujettie à la TVA en France, comme un particulier, ce soit toujours le vendeur le redevable de la TVA à l'importation et que cette vente à distance soit toujours taxée en France, sauf à ce que le montant de la TVA perçue à l'importation soit identique à celui auquel cette vente doit être soumise.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION 

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, deux amendements rédactionnels déposés par le rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, ont été retenus sur les dispositions concernant le dropshipping.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE PREMIÈRE TENTATIVE POUR LUTTER CONTRE LES VERSEMENTS MANQUANTS DE TVA DANS LE CADRE DU DROPSHIPPING

La commission souscrit pleinement aux objectifs des dispositions du présent article même si la portée doit en être tempérée. Il ne s'agit pas, comme l'annonçait le Gouvernement dans son plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques964(*) présenté au mois de mai 2023, d'assujettir l'activité de dropshipping à la TVA en France (mesure 8). Il s'agit d'y apporter une première réponse, en localisant en France la vente d'un bien lorsqu'il y a un écart entre la valeur déclarée à l'importation et la valeur de vente, correspondant à la marge du dropshippeur.

Les dropshippeurs s'appuient en effet sur une lacune du droit européen et de la définition de la notion de « facilitateur » pour échapper au paiement de la TVA sur les opérations pour lesquelles ils interviennent : faciliter implique, d'après le règlement d'exécution 2019/2026 l'utilisation d'une interface électronique, permettant à un acquéreur et à un fournisseur d'entrer en contact.

Or, dans le cadre du dropshipping, l'acquéreur et le fournisseur ne sont jamais mis en contact et peuvent même ignorer l'existence l'un de l'autre. Certains dropshippeur ont également pu rédiger leurs conditions générales de vente de telle façon que l'obligation fiscale repose sur les acquéreurs965(*), en précisant que ce sont eux les véritables importateurs et « destinataires du bien », au sens de l'article 293 A du CGI, au mépris des règles en vigueur. La DGCCRF a en effet dû rappeler que les conditions de vente ne pouvaient pas faire du consommateur non assujetti la personne devant acquitter le montant de la TVA. Plusieurs professionnels du droit et du chiffre ont cependant obtenu de l'administration fiscale des rescrits validant ce schéma966(*).

Les dispositions proposées dans le présent article visent donc à remédier à un point de fuite identifié dans le cadre du dropshipping : la marge réalisée par l'intermédiaire. La vente sera localisée en France en cas d'écart entre la valeur déclarée à l'importation et le prix de vente, correspondant à la marge du dropshippeur. La prestation du dropshippeur sera alors localisée en France et il devra s'y acquitter de la TVA résiduelle, par rapport à celle déjà versée à l'importation. L'objectif est de prévenir la minoration de la TVA due à l'absence d'imposition de la marge du dropshippeur. Assujettir plus globalement le dropshipping à la TVA se serait heurté aux règles de territorialité prévues dans le cadre européen.

De fait, l'intervention ne pourra donc qu'être a posteriori : en cas de contrôle, le vérificateur pourra s'appuyer sur cette disposition pour rendre le dropshippeur redevable de la TVA à la vente. Il aura une base légale pour collecter la TVA, éventuellement assortie des intérêts de retard, des pénalités et des sanctions applicables selon la situation de l'intermédiaire. L'objectif est d'envoyer un signal au dropshippeur pour l'inciter à respecter ses obligations et à opter pour être le redevable de la TVA à l'importation, avec une localisation de la vente en France. L'autre moyen pour le dropshippeur serait qu'il communique le prix réel de vente au fournisseur, mais ce circuit apparaît moins plausible puisqu'il supposerait que le dropshippeur révèle sa marge au fournisseur.

Apporter une première réponse au dropshipping est primordial, d'autant plus que cette activité a connu un très fort développement ces dernières années : les dropshippeur n'ont besoin ni de stock ni de logistique pour se lancer dans cette activité d'intermédiation. Les seules dépenses sont liées à la création d'un magasin en ligne et à la publicité des produits, pendant longtemps par l'intermédiaire d'influenceurs en ligne, une activité désormais encadrée967(*). En plus de soulever des enjeux en matière de concurrence déloyale, des enquêtes menées par la Douane et la DGCCRF ont conduit à révéler que certains de ces produits importés de pays tiers étaient contrefaits.

Il convient enfin de noter que la Commission européenne a proposé au mois de décembre 2022 un projet de réforme intitulé « La TVA à l'ère du numérique », dont une partie des recommandations vise à ajuster le cadre mis en place pour le commerce en ligne. Elles pourraient concerner le dropshipping.

La commission est favorable à l'adoption du dispositif proposé.

IV. L'OCTROI D'UNE NOUVELLE PRÉROGATIVE POUR LES AGENTS DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES : PROCÉDER À DES ENQUÊTES SUR INTERNET SOUS PSEUDONYME

A. LE DROIT EXISTANT : POUR LES AGENTS DE LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES, DES PRÉROGATIVES ADAPTÉES À LA POURSUITE DE LEURS MISSIONS FISCALES

1. De larges prérogatives octroyées aux agents de l'administration fiscale aux fins de rechercher et de constater les manquements fiscaux

Dans une étude réalisée à la demande du Premier ministre et consacrée aux pouvoirs d'enquête de l'administration, le Conseil d'État a souligné l'extension progressive des pouvoirs de contrôle et d'enquête de l'administration fiscale : « l'efficacité et l'équité ont ainsi imposé de doter l'administration, à mesure de l'extension de ce régime [système fiscal déclaratif] de capacités et de pouvoir de contrôle lui permettant de vérifier la sincérité des déclaration des contribuables », le contrôle fiscal étant devenu la « contrepartie indispensable à la présomption de sincérité s'attachant aux déclarations des contribuables et garantit le respect du principe de l'égalité devant l'impôt »968(*).

Les lois de finances ont ainsi institué les demandes de justifications (1914) puis d'éclaircissements (1917) et enfin un droit de communication des documents détenus par d'autres administrations, par l'autorité judiciaire et par des commerçants (1920). La possibilité de pouvoir demander des renseignements, des éclaircissements et des justifications au contribuable est désormais codifiée aux articles L10 et L16 du livre des procédures fiscales (LPF), avec une extension progressive des droits de communications d'informations et de documents. La direction générale des finances publiques gère également les fichiers Ficoba (comptes bancaires et assimilés), Ficovie (contrats d'assurance vie et de capitalisation), BNDP (base nationale des données patrimoniale) et Patrim (prix de biens immobiliers vendus).

Des procédures de vérifications se sont ensuite développées, encadrées par la jurisprudence du Conseil d'État avant qu'elles ne le soient par des textes législatifs à partir des années 1950, notamment pour préciser les garanties du contribuable contrôlé. Dans leurs investigations, les agents chargés du contrôle fiscal s'appuient en effet beaucoup sur la vérification et le recoupement des documents en leur possession ou sur les informations qui leur ont été transmises par des tiers ou par le contribuable lui-même. Ces procédures prennent la forme d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) pour un particulier (article L12 du LPF) et d'une vérification de comptabilité pour une entreprise (article L13 du LPF).

Le droit de visite et de saisie a été conféré à l'administration fiscale en 1985. Codifié aux articles L16 B du LPF pour ce qui concerne les impôts directs et L38 du LPF pour les contributions indirectes, ce pouvoir permet aux agents, lorsqu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de ses impôts, d'effectuer des visites en tous lieux où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus, accessibles ou disponibles et de procéder à leur saisie. Ils peuvent également procéder, dans ce cadre, à des auditions.

Dans la perspective de l'entrée en vigueur du marché unique, l'administration fiscale a été dotée en 1992 d'une prérogative spécifique à la TVA, dite « droits d'enquête TVA » (articles L80 F à L80 J du LPF). Aux fins de rechercher des manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA, les agents de l'administration fiscale peuvent se faire présenter les pièces comptables susceptibles de se rapporter à des opérations donnant lieu à facturation à la TVA, avoir accès aux locaux et moyens de transport à usage professionnel, obtenir ou prendre copie de pièces se rapportant à des opérations devant donner lieu à facturation et procéder à des auditions.

En outre, pour pouvoir réprimer des comportements frauduleux pour lesquels l'administration fiscale ne peut pas engager de procédure de contrôle, faute d'obligation déclarative, le législateur permet aux agents, depuis 2007, de dresser un procès-verbal de flagrance fiscale, à l'occasion d'une procédure de contrôle sur place, et si les circonstances laissent à penser que le recouvrement d'une créance fiscale est menacé (article L16-0 BA du LPF).

Enfin, aux termes de l'article 154 de la loi de finances pour 2020, les agents de l'administration fiscale peuvent, à titre expérimental, collecter et analyser les contenus librement accessibles sur les réseaux sociaux (cf. infra, VII.).

Les agents de la direction générale des finances publiques peuvent également déjà effectuer des enquêtes « passives » en navigation discrète sur internet et en excluant tout échange avec les internautes.

2. Les enquêtes « actives » sous pseudonyme, des dispositifs strictement encadrés

Les agents de plusieurs administrations et autorités publiques sont autorisés à pouvoir enquêter de façon « active » sur internet, c'est-à-dire en entrant en échange avec les internautes, en procédant à l'acquisition de produits, de contenus ou de services ou encore en extrayant et en conservant des données.

Ces prérogatives sont toutefois strictement encadrées, qu'il s'agisse des personnes autorisées, des pouvoirs octroyés ou encore de la nécessité d'obtenir l'accord de l'autorité judiciaire. Ces modalités d'encadrement s'ajoutent à l'interdiction absolue pour les agents concernés, et à l'exception des officiers et des agents de police judiciaire, d'inciter à la commission d'un manquement ou d'une infraction, à peine de nullité de la procédure.

Les pouvoirs d'enquête « active »
sur internet des agents des administrations et des autorités publiques

Administration / autorité et base légale

Pouvoirs

Encadrement

Officiers ou agents de police judiciaire

(article 230-46 du code de procédure pénale)

· Participer à des échanges électroniques, y compris avec les auteurs présumés

· Extraire ou conserver des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve

· Acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service

· Mettre à disposition des auteurs présumés des moyens juridiques, financiers et logistiques

· Policiers affectés dans un service spécialisé et spécialement habilités

· Enquête ou commission rogatoire

· Autorisation du procureur de la République et du juge d'instruction pour les acquisitions de produit

Agents des douanes

(articles 67 bis-1 et 67 bis-1 A du code des douanes)

· Acquérir des produits stupéfiants ou mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens juridiques, financiers ou logistiques

· Faire usage d'une identité d'emprunt pour entrer en contact avec les auteurs présumés

· Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques

· Extraire et conserver des données

· Agents des douanes habilités (en pratique, ceux de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, un service à compétence nationale)

· Information ou autorisation du procureur de la République

Agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

(article L. 512-6 du code de la consommation)

· Contrôler la vente de biens et la fourniture de services sur internet (commande), avec identité d'emprunt

· Agents habilités

· Limitation aux seules commandes avec analyse des échantillons

Inspecteurs de l'environnement

(articles L. 172-111 et L. 557-50 du code de l'environnement)

· Contrôler la vente de biens, avec identité d'emprunt

· Inspecteurs commissionnés et assermentés pour rechercher des infractions

Agents de contrôle d'organismes de protection sociale

(article L. 114-22-3 du code de la sécurité sociale)

· Participer à des échanges électroniques, y compris avec les auteurs présumés

· Extraire ou conserver des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve

· Agents habilités

· Recherche des infractions pénales et recours justifié par les nécessités de l'enquête

Inspecteurs du travail

(article L. 8271-6-5 du code du travail)

· Participer à des échanges électroniques, y compris avec les auteurs présumés

· Extraire ou conserver des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve

· Agents habilités

Agents de l'Autorité des marchés financiers

(article L. 621-10-1 du code des marchés financiers)

· Accéder aux informations et éléments disponibles sur les services financiers proposés sur internet

· Prérogative réservée aux enquêteurs et contrôleurs

Agents de l'Autorité de la concurrence

(article L. 450-3-2 du code de commerce)

· Contrôler la vente de biens et la fourniture de services sur internet

· Agents habilités

· Limitation aux seules commandes

Agents de l'Agence française de lutte contre le dopage

(article L. 232-18-5 du code du sport)

· Rassembler des preuves et rechercher les auteurs des manquements aux règles contre le dopage

· Recueillir des informations utiles au ciblage des contrôles

· Agents habilités par le secrétaire général de l'Agence

Agents de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

(article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle)

· Participer à des échanges électroniques, y compris avec les auteurs présumés

· Reproduire des oeuvres ou des objets protégés

· Extraire ou conserver des données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions et tout élément de preuve

· Acquérir et étudier les matériels et des logiciels propres à faciliter la commission d'actes de contrefaçon

· Agents habilités et assermentés

Source : commission des finances

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PERMETTRE AUX AGENTS DE L'ADMINISTRATION FISCALE DE PROCÉDER À UNE ENQUÊTE « ACTIVE » SOUS PSEUDONYME

Le présent article vise à permettre aux agents de la direction générale des finances publiques de procéder à des enquêtes « actives » sur internet et sous pseudonyme.

Le 1° du II du présent article insère à cet effet un nouvel article L10-0 AD au sein du livre des procédures fiscales (LPF). Les agents de la DGFiP ayant au moins le grade de contrôleur et spécialement habilités pourraient réaliser des enquêtes sous pseudonyme pour les besoins de la recherche ou de la constatation des manquements graves. Ces manquements sont :

la dissimulation d'une activité occulte, dont la découverte fait l'objet d'une majoration des droits dus de 80 % (article c du 1 de l'article 1728 du CGI) ;

- les manquements délibérés (majoration de 40 %), les manoeuvres frauduleuses et les abus de droit (majoration de 80 %) qui se sont traduits par des inexactitudes ou des omissions dans les éléments déclarés pour établir l'assiette et liquider l'impôt ou pour l'obtention de manière indue d'une créance fiscale de l'État (article 1729 du CGI) ;

- la détention de comptes, de contrats et d'actifs à l'étranger non déclarés (article 1729-0 A du CGI) ;

- l'application des dispositions prévues à l'article 1649 quater-0 bis relatives à la présomption de revenus et à la taxation forfaitaire en fonction des éléments de train de vie lorsque ces éléments sont tirés d'une activité illégale telle que les trafics de stupéfiants et d'armes, la contrefaçon ou encore les crimes en matière de fausse monnaie. Dans ce cas, les droits notifiés font l'objet d'une majoration automatique de 80 % (dernier alinéa de l'article 1758 du CGI).

Les agents de la DGFiP habilités à cet effet pourront, sous pseudonyme et sans être pénalement responsables :

- prendre connaissance de toute information publiquement accessible sur les plateformes en ligne969(*) ainsi que sur les interfaces en ligne970(*), y compris lorsque cet accès requiert une inscription à un compte ;

lorsqu'ils sont affectés dans un service à compétence nationale, participer à des échanges électroniques, y compris avec les personnes susceptibles d'être les auteurs des manquements ;

- extraire ou conserver les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs des manquements et tout élément de preuve obtenu dans le cadre des échanges électroniques ou de la collecte d'information sur les plateformes et interfaces en ligne.

Ils pourront donc conduire des enquêtes « actives » sur internet, à l'instar des prérogatives octroyées à la police ou aux agents de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) par exemple. Les actes commis par les agents de la DGFiP ne pourraient toutefois pas constituer une incitation à commettre un manquement, à peine de nullité.

Un décret devra enfin préciser les modalités d'application de ce nouvel article L10-AD du LPF, notamment pour ce qui concerne la durée de conservation des données.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION 

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, aucune modification n'a été apportée aux dispositions concernant l'enquête sous pseudonyme pour les agents de la direction générale des finances publiques.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : UN ENCADREMENT INSUFFISANT D'UNE NOUVELLE PRÉROGATIVE TRÈS LARGE OCTROYÉE AUX AGENTS DE L'ADMINISTRATION FISCALE

La finalité des présentes dispositions est claire : étendre les prérogatives des agents de la direction générale des finances publiques sur internet en leur permettant de pouvoir procéder à des enquêtes « actives ». Le développement de l'économie numérique et des communications en ligne nécessitent en effet une adaptation des moyens d'enquête, à condition qu'ils soient proportionnés aux objectifs poursuivis.

À cet égard, les dispositions proposées soulèvent quelques difficultés.

Tout d'abord, elles conduisent à octroyer aux agents des finances publiques des prérogatives dérogatoires du droit commun. Aucune autre administration ou autorité ne dispose de prérogatives aussi étendues sur internet sans l'information ou l'autorisation de l'autorité judiciaire ou hors cadre d'une enquête pénale. Lorsque le juge n'intervient pas, les pouvoirs octroyés aux agents sont strictement limités : le contrôle de la vente de biens et de la fourniture de services pour les agents de la DGCCRF ou les inspecteurs de l'environnement ; l'impossibilité d'accéder à des plateformes en ligne par le biais d'un compte pour les agents de contrôle d'organismes de protection sociale ou pour les inspecteurs du travail.

Si les présentes dispositions étaient adoptées en l'état, les agents de la DGFiP ayant le grade de contrôleur seraient les seuls à pouvoir à la fois accéder aux contenus en ligne, participer à des échanges électroniques et extraire ou conserver des données, sans aucun autre encadrement que l'habilitation des agents ou, pour la participation aux échanges, l'appartenance à un service à compétence nationale.

Concernant plus particulièrement l'accès aux informations publiquement accessibles sur les plateformes en ligne, y compris sur celles qui requièrent une inscription, il est permis de s'interroger sur son articulation avec l'expérimentation prévue à l'article 154 de la loi de finances pour 2020 (cf. infra, VII). Le présent article prévoit en effet d'étendre la possibilité pour les agents de l'administration fiscale et de la Douane de collecter et d'analyser les données publiées sur l'ensemble des plateformes en ligne, y compris celles nécessitant une inscription. Ce dispositif fait l'objet d'un strict encadrement, qui pourrait être partiellement remis en cause par la possibilité de pouvoir accéder à ces contenus dans le cadre d'enquêtes sous pseudonyme. À titre d'exemple, l'évaluation préalable du présent article indique que l'enquête sous pseudonyme avec inscription sur réseau social pourrait permettre d'accéder aux informations pertinentes sur la domiciliation fiscale d'une personne, alors même que c'est bien l'objet de l'expérimentation prévue à l'article 154 précité que de pouvoir accéder à ces données, de manière strictement encadrée.

Les inquiétudes de la commission sont d'autant plus justifiées que l'extension de l'expérimentation prévue au dudit article 154 devait se faire en contrepartie de nouvelles garanties, notamment le fait que les traitements de collecte et d'analyse ne pourraient pas prévoir d'interaction avec les utilisateurs. Or, dans le cadre de l'enquête sous pseudonyme, il serait non seulement possible d'accéder aux données mais également de participer à des échanges électroniques avec les auteurs présumés des infractions, certes dans un cadre plus restreint puisqu'il n'y aurait pas de collecte automatique des données.

Ces évolutions soulèvent de réelles interrogations au regard de la protection des droits des personnes. Elles doivent être davantage encadrées. D'ailleurs, une restriction est prévue pour le fait de participer aux échanges électroniques, puisque seuls y seraient autorisés les agents relevant d'un service à compétence nationale.

Par ailleurs, ce type de prérogatives est habituellement réservé à la recherche et à la constatation des faits les plus graves, ce qui ne semble pas être pleinement le cas ici. Ainsi, l'enquête sous pseudonyme pourrait être utilisée pour rechercher l'ensemble des infractions visées à l'article 1729 du CGI relatives aux inexactitudes et omissions dans les déclarations, sans distinguer les manquements délibérés des abus de droit ou manoeuvres frauduleuses (article 1729 du CGI). Or, si les deux dernières situations peuvent entrainer une majoration des droits de 80 %, tel n'est pas le cas de la première, pour laquelle une majoration de 40 % est prévue. Par exemple, pour les cas de fraude fiscale aggravée, sont seuls visés au dudit article 1729 les faits pour lesquels une majoration de 80 % est encourue, tandis que pour la collecte des données sur les réseaux sociaux, prévue à l'article 154 de la loi de finances pour 2020 (cf. infra), sont seuls visés les manquements en lien avec une domiciliation fictive à l'étranger ainsi que la minoration et la dissimulation de recettes.

Afin de tenir compte de ces risques et de proposer un dispositif plus équilibré, la commission a adopté trois amendements afin :

- de transformer ce dispositif en une expérimentation de trois ans, avec la remise par le Gouvernement d'un rapport d'évaluation (amendement n° I-220 [FINC.63]) ;

- de limiter la possibilité de réaliser des enquêtes sous pseudonyme aux seuls agents affectés dans un service à compétence nationale (amendement n° I-301 [FINC.64]), en visant notamment les agents de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) ou encore de la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF). Ainsi, que ce soit pour accéder aux données, y compris par inscription à un compte, ou participer à des échanges électroniques, seuls seraient habilités les agents de ces services, chargés des cas de fraude les plus graves et complexes ;

- de restreindre le champ du périmètre de l'enquête sous pseudonyme, en excluant les infractions prévues à l'article 1729 du CGI (inexactitudes et omissions déclaratives) pour lesquels une majoration de 40 % des droits est encourue (amendement n° I-301 [FINC.64]). Font toujours partie du périmètre les inexactitudes et omissions déclaratives les plus graves, pour lesquelles une majoration de 80 % des droits est prévue (abus de droit, manoeuvres frauduleuses) ;

- de prévoir que le décret devant préciser les conditions d'application du dispositif soit un décret en Conseil d'État, s'agissant notamment de l'encadrement de la durée de conservation des données personnelles des usagers (amendement n° I-221 [FINC.65]).

La conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et les droits et libertés garantis à toute personne justifie d'encadrer davantage cette nouvelle prérogative d'enquête « active » sous pseudonyme pour les agents de l'administration fiscale.

La commission est favorable à l'adoption du dispositif ainsi modifié.

V. L'INSTAURATION D'UNE PRÉROGATIVE D'INJONCTION DE MISE EN CONFORMITÉ FISCALE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE À LA TVA

A. LE DROIT EXISTANT : EN DÉPIT DE L'ACCROISSEMENT DES PRÉROGATIVES DE L'ADMINISTRATION FISCALE POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE À LA TVA, LA PERSISTANCE DE MANQUEMENTS COMMIS PAR LES PRESTATAIRES DE SERVICES ÉTABLIS HORS DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Des règles de territorialité de la TVA spécifiques à la prestation de services

Depuis la transposition en loi de finances pour 2010971(*) des dispositions de la directive 2008/8/CE, les règles de territorialité de la TVA s'agissant des prestations de services ont été modifiées afin que la TVA collectée revienne davantage au pays de consommation de ces services. Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2021 et l'entrée en vigueur du « paquet TVA » sur le commerce électronique (cf. supra, III.), la règle générale est bien celle d'une imposition à la TVA des prestations de service et des ventes à distance dans le pays du lieu de consommation lorsqu'elles sont fournies à des consommateurs ayant leur domicile ou résidence habituelle sur le territoire de l'Union européenne, que le fournisseur soit ou non établi sur le territoire de l'Union.

Ainsi, aux termes de l'article 259 du CGI, le lieu des prestations de services est situé en France lorsque le preneur est un assujetti situé en France ou, si le preneur est une personne non assujettie - par exemple un consommateur particulier - lorsque le prestataire a établi en France le siège de son activité économique ou dispose d'un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis ou à en France son domicile ou sa résidence habituelle. Conséquemment, cela signifie que lorsque le preneur assujetti est situé dans un pays autre de l'Union européenne, c'est ce pays qui collecte la TVA.

Des exceptions ont toutefois été prévues à ces deux règles de territorialité de portée générale :

- le lieu de prestations de certains services est situé par défaut en France pour certaines activités telles que la location des moyens de transport ou les prestations de transport, les expertises immobilières ou les manifestations culturelles ou sportives lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France (article 259 A du CGI) ;

- a contrario, le lieu de prestations de certains services (cession de droits d'auteurs, locations de biens meubles, prestations de publicité, de conseils ou de télécommunications) est réputé ne pas se situer en France lorsque ces prestations sont fournies à des personnes non assujetties non établies dans l'Union européenne (article 259 B du CGI) ;

- le lieu des prestations de locations de moyens de transport autres que de courte durée ou de locations de bateau de plaisance, sous conditions, est réputé situé en France lorsque le preneur est établi ou à son domicile ou sa résidence habituelle en dehors de l'Union européenne. Il en va de même pour certains services autres que ceux mentionnés aux articles 259 A et 259 D lorsque les preneurs sont dans un État de l'Union mais que l'assujetti a établi le siège de son activité en dehors de l'Union (article 259 C du CGI) ;

le lieu des prestations de services mentionnées aux 10° à 12° de l'article 259 B du CGI est réputé situé en France lorsqu'elles sont fournies à des personnes non assujettis qui sont établies ou ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France (1 du I de l'article 259 D du CGI). Ces services concernent les prestations de télécommunications, les services de radiodiffusion et de télévision ainsi qu'une liste fixée par décret de services fournis par voie électronique. Aux termes de l'article 98 C de l'annexe III du CGI, il s'agit de la fourniture et de l'hébergement de sites informatiques et de la maintenance à distance de programmes et d'équipements, de la fourniture et de la mise à jour de logiciels, de la fourniture d'images, de textes et d'information, de la fourniture de musique, de films et de jeux ainsi que d'émissions ou de manifestations politiques, culturelles, artistiques, sportives, scientifiques ou de divertissement ainsi que de la fourniture de services d'enseignement à distance. Une exception est toutefois prévue : si la valeur totale des prestations de ces services pour des personnes non assujetties est inférieure à 10 000 euros, alors la TVA est due dans le pays d'établissement du prestataire, et non dans le pays du preneur de services.

2. Des prérogatives en matière de lutte contre la fraude à la TVA inefficaces pour les manquements des fournisseurs de services électroniques basés dans un pays tiers et ne passant pas par une plateforme

Si de nouvelles prérogatives ont été octroyées à l'administration fiscale pour lutter contre la fraude à la TVA et que de nouvelles obligations ont été imposées aux plateformes en ligne dans ce cadre, elles se révèlent limitées, voire inefficaces, pour lutter contre la fraude à la TVA par des prestataires de services situés dans un pays tiers et ne passant pas par une plateforme.

a) Des obligations étendues pour les plateformes en ligne, également responsables solidairement du paiement de la TVA

Dans le cadre de ses travaux sur la numérisation de l'économie et sur la lutte contre la fraude fiscale, la commission des finances a régulièrement souligné que l'essor du commerce numérique et des plateformes en ligne rendait nécessaire une actualisation des règles fiscales972(*). Elle avait à cet égard formulé plusieurs recommandations, dont certaines ont par la suite été introduites par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude973(*).

L'article 10 de la loi du 23 octobre 2018 a tout d'abord fortement étendu le périmètre des obligations déclaratives des plateformes, qui s'imposent quel que soit le lieu d'établissement de l'opérateur, à l'égard des utilisateurs, personnes physiques ou morales, qui résident dans l'Union européenne et réalisent des opérations en France. Les dispositions introduites par cet article ont été modifiées par l'article 134 de la loi de finances pour 2022, qui a procédé à la transposition de la directive du 22 mars 2021 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscale974(*) (dite « DAC 7 »), largement inspirée du dispositif mis en place en France. Toute plateforme ne respectant pas son obligation d'informer l'utilisateur de ses obligations sociales et fiscales s'expose à une amende forfaitaire, plafonnée à 50 000 euros (article 1731 ter du CGI). Elle s'expose à la même sanction si elle n'a pas respecté ses propres obligations déclaratives (article 1736 du CGI).

L'article 11 de la loi du 23 octobre 2018 a également instauré, à l'initiative de la commission des finances, un mécanisme de responsabilité solidaire pour le paiement de la TVA, prévu à l'article 283 bis du CGI.

L'engagement de la responsabilité solidaire de la plateforme se déroule en plusieurs étapes :

- lorsqu'il existe des présomptions quant au fait qu'une personne qui exerce son activité par l'intermédiaire d'une plateforme en ligne se soustrait à ses obligations de déclaration et/ou de paiement de la TVA, l'administration fiscale peut tout d'abord signaler cette personne à l'opérateur de la plateforme en ligne afin que cette dernière prenne les mesures nécessaires pour inciter l'utilisateur à régulariser sa situation. Ces mesures doivent être notifiées à l'administration ;

- ensuite, si les présomptions persistent après un délai d'un mois à compter de la notification ou du premier signalement, l'administration fiscale peut mettre en demeure la plateforme en ligne de prendre ces mesures et, à défaut, d'exclure la personne. La plateforme doit là-encore notifier à l'administration les mesures prises ;

- enfin, en l'absence de mise en oeuvre de ces mesures par la plateforme et après un délai d'un mois à compter de la notification ou de la mise en demeure, la TVA est solidairement due par l'opérateur de la plateforme en ligne. Cette mesure s'applique aux plateformes en ligne recevant plus de cinq millions de visiteurs uniques par mois.

La mise en place d'un principe de responsabilité solidaire était proposée de longue date par la commission des finances, qui avait alerté dès 2013 sur l'ampleur de la fraude à la TVA dans le commerce électronique. Ce constat avait été confirmé par l'inspection générale des finances, qui, dans un rapport portant sur la sécurisation du recouvrement de la TVA975(*), avait souligné que près de 98 % des sociétés étrangères opérant sur les plateformes en ligne n'étaient pas immatriculées à la TVA.

Enfin, l'article 18 de la loi du 23 octobre 2018 a introduit la possibilité, pour l'administration fiscale, de publier les sanctions qu'elle prononce à l'encontre de personnes morales à raison de manquements graves, caractérisés et à caractère frauduleux, la publication étant toutefois écartée si des poursuites pénales sont engagées. Cette procédure, dite de « name and shame », figure à l'article 1729 A bis du CGI et est strictement encadrée. L'article 149 de la loi de finances pour 2020 a par ailleurs complété ce dispositif en introduisant un article 1740 D au sein du CGI afin de permettre à l'administration fiscale de publier sur son site internet la liste des plateformes non coopératives, à savoir celles ayant fait l'objet d'au moins deux mesures de mise en recouvrement d'une taxation d'office ou d'une amende au cours d'une période maximale de douze mois. Le même encadrement est prévu pour ce « name and shame » que pour la publication des sanctions administratives prévue à l'article 1729 A bis du CGI.

b) Un dispositif étoffé pour la fraude à la TVA par l'intermédiaire des plateformes en ligne, mais lacunaire pour les autres prestataires de services

Le dispositif mis en place par la France pour lutter contre la fraude à la TVA dans le commerce électronique apparaît plutôt complet et a même pu inspirer les évolutions de la règlementation européenne. Or, les précédentes obligations, qu'elles soient déclaratives ou de paiement, ainsi que les sanctions qui y sont liées, ne peuvent pas s'appliquer aux prestataires de services situés en dehors de l'Union européenne et n'utilisant pas des plateformes pour procéder à leurs opérations.

Par ailleurs, les prérogatives d'enquête des agents de la DGFiP se révèlent elles aussi insuffisantes. Prévue à l'article L10 BA du livre des procédures fiscales (LPF), et complétée par la loi de finances pour 2023976(*), la procédure de suspension du numéro de TVA intracommunautaire n'a pas d'effet sur les ventes aux particuliers consommateurs (non assujetties). Elle constitue un levier efficace seulement pour les transactions inter-entreprises, puisque la suspension du numéro de TVA prive l'entreprise concernée de la possibilité d'émettre des factures ou de pouvoir auto-liquider la TVA sur ses importations.

Les prestataires n'étant pas établis en France et n'y disposant pas de locaux, les prérogatives en matière de flagrance fiscale, de visites domiciliaires, de saisies ou de « droits d'enquête TVA » sont également inefficaces (cf. supra, IV).

L'administration fiscale ne dispose dès lors pas d'outils spécifiques pour exercer son droit de reprise de la TVA à l'égard de ces prestataires, droit de reprise qui doit s'exercer dans les trois ans à compter du 1er janvier suivant l'année d'imposition (article L176 du LPF).

3. Le développement des pouvoirs d'injonction numérique pour les administrations

a) Un dispositif d'injonction originellement strictement cantonné à la lutte contre les contenus à caractère terroriste ou pédopornographique

Le blocage administratif de certains contenus internet, sans contrôle préalable du juge, est strictement encadré par la jurisprudence constitutionnelle au titre de la liberté d'expression et de communication. Il n'a donc d'abord été autorisé que pour des contenus illicites d'une particulière gravité tels que des contenus à caractère terroriste, ou pédopornographique, relevant de l'apologie de crimes contre l'humanité ou incitant à la discrimination, à la haine et à la violence977(*).

La loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) a instauré, sous l'égide du droit européen, un régime de responsabilité protecteur pour les hébergeurs en ligne, dont la responsabilité civile ou pénale ne peut pas être engagée en l'absence de connaissance de l'illicéité des contenus stockés ou, en cas de connaissance de l'illicéité manifeste des contenus stockés, s'ils ont procédé promptement à leur retrait (2 et 3 du I de l'article 6 de la LCEN). Ce régime, destiné à protéger la libre expression sur internet des citoyens, justifie également que les hébergeurs ne puissent être soumis à une obligation générale de surveillance des informations qu'ils stockent ni de recherche des activités illicites.

En contrepartie, les intermédiaires techniques doivent toutefois coopérer avec les pouvoirs publics pour lutter contre la diffusion de contenus illicites graves. L'article 42 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République978(*) a étendu ces obligations aux opérateurs de plateforme en ligne.

b) Un pouvoir d'injonction numérique confié aux agents de la DGCCRF et de la Douane en raison de leurs missions de lutte contre des infractions graves commises par l'intermédiaire d'internet

L'article 23 de la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces979(*) a conféré une nouvelle prérogative aux agents des douanes pour prévenir la commission d'infractions par l'intermédiaire d'internet en permettant aux agents habilités de demander aux intermédiaires en ligne de prendre les mesures nécessaires pour retirer ou rendre inaccessibles les contenus ayant permis la commission d'infractions douanières graves, à savoir les délits douaniers de contrebande de marchandises prohibées ainsi que la vente et l'acquisition de tabac en ligne.

Si les intermédiaires en ligne ne répondent pas à l'avis motivé envoyé par les agents de la Douane, ces derniers peuvent demander aux opérateurs de registre, aux bureaux d'enregistrement de domaines ou aux exploitants de moteur de recherche, d'annuaire ou de service de référencement de prendre toutes les mesures utiles pour faire cesser le référencement des contenus illicites ou de procéder à la suspension du nom de domaine. En dernier recours, ils pourront demander au tribunal judiciaire de supprimer, en raison de leurs contenus, un ou plusieurs noms de domaines ou un ou plusieurs comptes de réseaux sociaux.

Ce dispositif s'inspire largement de celui prévu pour les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a pu être qualifié de « pouvoir d'injonction numérique ».

Lorsque qu'ils constatent la commission d'une infraction susceptible de porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l'intérêt des consommateurs, les agents habilités de la DGCCRF peuvent en effet, à l'issue d'une procédure contradictoire, demander le retrait de contenus manifestement illicites (article L. 521-1 du code de la consommation). Le cas échéant, ils peuvent également saisir l'autorité judiciaire en référé ou sur requête en cas d'infraction ou de manquement aux dispositions du code de la consommation pour lui demander de prescrire aux fournisseurs d'accès à internet ou aux hébergeurs en ligne de prendre « toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne » (article L. 521-3 du même code).

L'article 5 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière980(*) (loi DDADUE) a renforcé les prérogatives des agents de la DGCCRF pour lutter contre les contenus illicites en ligne981(*). Lorsqu'il n'existe pas d'autres moyens efficaces pour éliminer un risque grave, les agents de la DGCCRF pourront exiger le retrait du contenu d'une interface en ligne ou exiger l'affichage d'une mise en garde et demander aux prestataires de services de restreindre l'accès à l'interface en ligne concernée (article L. 521-3-1 du code de la consommation). Ces mesures doivent être prises dans un délai qui ne peut être inférieur à 48 heures et peuvent faire l'objet d'une mesure de publicité.

Concernant la prérogative octroyée aux agents des douanes, le Sénat, à l'initiative de la commission des finances et de son rapporteur, M. Albéric de Montgolfier, avait apporté de larges ajustements au dispositif pour en assurer la pleine effectivité et le sécuriser juridiquement982(*). S'inspirant de ce qui est prévu pour le pouvoir d'injonction numérique des agents de la DGCCRF, avec la possibilité de sanctionner d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 250 000 euros les personnes ne se soumettant pas aux mesures ordonnées, la commission des finances avait également introduit un dispositif de sanction similaire pour la Douane. Ainsi, les agents des douanes qui constatent le non-respect des mesures d'injonction ordonnées à l'encontre des opérateurs et des hébergeurs en ligne pourront demander à l'autorité judiciaire de prononcer une astreinte d'un montant maximal de 250 000 euros afin de garantir l'exécution de la décision.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INSTAURATION D'UNE INJONCTION DE MISE EN CONFORMITÉ FISCALE

Le 4 du II du présent article rétablit le chapitre I septies du titre II de la première partie du LPF. Il vise à instaurer une injonction de mise en conformité fiscale pour lutter contre les manquements à la TVA des assujettis établis dans un pays ou territoire tiers à l'Union européenne.

Ainsi, aux termes du I du nouvel article L80 P du LPF, les agents de l'administration fiscale ayant au moins le grade d'inspecteur des finances publiques et habilités à cet effet pourront adresser à l'auteur du manquement à la TVA une demande motivée de se conformer à ses obligations dans un délai de 30 jours.

Le manquement et les personnes concernées sont strictement délimités, par le biais de cinq conditions cumulatives. Il s'agirait :

- des assujettis à la TVA non établis dans l'Union européenne ;

- fournissant des services par voie électronique au sens du 12° de l'article 259 B du CGI (listés à l'article 98 C de l'annexe III du CGI, cf. supra) ;

et proposant ces services par l'intermédiaire d'une interface en ligne au sens du de l'article 3 du règlement européen sur les services numériques983(*) ;

- mais ne déclarant pas la TVA due en France en violation du 1 du I de l'article 259 D du CGI ;

- et ne s'en acquittant pas de manière répétée.

À défaut de réponse à la demande motivée ou de mise en conformité à l'expiration du délai de 30 jours, les agents de l'administration fiscale adresseraient à l'auteur des manquements une mise en demeure de se conformer à ses obligations, de nouveau dans un délai de 30 jours et en l'avertissant des mesures pouvant être prises au titre du II de l'article L80 P du LPF.

En effet, sur ce fondement, lorsque l'auteur des manquements ne peut être identifié ou qu'il ne se conforme pas à ses obligations, l'administration fiscale peut, en lui notifiant les adresses électroniques des interfaces en ligne :

- demander à tout fournisseur de moteur de recherche en ligne984(*) de cesser le classement de ces interfaces en ligne pour une durée de quatre mois, renouvelable une fois ;

demander à tout fournisseur de comparateur en ligne985(*) de cesser le référencement de ces interfaces en ligne pour une durée de quatre mois, renouvelable une fois. S'entend d'un comparateur en ligne tout service de communication au public en ligne consistant en la fourniture d'informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels. Cette définition, reprise au sein de l'article L80 P du LPF, est similaire à celle prévue à l'article L111-7 du code de la consommation ;

demander aux fournisseurs d'accès et aux hébergeurs en ligne de prendre toute mesure utile destinée à en limiter l'accès pour une durée de quatre mois, renouvelable une fois.

Les mesures précitées devraient être mises en oeuvre dans un délai fixé par l'administration et ne pouvant être inférieur à 48 heures.

Le du I du présent article rétablit l'article 1788 bis du CGI afin de prévoir une astreinte. Lorsque les fournisseurs de moteur de recherche en ligne, les fournisseurs de comparateur en ligne, les fournisseurs d'accès et les hébergeurs en ligne ne mettront pas en oeuvre, dans le délai prévu par l'administration fiscale, les mesures qui leur ont été demandées, une amende de 500 euros par jour de retard leur sera appliquée, au plus tard jusqu'à l'expiration de la durée de quatre mois, portée le cas échéant à huit mois.

Aux termes du V du présent article, les modalités d'application des nouveaux articles L80 P du LPF et 1788 bis du CGI devront être définies par un décret en Conseil d'État.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION 

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement rédactionnel déposé par le rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, a été retenu sur les dispositions concernant l'injonction de mise en conformité fiscale.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE PROCÉDURE SUFFISAMMENT ENCADRÉE ET VENANT UTILEMENT COMPLÉTER LES OUTILS À DISPOSITION DE L'ADMINISTRATION FISCALE POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE À LA TVA

La commission soutient la mise en place d'une procédure d'injonction de mise en conformité fiscale à l'encontre des prestataires de services électroniques établis dans un pays tiers de l'Union européenne et qui contreviennent à leurs obligations en matière de TVA. Elle viendrait utilement compléter les outils à disposition de l'administration fiscale pour lutter contre la fraude à la TVA mais qui se sont révélés limités voire inefficaces et inapplicables pour les manquements de ces prestataires de services qui ne passent pas par une plateforme ou une place de marché en ligne.

Non seulement l'administration fiscale ne peut pas exercer à leur encontre son droit de reprise de la TVA, mais ces pratiques sont à l'origine d'une concurrence déloyale vis-à-vis des prestataires de services établis dans l'Union européenne. L'évaluation préalable du présent article cite l'exemple des sites très fréquentés de mise à disposition payante de vidéos ou de jeux en ligne, des prestations de services électroniques. Or, ces prestations, immatérielles, ne peuvent pas être saisies, les prestataires ne disposent d'aucun établissement en France pouvant être visité et le droit de communication n'a pas d'effet. Le seul moyen pour la DGFiP de parvenir à avoir des informations sur les prestataires serait de recourir à l'assistance administrative internationale, ce qui peut s'avérer particulièrement long et difficile.

Les dispositions proposées, qui permettront aux agents de l'administration fiscale de pouvoir demander le déréférencement de contenus ou de rendre leur accès impossible, doivent être appréciées au regard de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel dans ce domaine. Le Conseil constitutionnel a récemment déclaré conforme à la Constitution, dans une décision de QPC986(*), le pouvoir d'injonction numérique octroyé aux agents de la DGCCRF, dispositif sur lequel s'est largement appuyé le législateur pour octroyer une prérogative similaire aux agents de la Douane987(*). Il a notamment affirmé que l'exercice d'une telle prérogative n'exigeait pas nécessairement l'intervention d'un juge dès lors que l'administration voyait son action suffisamment encadrée et que des recours effectifs étaient garantis par la loi.

Tout d'abord, le pouvoir d'injonction doit être exercé pour faire cesser des infractions ou des manquements graves, ce qui est le cas ici, dans le cadre de la lutte contre la fraude à la TVA. Ne pourront de surcroît faire l'objet des mesures d'injonction de conformité fiscale que les seuls contenus manifestement illicites, en ce qu'ils permettent de contourner la déclaration et le paiement de la TVA.

Par ailleurs, dans le commentaire de sa décision QPC relatif au pouvoir d'injonction des agents de la DGCCRF988(*), le Conseil constitutionnel avait apprécié positivement le fait que les agents doivent signaler précisément les contenus concernés par la demande de déréférencement, à savoir par leurs adresses électroniques. Une disposition similaire est prévue ici puisque les agents de la DGFiP devront « notifier les adresses électroniques des interfaces en ligne » concernées par les demandes de déréférencement ou de blocage de leur accès.

Le Conseil constitutionnel avait tenu compte, pour la DGCCRF, du fait que les injonctions de déréférencement ne pouvaient être exercées par l'administration « qu'après que celle-ci aura soit tenté en vain d'obtenir du professionnel exploitant l'interface en ligne qu'il se mette en conformité, soit cherché sans y parvenir à identifier ce dernier ». Les mêmes précautions sont prévues pour l'injonction de mise en conformité fiscale de la DGFiP, qui devra également motiver sa décision.

Le Conseil constitutionnel avait également positivement relevé que les agents de la DGCCRF devaient laisser un délai de 48 heures aux intermédiaires pour procéder au déréférencement des contenus et le même délai est prévu pour l'injonction de mise en conformité fiscale de la DGFiP. Ce délai devrait laisser le temps aux fournisseurs d'accès, aux plateformes en ligne et aux comparateurs en ligne de pouvoir contester la décision par voie d'un recours en référé sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative989(*).

Enfin, il convient de relever qu'un dispositif d'astreinte est prévu pour inciter les opérateurs en ligne à se conformer le plus rapidement possible aux mesures demandées par la DGFiP. La commission se félicite que le Gouvernement se soit rangé à sa position : lors de l'examen du projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, dont l'article 12 prévoyait une telle procédure d'injonction pour les douaniers, le Sénat avait proposé ce principe de sanction, contre l'avis du Gouvernement en séance publique. Les négociations en commission mixte paritaire avaient cependant permis d'aboutir à la mise en place d'un mécanisme d'astreinte.

La commission est favorable à l'adoption du dispositif proposé.

VI. L'INSTAURATION D'UNE SANCTION ADMINISTRATIVE « GÉNÉRIQUE » POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE AUX AIDES PUBLIQUES

A. LE DROIT EXISTANT : RECOURIR À LA VOIE PÉNALE POUR SANCTIONNER CERTAINES FRAUDES AUX AIDES PUBLIQUES

Les aides publiques désignent l'ensemble des aides pouvant être versées par des personnes publiques (à savoir l'État, les collectivités territoriales, les organismes de sécurité sociale, les organismes publics) mais également par des organismes de droit privé chargés d'une mission de service public.

À titre d'exemple, selon la Cour des comptes990(*), 92 milliards d'euros ont été versés par l'État entre 2020 et 2022 au titre du fonds de solidarité (41,03 milliards d'euros), de l'activité partielle (21,98 milliards d'euros), des exonérations de cotisations sociales (8,5 milliards d'euros) et du plan de résilience économique et sociale afin de faire face à l'augmentation des coûts de l'énergie et à l'inflation (24,8 milliards d'euros).

Or, les modalités d'octroi et de fonctionnement des aides publiques, définies par le législateur, ne prévoient pas toujours de dispositions particulières en cas de fraude, ni par conséquent de sanctions administratives, qui prendraient par exemple la forme d'une majoration appliquée à la somme à restituer à la personne publique qui a versé l'aide. De telles sanctions existent pour les manquements fiscaux, avec l'application de majorations et de pénalités, mais pas systématiquement pour les dispositifs de subvention. Elles existent aussi pour certaines prestations sociales, le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse pouvant définir une pénalité en cas de fausse déclaration, d'absence de déclaration ou de manoeuvres frauduleuses pour obtenir le versement indu d'une prestation (article L114-7 du code de la sécurité sociale).

Le fonds de solidarité en constitue un exemple emblématique. La DGFiP avait un impératif : verser le plus rapidement possible les fonds aux entreprises bénéficiaires, pour éviter d'accentuer leurs difficultés. Pour le concilier avec la nécessité de prévenir des schémas de fraude massive, la direction s'est appuyée sur ses outils de datamining (analyse des données de masse). Elle a développé un traitement automatisé lui permettant de détecter rapidement les cas de fraude manifeste (ex. demande multiple, discordance des numéros SIREN).

En 2020, 1 million de demandes avaient été bloquées et renvoyées à un examen individualisé991(*). Les premiers contrôles a posteriori avaient été lancés au mois de juillet 2020, l'enjeu pour la DGFiP étant en outre de parvenir à distinguer les cas de fraude, intentionnelle, et les erreurs de bonne foi, les modalités du fonds de solidarité ayant été modifiées à de nombreuses reprises. La DGFiP avait par exemple enregistré 12 millions de remboursements spontanés suite à des erreurs de déclaration en 2020992(*).

En tout, entre 2021 et 2022, ce sont près 187 870 demandes irrégulières qui ont été identifiées par l'administration fiscale, pour un montant de 472,6 millions d'euros mis en recouvrement, 73,2 millions d'euros effectivement recouvrés à la fin de l'année 2022 et 161,8 millions d'euros reversés spontanément993(*).

Cependant, en l'absence de possibilité de sanctionner directement cette fraude aux aides publiques, la DGFiP a fait le choix de sélectionner les dossiers présentant les enjeux financiers les plus importants ou les schémas de fraude les plus caractérisés et de porter plainte pour escroquerie.

L'escroquerie

Article 313-1 du code pénal : l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.

Article 313-2 du code pénal : les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende lorsque l'escroquerie est réalisée par une personne dépositaire de l'autorité publique ou qui en prend indûment la qualité, par une personne qui fait appel au public pour émettre des titres ou collecter des fonds ou lorsqu'elle est réalisée au préjudice d'une personne vulnérable ou d'une personne publique, d'un organisme de protection sociale ou d'un organisme chargé d'une mission de service public, pour l'obtention d'une allocation, d'une prestation, d'un paiement ou d'un avantage indu. Les peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et un million d'euros d'amende pour les faits d'escroquerie commis en bande organisée.

Source : code pénal

Le dépôt de plainte pour escroquerie est la seule manière de pouvoir sanctionner les personnes responsables de fraudes aux finances publiques en l'absence de dispositifs de sanction spécifiques. Pour le fonds de solidarité, ce sont 2 542 dossiers qui ont l'objet d'une plainte en 2021 et 3 760 dossiers en 2022, pour un préjudice financier total de 86,7 millions d'euros994(*).

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SANCTION ADMINISTRATIVE GÉNÉRIQUE EN CAS DE FRAUDE AUX AIDES PUBLIQUES

Le 1° du III du présent article modifie le code des relations entre le public et l'administration (CRPA) afin de compléter le titre Ier du livre Ier d'un chapitre V « Lutte contre la fraude ».

Aux termes du nouvel article L. 115-1 du CRPA, tout bénéficiaire ayant indûment obtenu une aide attribuée par une administration au sens du 1° de l'article L. 100-3 du même code995(*) ou par un établissement public industriel et commercial en fournissant des informations inexactes ou incomplètes devrait restituer le montant de l'aide majoré de 40 % en cas de manquement délibéré et de 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses.

Le 2 du III du présent article prévoit l'application de cette nouvelle disposition en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna (articles L. 552-3, L. 562-3 et L. 572-1 du CRPA).

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION 

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, aucune modification n'a été apportée aux dispositions relatives à la création d'une sanction administrative contre la fraude aux aides publiques.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : LA NÉCESSITÉ DE POUVOIR SANCTIONNER ADMINISTRATIVEMENT LES FRAUDES AUX AIDES PUBLIQUES

La création d'une sanction administrative « générique » pour lutter contre les fraudes aux finances publiques apparaît d'autant plus nécessaire que le nombre d'aides versées aux entreprises et aux particuliers n'a cessé d'augmenter ces dernières années, dans le contexte de la crise sanitaire puis en réponse à la hausse durable des prix de l'énergie. Elle avait été annoncée dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement au mois de mai 2023. Il s'agissait de la mesure 13 « Créer un dispositif de sanction administrative ad hoc permettant une action rapide et dissuasive en cas de fraudes aux aides publiques »996(*).

L'État doit pouvoir utiliser une procédure plus souple que la pénalisation des dossiers, qui suppose la mobilisation de moyens conséquents pour démontrer des faits d'escroquerie et qui présente le risque d'engorger les juridictions, pour des enjeux financiers parfois limités. Dans la plupart des cas, il sera à la fois plus simple et plus efficace d'un point de vue budgétaire de pouvoir obtenir la restitution de la somme assortie d'une majoration de 40 % ou de 80 %. L'action pénale serait ainsi réservée aux dossiers présentant les plus forts enjeux.

La Cour des comptes997(*) avait d'ailleurs appelé à mettre en oeuvre des dispositifs anti-fraude dès la conception des dispositifs : en complément de ce traitement en amont du versement des aides, les présentes dispositions permettront un traitement en aval, avec un effet dissuasif plus important qu'une éventuelle pénalisation du dossier.

La commission est favorable à l'adoption du dispositif proposé.

VII. LA PROROGATION ET L'EXTENSION DE L'EXPÉRIMENTATION VISANT À PERMETTRE AUX AGENTS DE L'ADMINISTRATION FISCALE ET DE LA DOUANE DE COLLECTER ET D'ANALYSER LES DONNÉES PUBLIÉES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

A. LE DROIT EXISTANT : UNE EXPÉRIMENTATION DE TROIS ANS POUR PERMETTRE LA COLLECTE ET L'ANALYSE DE DONNÉES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX, STRICTEMENT ENCADRÉE PAR LE PARLEMENT

1. Une expérimentation strictement encadrée

L'article 154 de la loi de finances pour 2020998(*) a autorisé, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) à collecter et à exploiter, au moyen de traitements automatisés et informatisés, les contenus manifestement rendus librement accessibles par les utilisateurs de plateformes en ligne. Ces informations peuvent être analysées aux seules fins de recherche des infractions fiscales et douanières les plus graves, à savoir :

- la découverte d'une activité occulte, qui fait l'objet d'une majoration des droits dus de 80 % (article 1728 du code général des impôts [CGI]) ;

- les manquements délibérés ou les manoeuvres frauduleuses visant à une domiciliation fictive ou artificielle à l'étranger (article 1729 du CGI pour ce qui concerne les règles fixées à l'article 4 B du même code) ;

- la fabrication, la détention, la vente ou le transport illicites de tabac (article 1791 ter du CGI) ;

- la fabrication frauduleuse, la détention en vue de la vente, le transport frauduleux d'alcools, de tabacs ou de contrefaçons de monnaie ancienne (article 1810 du CGI) ;

- les faits de contrebande, d'importation et d'exportation sans déclaration (articles 414 et 414 2 du code des douanes) ;

- le blanchiment douanier (article 415 du code des douanes).

L'adoption de cette disposition s'inscrivait dans le contexte du développement des nouvelles techniques d'analyse des données de masse (datamining) et de l'intelligence artificielle. La DGFiP a créé dès 2014 une mission « requête et valorisation » (MRV), devenue le bureau de la programmation des contrôles et de l'analyse des données, avec l'objectif, atteint depuis 2022999(*), de pouvoir programmer environ 50 % des contrôles fiscaux à partir des outils d'analyse de données mis en place pour repérer les schémas de fraude, et notamment les plus complexes et les plus massifs d'entre eux1000(*). La Douane a elle aussi développé ses propres outils d'analyse des données de masse, en créant en 2016 un service à compétence national dédié à ces traitements, le service d'analyse de risque et de ciblage (SARC).

Au regard de ses potentiels impacts sur la liberté d'expression et de communication, sur le droit du respect à la vie privée et sur la protection des données personnelles, la mise en oeuvre de cette expérimentation a été strictement encadrée par le Parlement1001(*), en ligne avec les recommandations émises par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) dans son avis1002(*) sur cette disposition :

- restriction du dispositif aux infractions les plus graves ;

- restriction de la collecte aux contenus manifestement rendus publics sur les plateformes en ligne, avec l'objectif notamment d'exclure les commentaires des tiers et les discussions privées ;

- transmission obligatoire des données collectées et analysées aux services compétents en matière de contrôle fiscal, avec l'impossibilité d'opposer aux contribuables les données collectées autrement que dans le cadre d'une procédure de contrôle dûment formalisée ;

- interdiction de recourir à un sous-traitant pour les opérations de traitement, de collecte et de conservation des données ;

- interdiction de recourir à la reconnaissance faciale dans les traitements automatisés de collecte et d'analyse des données ;

- habilitation spéciale des agents désignés pour mettre en oeuvre ces traitements automatisés, qui ont au moins le grade de contrôleurs ;

- obligation d'établir une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD), qui doit comprendre une description détaillée du traitement mis en oeuvre, l'évaluation de la nécessité et de la proportionnalité des traitements et une étude, de nature plus technique, des risques sur la sécurité des données ainsi que de leurs impacts potentiels sur la vie privée ;

- encadrement des durées de conservation des données, avec notamment la destruction dans un délai de cinq jours des données manifestement sans lien avec les infractions recherchées ;

- droit d'accès des utilisateurs aux informations collectées ;

- deux rapports d'évaluation remis au Parlement et à la CNIL.

Lors de l'examen de cette disposition dans le projet de loi de finances pour 2020, la commission avait fait preuve d'une grande précaution. Tout en soutenant le dispositif, elle avait souligné le changement d'échelle qu'il engageait dans la lutte contre la fraude fiscale, avec une collecte généralisée des données, et, partant, des questions inédites soulevées en matière de protection des données à caractère personnel et de préservation de la liberté d'expression et de communication.

Dans le cadre de sa décision sur la loi de finances pour 20201003(*), le Conseil constitutionnel a jugé que les garanties précitées visant à encadrer les infractions visées, les données concernées et les traitements automatisés étaient de nature à assurer une conciliation qui n'était pas déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale, et que l'atteinte à l'exercice de la liberté d'expression et de communication était nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis. Il a toutefois censuré la possibilité de pouvoir collecter et analyser ces données aux fins de constater et de rechercher les manquements liés au défaut ou au retard de production d'une déclaration fiscale dans les trente jours suivant la réception d'une mise à demeure à cet effet, ce manquement entrainant l'application d'une majoration de 40 % (b du 1 de l'article 1728 du CGI).

Le Conseil constitutionnel a également émis une réserve d'interprétation en considérant que les données susceptibles d'être collectées et exploitées devaient correspondre à des « contenus librement accessibles sur un service de communication au public en ligne d'une des plateformes [...], à l'exclusion donc des contenus accessibles seulement après saisie d'un mot de passe ou après inscription sur le site en cause ». Il avait ajouté une autre condition cumulative en disposant que les données susceptibles d'être collectées et exploitées devaient avoir été manifestement rendues publiques par l'utilisateur, ce qui exclut par exemple, comme l'avait souhaité le législateur, les commentaires de tiers.

Cette réserve a été strictement interprétée par la CNIL puis par le Conseil d'État, avec une distinction opérée entre, d'une part, les données librement accessibles - c'est-à-dire accessibles sans aucune forme de connexion - et, d'autre part, les données publiquement accessibles - c'est-à-dire auxquelles tout le monde peut avoir accès, mais éventuellement en disposant d'un compte sur la plateforme concernée ou d'un mot de passe.

L'expérimentation a débuté au mois de février 20211004(*) et doit prendre fin au mois de février 2024.

2. Une expérimentation aux premiers résultats concluants, en dépit d'une portée opérationnelle limitée

a) Les premiers constats de la mission d'information de la commission sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales à l'automne 2022

Dans le cadre de sa mission d'information sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, la commission a consacré une partie de ses travaux à la mise en oeuvre de l'expérimentation prévue à l'article 154 de la loi de finances pour 2020. Après une phase de construction de l'infrastructure et de l'algorithme de détection, l'expérimentation est entrée en phase opérationnelle.

Deux exemples sont repris dans le rapport1005(*) :

- la lutte contre la vente de tabac en ligne par la Douane. Il y a d'abord eu une phase de collecte des annonces et des profils comportant les éléments recherchés, à l'aide de mots clefs associés à la vente de tabac, suivie d'une phase de structuration et de « nettoyage des données ». Les dossiers potentiellement frauduleux ont été transmis aux services douaniers pour traitement (mai 2022). Une quarantaine d'annonces potentiellement frauduleuses sont identifiées chaque semaine, sur trois plateformes ;

- la lutte contre les activités occultes par la DGFiP. Les premiers traitements, dès le mois de juillet 2021, ont permis de collecter plus de 13 000 annonces proposant des offres de services dans plusieurs secteurs économiques (coiffure, déménagement, informatique, plomberie, cours particuliers, soin). Près d'un tiers de ces annonces indiquait des numéros SIREN inconnus dans les référentiels de la DGFiP ou correspondant à des entreprises qui ont officiellement cessé leurs activités. Si la pertinence des dossiers sélectionnés a été confirmée, les enjeux financiers se sont avérés faibles. Après la prise en compte des retours des services, il a donc été décidé de lancer une nouvelle production orientée vers la vente de véhicules automobiles par des personnes morales ou des personnes physiques, dans le but d'identifier des activités occultes à enjeux.

Les travaux menés par la commission ont permis de mesurer l'ampleur de la restriction liée à la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel et à la distinction entre données librement et publiquement accessibles. En effet, à la différence des plateformes d'échanges, la plupart des réseaux sociaux subordonnent l'accès à leur site à une inscription préalable. Concrètement, les agents ne peuvent pas accéder à certains contenus publiés sur les réseaux comme Facebook ou Instagram, pour lesquels il peut être nécessaire de disposer d'un compte (sans pour autant faire partie des « amis » ou « abonnés » de la personne visée).

b) Le premier rapport d'évaluation de l'expérimentation a confirmé les conclusions de la mission d'information de la commission

Le rapport intermédiaire d'évaluation de l'expérimentation, remis au Parlement et à la CNIL au mois de juillet 2023, confirme les constats et les observations formulés par la mission d'information de la commission, en particulier sur les limitations opérationnelles liées au périmètre de l'expérimentation, qui ne peut porter que sur les contenus librement accessibles.

Il ne contient pas de bilan chiffré des montants notifiés ou recouvrés à la suite de l'analyse de données collectées sur les plateformes en ligne, ce qui se justifie par deux raisons principales :

- la majorité du temps d'expérimentation a été consacrée à la construction des traitements automatisés ;

- les données collectées et analysées sont ensuite transmises aux brigades de contrôle, ce qui suppose de tenir compte du temps de traitement des dossiers et ensuite de la durée du contrôle fiscal, qui peut aboutir ou non à la notification de droits et ensuite à leur recouvrement.

Le rapport contient en revanche des données sur la fiabilité des traitements automatisés mis en place. Durant la première campagne de la DGFiP, qui portait sur certains secteurs économiques (coiffure, déménagement, informatique, plomberie, cours particuliers, soin), l'activité occulte a été confirmée dans 18 % des dossiers et demeure présumée pour 45 % des dossiers (détection de cas d'usurpation d'identité, annonce dont l'auteur n'a pas pu être identifié). Ce taux s'est établi à 13 % d'activité occulte confirmée et 21 % d'analyse en cours s'agissant des revendeurs de véhicules.

Le rapport intermédiaire précise enfin de manière détaillée la façon dont les garanties et les encadrements prévus dans la loi, le plus souvent à l'initiative du législateur, ont été traduits et repris par la DGFiP et par la Douane dans l'élaboration des traitements de collecte et d'analyse, par exemple la destruction des données non pertinentes.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXTENSION ET UNE PROROGATION DE L'EXPÉRIMENTATION PERMETTANT AUX AGENTS DE LA DOUANE ET DE L'ADMINISTRATION FISCALE DE COLLECTER ET D'EXPLOITER LES DONNÉES PUBLIÉES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

Le IV du présent article modifie l'article 154 de la loi de finances pour 2020 afin d'élargir et de proroger l'expérimentation de collecte et d'analyse des données sur les réseaux sociaux aux fins de lutte contre la fraude fiscale et les infractions douanières graves.

Le a du 1 du IV procède à une double extension en modifiant le I de l'article 154 précité.

D'une part, pourraient également être recherchés les abus de droit ou les manoeuvres frauduleuses mentionnés à l'article 1729 du CGI qui ont conduit à une minoration ou à une dissimulation de recettes, et non plus seulement ceux qui ont permis une domiciliation fictive à l'étranger.

D'autre part, et surtout, les agents de l'administration et de la douane pourraient collecter non plus seulement les contenus librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne, mais également les contenus manifestement rendus publics par leurs auteurs et publiquement accessibles sur les sites internet des plateformes en ligne, telles que définies au sens du règlement européen relatif au marché unique des services numériques1006(*), y compris donc lorsque l'accès à ces plateformes requiert une inscription à un compte.

Cette extension s'accompagne de l'octroi de deux nouvelles garanties.

L'administration fiscale et l'administration des douanes et des droits indirects devraient transmettre à la CNIL la liste des opérations de collecte engagées afin de faciliter la mise en oeuvre par l'autorité indépendante des vérifications mentionnées au g du I de l'article 8 de la loi du 6 janvier 19781007(*) relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (b du 1 du IV du présent article). C'est sur ce fondement que la CNIL peut décider, par décision particulière, de charger un ou plusieurs de ses membres de procéder ou de faire procéder par les agents de ses services à des vérifications portant sur tous traitements et d'obtenir des copies de tous documents ou supports d'informations utiles à ces missions.

Le décret en Conseil d'État, déjà prévu pour la mise en oeuvre de l'article 154 de la loi de finances pour 2020, devrait désormais également définir « les conditions dans lesquelles les administratives fiscale et douanière mettent à disposition du public, pendant toute la durée de l'expérimentation, une information facilement accessible en ligne sur les finalités et les modalités de fonctionnement » des traitements automatisés permis par cet article (c du 1 du IV du présent article).

Le 3 du IV du présent article prolonge l'expérimentation prévue à l'article 154 de la loi de finances pour 2020, sans les modifications apportées par le présent article, jusqu'au lendemain du décret pris pour l'application du I de l'article 154 précité tel que modifié par le présent article, et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2024. Une fois ce décret pris, l'expérimentation, avec la double extension apportée par le présent article, durera deux ans et se conclura donc au plus tard au 31 décembre 2026.

Par coordination, le 2 du IV du présent article modifie les dispositions relatives à l'évaluation de l'expérimentation. Un rapport d'évaluation sera transmis au Parlement six mois avant son terme.

C. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, aucune modification n'a été apportée aux dispositions concernant l'extension et la prorogation de l'expérimentation autorisant les agents de l'administration fiscale et des douanes à collecter et à analyser des contenus rendus publics sur les opérateurs de plateforme en ligne.

D. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE REPRISE DE LA RECOMMANDATION DE LA MISSION D'INFORMATION SUR LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALES

La commission ne peut que soutenir les modifications apportées par le présent article à l'article 154 de la loi de finances pour 2020, s'agissant de la mise en oeuvre de la recommandation n° 13 de sa mission d'information sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales (octobre 2022) : « modifier l'article 154 de la loi de finances initiale pour 2020 afin que les agents de l'administration fiscale et des douanes puissent collecter les données publiquement accessibles, et non uniquement librement accessibles, sur les plateformes en ligne et les exploiter au moyen de traitements automatisés et informatisés, à fins de recherche d'éventuelles infractions graves au code général des impôts et au code des douanes, en assortissant le dispositif de nouvelles garanties pour protéger la vie privée et les données personnelles des contribuables. Prolonger en conséquence l'expérimentation de deux ans, soit jusqu'en février 2026 ».

La distinction opérée entre contenus librement et publiquement accessibles a sensiblement altéré le caractère opérationnel du dispositif. Non seulement elle n'a pas pu permettre à la DGFiP et à la DGDDI d'accéder aux vecteurs des fraudes les plus graves et les plus complexes, mais elle a aussi ralenti, sur le plan opérationnel, la construction et le perfectionnement des modèles de détection de fraude1008(*). Le législateur n'avait pourtant pas de lui-même opéré cette distinction, puisqu'il considérait autoriser les agents de la DGFiP et de la Douane à accéder aux contenus publiés sur les réseaux sociaux, qu'il faille ou non un compte d'utilisateur. De fait, la plupart des réseaux sociaux subordonnent l'accès à leur site à une inscription préalable, contrairement aux plateformes « commerciales » : il est donc impossible d'accéder à ces données, alors même que ce sont souvent les plus à même de démontrer une fraude, par exemple une domiciliation fictive à l'étranger.

Concernant la portée de l'extension proposée, qui ciblerait les contenus publiquement accessibles, le rapporteur général, en tant que rapporteur de la mission d'information, avait interrogé la CNIL1009(*) à ce sujet dès le mois de mars 2022. La Commission avait alors considéré qu'il n'y avait pas d'obstacles a priori à ce que l'expérimentation soit ainsi étendue, à condition de prévoir un strict encadrement du dispositif (habilitation des agents, traçabilité des accès, recherche des infractions les plus graves, durée de conservation des données aussi réduite que possible). Ainsi, dans son avis sur l'extension de l'expérimentation, la CNIL a considéré que, sous certaines réserves, cette extension aux contenus publiquement accessibles et manifestement rendus publics pouvait être légitime et proportionnée aux finalités poursuivies1010(*).

La mission d'information avait également soutenu le principe d'un compte neutre, utilisé pour la seule collecte des données manifestement rendues publiques sur les plateformes concernées, ce qui excluait donc pour elle l'utilisation du compte pour accéder aux informations des groupes privés sur les plateformes, contrairement d'ailleurs à ce que prévoit le présent article pour l'enquête sous pseudonyme (cf. supra, IV.).

Par ailleurs, dans sa décision sur la loi de finances pour 2020, le Conseil constitutionnel avait ajouté : « pour apprécier s'il convient de pérenniser le dispositif expérimental en cause au terme du délai de trois ans fixé par la loi, il appartiendra au législateur de tirer les conséquences de l'évaluation de ce dispositif et, en particulier, au regard des atteintes portées aux droits et libertés précités et du respect des garanties précitées, de tenir compte de son efficacité dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. À la lumière de cette évaluation, la conformité à la Constitution de ce dispositif pourra alors de nouveau être examinée »1011(*).

Deux éléments ressortent de ce considérant. D'une part, l'extension et la prorogation de l'expérimentation doivent s'apprécier au regard des premiers résultats obtenus en matière de lutte contre la fraude fiscale. Les éléments transmis dans le cadre du rapport intermédiaire tendent à démontrer que les traitements automatisés ont permis de collecter des données publiées sur les plateforme en ligne permettant de déceler des anomalies, qui ont ensuite donné lieu à un contrôle fiscal. Ces traitements seraient donc efficaces, mais ne le seraient pleinement qu'en permettant une exploitation plus large des données, à condition qu'elle soit dûment encadrée.

D'autre part, le Conseil constitutionnel s'est réservé le droit d'examiner de nouveau la conformité du dispositif à la Constitution. Toute extension et prorogation doit donc être justifiée et proportionnée. Sur le plan « matériel », les traitements ont démontré leur efficacité. Sur le plan de la protection des droits et des libertés de chacun, il convient de relever que la modification de l'expérimentation s'accompagne du maintien de toutes les garanties initialement prévues mais également de l'octroi de deux nouvelles garanties, ainsi d'ailleurs que l'avait recommandé la mission d'information. La liste des opérations de collecte devra être transmise à la CNIL pour faciliter ses vérifications et l'information du public sera renforcée.

Sur ce premier point, au regard des enjeux soulevés par l'extension de l'expérimentation en matière de protection des données personnelles, du droit au respect de la vie privée et de la liberté d'expression et de communication, la commission propose de renforcer encore davantage le rôle de la CNIL. Elle a donc adopté un amendement n° I-222 (FINC.66) imposant à l'administration fiscale et à la Douane de transmettre, préalablement à l'engagement des opérations de collecte, la liste des opérations envisagées, afin que la CNIL puisse émettre des recommandations. L'absence de recommandations ne pourra pas être assimilée à une présomption de conformité mais cette possibilité permettra de signaler le plus tôt possible les difficultés manifestes soulevées par un traitement automatisé.

La commission est favorable à l'adoption de ce dispositif ainsi modifié.

Ainsi, conformément à sa « ligne de conduite », la commission a entendu soutenir les dispositifs mis en place pour accroître l'efficacité de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales tout en y apportant des ajustements pour protéger les droits garantis à tout contribuable et préserver l'équilibre entre dissuasion, répression et sécurité juridique.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 20

Délit de mise à disposition d'instruments de facilitation
de la fraude fiscale

Le présent article prévoit d'instaurer un délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, et donc de nouvelles sanctions pénales à l'égard des personnes qui se rendraient coupables de cette infraction.

Serait désormais punie de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 250 000 euros la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d'un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers ayant pour but de permettre à un ou des tiers de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts mentionnés dans le code général des impôts. Tout en soulignant que les dispositions adoptées ces dernières années par le Parlement avaient déjà permis de renforcer les sanctions applicables aux intermédiaires proposant ou contribuant à la mise en place de schémas frauduleux, la commission a soutenu la création de ce délit autonome. Les personnes mettant à disposition ces instruments de facilitation de la fraude fiscale pourraient en effet être poursuivies indépendamment de tout fait de fraude fiscale caractérisé et de toute plainte de l'administration fiscale.

Il ne s'agit donc pas, contrairement à ce qui avait pu être annoncé par le Gouvernement au mois de septembre 2023, d'un délit d'apologie ou de promotion de la fraude fiscale, qui aurait été beaucoup plus fragile juridiquement. En l'espèce, le dispositif proposé apparaît proportionné aux objectifs poursuivis, d'autant qu'il ne viserait que les cas de fraude fiscale aggravée au sens de l'article 1741 du code général des impôts.

La commission a toutefois considéré que le caractère intentionnel de la mise à disposition de ces instruments de facilitation de la fraude fiscale n'était pas suffisamment matérialisé dans la rédaction actuelle du dispositif. Or, le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que le délit de fraude fiscale impliquait à la fois un élément matériel et un élément intentionnel, une appréciation qui peut être répliquée au délit créé par le présent article. Elle a donc adopté un amendement n° I-223 (FINC.67) pour renforcer la notion d'intentionnalité dans la poursuite de ce délit et en accroître ainsi la sécurité juridique.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DES SANCTIONS ADMINISTRATIVES ET PÉNALES APPLICABLES À L'ENCONTRE DES PERSONNES COMPLICES DE FRAUDE FISCALE ET DE BLANCHIMENT DE FRAUDE FISCALE

Les infractions à la loi fiscale sont sanctionnées par des pénalités fiscales, qui comprennent les intérêts de retard, les amendes fiscales (forfaitaires) et les majorations de droits (proportionnelles). Ces pénalités sont déterminées par l'administration fiscale, sous le contrôle du juge de l'impôt.

À ces pénalités fiscales peuvent venir s'ajouter des sanctions pénales, au titre du délit de fraude fiscale défini à l'article 1741 du code général des impôts. Ces dernières sont prononcées par les tribunaux correctionnels, et l'administration fiscale ainsi que le ministère public doivent apporter la preuve du caractère intentionnel soit de la soustraction, soit de la tentative de se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts (article L227 du livre des procédures fiscales (LPF)).

A. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES PERSONNES COMPLICES DES DÉLITS DE FRAUDE FISCALE

1. La responsabilité pénale des complices de fraude fiscale

Le code pénal dispose que tout complice de l'infraction est puni comme son auteur (article 121-6), le complice d'un délit ou d'un crime étant défini comme la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la commission (article 121-7). Est également visée la personne qui, par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir, aura provoqué une infraction ou donné des instructions pour la commettre.

Aux termes de l'article 1742 du code général des impôts (CGI), les deux articles précités du code pénal sont applicables aux complices des délits visés à l'article 1741 du même code, relatif au délit de fraude fiscale et aux sanctions pénales qui lui sont adossées.

L'article 1741 du CGI dispose ainsi que toute personne qui s'est frauduleusement soustraite ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement de ses impôts est passible d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. La fraude peut prendre la forme d'une omission volontaire de déclaration, de la dissimulation d'une part des sommes sujettes à l'impôt, de l'organisation d'une insolvabilité, de manoeuvres pour faire obstacle au recouvrement de l'impôt et de tout autre agissement frauduleux.

Les peines sont portées à trois millions d'euros pour l'amende, montant qui peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, et à sept ans d'emprisonnement pour la fraude fiscale aggravée, c'est-à-dire lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen :

- de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ;

- de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout autre organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ;

- de l'usage d'une fausse identité, de faux documents ou de toute autre falsification ;

- d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ;

- d'un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle.

L'article 1741 du CGI prévoit, en plus de l'amende et de la peine d'emprisonnement, le prononcé de peines complémentaires de privation des droits civiques, civils et de famille pour les délits de fraude fiscale aggravée, leur recel et leur blanchiment. Les juridictions peuvent toutefois décider, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer ces peines complémentaires.

Aux termes de l'article 1743 du CGI, sont également passibles des peines prévues à l'article 1741 les personnes qui ont sciemment violé leurs obligations comptables (omission d'écritures ou écritures inexactes), qui permettent de faire échapper à l'impôt tout ou partie de la fortune d'une autre personne (utilisation de dépôts et de titres à l'étranger) ou qui ont sciemment fourni des renseignements inexacts en vue de l'obtention des agréments nécessaires à la commercialisation de certains montages fiscaux légaux ouvrant droit à une réduction d'impôt (ex. le « Girardin industriel » pour les outre-mer). 

Enfin, sont également complices toutes personnes qui apportent leur concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, telle que par exemple une opération de blanchiment de fraude fiscale. Le blanchiment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende (article 324-1 du code pénal), porté à dix ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende lorsqu'il est commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ou lorsqu'il est commis en bande organisée (article 324-2 du code pénal).

2. La responsabilité spécifique des intermédiaires

L'article 1772 du CGI prévoit des sanctions pénales spécifiques à l'encontre des intermédiaires ayant facilité la commission de fraude. Sont ainsi passibles d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 4 500 euros, indépendamment des sanctions fiscales :

- les agents d'affaires, experts ou autres personnes qui font profession de tenir les écritures comptables de plusieurs clients et qui sont convaincus d'avoir établi ou aidé à établir de faux bilans, inventaires, comptes et documents, alors que ces documents devaient servir de base de détermination de l'imposition ;

- les personnes qui encaissent des revenus de l'étranger ou qui sont convaincus d'avoir encaissé sous leur nom des coupons appartenant à des tiers en vue de les soustraite à l'impôt ;

- les personnes qui ont produit des pièces fausses et inexactes pour obtenir des dégrèvements d'impôts.

Enfin, l'article 1745 du CGI dispose que toute personne définitivement condamnée en application des articles 1742 ou 1743 du même code peut être solidairement tenue, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales afférentes.

3. Les poursuites pénales en matière de fraude fiscale

Depuis la réforme du « verrou de Bercy »1012(*), l'administration fiscale ne dispose plus du monopole de l'action publique sur les dossiers de fraude fiscale. Les dossiers des affaires graves et caractérisées ayant conduit à l'application, sur des droits supérieurs à 100 000 euros, des majorations prévues pour les infractions les plus graves, doivent obligatoirement être transmis au parquet (« dénonciations obligatoires »).

Pour les autres, l'administration fiscale conserve la faculté soit de demander un avis conforme de la commission des infractions fiscales pour porter plainte, soit de déposer plainte pour présomptions de fraude fiscale (plaintes dites de « police fiscale ») lorsqu'il existe un risque de dépérissement des preuves. Ce risque peut résulter de l'utilisation de comptes ouverts à l'étranger, de l'interposition de personnes morales ou physiques domiciliés à l'étranger, de l'usage de faux, d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ou encore de toute autre manoeuvre destinée à égarer l'administration (article L228 du LPF).

Dans tous les cas, il revient ensuite au seul procureur de la République d'évaluer l'opportunité d'engager des poursuites pour fraude fiscale.

En matière d'enquête, les officiers de douane judiciaire (ODJ) et les officiers fiscaux judiciaires (OFJ), qui appartiennent à l'office national anti-fraudes aux finances publiques (ONAF)1013(*) et qui disposent de pouvoirs de police, sont compétents pour enquêter sur les faits de blanchiment et de blanchiment aggravé (articles 28-1 et 282 du code de procédure pénale). Les OFJ sont également compétent pour les infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du CGI lorsqu'il existe des présomptions caractérisées de fraude fiscale, au sens de l'article L228 du LPF.

B. DES SANCTIONS ADMINISTRATIVES ÉGALEMENT APPLICABLES AUXS INTERMÉDIAIRES, « PROFESSIONNELS DU DROIT ET DU CHIFFRE »

La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude1014(*) a conduit à renforcer les sanctions applicables aux personnes physiques ou morales ayant aidé leurs clients à se soustraire à leurs obligations fiscales par le biais de montages frauduleux ou abusifs. En effet, jusqu'en 2018, si les intermédiaires professionnels s'exposaient à une sanction pénale en cas d'infraction fiscale, ils n'étaient passibles d'aucune sanction fiscale, ou administrative.

Désormais, aux termes de l'article 1740 A bis du CGI, toute personne physique ou morale qui, dans l'exercice d'une activité professionnelle de conseil à caractère juridique, financier ou comptable ou de détention de biens ou de fonds pour le compte d'un tiers, a intentionnellement fourni à un contribuable une prestation permettant directement la commission par ce dernier d'agissements, de manquements ou de manoeuvres caractéristiques d'une fraude fiscale grave, encourt une sanction administrative.

Les agissements, manquements et manoeuvres précités correspondent à certains faits pour lesquels l'administration fiscale peut prononcer à l'encontre du contribuable une majoration de 80 % des droits - c'est-à-dire en cas d'omission de déclaration avec découverte d'une activité occulte (article 1728 du CGI), d'abus de droit et de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat (article 1729 du CGI) ainsi que de rectifications portant sur la détention de comptes, de contrats et d'actifs à l'étranger non déclarés (article 1729-0 A du CGI).

La prestation visée à l'article 1740 A bis du CGI recouvre le fait de :

- permettre au contribuable de dissimuler son identité par la fourniture d'une identité fictive ou par l'interposition d'une personne physique ou morale établis à l'étranger ;

- permettre au contribuable de dissimuler sa situation par un acte fictif ou par l'interposition d'une entité fictive ;

- permettre au contribuable de bénéficier à tort d'une déduction du revenu, d'un crédit d'impôt, d'une réduction d'impôt ou d'une exonération d'impôt par la délivrance régulière de documents ;

- réaliser pour le compte du contribuable tout acte destiné à égarer l'administration.

La sanction fiscale prend la forme d'une amende égale à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable, dont le montant ne peut pas être inférieur à 10 000 euros.

Toutefois, il est précisé à l'article 1740 A bis du CGI que l'amende n'est pas applicable en cas de poursuites engagées contre le professionnel sur le fondement de l'article 1742 et donc de la complicité pénale de fraude fiscale. Cette disposition est de nature à permettre la conciliation des sanctions administratives et pénales.

C. UN ENCADREMENT STRICT PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU CUMUL DES SANCTIONS ADMINISTRATIVES ET PÉNALES

Le Conseil constitutionnel considère que la répression fiscale et la répression pénale permettent d'assurer la protection des intérêts financiers de l'État ainsi que l'égalité devant l'impôt. Il a également estimé que le recouvrement de la contribution publique commune et l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale pouvaient justifier l'engagement de ces deux procédures pour les mêmes faits, sous la réserve que seuls les cas de fraude les plus graves soient concernés1015(*).

Trois réserves d'interprétation ont en effet été émises par le Conseil constitutionnel. Tout d'abord, l'article 1741 du code général des impôts, qui prévoit ce cumul, ne s'applique qu'aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt ou d'omission déclarative - la gravité pouvant résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention. Par ailleurs, dans l'éventualité où deux procédures sont engagées et peuvent conduire à un cumul des sanctions, le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. Enfin, il est impossible de condamner pénalement un contribuable déchargé définitivement de l'impôt pour un motif de fond.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a également eu l'occasion de se prononcer sur la comptabilité au droit de l'Union européenne des réserves posées par le Conseil constitutionnel sur le cumul des sanctions pénales et fiscales, à la suite d'une question préjudicielle transmise par la Cour de cassation dans une affaire de fraude à la TVA. Dans sa décision du 5 mai 20221016(*), elle estime que le droit de l'Union européenne :

- ne s'oppose pas à ce que la limitation du cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale en cas de dissimulations frauduleuses ou d'omissions déclaratives en matière de TVA prévu par une réglementation nationale aux cas les plus graves ne résulte que d'une jurisprudence établie interprétant, de manière restrictive, les dispositions légales définissant les conditions d'application de ce cumul, à la condition qu'il soit raisonnablement prévisible, au moment où l'infraction est commise, que celle-ci est susceptible de faire l'objet d'un cumul de poursuites et de sanctions de nature pénale ;

- s'oppose à une règlementation nationale qui n'assure pas, dans le cas du cumul d'une sanction pécuniaire et d'une peine privative de liberté, par des règles claires et précises, que l'ensemble des sanctions infligées n'excède pas la gravité de l'infraction constatée. Sa décision ne semble dès lors pas de nature à remettre frontalement en cause la lecture du Conseil constitutionnel, même si elle ouvre de nouvelles discussions pour les juges français.

Par suite, la Cour de Cassation avait conclu qu'il appartenait à la juridiction répressive de « s'assurer que la charge finale résultant de l'ensemble des sanctions prononcées, quelle que soit leur nature, ne soit pas excessive par rapport à la gravité de l'infraction qu'il a commise »1017(*).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : L'INSTAURATION D'UN DÉLIT DE MISE À DISPOSITION D'INSTRUMENTS DE FACILITATION DE LA FRAUDE FISCALE

Le présent article vise à instaurer un délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, et donc de nouvelles sanctions pénales à l'égard des personnes qui se rendraient coupables de cette infraction.

Le 1° du I du présent article rétablit pour ce faire l'article 1744 du code général des impôts (CGI). Serait désormais punie de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 250 000 euros la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d'un ou plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers ayant pour but de permettre à un ou des tiers de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel des impôts mentionnés dans le CGI. Ces moyens, services, actes ou instruments consisteraient en :

- l'ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d'organismes établis à l'étranger ;

- l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout autre organisme, fiducie ou institution établis à l'étranger ;

- la fourniture d'une fausse identité ou de faux documents, ou de toute autre falsification ;

- la mise à disposition ou la justification d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ;

- la réalisation de toute autre manoeuvre destinée à égarer l'administration.

La peine d'emprisonnement serait portée à cinq ans et l'amende à 500 000 euros lorsque la mise à disposition des moyens, services, actes ou instruments serait commise à l'aide d'un service de communication au public en ligne.

Le II du nouvel article 1744 du CGI dispose que les articles L227 à L233 du livre des procédures fiscales (LPF) ne sont pas applicables à ce délit, ce qui signifie que l'administration fiscale ne disposerait pas du monopole de l'action publique pour ce délit mais que l'autorité judiciaire pourrait le poursuivre à sa seule initiative, à la suite d'un signalement sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale1018(*) ou à la suite d'une plainte de l'administration fiscale, sans avis conforme de la commission des infractions fiscales.

Les III et VI de ce même article 1744 prévoient des peines complémentaires distinctes pour les personnes physiques et les personnes morales déclarées coupables du délit de mise à disposition :

- les personnes physiques déclarées coupables encourraient les peines complémentaires d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, prévues à l'article 1741 du CGI, ainsi que les peines complémentaires prévues à l'article 1750 du CGI. Il s'agit, d'une part, de l'interdiction d'exercer directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une profession libérale, commerciale ou industrielle ou de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle et, d'autre part, de la suspension, pour une durée de trois ans au plus, ou de six ans au plus en cas de récidive, du permis de conduire, la juridiction pouvant limiter cette peine à la conduite en dehors de l'activité professionnelle. L'interdiction d'exercer est prononcée conformément aux règles prévues à l'article 131-27 du code pénal, c'est-à-dire soit à titre définitif, soit à titre temporaire pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.

- pour les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit de mise à disposition commis, pour leur compte, par leurs organes ou par leurs représentants, elles encourraient une amende pouvant être portée au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques (article 131-38 du code pénal) mais également la dissolution, l'interdiction à titre définitif temporaire1019(*) d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle le délit de mise à disposition a été commis, le placement temporaire sous surveillance judiciaire, la fermeture définitive ou temporaire d'un établissement de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou temporaire, l'interdiction à titre définitif ou temporaire de procéder à une offre au public de titres financiers ou à une introduction en bourse, l'affichage de la décision ou sa diffusion ainsi que l'interdiction temporaire de percevoir toute aide publique attribuée par une personne publique (État, collectivités territoriales et leurs établissements) ou par une personne privée chargée d'une mission de service public (article 131-39 du code pénal).

Le 2° du I du présent article procède à une coordination au sein de l'article 1740 A bis du CGI : lorsque les poursuites pénales seraient engagées à l'encontre d'un intermédiaire professionnel, au titre du délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, cet intermédiaire ne pourrait pas se voir infliger l'amende administrative prévue à ce même article. Il s'agit ici de respecter le cadre mis en place pour le cumul des sanctions administratives et pénales.

Enfin, le II du présent article modifie les articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale relatifs aux compétences des officiers de douane judiciaire et des officiers fiscaux judiciaires afin qu'ils puissent rechercher et constater, sur l'ensemble du territoire national, le délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Cet article n'a pas été modifié par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF DE NATURE À ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE, MAIS DONT LE CHAMP DOIT ÊTRE SÉCURISÉ

Le rapporteur général tient à rappeler en préambule que, dans le cadre de la mission d'information sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, dont il était également le rapporteur, la commission des finances avait souhaité « promouvoir une meilleure responsabilisation des intermédiaires impliqués dans des montages financiers abusifs »1020(*). Elle s'appuyait sur les travaux de l'OCDE qui, dans un rapport de 2021, appelait à davantage réprimer les intermédiaires fiscaux qui décident de jouer un « rôle décisif pour dissimuler des délits fiscaux et d'autres infractions financières commises par leurs clients »1021(*).

Le présent article s'inscrit donc dans cette perspective. Deux interrogations ont guidé son analyse par la commission : la création d'un nouveau délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale permet-il de combler une faille dans l'encadrement des intermédiaires, professionnels comme particuliers, et est-il suffisamment précis et proportionné aux objectifs poursuivis ?

A. UN DÉLIT AUTONOME QUI DOIT PERMETTRE D'ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE AGGRAVÉE

Certes, les dispositions adoptées ces dernières années par le Parlement ont permis de renforcer les sanctions pouvant être prononcées à l'encontre des intermédiaires professionnels proposant ou contribuant à la mise en place de schémas frauduleux, que ces sanctions soient pénales ou administratives, spécifiques aux intermédiaires ou plus généralement applicables aux complices. Les intermédiaires peuvent également être poursuivis au titre de leur participation à une opération de blanchiment.

Toutefois, la création d'un délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale doit permettre de pouvoir sanctionner de manière « autonome » ces faits commis par les intermédiaires, professionnels mais aussi particuliers, sans pour autant que la fraude ne se soit matérialisée, que les clients aient utilisé ces instruments ou que la fraude ait été repérée à l'occasion de contrôles fiscaux. Les parquets pourront également poursuivre les personnes mettant à disposition ces instruments de facilitation de la fraude à tout moment, sans que ces faits ne doivent faire l'objet d'une dénonciation obligatoire ou d'une plainte de l'administration fiscale après avis conforme de la commission des infractions fiscales (CIF). L'administration fiscale disposerait toutefois la faculté de porter plainte sur le fondement de l'article 1744 du code général des impôts (CGI).

Il y a donc de fait une double autonomie des poursuites pénales pour ce nouveau délit : par rapport aux faits de fraude fiscale, qui n'auront pas besoin d'être caractérisés, et par rapport à l'administration fiscale, qui n'aura pas besoin de porter plainte pour que les parquets puissent se saisir de leur propre initiative de ce délit.

Des poursuites pourront être engagées contre les personnes mettant à disposition ces moyens de facilitation de la fraude et des enquêtes judiciaires lancées à cet effet sans attendre l'issue d'un contrôle fiscal ou l'engagement de poursuites contre le client. Ce champ d'incrimination doit permettre, comme l'expliquait le ministre délégué aux comptes publics, M. Thomas Cazenave, de « lutter contre la commercialisation, notamment sur internet et les réseaux sociaux, de schémas de fraude fiscale ou d'outils juridiques et financiers destinés à dissimuler des revenus ou patrimoine »1022(*). Il s'agit de pouvoir apporter une réponse pénale aux professionnels1023(*) qui « communiquent et font la promotion de montages destinés à soustraire des contribuables à l'établissement et au paiement de l'impôt »1024(*).

Sur ces deux aspects, la commission partage pleinement les objectifs poursuivis par le présent article. Elle souligne également que, dans le sens de la complémentarité de plus en plus forte ces dernières années entre l'autorité judiciaire et l'administration fiscale, les enquêtes judiciaires menées par le parquet pourraient ensuite par exemple alimenter les travaux de l'administration fiscale et guider ses contrôles vers les schémas de fraude les plus graves et complexes.

B. UN DISPOSITIF QUI DOIT ÊTRE DAVANTAGE SÉCURISÉ JURIDIQUEMENT POUR ASSURER SA PROPORTIONNALITÉ

1. Un délit visant à réprimer la mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale et non l'apologie de la fraude

À la suite d'un fait divers, le Gouvernement, par l'intermédiaire du ministre délégué aux comptes publics Thomas Cazenave, avait annoncé la création, dans le projet de loi de finances pour 2024, d'un délit de « promotion » ou « d'apologie » de la fraude fiscale1025(*). Il est plutôt heureux qu'il y ait renoncé, les réactions immédiates étant rarement bonnes conseillères : ce délit aurait soulevé d'importantes interrogations au regard de sa compatibilité avec la liberté d'expression.

Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que les atteintes portées à la liberté d'expression et de communication, dont l'exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés, doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi1026(*). Il soumet donc les atteintes à cette liberté à son degré de contrôle le plus exigeant. Ainsi, dans le commentaire de sa décision sur le pouvoir « d'injonction numérique » de la DGCCRF, le Conseil constitutionnel conclut que, pour apprécier la proportionnalité des atteintes portées à la liberté d'expression et de communication, il tient compte « de la certitude ou, au contraire, de l'incertitude quant à la licéité du comportement ou du message susceptible d'être réprimé. Plus la qualification juridique des messages ou comportements visés est susceptible de donner lieu à débat, appréciation ou controverse, plus le risque est grand que l'atteinte soit jugée disproportionnée »1027(*).

2. Un dispositif proportionné mais qui peut encore être précisé, notamment sur le critère de l'intentionnalité

a) Un dispositif proportionné aux objectifs poursuivis

Le dispositif proposé par le présent article, centré sur la mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, apparaît à la fois plus précis, plus circonscrit et donc plus sécurisé juridiquement.

D'ailleurs, l'idée de pénaliser la mise à disposition de ces instruments est bien antérieure aux annonces du Gouvernement de la fin de l'été 2023 puisqu'elle figurait déjà dans le plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques qu'il a présenté au mois de juin 2023. La mesure 19 « Pénaliser la mise à disposition de montages et procédés frauduleux »1028(*) prévoyait ainsi la mise en place d'un délit spécifique pour éviter de devoir engager des poursuites au cas par cas au titre de la complicité de fraude fiscale ou de blanchiment de la fraude fiscale.

Les sanctions pénales apparaissent proportionnées aux objectifs poursuivis par ce dispositif, tout comme la qualification de la mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale de délit, puisqu'il ne viserait que les cas de fraude fiscale aggravée au sens de l'article 1741 du CGI. Les instruments visés par ce nouveau délit correspondent exactement aux critères utilisés pour qualifier le délit de fraude fiscale aggravée, pour justifier le dépôt par l'administration fiscale d'une plainte pour présomption de fraude fiscale ou encore pour qualifier une prestation fournie par un intermédiaire professionnel et pouvant faire l'objet d'une sanction administrative. En cas de poursuites pénales, les moyens d'enquête judiciaire se concentreraient ainsi sur les schémas les plus graves et généralement les plus complexes.

Il y a eu une interrogation sur la sémantique utilisée, et notamment sur la notion prévue au 5° du I du nouvel article 1744 du CGI concernant « la réalisation de toute manoeuvre destinée à égarer l'administration ». Le rapporteur rappelle toutefois que cette même formulation est utilisée à plusieurs reprises dans le CGI et dans le LPF, concernant tant les plaintes pour présomptions de fraude fiscale que l'application de sanctions administratives à l'encontre des intermédiaires. Le Conseil d'État ne l'a par ailleurs jamais remis en cause dans ses décisions, depuis 19791029(*). Il a par exemple récemment jugé que les pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses visaient à sanctionner « des agissements destinés à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle »1030(*).

b) La caractérisation du délit de fraude fiscale repose sur un élément matériel et un élément intentionnel

La commission a toutefois considéré que le caractère intentionnel de la mise à disposition de ces instruments de facilitation de la fraude fiscale n'était pas suffisamment explicite dans le dispositif proposé. Or, le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises que le délit de fraude fiscale implique à la fois un élément matériel (la soustraction ou la tentative de soustraction) et un élément intentionnel, l'intention frauduleuse, c'est-à-dire « une violation volontaire et consciente de la loi fiscale dans l'intention de se soustraire à l'impôt »1031(*). Ainsi, aux termes de l'article L227 du livre des procédures fiscales (LPF), la charge la preuve du caractère intentionnel de la soustraction incombe au ministère public et à l'administration fiscale. L'appréciation du Conseil constitutionnel sur le délit de fraude fiscale peut très probablement être répliquée au délit créé par le présent article.

Cet élément intentionnel n'apparait pas de manière suffisamment claire dans la rédaction proposée par le présent article du nouvel article 1744 du CGI : l'expression « ayant pour but » n'est pas suffisante pour protéger des poursuites les personnes qui auraient, dans le cadre de leurs fonctions et sans aucune incitation de frauder, mis à disposition l'un des instruments cités comme facilitant la fraude fiscale. L'ouverture d'un compte à l'étranger par un directeur financier peut par exemple s'expliquer par le développement à l'international d'une entreprise, et il ne saurait être jugé responsable de l'usage ensuite de ce compte, plusieurs années après son ouverture et son départ par exemple. De même, les documents transmis pourraient ensuite être détournés de leur usage par les clients, par exemple au profit d'une domiciliation fictive.

À cet égard, il est également curieux que le nouvel article 1744 du code général des impôts prévoit que l'article L227 du livre des procédures fiscales (LPF) ne s'applique pas au délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale. Or cet article dispose précisément qu'en cas de poursuites pénales tendant à l'application des articles 1741 (délit de fraude fiscale) et 1743 (violation des obligations comptables et de commercialisation de dispositifs fiscaux) du CGI, le ministère public et l'administration doivent apporter la preuve du caractère intentionnel de la fraude.

Par conséquent, au regard de l'ensemble de ces éléments, la commission a adopté un amendement n° I 223 (FINC.67) visant :

- d'une part, à matérialiser le caractère intentionnel de la fraude fiscale, en précisant que la mise à disposition doit avoir sciemment pour but de permettre à un ou des tiers de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement total ou partiel de leurs impôts;

- d'autre part, à prévoir que l'article L227 du LPF s'applique aux poursuites pénales engagées par le ministère public sur le fondement du nouvel article 1744 du CGI.

Ces précisions sont d'autant plus importantes que le présent projet de loi de finances comporte plusieurs dispositions de nature à accroître significativement les prérogatives de l'administration fiscale en matière de lutte contre la fraude, que ce soit la collecte de données sur les réseaux sociaux ou les enquêtes sous pseudonyme. Ces élargissements ne doivent pas conduire à bouleverser les équilibres atteints en matière de lutte contre la fraude et de préservation des droits des contribuables et des intermédiaires, en particulier dans le contexte d'une pénalisation de plus en plus forte de la lutte contre la fraude, qui suppose la préservation de garanties spécifiques, dont la démonstration de l'intentionnalité.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 21

Peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune immobilière

Le présent article prévoit d'instaurer une peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune immobilière pour les personnes reconnues pénalement coupables du délit de fraude fiscale.

Dès lors, toute personne reconnue coupable d'un délit de fraude fiscale aggravée, du recel de ce délit ou de son blanchiment pourrait être privée, à titre de peine complémentaire, du droit à l'octroi de ces réductions et crédits d'impôt, pour une durée ne pouvant excéder trois ans. Cette période démarrerait à compter de l'imposition des revenus de l'année qui suit celle de la condamnation.

La commission a considéré que ce dispositif était proportionné aux objectifs poursuivis, s'agissant d'une peine complémentaire non obligatoire, à la discrétion des juridictions et réservée aux cas de fraude fiscale aggravée. Ajouter une nouvelle sanction pécuniaire pourrait par ailleurs contribuer à accroître l'effet dissuasif du dispositif répressif mis en place pour lutter contre la fraude fiscale.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DÉLIT DE FRAUDE FISCALE, UN DÉLIT POUVANT FAIRE L'OBJET DE PEINES COMPLÉMENTAIRES

A. LES SANCTIONS PÉNALES APPLICABLES AU DÉLIT DE FRAUDE FISCALE INCLUENT DES PEINES COMPLÉMENTAIRES

Le délit de fraude fiscale est défini à l'article 1741 du code général des impôts (CGI), qui liste également les sanctions pénales que peuvent prononcer les tribunaux correctionnels à l'encontre des personnes reconnues coupables de ce délit.

Aux termes de l'article 1741 du CGI, toute personne qui s'est frauduleusement soustraite ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l'établissement ou au paiement de ses impôts est passible d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. La fraude peut prendre la forme d'une omission volontaire de déclaration, de la dissimulation d'une part des sommes sujettes à l'impôt, de l'organisation d'une insolvabilité, de manoeuvres pour faire obstacle au recouvrement de l'impôt et de tout autre agissement frauduleux.

Les peines sont portées à trois millions d'euros pour l'amende, montant qui peut être porté au double du produit tiré de l'infraction, et à sept ans d'emprisonnement pour la fraude fiscale aggravée, c'est-à-dire lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen :

- de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ;

- de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout autre organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger ;

- de l'usage d'une fausse identité, de faux documents ou de toute autre falsification ;

- d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ;

- d'un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle.

Les peines d'emprisonnement peuvent être réduites de moitié si l'auteur ou le complice a permis d'identifier les autres auteurs ou complices en coopérant avec l'autorité administrative ou judiciaire.

L'article 1741 du CGI prévoit, en plus de l'amende et de la peine d'emprisonnement, le prononcé de peines complémentaires de privation des droits civiques, civils et de famille pour les délits de fraude fiscale aggravée, leur recel et leur blanchiment. Les juridictions peuvent toutefois décider, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer de peines complémentaires et/ou de ne pas ordonner l'affichage de la décision prononcée et sa diffusion, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

L'article 1750 du CGI dispose par ailleurs que les personnes physiques coupables de l'une des infractions en matière d'impôts encourent également :

- d'une part, une interdiction d'exercer directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, une profession libérale, commerciale ou industrielle ou de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle. Par renvoi à l'article 131-27 du code pénal, cette interdiction est encourue à titre définitif ou temporaire et, dans ce dernier cas, pour une durée ne pouvant pas excéder cinq ans ;

- d'autre part, la suspension, pour une durée de trois ans au plus, ou de six ans au plus en cas de récidive, du permis de conduire, la juridiction pouvant limiter cette peine à la conduite en dehors de l'activité professionnelle.

Évolution du nombre de peines complémentaires
prononcées en matière de fraude fiscale

Source : commission des finances, d'après les données du document de politique transversale « Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales », annexé au projet de loi de finances pour 2024

Enfin, aux termes de l'article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an, à l'instar du délit de fraude fiscale. La confiscation peut porter sur tous les biens meubles ou immeubles ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre ainsi que sur les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction.

B. DES SANCTIONS ADMINISTRATIVES APPLICABLES AUX MANQUEMENTS FISCAUX LES PLUS GRAVES

Les infractions à la loi fiscale font également l'objet de sanctions administratives, qui prennent la forme de pénalités fiscales (intérêts de retard, amendes fiscales forfaitaires, majorations de droit) mais aussi de « sanctions complémentaires » pour les faits les plus graves.

L'article 1731 bis du CGI prévoit ainsi qu'en cas de manquements fiscaux graves, les contribuables ne peuvent pas imputer certains de leurs avantages fiscaux à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur la fortune immobilière sur les suppléments de droits ayant fait l'objet d'une majoration dans le cadre d'un redressement fiscal.

Les contribuables ne peuvent ainsi pas imputer leurs déficits catégoriels1032(*) ni leurs réductions d'impôts sur les rehaussements et droits ayant donné lieu à l'une des majorations suivantes :

- les majorations de 40 % lorsqu'une déclaration ou un acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure et de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ou, s'agissant de la taxe d'aménagement, en cas de construction ou d'aménagement sans autorisation (b et c du 1 de l'article 1728 du CGI) ;

- les majorations en cas d'inexactitudes ou d'omissions dans une déclaration, au taux de 40 % pour les manquements délibérés et de 80 % en cas d'abus de droit ou de manoeuvres frauduleuses (article 1729 du CGI) ;

- les majorations de 80 % en cas de rectification du fait de sommes figurant ou ayant figuré sur des comptes non déclarés, des contrats de capitalisation ou placement de même nature non déclarés et des actifs situés dans un trust non déclarés (article 1729-0 A du CGI) ;

- la majoration de 100 % en cas d'opposition à un contrôle fiscal ayant conduit à la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L74 du livre des procédures fiscales (a de l'article 1732 du CGI) ;

- pour l'impôt sur le revenu exclusivement, la majoration de 40 % sur les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés ou de contrats d'assurance vie non déclarés ainsi que sur les transferts d'argent liquide effectués en méconnaissance d'obligations de déclaration douanière, et la majoration de 80 % pour les revenus constitués par la valeur des biens ou sommes provenant de certaines activités occultes ou illégales1033(*) (article 1758 du CGI) ;

- pour l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) exclusivement, la majoration de 40 % prévue lorsque le dépôt de la déclaration d'imposition à l'IFI fait suite à la révélation d'avoirs étrangers qui n'ont pas été déclarés.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE NOUVELLE PEINE COMPLÉMENTAIRE POUR LES PERSONNES RECONNUES PÉNALEMENT COUPABLES DU DÉLIT DE FRAUDE FISCALE

Le présent article complète l'article 1741 du CGI en ajoutant aux sanctions pénales et aux peines complémentaires d'interdiction des droits civiques, civils et de famille une peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d'impôt sur le revenu et d'IFI. Contrairement aux autres peines complémentaires, elle ne serait pas prononcée par défaut sauf décision motivée de la juridiction.

Dès lors, toute personne reconnue coupable d'un délit de fraude fiscale aggravée, du recel de ce délit ou de son blanchiment pourrait être privée, à titre de peine complémentaire, du droit à l'octroi de ces réductions et crédits d'impôt, pour une durée ne pouvant excéder trois ans. Cette période démarrerait à compter de l'imposition des revenus de l'année qui suit celle de la condamnation. Seraient donc visés les contribuables auteurs de la fraude mais également, au titre du recel, les personnes complices de la commission du délit ou qui ont tiré profit de la fraude fiscale.

Il est toutefois prévu que l'application de cette disposition ne fasse pas obstacle à l'octroi des crédits d'impôt sur le fondement d'une convention internationale ayant pour objet l'élimination de la double imposition. L'absence d'une telle disposition ne serait en effet pas conforme aux engagements pris par la France dans le cadre de son réseau conventionnel et pourrait par ailleurs conduire à une imposition jugée confiscatoire sur les ménages concernés et/ou non conforme au principe d'égalité devant l'impôt.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement rédactionnel déposé par le rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, a été retenu.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE PEINE COMPLÉMENTAIRE DONT LA PORTÉE APPARAÎT PROPORTIONNÉE À L'OBJECTIF DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

La commission partage l'objectif du présent article, à savoir proposer, en matière pénale, une sanction complémentaire visant à priver du bénéfice des crédits et des réductions d'impôt sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune immobilière les personnes physiques reconnues coupables de fraude fiscale aggravée. Cette mesure avait été annoncée dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques présenté par le Gouvernement au mois de juin 2023. La mesure 21 « Garantir une réponse pénale exemplaire en cas de fraude fiscale délictuelle » comprenait ainsi deux aspects : la possibilité de prononcer des peines de travail général à l'encontre des personnes reconnues coupables de fraude fiscale d'une part et, la possibilité de priver temporairement du bénéfice de dispositifs fiscaux favorables les personnes ayant commis des fraudes fiscales graves1034(*).

Plusieurs éléments concourent par ailleurs à considérer que ce dispositif est proportionné à l'objectif poursuivi, s'agissant, pour la lutte contre la fraude fiscale, d'un objectif de valeur constitutionnelle.

Tout d'abord, cette peine complémentaire ne pourra concerner que les personnes condamnées pour les faits de fraude fiscale les plus graves, c'est-à-dire la fraude commise au moyen de comptes ou contrats ouverts à l'étranger, organismes établis à l'étranger, de domiciliation fictive ou encore d'actifs fictifs ou artificiels. Plafonnée à trois ans, elle n'a pas d'effet rétroactif puisqu'elle ne pourra pas porter sur les crédits et réductions d'impôt acquis par le contribuable mais s'appliquera à compter de l'imposition des revenus de l'année suivant la condamnation.

Le prononcé de cette peine complémentaire n'est par ailleurs pas obligatoire : les juridictions, comme pour toutes les peines complémentaires, disposeront de la liberté de prononcer ou non cette sanction, en tenant compte des circonstances des faits, de la personnalité de l'auteur de l'infraction mais aussi des sanctions administratives qui auraient déjà pu être infligées à la personne condamnée, dont l'impossibilité, systématique pour les cas de manquements graves, d'imputer les réductions d'impôt sur les rehaussements de droits dus après application par l'administration fiscale des majorations de 80 % (article 1731 bis du CGI).

Le Conseil constitutionnel considère que la répression fiscale et la répression pénale permettent d'assurer la protection des intérêts financiers de l'État ainsi que l'égalité devant l'impôt. Il a également estimé que le recouvrement de la contribution publique commune et l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale pouvaient justifier l'engagement de ces deux procédures pour les mêmes faits, sous la réserve que seuls les cas de fraude les plus graves soient concernés1035(*), ce qui est le cas ici. Dans l'une de ses réserves d'interprétation1036(*), le Conseil constitutionnel a rappelé que dans l'éventualité où deux procédures seraient engagées et pourraient conduire à un cumul des sanctions, le principe de proportionnalité impliquait que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. De même, à la suite de la transmission d'une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne1037(*), la Cour de Cassation avait conclu qu'il appartenait à la juridiction répressive de « s'assurer que la charge finale résultant de l'ensemble des sanctions prononcées, quelle que soit leur nature, ne soit pas excessive par rapport à la gravité de l'infraction qu'il a commise »1038(*).

Il convient de rappeler ici que les réductions d'impôt dont peut bénéficier un contribuable sont déjà plafonnées, à 10 000 euros ou 18 000 euros pour l'impôt sur le revenu et à 50 000 euros pour l'impôt sur la fortune immobilière.

Ainsi, tout en apparaissant proportionné, le dispositif de peine complémentaire prévu par le présent article permettrait de remplir un triple objectif : sanctionner plus sévèrement les cas de fraude fiscale grave, accroître l'effet dissuasif des sanctions en renforçant leur portée pécuniaire, compléter le dispositif répressif en matière de fraude fiscale sans outrepasser les prérogatives des juridictions.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 22

Renforcement du contrôle des prix de transfert
des entreprises multinationales

Le présent article prévoit plusieurs ajustements visant à renforcer l'arsenal législatif de lutte contre la manipulation des prix de transfert.

Il prévoit ainsi de rendre opposable aux entreprises la documentation qu'elles produisent pour justifier de la détermination de leurs prix de transfert qu'elles pratiquent. Ainsi, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, l'écart entre le résultat constaté et celui qui aurait été réalisé en appliquant strictement la documentation est réputé constituer un bénéfice transféré et est, à ce titre, réintégré au résultat de l'exercice.

Par ailleurs, l'article crée la possibilité d'une rectification des prix de transfert sur la base des résultats postérieurs des entreprises : en cas d'écart significatif (supérieur à 20 %) l'entreprise devra démontrer que celui-ci est dû « soit à la survenance d'évènements imprévisibles lors de la détermination du prix, soit à la réalisation d'évènements prévisibles à condition que leur probabilité d'occurrence n'ai pas été sous-estimée ou surestimée de manière significative au moment de la transaction. » Au regard du caractère assez large de la formulation, il conviendra que l'administration contrôle les erreurs manifestes des entreprises, dès lors que l'analyse de la prévisibilité et des probabilités a posteriori pourrait d'avérer un exercice délicat. Dans le cadre de ce dispositif, le droit de reprise de l'administration est étendu à six ans.

L'article modifie également le seuil de chiffre d'affaires annuel hors taxes ou d'actif brut figurant au bilan à partir duquel la documentation relative aux prix de transfert doit être tenue à disposition de l'administration par les entreprises : le seuil serait ainsi abaissé de 400 millions d'euros à 150 millions d'euros.

Enfin, le montant minimal des amendes applicables lorsqu'une entreprise ne fournit pas la documentation de prix de transfert ou lorsqu'elle ne présente qu'une documentation partielle, passe de 10 000 euros à 50 000 euros.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE DROIT DE RECTIFICATION DE L'ADMINISTRATION EN MATIÈRE DE PRIX DE TRANSFERT

A. LE CONTRÔLE DE LA VALORISATION DES PRIX DE TRANSFERT ET LA RÉINTÉGRATION AU RÉSULTAT IMPOSABLE

Les prix de transfert désignent les prix auxquels une entreprise transfère dans une autre juridiction des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées. Cette définition exclut les opérations entre sociétés indépendantes et les opérations nationales.

La manipulation des prix de transferts entre sociétés liées peut constituer un moyen de délocaliser de la base taxable au titre de l'impôt sur les sociétés et ainsi servir à mettre en place des schémas de fraude.

Afin d'évaluer les transactions entre entreprises à leur « juste prix », l'administration peut se fonder sur plusieurs méthodes, qui reposent toutes sur le « principe de pleine concurrence » (« at arm's length ») prévu par l'article 9 du modèle de convention fiscale de l'OCDE.

En vertu de ce principe, les prix de transfert doivent être fixés au prix de marché, comme s'ils correspondaient à des échanges entre des sociétés indépendantes. Toutefois, le poids croissant des actifs intangibles et uniques - par exemple, l'algorithme d'un moteur de recherche - complique sensiblement le travail de l'administration fiscale : d'une part, ceux-ci peuvent être facilement « localisés » dans un territoire à faible taux d'imposition, et d'autre part, il est souvent délicat d'en déterminer le « juste » niveau de rémunération, ce qui permet de diminuer facilement l'assiette taxable. Pour répondre à ces difficultés, l'OCDE publie, à destination des entreprises et des États, les Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert1039(*), précisant des lignes directrices de l'application du principe de pleine concurrence retenu dans les conventions fiscales.

En France, le contrôle de la manipulation des prix de transfert des entreprises est prévu par l'article 57 du code général des impôts (CGI).

L'article 57 du code général des impôts

« Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France.

La condition de dépendance ou de contrôle n'est pas exigée lorsque le transfert s'effectue avec des entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A ou établies ou constituées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. (...) ».

Ce dispositif permet donc à l'administration de réintégrer les bénéfices artificiellement diminués au résultat imposable de l'entreprise.

Concrètement, le service de contrôle examine la conformité des prix de transfert pratiqués par l'entreprise, aussi bien pour les achats et les ventes que pour toute autre opération, au regard du principe de pleine concurrence.

Comme indiqué dans le document de politique transversale annexé au présent projet de loi de finances relatif à la Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales, « le contrôle des prix de transfert reste un axe majeur de lutte contre la planification fiscale agressive ». Ainsi, en 2022, les rehaussements de 403 reprises ont représenté près de 3,4 milliards d'euros, en hausse de 19 % par rapport à 2021. Ces rehaussements représentent à eux seuls 58 % du montant global des rectifications en base du contrôle fiscal.

B. LES OBLIGATIONS DOCUMENTAIRES DES MULTINATIONALES

L'article L13 AA du livre des procédures fiscales prévoit les obligations documentaires auxquelles sont astreintes certaines grandes entreprises, au-delà d'un seuil de chiffre d'affaires ou de total d'actifs brut de 400 millions d'euros, détenant plus de la moitié d'u capital d'une entité dépassant ce seuil de chiffre d'affaires ou étant détenu en majorité par une entreprises dépassant ce seuil ou relevant du régime fiscal des « groupes de sociétés » (l'article 223 A ou à l'article 223 A bis du code général des impôts), lorsque celui-ci comprend au moins une personne morale qui dépasse le seuil de 400 millions d'euros de chiffre d'affaires ou d'actif brut.

Ces entreprises « doivent tenir à disposition de l'administration une documentation permettant de justifier la politique de prix de transfert pratiquée dans le cadre de transactions de toute nature réalisées avec des entités juridiques liées ».

Cette documentation est, depuis la loi de finances initiale pour 2018, alignée sur les standards OCDE.

Informations contenues dans la déclaration

Conformément aux recommandations du code de conduite élaboré par le Forum conjoint de l'Union européenne, la documentation requise est constituée d'un ensemble d'éléments comportant deux niveaux d'information : des informations générales concernant le groupe d'entreprises associées et des informations spécifiques concernant l'entreprise associée faisant l'objet d'une vérification de comptabilité.

Les informations contenues dans la déclaration doivent permettre à l'administration d'appréhender l'environnement économique, juridique, financier et fiscal du groupe d'entreprises associées. L'entreprise faisant l'objet d'une vérification de comptabilité devra fournir à l'administration les documents suivants :

- une description générale de l'activité déployée incluant les changements intervenus au cours de l'exercice vérifié ;

- une description générale des structures juridiques et opérationnelles du groupe d'entreprises associées comportant une identification des entreprises associées du groupe engagées dans des transactions contrôlées ;

- une description générale des fonctions exercées et des risques assumés par les entreprises associées, dès lors qu'ils affectent l'entreprise vérifiée ;

- une liste des principaux actifs incorporels détenus (brevets, marques, noms commerciaux, savoir-faire...), en relation avec l'entreprise vérifiée ;

- une description générale de la politique de prix de transfert du groupe.

Les principales entités du groupe doivent présentées. Le niveau de détail des informations relatives à chacune est fonction, d'une part, de sa place dans l'organisation du groupe et de sa contribution à l'ensemble des activités, d'autre part, de la place que ses fonctions et ses actifs occupent dans la détermination de la politique de prix de transfert du groupe.

Source : bulletin officiel des finances publiques - BOI-BIC-BASE-80-10-20

Cette documentation est tenue à la disposition de l'administration lors de l'engagement d'une vérification de comptabilité.

Comme le précise le III de l'article Article L13 AA du livre des procédures fiscales, « si la documentation requise n'est pas mise à sa disposition à cette date, ou ne l'est que partiellement, l'administration adresse à la personne morale mentionnée au I une mise en demeure de la produire ou de la compléter dans un délai de trente jours, en précisant la nature des documents ou compléments attendus. Cette mise en demeure doit indiquer les sanctions applicables en l'absence de réponse ou en cas de réponse partielle ».

Le défaut de réponse ou la réponse partielle à la mise en demeure de communiquer cette documentation est sanctionnée d'une amende qui, au titre de l'article 1735 ter du code général des impôts, ne peut être inférieure à 10 000 euros et dont le montant peut atteindre, au regard de la gravité des manquements, le plus élevé des montants :

- 0,5 % du montant des transactions concernées par les documents ou compléments qui n'ont pas été mis à disposition de l'administration après mise en demeure ;

- 5 % des rectifications du résultat réalisées lors de la réévaluation des transferts.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN RENFORCEMENT DE L'ARSENAL DE LUTTE CONTRE LA MANIPULATION DES PRIX DE TRANSFERT

A. LA COMPTABILISATION SYSTÉMATIQUE COMME BÉNÉFICE TRANSFÉRÉ DES ÉCARTS ENTRE L'APPLICATION DE LA DOCUMENTATION SUR LES PRIX DE TRANSFERTS ET LE RÉSULTAT DÉCLARÉ ET L'AUGMENTATION DES SANCTIONS

Le a du 1 du I vise à considérer que lorsque la méthode de détermination des prix de transfert s'écarte de celle prévue par la documentation mise à la disposition de l'administration par l'entreprise faisant l'objet d'une vérification de comptabilité, l'écart entre le résultat constaté et celui qui aurait été réalisé en appliquant strictement la documentation est réputé constituer un bénéfice transféré.

Cette présomption est réfragable dès lors que l'entreprise démontre l'absence de transfert par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente. Ces dispositions reviennent ainsi à rendre opposable à l'entreprise la documentation qu'elle produit à destination de l'administration.

Le 2° du I augmente le niveau minimal des sanctions prévues par l'article 1735 ter du code général des impôts, passant ainsi de 10 000 euros à 50 000 euros.

B. LA CRÉATION D'UNE POSSIBILITÉ DE RECTIFICATION SUR LA BASE DE RÉSULTATS POSTÉRIEURS

Le b du 1 du I vise à créer un article 238 bis-0 I ter au sein du code général des impôts, qui prévoit que la valeur d'un actif ou d'un droit incorporel transféré peut être rectifiée sur la base de résultats postérieurs à l'exercice au cours duquel est intervenue la transaction.

Cette rectification ne serait néanmoins pas applicable lorsque :

« 1° Le contribuable, d'une part, fournit des informations détaillées sur les prévisions utilisées, au moment du transfert, pour déterminer les prix, notamment les modalités de prise en compte des risques et des événements raisonnablement prévisibles ainsi que leur probabilité de réalisation et, d'autre part, établit que la différence significative entre ces prévisions et les résultats réels est due soit à la survenance d'événements imprévisibles lors de la détermination du prix, soit à la réalisation d'événements prévisibles à condition que leur probabilité d'occurrence n'ait pas été sous-estimée ou surestimée de manière significative au moment de la transaction ;

« 2° Le transfert en cause est couvert par un accord préalable en matière de prix bilatéral ou multilatéral, en vigueur pour la période concernée, entre les juridictions du cessionnaire et du cédant ;

« 3° L'écart entre la valorisation résultant des prévisions établies au moment de la transaction et celle constatée au vu des résultats réels est inférieur à 20 % ;

« 4° Une durée de commercialisation de cinq ans s'est écoulée après l'année au cours de laquelle l'actif ou droit a produit pour la première fois des revenus provenant d'une entité non liée au cessionnaire et, durant cette période, l'écart entre les prévisions établies au moment de la transaction et les résultats réels mentionnés au 1° est inférieur à 20 % ».

D'après l'OCDE, pour l'évaluation des actifs corporels difficiles à évaluer (AIDV), « les administrations fiscales peuvent en effet considérer des résultats ex post comme des présomptions de preuve du caractère raisonnable des hypothèses qui sous-tendent les accords de fixation de prix ex ante. Les résultats ex post sont utilisés pour déterminer l'évaluation qui aurait été effectué au moment de la transaction; il serait toutefois incorrect de faire reposer l'évaluation sur les revenus ou les flux réels de trésorerie réels sans prendre en compte le point de savoir si les entreprises associés auraient pu ou dû avoir connaissance ou tenir compte, de façon raisonnable, au moment de l'AIDV, des informations relatives à la probabilité d'obtenir ces revenus ou flux de trésorerie ».

La formule retenue par le Gouvernement permet à l'administration d'opérer une rectification en cas d'écart, faisant incomber à l'entreprise la charge de démontrer que cet écart ne correspond pas à une manipulation du prix du transfert.

En effet, le dispositif proposé permet le cas échéant à l'entreprise d'établir « que la différence significative entre ces prévisions et les résultats réels est due soit à la survenance d'évènements imprévisibles lors de la détermination du prix, soit à la réalisation d'évènement prévisibles à condition que leur probabilité d'occurrence n'ait pas été sous-estimée ou surestimée de manière significative au moment de la transaction. »

Le 3° du II étend le droit de reprise de l'administration jusqu'à la fin de la sixième année pour permettre la mise en oeuvre du nouvel article 238 bis-0 I ter.

C. UNE BAISSE DU SEUIL DE CHIFFRE D'AFFAIRES OU D'ACTIFS BRUT À PARTIR DUQUEL LES ENTREPRISES SONT SOUMISES AUX OBLIGATIONS DOCUMENTAIRES

Le 1° du II modifie le seuil de chiffre d'affaires ou de total d'actifs brut à partir duquel les entreprises sont tenues aux obligations documentaires en matière de prix de transfert, passant ainsi de 400 millions d'euros à 150 millions d'euros.

Le III prévoit que la réduction du seuil de chiffre d'affaires s'applique aux exercices à compter du 1er janvier 2024.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le texte considéré comme adopté en par l'Assemblée nationale en application du troisième alinéa de l'article 49 intègre deux amendements.

Le premier, déposé par M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, apporte une précision rédactionnelle en alignant la rédaction proposée sur celle du premier alinéa de l'article 57 du CGI.

Le second, déposé par M. Mathieu Lefèvre et plusieurs de ses collègues vise à ce que l'opposabilité de la documentation financière ne s'applique qu'à compter du 1er janvier 2024, de même que le droit de reprise étendu à six ans.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES DISPOSITIFS QUI PERMETTENT DE RENFORCER L'ARSENAL CONTRE LES MANIPULATIONS DE PRIX DE TRANSFERT MAIS DONT LES EFFETS SUR LES PME ET LES ETI DOIVENT ÊTRE SURVEILLÉS

A. UN RENFORCEMENT UTILE DES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA MANIPULATION DES PRIX DE TRANSFERT

Les mesures contenues au présent article permettent de renforcer l'arsenal législatif pour lutter contre les manipulations de prix de transfert.

Ainsi, rendre opposable aux entreprises le contenu de la documentation à laquelle elles sont astreintes pour détailler la méthode de détermination de leurs prix de transferts devrait conduire à améliorer la qualité du contenu de ce document et ainsi simplifier les contrôles.

Par ailleurs, l'utilisation des résultats ex post pour procéder à des rectifications constituera un moyen utile pour l'administration fiscale. Il convient néanmoins de relever que cette disposition renverse la charge de la preuve assez aisément pour l'administration.

En effet, il incombera aux entreprises de démontrer que les écarts sont justifiés par la survenance d'évènements imprévisibles ou par la probabilité de leur réalisation. Il a ainsi pu être relevé avec raison que cette règle s'éloigne du principe suivant lequel « necessitas probandi incumbit ei qui agit », c'est-à-dire que la charge de la preuve incombe à celui qui se plaint1040(*), à savoir l'administration fiscale. La seule présence d'un écart ex post semble constituer un critère limité pour faire incomber à l'entreprise la preuve que les prix de transfert n'ont pas été manipulés.

De nombreuses situations (entreprises en forte croissance, changement du modèle d'affaires, nouveaux débouchés etc.) peuvent justifier des écarts importants, même sur des exercices proches.

Par ailleurs, les termes retenus laissent d'importantes marges d'interprétation : les « probabilités d'occurrence » et la « prévisibilité d'évènements », jugées a posteriori, relèvent de l'uchronie, soit une discipline en principe assez éloignée du droit. Il conviendra donc que l'administration fiscale fasse une utilisation très prudente de ce dispositif.

B. L'ENTRÉE DE CERTAINES PME ET DES ETI DANS LE CHAMP DES OBLIGATIONS DOCUMENTAIRES RELATIVES AUX PRIX DE TRANSFERT MÉRITE UNE ATTENTION RENFORCÉE

La baisse du seuil de chiffre d'affaires ou d'actifs bruts de l'entreprise de 400 millions d'euros à 150 millions d'euros va conduire à faire entrer un grand nombre d'entreprises dans le champ des obligations documentaires relatives aux prix de transfert.

Cette obligation pourra conduire à des coûts supplémentaires de conformité pour les entreprises, qui devront produire les documents exigés en application de l'article L13 AA du livre des procédures fiscales. Cette exigence est d'autant plus importante pour ces entreprises qu'en vertu des dispositions contenues au présent article, la documentation produite pourra être opposable à l'entreprise en cas de vérification de comptabilité.

Le Gouvernement devra par conséquent être très attentif au coût pour les entreprises de la mise en oeuvre de cette mesure.

Néanmoins, alors que les prix de transfert constituent encore aujourd'hui un important vecteur de fraude, le renforcement de l'arsenal de lutte contre la fraude apparait légitime.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23

Aménagement des modalités de réalisation des contrôles fiscaux

Le présent article prévoit de permettre que les vérifications de comptabilité ou les contrôles de la régularité de la délivrance de reçus fiscaux par les organismes à but non lucratif puissent avoir lieu dans un autre lieu que les locaux de l'entreprise ou de l'organisme, « d'un commun accord entre le contribuable et l'administration » ou, à défaut d'un tel accord, dans les locaux de l'administration.

Par ailleurs, l'article crée une délégation de signature, permettant de déléguer à un agent des finances publiques de catégorie A détenant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint ou un grade équivalent, la délégation de signature permettant d'anonymiser certains contrôles.

Ces évolutions conduisent à laisser des latitudes plus importantes à l'administration fiscale. Il conviendra de veiller à ce que les garanties accordées aux contribuables soient bien respectées. En particulier, le contrôle sur place permet dans la plupart des situations d'assurer au contribuable le respect des garanties associées au contrôle.

Le fait de permettre à l'administration de délocaliser les contrôles de sa propre initiative à défaut d'accord avec le contribuable ne saurait être mis en oeuvre sans que l'administration ne produise une décision permettant de présenter ses motivations. La commission a adopté un amendement I-224 (FINC.68) insérant cette exigence de décision motivée de l'administration.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : UN ENCADREMENT EXIGEANT DU DÉROULÉ DES CONTRÔLES

A. LES VÉRIFICATIONS DE COMPTABILITÉ ET LES CONTRÔLES DE LA RÉGULARITÉ DE LA DÉLIVRANCE DE REÇUS FISCAUX PAR LES ORGANISMES À BUT NON LUCRATIF SE DÉROULENT, EN PRINCIPE, DANS LES LOCAUX DU CONTRIBUABLE

En application de l'article L13 du livre des procédures fiscales, les « agents de l'administration des impôts vérifient sur place, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. »

Le déplacement documents comptables en dehors des locaux de l'entreprise est donc proscrit : le représentant de l'administration doit se rendre « sur place », étant observé que cette expression s'entend généralement du principal établissement.

La jurisprudence a néanmoins admis des situations dans lesquelles l'examen des pièces comptables pouvait se dérouler en dehors de l'entreprise, dès lors que « cette pratique [n'a] pas pour effet de priver le contribuable des garanties prévues par la loi pour les contrôles sur place (assistance d'un conseil, possibilité de discussion avant toute proposition de rectification, limitation dans le temps de la durée du contrôle) ».1041(*)

La possibilité de procéder à une vérification en dehors de l'entreprise peut ainsi faciliter certains contrôles, notamment lorsque les locaux ne permettent pas d'accueillir un agent.

Le Conseil d'État a ainsi considéré qu'une vérification pouvait se dérouler régulièrement au domicile du président directeur général d'une société dès lors que cette situation résulte d'une demande expresse de l'intéressé1042(*). Il a également admis que la vérification puisse avoir lieu au cabinet du conseil de l'entreprise dès lors que cette situation résulte d'une demande expresse et de l'initiative du contribuable1043(*).

La remise de documents comptables au vérificateur, aux fins d'une vérification au sein de l'administration, doit ainsi procéder de la seule volonté des redevables et être exclusive de toute pression, ou même incitation.

Les conditions dans lesquelles l'administration
peut devenir dépositaire de documents appartenant au contribuable

Ces conditions s'articulent autour de trois principes :

(1) l'emport de document doit faire l'objet d'une demande écrite préalable du contribuable, et le vérificateur doit remettre à celui-ci un reçu détaillé des documents emportés ;

(2) la restitution des documents doit donner lieu à une décharge qui corresponde exactement au reçu qui a été délivré lors de l'emport ;

(3) un débat oral et contradictoire doit pouvoir avoir lieu. En pratique, les périodes d'examen matériel des documents comptables hors du siège de l'entreprise doivent donc alterner avec des interventions effectives du vérificateur chez le contribuable.

Source : Bulletin officiel des finances publiques - BOI-CF-PGR-20-20

Pour les organismes sans but lucratif, l'article L14 A prévoit également un contrôle sur place de la « régularité de la délivrance des reçus, des attestations ou de tous autres documents par lesquels les organismes bénéficiaires de dons et versements indiquent à un contribuable qu'il est en droit de bénéficier [de] réductions d'impôt », dans des conditions similaires aux vérifications de comptabilité.

B. L'ANONYMAT DES AGENTS DES FINANCES PUBLIQUES PEUT ÊTRE MIS EN PLACE SOUS CERTAINES CONDITIONS

L'article L286 B du livre des procédures fiscales (LPF) a été introduit par l'article 174 de la loi de finances initiale pour 20201044(*), qui dispose que dans le cadre des procédures de contrôle, de recouvrement et de contentieux prévues au présent livre, tout agent des finances publiques peut être autorisé à ne pas être identifié par ses nom et prénom lorsque la révélation de son identité est susceptible de mettre en danger sa vie, son intégrité physique ou celle de ses proches. Cette autorisation doit tenir compte des conditions d'exercice de la mission de cet agent, ainsi que des conditions particulières de la procédure.

Cette protection est étendue aux agents des finances publiques requis sur le fondement des articles suivants du code de procédure pénale :

- l'article 60-1 du code de procédure pénale (CPP) permet au procureur de la République, à l'officier de police judiciaire ou à l'agent de police judiciaire sous son contrôle de requérir que toute personne lui transmette des informations susceptibles d'intéresser une enquête. Sauf motif légitime, l'obligation au secret professionnel ne peut être opposée à cette demande ;

- l'article 77-1 du CPP autorise le procureur de la République ou, sur son autorisation, l'officier ou agent de police judiciaire, à recourir à toute personne qualifiée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques ;

- l'article 81 du CPP autorise le juge d'instruction à commettre une personne habilitée dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'État à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale ou sociale d'une personne mise en examen ;

- l'article 706-82 du CPP prévoit que les officiers ou agents de police judiciaire autorisés à procéder à une opération d'infiltration puissent requérir le concours de toute personne pour réaliser cette opération.

Cette protection vaut également pour les agents exerçant leurs fonctions dans le cadre de l'article L10-0 AC du LPF. Cela signifie qu'elle a été expressément prévue pour les agents des finances publiques impliqués dans des procédures ouvertes sur la base d'informations transmises par un aviseur fiscal.

L'autorisation donnée à l'agent des finances publiques de ne pas être identifié par son nom et son prénom doit provenir du directeur du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel l'agent est affecté. Cette autorisation doit être écrite et motivée. L'agent est alors identifié par le biais d'un numéro d'immatriculation administrative, par sa qualité et par la mention du service dans lequel il officie.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN CHANGEMENT DE RÉGIME SUR LA LOCALISATION DES CONTRÔLES ET UNE DÉLÉGATION DE SIGNATURE POUR FACILITER LA MISE EN oeUVRE DE L'ANONYMAT DES AGENTS DES FINANCES PUBLIQUES

A. UN CHANGEMENT DE RÉGIME SUR LA LOCALISATION DU CONTRÔLE

Les 1° et 2° du I modifient les articles L13 et L14 A du livre des procédures fiscales pour prévoir que la vérification ou le contrôle peuvent se tenir dans tout autre lieu que les locaux de l'entreprise ou de l'organisme, déterminé d'un commun accord entre le contribuable et l'administration. En l'absence d'accord, la vérification ou le contrôle pourra se poursuivre dans les locaux de l'administration.

Le II prévoit que ces évolutions s'appliquent à compter du 1er janvier 2024 aux contrôles en cours et aux contrôles engagés à compter de cette date.

B. LA MISE EN PLACE D'UNE DÉLÉGATION DE SIGNATURE POUR FACILITER LA MISE EN PLACE DE L'ANONYMAT DES AGENTS DES FINANCES PUBLIQUES

Le 3° du I prévoit que le directeur du service déconcentré ou du service à compétence nationale peut déléguer sa signature pour la mise en place d'une procédure d'anonymisation à un agent des finances publiques de catégorie A détenant au moins le grade d'administrateur des finances publiques adjoint ou un grade équivalent.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article n'a fait l'objet d'aucune modification dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES MESURES PERMETTANT UTILEMENT DE RENFORCER LA SÉCURITÉ DES AGENTS LORS CONTRÔLES FISCAUX

Si le présent article ne remet pas en cause le principe suivant lequel les contrôles et vérifications doivent avoir lieu dans les locaux de l'organisme ou de l'entreprise, l'évolution introduite n'en est pas moins très importante. Elle permet à l'administration de prendre l'initiative d'une délocalisation des contrôles sur place, et même, en l'absence d'accord avec le contribuable contrôlé, d'imposer que le contrôle se tienne au sein de l'administration.

Cette disposition permet ainsi d'assurer que le contrôleur dispose de conditions matérielles favorables au contrôle et permet également de prévenir les situations à risque dans lesquelles l'intégrité physique des agents peut être en cause. Cette disposition intervient ainsi après l'assassinat dramatique dans le Pas-de-Calais, le 21 novembre 2022, d'un agent des impôts, Ludovic Montuelle.

Néanmoins, la réalisation des contrôles dans les locaux de l'administration ne saurait devenir la nouvelle norme : il est indispensable, notamment pour permettre l'analyse contradictoire des documents, que les contrôles continuent, pour l'essentiel, à avoir lieu sur place. Ainsi, la commission a adopté un amendement I-224 (FINC.68) visant à intégrer l'exigence d'une décision motivée pour justifier du choix de l'administration de délocaliser un contrôle.

L'anonymisation des agents en application de l'article L286 B du livre des procédures fiscales permet de concilier sécurité de l'agent et garantie des droits à la défense, en offrant des garanties aux parties. Il apparait donc légitime de simplifier les modalités suivant lesquelles peut être mis en place cet anonymat.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 23 bis (nouveau)

Modification des modalités déclaratives des dons manuels, des cessions
de parts sociales et des déclarations de succession

Le présent article prévoit de supprimer les références du code général des impôts (CGI) aux modalités déclaratives des dons manuels ou de sommes d'argent, des cessions de droits sociaux ou de parts sociales ainsi que des successions, afin de confier au pouvoir réglementaire le soin de prévoir ces modalités, que les déclarations soient déposées sous format papier ou par voie dématérialisée.

Il répond à un problème de répartition de compétences entre le service national de l'enregistrement (SNE) et les services de dépôt des déclarations en format papier. En effet, alors que la compétence pour le traitement des réclamations et demandes de remises à titre gracieux est actuellement attribuée aux services de dépôt des déclarations en format papier, c'est auprès du SNE que le contribuable dispose de la possibilité de procéder à des déclarations dématérialisées pour les dons et les cessions de droits sociaux, ainsi qu'à compter de 2024 pour les successions.

Il en résulte, en l'absence de disposition le prévoyant, que le SNE ne peut traiter les réclamations et recours gracieux portant sur les déclarations qui lui pourtant transmises.

Dès lors, le présent article introduit une correction bienvenue, en permettant au pouvoir réglementaire d'apporter les réponses nécessaires et d'adapter les modalités déclaratives concernées.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN INCOHÉRENCE ENTRE LE SERVICE FISCAL COMPÉTENT POUR TRAITER LES RÉCLAMATIONS CONTENTIEUSES OU LES RECOURS GRACIEUX EN MATIÈRE DE DÉCLARATION DE DONS, DE CESSION DE PARTS SOCIALES OU DE SUCCESSION ET LA CRÉATION D'UN SERVICE DE TÉLÉDÉCLARATION

A. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX MODALITÉS DÉCLARATIVES DES DONS MANUELS, DES CESSIONS DE PARTS SOCIALES OU DES SUCCESSIONS PRÉVOIENT LA COMPÉTENCE DU SERVICE TERRITORIAL FISCAL DE DÉPÔT POUR LE TRAITEMENT DES RÉCLAMATIONS, IGNORANT LE CAS DES DÉCLARATIONS DÉMATÉRIALISÉES

1. La compétence du service territorial de la direction générale des finances publiques (DGFiP) dont dépend le lieu de l'imposition pour le traitement des réclamations des contribuables

Aux termes de l'alinéa 1 de l'article R*190-1 du livre des procédures fiscales (LPF), le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial de la DGFiP1045(*) dont dépend le lieu de l'imposition.

De la même manière, en vertu de l'alinéa 1 de l'article R*247-1 du LPF, les demandes tendant à obtenir à titre gracieux une remise, une modération ou une transaction doivent être adressées au service territorial de la DGFiP1046(*) dont dépend le lieu de l'imposition.

2. Le principe du lieu du domicile comme critère de compétence territoriale pour les déclarations en format papier des dons manuels, des cessions de parts sociales ou des successions

D'après le IV de l'article 790 G du code général des impôts (CGI), les dons manuels ou de sommes d'argent exonérés doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire au service des impôts du lieu de son domicile dans le délai d'un mois qui suit la date du don, sous réserve de l'application du 1° du 1 de l'article 635 et du 1 de l'article 650 du même code.

Ces deux dernières dispositions, qui visent les actes des notaires à l'exception des testaments et testaments-partages (article 636 du CGI), prévoient, par exception, un enregistrement, dans le délai d'un mois à compter de leur date (1° du 1 de l'article 635 du CGI), au service des impôts dans le ressort duquel le notaire réside (1 de l'article 650 du CGI).

De même, concernant les déclarations de cessions de parts sociales, l'alinéa 2 de l'article 653 du CGI dispose qu'elles doivent être faites au service des impôts dans le ressort duquel est situé le domicile de l'une des parties contractantes.

Quant aux déclarations de successions, l'article 656 du CGI prévoit qu'elles sont enregistrées au service des impôts du domicile du défunt quelle que soit la situation des valeurs mobilières ou immobilières à déclarer. Dans le cas où le domicile du défunt ne serait pas situé en France, la déclaration de succession est par exception déposée auprès du service désigné par le ministre chargé du budget, soit en pratique la direction des impôts des non-résidents.

Ainsi, le service territorial de la DGFiP compétent pour traiter les réclamations contentieuses ou les demandes de remises à titre gracieux est celui auprès duquel est déposée la déclaration de dons, de cession de droits et parts sociales ou de succession.

B. L'OUVERTURE DE LA POSSIBILITÉ DE PROCÉDER À DES DÉCLARATIONS DÉMATÉRIALISÉES NE S'EST PAS ACCOMPAGNÉE D'UNE ADAPTATION DU CADRE LÉGISLATIF RELATIF AU TRAITEMENT DES RÉCLAMATIONS CONTENTIEUSES

1. La possibilité de souscrire les déclarations de don, de cession de droits sociaux et parts sociales ou de succession de manière dématérialisée

Créé par l'arrêté du 28 janvier 20211047(*), le Service national de l'enregistrement (SNE) est chargé de l'enregistrement des actes et de la réception des déclarations déposées pour la liquidation des droits d'enregistrement, lorsque ces actes et déclarations sont transmis au moyen d'un téléservice mis à disposition par l'administration, ainsi que, pour les impositions y afférentes, du recouvrement, tant amiable que forcé, des droits et pénalités.

Ainsi, en application de l'article 2 du décret n° 2019-1565 du 30 décembre 2019, les déclarations de dons de sommes d'argent peuvent être souscrites de manière dématérialisée auprès du SNE. Le décret n° 2020-772 du 24 juin 2020 a étendu le dispositif à d'autres déclarations, qui couvrent désormais :

- les déclarations de dons manuels ;

- les déclarations de cessions de droits sociaux ;

- les déclarations de dons de sommes d'argent ;

- les déclarations de succession, à compter de 2024.

2. L'absence de mise en cohérence du cadre législatif relatif au traitement des réclamations et des demandes de remises à titre gracieux

En dépit de l'ouverture de la possibilité de souscription dématérialisée des déclarations précitées, le cadre législatif applicable au traitement des réclamations contentieuses et des demandes de remises à titre gracieux n'a pas été adapté.

Ainsi, en l'absence de disposition le prévoyant, le SNE ne peut pas actuellement traiter les réclamations contentieuses et les demandes de remises à titre gracieux correspondant aux déclarations de dons manuels et de sommes d'argent, ainsi que de cessions de droits sociaux. Il en serait de même pour les déclarations de succession transmises par voie dématérialisée à compter de 2024.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article, qui résulte d'un amendement déposé par le député Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, prévoit de confier au pouvoir réglementaire le soin de mettre en cohérence les règles concernant la détermination du service de dépôt des déclarations des dons manuels, des cessions de droits sociaux et parts sociales ou des successions.

Pour ce faire, il est proposé d'abroger l'article 656 du CGI et de supprimer aux articles 653 et 790 G du même code les références aux modalités déclaratives concernant le service de dépôt des déclarations.

D'après l'exposé sommaire de l'amendement susvisé, il ressort que l'objectif du dispositif proposé serait a priori d'étendre les compétences du SNE aux réclamations et demandes de remises à titre gracieux. Ainsi, le dispositif viendrait corriger la situation actuelle, marquée par l'incohérence de l'organisation du traitement des réclamations et demandes de remises à titre gracieux, « pour une plus grande efficience et un meilleur service rendu aux usagers ».

III. LA POUVOIR POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MISE EN COHÉRENCE CONFORME AU PARTAGE DES COMPÉTENCES ENTRE LÉGISLATIF ET POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

A. UNE MISE EN COHÉRENCE BIENVENUE ENTRE LA MODALITÉ DE SOUSCRIPTION DES DÉCLARATIONS ET LE TRAITEMENT DES RÉCLAMATIONS CONTENTIEUSES ET DES DEMANDES DE REMISES À TITRE GRACIEUX

Le dispositif proposé apporte une mise en cohérence bienvenue, en permettant au pouvoir réglementaire de déterminer les conditions d'application des obligations déclaratives.

Le pouvoir réglementaire pourra ainsi organiser, en fonction des capacités des services concernés ou de toute autre considération d'opportunité, le traitement des réclamations contentieuses et des demandes de remises à titre gracieux dans le cas de déclarations dématérialisées.

B. UNE SOLUTION CONFORME AU PRINCIPE DE LA COMPÉTENCE DU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE EN MATIÈRE DE MODALITÉS DÉCLARATIVES

Si le législateur est compétent pour déterminer le principe de l'obligation déclarative en vertu de l'article 34 de la Constitution, aux termes duquel la loi fixe les règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures », il a dans de très nombreux cas délégué au pouvoir réglementaire le soin de fixer ses modalités. Selon une formule largement utilisée, la disposition législative prévoit qu'« un décret fixe les conditions d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables »1048(*).

Ainsi, le législateur a renvoyé à l'autorité réglementaire le soin de fixer certaines obligations déclaratives en matière de détermination de l'impôt sur la fortune immobilière, de droits d'enregistrement et de taxe de publicité foncière, d'impôt sur les bénéfices des sociétés, d'impôt sur le revenu ou encore celles communes à ces deux dernières impositions1049(*).

Dès lors, le dispositif proposé est conforme au partage des compétences entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire résultant des articles 34 et 37 de la Constitution.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 ter (nouveau)

Renforcement des obligations déclaratives relatives aux cessions
de droits sociaux de personnes morales à prépondérance immobilière

Le présent article prévoit d'intégrer aux actes et déclarations ayant pour objet une cession de participations dans une personne morale à prépondérance immobilière des dispositions expresses indiquant si la personne morale est une société immobilière de copropriété, si la cession confère au cessionnaire le droit à la jouissance d'immeubles ou de fraction d'immeubles et si des dettes ont été contractées entre le cessionnaire et le cédant.

En effet, dans la première situation, le montant des droits devant être réglés correspond au montant des droits de mutation à titre onéreux afférents à la cession du bien, dans la seconde situation, au droit d'enregistrement applicable aux cessions de parts sociales dans des personnes morales à prépondérance immobilière (et donc 5 %) et, dans le troisième cas, au montant des droits d'enregistrement rectifié, intégrant le montant des dettes.

Si la portée pratique de cet article devrait être assez limitée - il se contente d'intégrer aux actes de cession des précisions utiles à qualification fiscale de la cession - il devrait néanmoins permettre de simplifier certains contrôles en cas et d'alerter l'administration.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'IMPOSITION DES CESSIONS DE DROITS SOCIAUX EST TRÈS INFÉRIEURE AUX DROITS DE MUTATION APPLICABLES AU FONCIER

A. LES PERSONNES MORALES À PRÉPONDÉRANCE IMMOBILIÈRE

Les personnes morales à prépondérance immobilière sont des sociétés dont les droits sociaux ne sont pas négociés sur un marché réglementé et dont l'actif est, ou a été au cours de l'année précédant la cession des participations en cause, principalement (supérieur à 50 %) constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés en France ou de participations dans des personnes morales, quelle que soit leur nationalité répondant à ces conditions.

Les organismes d'habitations à loyer modéré, les entreprises solidaires d'utilité sociale, et les sociétés d'économie mixte exerçant une activité de construction ou de gestion de logements sociaux ne sont pas considérés comme des personnes morales à prépondérance immobilière.

Lorsque les cessions de ces participations sont réalisées à l'étranger, elles doivent être constatées dans le délai d'un mois par un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France.

B. DES DROITS D'ENREGISTREMENT SONT DÛS EN CAS DE CESSION DE PARTS SOCIALES

L'article 726 du code général des impôts (CGI) fixe le taux du droit d'enregistrement dû lors de cessions de droits sociaux. Trois catégories doivent être distinguées, associées à des taux d'imposition :

- le droit d'enregistrement est de 0,1 % pour la cession d'actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires des sociétés par actions, dès lors que ces cessions concernent des actifs sur un marché réglementé ou qui ne sont pas à prépondérance immobilière ;

- le droit d'enregistrement est de 3 % pour les cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions, autres que les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière ;

- le droit d'enregistrement est de 5 % pour les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière (PMPI).

En pratique, l'assiette des droits d'enregistrement est donc le prix des parts ou actions de la société et non la valeur de l'immeuble détenu par la société. Lorsque la société à prépondérance immobilière est endettée, l'assiette des droits peut donc être inférieure à celle qui serait retenue en cas de cession de l'immeuble et de paiement des droits de mutation à titre onéreux.

Les sociétés immobilières de copropriété au sens de l'article 1655 ter du CGI sont néanmoins considérées comme transparentes et donnent par conséquent lieu au paiement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) lors d'une éventuelle cession.

De plus, en application de l'article 728 du CGI, « les cessions d'actions ou de parts conférant à leurs possesseurs le droit à la jouissance d'immeubles ou de fractions d'immeubles sont réputées avoir pour objet lesdits immeubles ou fractions d'immeubles pour la perception des droits d'enregistrement » et donnent donc lieu à la perception du droit d'enregistrement au taux applicable aux PMPI.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN COMPLÉMENT D'INFORMATION À L'ADMINISTRATION FISCALE

Le présent article est issu d'un amendement de notre collègue députée Eva Sas, retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il vise à renforcer les obligations déclaratives auprès de l'administration fiscale en cas de cession d'une personne morale à prépondérance immobilière.

Ainsi, en application du présent article, les actes et déclarations devront indiquer :

- si la personne morale est une société immobilière de copropriété au sens de l'article 1655 ter du code général des impôts ;

- si les participations cédées confèrent au cessionnaire, direct ou indirect, le droit à la jouissance d'immeubles ou de fractions d'immeubles au sens de l'article 728 du code général des impôts ;

- si le cessionnaire a acquitté ou s'engage à acquitter des dettes contractées auprès du cédant par cette personne morale, en précisant, le cas échéant, leur montant.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE OBLIGATION D'INFORMATION DE L'ADMINISTRATION QUI NE DEVRAIT AVOIR QU'UN EFFET LIMITÉ

Le régime d'imposition des cessions de part sociales d'une personne morale à prépondérance immobilière conduit à imposer ce type de cession de façon bien moins importante que dans le cadre d'une vente entre particuliers. En effet, outre la différence de taux applicable par rapport aux droits de mutation à titre onéreux (5,8 % ou 6,4 %), la prise en compte de la dette dans la valorisation de la PMPI conduit à prendre en compte une assiette potentiellement beaucoup plus restreinte que dans le cadre de la cession d'un bien.

L'efficacité du dispositif proposé, qui renforce les obligations déclaratives en cas de cession, repose sur l'idée que les éventuels fraudeurs recourant à une cession sous forme de PMPI, ou limitent l'assiette via un recours à la dette pour éluder une part de l'impôt, le déclareraient comme tel dans les actes de cession. L'intervention du notaire est néanmoins de nature à garantir une certaine effectivité au dispositif, qui pourrait également faciliter certains contrôles.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 quater (nouveau)

Mise en conformité du régime de notification des intermédiaires
dans le cadre de certains montages fiscaux transfrontières

Le présent article permet de mettre en conformité avec le droit européen le régime de notification de montages fiscaux transfrontières par les intermédiaires.

Dans une décision du 8 décembre 2022, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a déclaré invalides les dispositions de la directive de coopération administrative « DAC 6 » qui visaient à imposer aux intermédiaires soumis au secret professionnel, en cas de désaccord de leur client pour déclarer leur montage, de notifier à tout autre intermédiaire impliqué dans le schéma leurs obligations déclaratives. Un dispositif similaire avait été transposé à l'article 1649 AE du code général des impôts : le Conseil d'État a tiré les conséquences de l'arrêt de la CJUE en déclarant contraire au droit européen l'alinéa concerné.

Le présent article corrige donc ces dispositions pour les placer en conformité avec la jurisprudence européenne ainsi qu'avec celle du Conseil d'État. Ce faisant, il apporte une mesure de clarification opportune, alors que les enjeux étaient majeurs pour les intermédiaires soumis à secret professionnel et, surtout, pour les avocats. Ces derniers devront notifier les obligations déclaratives liées à un montage transfrontière qu'au seul intermédiaire qui est aussi leur client.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'OBLIGATION, POUR LES INTERMÉDIAIRES, DE TRANSMETTRE LES DÉCLARATIONS DE DISPOSITIFS FISCAUX TRANSFRONTIÈRES

A. LA DIRECTIVE « DAC 6 », DE NOUVELLES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES POUR LES DISPOSITIFS FISCAUX TRANSFRONTIÈRES

La directive du 25 mai 2018 relative à la coopération administrative1050(*), communément désignée sous l'acronyme « DAC 6 » - « directive for administrative cooperation » soumet les intermédiaires fiscaux, financiers ou comptables, à l'obligation de déclarer à l'administration d'un État membre les dispositifs transfrontières qu'ils conçoivent ou commercialisent lorsque ces dispositifs ont un caractère potentiellement agressif. La déclaration fait ensuite l'objet d'un échange automatique entre administrations fiscales.

Trois éléments permettent de qualifier un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration :

il doit faire intervenir au moins un État membre, ce qui résulte soit des parties, soit du dispositif fiscal lui-même (incidence fiscale dans au moins deux juridictions), de sorte que les opérations faisant intervenir exclusivement des États tiers à l'Union européenne ne sont donc pas concernées par l'obligation de déclaration ;

il doit satisfaire à au moins un des « marqueurs » listés par la directive comme constituant un élément indiquant une pratique abusive - par exemple, l'utilisation des pertes afin de réduire la charge fiscale ou l'utilisation de régimes fiscaux permettant de convertir un revenu en une autre catégorie de revenu moins taxé ou non taxé ;

il doit être conçu, vendu ou mis à disposition par « un intermédiaire » rattaché à l'Union européenne1051(*), cette notion étant définie comme « toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en oeuvre ou en gère la mise en oeuvre »1052(*).

B. UNE DÉFINITION LARGE DES INTERMÉDIAIRES ET DE LEURS OBLIGATIONS

1. La transposition des dispositions de la directive « DAC 6 » par l'ordonnance du 21 octobre 2019

Les dispositions de la directive devaient être transposées au plus tard le 31 décembre 2019, pour une application effective à partir du 1er juillet 2020. L'article 22 de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude1053(*) a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour procéder à cette transposition.

L'ordonnance prise sur ce fondement a été publiée le 21 octobre 20191054(*). Elle comprend trois articles, dont l'article 1er qui introduit cinq nouveaux articles 1649 AD à 1649 AH au sein du code général des impôts (CGI), afin d'y prévoir l'obligation de déclaration des dispositifs transfrontaliers en matière fiscale.

L'article 2 de l'ordonnance précise que ces nouvelles dispositions entrent en vigueur au 1er juillet 2020, à l'exception des dispositifs transfrontières ayant été conçus entre la date d'entrée en vigueur de la directive et l'issue du délai de transposition. En effet, pour le stock de dispositifs transfrontières conçus entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020, la déclaration pouvait intervenir jusqu'au 31 août 2020. Pour ces dispositifs, l'obligation de déclaration incombe soit aux intermédiaires, soit aux contribuables concernés dans le cas où l'intermédiaire, couvert par le secret professionnel ou sans présence dans l'Union européenne, bénéficie d'une dispense de déclaration.

L'entrée en vigueur des dispositions de la DAC 6 avait été décalée de six mois1055(*), dans le prolongement de la directive du 24 juin 20201056(*). Ce décalage ne concernait toutefois que la date de transmission des déclarations, sans affecter le périmètre des dispositifs fiscaux concernés ni la période couverte par les obligations déclaratives.

2. La spécificité des dispositions applicables aux intermédiaires soumis au secret professionnel

Aux termes de l'article 1649 AE du code général des impôts, l'intermédiaire est défini comme :

- « toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en oeuvre ou en gère la mise en oeuvre » ;

« toute personne qui, compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles ainsi que de l'expertise en la matière et de la compréhension qui sont nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pourrait raisonnablement être censée savoir qu'elle s'est engagée à fournir, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l'organisation d'un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de mise en oeuvre ou la gestion de sa mise en oeuvre ».

Les intermédiaires qui doivent souscrire auprès de l'administration fiscale la déclaration d'un dispositif transfrontière, procédure encadrée par l'article 1649 AD du CGI, sont, de manière non cumulative, ceux fiscalement domiciliés, résidents ou ayant leur siège en France, ceux qui possèdent en France un établissement stable duquel sont fournis les services concernant les dispositifs, ceux qui sont constitués en France ou régis par le droit français ainsi que ceux qui sont enregistrés auprès d'un ordre ou d'une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil ou qui bénéficient d'une autorisation d'exercer en France délivrée par un tel ordre ou une telle association professionnelle.

Une fois déclarées, les informations sont transférées au répertoire central européen (RCE) qui est accessible aux administrations fiscales de tous les États membres de l'Union européenne. Ce transfert doit intervenir au plus tard dans le mois suivant la fin du trimestre au cours duquel les données ont été déclarées à la DGFiP, soit avant le 31 janvier, le 30 avril, le 31 juillet et le 31 octobre.

Des dispositions spécifiques s'appliquent aux intermédiaires soumis à une obligation de secret professionnel dont la violation est prévue et réprimée par l'article 226-13 du code pénal1057(*). Ces derniers ne peuvent souscrire à la déclaration prévue à l'article 1649 AD qu'avec l'accord de leurs clients. À défaut de cet accord, ces intermédiaires doivent notifier aux autres intermédiaires impliqués dans les montages transfrontières les obligations déclaratives qui leur incombent. Si aucun autre intermédiaire n'est impliqué, alors la notification d'obligation déclarative est adressée, avec les informations nécessaires au respect de son obligation déclarative, au contribuable concerné par le dispositif transfrontière.

Ces dispositions ont été spécifiquement prévues pour les avocats, qui craignaient qu'ils ne soient soit sanctionnés pour violation des obligations déclaratives au titre de la DAC 6, soit contraints de violer leur secret professionnel, protégé constitutionnellement. L'article 1729 C ter du CGI prévoit en effet que les manquements à une obligation de déclaration ou de notification entrainent l'application d'une amende qui ne peut excéder 10 000 euros, ce plafond étant ramené à 5 000 euros lorsqu'il s'agit de la première infraction de l'année civile en cours et des trois années précédentes. Le montant total des amendes octroyées par année civile est plafonné à 100 000 euros pour un même intermédiaire ou un même contribuable.

La mise en oeuvre d'aménagements pour les professions soumises au secret professionnel est conforme à l'article 8 bis ter de la directive 2011/161058(*), aux termes duquel les États membres peuvent « prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d'être dispensés de l'obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration lorsque l'obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre ». Dans ce cas, les États membres sont tenus de prévoir « les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent ».

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN AJUSTEMENT DES OBLIGATIONS DE DÉCLARATION POUR LES INTERMÉDIAIRES SOUMIS À UNE OBLIGATION DE SECRET PROFESSIONNEL

Le présent article additionnel est issu d'un amendement du Gouvernement qu'il a retenu dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Il modifie le 4° du I de l'article 1649 AE du code général des impôts afin de prévoir qu'en cas de désaccord de son client pour déclarer le montage transfrontière à l'administration fiscale, l'intermédiaire soumis à une obligation de secret professionnel notifie au seul intermédiaire ayant la qualité de client l'obligation déclarative qui lui incombe.

Le présent article opère ainsi une restriction du périmètre de la notification : alors qu'aujourd'hui l'intermédiaire soumis à une obligation de secret professionnel doit notifier l'obligation déclarative à tout autre intermédiaire impliqué dans le montage transfrontière, cette obligation serait restreinte aux seuls intermédiaires ayant également la qualité de clients.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE MISE EN CONFORMITÉ AU DROIT EUROPÉEN, QUI APPORTE UNE PREMIÈRE CLARIFICATION AUX OBLIGATIONS DES INTERMÉDIAIRES SOUMIS AU SECRET PROFESSIONNEL

La nature des obligations déclaratives imposées aux intermédiaires soumis au secret professionnel a régulièrement fait l'objet d'importants débats, en France comme dans les autres États membres, et notamment pour les avocats. La question s'était posée avec d'autant plus d'acuité dans le cadre de la transposition de la directive dite « DAC 6 », qui avait pour principal objectif de faire davantage participer les intermédiaires à la lutte contre les montages transfrontières abusifs. Le présent article s'inscrit dans ce contexte et procède d'une mise en conformité au droit européen, à la suite d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Par une décision du 25 juin 20211059(*), le Conseil d'État avait décidé de transmettre une question préjudicielle à la CJUE sur la validité des dispositions de l'article 8 bis ter, paragraphe 5, de la directive précitée du 15 février 20111060(*) au regard de la charte européenne des droits de l'homme et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en ce que ce paragraphe n'excluait pas les avocats du champ des intermédiaires soumis aux obligations qu'il pose en matière de déclaration et de notification des montages transfrontières. C'est ce paragraphe qui avait conduit aux dispositions de l'article 1649 AE du code général des impôts prévoyant, qu'en cas de désaccord du client pour déclarer le montage transfrontière, l'intermédiaire soumis à une obligation de secret professionnel notifie à un autre intermédiaire l'obligation déclarative lui incombant.

Le Conseil d'État avait toutefois retiré sa question préjudicielle à la suite d'un arrêt du 8 décembre 2022 de la CJUE1061(*) sur le même sujet, en réponse à une question préjudicielle posée par la cour constitutionnelle de Belgique. La CJUE a déclaré le paragraphe 5 de l'article 8 bis ter invalide au regard de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, « en ce que son application par les États membres a pour effet d'imposer à l'avocat agissant en tant qu'intermédiaire [...], lorsque celui-ci est dispensé de l'obligation de déclaration [...] en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n'est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent »1062(*). L'article 7 de la charte protège le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et des communications, dont celles entre un avocat et son client. La CJUE a donc considéré que l'atteinte au droit au respect des communications par l'obligation de notification à un autre intermédiaire n'était pas nécessaire au regard des objectifs poursuivis de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et ne respectait pas le principe de proportionnalité.

En revanche, dans le même arrêt, la CJUE a estimé qu'il était tout à fait compatible au regard du droit de l'Union européenne que l'avocat intermédiaire notifie les obligations déclaratives à son client, que ce dernier soit un autre intermédiaire ou le contribuable concerné.

Le Conseil d'État en a tiré les conséquences dans sa décision du 14 avril 20231063(*) en jugeant que « les dispositions du deuxième alinéa du 4° du I de l'article 1649 AE du code général des impôts » méconnaissaient les stipulations de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Le présent article s'inscrit à la suite de ces décisions : l'ajout opéré à l'article 1649 AE du CGI vise à préciser qu'un intermédiaire soumis au secret professionnel peut notifier ses obligations déclaratives à un autre intermédiaire seulement si ce dernier est son client. Si ce n'est pas le cas, l'avocat n'est soumis à aucune obligation.

La commission porte un regard positif sur cette mesure de mise en conformité au droit européen, qui apporte une première clarification aux obligations de déclaration et de notification des intermédiaires, et plus particulièrement des avocats. Si la mission d'information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales avait recommandé une meilleure responsabilisation des intermédiaires impliqués dans des montages financiers abusifs1064(*), c'était notamment sous réserve que les exigences et les garanties constitutionnelles ne soient pas remises en cause.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 quinquies (nouveau)

Extension aux non-résidents de la possibilité d'acquitter certains frais
par virement sur le compte du Trésor à la Banque de France

Le présent article prévoit d'étendre aux contribuables professionnels non-résidents la possibilité d'acquitter par virement sur le compte du Trésor à la Banque de France, quel que soit leur montant, la cotisation foncière des entreprises (CFE), l'impôt forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER), les frais mentionnés sur les rôles, l'acompte et les taxes additionnelles.

Compte tenu du fait que les contribuables particuliers non-résidents bénéficient déjà de cette possibilité, la mesure proposée constitue une simplification bienvenue pour les contribuables concernés.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : ALORS QUE LES CONTRIBUABLES PARTICULIERS NON-RÉSIDENTS PEUVENT ACQUITTER LEURS IMPÔTS PAR VIREMENT SUR LE COMPTE DU TRÉSOR, LES CONTRIBUABLES PROFESSIONNELS NON-RÉSIDENTS NE BÉNÉFICIENT PAS DE CETTE POSSIBILITÉ

A. L'ARTICLE 1681 SEXIES DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS AUTORISE LES CONTRIBUABLES PARTICULIERS NON-RÉSIDENTS À PAYER CERTAINS IMPÔTS PAR VIREMENT SUR LE COMPTE DU TRÉSOR À LA BANQUE DE FRANCE

Créé par l'article 47 de la loi n° 93-1353 du 30 décembre 1993 de finances rectificative pour 1993, à l'origine uniquement relatif à la taxe professionnelle, l'article 1681 sexies du code général des impôts (CGI) définit les modalités de prélèvement sur compte bancaire des principaux impôts et contributions. Sa version actuellement en vigueur résulte d'une modification par l'article 6 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, effectuée afin de tenir compte de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public.

Pour les différents impôts concernés, l'article 1681 sexies du CGI prévoit des conditions spécifiques pour les paiements par virement ou par prélèvements.

Ainsi, en principe, pour les impôts exigibles dans les conditions fixées à l'article 1663 du CGI, soit les impôts directs, produits et taxes assimilés, le 1 de l'article 1681 sexies offre, au-delà d'un seuil de 50 000 euros, la faculté aux contribuables de procéder au paiement soit par virement directement opéré sur le compte du Trésor à la Banque de France, soit par prélèvements opérés à l'initiative de l'administration fiscale, sous réserve des exceptions mentionnées aux 2, 3 et 4.

En vertu du 2 du même article, qui vise l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale, les taxes foncières ainsi que les impositions recouvrées selon les mêmes règles que ces impositions, les sommes dues au-delà d'un seuil de 300 euros sont acquittées par prélèvements opérés à l'initiative de l'administration fiscale.

Par exception à cette dernière règle, les contribuables non-résidents situés dans un État figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé du budget peuvent acquitter les impôts précités (qui sont dus par les particuliers), quel que soit leur montant, par virement directement opéré sur le compte du Trésor à la Banque de France.

B. LE DISPOSITIF ACTUEL N'AUTORISE PAS LES CONTRIBUABLES PROFESSIONNELS NON-RÉSIDENTS À PAYER LEURS IMPÔTS PAR VIREMENT

Le 3 de l'article 1681 sexies, relatif à la cotisation foncière des entreprises (CFE), à ses taxes additionnelles, à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et aux frais mentionnés sur le rôle ainsi que leur acompte, impose aux contribuables professionnels d'acquitter les sommes dues par prélèvements opérés à l'initiative de l'administration fiscale.

À ce titre, le 4 du même article précise que, quel que soit leur montant, la CFE et l'IFER, recouvrées par voie de rôles, ne peuvent pas être acquittées par virement, cette interdiction s'appliquant également aux frais mentionnés sur les rôles, à l'acompte et aux taxes additionnelles à la CFE mentionnées à l'article 1679 quinquies du CGI.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : L'EXTENSION AUX CONTRIBUABLES PROFESSIONNELS NON-RÉSIDENTS DU DISPOSITIF BÉNÉFICIANT AUX CONTRIBUABLES PARTICULIERS NON-RÉSIDENTS

Le présent article, qui résulte d'un amendement déposé par la députée Éléonore Caroit et plusieurs de ses collègues, repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, prévoit d'étendre aux contribuables professionnels non-résidents la possibilité d'acquitter les impôts mentionnés à l'article 1681 sexies du CGI par virement sur le compte du Trésor à la Banque de France.

Ainsi, la rédaction proposée complète le 4 de l'article 1681 sexies, relatif à la cotisation foncière des entreprises (CFE), à ses taxes additionnelles, à l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et aux frais mentionnés sur le rôle ainsi que leur acompte, par une disposition aux termes de laquelle les contribuables mentionnés au 2 du présent article peuvent acquitter ces impôts, quel que soit leur montant, par virement directement opéré sur le compte du Trésor ouvert à la Banque de France.

Autrement dit, pour les impôts précités dus par les professionnels, la possibilité de payer par virement sera ouverte aux contribuables non-résidents situés dans un État figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé du budget.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE SIMPLIFICATION BIENVENUE

Comme le souligne l'exposé sommaire de l'amendement dont résulte le présent article, le dispositif proposé offre aux contribuables professionnels non-résidents la même possibilité que celle dont bénéficient actuellement les contribuables particuliers non-résidents.

Ainsi, le présent article permet de donner une cohérence accrue au régime relatif au paiement par virement ou par prélèvement des impôts directs, prévu à l'article 1681 sexies du CGI. De même, il constitue une mesure de simplification pour les contribuables non-résidents concernés, notamment ceux qui doivent acquitter aussi bien les impôts dus par les particuliers que les impôts dus par les professionnels.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 sexies (nouveau)

Précisions relatives à la procédure de visite domiciliaire

Le présent article apporte deux clarifications au dispositif de visite domiciliaire (ou perquisition fiscale) des agents de la direction générale des finances publiques.

D'une part, il prévoit explicitement que ces visites domiciliaires pourront être autorisées par le juge des libertés et de la détention en cas de souscription de déclaration inexacte en vue de bénéficier de crédits d'impôts prévus au profit des entreprises. D'autre part, il dispose que les agents doivent pouvoir accéder aux documents stockés sur un support informatique, y compris si ce support est distant.

Ces clarifications renforcent la portée opérationnelle de la visite domiciliaire sans remettre en cause les garanties octroyées aux contribuables dans ce cadre.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA PERQUISITION DISCALE, UNE PROCÉDURE MISE EN oeUVRE SOUS LE CONTRÔLE DE L'AUTORITÉ JUDICIAIRE POUR LES FAITS DE FRAUDE LES PLUS GRAVES

Prévu par l'article L16 B du livre des procédures fiscales (LPF), le droit de visite et de saisie de l'administration fiscale, également appelé « perquisition fiscale » ou « visite domiciliaire », permet aux agents habilités de l'administration fiscale et ayant au moins le grade d'inspecteur de rechercher la preuve d'infractions en matière fiscale « en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support ». Les agents y sont autorisés par l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale. En pratique, ce sont très majoritairement les agents de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) qui procèdent à ces opérations. La DNEF, service à compétence nationale, est chargée des faits de fraude présumée les plus complexes et à plus forts enjeux.

Cette procédure, créée en 1958, n'est applicable qu'en matière d'impôts à caractère professionnel et en cas de recours à des procédés frauduleux. Plus précisément, l'article L16 B du livre des procédures fiscales peut être mis en oeuvre lorsque l'administration estime « qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts ». Sont donc concernées les fraudes en matière d'impôt sur les sociétés (IS), en matière d'impôt sur le revenu (IR) pour la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices non commerciaux (BNC) et des bénéfices agricoles (BA), et en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Elle a fait l'objet de deux modifications significatives :

une modernisation dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 20121065(*), avec la possibilité expresse de saisir des données dès lors qu'elles sont accessibles depuis le système informatique présent dans les lieux visités ;

- une simplification dans le cadre de la loi de de finances rectificative pour 20161066(*), avec la possibilité qu'une ordonnance unique soit délivrée dans le cadre d'une visite simultanée devant être effectuée dans des lieux situés dans le ressort de plusieurs juridictions et la désignation par le chef de service de l'officier de police judiciaire qui sera chargé d'assister aux opérations. Il a également été prévu qu'en cas d'urgence, une autorisation immédiate du juge des libertés et de la détention puisse être délivrée pour visiter d'autres lieux découverts à l'occasion de la visite en cours.

Pour autant, ces deux modifications n'ont pas remis en cause les strictes garanties procédurales prévues pour encadrer la procédure et procéder les droits des contribuables concernés.

Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Le juge désigne le chef de service qui devra désigner l'officier de police judiciaire qui sera lui-même chargé d'assister aux opérations et de le tenir informé de leur déroulement. Il peut, s'il l'estime nécessaire, se rendre dans les locaux durant l'intervention ainsi que décider à tout moment de suspendre ou d'arrêter la visite. La visite s'exerce en effet sous l'autorité du juge qui l'a autorisée et qui donne à cette fin toutes instructions aux agents qui participent à ces opérations. Ces dernières sont retracées dans un procès-verbal.

Le contribuable peut formuler un recours contre l'ordonnance du juge ayant autorisé la visite, d'une part, et contre les conditions matérielles de son exécution, d'autre part. Les pièces saisies ne peuvent être opposées au contribuable qu'après leur restitution et uniquement dans le cadre d'une procédure de contrôle fiscal externe, avec toutes les garanties afférentes. L'officier de police judiciaire doit veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense lors de la visite.

En revanche, aux termes de l'article 1735 quater du CGI, l'obstacle, dans le cadre d'une visite domiciliaire, à l'accès aux pièces ou documents sur support informatique, à leur lecture ou à leur saisie entraine l'application d'une amende :

- de 50 000 euros ou 5 % des droits rappelés si ce dernier montant est plus élevé, lorsque l'obstacle est constaté dans les locaux occupés par le contribuable concerné par la visite ;

- de 10 000 euros dans les autres cas, montant porté à 50 000 euros lorsque l'obstacle est constaté dans les locaux occupés par le représentant en droit ou en fait du contribuable.

Enfin, l'article L74 du LPF prévoit que les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Cette disposition s'applique également lorsque, dans le cadre d'une visite domiciliaire en application de l'article L16 B du même code, il est fait obstacle à l'accès aux pièces ou documents sur support informatique, à leur lecture ou à leur saisie.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE CLARIFICATION DES CONDITIONS D'EXERCICE DE LA VISITE DOMICILIAIRE

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par le rapporteur général Jean-René Cazeneuve, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elles visent à clarifier la procédure de visite domiciliaire.

D'une part, le présent article entend préciser que, pour apprécier l'obstacle à l'accès aux pièces et aux documents sur support informatique, l'expression « support informatique » s'entende de « tout support informatique, y compris distant ». Cette modification est apportée par conséquent :

- à l'article 1735 quater du code général des impôts (CGI) s'agissant de l'amende prévue en cas d'obstacle au contrôle (I du présent article) ;

- à l'article L16 B du livre des procédures fiscales (LPF) s'agissant de la mention de cet obstacle au procès-verbal (b du 1° du II du présent article) ;

- à l'article L74 du LPF s'agissant de l'évaluation d'office des bases d'imposition en cas d'obstacle à contrôle (2° du II du présent article).

D'autre part, le présent article vise à préciser explicitement, au sein du I de l'article L16 B du LPF, que l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, peut autoriser une visite domiciliaire en cas de présomptions qu'un contribuable souscrit à des déclarations inexactes en vue de bénéficier de crédits d'impôt prévus au profit des entreprises passibles de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices (a du 1° du II du présent article).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE CLARIFICATION QUI RENFORCE LA PORTÉE OPÉRATIONNELLE DU DISPOSITIF DE VISITE DOMICILIAIRE

Les clarifications apportées au dispositif de visite domiciliaire prévu à l'article L16 B du livre des procédures fiscales ne soulèvent pas de difficultés. 127 perquisitions fiscales ont eu lieu en 2022, contre 163 en 2021 et 93 en 2020, année marquée par la crise sanitaire1067(*). Le présent article ne porte pas atteinte à la portée opérationnelle de cette prérogative des agents de l'administration fiscale et ne remet en cause aucune des garanties accordées aux contribuables.

S'agissant du champ des présomptions pouvant justifier l'autorisation par le juge des libertés et de la détention d'une visite domiciliaire, l'inclusion explicite dans ce périmètre de la souscription de déclarations inexactes en vue de bénéficier de crédits d'impôt est conforme à l'intention du législateur et ne remet pas en cause l'équilibre du dispositif. Le présent article propose concrètement de remédier à des divergences d'interprétation de la part des tribunaux sur le périmètre de l'article L16 B du LPF. Certains manquements ont par ailleurs des conséquences fiscales massives et la visite domiciliaire doit pouvoir être utilisée pour rechercher les preuves de ces agissements.

Concernant l'accès aux supports informatiques, y compris distants, dans le cadre d'une visite domiciliaire, il convient par ailleurs de relever que le Conseil constitutionnel en avait validé la conformité à la Constitution. Dans une décision QPC du 11 mars 20221068(*), il avait d'abord rappelé que le législateur avait entendu « adapter les prérogatives de l'administration fiscale à l'informatisation des données des contribuables et à leur stockage à distance sur des serveurs informatiques », en poursuivant ainsi l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. Il avait ensuite souligné que cette prérogative était assortie de garanties procédurales : autorisation et contrôle de la visite par un juge des libertés et de la détention ainsi que motivation de la décision par des éléments de fait et de droit laissant présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. Le Conseil constitutionnel avait dès lors conclu qu'il résultait de l'ensemble de ces éléments que l'article L16 B, avant sa modification par le présent article, procéder « à une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée ».

La commission relève en outre que le Conseil, dans sa décision, avait expressément inclus l'accès aux documents présents sur un support informatique, « quand bien même ces documents sont stockés sur des serveurs informatiques situés dans des lieux distincts ». La précision apportée par le présent article sur cet aspect s'inscrit donc dans le plein respect de la jurisprudence constitutionnelle.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 septies (nouveau)

Pérennisation de l'expérimentation de l'extension du périmètre
du dispositif des aviseurs fiscaux

Le présent article prévoit de pérenniser le dispositif permettant d'indemniser les aviseurs signalant certains comportements sanctionnés par des amendes ou majorations fiscales, lorsque le montant estimé des droits éludés est supérieur à 100 000 euros. Instauré à titre expérimental en 2020, puis renouvelé en 2022, ce dispositif a démontré son efficacité pour déceler des schémas de fraude complexe ou à forts enjeux.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE PROGRESSIVE EXTENSION DU DISPOSITIF D'INDEMNISATION DES AVISEURS FISCAUX

A. L'INDEMNISATION DES AVISEURS FISCAUX, UN DISPOSITIF INITIALEMENT EXPÉRIMENTAL ET PROCÉDANT PAR CATÉGORIE D'IMPÔTS

Alors que la douane, la police ou la gendarmerie rémunéraient depuis longtemps leurs « aviseurs », cette prérogative n'était pas ouverte à l'administration fiscale. Elle avait en effet mis fin à cette pratique en 2003, faute de base juridique solide pour soutenir ce régime d'indemnisation.

L'article 109 de la loi de finances pour 20171069(*) a remédié à cette lacune en permettant à l'administration fiscale, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, d' « indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques, dès lors qu'elle lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d'un manquement » à une obligation fiscale liée à la fraude fiscale internationale. Cette restriction avait été introduite par le biais d'un sous-amendement du Gouvernement afin d'éviter d'encourager les cas de dénonciations détournées pour régler des conflits personnels. Ce dispositif a été pérennisé par la loi relative à la lutte contre la fraude1070(*).

Les renseignements devaient concerner la découverte d'un manquement aux règles suivantes :

domiciliation fiscale des individus, telle que prévue à l'article 4 B du code général des impôts (CGI). Toute personne fiscalement domiciliée en France est en effet soumise à une obligation fiscale illimitée sur l'ensemble de ses revenus, qu'ils soient de source française ou étrangère ;

non-déductibilité, pour l'établissement de l'impôt sur les bénéfices, des commissions octroyées à un agent public étranger qui aide une entreprise à obtenir ou conserver un marché public (2 bis de l'article 39 du CGI) ;

réintégration au bénéfice imposable en France des sommes indûment transférées à l'étranger, par manipulation des prix de transfert (article 57 du CGI) ;

assimilation des bénéfices dégagés par une structure établie dans un État ou un territoire à fiscalité privilégiée à des revenus de capitaux mobiliers soumis à l'impôt en France, si la personne physique domiciliée en France détient au moins 10 % des parts (article 123 bis du CGI) ;

- imposition en France de prestations de services facturés par des personnes non domiciliées fiscalement en France (article 155 A du CGI) ;

- adaptation des règles générales de détermination des bénéfices aux sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (article 209 du CGI) ;

imposition à l'impôt sur les sociétés (IS) des bénéfices réalisés par une entreprise établie dans un État ou un territoire à fiscalité privilégiée lorsque cette entreprise est exploitée par une société redevable de l'IS établie en France. Sont également soumis à l'IS les revenus d'une entité juridique constituée dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée et dont la société redevable de l'IS détient, directement ou indirectement, plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote (article 209 B du CGI) ;

encadrement de la déductibilité de certaines charges lorsqu'elles sont payées ou dues par des résidents fiscaux français à des personnes soumises à un régime fiscal privilégié dans leur État ou territoire de résidence (article 238 A du CGI) ;

obligations déclaratives relatives à des avoirs sur des comptes et sur des contrats d'assurance vie à l'étranger, ainsi que sur des avoirs détenus dans le cadre de trusts, si l'un des constituants ou des bénéficiaires est fiscalement domicilié en France (articles 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du CGI).

Ont été ajoutés en loi de finances pour 20201071(*), dans le cadre de ce dispositif d'indemnisation des aviseurs fiscaux, les manquements aux règles inscrites au chapitre Ier du titre II de la première partie du livre Ier du CGI, c'est-à-dire aux règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

B. UNE CODIFICATION DOUBLÉE D'UNE EXTENSION DU DISPOSITIF D'INDEMNISATION DES AVISEURS FISCAUX

L'article 175 de la loi de finances pour 20201072(*) a codifié le dispositif d'indemnisation des aviseurs fiscaux à l'article L10-0 AC du livre des procédures fiscales (LPF).

En parallèle de sa codification, le dispositif a également évolué dans sa logique : en plus de s'appliquer à certaines catégories d'impôts (cf. supra), il a été étendu, à titre expérimental et pour une durée de deux ans, à certains comportements sanctionnés par une amende fiscale, lorsque le montant des droits éludés était estimé à plus de 100 000 euros. Les majorations et amendes sont les suivantes :

- majoration de 80 % pour activité occulte en cas d'absence de production d'une déclaration ou d'un acte nécessaire pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (c du 1 de l'article 1728 du CGI) ;

- majoration de 40 % pour omission de déclaration d'avoirs à l'étranger pour l'établissement de la déclaration d'impôt sur la fortune immobilière (5 de l'article 1728 du CGI) ;

- majoration de 40 % pour manquement délibéré ou de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ou abus de droit en cas d'absence de production d'une déclaration ou d'un acte nécessaire pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (article 1729 du CGI) ;

- majoration de 80 % en cas d'omission de déclaration de certaines informations sur des avoirs détenus à l'étranger (comptes à l'étranger, contrats de capitalisation, trusts) prévues par les articles 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du CGI (article 1729-0 A du CGI) ;

- amendes dont sont passibles les tiers déclarants pour les comptes ou avances non déclarés ainsi que pour les trusts non déclarés (2 du IV et IV bis de l'article 1736 du CGI). Pour les premiers, l'amende encourue est de 1 500 euros par omission ou inexactitude - portée à 10 000 euros lorsque l'obligation déclarative concerne un État ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignement bancaires. Pour les seconds, l'amende encourue est de 20 000 euros ;

- amende de 50 % des sommes versées ou reçues en cas de dissimulation ou de travestissement de l'identité du fournisseur ou des clients en matière de TVA, de 50 % du montant de la facture en cas de fausse facture et de 50 % de la transaction en cas de non délivrance de la facture (I de l'article 1737 du CGI) ;

- majoration de 40 % en cas d'absence de transmission des références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger, en cas de versements opérés par l'intermédiaire d'un contrat de capitalisation ou de placement détenu à l'étranger et non déclaré ainsi qu'en cas de transfert d'argent liquide aux frontières en l'absence de déclaration (article 1758 du CGI) ;

- amende de 1 500 euros par contrat de capitalisation ou de placement souscrits à l'étranger et non déclarés. Ce montant est porté à 10 000 euros par contrat non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un État ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignement bancaires (article 1766 du CGI).

L'expérimentation de l'extension du dispositif d'indemnisation des aviseurs fiscaux à ces comportements, originellement prévue pour une durée de deux ans, a été prorogée de deux ans par l'article 144 de la loi de finances pour 20221073(*), soit jusqu'au 31 décembre 2023. La prorogation avait été justifiée par le fait que la période de deux ans initialement prévue s'était avérée insuffisante pour évaluer pleinement les effets de l'extension du dispositif d'indemnisation, du fait des délais entre la première prise de contact avec un aviseur et la mise en recouvrement des droits éludés
- jusqu'à deux ans - qui plus est dans le contexte de la crise sanitaire, qui avait conduit à un fort ralentissement des activités du contrôle fiscal.

C. UN ENCADREMENT DES CONDITIONS DE TRANSMISSION DES INFORMATIONS DES AVISEURS ET DE LEUR RÉMUNÉRATION

La transmission des informations par les aviseurs fiscaux est strictement encadrée. L'anonymat de l'informateur est garanti vis-à-vis du grand public, mais il doit cependant s'adresser de manière spontanée et non-anonyme à l'administration fiscale. Par ailleurs, les agents de l'administration fiscale étant amenés à interagir avec des aviseurs fiscaux peuvent être autorisés à ne pas être identifiés par leurs noms et prénoms, lorsque la révélation de leur identité est susceptible de mettre en danger leur vie, leur intégrité physique ou celle de leurs proches (article L286 B du LPF)1074(*).

Ce dispositif ne doit toutefois pas être confondu avec celui des « lanceurs d'alertes », ces derniers étant réputés agir « de manière désintéressée et de bonne foi »1075(*) : les aviseurs fiscaux bénéficient certes de la protection de leur identité vis-à-vis des tiers mais ils ne peuvent pas prétendre aux protections particulières dont peuvent se réclamer les lanceurs d'alerte (protection contre les mises à l'écart, sanctions, mutations, licenciements, etc.).

Les informations transmises doivent concerner des faits graves et être précises ; elles ne peuvent pas conduire à une procédure automatique de pénalisation mais peuvent justifier l'ouverture d'une enquête permettant de corroborer les infractions décrites et de vérifier la véracité des faits allégués. C'est au terme de ce processus que pourront alors être identifiés les schémas utilisés, le procédé de fraude et les enjeux fiscaux.

Ainsi, si l'administration peut recevoir et exploiter les renseignements transmis par des aviseurs fiscaux dans le cadre de l'exercice de ses prérogatives (droits de communication, d'enquête, de contrôle, etc.), il existe cependant une exception : les informations qui n'ont pas été régulièrement obtenues par la personne qui les a communiquées à l'administration fiscale ne peuvent pas servir de motivation pour effectuer une visite domiciliaire (« perquisition fiscale »), sous contrôle de l'autorité judiciaire1076(*).

Par ailleurs, aux termes de l'article L10-0 AC du LPF, les conditions et modalités de l'indemnisation sont déterminées par arrêté du ministre chargé du budget1077(*). La rétribution des informateurs ne repose donc pas sur un barème fixe et sur des critères strictement établis, elle tient compte de chacune des situations et fait donc l'objet d'une appréciation au cas par cas par la direction générale des finances publiques1078(*).

Aux termes de l'arrêté précité, la décision d'attribution de l'indemnité est prise par le directeur général des finances publiques, qui en fixe le montant, sur proposition du directeur de la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF), par référence aux montants estimés des impôts éludés et après examen de l'intérêt fiscal pour l'État des informations communiquées et du rôle précis de l'aviseur. La DNEF conserve de façon confidentielle les pièces permettant d'établir l'identité de l'aviseur, la date, le montant et les modalités de versement de l'indemnité.

Concrètement, les demandes d'indemnisation qui parviennent à la DNEF sont traitées par un service dédié, qui s'assure qu'elles rentrent bien dans les conditions prévues à l'article L10-0 AC du LPF. Après une enquête menée sur l'aviseur et ses motivations, les informations suivent un processus d'analyse bien spécifique : identification de la fraude présumée, identification des contribuables impliqués avec l'aide des outils « internes » à l'administration fiscale, contrôle de corrélation entre les informations détenues par l'administration fiscale et celles transmises par l'aviseur, recoupements éventuels avec les données issues de l'échange automatique d'informations et, éventuellement, enquête confiée à une brigade nationale d'investigation de la DNEF.

Pour résumer, à ce jour, le dispositif d'indemnisation des aviseurs fiscaux, tel que prévu à l'article L10-0 AC du LPF se compose de deux parties :

- une indemnisation pérenne des aviseurs signalant des infractions portant sur certaines catégories d'impôt, avec des manquements liés à des faits de fraude fiscale internationale ;

- une indemnisation à titre expérimental des aviseurs signalant certains comportements sanctionnés par des amendes ou majorations fiscales. L'expérimentation doit prendre fin au 31 décembre 2023.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE PÉRENNISATION DU DISPOSITIF D'INDEMNISATION DES AVISEURS FISCAUX

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par Mme Christine Pirès Beaune et plusieurs de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Le 1° du présent article vise à pérenniser le dispositif d'indemnisation des aviseurs fiscaux, en procédant à la modification de l'article L10-0 AC du livre des procédures fiscales.

Tout d'abord, il est précisé que l'administration fiscale peut indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques qui lui a fourni des renseignements ayant amené à la découverte d'un manquement, ce qui signifie que cette indemnisation n'est plus conditionnée à l'autorisation du Gouvernement.

Par ailleurs, l'indemnisation des aviseurs fiscaux ayant fourni à l'administration fiscale des renseignements ayant mené à la découverte de comportements susceptibles d'être sanctionnés par des amendes ou des majorations fiscales, qui avait été prévue à titre expérimental et qui devait prendre fin au 31 décembre 2023, est pérennisée. Le critère du montant de 100 000 euros de droits éludés est maintenu.

À noter, le présent article ne modifie pas les dispositions relatives à l'indemnisation des aviseurs fiscaux qui fournissent à l'administration fiscale des renseignements ayant amené à la découverte de manquements liés à des faits de fraude fiscale internationale et propres à certaines catégories d'impôt. Ce dispositif avait été pérennisé dans le cadre de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

Le 2° du présent article procède à une mesure de coordination au sein de l'article L10-0 AC du LPF.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ÉLARGISSEMENT ET UNE EXTENSION DU DISPOSITIF PROPRE À AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

Depuis la loi de finances pour 2020, l'indemnisation des aviseurs fiscaux se compose de deux parties : un dispositif d'indemnisation pérenne pour les aviseurs fournissant des renseignements sur des manquements liés à des faits de fraude fiscale internationale et un dispositif expérimental pour les aviseurs fournissant des renseignements sur des comportements sanctionnés par des amendes ou majorations fiscales, lorsque le montant estimé des droits éludés est supérieur à 100 000 euros.

Le présent article ne modifie le périmètre d'aucun de ces dispositifs mais pérennise le deuxième, dont l'expérimentation, prolongée une fois en loi de finances pour 2022, devait prendre fin le 31 décembre 2023.

La commission considère que cette pérennisation est opportune et permet de consolider le mécanisme d'indemnisation des aviseurs fiscaux. Les informations transmises par le Gouvernement au Parlement sur la mise en oeuvre de ces dispositions codifiées à l'article L10-0 AC du LPF démontrent en effet leur pertinence pour lutter contre la fraude fiscale ainsi que l'opportunité de pérenniser la partie expérimentale du dispositif.

Ainsi, la part des manquements « graves » représente environ 40 % des affaires traitées, contre 60 % pour les signalements liés à la nature des impôts éludés, la DNEF soulignant à cet égard le dynamisme du nombre d'affaires relevant du périmètre de l'expérimentation. Au total, la DNEF a reçu 446 demandes d'indemnisation entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2022 : 292 étaient hors du cadre de la loi ou ont été classées sans suite, 74 sont au stade des contacts avec l'aviseur ou en enquête de corroboration pour infirmer ou confirmer les éléments transmis, 69 sont en cours de contrôles fiscaux et neuf ont fait l'objet d'une indemnisation, pour un total de 3,48 millions d'euros.

Les informations transmises par les aviseurs permettent par exemple de révéler des affaires à forts enjeux patrimoniaux portant sur des comptes bancaires ouverts dans des pays à fiscalité privilégiée ou sur des actifs successoraux dissimulés à l'étranger ou encore de révéler des anomalies fiscales graves dans le fonctionnement d'entreprises, ce qui peut permettre de découvrir de nouveaux systèmes de fraude encore méconnus voire inconnus de l'administration fiscale.

Compte tenu de la nature de plus en plus complexe et internationale de la fraude fiscale, il est essentiel que la DGFiP puisse continuer à s'appuyer sur des sources extérieures. Comme le relevait la Cour des comptes dans son rapport sur la fraude aux prélèvements obligatoires en 20191079(*), « la plupart des cas de grande fraude fiscale ayant eu un fort retentissement dans l'opinion publique au cours des dernières années n'[avaient] pu être détectées que grâce à des interventions extérieures à la DGFiP ».

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 octies (nouveau)

Consultation par les agents habilités des autorités de supervision
des informations déclarées par les institutions financières
à l'administration fiscale

Le présent article prévoit de donner à l'Autorité des marchés financiers (AMF) et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) un accès automatique aux données transmises par les établissements financiers à l'administration fiscale sur les comptes ouverts auprès d'eux ainsi que sur leurs titulaires.

Cette disposition, qui constitue une dérogation au secret professionnel en matière fiscale, doit permettre à l'AMF et à l'ACPR de mieux exercer leurs missions. Ces autorités sont chargées de s'assurer que les établissements financiers transmettent à l'administration fiscale les renseignements sur les comptes financiers en matière fiscale, en application de la directive de coopération administrative dite « DAC 2 ».

Il convient par ailleurs de souligner que seuls les agents individuellement désignés et habilités à cet effet pourraient accéder à ces données. Au regard de l'objectif du dispositif et de son encadrement, la commission en a approuvé les modalités et a adopté un amendement de précision rédactionnelle n° I-225 (FINC.69).

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : DES DÉROGATIONS AU SECRET FISCAL STRICTEMENT ENCADRÉES PAR LA LOI

A. LE RESPECT DU SECRET FISCAL ET L'ACCÈS AUX DONNÉES DÉTENUES PAR LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES

La direction générale des finances publiques (DGFiP) est tenue au respect du secret fiscal, défini à l'article L103 du livre des procédures fiscales (LPF) : « l'obligation du secret professionnel, telle qu'elle est définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal1080(*), s'applique à toutes les personnes appelées à l'occasion de leurs fonctions ou attributions à intervenir dans l'assiette, le contrôle, le recouvrement ou le contentieux des impôts, droits, taxes et redevances prévus au code général des impôts ».

Toutefois, elle est déliée de cette obligation dans certains cas limitativement énumérés par la loi, notamment dans le cadre des échanges d'informations avec certaines administrations, autorités administratives, collectivités, services et organismes publics, pour les seules informations nécessaires à l'exercice de leurs missions respectives.

Chacun de ces dispositifs d'échange d'informations dispose d'une base juridique propre, voire de plusieurs. Toutefois, les dispositifs d'accès aux informations détenues par la DGFiP sont essentiellement prévus aux articles L115 à L135 Z0 du LPF. Ces dispositions, adaptées par le législateur au cas par cas et de manière progressive, présentent des modalités hétérogènes. Les échanges peuvent ainsi être, selon les cas :

- à la demande, spontanés ou automatiques, sous forme d'accès directe à certaines bases de données ;

- limités à certaines missions limitativement énumérées des administrations et entités concernées, ou prévus pour l'ensemble de leurs missions respectives ;

- réciproques ou à sens unique.

B. DES DÉROGATIONS AU PROFIT DES AUTORITÉS DE SUPERVISION FINANCIÈRE, DANS LE CADRE DE L'ÉCHANGE AUTOMATIQUE D'INFORMATIONS SUR LES COMPTES FINANCIERS

Des dérogations spécifiques ont été prévues au profit des autorités de supervision financière, dans le cadre des obligations déclaratives prévues à l'article 1649 AC du code général des impôts (CGI).

Les dispositions de cet article imposent en effet aux teneurs de compte, aux organismes d'assurance et assimilés ainsi qu'à toute autre institution financière de déposer auprès de l'administration fiscale une déclaration de renseignements sur chacun des comptes financiers ouverts auprès d'eux. Ces obligations s'inscrivent dans le cadre de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal dite « DAC 2 »1081(*), qui a instauré un échange automatique d'informations relatives aux comptes financiers en matière fiscale. Ces informations peuvent concerner tout revenu de capitaux mobiliers ainsi que les soldes des comptes et la valeur de rachat des bons ou contrats de capitalisation et placements de même nature. Elles figurent dans un fichier commun, tenu par la DGFiP.

Pour satisfaire à ces obligations, les établissements concernés doivent mettre en oeuvre les diligences nécessaires à l'identification des comptes, des paiements et des personnes, en collectant à cette fin les éléments relatifs aux résidences fiscales et, le cas échéant, les numéros d'identification fiscale de l'ensemble des titulaires de comptes et des personnes physiques les contrôlant. Ils doivent toutefois informer1082(*) les personnes physiques concernées par les déclarations des données qui sont transférées à l'administration fiscale française et qui peuvent ensuite être communiquées aux administratives fiscales des autres États membres de l'Union européenne ou des États ayant conclu avec la France une convention permettant un échange automatique d'informations à des fins fiscales.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) peut obtenir, par dérogation au secret professionnel en matière fiscale, des informations et documents nécessaires à ses contrôles et à ses enquêtes, que ces derniers portent sur le bon fonctionnement des marchés, la lutte contre les abus de marchés ou encore le respect des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ainsi que la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales (article L135 F du LPF). Pour cette dernière mission, prévue à l'article L. 621-20-6 du code monétaire et financier (CMF), l'AMF doit s'assurer que les institutions financières soumises aux obligations de l'article 1649 AC du CGI ont mis en place un dispositif de contrôle interne permettant de s'assurer du respect de ces dispositions.

Aux termes du 7 du II de l'article L. 612-1 du CMF, à l'issue des contrôles diligentés pour l'exercice de cette mission, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) doit communiquer à l'administration fiscale les documents et les informations nécessaires au respect de l'article 1649 AC du CGI. Par réciprocité, l'article L135 ZI du LPF prévoit que l'ACPR peut, par dérogation au secret professionnel en matière fiscale, se voir communiquer de l'administration fiscale les informations et les documents nécessaires pour exercer cette mission.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : PRÉVOIR UN ACCÈS DES AUTORITÉS DE SUPERVISION FINANCIÈRE AU FICHIER DES INFORMATIONS COLLECTÉES PAR LES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS

Les dispositions du présent article sont issues d'un amendement déposé par Mme Laurence Vichnievsky et plusieurs de ses collègues députés, conservé dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Elles visent à donner à l'Autorité des marchés financiers (AMF) et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) accès aux informations transmises par les teneurs de compte, les organismes d'assurance et toute autre institution financière à l'administration fiscale au titre des dispositions de l'article 1649 AC du code général des impôts (CGI). Ce sont les informations sur les comptes financiers faisant l'objet d'un échange automatique d'informations à des fins fiscales, en application de la directive dite « DAC 2 ».

Ainsi, le 1° du présent article complète l'article L135 F du livre des procédures fiscales (LPF) afin d'ajouter que pour les besoins de leur mission prévue à l'article L. 621-20-6 du code monétaire et financier (CMF), les agents de l'AMF, individuellement désignés et habilités à cet effet par le secrétaire général de cette autorité, disposeraient d'un droit d'accès direct au fichier contenant les informations mentionnées à l'article 1649 AC du CGI. L'article L. 621-20-6 du CMF impose en effet à l'AMF de veiller à ce que les institutions financières placées sous sa supervision respectent leurs obligations au regard de l'article 1649 AC du CGI mais également en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Le 2° du présent article modifie de la même manière l'article L135 ZI du LPF, relatif à l'ACPR. Les agents individuellement habilités par le secrétaire général de cette autorité disposeraient eux aussi, pour l'exercice de la mission prévue au 7 du II de l'article L. 612-1 du CMF, d'un droit d'accès direct au fichier contenant les informations mentionnées à l'article 1649 AC du CGI. Le 7 du II de l'article L. 612-1 du CMF impose en effet à l'ACPR, à l'instar de ce qui est prévu pour l'AMF, de veiller à ce que les institutions financières sous sa supervision respectent leurs obligations au regard de l'article 1649 AC du CGI.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DE SIMPLIFICATION POUR PERMETTRE AUX AUTORITÉS DE SUPERVISION FINANCIÈRE DE REMPLIR PLEINEMENT LEUR MISSION EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET L'ÉVASION FISCALE

Le rapporteur général observe tout d'abord que les dispositions de la directive dite « DAC 2 » visent principalement à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, un objectif de valeur constitutionnelle. Elles ont imposé aux administrations fiscales la mise en place d'un échange automatique des informations dont disposent les institutions financières établies sur leur territoire sur les comptes financiers ouverts auprès d'elles ainsi que sur leurs titulaires. Ces informations doivent être transmises par les établissements financiers, les teneurs de comptes et les organismes d'assurance eux-mêmes (article 1649 AC du code général des impôts).

Or, les autorités de supervision financière - l'Autorité des marchés financiers et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - étant chargées de s'assurer que les institutions placées sous leur supervision respectent bien leurs obligations au regard de l'article 1649 AC du CGI, il apparaît opportun qu'elles puissent accéder aux données transmises à l'administration fiscale.

Le présent article apporte à cet égard une mesure de simplification, source d'efficience : l'AMF et l'ACPR passeraient d'un cadre d'échanges « sur demande » à des échanges dits « sans demande préalable ». Elles pourront simplement accéder aux données nécessaires, sans plus de lourdeur, par le biais d'un accès automatisé à un applicatif qui en permettra la consultation.

La commission souligne à cet égard que, comme pour les autres dispositifs d'accès aux informations prévues au sein du livre des procédures fiscales, cette faculté ne sera pas ouverte à l'ensemble des agents de l'AMF ou de l'ACPR, ce qui aurait en effet pu poser des difficultés en termes de protection des données et de préservation du secret professionnel en matière fiscale. Ainsi, seuls les agents individuellement désignés et habilités à cet effet pourront accéder aux données. La commission a sur ce point adopté un amendement de précision rédactionnelle n° I-225 (FINC.69).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 23 nonies (nouveau)

Échanges d'informations entre les services préfectoraux chargés de la délivrance des titres en matière de droit à conduire et d'immatriculation des véhicules et l'administration fiscale

Le présent article prévoit de permettre des échanges de documents et de renseignements entre les agents de l'administration fiscale et des douanes et les agents des services préfectoraux chargés de la délivrance des titres en matière de droit à conduire et de d'immatriculation des véhicules.

Les documents pouvant faire l'objet d'échanges sont tous les documents « utile[s] à l'accomplissement des missions respectives » de ces trois services.

Alors que les fraudes douanières et fiscales dans le secteur de l'automobile sont importantes, il apparait indispensable d'assurer une meilleure coordination entre les services et de permettre des échanges d'information.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : DES ENJEUX IMPORTANTS DE FRAUDE SUR LES VÉHICULES ET LES DROITS À CONDUIRE

A. L'ACHAT D'UN VÉHICULE NEUF OU D'OCCASION DANS UN ÉTAT MEMBRE DE L'UNION EUROPÉENNE DONNE LIEU À DES FORMALITÉS DOUANIÈRES

En application de l'article 298 sexies du code général des impôts, les voitures neuves acquises dans un autre État membre de l'Union sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Sont considérés comme neufs les véhicules terrestres dont la livraison est effectuée dans les six mois suivant la première mise en service ou qui ont parcouru moins de 6 000 kilomètres.

Par ailleurs, les véhicules d'occasion sont taxés sur la marge en application de l'article 297 A du code général des impôts (CGI) : la « base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ».

B. LE RÉGIME APPLICABLE AUX VÉHICULES D'OCCASION CONSTITUE UN VECTEUR DE FRAUDE IMPORTANT

La fraude sur les véhicules d'occasion permet aux vendeurs qui pratiquent cette fraude de proposer des véhicules à des consommateurs finaux à des prix sensiblement inférieurs aux prix du marché. La fraude consiste à détourner le régime de taxation sur la marge.

Pour ce faire, les fraudeurs détournent abusivement le régime de taxation sur la marge destiné aux ventes de biens d'occasion. Comme l'explique le Conseil des prélèvements obligatoires dans un rapport de 2015, le « fraudeur va faussement déclarer que le véhicule acquis a été acheté sous le régime de la marge, c'est-à-dire que son fournisseur n'a pas déduit la TVA ayant grevé son achat, puis revendre ce véhicule en appliquant la TVA uniquement sur sa marge. » Pour permettre de produire ces factures irrégulières, les entreprises recourent à des sociétés localisées dans différents États membres.

Dans ce schéma de fraude, la TVA ne s'appliquant pas à la totalité du prix du véhicule mais à la marge du vendeur, la perte pour le Trésor public peut être très importante.

En 2013, la commission des infractions fiscales indiquait par ailleurs que : « les activités du secteur de l'automobile demeurent un [...] domaine très significatif de la fraude faisant l'objet d'une répression pénale en progression régulière ces dernières années. Cette évolution reste liée au développement d'un processus frauduleux en matière de TVA consistant, lors de la revente en France de véhicules haut de gamme, acquis auprès d'assujettis revendeurs ou utilisateurs (sociétés de location) établis principalement en Allemagne, dans la facturation de la taxe sur la base de la seule marge réalisée au lieu du prix de vente total. Le procédé est mis en oeuvre de manière de plus en plus sophistiquée par l'interposition artificielle de sociétés écrans (notamment espagnoles, roumaines et slovènes). Ces sociétés établissent des factures faisant indûment référence au régime de taxation sur la marge afin de masquer le régime d'imposition effectivement applicable, les véhicules étant dans les faits, livrés directement d'Allemagne en France. La fraude élaborée ainsi réalisée, qui porte généralement sur des montants considérables, continue à générer de graves distorsions de concurrence en réduisant dans des proportions très importantes le prix des véhicules ainsi proposés à la vente par les entreprises françaises concernées ».1083(*)

Le document de politique transversale annexé au présent projet de loi de finances sur la Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales reprend ces principaux constats. La poursuite des schémas de fraude « se traduit par la multiplication des mandataires transparents, accompagnée d'une opacification des schémas due à l'apparition d'un nombre croissant de particuliers qui se substituent aux premiers dans les démarches administratives, et plus particulièrement dans l'obtention des quitus. En 2022, les rappels en rapport avec la fraude à la TVA sur la marge ont concerné 211 affaires pour un montant de 22,3 millions d'euros contre 233 affaires en 2021 pour un montant de 30,3 millions d'euros. La tendance à la création ou à la reprise de structures frauduleuses éphémères réalisant des acquisitions intracommunautaires (AIC) pour des montants importants sur une courte période persiste, tout comme l'augmentation de l'utilisation de faux documents (factures, documents d'autorisation d'achat en franchise ou de dispense de quitus), l'utilisation d'espèces, ou le financement du travail illégal ».1084(*)

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION

Le présent article résulte d'un amendement du rapporteur général Jean-René Cazeneuve, retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

Il vise à permettre des échanges de documents et de renseignements entre les agents de l'administration fiscale et des douanes et les agents des services préfectoraux chargés de la délivrance des titres en matière de droit à conduire et de d'immatriculation des véhicules.

Les documents pouvant faire l'objet d'échanges sont tous les documents « utile[s] à l'accomplissement des missions respectives » de ces trois services.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES ÉCHANGES D'INFORMATIONS ENTRE SERVICES QUI DOIVENT PERMETTRE DE MIEUX LUTTER CONTRE LA FRAUDE

Le dispositif proposé au présent article permet de lever les contraintes restreignant les échanges d'informations entre services. En application des dispositions prévues au présent article, les échanges pourront être fluidifiés entre les services instructeurs des demandes et les administrations fiscales et douanières.

Le rapporteur général considère que la coopération entre ces services est indispensable pour limiter les fraudes dans un secteur qui reste très marqué par ce type de comportements, comme l'ont démontré plusieurs rapports (cf. supra).

De plus, alors que l'article 14 du présent projet de loi de finances prévoit un durcissement sensible des barèmes de malus CO2 et masse, cette augmentation s'appliquera également aux véhicules d'occasion importés, et il est donc nécessaire de renforcer les moyens de contrôle. En effet, en application l'article L. 421-60 du code des impositions sur les biens et services, le montant du malus est réduit de 10 % pour chaque période de douze mois entamée depuis la date de première immatriculation des véhicules d'occasion importés.

Par ailleurs, alors que des fraudes relatives aux droits à conduire sont également nombreuses (auto-écoles, centres de récupération des points, etc.) l'extension des signalements et des échanges d'information aux services instructeurs des permis de conduire est également opportune.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 decies (nouveau)

Extension du versement d'intérêts moratoires

Le présent article prévoit d'étendre le paiement des intérêts moratoires aux situations dans lesquelles l'administration prononce un dégrèvement pour corriger une erreur qu'elle a commise dans l'établissement de l'assiette ou le calcul des impositions. Ainsi, ces intérêts moratoires ne seraient pas uniquement appliqués en cas de réclamation du contribuable ou de condamnation judiciaire, mais le seraient systématiquement en cas d'erreur commise par l'administration.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LORSQUE L'ÉTAT EST CONDAMNÉ À UN DÉGRÈVEMENT, IL DOIT PAYER AU CONTRIBUABLE DES INTÉRÊTS MORATOIRES

En application de l'article L208 du livre des procédures fiscales, quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires.

Ces intérêts correspondent aux intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts. Ainsi, le taux de l'intérêt de retard est de 0,20 % par mois. Il s'applique sur le montant des créances de nature fiscale. La période de référence pour l'intérêt de retard court « à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement. »

A. LES DÉGRÈVEMENTS CONSÉCUTIFS À UNE CONDAMNATION DE L'ÉTAT

Le dégrèvement consécutif à une condamnation de l'État devant une juridiction entraîne le remboursement de l'impôt payé en cause et ouvre droit au paiement des intérêts moratoires à raison de celui-ci. Le dégrèvement prononcé d'office par l'administration pendant l'instruction des demandes soumises à des juridictions donne également lieu au paiement de ces intérêts moratoires1085(*).

B. DANS LE CAS DES DÉGRÈVEMENTS PRONONCÉS PAR L'ADMINISTRATION, LES INTÉRÊTS MORATOIRES NE SONT DÛS QU'EN CAS DE RÉCLAMATION PRÉALABLE AU SERVICE DES IMPÔTS

Les réclamations des contribuables doivent donner lieu au paiement d'intérêts moratoires, y compris lorsque la demande est présentée verbalement1086(*). Les intérêts moratoires doivent être calculés sur la totalité des sommes remboursées au contribuable au titre de l'impôt et ils sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts.

Le paiement d'intérêts moratoires est néanmoins exclu lorsque les dégrèvements interviennent à la seule initiative de l'administration. Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'une décision de dégrèvement prise d'office en matière taxe sur la valeur ajoutée n'ouvre pas droit à des intérêts moratoires (CE, décision du 23 mars 1984, n° 43520).

Les demandes gracieuses prévues à l'article L247 du livre des procédures fiscales ne permettent pas le versement d'intérêts moratoires : « dans ces conditions, les dégrèvements consécutifs à la présentation d'une demande tendant à obtenir une mesure de bienveillance portant abandon ou atténuation des impositions ou pénalités (remise, modération, transaction), ne sont assortis d'aucun intérêt moratoire ».1087(*)

De façon logique, tous les remboursements d'impôts ne donnent pas lieu à paiement d'intérêts moratoires. Les remboursements d'acomptes ou de versements provisionnels sont naturellement exclus du versement d'intérêts moratoires. La condition pour le paiement des intérêts moratoires est que les remboursements soient la conséquence de la réformation, prenant la forme d'une décharge totale ou partielle d'une imposition contestée et de la restitution de ces sommes.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION VISE À CE QUE LE PAIEMENT DES INTÉRÊTS DE RETARD PAR L'ADMINISTRATION INTERVIENNE ÉGALEMENT EN L'ABSENCE DE RÉCLAMATION OU DE CONDAMNATION

Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement, retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

Il vise à étendre le paiement des intérêts moratoires à toutes les situations dans lesquelles l'administration prononce un dégrèvement du fait d'une erreur qu'elle a commise, et ce y compris en l'absence de réclamation ou de condamnation.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE PAIEMENT SYSTÉMATIQUE DES INTÉRÊTS MORATOIRES EN CAS D'ERREUR DE L'ADMINISTRATION, UNE SOLUTION PLUS JUSTE POUR LE CONTRIBUABLE

En rendant systématique le paiement des intérêts moratoires par l'administration, le présent article permet de garantir un traitement équitable des contribuables qui ont été confrontés à une erreur de l'administration dans l'établissement de leur imposition.

En effet, il apparaît pleinement légitime que les rectifications spontanées de l'administration intègrent, sans qu'il soit besoin de les réclamer ou d'obtenir la condamnation de l'État, des intérêts moratoires au profit des contribuables.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 undecies (nouveau)

Modalités de cession et de mise à disposition, à titre gratuit,
des biens du ministère des Armées

Le présent article prévoit d'élargir les possibilités pour le ministère des Armées de mettre à disposition ou de céder une partie de son patrimoine au profit d'associations ou organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire. Le dispositif concourt ainsi à l'objectif de renforcement du lien entre la Nation et ses armées.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES POSSIBILITÉS, POUR LE MINISTÈRE DES ARMÉES, DE METTRE À DISPOSITION OU CÉDER GRATUITEMENT SON PATRIMOINE MOBILIER SONT FORTEMENT ENCADRÉES PAR LES RÈGLES DE PROTECTION DES BIENS PUBLCS

En l'état du droit, les possibilités, pour le ministère des Armées, de mettre à disposition ou céder gratuitement son patrimoine mobilier sont fortement encadrées par les dispositions du code code général de la propriété des personnes publiques.

Pour mémoire, celles-ci prévoient des régimes juridiques distincts pour ce qui concerne la gestion et la cession des biens mobiliers, selon que ceux-ci relèvent du domaine public ou du domaine privé. Font partie du domaine public mobilier de la personne propriétaire les biens « présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique »1088(*) ou désignés comme tels sur qualification législative. À l'inverse, font partie du domaine privé les biens des personnes publiques (...) qui ne relèvent pas du domaine public1089(*).

Si les biens mobiliers du domaine privé sont en principe soumis au droit privé, des règles de protection spécifiques viennent néanmoins encadrer leur utilisation. Aussi, si de tels biens peuvent être mis à la disposition d'un service de l'État ou donnés en location par l'autorité compétente dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État1090(*), de telles opérations ne peuvent être réalisées ni à titre gratuit, ni à un prix inférieur à la valeur locative1091(*).

L'article L. 2222-8 du code général de la propriété des personnes publiques prévoit cependant une exception à cette règle, en autorisant la location ou le prêt à titre gratuit de matériels nécessaires à la pratique du vol à voile et du parachutisme prévus à l'article L. 510-1 du code de l'aviation civile au profit d'associations aéronautiques agréées. Il est précisé que, le cas échéant, le contrat de location ou de prêt a pour effet de transférer auxdites associations la responsabilité des dommages causés par les matériels loués ou prêtés. La seule autre exception concerne les biens mobiliers dont la propriété a été transférée à l'État à l'occasion d'une procédure pénale1092(*).

Des règles de protection spécifiques s'appliquent également en matière de cession de biens mobiliers relevant du domaine privé. Aussi, les opérations d'aliénation du domaine mobilier de l'État ne peuvent être réalisées ni à titre gratuit, ni à un prix inférieur à la valeur vénale1093(*).

Par dérogation à ce principe, l'article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques dresse une liste limitative de catégories d'opérations pouvant être réalisées à titre gratuit.

Le 6° du même article mentionne notamment les cessions de biens meubles dont le ministère des Armées n'a plus l'emploi, à des associations ou organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire, ou contribuant au renforcement du lien entre la Nation et son armée.

Il est cependant précisé que la valeur unitaire des biens ne peut pas excéder un plafond fixé par décret. Par ailleurs, le cessionnaire ne peut procéder à la cession, à titre onéreux, des biens ainsi alloués, à peine d'être exclu du bénéfice des présentes mesures. Cette dernière disposition, qui n'a pas encore été appliquée, avait été introduite en loi de finances initiale pour 2021 dans un souci d'harmonisation avec les autres biens visés à cet article1094(*).

Par ailleurs, le 8° du même article mentionne les cessions au profit d'États étrangers de biens meubles du ministère des Armées, acquis à cette fin ou dont il n'a plus l'emploi, y compris de matériels de guerre et assimilés, lorsqu'elles contribuent à une action d'intérêt public, notamment diplomatique, d'appui aux opérations et de coopération internationale militaire.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UN ÉLARGISSEMENT DES POSSIBILITÉS DE MISE À DISPOSITION OU DE CESSION À TITRE GRATUIT POUR LE MINISTÈRE DES ARMÉES

Le présent article est issu de plusieurs amendements identiques déposés en première lecture à l'Assemblée nationale1095(*), intégrés au texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Il prévoit d'apporter deux modifications au régime d'utilisation et de cession des biens mobiliers du domaine privé de l'État, concernant spécifiquement le patrimoine militaire du ministère des Armées.

En premier lieu, le 1° du présent article vise à modifier l'article L. 2228-2 du code général de la propriété des personnes publiques afin d'autoriser, à titre dérogatoire, la location ou la mise à disposition de biens relevant du domaine mobilier privé dont le ministère des Armées n'a plus l'emploi, à des associations ou organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire, ou contribuant au renforcement du lien entre la Nation et son armée.

Le champ des biens concernés est aligné sur celui des biens visés au 6° précité de l'article L. 3212-2 du même code, relatif aux dérogations au principe d'interdiction de cession à titre gratuit de bien relevant du domaine mobilier privé de l'État.

Pour ces biens comme pour les matériels nécessaires à la pratique du vol à voile et du parachutisme, il reste précisé que, le cas échéant, le contrat de location ou de prêt a pour effet de transférer auxdites associations la responsabilité des dommages causés par les matériels loués ou prêtés

S'agissant par ailleurs de cette dernière catégorie de biens, la référence à l'article L. 510-1 du code de l'aviation civile (abrogé) est remplacée par la référence à l'article L. 6611-1 du code des transports qui a repris ses dispositions.

En second lieu, le 2° du présent article modifie le 6° précité de l'article L. 3212-2 du code général de la propriété des personnes publiques pour supprimer la disposition imposant la fixation d'un plafond à la valeur unitaire des biens dont le ministère des Armées n'a plus l'emploi pouvant être cédés gratuitement à des associations ou organismes agissant pour la préservation ou la mise en valeur du patrimoine militaire, ou contribuant au renforcement du lien entre la Nation et son armée.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN DISPOSITIF UTILE POUR FAVORISER LE RENFORCEMENT DU LIEN ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE

Comme le soulignent les auteurs des amendements dont cet article est issu, le ministère des Armées fait l'objet de nombreuses sollicitations par des associations ou des collectivités territoriales désireuses de valoriser l'histoire et la mémoire militaire mais dotées de peu de moyens. Ces actions peuvent prendre la forme de mises à disposition de matériels militaires pour des expositions temporaires ou encore de demandes de cession pour des expositions permanentes.

Le dispositif proposé donc est de nature à lever un obstacle juridique susceptible d'empêcher le ministère d'accéder à de telles demandes. Il concourt au renforcement du lien entre la Nation et ses armées, qui constitue l'un des quatre objectifs de la politique de défense de la France posés à l'article 2 de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 20301096(*).

Il est à noter que cet article avait déjà été adopté à l'initiative du Gouvernement en première lecture au Sénat dans le cadre de l'examen du dernier projet de loi de programmation militaire, avec un avis favorable de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Il avait cependant été censuré par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 45 de la Constitution en raison de son absence de lien, même indirect, avec le texte transmis1097(*). Les règles organiques ne s'opposent en revanche pas à l'adoption de cet article dans le cadre du présent projet de loi de finances, en ce qu'il concerne les ressources de l'État au sens du 2° du I de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 duodecies (nouveau)

Suppression de gages

Le présent article prévoit de supprimer les « gages », destinés à compenser des baisses de ressources publiques adoptées par voie d'amendement parlementaire. Cette modification permet une plus grande clarté et qualité du droit.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA PRATIQUE DU « GAGE »

L'article 40 de la Constitution prévoit que les amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables dès lors que leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique.

L'utilisation du pluriel par le constituant pour interdire la diminution des ressources publiques n'est pas sans incidence sur l'application de l'article 40. Il conduit en effet le juge de la recevabilité financière à vérifier que, du point de vue des ressources publiques prises dans leur ensemble, l'amendement prévoit une compensation permettant un maintien de leur niveau global. Ainsi, si l'amendement prévoit une baisse des ressources publiques, il doit également intégrer un gage prenant la forme d'une hausse à due concurrence d'autres ressources publiques.

Cette compensation est recevable dès lors qu'elle remplit les trois principaux critères fixés par le Conseil constitutionnel1098(*) :

- la suffisance ;

- la conséquence ;

- l'immédiateté.

La création d'une taxe additionnelle aux droits sur le tabac, prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts constitue, s'agissant des recettes de l'État, le gage le plus utilisé. Pour les collectivités territoriales, les diminutions de recettes sont gagées par une majoration de la dotation globale de fonctionnement, elle-même compensée par la création d'une taxe additionnelle sur les tabacs.

Si l'initiative parlementaire est adoptée, le gage peut être « levé » par le Gouvernement en séance publique, ce qui se traduit par sa suppression.

Or, les gages de plusieurs dispositions n'ont pas été levés :

- aux articles 16, 65 et 109 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 ;

- aux articles 34, 35, 50 et 51 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE SUPPRESSION DE GAGES NON LEVÉS

Le présent article est issu d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, intégré au texte du Gouvernement sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Les 1, 2 et 3 du I du présent article abrogent respectivement les III et IV de l'article 16, les VIII et IX de l'article 65 et le IV de l'article 109 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023. Les dispositions supprimées sont des gages portant sur les ressources des collectivités territoriales.

Les 1, 2, 3 et 4 du II du présent article, abrogent respectivement les II et III de l'article 34, le II de l'article 35, le II de l'article 50, et le II de l'article 51 de la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Les dispositions supprimées sont des gages portant sur les ressources de l'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MODIFICATION SANS EFFET BUDGETAIRE, SOURCE DE SIMPLIFICATION DE LA NORME FISCALE

Le rapporteur général ne peut que soutenir le présent article, dès lors qu'il vise à supprimer des dispositions superfétatoires n'ayant pas vocation à être appliquées. Ces dispositions visent ainsi à « nettoyer » et à clarifier le droit.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 23 terdecies (nouveau)

Expérimentation d'un service de télédéclaration de la taxe de séjour

Le présent article prévoit la mise en place, à titre expérimental, d'un service de télédéclaration centralisé de la taxe de séjour qui se substituerait au processus déclaratif déconcentré actuel.

Ce service, mis en place pour une durée de 3 ans à compter du 1er juin 2024 au plus tard, permettrait le dépôt d'une déclaration unique couvrant l'ensemble du territoire national, auprès de l'administration fiscale, qui assurerait la ventilation des informations et leur mise à disposition à chacune des collectivités concernées.

En ce que cette expérimentation pourrait aboutir à une simplification importante pour l'ensemble des parties prenantes, et étant donné les garanties apportées pour sa mise en oeuvre et son évaluation, le dispositif proposé apparaît particulièrement opportun.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA DÉCLARATION DE LA TAXE DE SÉJOUR EST AUJOURD'HUI EFFECTUÉE PAR CHAQUE PLATEFORME, AUPRÈS DE CHAQUE COLLECTIVITÉ CONCERNÉE

Aux termes des I et II de l'article L. 2333-34 du code général des collectivités territoriales (CGCT), les professionnels qui, par voie électronique, assurent un service de réservation ou de location ou de mise en relation en vue de la location d'hébergements, c'est-à-dire les plateformes numériques de réservation de séjour, sont soumis à des obligations au titre de la taxe de séjour :

s'ils sont intermédiaires de paiement pour le compte de loueurs non professionnels, ces professionnels doivent verser deux fois par an, au plus tard le 30 juin et le 31 décembre, sous leur responsabilité, au comptable public assignataire de la commune, le montant de la taxe de séjour et celui de la taxe additionnelle ;

s'ils ne sont pas intermédiaire de paiement, ces professionnels peuvent, sous réserve d'avoir été habilités à cet effet par les loueurs des hébergements concernés, être préposés à la collecte de la taxe de séjour et de la taxe additionnelle et à l'exécution des formalités déclaratives correspondantes, dans les mêmes conditions que pour les intermédiaires de paiement.

En vertu du III de l'article L. 2333-34 du CGCT, ces professionnels sont tenus, comme les autres assujettis, de faire une déclaration à la collectivité territoriale ayant institué la taxe de séjour lorsqu'ils reversent le produit de la taxe collectée. Cette déclaration comporte, pour chaque hébergement loué sur le territoire de la collectivité territoriale concernée et pour chaque perception effectuée :

- la date à laquelle débute le séjour ;

- la date de perception ;

- l'adresse de l'hébergement ;

- le nombre de personnes ayant séjourné ;

- le nombre de nuitées constatées ;

- le prix de chaque nuitée réalisée lorsque l'hébergement n'est pas classé ;

- le montant de la taxe perçue ;

- le cas échéant, le numéro d'enregistrement de l'hébergement ;

- le cas échéant, les motifs d'exonération de la taxe.

II. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION : UNE EXPÉRIMENTATION D'UN SERVICE DE TÉLÉDÉCLARATION CENTRALISÉ DE LA TAXE DE SÉJOUR PAR LES PLATEFORMES, MIS EN oeUVRE PAR L'ADMINISTRATION FISCALE

Le présent article, qui résulte d'un amendement déposé par la députée Lise Magnier et plusieurs de ses collègues, a été repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Le dispositif proposé a pour objet de déroger, dans le cadre d'une expérimentation législative, à l'actuel processus déclaratif déconcentré de la taxe de séjour, qui voit chaque plateforme procéder à une déclaration auprès de chaque collectivité concernée. Pour chaque période de versement de la taxe, il permet le dépôt d'une déclaration unique couvrant l'ensemble du territoire national, auprès de l'administration fiscale, qui serait ensuite chargée de ventiler les informations et de les mettre à disposition de chacune des collectivités concernées.

L'expérimentation législative serait prévue pour une durée de trois ans. Les professionnels concernés disposeraient de la faculté, pour une durée d'un an renouvelable, de déposer auprès de l'administration fiscale une déclaration unique relative aux versements effectués à l'ensemble des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Cette expérimentation prévoit la transmission d'éléments supplémentaires par rapport aux informations actuellement demandées, à savoir :

- le numéro SIREN de la commune de l'hébergement ainsi que celui de la collectivité territoriale ou de l'EPCI ayant institué la taxe de séjour ;

- la date à laquelle se termine le séjour ;

- la nature et la catégorie de l'hébergement.

Enfin, la déclaration peut comporter :

- le numéro d'identification du séjour utilisé par le système d'information du professionnel ;

- le nom du loueur.

L'expérimentation entrerait en vigueur au plus tard le 1er juin 2024 et ferait l'objet d'une évaluation dont les résultats seraient transmis au Parlement au plus tard six mois avant son terme.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXPÉRIMENTATION OPPORTUNE, FACTEUR DE SIMPLIFICATION POUR L'ENSEMBLE DES ACTEURS, PLATEFORMES COMME COLLECTIVITÉS

Ainsi que le rappelle l'exposé sommaire de l'amendement dont résulte le présent article, le dispositif proposé vise à répondre à la difficulté d'exploitation par les collectivités territoriales et les EPCI des déclarations de taxe de séjour adressées par les plateformes numériques de réservation de séjour.

À cet égard, l'expérimentation de la centralisation du flux déclaratif de la taxe de séjour devrait favoriser la capacité de contrôle de la collecte pour les collectivités tout en permettant une conformité accrue pour les plateformes numériques.

De même, les éléments supplémentaires demandés dans la déclaration de taxe de séjour, pour certains nécessaires au déploiement du dispositif de ventilation entre les collectivités, devraient également apporter à celles-ci une meilleure connaissance des flux et de la répartition touristique sur leur territoire. Or, cette information peut s'avérer très utile pour plusieurs autres politiques publiques locales, à l'image du logement, de l'urbanisme, de la sécurité ou encore du transport public.

Par ailleurs, le dispositif proposé apparaît conforme aux exigences constitutionnelles, énoncées à l'article 37-1 de la Constitution, aux termes duquel « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. »

En effet, l'expérimentation envisagée comporte un objet précisément défini et une durée limitée à 3 ans, soit un délai raisonnable pour un tel dispositif. De plus, cette expérimentation prévoit expressément une évaluation, ce qui permettra de proposer la pérennisation, l'ajustement ou l'abandon de la mesure.

Dans son étude « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ? », réalisée en 2019 à la demande du Premier ministre, le Conseil d'État recommandait ainsi de définir un « cadre méthodologique rigoureux » pour la conception, la conduite, et l'évaluation d'une expérimentation. Plus particulièrement, le Conseil soulignait l'importance de « choisir qui évaluera l'expérimentation, selon quel calendrier et quelle méthode. Une attention particulière doit être accordée à la communication de l'évaluation à l'ensemble des parties prenantes de l'expérimentation. »

En l'espèce, le fait de prévoir une transmission au Parlement des résultats de l'expérimentation apparaît particulièrement bienvenu, de même que le choix d'un délai de six mois avant le terme de l'expérimentation pour cette transmission.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.


* 2 v. Loi n°59-1472 du 28 décembre 1959 portant réforme du contentieux fiscal et divers aménagements.

* 3 Pour rappel, le montant de l'impôt brut est obtenu en réalisant successivement les trois opérations suivantes : calcul du montant de chaque part de revenu en divisant le revenu net imposable par le nombre de parts ; calcul du montant de l'impôt pour chaque part en appliquant le barème de l'impôt au montant de chaque part de revenu ; calcul de l'impôt brut en multipliant le montant de l'impôt pour chaque part par le nombre de parts. Ce montant est arrondi à l'euro le plus proche.

* 4 v. Loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 5 Cf., pour une analyse détaillée de la réforme, Sénat, commission des finances, 21 novembre 2019, Rapport général sur le projet de loi de finances pour 2020, n°140 (2019-2020), tome II, fascicule 1, art. 2, au rapport de M. Albéric de Montgolfier.

* 6 v. art. 3 de la L. n°67-1114 du 21 décembre 1967 de finances pour 1968.

* 7 cf. Sénat, commission des finances, 7 décembre 2011, Rapport sur le projet de loi de finances rectificatives pour 2011, n°164 (2011-2012), tome I, art. 12, au rapport de Mme Nicole Bricq.

* 8 Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

* 9 Comme cela a été rappelé, la réduction d'impôt en faveur des foyers modestes et moyens prévue au b du 4 du I de l'article 197 du code général des impôts a en effet été supprimée par l'article 2 de la loi de finances pour 2020.

* 10 cf. compte-rendu de l'audition du 27 septembre 2023 devant la commission des finances du Sénat.

* 11 v. loi n°2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 12 Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.

* 13 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 16 dans l'avis n° 727 (2022-2023) sur le projet de loi relatif à l'industrie verte de Mme Christine Lavarde, fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 juin 2023.

* 14 Le Gouvernement avait initialement annoncé que le plan d'épargne avenir climat prendrait la forme d'un livret règlementé, dont une partie des dépôts aurait été centralisée et gérée par la Caisse des dépôts et des consignations.

* 15 D'après les informations transmises dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'industrie verte.

* 16 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 15 dans l'avis n° 727 (2022-2023) sur le projet de loi relatif à l'industrie verte de Mme Christine Lavarde, fait au nom de la commission des finances, déposé le 13 juin 2023. Sont notamment abordées les interrogations, les critiques et les évolutions qu'ont pu connaître les labels ISR et Greenfin ces dernières années.

* 17 D'après les informations transmises dans l'étude d'impact de l'article 16 du projet de loi relatif à l'industrie verte.

* 18 Loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

* 19 Banque de France, « L'épargne règlementée, rapport annuel 2021 », 16 juillet 2023.

* 20 Ibid.

* 21 54,9 millions de livrets étaient détenus par des personnes physiques et 0,8 million par des personnes morales.

* 22 Banque de France, op. cit.

* 23 Plusieurs cas de déblocage du capital de manière anticipée sont prévus, en cas notamment d'invalidité, de décès de l'époux, d'expiration des droits du titulaire aux allocations chômage, de surendettement, de cessation d'activité non salariée à la suite d'un jugement de liquidation judiciaire ainsi que d'acquisition de la résidence principale.

* 24 D'après les informations transmises dans l'étude d'impact de l'article 16 du projet de loi relatif à l'industrie verte.

* 25 Il est actuellement fait référence au III de l'article 20 de la loi relative à l'industrie verte, ce qui correspond à une erreur de référence, l'article 20 ne comportant pas de III et portant sur les sociétés d'économie mixte locales.

* 26 Fraction = 3000 (montant du retrait) / 12000 (valeur liquidative totale) = 0,25.

Gain net = 3 000 (montant du rachat) - 0,25 (fraction)*10 000 (montant total des versements depuis l'ouverture du PEAC) = 500 euros.

* 27 À noter, par exception, l'exonération sur les produits des placements en titres non cotés détenus dans le PEA est limitée à 10 % du montant de ces placements.

* 28 Étude d'impact de l'article 16 du projet de loi relatif à l'industrie verte.

* 29 Loi n° n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 30 Selon les données transmises dans l'évaluation préalable du présent article.

* 2 Comité consultatif du secteur financier, Rapport sur les nouveaux plans d'épargne retraite, 20 juillet 2021.

* 31 Cf. article 1er de la loi n° 2001-1128 du 30 novembre 2001 portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, alors codifié à l'article L. 752-1 de l'ancien code rural.

* 32 Cf. 4° de l'article 50 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 33 « L'Etat encourage le déploiement de méthodes et de projets pouvant donner lieu à l'attribution de crédits carbone au titre du label “ Bas-Carbone ” en faveur des pratiques sylvicoles durables, sur l'ensemble du territoire. » Deuxième alinéa de l'article L. 121-2 du code forestier.

* 34 Article L3261-2 du code du travail.

* 35 Si l'employeur décide de mettre en place cette prime, cette dernière doit être proposée à l'ensemble de ses salariés sans discrimination. Le montant, les modalités ainsi que les critères d'attribution de cette prime doivent être déterminés dans le cadre d'un accord d'entreprise, d'un accord interentreprises ou d'un accord de branche. Faute d'accord collectif, l'employeur peut néanmoins mettre en oeuvre cette prime par une décision unilatérale, après consultation du comité social et économique (CSE), s'il existe.

* 36 Le décret n° 2020-541 du 9 mai 2020 relatif au « forfait mobilités durables » précise ainsi le périmètre des frais relatifs à l'usage de « mobilités douces » susceptibles d'être couverts par ce dispositif.

* 37 En application des dispositions de l'article 2 de la première LFR pour 2022.

* 38 Le décret n° 2023-2 du 2 janvier 2023 relatif à la création, aux conditions et aux modalités de versement d'une indemnité carburant.

* 39 Banque de France, «  Les obligations remboursables en actions (ORA) et les obligations échangeables en actions (OECA) », août 2023.

* 40 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 41 Ou son conjoint, son ascendant ou son descendant.

* 42 Banque de France, «  Plan d'épargne en actions. Fléchissement des encours de PEA en 2022 », 21 mars 2023.

* 43 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 44 Sont visés les organismes de logement social proprement dits, les sociétés d'économie mixte gérant des logements sociaux, l'Association foncière logement (AFL, association à but non lucratif membre du groupe Action Logement), des organismes qui exercent des activités de maîtrise d'ouvrage pour le logement de personnes défavorisées et les organismes de foncier solidaire.

* 45 Le dispositif vise, outre les logements sociaux proprement dits, les logements faisant l'objet d'un bail réel solidaire.

* 46  Article 34 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi Borloo ».

* 47 Article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 48 Article 9 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 49 Article 7 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 50 Le dispositif Denormandie est décrit plus en détail infra dans le cadre de la présentation de l'article 6 bis du présent projet de loi.

* 51 Article 28 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 52 Ce régime fiscal, qui porte sur l'application de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPB), est présenté plus en détail dans le cadre de l'article 6 (voir infra).

* 53  Arrêté du 1er août 2014 pris en application de l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation, modifié par un arrêté du 2 octobre 2023.

* 54 Le dispositif en vigueur en 2018 et 2019 prévoyait un abattement de 70 %.

* 55 Article 199 tricies du code général des impôts, introduit par l'article 67 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 56 Rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, présidé par Henri Guillaume, 2011.

* 57 Article 7 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 58 Article 15 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

* 59 Ce dispositif, qui a vocation à s'éteindre après la fin 2024, est régi par l'article 199 novovicies du code général des impôts.

* 60 Article 18 de la loi n° 72-1121 du 20 décembre 1972 de finances pour 1973.

* 61 « Société de location de star ».

* 62 Elles avaient d'ailleurs conduit l'OCDE à compléter en 1963 son modèle de conventions fiscales par l'ajout de l'article 17.

* 63 Le champ excède de fait les prestations des sportifs ou des artistes. Il a pu être appliqué sur des activités d'intermédiaire dans la vente de textiles, de prestations de conseil en informatique, de gestion d'entreprise ou encore de gestion commerciale d'un programme immobilier.

* 64 Voir par exemple Fabrice Bin, « Les sociétés d'artistes, sportifs ou de services », REIDF n° 2022-2, 25 mai 2022.

* 65 Conseil constitutionnel, décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010.

* 66 Selon l'interprétation qui a été faite de la décision, voir Fabrice Bin, « Les sociétés d'artistes, sportifs ou de services », REIDF n° 2022-2, 25 mai 2022.

* 67 Conseil d'État, n° 346642, 20 mars 2013.

* 68 Conseil d'État, n° 455084, 22 mars 2023.

* 69 Conseil d'État, n° 418962, 8 juin 2020.

* 70 Conseil d'État, n° 433367, 5 novembre 2021.

* 71 Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 72 Article 150-0 D du code général des impôts.

* 73 Article 150-0 D ter du code général des impôts.

* 74 Pour plus de précisions à ce sujet, se reporter au commentaire de l'article 51 du projet de loi de finances pour 2019, dans le Rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale pour 2019, par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général. Tome III : Les moyens des politiques publiques et les dispositions spéciales.

* 75 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 76 Plus précisément, un État ou territoire non coopératif (ETNC) au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts.

* 77 Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 78 Et, à ce titre, imposée en France.

* 79 Cession d'un immeuble ou de droits relatifs à des immeubles à condition qu'ils soient situés en France, conformément à l'article 244 bis A du code général des impôts.

* 80 Cession ou rachat de droits sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France, conformément à l'article 244 bis B du code général des impôts.

* 81 2 du VII de l'article 167 bis du CGI dans sa rédaction d'alors.

* 82 4 du VIII de l'article 167 bis du CGI dans sa rédaction d'alors.

* 83 Dernier alinéa du 2 du VII de l'article 167 bis du CGI

* 84 Il s'agit de plus-values réalisées par des sociétés à prépondérance immobilière.

* 85 L'objet de l'amendement n° 2498 de Mme Émilie Cariou précise qu'il s'agit de « maintenir l'application de l'exit tax à la date du départ, et de prévoir que, si le prélèvement de l'article 244 bis A est applicable à la date de la cession, l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux afférents à la plus-value latente au titre de l'exit tax sont dégrevés ou restitués ».

* 86 Situations prévues au VIII de l'article 167 bis du code général des impôts.

* 87 Soit avant le deuxième jour ouvré suivant le 1er avril et, en cas de prorogation du délai, avant le 1er juillet, conformément à l'article 175 du code général des impôts.

* 88 BOI-IR-RICI-40-07/09/2015.

* 89 Puisque, dans le cas contraire, la réduction d'impôt pourrait s'appliquer.

* 90 Article 40 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

* 91 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 92 Article 8 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 93 BOI-IR-RICI-180-20.

* 94 Articles 115 et 116 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 95 Itinéraire d'un art gâté, rapport d'information n° 610 (2022-2023) de Roger Karoutchi au nom de la commission des finances, déposé le 17 mai 2023.

* 96 Nouveau programme national de renouvellement urbain.

* 97 Article 25 de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

* 98 Article 10-3 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

* 99 Programme national de renouvellement urbain.

* 100 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022.

* 101 Cour des Comptes, La politique de l'État en faveur du patrimoine monumental, juin 2022.

* 102 Cour des comptes, Référé « La fiscalité des dons en faveur des associations », 8 décembre 2020.

* 103 BOI-IR-RICI-250-20, dernière mise à jour au 12 septembre 2012.

* 104 Loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989.

* 105 Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990.

* 106 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

* 107 Article 5 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990.

* 108 Article 1er de la loi n° 96-559 du 24 juin 1996 portant diverses mesures en faveur des associations.

* 109 Article 163 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 110 Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002.

* 111 Par exemple, la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 112 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 113 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 114 v. Loi n°2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, art. 1.

* 115 v. BOI-IR-RICI-250-10-10, dernière mise à jour le 10 mai 2017.

* 116 v. CE, 7 février 2007, n°287949, pour l'exclusion du dispositif d'une association d'élèves d'une école au motif que l'organisme fonctionne au profit d'un cercle restreint de personnes.

* 117 Arrêté du 26 juin 2008 relatif à la justification des dons effectués au profit de certains organismes d'intérêt général.

* 118 cf. Annexe au projet de loi de finances 2024, Évaluation des voies et moyens, tome II, Les dépenses fiscales.

* 119 Dès lors que ces acteurs perçoivent tout ou partie de la contribution économique territoriale dans le périmètre couvert par le plan de prévention des risques technologiques au titre de l'année de son approbation.

* 120 En l'occurrence, il s'agit des des bornes de recharge pour véhicule électrique dont les types de prise respectent la norme NF EN 62196-2 ainsi que le décret n° 2017-26 du 12 janvier 2017 relatif aux infrastructures de recharge pour véhicules électriques et portant diverses mesures de transposition de la directive 2014/94/ UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs.

* 121 Décret n° 2021-546 du 4 mai 2021 portant modification du décret n° 2017-26 du 12 janvier 2017 relatif aux infrastructures de recharge pour véhicules électriques et portant diverses mesures de transposition de la directive 2014/94/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs.

* 122 Article 6 du code général des impôts (CGI).

* 123 Article 60 de la loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 124 Article 5 de l'article 204 M du CGI.

* 125 BOI-IR-PAS-20-20-20, mise à jour en date du 16 mai 2022, §140.

* 126 cf. Cour des comptes, juin 2023, La prise en compte de la famille dans la fiscalité, pp. 79 et s.

* 127 Une branche complète d'activité se définit comme l'ensemble des éléments d'actif et de passif d'une division d'une entreprise ou d'une société qui constituent, du point de vue de l'organisation, une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens (voir BOI-BIC-PVMV-40-20-50).

* 128 Compte rendu de la séance du 19 novembre 2022.

* 129 Ce sont plus précisément les sociétés relevant des articles 8 à 8 ter du code général des impôts : les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés immobilières de copropriété et les sociétés civiles professionnelles.

* 130 Pour davantage de détails sur ces deux dispositifs, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 3 vicies du présent projet de loi.

* 131 Article 19 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 132 Par opposition au dispositif prévu à l'article 151 septies A du code général des impôts, qui concerne les petites et moyennes entreprises soumises à l'impôt sur le revenu, le dispositif prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts vise les petites et moyennes entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés.

* 133 Articles 65 et 66 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 134 Rapport d'information n° 33 (2022-2023), « Reprendre pour mieux entreprendre dans nos territoires », de MM. Michel CANEVET, Rémi CARDON et Olivier RIETMANN au nom de la délégation aux entreprises, déposé le 7 octobre 2022.

* 135 Ibid.

* 136 Le tarif applicable, en retenant la part de l'État, du département et de la commune, est de 0 % pour la fraction de la valeur n'excédant pas 23 000 euros, 3 % pour la fraction comprise entre 23 000 euros et 200 000 euros et 5 % pour la part excédant 200 000 euros.

* 137 À noter qu'il demeure possible, lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement de conservation collectif avant le décès du détenteur, que les héritiers ou légataires puissent, entre eux ou avec d'autres associés, conclure dans les six mois qui suivent la transmission par décès un engagement collectif de conservation (engagement « post-mortem).

* 138 Selon les deux critères rappelés par le Conseil d'État dans sa décision n° 395495 du 13 juin 2018, et repris ensuite par la Cour de cassation. Ce sont également les critères précisés à l'article 966 du code général des impôts pour la définition de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière.

* 139 Tome II de l'évaluation des voies et moyens, annexe au projet de loi de finances pour 2024. Il n'existe pas d'évaluation séparée pour chacun des dispositifs.

* 140 Il existe d'autres cas de divergence entre les commentaires administratifs et la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'État, s'agissant par exemple des critères retenus pour apprécier l'activité principale exercée par une entreprise, l'éligibilité de plein droit des holdings, encore considérée comme une tolérance par l'administration fiscale ou encore le fait que l'entreprise individuelle ait dû faire l'objet d'une exploitation personnelle par le défunt lors de sa transmission.

* 141 Bulletin officiel des finances publiques.

* 142 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 143 Il demeure possible, lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement de conservation collectif avant le décès du détenteur, que les héritiers ou légataires puissent, entre eux ou avec d'autres associés, conclure dans les six mois qui suivent la transmission par décès un engagement collectif de conservation (engagement « post-mortem).

* 144 Cour de cassation, pourvoi n° 19-25-513, 25 mai 2022.

* 145 Bulletin officiel des finances publiques, «  Exonération partielle en raison de la nature du bien transmis : transmission des parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale », décembre 2021.

* 146 Bulletin officiel des finances publiques, «  Exonération partielle en raison de la nature du bien transmis : transmission à titre gratuit d'une entreprise individuelle », avril 2021.

* 147 Cour de cassation, pourvoi n° 22-15.152, 1er juin 2023.

* 148 Cour de cassation, pourvoi n° 21-18.226, 21 juin 2023.

* 149 Le Conseil d'État était saisi d'une requête visant à annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d'abroger le paragraphe du bulletin officiel des finances publiques énonçant l'exclusion de certaines activités commerciales.

* 150 Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, n° 473972, 29 septembre 2023.

* 151 Voir par exemple, pour la décision la plus récente, Cour de cassation, pourvoi n° 21-16.924, 11 mai 2023.

* 152 Cour de cassation, pourvoi n° 19-25-513, 25 mai 2022.

* 153 Conseil d'analyse économique, «  Repenser l'héritage », 21 décembre 2021.

* 154 Loi n° 1450 du 29 mars 1941 créant un commissariat aux questions juives.

* 155 Rapport de David Zivie à Madame Françoise Nyssen, ministre de la Culture : « Des traces subsistent dans des registres... », au titre de la mission sur le traitement des oeuvres et biens culturels ayant fait l'objet de spoliations pendant la Seconde Guerre mondiale, février 2018.

* 156 Décret n° 49-1344 du 30 septembre 1949 relatif à la fin des opérations de la commission de récupération artistique.

* 157 Article L. 3111-1 du code général des propriétés publiques.

* 158 Ordonnance n°45-770 du 21 avril 1945 portant deuxième application de l'ordonnance du 12-11-1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi.

* 159 Loi n° 2022-218 du 21 février 2022 relative à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites.

* 160 Loi n° 2023-650 du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l'objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

* 161 L'article L. 115-3 ne mentionne pas expressément cette commission, mais prévoit simplement que l'avis est pris auprès d'une « commission administrative, placée auprès du Premier ministre, compétente en matière de réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des persécutions antisémites ». Si le décret d'application de la mesure, permettant de préciser quelle était cette commission, n'a pas encore été adopté, il s'agit bien de la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations, créée en 1999.

* 162 Articles 800 à 802 du code général des impôts.

* 163 Article 641 du code général des impôts.

* 164 Articles 641 bis à 645 du code général des impôts.

* 165 Cass. 24 août 1841, Bulletin n° 115 ; S 41, 1, 771.

* 166 Voir Cass. Com 7 janvier 1997 n° de pourvoi 95-11686 et Bulletin officiel des finances publiques - BOI-ENR-DMTG-10-30.

* 167 Articles 751 à 755 du code civil.

* 168 Article 796-0 bis du code général des impôts.

* 169 Article 769-0 ter du code général des impôts.

* 170 Article 21 de la loi n° 93-859 du 22 juin 1993 de finances rectificative pour 1993.

* 171 Article 1er de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

* 172 Article 35 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie.

* 173 Conseil des prélèvements obligatoires, «  La répartition des prélèvements obligatoires entre générations et la question de l'équité intergénérationnelle », 6 novembre 2008.

* 174 Insee, note de conjoncture, mars 2005,

* 175 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 176 La VEFA est généralement associée, en matière fiscale, à une acquisition et non à une construction. La fonction de maître d'ouvrage revient en effet au promoteur-constructeur, qui est également le titulaire du permis de construire.

* 177 Banque de France, Épargne des ménages 2023T1, août 2023.

* 178 Selon un sondage Ipsos, «  Rénovation énergétique : plus de la moitié des propriétaires envisagent des démarches mais les obstacles restent nombreux », 23 février 2023.

* 179 Conseil d'analyse économique, «  Repenser l'héritage », décembre 2021.

* 180 Article 31 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 181 Concrètement, pour un emprunt d'un million d'euros sur 30 ans, avec 10 ans écoulés, le montant de la dette déductible = 1 000 000 - (1 000 000*10)/30 = 600 000 euros.

* 182 Pour reprendre le cas précédent, le montant de la dette déductible = 1 000 000 - 1/20*1 000 000*10 = 500 000 euros.

* 183 Arrêté du 28 mars 1956 fixant les règles relatives aux modalités de calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour les personnels des hôtels, cafés et restaurants, notamment lorsque ces personnels sont rémunérés en totalité ou en partie à l'aide de pourboires.

* 184 Conseil d'État, 15 janvier 1962, n° 47203 ; Conseil d'État, 17 février 1969, n°s 72218, 72219 et 72221 et Conseil d'État, 29 juillet 1983, n° 42130.

* 185 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 186 DARES, Focus, « Hébergement-restauration : quelle évolution des effectifs avec la crise ? », n° 52, septembre 2021.

* 187 Le décret n° 2023-2 du 2 janvier 2023 relatif à la création, aux conditions et aux modalités de versement d'une indemnité carburant.

* 188 BOI-IR-RICI-250-20, mise à jour du 12 septembre 2012, §60.

* 189 Loi n°88-1149 du 23 décembre 1988 de finances pour 1989.

* 190 Loi n°2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020.

* 191 Article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 192 Sénat, délégation aux collectivités territoriales, 17 mars 2015, n°345 (2014-2015), Le financement des lieux de culte, au rapport de M. Hervé Maurey.

* 193 La liste des fédérations agréés par le ministère des sports et des jeux Olympiques et paralympiques est disponible à l'adresse suivante : https://www.pass.sports.gouv.fr/clubs-et-structures-daccueil/le-passsport-pour-les-clubs/.

* 194 Cotisation foncière des entreprises (CFE) et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

* 195 Bulletin officiel des finances publiques : BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10.

* 196 Bulletin officiel des finances publiques : BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20.

* 197 « La FIFA ne sera pas soumise à l'impôt sur les sociétés en France », Rémi Dupré pour Le Monde, 14 février 2022.

* 198 Conseil constitutionnel, 29 décembre 2013, décision n° 2013-685 DC.

* 199 Qui découle de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.

* 200 Qui est fondé sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen 1789.

* 201 Conseil constitutionnel, 29 décembre 2013, décision n° 2013-685 DC.

* 202 Décision relative à la loi n°2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 203 Les institutions spécialisées désignent les institutions des spécialisées des Nations unies comme l'UNESCO ou l'Organisation mondiale de la santé.

* 204 b) de la section 19 de l'article 6 de la Convention sur les Privilèges et Immunités des Institutions Spécialisées du 21 novembre 1947. Cette disposition n'est pas affectée par les réserves émises par la France relativement à cette convention.

* 205 Article 4 de l'arrêté du 13 décembre 2022 constatant divers tarifs et seuils de régime d'impositions relatifs à certaines impositions sur les biens et services.

* 206 Période débutant le 1er septembre et s'achevant le 31 août de l'année civile suivante (dernier alinéa de l'article L. 313-34 du CIBS).

* 207 Article 1er du décret n° 97-661 du 28 mai 1997 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code.

* 208 Voir la présentation faite par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) dans sa note aux opérateurs n° 000070 du 31 janvier 2020.

* 209 Évaluation des voies et moyens - Annexe au projet de loi de finances pour 2024. Tome 1 - Les évaluations de recettes.

* 210 Voir le commentaire de l'article 18 au sein du présent rapport pour le détail.

* 211 Exposé des motifs de l'article 18 du projet de loi de finances pour 2024.

* 212 Évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2024.

* 213 Plafond de l'avantage fiscal susceptible d'être accordé aux petits bouilleurs de cru particuliers fixé au niveau maximal autorisé par la directive (UE) 2020/1151 du Conseil du 29 juillet 2020 modifiant la directive 92/83/CEE du 19 octobre 1992.

* 214 Inserm, Réduction des dommages associés à la consommation d'alcool, 2021.

* 215 Cour des comptes. Les politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool, juin 2016.

* 216 OFDT. Drogues et addictions, données essentielles, 2019.

* 217 OCDE, Recommandation du Conseil concernant le Modèle de Convention fiscale sur le revenu et la fortune, OECD/LEGAL/0267.

* 218 L'OCDE ne compte en effet que 38 pays.

* 219 OCDE, 2019, Using bank deposit data to assess the impact of exchange of information.

* 220 Décision non encore publiée.

* 221 Commission européenne, Commission Staff Working Document, Evaluation of the Council directive 2011/16/EU ; On administrative cooperation in the field of taxation and repealing Directive 77/799/EEC. « The directive has improved to some extent the ability of Member States to fight cross-border tax fraud and tax evasion by complementing the otherwise partial, missing or incorrect reporting of income from or assets held abroad. ».

* 222 Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur et Directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.

* 223 Directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d'évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.

* 224 Article 34 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 225 OCDE (2017), Neutraliser les effets des dispositifs hybrides, Action 2 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris.

* 226 Article 108 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 227 Directive (UE) 2017/952 du Conseil du 29 mai 2017 modifiant la directive (UE) 2016/1164 en ce qui concerne les dispositifs hybrides faisant intervenir des pays tiers.

* 228 Country by country reporting.

* 229 OCDE, 2022, Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BPES, rapport d'étape septembre 2021 - septembre 2022.

* 230 OCDE, Avertissement important concernant les limites des statistiques des déclarations pays par pays, novembre 2022.

* 231  Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, OCDE, 20 janvier 2022.

* 232 Document de politique transversale, annexe au projet de loi de finances pour 2024, Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales. Le graphique inclut le contrôle des prix de transfert (IV. A), les règles de territorialité (IV. B) et les montages visant à délocaliser de la matière imposable IV. C.)

* 233 La réforme fiscale américaine : essai d'explication des régimes GILTI et FDII, Fiscalité internationale n°4-2019, novembre 2019.

* 234 Le chiffre d'affaires afférent aux secteurs financiers et industries extractives.

* 235 Une segmentation peut être mise en oeuvre si un « secteur » du groupe dépasse le seuil de chiffre d'affaires et les 10 % de rentabilité sur celui-ci.

* 236 Le critère est réduit à 250 000 euros pour les juridictions dont le produit intérieur brut est inférieur à 40 milliards d'euros.

* 237 Le Monde, Bruno Le Maire déplore un « blocage » des négociations sur la « taxe GAFA » par les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et l'Inde, 20 février 2023.

* 238 International Financial Reporting Standards (IFRS) - normes internationales d'information financière.

* 239 À la différence du « GILTI » américain, les industries extractives ne sont pas exclues de l'assiette.

* 240 Les défis fiscaux soulevés par la numérisation - Rapport sur le blueprint du Pilier Deux : Cadre inclusif sur le BEPS.

* 241 Lorsqu'une juridiction ne prélève pas le montant de RPII qui lui serait dû, elle est exclue de la répartition, de façon à garantir que l'impôt complémentaire est bien prélevé dans son intégralité par les différents États.

* 242 Les défis fiscaux soulevés par la numérisation - Rapport sur le blueprint du Pilier Deux, octobre 2020, OCDE.

* 243 OCDE (2023), Manuel pour la mise en oeuvre de l'impôt minimum (Pilier Deux), Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, OCDE, Paris.

* 244 Évaluation préalable du projet de loi de finances pour 2024, p. 100.

* 245 Règles OCDE9464.

* 246 François Roux et Sven Dufils, Règles GloBE du Pilier 2 : impôts couverts ajustés, FI 2-2022.

* 247 Commentaires OCDE 10.1.1.

* 248 OCDE (2023), Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie - Règles globales anti-érosion de la base d'imposition (Pilier Deux) : Cadre inclusif sur le BEPS, Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9464d0c4-fr.

* 249 Le montant de cette exemption, qui convergera néanmoins vers 5 % de la masse salariale et 5 % des actifs corporels, peut a priori paraître décorrélée de la rentabilité réelle de ces actifs. Par ailleurs, leur exclusion de l'assiette des bénéfices permet d'admettre le principe d'une imposition nulle de la rentabilité de ces actifs dans la juridiction dans laquelle ils sont situés, minorant du même fait le taux minimal de 15 %.

* 250 Considérant 6 de la directive.

* 251 Si la plupart des documents indiquent que la directive a été adoptée le 14 décembre, un rectificatif à la directive a été publiée le 16 janvier 2023 au journal officiel de l'Union européenne, modifiant la date d'adoption de « 14 décembre 2022 » à « 15 décembre 2022 ».

* 252 CJUE, 4 mars 2020, C-10/18 P, Mowi ASA.

* 253 La dernière version de ce modèle de règle étant datée du 7 février 2023, soit près de deux mois après l'adoption de la directive le 14 décembre 2022.

* 254 Article L169 du livre des procédures fiscales : « pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. »

* 255 Qualified domestic top-up tax safe harbour (QDMTT).

* 256 Réponses au questionnaire du rapporteur général.

* 257 À la fois au sens du décalage d'un an de l'entrée en vigueur par rapport à l'accord OCDE, de l'option proposée par la directive de retarder l'entrée en vigueur du dispositif, et des aménagements transitoires mis en oeuvre dans le cadre des « safe Harbours ».

* 258 Japon, Allemagne, Royaume Uni, Canada, France et Italie.

* 259 Si les Bahamas ont, par exemple, prévu la mise en oeuvre d'un impôt national complémentaire qualifié, les conditions de mise en oeuvre du pilier 2 dans d'autres paradis fiscaux ne sont pas encore pleinement définies, comme les îles vierges britanniques ou les Barbades, qui devraient contribuer à l'accord, mais sans mettre en place d'impôt minimal dans l'immédiat.

* 260 Effets de l'impôt minimum mondial sur les recettes : Estimations pays par pays, Observatoire européen de la fiscalité, Mona Barake, Theresa Neef, Paul-Emmanuel Chouc, Gabriel Zucman.

* 261 Taxation minimale des multinationales : contours et quantification, Conseil d'analyse économique, Sébastien Laffitte, Julien Martin, Mathieu Parenti, Baptiste Souillard et Farid Toubal.

* 262 Pour rappel, le CIR étant un impôt « qualifié » au sens de GloBE, il convient de calculer le TEI en considérant le montant de CIR comme une subvention, et donc comme un produit.

* 263 On rappelle utilement ici l'exception de l'article 32 de la directive, qui fait référence aux régimes de protection. En effet, alors que ceux-ci étaient en discussion lors de l'adoption de la directive, une disposition a ainsi pu être ajoutée. Au regard de cette disposition le régime des Safe Habour CBCR devrait être considéré comme strictement conforme au droit de l'Union européenne (articles 223 VZ à 223Z octies) dans la mesure où il respecte le critère de prise en compte du montant d'impôt acquitté par l'entité constitutive au niveau juridictionnel. Tel n'est pas le cas du Safe Harbour RBII.

* 264 CJUE, 13 juillet 2023, Commission c. Telecom UK Investements.

* 265 Il est néanmoins permis de s'interroger, au regard de cette jurisprudence constante de la CJUE, sur l'absence de référence aux travaux de l'OCDE dans le dispositif de la directive lui-même. L'article 32 de la directive ne constitue à cet égard qu'une exception très limitée.

* 266 Déclaration du conseil affaires économiques et financières, 9 novembre 2023.

* 267 Déclaration du conseil affaires économiques et financières, 9 novembre 2023.

* 268 Réponses au questionnaire du Rapporteur général.

* 269 À l'exception de l'article 32 sur les régimes de protection, dont le champ est très limité.

* 270 Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information considérant repris, par exemple, dans la décision n° 2015-726 DC du 29 décembre 2015, loi de finances rectificative pour 2015.

* 271 Décision n° 2013-314P QPC du 4 avril 2013, M. Jeremy F.

* 272 Ce nom fait référence à l'objectif européen de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici à 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Le paquet proposé vise à aligner la législation de l'UE sur cet objectif intermédiaire, avant d'atteindre la neutralité carbone en 2050.

* 273 Définition proposée par Concurrences, éditeur juridique spécialisé en droit de la concurrence et de la régulation économique, https://www.concurrences.com/fr/dictionnaire/aide-d-etat.

* 274 Néanmoins, dans le cadre du règlement général d'exemption par catégorie (RGEC), certaines aides d'État peuvent être déclarées compatibles sans qu'il soit nécessaire de les notifier à la Commission européenne.

* 275 Régime applicable aux aides d'un faible montant (au maximum 200 000 euros) accordées à une entreprise sous réserve de certaines conditions. Dans le cadre de ce régime, la notification de l'aide à la Commission européenne n'est pas nécessaire pour sa mise en oeuvre.

* 276 Voir supra.

* 277 Communiqué de presse de la Commission européenne, Aides d'État: la Commission supprimera progressivement l'encadrement temporaire des aides d'État COVID.

* 278 Communication de la Commission européenne, Encadrement temporaire de crise pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 279 Communication de la commission, Modification de l'encadrement temporaire de crise pour les mesures visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 280 Communication de la commission, Encadrement temporaire de crise pour les mesures d'aide d'État visant à soutenir l'économie à la suite de l'agression de la Russie contre l'Ukraine.

* 281 Voir supra.

* 282 Voir supra.

* 283 Un tel spectre d'actifs incorporels est plus large que celui prévu pour les crédits d'impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles (articles 244 quater B à 244 quater B bis du code général des impôts), qui ne couvrent pas les licences, savoir-faire et autres droits de propriété intellectuelle. Ces derniers couvrent en revanche certaines dépenses liées aux certificats d'obtention végétale, dessins et modèles.

* 284 Ainsi en cas d'acquisition auprès d'une autre entreprise, il ne doit pas y avoir de liens de dépendance entre elles, ni directement, ni par l'intermédiaire d'une tierce entreprise.

* 285 Voir supra.

* 286 Voir infra.

* 287 Carbon Capture, Utilisation and Storage (CCUS) en anglais.

* 288 Voir infra.

* 289 Voir infra.

* 290 Au sens de l'article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 291 Voir infra.

* 292 Selon les modalités prévues aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce.

* 293 Voir infra.

* 294 L'espace économique européen est composé des 27 pays membres de l'Union européenne et de l'Islande, la Norvège et du Liechtenstein.

* 295 Au sens de l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 296 Ayant au moins le grade de directeur départemental.

* 297 Minefisin, communiqué n° 1226, 12 oct. 2023 ; impots.gouv.fr, actualités, 3 oct. 2023.

* 298 Etablissement public mentionné au I de l'article L. 131-3 du code de l'environnement.

* 299 Voir supra.

* 300 Qui comprend notamment des informations sur le bénéficiaire, sur l'investissement à soutenir, sur son financement et sur la nécessité de l'aide et son impact escompté.

* 301 Le point c) prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur, les aides destinées à « faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun ».

* 302 Le point a) prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur, « les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ainsi que celui des régions visées à l'article 349, compte tenu de leur situation structurelle, économique et sociale ».

* 303 Dans sa version publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 17 mars 2023.

* 304 Les moyennes entreprises s'entendent ici au sens de l'annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Ce sont les entreprises qui occupent au moins 50 mais moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel est supérieur à 10 millions d'euros et est au plus de 43 millions d'euros.

* 305 Les petites entreprises s'entendent ici au sens de l'annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Ce sont les entreprises qui occupent au moins 10 mais moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel est supérieur à 2 millions d'euros et est au plus de 10 millions d'euros.

* 306 Voir supra.

* 307 Les moyennes entreprises s'entendent ici au sens de l'annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. Ce sont les entreprises qui occupent au moins 50 mais moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel est supérieur à 10 millions d'euros et est au plus de 43 millions d'euros.

* 308 Les petites entreprises s'entendent ici au sens de la même annexe I du même règlement de l'Union européenne. Ce sont les entreprises qui occupent au moins 10 mais moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel est supérieur à 2 millions d'euros et est au plus de 10 millions d'euros.

* 309 Voir supra.

* 310 Il est précisé que pour les entreprises qui ne sont pas soumises à l'impôt sur les sociétés, quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, la fraction du crédit d'impôt est calculée par référence aux dépenses exposées au cours de la dernière année civile écoulée.

* 311 À la différence du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche par exemple, pour lequel il est prévu, sauf exceptions, que la créance est utilisée pour le paiement de l'impôt dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période

* 312 Voir supra.

* 313 Minefisin, communiqué n° 1226, 12 oct. 2023 ; impots.gouv.fr, actualités, 3 oct. 2023.

* 314 Et plusieurs de ses collègues.

* 315 Idem.

* 316 Voir supra.

* 317 Voir supra.

* 318 Ou de composants ou de matières premières nécessaires à la production des équipements. Voir infra.

* 319 Entretien à BFM Business en mai 2023 : https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/france/credit-d-impot-industrie-verte-bruno-le-maire-vante-un-investissement-de-500-millions-par-an_AN-202305160411.html.

* 320 Carbon Capture, Utilisation and Storage (CCUS) en anglais.

* 321https://www.ecologie.gouv.fr/consultation-sur-mecanisme-soutien-production-dhydrogene-decarbone.

* 322 Voir supra, Minefisin, communiqué n° 1226, 12 oct. 2023 ; impots.gouv.fr, actualités, 3 oct. 2023.

* 323 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 324 Article 145 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 325 Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

* 326 Et de deux amendements identiques respectivement déposés par notre collègue Viviane Artigalas et notre collègue Marie-Noëlle Lienemann et les membres du groupe CRCE.

* 327 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 328 BOI-BIC-PROV-60-60-10.

* 329 En l'occurrence, il s'agit d'une motorisation biocarburant e type 1A telle que définie au 52 de l'article 2 du règlement (CE) n° 582/2011 de la Commission du 25 mai 2011 portant modalités d'application et modification du règlement (CE) n° 595/2009 du Parlement européen et du Conseil au regard des émissions des véhicules utilitaires lourds (Euro VI) et modifiant les annexes I et III de la directive 2007/46/ CE du Parlement européen et du Conseil.

* 330 Le premier déposé par M. Jean-Luc Fugit seul, le second par M. Jean-Luc Fugit et certains de ses collègues députés, le troisième par M. Marie-Noëlle Battistel et certains de ses collègues députés, le quatrième par Mme Danielle Brulebois et le quatrième par Mme Lise Magnier et certains de ses collègues députés.

* 331 https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2017/11/dossier_de_presse_-_comite_interministeriel_de_la_mer_2017.pdf.

* 332 Des systèmes de lavage de fumées.

* 333 Le nouveau règlement devait être publié au Journal officiel de l'UE après l'été 2023 et entre en vigueur le vingtième jour suivant cette publication. Les nouvelles règles s'appliqueront à partir du 1er janvier 2025, à l'exception des articles 8 et 9, qui s'appliqueront à partir du 31 août 2024.

* 334 Hors usages agricoles et forestiers.

* 335 En vertu du VI de l'article 39 decies F du code général des impôts.

* 336 Dernier alinéa du I de l'article 39 decies F du code général des impôts.

* 337 En l'occurrence, la phase V décrites à l'annexe II du règlement (UE) 2016/1628 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif aux exigences concernant les limites d'émission pour les gaz polluants et les particules polluantes et la réception par type pour les moteurs à combustion interne destinés aux engins mobiles non routiers.

* 338 III de l'article 39 decies F du code général des impôts.

* 339 III de l'article 39 decies F du code général des impôts.

* 340 V de l'article 39 decies F du code général des impôts.

* 341 Réalisée en application de l'article 301 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 342Article 44 sexies-0 A du CGI, al. 1.

* 343 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, art. 11.

* 344 Article 1466 D du CGI.

* 345 Article 1383 D du CGI.

* 346 Loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

* 347 Loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

* 348 Cour des comptes, avril 2021, Les aides publiques à l'innovation des entreprises ; Insee, octobre 2021, Évaluation du dispositif « Jeune entreprise innovante » (JEI).

* 349 cf. Cour des comptes, avril 2021, Les aides publiques à l'innovation des entreprises.

* 350 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

* 351 V de l'article 131 de la L. n°2003-1311 du 30 décembre 2003.

* 352 Paul Midy, juin 2023, Soutenir l'investissement dans les start-ups, PME innovantes et PME de croissance.

* 353 Article 131 de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003.

* 354 La communauté d'agglomération Pays basque a instauré une règle, validée par le tribunal administratif de Pau et applicable depuis le 1er mars 2023, contraignant tout propriétaire proposant un nouveau logement saisonnier, sur le territoire des communes les plus tendues, à proposer dans la même commune un logement comparable sur le marché locatif à l'année. Une mesure de ce type existe également à Paris.

* 355 Insee, Les résidences secondaires du littoral, facteur de tension sur le logement dans certaines zones, Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine n° 125, septembre 2022.

* 356 Voir par exemple INSEE Poitou-Charentes, Les résidences secondaires : une composante du développement et de l'attractivité de la région, février 2009.

* 357 Virginie Lukaszewski, Romain Priol, Christophe Strobel, Direction générale des entreprises (DGE), Impact économique et réglementation des meublés de tourisme, Les Thémas de la DGE, n° 11, juin 2023.

* 358 AirBnB déclare avoir reversé plus de 148 millions d'euros de taxe de séjour pour le compte de ses hôtes en 2022.

* 359 Études sur les villes de Los Angeles, Boston et Barcelone, citées par la note précitée de la DGE.

* 360 Institut Paris-région, Les locations saisonnières en Île-de-France, mai 2021.

* 361 Article L. 324-1 du code du tourisme et Atout France, Le classement des meublés de tourisme.

* 362 Article L. 324-3 du code du tourisme.

* 363 Décret n° 2023-422 du 31 mai 2023 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code.

* 364 Amendements II-341 et II-356 sur le projet de loi de finances pour 2009, adoptés avec avis favorable de la commission et du Gouvernement.

* 365 Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable et Inspection générale de l'administration, Lutte contre l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental, juin 2022.

* 366 Le zonage A / B / C a été présenté dans le cadre de l'article 3 sexies supra.

* 367 Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

* 368 Les exemples donnés par le rapport, réalisé en 2022, demeurent valables après le nouveau classement A / B / C réalisé par arrêté du 2 octobre dernier.

* 369 Les aides prévues à l'article D. 343-3 du code rural et de la pêche maritime, c'est-à-dire la dotation jeunes agriculteurs et les prêts bonifiés à moyen terme.

* 370 Alinéa 1er du I de l'article 73 B du code général des impôts.

* 371 Articles 85 et 86 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

* 372 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 373 Pour une description détaillée de ce dispositif, se reporter au commentaire de l'article 51 ter du projet de loi de finances pour 2021, dans le tome III du Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 374 Le régime prévu, dans ses modalités de fonctionnement, n'est toutefois pas celui du prélèvement forfaitaire unique.

* 375 Échange d'un actif numérique contre un autre actif numérique.

* 376 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 377 Définis à l'article 34 du code général des impôts comme « les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ».

* 378 Bulletin officiel des finances publiques, «  Champ d'application et territorialité - Revenus imposables par nature - Conditions d'exercice des professions commerciales, industrielles et artisanales ».

* 379 Critères également définis par le Conseil d'État, dans trois décisions rendues en 2003.

* 380 La commission des finances n'avait pas pu le proposer lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019 puisque l'article avait été transmis en seconde partie. Or, il relevait manifestement de la première partie, ce qui a conduit le Gouvernement à déposer très tardivement un amendement pour le reprendre en première partie, au cours de l'examen du texte au Sénat, ne laissant pas suffisamment de temps au rapporteur général, M. Albéric de Montgolfier, pour proposer à la commission des finances d'apporter des améliorations à ce dispositif.

* 381 Conseil d'État, n° 417809, 26 avril 2018.

* 382 Bulletin officiel des finances publiques, «  Précisions doctrinales ou jurisprudentielles relatives à certaines professions - Autres professions (XXIX) », 28 juin 2023.

* 383 Article 26 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

* 384  Annexe I du règlement (UE) n° 651/2004 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 385 Une entreprise est considérée comme innovante lorsque ses dépenses de recherche représentent au moins de 10 % de ses charges d'exploitation ou qu'elle a obtenu la qualification « entreprise innovante » de Bpifrance.

* 386 La zone géographique choisie par le fonds est limitée à quatre régions limitrophes.

* 387 Communication de la Commission (2014/C 19/04) publiée au JOUE du 22/01/2014 relative aux lignes directrices concernant les aides visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques.

* 388 Commission européenne, décision C(2011) 9380 du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides d'État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général.

* 389 Article 74 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 390 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article additionnel après l'article 5 quindecies du présent projet de loi.

* 391 Article 13 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

* 392 Telles que définies au sein de l'article 244 quater B du CGI, relatif au crédit d'impôt recherche.

* 393 Personnes physiques, répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu pour 50 % au moins par des personnes physiques, sociétés de capital-risque, fonds communs de placement à risques, sociétés de développement régional, sociétés financières d'innovation ou sociétés unipersonnelles d'investissement à risque à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds, fondations ou associations reconnues d'utilité publique à caractère scientifique, société qualifiée elle-même de jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et développement, établissements publics de recherche et d'enseignement ou leurs filiales.

* 394 Pour davantage de détails, se reporter au commentaire de l'article 5 undecies du présent projet de loi.

* 395 Règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis.

* 396 Commission européenne, Aide d'État SA.59985, 31 mars 2021.

* 397 Communication de la Commission européenne, «  Lignes directrices relatives aux aides d'État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques », 16 décembre 2021.

* 398 Montant ramené à 150 000 euros pour le secteur agricole et 30 000 euros pour une entreprise dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture.

* 399 Règlement (UE) 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023 modifiant le règlement (UE) n° 651/2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité et le règlement (UE) 2022/2473 déclarant certaines catégories d'aides aux entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l'aquaculture compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 400 Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 401 Rapport de la mission auprès du Gouvernement de M. Paul Midy, « Soutenir l'investissement dans les start-ups, PME innovantes et PME de croissance, « juin 2023.

* 402 Article 26 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle.

* 403 Article 74 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 404 Commission européenne, décision « Aide d'État SA.55869 (2019/N) France - Dispositif IR-PME pour les investissements dans les FCPI et FIP », 26 juin 2020.

* 405 Décret n° 2020-1014 du 7 août 2020 fixant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions relatives à la réduction d'impôt pour souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises.

* 406 Article 110 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 407 Décret n° 2021-559 du 6 mai 2021 fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réduction d'impôt pour souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises issues des articles 110, 112 et 113 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 408 Article 19 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 409 Article 17 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 410 Décret n° 2023-176 du 10 mars 2023 fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la réduction d'impôt pour souscription en numéraire au capital des petites et moyennes entreprises issues de l'article 17 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 411 France Invest et AFG, «  Levées de capitaux par les FIP et les FCPI », mars 2023.

* 412 Commission européenne, Aide d'État SA.104703, 16 février 2023.

* 413 Ibid.

* 414 Rapport de la mission auprès du Gouvernement de M. Paul Midy, « Soutenir l'investissement dans les start-ups, PME innovantes et PME de croissance, « juin 2023.

* 415 Règlement (UE) 2023/1315 de la Commission du 23 juin 2023 modifiant le règlement (UE) n° 651/2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité et le règlement (UE) 2022/2473 déclarant certaines catégories d'aides aux entreprises actives dans la production, la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l'aquaculture compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 416 Règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 417 Communication de la Commission européenne, «  Lignes directrices relatives aux aides d'État visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques », 16 décembre 2021.

* 418 Plus précisément les contribuables, personnes physiques, qui ont leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts et qui exercent une activité dont les revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices agricoles.

* 419 Du fait de l'article 77 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 420 Le deuxième alinéa du décret n° 2016-1818 du 22 décembre 2016 portant relèvement du salaire minimum de croissance prévoit qu'à compter du 1er janvier 2017, « le montant du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 du code du travail est porté à 3,54 euros en métropole, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. »

* 421 Cf. article 23 de la proposition de loi précitée.

* 422 Martin Collet, Droit fiscal, 9ème édition, 2021.

* 423 RM Meslot n° 77620, JO AN du 1er juin 2010 p. 6103 ; RM Remiller n° 74835, JO AN du 25 mai 2010 p. 5816.

* 424 Conseil d'État, 25 novembre 2009, n° 319649.

* 425 RM Meslot n° 58198, JO AN du 6 avril 2010 p. 3957.

* 426 Conseil d'État, 30 mars 2007, n° 287600, GFA Domaine de Font Mars.

* 427 Règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes.

* 428 Article R. 4228-1 du code du travail.

* 429 C'est-à-dire à usage de bureau ou à usage industriel ou commercial.

* 430 Au sens du 12 de l'article 39 du CGI.

* 431 Les zones incluses dans le dispositif sont les zones A bis et A telles que définies à l'article R. 304-1 du code de la construction et de l'habitation.

* 432 Article 1764 du CGI.

* 433 Article 42 de la L. n°2011-1978 du 28 décembre 2011.

* 434 Article 10 de la L. n°2014-1654 du 29 décembre 2014.

* 435 Article 25 de la L. n°2017-1837 du 30 décembre 2017.

* 436 Article 25 de la L. n°2020-1721 du 29 décembre 2020.

* 437 Article 90 de la L. n°2021-1900 du 30 décembre 2021.

* 438 Dépense fiscale n°320141.

* 439 Article 42 de la L. n° 2011-1978 du 28 décembre 2011.

* 440 Article 25 de la L. n°2017-1837 du 30 décembre 2017

* 441 De l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 442 Article 68 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 de finances pour 1988.

* 443 Article 40 de la loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 444 CJUE, 2 septembre 2015, Groupe Steria SCA, C-386/14.

* 445 L'article 32 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances initiale pour 2019.

* 446 Quote-part de frais et charges et intégration fiscale : l'éternelle « euro-incompatibilité » ?, septembre 2023, Salomé Zanna, Juristes et fiscalistes Associés, Fiscalité internationale.

* 447 P. 371, Joël Giraud, rapport enregistré à la présidence le 11 octobre 2018, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2019, Tome II, examen de la première partie du projet de loi de finances, conditions générales de l'équilibre financier.

* 448 Quote-part de frais et charges et intégration fiscale : l'éternelle « euro-incompatibilité » ?, septembre 2023, Salomé Zanna, Juristes et fiscalistes Associés, Fiscalité internationale.

* 449 Objet de l'amendement du Gouvernement n° 3008, introduisant le présent article.

* 450 De l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 451 Décision Société Metro Holding France SA venant aux droits de la société CRFP Cash, n° 2015-520 QPC, du 3 février 2016.

* 452 Décision n° 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020, M. Marc S.

* 453 Décision n° 2018-699 QPC du 13 avril 2018, Société Life Sciences Holdings France.

* 454 Ibid.

* 455 Quote-part de frais et charges et intégration fiscale : l'éternelle « euro-incompatibilité » ?, septembre 2023, Salomé Zanna, Juristes et fiscalistes Associés, Fiscalité internationale.

* 456 Loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.

* 457 Article 76 de la loi n° 2003-1312 de finances rectificative pour 2003.

* 458 Rapport n° 611 (2018-2019) de M. Jean-Raymond HUGONET, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, juin 2019.

* 459 La stratégie de financement de la filière musicale en France. Faire du Centre national de la musique l'outil d'une nouvelle ambition ; mission du sénateur Julien Bargeton ; avril 2023.

* 460 Loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

* 461 Article L. 213-1 du code de la propriété intellectuelle.

* 462 Depuis 2020, le bénéfice du crédit d'impôt est accordé dès la réception d'un agrément temporaire.

* 463 Décret n° 2020-380 du 30 mars 2020. La vente d'un album ou à 1 500 écoutes dont la durée est supérieure à 30 secondes des titres de cet album sur les offres payantes des services de musique en ligne, après avoir soustrait de ce total la moitié des écoutes du titre le plus écouté de l'album représente un équivalent-vente.

* 464 Article 21 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 465 Évaluation du crédit d'impôt pour production d'oeuvres phonographiques (CIPP) et du crédit d'impôt pour production de spectacles vivants (CISV), Centre national de la musique et cabinet Technopolis, août 2023.

* 466 Ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A (relatifs aux entreprises nouvelles), 44 octies A (relatif aux entreprises dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs), 44 duodecies (relatif aux entreprises implantées dans les bassins d'emploi à redynamiser), 44 quindecies (relatif aux entreprises implantées dans les zones de revitalisation rurale), 44 sexdecies (relatif aux entreprises implantées dans les bassins urbains à dynamiser) ou 44 septdecies (relatif aux entreprises implantées dans les zones de développement prioritaire).

* 467 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 468 Article 138 de la loi n° 2019-1479 du 29 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 469 BOI-IS-RICI-10-40.

* 470 Article 146 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 471 Itinéraire d'un art gâté, rapport d'information n° 610 (2022-2023) de Roger Karoutchi au nom de la commission des finances, déposé le 17 mai 2023.

* 472 Article 113 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015.

* 473 Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités, selon l'article L7122-2 du code du travail.

* 474 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 475 Arrêté du 5 mai 2017 fixant le cahier missions et des charges relatif au label « Scène de musiques actuelles-SMAC ».

* 476 Décret n° 2016-1209 du 7 septembre 2016 relatif au crédit d'impôt au titre des dépenses de création, d'exploitation et de numérisation d'un spectacle vivant musical prévu à l'article 220 quindecies du code général des impôts.

* 477 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 478 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 479 Évaluation du crédit d'impôt pour production d'oeuvres phonographiques (CIPP) et du crédit d'impôt pour production de spectacles vivants (CISV), Centre national de la musique et cabinet Technopolis, août 2023.

* 480 La diffusion des spectacles en France, Musiques actuelles & Variétés, chiffres 2022 & Tendances 2023.

* 481 Article 113 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015.

* 482 Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités, selon l'article L7122-2 du code du travail.

* 483 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 484 Arrêté du 5 mai 2017 fixant le cahier missions et des charges relatif au label « Scène de musiques actuelles-SMAC ».

* 485 Décret n° 2016-1209 du 7 septembre 2016 relatif au crédit d'impôt au titre des dépenses de création, d'exploitation et de numérisation d'un spectacle vivant musical prévu à l'article 220 quindecies du code général des impôts.

* 486 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 487 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 488 La diffusion des spectacles en France, Musiques actuelles & Variétés, chiffres 2022 & Tendances 2023.

* 489 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 490 Décret n° 2021-655 du 26 mai 2021 relatif au crédit d'impôt en faveur des représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques prévu à l'article 220 sexdecies du code général des impôts.

* 491 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 492 Telles que définies à l'article L. 132-1 du code de la propriété intellectuelle.

* 493 Décret n° 2020-380 du 30 mars 2020. La vente d'un album ou à 1 500 écoutes dont la durée est supérieure à 30 secondes des titres de cet album sur les offres payantes des services de musique en ligne, après avoir soustrait de ce total la moitié des écoutes du titre le plus écouté de l'album représente un équivalent-vente.

* 494 Décret n° 2022-1424 du 10 novembre 2022 relatif au crédit d'impôt pour dépenses d'édition d'oeuvres musicales prévu à l'article 220 septdecies du code général des impôts.

* 495 La stratégie de financement de la filière musicale en France, mission du sénateur Julien Bargeton, avril 2023.

* 496 Évaluation du crédit d'impôt pour production d'oeuvres phonographiques (CIPP) et du crédit d'impôt pour production de spectacles vivants (CISV), Centre national de la musique et cabinet Technopolis, août 2023.

* 497 Comme le précise la doctrine fiscale, une société peut être mère d'un groupe même si elle est détenue à 95 % ou plus par une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés à condition que cette personne ne soit pas assujettie à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 214 du CGI. BOI-IS-GPE-10-20-10-06/05/2015.

* 498 Lorsque les prestations ne portent pas exclusivement sur des biens situés en Corse.

* 499 Sauf lorsque le contribuable peut bénéficier des aides à l'investissement au titre du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements, la production ou la transformation de houille et lignite, la sidérurgie, l'industrie des fibres synthétiques, la pêche, le transport, la construction et la réparation de navires d'au moins 100 tonnes de jauge brute, la construction automobile ainsi que l'exploitation de jeux de hasard et d'argent, la gestion et la location de meublés de tourisme situés en Corse, et l'agriculture ainsi que la transformation ou la commercialisation de produits agricoles.

* 500 Cf. pour exemple le BOFIP d'août 2021 disponible sur ce lien.

* 501 Dans la limite annuelle de 5 000 euros.

* 502 Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 503 Arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d'art, en application de l'article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.

* 504 Article 23 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.

* 505 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 506 JO Sénat du 21 septembre 2023 - page 5547.

* 507 Rapport d'information sur l'impact de la crise de la covid-19 et les nouvelles mutations du secteur des métiers d'excellence et métiers d'art, rapport fait par Mme Barbara Bessot Ballot et M. Philippe Hupé au nom de la commission des affaires économiques, février 2022.

* 508 Exposé des motifs du projet de loi.

* 509 Trisan Auvray, Thomas Dallery et Sandra Rigot, L'entreprise liquidée. La finance contre l'investissement. Paris, Michalon, 2016, 320 pages.

* 510 « Rachats d'actions : quand l'économie finance la Bourse », Alternatives économiques, 27 février 2023.

* 511 « Les rachats d'actions en route vers un nouveau record en France », Les Échos, 31 juillet 2023.

* 512 Interview télévisée du Président de la République, 22 mars 2023.

* 513 Pour une explication détaillée, on se reportera au rapport n° 25 (2023-2024), déposé le 11 octobre 2023, fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise par Mme Frédérique PUISSAT.

* 514 « Budget 2024 : le gouvernement prêt à s'attaquer aux rachats d'actions », La Tribune, 21 septembre 2023.

* 515 Date d'enregistrement de l'amendement affiché sur le site de l'Assemblée nationale.

* 516 Projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise - Texte n° 108 élaboré par la commission mixte paritaire (2023-2024), enregistré à la Président du Sénat le 15 novembre 2023.

* 517 La modification la plus récente de l'arrêté a été faite par un arrêté du 18 novembre 2022.

* 518 « Évaluation des performances environnementales de la certification Haute valeur environnementale (HVE) », Synthèse des résultats, Office français de la biodiversité, octobre 2022.

* 519 cf. Paul Midy, juin 2023, Soutenir l'investissement dans les start-ups, PME innovantes et PME de croissance

* 520 Article 33 de la loi n° 200-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 521 Cf. II de l'article 72 bis B du CGI précité.

* 522 Le commentaire de l'article 12 du présent projet de loi de finances détaille ce régime de la DEP.

* 523 Les autres régimes d'imposition, comme le micro-bénéfice agricole par ailleurs élargi et détaillé dans le commentaire de l'article 12, ne sont donc pas concernés.

* 524 Article D. 31-10-2 du code de la construction et de l'habitation.

* 525  Article 164 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 526 Article 87 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 527  Décret n° 2022-1675 du 27 décembre 2022 relatif aux prêts ne portant pas intérêt consentis pour financer la primo-accession à la propriété.

* 528  Article 90 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, dont le V fixe la date de fin du dispositif.

* 529 Article 83 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 530 Article 135 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 531 Coût de la dépense fiscale n° 210313, tome II de l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2024.

* 532 Inspection générale des finances (IGF) et Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), Évaluation du prêt à taux zéro (PTZ), octobre 2019.

* 533 Banque de France, Panorama des prêts à l'habitat des ménages, 5 octobre 2023.

* 534 Le nombre de foyers fiscaux, à distinguer du nombre des ménages au sens de l'INSEE, est de 40 millions environ en France.

* 535 Fédération française du bâtiment, Prêt à taux zéro : le faux compromis du Gouvernement, 17 octobre 2023.

* 536 Audition de M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé du Logement, devant la commission des finances du Sénat, 31 octobre 2023.

* 537 Article 86 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 538 Ces établissements de crédits et sociétés de financement sont définis à l' article L. 511-1 du code monétaire et financier.

* 539 Isolation thermique (toitures, murs, parois vitrées et portes donnant sur l'extérieur) et systèmes de chauffage avec des conditions de performance, équipements de chauffage ou de production d'eau chaude sanitaire utilisant une source d'énergie renouvelable, isolation des planchers bas.

* 540 Article 140 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 541 Article 169 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 542 Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dispositions codifiées aux articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation.

* 543 Article 81 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 544 Commission pour la relance durable de la construction de logements, rapport, tome I, septembre 2021.

* 545 Voir supra, présentation de l'article 3 sexies.

* 546 Il s'agit d'opérations d'amélioration de l'habitat et du cadre de vie conduites par convention entre l'autorité locale compétente en matière d'habitat, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et l'État.

* 547 Ces opérations, destinées à lutter contre l'indignité et la dégradation des immeubles en copropriété, facilitent la mobilisation d'outils spécifiques de l'aménagement tels que le droit de préemption urbain renforcé.

* 548 Une opération d'acquisition-amélioration, définie par le 6° du I de l'article 278 sexies du code général des impôts, correspond à l'acquisition avec travaux d'un logement financé par un prêt réglementé ou mis à disposition dans le cadre d'un bail emphytéotique consenti par l'État, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales.

* 549 Une résidence-services est un ensemble d'habitations constitué de logements autonomes permettant aux occupants de bénéficier de services spécifiques non individualisables.

* 550 Pour mémoire, les aides personnelles au logement comprennent l'aide personnalisée au logement, accordée à des occupants de logements sociaux et assimilés (article L. 831-1 du code de la construction et de l'habitation) et les allocations de logement familiale (article L. 841-1 du même code) et sociale (article L. 841-2) accordées à des personnes non éligibles à l'aide personnalisée au logement.

* 551 Dépense fiscale n° 110236, tome II du document « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024.

* 552 Mentionnés au II de l'article 9-1 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. La liste de ces quartiers est arrêtée par le ministre chargé de la ville sur proposition de l'agence nationale pour la rénovation urbaine.

* 553 Mentionnés à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 554 Le dispositif « Pinel » s'applique à des logements situés « dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements entraînant des difficultés d'accès au logement sur le parc locatif existant », communément désignées zones A bis, A et B1, et aux « logements situés dans des communes dont le territoire est couvert par un contrat de redynamisation de site de défense ou l'a été dans un délai de huit ans précédant l'investissement ».

* 555 Article 115 de la loi n° 2019 1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 556 Article 75 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 557 Arrêté du 26 mars 2019 relatif à la liste des communes ouvrant droit à la réduction d'impôt prévue au 5° du B du I de l'article 199 novovicies du code général des impôts.

* 558  Article L. 303-2 du code de la construction et de l'habitation, introduit par l' article 157 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).

* 559 Décret n° 2019-232 du 26 mars 2019 relatif aux conditions d'application de la réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'investissement locatif prévue au 5° du B du I de l'article 199 novovicies du code général des impôts.

* 560 Dépense fiscale n° 110265, tome II du document « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024.

* 561 Article 19 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 562 Ils concernent des quartiers d'au moins 1 000 habitants, ayant un revenu faible, situés dans des territoires urbains d'au moins 10 000 habitants.

* 563 Il s'agit de quartiers défavorisés, de plus de 8 500 habitants, dans lesquels on cherche à faciliter l'implantation d'entreprises ou le développement d'activités économiques.

* 564 Ensemble d'EPCI contigus denses, d'au moins un million d'habitants, sur le territoire desquels le taux de chômage est élevé.

* 565 Il s'agit d'un dispositif visant à aider les territoires frappés économiquement par les restructurations du ministère de la défense, puis du ministère des armées, ayant fait l'objet d'un contrat de redynamisation.

* 566 Ce dispositif concerne toutes les communes de France à l'exception des communes de ZAFR et des franciliennes qui ne sont pas dans une zone urbaine sensible (ZUS) ou une ZRR.

* 567 Pour les territoires de l'Union européenne présentant des retards de développement économique.

* 568 Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

* 569 Cf. 3. bis de l'article 42 de la loi précitée.

* 570 Cf. Décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi et décret n° 2018-550 du 29 juin 2018 modifiant le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi.

* 571 Article 44 duodecies du Code général des impôts.

* 572 Au sens de l'article 34 et du 5° du I de l'article 35 du Code général des impôts, c'est-à-dire incluant les concessionnaires de mines, les amodiataires et sous-amodiataires de concessions minières, les titulaires de permis d'exploitation de mines et les explorateurs de mines de pétrole et de gaz combustibles.

* 573 Il s'agit des dispositifs d'exonération prévus aux articles 44 sexies, 44 septies, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, 44 octies, dans sa rédaction antérieure à la même loi, 44 octies A, 44 quindecies, 44 sexdecies et 44 septdecies du code général des impôts ou encore de la prime d'aménagement du territoire.

* 574 Article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 575 Articles 110 et 111 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 576 Par l'arrêté du 16 octobre 2020 constatant le classement de communes en zone de revitalisation des commerces en milieu rural.

* 577 Apprécié selon les modalités prévues au I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire en prenant en compte la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente.

* 578 Conformément à l'article 1467 A du code général des impôts, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. Cette période peut donc éventuellement être corrigée pour correspondre à une année pleine.

* 579 D'après le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi et décret n° 2018-550 du 29 juin 2018 modifiant le décret n° 2007-228 du 20 février 2007 fixant la liste des bassins d'emploi à redynamiser et les références statistiques utilisées pour la détermination de ces bassins d'emploi.

* 580 17 937 d'après l'arrêté du 22 février 2018 modifiant l'arrêté du 16 mars 2017 constatant le classement de communes en zone de revitalisation rurale, mais 17 720 d'après des données récemment fournies par le Gouvernement.

* 581 D'après l'arrêté du 16 octobre 2020 constatant le classement de communes en zone de revitalisation des commerces en milieu rural.

* 582 Rapport commun (CGEDD, IGA, IGAS et IGF) « Les dispositifs zonés de soutien du développement économique ou de l'emploi dans les territoires » (juillet 2020).

* 583 D'après les réponses au questionnaire budgétaire adressé, 7 % des entreprises éligibles au dispositif des ZRR en bénéficient.

* 584 Plusieurs contentieux à ce sujet ont été initiés dans le cadre des actuelles ZRR.

* 585 Cf. 32° du I du présent article, qui ajoute un article 1466 G nouveau au code général des impôts.

* 586 Cf. 20° du I du présente article, qui ajoute un article 1383 K nouveau au code général des impôts.

* 587 Avant le 1er janvier de l'année d'exonération pour la TFPB, et au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai ou, en cas de création d'établissement ou de changement d'exploitant ou d'activité en cours d'année, l'année suivant celle de la création ou du changement au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai.

* 588 Cf. E du XXI du présent article.

* 589 Cf. 6° et 20° du I du présent article.

* 590 Hors cas de force majeure.

* 591 Les Zones franches d'activités nouvelle génération (ZFANG) correspondent peu ou prou à l'équivalent des ZRR et des ZFU-TE dans les DROM.

* 592 III de l'article 30, modifié, de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 593 Dépense fiscale n° 050106, tome II du document « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2024.

* 594 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

* 595 Bénéfice industriel et commercial.

* 596 Bénéfice agricole.

* 597 Ce régime de perfectionnement actif permet de mettre en oeuvre dans le territoire douanier de l'Union, pour leur faire subir une ou plusieurs opérations de transformation, des marchandises non Union, sans que ces marchandises soient soumises aux droits à l'importation, aux autre impositions, aux autres mesures de politiques commerciales.

* 598 Exclusion des logements neufs répondant aux critères mentionnés aux b et c du 1 du I de l'article 244 quater X.

* 599 Les organismes d'habitations à loyer modéré.

* 600 À l'exception des logements neufs répondant aux critères mentionnés aux b et c du 1 et au 5 du I de l'article 244 quater X.

* 601 Si certaines conditions sont respectées.

* 602 Il s'agit des personnes disposant d'un forage pour leur alimentation en eau, des personnes raccordées ou raccordables au réseau d'assainissement au titre de l'article L. 2224-12-5 du code des collectivités territoriales.

* 603 Pour les industriels au titre des rejets de polluants inférieurs au seuil de la redevance pour pollution d'origine non-domestique, l'assiette de la redevance est plafonnée à 6 000 mètres cubes. Pour les personnes qui prélèvent de l'eau sur des sources autres que le réseau de distribution dans les conditions décrites par l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, le volume d'eau prélevé sur ces autres sources est ajouté à l'assiette.

* 604 Voir sur le site de la préfecture de Mayotte : https://www.mayotte.gouv.fr/Actualites/EAU/Communiques-de-presse/Preservation-de-la-ressource-en-eau-limitation-de-certains-usages-de-l-eau.

* 605 D'après l'article du Monde, « Crise de l'eau à Mayotte : les lourdes responsabilités de l'Etat », du 20 octobre 2023, qui se base sur des données de la préfecture de Mayotte.

* 606 La redevance sur la consommation d'eau potable est le nom que doit prendre la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique selon la réforme des redevances prévues par l'article 16. Il s'agit de la même redevance.

* 607 Article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 608 Loi n° 75-678 du 29 juillet 1975 supprimant la patente et instituant une taxe professionnelle.

* 609 Ce taux était fixé à 3 % avant la réforme des impôts de production en loi de finances initiale pour 2021.

* 610 Article 1586 ter du CGI.

* 611 Article 1586 quinquies du CGI.

* 612 Article 1586 sexies du CGI.

* 613 Philippe Martin et Alain Trannoy, Les impôts sur (ou contre) la production, note n° 53 du Conseil d'analyse économique, juin 2019.

* 614 Pour plus de détails, le lecteur peut se reporter au rapport général n° 115 (2022-2023), tome II, fascicule 1, fait par le rapporteur général Jean-François HUSSON au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 17 novembre 2022 ( commentaire de l'article 5).

* 615 Amendements respectivement déposés par le député Vincent Descoeur et plusieurs de ses collègues, le député Pierre Cordier et plusieurs de ses collègues, le député Thibault Bazin, la députée Isabelle Valentin et plusieurs de ses collègues, la députée Josiane Corneloup et plusieurs de ses collègues, la députée Marie-Christine Dalloz, la députée Emmanuelle Antoine, le député Jean-Yves Bony, le député Maxime Minot et plusieurs de ses collègues, la députée Christine Pires Beaune et plusieurs de ses collègues, la députée Duby-Muller, le rapporteur général de la commission des finances Jean-René Cazeneuve.

* 616 Issue d'un amendement déposé par le député Mathieu Lefèvre.

* 617 Décret n° 2023-364 du 13 mai 2023 pris en application de l'article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 618 Ces modalités sont définies au III de l'article 1586 octies du code général des impôts et à l'article 344 quaterdecies annexe III au même code, dans leur rédaction antérieure à l'article 55 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 619 Les gaz de houille, les gaz à l'eau, les gaz pauvres et les gaz similaires, autres que les gaz de pétrole et autres hydrocarbures gazeux, les houilles et les combustibles solides obtenus à partir de la houille ainsi que les cokes et semi-cokes de houille, de lignite ou de tourbe et le charbon de cornue.

* 620 C'est-à-dire « tout réseau qui avait une consommation inférieure à 3 000 gigawattheures (GWh) en 1996 ».

* 621 Mentionnées au chapitre III du titre II du livre V du code de l'énergie.

* 622 Le rendement de ces redevances est réparti entre l'État et les collectivités locales sur le territoire desquels coulent les cours d'eau utilisés par l'ouvrage.

* 623 Ces parts de redevance sont acquittées par la compagnie nationale du Rhône, concessionnaire des ouvrages hydroélectriques sur le Rhône proportionnellement à la quantité d'énergie produite par ses installations.

* 624 Décret n° 2023-522 du 28 juin 2023 relatif aux modalités de déclaration et de paiement de la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité.

* 625 Le premier déposé par Mme Lise Magnier avec certains de ses collègues députés et le second déposé par M. Pascal Lecamp également avec certains de ses collègues députés.

* 626 La fraction de revenus d'exploitation qui dépasse ledit forfait est soumise à la contribution.

* 627 Rapport d'information n° 779 (2022-2023) fait au nom de la commission des finances sur le contrôle budgétaire sur les dispositifs de soutien aux consommateurs d'énergie par Madame Christine Lavarde, juin 2023.

* 628 Cette imposition est déterminée dans les conditions prévues aux articles 1519 D à 1519 HB et 1599 quater A à 1599 quater B.

* 629 L'imposition portait aussi les unités de raccordement (URA) et cartes d'abonnés du réseau téléphonique commuté. Ce second élément de l'assiette avait été introduit par l'article 112 de la loi de finances pour 2011, afin de limiter le coût de production des lignes et des répartiteurs principaux pour France Télécom, et ainsi réduire les refacturations sur les opérateurs alternatifs auxquels France Télécom cède l'usage de son réseau. En raison de la diminution des unités de raccordement et cartes d'abonnés, dans un contexte général de développement des offres haut débit et très haut débit intégrant la téléphonie fixe, l'article 71 de la loi du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 a prévu une diminution progressive du tarif applicable aux URA et cartes d'abonnés et, à compter de 2017, la suppression de cet élément de l'assiette, afin d'éviter que l'IFER n'entraîne une hausse du coût des abonnements téléphoniques fixes classiques.

* 630 Voir infra.

* 631 Le tarif en année n+1 est égal au (tarif en année n x 400 M€) / produit de l'année n.

* 632 Voir supra.

* 633 Voir supra.

* 634 Amendement n° I-69 déposé en première partie du projet de loi de finances pour 2023, par MM. CHAIZE, BOUCHET et BURGOA, Mmes BELRHITI, DEMAS, DUMONT et Laure DARCOS, M. Jean Pierre VOGEL, Mmes DUMAS et MULLER-BRONN, M. Bernard FOURNIER, Mme Marie MERCIER, MM. CHARON, Jean-Baptiste BLANC et MOUILLER, Mme RICHER, M. BELIN, Mmes LASSARADE et MICOULEAU et MM. BRISSON, BACCI, BONNUS, TABAROT, RAPIN, Cédric VIAL, LEFÈVRE, PIEDNOIR, KLINGER, CHATILLON et SAVARY. Il avait été retiré. https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/114/Amdt_I-69.html.

* 635 Le fait d'exclure les assujettis établis hors de France n'était, avant la réforme de la directive TVA de 2020, pas contraire au droit européen (CJUE, 26 oct. 2010, Ingrid Schmelz, aff. C-97/09).

* 636 BOI-TVA-DECLA-40-10-20, n° 70.

* 637 Barbone et al., The Cost of VAT: a Review of the Literature, 2012.

* 638 European Commission (2017), Special scheme for small enterprises under the VAT Directive 2006/112/EC - Options for review.

* 639 CPO, La Taxe sur la valeur ajoutée, décembre 2015 ; ibid.

* 640 Voies et moyens, tome II, rapport annexé au projet de loi de finances pour 2024.

* 641 CPO, La taxe sur la valeur ajoutée, décembre 2015, rapport particulier n° 6.

* 642 Conformément au VI de l'article 293 B du CGI, ces plafonds sont revalorisés tous les trois ans suivant l'évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche de l'impôt sur le revenu.

* 643 BOI-TVA-DECLA-40-10-20, n° 130.

* 644 Il s'agit des opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles et des livraisons à soi-même de travaux de réhabilitation de logements locatifs sociaux.

* 645 Option (1) : option exercée sur les activités d'auteur.

Option (2) : option exercée sur les activités d'avocat.

Option (3) : option exercée sur les activités d'auteur avec b+c < 19 600 euros.

Option (4) : option exercée sur les activités d'avocat avec a+c < 19 600 euros.

Option (5) : option exercée sur les activités d'auteur et d'avocat avec a+b+c < 19 600 euros.

* 646 Seuls l'Espagne et les Pays-Bas n'ont pas adopté de régime de franchise. La Suède s'en est dotée en 2017.

* 647 European Commission (2016), VAT aspects of cross-border e-Commerce - Aspects for modernisation.

* 648 Directive (UE) 2020/285 du Conseil du 18 février 2020 modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises et le règlement (UE) no 904/2010 en ce qui concerne la coopération administrative et l'échange d'informations aux fins du contrôle de l'application correcte du régime particulier des petites entreprises

* 649 Opérations de transport aérien, maritime, ferroviaire ou par route (à condition qu'ils circulent par groupe de dix ou plus) de voyageurs venant ou se rendant à l'étranger ou, le cas échéant, dans les outre-mer. Sont également concernées les opérations d'entremise pour la distribution des journaux.

* 650 Livraisons des biens expédiés par le vendeur à l'exportation et le reste des opérations mentionnées à l'article 262 du CGI à l'exclusion des opérations mentionnées dans la note ci-dessus, livraisons de biens et prestations de services effectuées dans le cadre des relations diplomatiques ou à destination des institutions européennes ou internationales et prestations de services réalisées par des intermédiaires. Sont également exonérées sans droit à déduction les livraisons intracommunautaires.

* 651 Conseil constitutionnel, n° 2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique.

* 652 European Commission (2017), Special scheme for small enterprises under the VAT Directive 2006/112/EC - Options for review.

* 653 CPO, La Taxe sur la valeur ajoutée, décembre 2015.

* 654 European Commission (2017), Special scheme for small enterprises under the VAT Directive 2006/112/EC - Options for review.

* 655 La directive ne prévoit nulle part d'obligation d'étendre le statut d'assujetti établi en France (ou dans un autre État membre de l'UE) à des assujettis établis en territoire tiers mais rattachés à la France (ou à un autre État membre de l'UE).

* 656 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 657 Sont également concernés les ventes d'animaux vivants de boucherie et de charcuterie faites à des personnes non assujetties (article 281 sexies) ainsi que les livraisons portant sur des produits pharmaceutiques (article 281 octies).

* 658 CJUE, 18 janvier 2018, Stadion Amsterdam, aff. C- 463/16.

* 659 CJUE, 6 juillet 2006, Talacre Beach Caravan, aff. C-251/05.

* 660 Amendement n°  I-5326.

* 661 Directive 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022 modifiant les directives 2006/112CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée.

* 662 Conseil constitutionnel, n° 2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique.

* 663 Communiqué de presse du 22 février 2023 du Comité professionnel des galeries d'art.

* 664 Rapport général n° 138, fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 (session ordinaire 2020-2021), tome II.

* 665 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 666 Conseil d'État, avis contentieux, 5 juillet 2023, n° 471877.

* 667 Conseil d'État, Ass. 20 octobre 1989, Nicolo, n° 108243.

* 668 Directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 669 Article 24 bis de l'annexe 4 du code général des impôts.

* 670 Arrêté du 23 juillet 2020 relatif à l'abaissement du seuil des achats en détaxe.

* 671 Article 24 bis de l'annexe 4 du code général des impôts.

* 672 Rapport d'information n° 5108 en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les mécanismes de détaxe en matière de TVA, par Mohamed LAQHILA, déposé le 23 février 2022.

* 673 Ibid.

* 674 Le site internet de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) recense actuellement 17 opérateurs agréés.

* 675 Décret n° 2017-1825 du 28 décembre 2017 relatif à l'exercice de l'activité d'opérateur de détaxe mentionnée à l'article 262-0 bis du code général des impôts.

* 676 « I.- Les personnes qui interviennent, en leur nom et pour leur compte ou au nom et pour le compte des vendeurs qui leur sont affiliés, dans une opération de livraison de biens exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions mentionnées au deuxième alinéa du 2° du I de l'article 262, en transmettant à l'administration, au moyen d'une plate-forme d'échange de données informatisées certifiée par l'administration, les données électroniques des bordereaux de vente à l'exportation qu'elles émettent ou qui sont émis par les vendeurs qui leur sont affiliés doivent, pour exercer leur activité, être agréées par l'administration en tant qu'opérateur de détaxe. »

* 677 Voir le rapport d'information n° 72 (2022-2023) de M. Jean-François HUSSON.

* 678 Comité interministériel des villes, dossier de presse, 27 octobre 2023.

* 679 Dans un contrat de location-accession, qui bénéficie également du taux de TVA à 5,5 % en application du 1° du même III de l'article 278 sexies du code général des impôts, le ménage commence par louer le logement, puis a la possibilité de l'acheter. L'organisme qui met en oeuvre ce dispositif peut bénéficier d'un prêt social location-accession (PSLA). Les ressources du ménage doivent être inférieures au plafond des revenus donnant droit à un prêt locatif social, majoré de 11 % (plafond PSLA).

* 680 Rudy Salles et Jérôme Durain, «  E-Sport - La pratique compétitive du jeu vidéo », mars 2016.

* 681 Le Monde, «  E-sport : le club français Karmine Corp va intégrer l'élite européenne de League of Legends », 19 octobre 2023.

* 682 BOI-TVA-LIQ-30-20-40 (§ 50) : « Le taux normal est applicable aux spectacles suivants : (...) compétition de sport électronique (...).

* 683 Rudy Salles et Jérôme Durain, «  E-Sport - La pratique compétitive du jeu vidéo », mars 2016.

* 684 Communication faite par M. Denis Masséglia à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, au nom du groupe de travail sur l'e-sport, juillet 2019.

* 685 Amendement n°  I-5065.

* 686 BOI-TVA-LIQ-30-20-40 (§ 40).

* 687 C'est-à-dire, concernant une prestation de services, au moment où elle est effectuée (a du 1 de l'article 269 du code général des impôts).

* 688 Amendements n°  I-12 rect. bis de Mme Lavarde et n° I-236 de M. Durain.

* 689 INSEE, « L'addition est-elle moins salée ? La réponse des prix à la baisse de la TVA dans la restauration en France », Document de travail, n° F1404.

* 690 Cour des comptes, La Taxe sur la valeur ajoutée, février 2023.

* 691 CJUE, 26 octobre 2017, The English Bridge Union Limited contre Commissioners for Her Majesty's Revenue & Customs, aff. C-90/16).

* 692 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 693 CJUE, 8 mars 2012, Commission contre France, Aff. C-596/10.

* 694 BOI-TVA-SECT-80-10-30-50.

* 695 Y compris leurs prises en pension, ainsi que les opérations de monte ou de saillie, les ventes de doses (paillettes) et d'embryons et les opérations de poulinage réalisées sans intervention d'un vétérinaire.

* 696 Directive 2022/542 du Conseil du 5 avril 2022 modifiant les directives 2006/112CE et (UE) 2020/285 en ce qui concerne les taux de taxe sur la valeur ajoutée.

* 697 Amendement n°  I-5064.

* 698 CJUE, 10 novembre 2016, Pavlina Bastova, Aff. C-432/15.

* 699 Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son récent rapport sur La Taxe sur la valeur ajoutée, février 2023, soulignait les difficultés qui résultent pour le système fiscal de l'application de taux de TVA différents à plusieurs éléments d'une même prestation complexe.

* 700 Amendement n°  I-25 rect. bis.

* 701 Proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, texte adopté par le Sénat, article 25.

* 702 Elles sont précisées par le décret n° 2013-346 du 24 avril 2013 relatif aux obligations de facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée et au stockage des factures électroniques.

* 703 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 704 Article 25 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 705 Directive 2014/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics.

* 706 D'après les données transmises dans l'évaluation préalable du présent article.

* 707 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 708 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 709 Ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

* 710 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 711 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021.

* 712 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2021 relative aux lois de finances.

* 713 D'après les explications données dans l'évaluation préalable du présent article.

* 714 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 715 Sont toutefois exclues de ces dispositions l'ensemble des opérations faisant l'objet d'une mesure de classification en secret de la défense nationale.

* 716 Sont toutefois exclues les opérations couvertes par le secret de la défense nationale.

* 717 Notamment pour les livraisons de biens et les prestations de services situées en France et pour lesquelles ils sont redevables de la TVA lorsque le destinataire du bien ou le preneur du service est un assujetti ou un non assujetti, à l'exception des opérations pour lesquels les assujettis non établis recourent au guichet unique européen, dans le cadre des ventes à distance.

* 718 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 719 Ces deux articles ont trait à l'émission des factures, qui doivent pouvoir être, de droit commun, transmises et acceptées sous format papier pour les transactions entre assujettis.

* 720 Décision d'exécution (UE) 2022/133 du Conseil du 25 janvier 2022 autorisant la France à introduire une mesure particulière dérogatoire aux articles 218 et 232 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 721 Au sens du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/ CE.

* 722 Ibid.

* 723 Selon le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, un groupe TVA est la possibilité offerte à différentes entités étroitement liées entre elles sur le plan financier, économique et de l'organisation de devenir un assujetti unique à la TVA. Il concerne les personnes assujetties à la TVA qui ont en France le siège de leur activité économique ou un établissement stable ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle. Ce groupement de personnes morales permet une consolidation du paiement de la TVA.

* 724 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 725 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 726 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 10 bis, dans le  rapport n° 846 (2021-2022) du 28 juillet 2022 sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022 de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 juillet 2022.

* 727 Selon une étude réalisée par le Forum national pour la facturation électronique et reprise dans l'évaluation préalable de l'article 3 du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022. Le volume de factures moyen, tant en émission qu'en réception, s'élève en médiane à près de 2 000 factures par an.

* 728 Ibid.

* 729 Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

* 730 Insee, Estimer la TVA non recouvrée à partir des contrôles fiscaux, 16 décembre 2022.

* 731 Définie comme une fraude à la TVA organisée entre plusieurs entreprises installées dans différents États de l'Union pour obtenir le remboursement par un État d'une taxe qui n'a jamais été acquittée en amont.

* 732 Rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur la TVA à l'ère digitale, données reprises de la décision d'exécution (UE) 2021/2251 du Conseil du 13 décembre 2021modifiant la décision d'exécution (UE) 2018/593 autorisant la République italienne à introduire une mesure particulière dérogatoire aux articles 218 et 232 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 733 Commission européenne, La TVA à l'ère du numérique, 8 décembre 2022.

* 734 En grande partie du fait d'une mesure de « sincérisation », visant à actualiser le coût en tenant compte des investissements et des deux premières années de fonctionnement.

* 735 Selon les données transmises dans le projet annuel de performances de la mission « Gestion des finances publiques », annexée au présent projet de loi de finances.

* 736 Selon un sondage réalisé par la direction générale des finances publiques et repris dans l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement à l'origine du présent article.

* 737 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, communiqué de presse n° 779 « Facturation électronique : lancement d'un pilote et d'un appel à candidature », 19 avril 2023.

* 738 Décision d'exécution (UE) 2022/133 du Conseil du 25 janvier 2022 autorisant la France à introduire une mesure particulière dérogatoire aux articles 218 et 232 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 739 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route «  Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023.

* 740 Il s'agit de la réduction chimique, l'électrolyse, les procédés métallurgiques, ainsi que pour les produits taxables en tant que combustible et consommés pour les besoins d'un processus déterminé, la génération d'une substance indispensable à la réalisation de ce processus et ne pouvant être générée qu'à partir de ces produits.

* 741 Cette notion est définie à l'article 17 de la directive 2003/96/CE et concerne les entreprises dont les achats d'énergie représentent au moins 3 % de la valeur de leur production ou dont les taxes énergétiques dépassent 0,5 % de leur valeur ajoutée.

* 742 Dont un effet de décalage à hauteur de 2,1 milliards d'euros qui portera budgétairement sur l'exercice 2024 du fait du fonctionnement de l'accise.

* 743 En gras les catégories qui ont bénéficié des minorations de tarifs de l'accise en 2023.

* 744 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 745 Cette exonération était issue de l'article 26 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017. L'article 67 de la loi n°2019-1478 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a ensuite restreint l'exonération de TICGN pour le biogaz à certains usages (par exemple, lorsqu'il est utilisé comme combustible).

* 746 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 747 Rapport d'information sur les dispositifs de soutien aux consommateurs aux consommateurs d'énergie : l'usine à gaz des aides énergies, commission des finances du Sénat, Christine Lavarde, 27 juin 2023.

* 748 Considérant n° 5 de la décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987.

* 749 En cohérence avec le droit européen, la TICPE a été ainsi renommée dans le cadre de la création du nouveau code des impositions sur les biens et services instauré le 1er janvier 2022.

* 750 Hors majorations régionales.

* 751 Il s'agissait du secteur ferroviaire, de celui de la manutention portuaire, du secteur des industries extractives spécialisées dans certains matériaux à forte valeur ajoutée et du secteur agricole.

* 752 Ainsi, le tarif réduit devait être maintenu pour les engins effectuant des missions de service public en zone de montagne ou pour le transport ferroviaire tandis que l'exonération de TICPE était élargie à l'ensemble des activités de navigation intérieure à l'exception de la plaisance.

* 753 3,86 c€/L à l'époque et 3,86 €/MWh désormais.

* 754 Il s'agissait du maintien du tarif réduit pour les missions de service public en zone de montagne et le transport ferroviaire, des dispositifs spécifiques prévus en faveur de la manutention portuaire dans les ports maritimes et en faveur des industries extractives spécialisées, de l'évolution des systèmes de « pied de facture » et de l'accès direct à la pompe pour les exploitants agricoles à un carburant à tarif super-réduit.

* 755 En l'occurrence par l'article 15 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

* 756 Dans tous les cas, cela doit être fait au plus tard à la date limite de dépôt de la déclaration des résultats se rapportant à l'exercice au titre duquel la déduction est pratiquée.

* 757 Décret n° 2023-422 du 31 mai 2023 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code.

* 758 Article 151 septies du code général des impôts.

* 759 Par application d'un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 350 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 100 000 euros.

* 760 Par application, cette fois, d'un taux égal au rapport entre, au numérateur, la différence entre 126 000 euros et le montant des recettes et, au dénominateur, le montant de 36 000 euros.

* 761 Cette disposition prévue au III de l'article 151 septies du code général des impôts est précisée par voie réglementaire (décret n° 2003-1193 du 12 décembre 2003 pris pour l'application du deuxième alinéa du V de l'article 151 septies du code général des impôts et relatif à l'exonération des plus-values réalisées à l'occasion de la cession de matériels agricoles et forestiers par des entreprises de travaux agricoles ou forestiers) désormais en annexe III du CGI (Article 41-0 A).

* 762 Articles 64 bis et 69 du code général des impôts.

* 763 En application de cette disposition, le précédent seuil de 85 800 euros a été porté à 91 900 euros lors de la dernière revalorisation intervenue le 3 juin 2023.

* 764 Article 17 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

* 765 Le mode de calcul de l'intensité énergétique en valeur de production et en valeur ajoutée est présenté aux articles L. 312-43 à L. 312-46 du code des impositions sur les biens et services.

* 766 Pour rappel, l'article 65 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 prévoit une augmentation du tarif réduit sur les charbons en 2024 puis en 2025.

* 767 Pour ce faire, il propose de supprimer au 1er janvier 2027 la dernière ligne du tableau de l'article L. 312-75 du code des impositions sur les biens et services.

* 768 Qui figurait alors à l'article 8 quinquies du PLF pour 2023.

* 769 Qui avaient là aussi été mises en évidence par le rapporteur général de la commission des finances à l'occasion de l'examen au Sénat du PLF pour 2023.

* 770 Réalisée en application de l'article 301 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 771 Par la feuille de route de décarbonation de la filière véhicules lourds.

* 772 Une série d'amendements identiques prévoyaient de prolonger le dispositif de trois ans jusqu'au 31 décembre 2025.

* 773 Article 6 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme Franc dont le dossier législatif est consultable à l'adresse : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-349.html.

* 774 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005

* 775 Essences et gazoles.

* 776 I de l'article 266 quindecies du code des douanes.

* 777 II de l'article 266 quindecies du même code.

* 778 Le récent décret n° 2022-1330 du 17 octobre 2022 modifiant le décret n° 2019-570 du 7 juin 2019 portant sur la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants est venu préciser les conditions de prise en compte de cette source d'énergie dans le calcul de la TIRUERT.

* 779 Y compris pour la production de produits intermédiaires.

* 780 Aux 1 à 11 de l'article 29 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 dite directive « ENR 2 ».

* 781 Il s'agit plus spécifiquement des égouts pauvres issus des plantes sucrières et obtenus après deux extractions sucrières et amidons résiduels issus des plantes riches en amidon, en fin de processus de transformation de l'amidon.

* 782 Prévus par le tableau du C du V de l'article 266 quindecies du code des douanes.

* 783 Pour rappel, comme indiqué supra, les matières premières avancées, comme le précise le 6° du I. de l'article 266 quindecies du code des douanes, s'entendent des produits mentionnés à la partie A. de l'annexe IX de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 dite « ENR 2 ».

* 784 Soit une augmentation de 13 025 % entre 2021 et 2022.

* 785 Rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2023, Tome II fascicule 1, rapporteur général Jean-François Husson, novembre 2022, page 412.

* 786 Rapport d'information du Sénat sur le développement d'une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert, rapporteur Vincent Capo-Canellas, page 217

* 787 Article 15 de la loi n° 1508-51 du 31 décembre 1951 relative aux comptes spéciaux du Trésor pour l'année 1952.

* 788 I de l'article L. 421-1 du code des assurances.

* 789 Article L. 421-8 du code des assurances.

* 790 II de l'article L. 421-1 du code des assurances.

* 791 Article L. 421-16 du code des assurances.

* 792 Référé S2020-1916 de la Cour des comptes du 25 novembre 2020 sur le fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO) et le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

* 793 Article L. 421-4 du code des assurances.

* 794 Article A. 421-3 du code des assurances.

* 795 Celle-ci se distingue ainsi de la section « chasse ».

* 796 Article A. 421-3 du code des assurances.

* 797 Annexe aux comptes annuels de l'exercice clos le 31 décembre 2021 du fonds de garantie des victimes (FGAO et fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions).

* 798 « Michel Gougnard et Julien Rencki (FGAO) : « Le modèle financier du FGAO est structurellement déséquilibré » », Argus de l'assurance, 24 octobre 2019.

* 799 Dont les références sont détaillées à l'article L. 421-1 du code des impositions sur les biens et services.

* 800 Article R. 311-1 du code de la route.

* 801 Article R. 311-1 du code de la route.

* 802 Les précédents durcissements ont été opérés par l'article 54 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, par l'article 45 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, par l'article 51 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 et par l'article 91 de la loi n° 2018 1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 puis par l'article 55 de de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 803 Les véhicules concernés sont ceux des services déconcentrés de l'État chargés de la forêt et de l'Office national des forêts (ONF), des services des collectivités territoriales et de leurs groupements exerçant des missions de lutte contre les incendies, des associations syndicales chargées des travaux de défense contre les incendies et des comités communaux feux de forêt.

* 804 Une notion définie, en référence au droit de l'Union européenne, à l'article L. 421-23 du code des impositions sur les biens et services.

* 805 Les véhicules concernés sont ceux des services déconcentrés de l'État chargés de la forêt et de l'Office national des forêts (ONF), des services des collectivités territoriales et de leurs groupements exerçant des missions de lutte contre les incendies, des associations syndicales chargées des travaux de défense contre les incendies et des comités communaux feux de forêt.

* 806 1,9 % en 2022 et 1,7 % en 2023 d'après les données communiquées par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).

* 807 Évaluations communiquées par la DGEC.

* 808 Dans les conditions fixées par l'article L421-135 du code des impositions sur les biens et services.

* 809 Et de l'abrogation de l'article L421-61 du même code.

* 810 Barème relatif aux véhicules immatriculés en recourant à la méthode dite WLTP.

* 811 Barème relatif aux véhicules immatriculés en recourant à la méthode dite NEDC.

* 812 Barème basé sur la puissance administrative pour les véhicules ne relevant pas des méthodes d'homologation NEDC ou WLTP.

* 813 Selon le barème WLTP de l'article L. 421-120.

* 814 Une erreur matérielle entachait la rédaction initiale. Celle-ci a été corrigée dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49-3, alinéa 3 de la Constitution (voir infra).

* 815 C'est-à-dire un moteur à essence.

* 816 Prévu à l'article L. 421-77 du code des impositions sur les biens et services (voir supra).

* 817 Au 1er mars 2020, la norme WLTP de mesure des émissions de CO2 des voitures particulières neuves a succédé à la norme NEDC, en vigueur depuis 1973. La norme WLTP induit une rupture de séries dans les statistiques d'émissions : à titre d'exemple, avec la nouvelle norme, les émissions moyennes de CO2, des voitures neuves sur les mois de janvier et février 2020 sont estimées supérieures de 24 % environ à celles observées avec l'ancienne norme NEDC.

* 818 Bonus-malus automobile : la nécessaire évaluation, I4CE, septembre 2021.

* 819 LOI n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 820 Les véhicules concernés sont ceux des services déconcentrés de l'État chargés de la forêt et de l'Office national des forêts (ONF), des services des collectivités territoriales et de leurs groupements exerçant des missions de lutte contre les incendies, des associations syndicales chargées des travaux de défense contre les incendies et des comités communaux feux de forêt.

* 821 Elle était alors prévue par l'article 302 bis ZB du code général des impôts.

* 822 En l'occurrence, l'évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac du mois de novembre entre la deuxième année précédant la révision et l'année précédant la révision.

* 823 Qui était prévue à l'article 1609 septtricies du code général des impôts.

* 824 Article L. 421-184 du même code.

* 825 Le tribunal judiciaire de Nanterre s'est déclaré incompétent pour juger cette affaire le 30 août 2022.

* 826 Rapport sur l'économie des concessions autoroutières de juillet 2020, ART.

* 827 Rapport n° 709 (2019-2020) de la commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières, septembre 2020.

* 828 Dans son rapport de janvier 2023 sur l'économie des concessions autoroutières, elle estime ainsi le TRI des SCA historiques à 7,8 % et celui des SCA plus récentes à 6,3 %.

* 829 En abrogeant la sous-section 2 de la section 5 du chapitre 1er du titre II du livre IV du code des impositions sur les biens et services.

* 830 Décision n° 2023-041 du 29 août 2023 relative à la demande d'homologation des tarifs des redevances aéroportuaires applicables aux aéroports de Nice-Côte d'Azur et Cannes-Mandelieu à compter du 1er novembre 2023.

* 831 Article L. 213-8-1 du code de l'environnement

* 832 Il s'agit des personnes disposant d'un forage pour leur alimentation en eau, des personnes raccordées ou raccordables au réseau d'assainissement au titre de l'article L. 2224-12-5 du code des collectivités territoriales.

* 833 Pour les industriels au titre des rejets de polluants inférieurs au seuil de la redevance pour pollution d'origine non-domestique, l'assiette de la redevance est plafonnée à 6 000 mètres cubes. Pour les personnes qui prélèvent de l'eau sur des sources autres que le réseau de distribution dans les conditions décrites par l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, le volume d'eau prélevé sur ces autres sources est ajouté à l'assiette.

* 834 3° de l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement)

* 835 Sont également concernés les produits qui ne répondent pas aux critères des paragraphes 3.6 et 3.7 de l'annexe II du règlement n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ou dont on envisage la substitution au sens de l'article 24 du même règlement.

* 836 Le forfait est déterminé par arrêté du ministre chargé de l'environnement.

* 837 L'article L. 213-10-7 du code de l'environnement en droit existant indique seulement que les articles relatifs à la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte font l'objet d'un décret d'application. Cette disposition est intégrée aux articles L. 213-10-5 et L. 213-10-6 en droit proposé.

* 838 Voir sur le site de la préfecture de Mayotte : https://www.mayotte.gouv.fr/Actualites/EAU/Communiques-de-presse/Preservation-de-la-ressource-en-eau-limitation-de-certains-usages-de-l-eau.

* 839 D'après l'article du Monde, « Crise de l'eau à Mayotte : les lourdes responsabilités de l'Etat », du 20 octobre 2023, qui se base sur des données de la préfecture de Mayotte.

* 840 Ce qui indique d'ailleurs que le niveau du plafond mordant les années précédentes était trop bas. Pour cette raison, le Sénat avait adopté un amendement lors de l'examen en séance du projet de loi de finances pour 2023 le relevant à 2,3 milliards d'euros.

* 841 La part « non domestique » de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte (article L. 213-10-5) est très faible par rapport à la part « domestique » (L. 213-10-6). En 2022, son rendement était de 17,3 millions d'euros, ce qui représente 3 % du rendement total de la redevance pour la modernisation des réseaux de collecte.

* 842 Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

* 843 Décret n° 2022-174 du 14 février 2022 relatif à la mise en oeuvre d'opérations de valorisation de substances faiblement radioactives.

* 844 Décret n° 2022-175 du 14 février 2022 relatif aux substances radioactives éligibles aux opérations de valorisation mentionnées à l'article R. 1333-6-1 du code de la santé publique.

* 845 Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

* 846 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 847 Essences et gazoles.

* 848 I de l'article 266 quindecies du code des douanes.

* 849 II de l'article 266 quindecies du même code.

* 850 Le récent décret n° 2022-1330 du 17 octobre 2022 modifiant le décret n° 2019-570 du 7 juin 2019 portant sur la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants est venu préciser les conditions de prise en compte de cette source d'énergie dans le calcul de la TIRUERT.

* 851 Y compris pour la production de produits intermédiaires.

* 852 Aux 1 à 11 de l'article 29 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 dite directive « ENR 2 ».

* 853 Directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel et modifiant la directive 93/12/CEE du Conseil.

* 854 C'est-à-dire les émissions de GES produites sur l'ensemble du cycle de vie par unité d'énergie fournie (carburants et énergie).

* 855 Norme de base définie à l'annexe II de la directive (UE) 2015/652 du Conseil du 20 avril 2015 établissant des méthodes de calcul et des exigences de déclaration au titre de la directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil concernant la qualité de l'essence et des carburants diesel.

* 856 Directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.

* 857 Définie, par référence à un équivalent fossile, à l'annexe V de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, sur la base de données de 2010.

* 858 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil « Qualité de l'essence et des carburants diesel utilisés pour le transport routier dans l'Union européenne (Année de référence 2021) », COM(2023) 655 final.

* 859 Alexandre Gardette a remis un rapport sur la « Réforme du recouvrement fiscal et social » le 1 juillet 2019 aux ministres des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

* 860 Articles 193 et 199 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 861 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 862 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 863 Renommée, à compter du 1er janvier 2022, taxe incitative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT).

* 864 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 865 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 866 Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

* 867 Voir le commentaire de l'article 18 au sein du présent rapport pour le détail.

* 868 Cotisation prévue au a de l'article 2 du décret n°63-1104 du 30 octobre 1963 relatif au régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac.

* 869 Au même titre que les tarifs de l'aviation civile, de solidarité et de péréquation aéroportuaire.

* 870 Dont le régime juridique était prévu à l'article 1609 quatervicies du code général des impôts.

* 871 Arrêté du 15 mars 2023 fixant la liste des aérodromes et groupements d'aérodromes et le tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers applicable sur chacun d'entre eux, le taux de la minoration de ce tarif, ainsi que le tarif de péréquation aéroportuaire de cette même taxe.

* 872 Pour « Explosive Detection System ».

* 873 En application des dispositions prévues par le présent article 16 sexies.

* 874 Conformément au B du IV du présent article.

* 875 Conformément au B du IV du présent article.

* 876 Loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006.

* 877 Décret n° 2011-574 du 24 mai 2011.

* 878 Réponse publiée au Journal officiel le 7 mars 2023, page 2178.

* 879 Réponse publiée au Journal officiel le 13 septembre 2016 page 8146.

* 880 Dépense fiscale n° 730227, résultant du IV de l'article 278 sexies du code général des impôts.

* 881 Voir par exemple le IV de l' article 8 de la loi de finances initiale pour 2021, qui prévoit le reversement aux régions d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée égal au produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises perçu en 2020.

* 882 Seule une extension du dispositif « Périssol » aux logements acquis entre le 1er janvier et le 31 août 1999 est soumise à l'achèvement de la construction du logement avant le 1er juillet 2001.

* 883 Loi n°2020-935 du 30 juillet 2020.

* 884 Décret n° 2021-764 du 15 juin 2021.

* 885 La VEFA est généralement associée, en matière fiscale, à une acquisition et non à une construction. La fonction de maître d'ouvrage revient en effet au promoteur-constructeur, qui est également le titulaire du permis de construire.

* 886 Loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005.

* 887 Loi n° 76-1233 du 29 décembre 1976.

* 888 « Les finances publiques et le jeu », Thèse de doctorat de droit public, Sébastien Camillieri, 2 décembre 2008, page 215.

* 889 36 millions de francs de 1965 sont équivalents à 53,1 millions d'euros de 2022.

* 890 Tome II du rapport général fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation du Sénat, rapporteur général Marcel Pellenc, 12 novembre 1964, page 83.

* 891 Alexandre Gardette a remis un rapport sur la « Réforme du recouvrement fiscal et social » le 1 juillet 2019 aux ministres des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

* 892 Articles 193 et 199 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 893 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 894 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 895 Renommée, à compter du 1er janvier 2022, taxe incitative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT).

* 896 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 897 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 898 Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

* 899 En effet, comme pour les contributions indirectes frappant les alcools et les tabacs, le transfert à la DGFiP des contributions sur les carburants porte uniquement sur le recouvrement, le contrôle (physique ou sur pièce) demeurant de la compétence de la Douane.

* 900 Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.

* 901 Loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 902 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 903 Année la plus récente pour lesquels les montants recouvrés par la DGDDI sont connus (d'après le bilan annuel de la Douane 2022).

* 904 Cotisation prévue au a de l'article 2 du décret n°63-1104 du 30 octobre 1963 relatif au régime d'allocations viagères des gérants de débits de tabac.

* 905 Article 4 de l'arrêté du 13 décembre 2022 constatant divers tarifs et seuils de régime d'impositions relatifs à certaines impositions sur les biens et services.

* 906 Période débutant le 1er septembre et s'achevant le 31 août de l'année civile suivante (dernier alinéa de l'article L. 313-34 du CIBS).

* 907 Ainsi que l'article L. 423-55 du CIBS (voir infra).

* 908 Règles générales relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux des impositions sur les biens et services fixées à l'article L. 180-1 du CIBS, qui renvoie aux dispositions du livre II du CGI et du livre des procédures fiscales (LPF) propres à l'imposition concernée et à celles applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

* 909 Ainsi que le 3° du VII de l'article 1647 du CGI (voir infra).

* 910 À l'exception du tarif de l'aviation civile constituant l'un des éléments de cette taxe.

* 911 Ainsi que l'article L. 422-39 du CIBS (voir supra).

* 912 Ainsi que le 1° du VII de l'article 1647 du CGI (voir supra).

* 913 Évaluation des voies et moyens - Annexe au projet de loi de finances pour 2024. Tome 1 - Les évaluations de recettes.

* 914 Exposé des motifs de l'article 18 du projet de loi de finances pour 2024.

* 915 Alexandre Gardette, « Réforme du recouvrement fiscal et social », rapport précité.

* 916 Évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2024.

* 917 Alexandre Gardette, « Réforme du recouvrement fiscal et social », rapport précité.

* 918 Alexandre Gardette, « Réforme du recouvrement fiscal et social », rapport précité.

* 919 Exposé des motifs de l'article 18 du projet de loi de finances pour 2024.

* 920 Évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2024.

* 921 À laquelle s'ajouterait l'exonération de cotisation de sécurité sociale sur les boissons alcooliques.

* 922 Directive (UE) 2020/1151 du Conseil du 29 juillet 2020 modifiant la directive 92/83/CEE du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques.

* 923 Évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2024.

* 924 Inserm, Réduction des dommages associés à la consommation d'alcool, 2021.

* 925 Cour des comptes. Les politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool, juin 2016.

* 926 OFDT. Drogues et addictions, données essentielles, 2019.

* 927 Conseil constitutionnel, décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.

* 928 Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 929 Loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution.

* 930 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 931 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 932 Rapport d'information n° 72 (2022-2023) de M. Jean-François Husson fait au nom de la mission d'information de la commission des finances contre la fraude et l'évasion fiscales, déposé le 25 octobre 2022.

* 933 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route «  Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023.

* 934 Ce qui inclut également les biens en provenance des territoires visés à l'article 256-0 du code général des douanes, c'est-à-dire les territoires attachés à un État membre de l'Union européenne mais non membres du marché unique, par exemple les Canaries pour l'Espagne, les îles Åland pour la Finlande ou encore l'île d'Helgoland pour l'Allemagne.

* 935 Régime douanier qui confère à une marchandise tierce le statut de marchandise communautaire après application des mesures de politique commerciale ou d'autres formalités prévues pour l'importation.

* 936 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 937 Pour davantage de détails sur les règles de TVA en matière de ventes à distance, se reporter au III du présent article sur le dropshipping.

* 938 Article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 939 Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant la directive 2006/112/CE et la directive 2009/132/CE en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens.

* 940 Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017, op.cit.

* 941 Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme.

* 942 Directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures.

* 943 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 944 Arrêté du 20 avril 2022 fixant le niveau de la garantie financière prévue au 3° du A du IV de l'article 289 A du code général des impôts.

* 945 Inspection générale des finances, Sécurisation du recouvrement de la TVA, 2019.

* 946 Règlement délégué (UE) 2015/2446 de la Commission du 28 juillet 2015 complétant le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil au sujet des modalités de certaines dispositions du code des douanes de l'Union.

* 947 Production simultanée de deux formes d'énergie dans la même installation.

* 948 Article 95 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 949 Directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables (refonte).

* 950 D'après les informations mises à disposition par EDF.

* 951 L'effacement désigne le fait de modérer volontairement la consommation d'électricité.

* 952 Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

* 953 Cour des comptes, Rapport public annuel 2012, «  La fraude à la TVA sur les quotas de carbone », février 2012.

* 954 Rapport d'information n° 72 (2022-2023) de M. Jean-François Husson fait au nom de la mission d'information de la commission des finances contre la fraude et l'évasion fiscales, déposé le 25 octobre 2022.

* 955 Insee, Estimer la TVA non recouvrée à partir des contrôles fiscaux, 16 décembre 2022.

* 956 Article 147 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et article 51 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 957 Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017, op.cit.

* 958 Article 51 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 959 Directive (UE) 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017, op.cit.

* 960 Selon des données reprises dans Les Échos, «  TVA sur l'e-commerce : Bercy se prépare au big bang du 1er  juillet », 22 avril 2021.

* 961 Cette disposition définit les assujettis qui sont réputés avoir acquis et livrés des biens. Sont visés les assujettis qui facilitent, par l'utilisation d'une interface électronique, les ventes à distance de biens importés de pays tiers contenus dans des envois d'une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 euros.

* 962 Règlement d'exécution (UE) 2015/2447 de la Commission du 24 novembre 2015 établissant les modalités d'application de certaines dispositions du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l'Union.

* 963 Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l'Union.

* 964 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route «  Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023.

* 965 Le Monde, «  Des dropshippeurs français échappent à la TVA grâce à une faille dans la loi », 11 juillet 2023.

* 966 Ibid.

* 967 Article 6 de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

* 968 Conseil d'État, Étude commandée par le Premier ministre sur les pouvoirs d'enquête de l'administration, 20 juillet 2021.

* 969 Au sens du i de l'article 3 du règlement (UE) n° 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE.

* 970 Au sens du m de l'article 3 du règlement précité.

* 971 Article 102 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 972 Voir en particulier le rapport n° 481 (2016-2017) du 29 mars 2017, « La fiscalité de l'économie collaborative : un besoin de simplicité, d'unité et d'équité », fait par MM. Éric Bocquet, Michel Bouvard, Michel Canevet, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, André Gattolin, Charles Guené, Bernard Lalande et Albéric de Montgolfier, au nom de la commission des finances du Sénat.

* 973 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 974 Directive (UE) 2021/514 du Conseil du 22 mars 2021 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal.

* 975 Inspection générale des finances, Sécurisation du recouvrement de la TVA, 2019.

* 976 Article 88 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

* 977 Pour davantage de détails sur ces dispositifs ainsi que sur les enjeux soulevés en matière de conformité avec le droit européen et de compatibilité avec la liberté fondamentale d'expression et de communication, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 12 du rapport n° 614 (2022-2023) fait par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances sur le projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, déposé le 17 mai 2023.

* 978 Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

* 979 Loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

* 980 Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

* 981 Aux fins d'adapter le droit français aux règlements (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l'application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004 et (UE) 2019/1020 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, et modifiant la directive 2004/42/CE et les règlements (CE) n° 765/2008 et (UE) n° 305/2011.

* 982 Pour une discussion détaillée, se reporter au commentaire de l'article 12 du rapport n° 614 (2022-2023) fait par M. Albéric de Montgolfier, op.cit.

* 983 Règlement (UE) n° 2022/2065 précité.

* 984 Au sens du j de l'article 3 du règlement précité.

* 985 Défini par le nouvel article L80 P du LPF comme tout service de communication au public en ligne consistant en la fourniture d'informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels.

* 986 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022.

* 987 Pour une discussion détaillée, se reporter au commentaire de l'article 12 du rapport n° 614 (2022-2023) fait par M. Albéric de Montgolfier, op.cit.

* 988 Conseil constitutionnel, Commentaire de la décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022.

* 989 Référé-suspension et référé-liberté.

* 990 Cour des comptes, Note thématique - «  Garantir l'efficacité des aides de l'État aux entreprises pour faire face aux crises », 7 juillet 2023.

* 991 Selon les données transmises par la Cour des comptes, dans son rapport sur «  Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation ». Communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, juillet 2021.

* 992 Cour des comptes, «  Les dépenses publiques pendant la crise et le bilan opérationnel de leur utilisation ». Communication à la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, juillet 2021.

* 993 Cour des comptes, Note thématique - «  Garantir l'efficacité des aides de l'État aux entreprises pour faire face aux crises », 7 juillet 2023.

* 994 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, «  Bilan de la lutte contre des fraudes fiscale, douanière et sociale : les chiffres-clés de l'année 2022 », communiqué de presse du 23 février 2023.

* 995 Administrations de l'État, collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale.

* 996 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route «  Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023.

* 997 Cour des comptes, Note thématique - «  Garantir l'efficacité des aides de l'État aux entreprises pour faire face aux crises », 7 juillet 2023.

* 998 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 999 52,4 % des contrôles menés en 2022 sont issus de l'analyse de données nationales.

* 1000 Il convient toutefois de noter qu'aucun contrôle n'est programmé « automatiquement ». Des anomalies sont détectées et transmises aux services de contrôle, en administration centrale comme en région. À charge ensuite aux contrôleurs d'infirmer ou de confirmer les anomalies relevées.

* 1001 Pour une discussion détaillée de ces enjeux, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 57 du projet de loi de finances pour 2020 dans le rapport général n° 140 (2019-2020), tome III, fait par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.

* 1002 Commission nationale de l'informatique et des libertés, délibération n° 2019-114 du 12 septembre 2019 portant avis sur le projet d'article 9 du projet de loi de finances pour 2020.

* 1003 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, considérants 75 à 96.

* 1004 Le délai de trois ans prévu pour l'expérimentation n'a commencé à courir qu'à compter du lendemain de la publication du décret n° 2021-148 du 11 février 2021 portant modalités de mise en oeuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l'exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne.

* 1005 Pour les éléments détaillés, le lecteur est invité à se reporter au rapport d'information n° 72 (2022-2023) de M. Jean-François Husson fait au nom de la mission d'information de la commission des finances contre la fraude et l'évasion fiscales, déposé le 25 octobre 2022.

* 1006 Au sens du i de l'article 3 du règlement (UE) n  2022/2065.

* 1007 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

* 1008 Les équipes techniques avaient ainsi expliqué aux membres de la mission d'information qu'il fallait plusieurs centaines d'exemples et de contre-exemples d'annonces pour construire un modèle pertinent. Le faible nombre d'annonces disponibles, du fait des restrictions d'accès à plusieurs plateformes, ne permet pas de disposer d'un nombre suffisant d'exemples exploitables pour la phase d'apprentissage du modèle.

* 1009 Audition de la mission d'information de la commission des finances du Sénat sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, mars 2022.

* 1010 Commission nationale de l'informatique et des libertés, délibération 2023-090 du 21 septembre 2023.

* 1011 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, considérant 96.

* 1012 Article 36 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 1013 Issu de la transformation du service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF).

* 1014 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 1015 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016.

* 1016 Cour de justice de l'Union européenne, arrêt BV en date du 5 mai 2022.

* 1017 Cour de Cassation, chambre criminelle, numéro de pourvoi 19-80.689, 22 mars 2023.

* 1018 L'article 40 du code de procédure pénale dispose que le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il impose également à toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui s'y rapportent.

* 1019 Pour toutes les sanctions, il s'agit d'une durée de cinq ans au plus.

* 1020 Commission des finances du Sénat, mission d'information relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

* 1021 OCDE, «  En finir avec les montages financiers abusifs : réprimer les intermédiaires qui favorisent les délits fiscaux et la criminalité en col blanc », 25 février 2021.

* 1022 Réponse de M. Thomas Cazenave, ministre délégué aux comptes publics, à la question écrite n° 7339 de Mme la députée Charlotte Leduc. Réponse apportée le 19 septembre 2023.

* 1023 Cabinets de défiscalisation, professionnels du droit et du chiffre, personnes ou structures commercialisant des montages illégaux.

* 1024 Réponse à la question écrite précitée.

* 1025 Voir par exemple Les Échos, «  Le gouvernement veut créer un délit de « promotion de la fraude » fiscale et sociale », 20 septembre 2023.

* 1026 Voir par exemple : Conseil constitutionnel, décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet. Le Conseil constitutionnel soumet alors expressément les atteintes à la liberté d'expression et de communication à un contrôle entier de proportionnalité, à savoir le degré de contrôle le plus exigeant.

* 1027 Commentaire par le Conseil constitutionnel de la décision n° 2022-1016 QPC du 21 octobre 2022.

* 1028 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route «  Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023.

* 1029 Conseil d'État, décision n° 13072 du 19 décembre 1979.

* 1030 Conseil d'État, décision n° 377855 du 30 décembre 2015, réaffirmé dans la décision n° 449087 du 7 mars 2022.

* 1031 Voir par exemple le commentaire de la décision n° 2018-745 QPC du 23 novembre 2018.

* 1032 Déficits constatés pour une année sur une catégorie de revenus, comme par exemple les déficits fonciers (I de l'article 156 du code général des impôts).

* 1033 Il s'agit notamment du trafic de stupéfiants, des crimes en matière de fausse monnaie, de trafics d'armes, de délits à la règlementation sur les alcools et le tabac ou encore de délits de contrefaçon.

* 1034 Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Feuille de route «  Lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques », mai 2023.

* 1035 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016 et décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016.

* 1036 Pour davantage de détails sur le cumul des sanctions administratives et pénales, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 20 du présent projet de loi.

* 1037 Pour davantage de détails, se reporter au commentaire de l'article 20 du présent projet de loi.

* 1038 Cour de Cassation, chambre criminelle, numéro de pourvoi 19-80.689, 22 mars 2023.

* 1039  Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2022, OCDE, 20 janvier 2022.

* 1040 Projet de loi de finances pour 2024, renforcement des obligations documentaires et du contrôle des prix de transfert, Elfie Ossard-Quintaine et Nadia Sabin, Ernst and Young, 24 octobre 2023.

* 1041 Bulletin officiel des finances publiques

* 1042 CE, arrêt du 28 novembre 1986, n° 66295.

* 1043 CE, arrêt du 29 mars 1978, n° 4460.

* 1044 Article 174 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 1045 Ou, selon le cas, de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

* 1046 Ou, selon le cas, de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

* 1047 Arrêté du 28 janvier 2021 portant création du service national de l'enregistrement.

* 1048 Benjamin Ricou, JurisClasseur Procédures fiscales. Fasc. 130 : Sources du droit fiscal. - Sources internes. - Normes adoptées par l'autorité réglementaire en matière fiscale, septembre 2020.

* 1049 Ibid. pour le détail.

* 1050 Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration.

* 1051 Plusieurs conditions de rattachement à l'Union européenne sont définies : constitution dans un État membre, résidence dans un État membre à des fins fiscales, enregistrement auprès d'une institution professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil dans au moins un État membre, situation ou exercice de la profession sur le territoire d'au moins un État membre.

* 1052 Article 1er de la directive précitée.

* 1053 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 1054 Ordonnance n° 2019-1068 du 21 octobre 2019 relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration.

* 1055 Article 53 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 1056 Directive (UE) 2020/876 du Conseil du 24 juin 2020 modifiant la directive 2011/16/UE afin de répondre au besoin urgent de reporter certains délais pour la déclaration et l'échange d'informations dans le domaine de la fiscalité en raison de la pandémie de COVID-19.

* 1057 Aux termes de cet article, « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

* 1058 Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE.

* 1059 Conseil d'État, n° 448486, 25 juin 2021.

* 1060 Telle que modifiée par la direction (UE) 2018/822 du 25 mai 2018 (« DAC 6 »).

* 1061 Cour de justice de l'Union européenne, C-694/20 | Orde van Vlaamse Balies e.a, 8 décembre 2022.

* 1062 Éléments tels que repris dans la décision n° 448486 du Conseil d'État, 14 avril 2023.

* 1063 Ibid.

* 1064 Rapport d'information n° 72 (2022-2023) de M. Jean-François Husson fait au nom de la mission d'information de la commission des finances contre la fraude et l'évasion fiscales, déposé le 25 octobre 2022.

* 1065 Article 11 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 1066 Article 18 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 1067 Selon les informations contenues dans le rapport d'activité 2022 de la direction générale des finances publiques.

* 1068 Conseil constitutionnel, décision n° 2021-980 QPC du 11 mars 2022.

* 1069 Article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 1070 Article 21 de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* 1071 Article 175 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 1072 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 1073 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 1074 Aux termes de l'article 1751 A du code général des impôts, la divulgation des noms et prénoms de ces agents ou de tout élément permettant de les identifier ou de les localiser est punie des peines prévues au IV de l'article 15-4 du code de procédure pénale, c'est-à-dire de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, portés à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende si la révélation a entrainé des violences à l'encontre de l'agent ou de ses proches, et à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende si elle a entrainé la mort de l'agent ou de l'un de ses proches.

* 1075 Article 6 de la loi n° 2016-1691 du décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

* 1076 Pour davantage de détails sur cette prérogative, se reporter au commentaire de l'article 23 sexies du présent projet de loi.

* 1077 Arrêté du 25 janvier 2021 relatif aux modalités d'attribution de l'indemnité prévue à l'article L.10-0 AC du livre des procédures fiscales.

* 1078 Décret n° 2021-61 du 25 janvier 2021 pris pour l'application de l'article L. 10-0 AC du livre des procédures fiscales.

* 1079 Cour des comptes, Communication au Premier ministre, «  La fraude aux prélèvements obligatoires », novembre 2019.

* 1080 L'article 226-13 du code pénal dispose que la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. L'article 226-14 du même code dispose que l'article 226-13 précité n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.

* 1081 Directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.

* 1082 Obligation introduite par l'article 134 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 1083 Rapport annuel de la Commission des infractions fiscales à l'attention du Gouvernement et du Parlement, 2013.

* 1084 Document de politique transversale, annexe au projet de loi de finances pour 2024, Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes natures et de cotisations sociales.

* 1085 Le contribuable doit néanmoins reverser les intérêts moratoires qu'il a perçus lorsque la cour administrative d'appel annule un jugement du tribunal administratif et rétablit l'impôt (CAA Paris, 28 mars 2000, n° 98PA4276, Sté Semarelp).

* 1086 À condition que cette réclamation auprès du service des impôts ait donné lieu à la rédaction d'un document signé par le contribuable comportant l'indication de l'objet et des motifs de la demande.

* 1087 Bulletin officiel des finances publiques, BOI-CTX-DG-20-50-10.

* 1088 Article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 1089 Article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 1090 Article L. 2222-6 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 1091 Article L. 2222-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 1092 Article L. 2222-9 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 1093 Article L. 3211-18 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 1094 Article 41 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 1095 Amendements respectivement déposés par le député Christophe Plassard et plusieurs de ses collègues, le député Jean-Michel Jacques et plusieurs de ses collègues et la députée Josy Poueyto et plusieurs de ses collègues.

* 1096 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 1097 Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-854 DC du 28 juillet 2023.

* 1098 Conseil constitutionnel, décision n° 76-64 DC du 2 juin 1976.

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