EXAMEN EN COMMISSION

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14 FÉVRIER 2024

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons à présent le rapport de notre collègue Agnès Canayer sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous voilà réunis pour la troisième fois en seize mois pour débattre de la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

L'IVG est entrée dans notre droit grâce à l'engagement de Simone Veil qui a fait adopter la loi du 17 janvier 1975 visant à inscrire dans le code de la santé publique le droit pour la femme enceinte qui ne veut pas poursuivre sa grossesse d'en demander l'interruption auprès d'un médecin ou d'une sage-femme. Ce droit à l'IVG a été renforcé à de nombreuses reprises depuis lors. Vous connaissez comme moi les réformes qui ont permis d'allonger les délais, notamment jusqu'à quatorze semaines en 2022. Cette même année, 234 000 IVG ont été pratiquées en France, soit un taux encore jamais atteint.

Le 19 octobre 2022, le Sénat a rejeté la proposition de loi de Mélanie Vogel et ses collègues du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires qui visait à inscrire à l'article 66-2 de la Constitution le fait que nul ne peut porter atteinte au droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Le 1er février 2023, soit quelques mois plus tard, le Sénat a adopté la proposition de loi des députées Mathilde Panot et Aurore Bergé qui visait également à inscrire à l'article 66-2 de la Constitution l'accès effectif et égal au droit à l'interruption volontaire de grossesse, mais en la modifiant, sur l'initiative de notre collègue Philippe Bas. Le texte remanié prévoyait ainsi d'ajouter à l'article 34 de la Constitution la formulation suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. »

Nous nous retrouvons donc pour une troisième tentative : il s'agit, sur l'initiative du Gouvernement, d'inscrire à l'article 34 de la Constitution le principe selon lequel « la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Certaines questions restent d'actualité et nous en avons déjà débattu. Premièrement, faut-il consacrer dans la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse ? Deuxièmement, cette consécration garantira-t-elle véritablement un accès effectif sur le territoire de toutes les femmes à l'interruption volontaire de grossesse ?

Sur ce second point, il y a consensus : ce n'est pas la constitutionnalisation du droit à l'interruption volontaire de grossesse ou de la liberté d'y recourir qui rendra plus effectif son accès. En effet, les difficultés en la matière relèvent davantage de la désertification médicale, du moindre coût du remboursement des actes médicaux, du manque de prévention, d'éducation et de sensibilisation, ainsi que du manque de moyens pour les centres de santé sexuelle et pour le Planning familial. Or, ces dispositions relèvent non pas de la Constitution, mais du domaine réglementaire, voire législatif lorsqu'il s'agit des moyens financiers.

L'inscription dans la Constitution de la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse sera-t-elle une garantie absolue contre toute remise en cause de l'IVG ? Si nous pouvons admettre, en suivant l'avis du Conseil d'État, que nous consacrerions la liberté de recourir à l'IVG, en l'inscrivant noir sur blanc dans le texte de la Constitution, force est de constater que cela ne garantirait pas sa protection de manière absolue.

De plus, la consécration de cette liberté par son inscription dans la Constitution aurait des effets juridiques limités. En effet, une révision constitutionnelle peut toujours se défaire par une autre révision constitutionnelle, et la Constitution de 1958 a déjà été révisée à vingt-quatre reprises. Ainsi, s'il devait y avoir un changement de régime politique remettant en cause la liberté de recourir à l'IVG, ce qui n'est pas le cas puisque pour l'instant aucun parti politique ne le revendique en France, la Constitution serait balayée et n'apporterait aucune garantie.

Je souligne qu'aucun pays dans le monde n'a inscrit de manière positive la reconnaissance de la liberté de recourir à l'IVG dans un texte constitutionnel. Cette consécration symbolique ne renforcerait pas la protection d'un droit qui est déjà largement protégé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci s'est en effet prononcé à quatre reprises sur le sujet en rattachant le droit de recourir à l'IVG à la liberté de la femme dont le principe est consacré à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Une protection constitutionnelle existe donc déjà, qui résulte, d'une part, des textes formant le bloc de constitutionnalité, et, d'autre part, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je précise que celui-ci se considère comme libre de son interprétation à l'égard du Conseil d'État et des débats parlementaires.

Si d'un point de vue strictement juridique l'inscription de la liberté de recourir à l'IVG ne se justifie pas pleinement, nous pouvons toutefois constater que la donne politique a changé. En effet, le vote des députés a été plus que majoritaire pour adopter le texte proposé par le Gouvernement. Par ailleurs, l'initiative est désormais gouvernementale et non plus parlementaire. La procédure de révision constitutionnelle ne sera donc pas la même puisque, en vertu de l'article 89 de la Constitution, l'initiative parlementaire rend obligatoire le recours au référendum, alors que, dans le cas présent, le Président de la République aurait le choix entre le référendum ou la réunion du Congrès à Versailles. Nous savons déjà que c'est cette dernière option qui serait choisie si les deux assemblées adoptent le texte dans des termes identiques.

L'accroche du texte a également changé. Alors que les différentes propositions de loi que nous avions examinées visaient à introduire l'inscription de cette liberté à l'article 66-1 de la Constitution, dans un titre consacré aux libertés individuelles, le projet de loi prévoit de la rattacher à l'article 34, comme l'avait proposé le Sénat. Il s'agit là de la moins mauvaise des solutions, car cet article de procédure donne compétence au législateur pour intervenir en matière de libertés publiques, ce qu'est précisément le droit à l'IVG.

Le garde des sceaux considère que la formulation, telle qu'elle est proposée, recouvre 95 % de ce qu'avait proposé le Sénat. Il s'agit, en effet de reconnaître une liberté à la femme. Toutefois, les 5 % non couverts n'ont rien de neutre. Le remplacement de l'expression « mettre fin à sa grossesse » par le terme technique d'« IVG » fait référence à la loi Veil, de sorte que nous pouvons accepter ce compromis. Quant à la notion de « liberté garantie », elle pose davantage problème, car le terme « garantie », s'il est utilisé à plusieurs reprises dans la Constitution ou dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, est toujours attaché à un sujet, que ce soit la société, la Nation ou la Constitution. Or, ce n'est pas le cas ici, de sorte qu'une incertitude plane.

En outre, l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prévoit que toutes les libertés inscrites dans la Constitution sont garanties. Le texte du projet de loi est donc forcément redondant. Quand bien même il y aurait une utilité réelle à utiliser l'expression de « liberté garantie », il faudrait se poser la question de ses effets juridiques. Or, il s'agit à mon sens d'un ovni juridique, dont on ne sait pas s'il créera des droits opposables ou non. On ne sait pas non plus comment le Conseil constitutionnel interprétera la notion afin de censurer les lois qui viendraient, par exemple, limiter les délais de recours à l'IVG. Rien n'indique que le Conseil constitutionnel, qui se considère comme autonome et indépendant dans ses interprétations de la Constitution, n'aura recours à un tel concept. Les incertitudes juridiques sont donc trop nombreuses pour que l'on puisse considérer la rédaction proposée comme satisfaisante.

Par conséquent, nous pouvons prendre acte du vote exprimé en février 2023 par une majorité de sénateurs pour inscrire dans la Constitution la liberté de recourir à l'IVG. Cependant, le texte proposé par le Gouvernement reprend une rédaction proche, mais pas tout à fait identique à celle que le Sénat avait proposée. Enfin, nous devons constater que le texte qui sera soumis au débat dans l'hémicycle sera, en vertu de la procédure définie à l'article 89 de la Constitution, obligatoirement issu du Gouvernement.

Je propose donc que la commission considère qu'il n'y a pas lieu de se déclarer défavorable, en l'état, à l'adoption du projet de loi constitutionnelle Et que sous les réserves énoncées et dans l'attente des débats qui auront lieu en séance publique, la commission prenne acte du texte présenté par le Gouvernement.

M. Philippe Bas- Je précise que, l'an dernier, je n'ai pas proposé d'amender la proposition de loi Panot-Bergé, mais que j'ai fait une contre-proposition. Il n'y a pas un mot de commun entre le texte adopté par le Sénat et celui qui lui avait été transmis par l'Assemblée nationale. Le Sénat ne s'est pas inscrit dans un processus conditionné par la réflexion de l'Assemblée nationale, mais il a substitué une contre-proposition au texte initialement proposé.

En écrivant à l'article 34 de la Constitution que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse », nous avons, sur ma proposition, voté que la Constitution garantira le respect de l'équilibre de la loi Veil, qui a permis l'acceptation progressive de l'interruption volontaire de grossesse par la société française. Cette acceptation est désormais acquise, si bien que l'IVG n'est pas menacée dans notre pays.

En quoi consiste cet équilibre ? Les exigences posées par le Conseil constitutionnel le définissent, qui prévoient, d'un côté, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, principe de valeur constitutionnelle, et, de l'autre, le respect de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont découle la liberté de la femme. Le Conseil constitutionnel vérifie lui-même que cet équilibre sans lequel l'IVG ne serait pas acceptée dans la société française est bien respecté par toute loi qui modifierait le régime qui définit ce droit : c'est la décision du 27 juin 2001.

Il est vrai qu'à force de législations successives qui sont toutes allées dans le même sens, nous sommes arrivés, de mon point de vue, à la limite au-delà de laquelle cet équilibre serait compromis. Le délai des quatorze semaines y participe tout comme la prise en compte spécifique d'affections psychosociales au titre de l'avortement thérapeutique.

Je crois qu'il est très important, puisque nous réfléchissons à une inscription de la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse dans la Constitution, de bien prendre en compte le fait que quand le texte constitutionnel prévoit que le législateur détermine les conditions de cette liberté, cela signifie qu'il en détermine également les limites. Il n'est rien d'étonnant à cela, car aucune liberté, quel que soit le texte où elle est inscrite, n'est dépourvue de limites. C'est le régime constitutionnel de toute liberté que d'être protégée tout en connaissant des limites. En renvoyant au législateur le soin de fixer les conditions d'exercice de la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse, le constituant lui imposerait en réalité de faire respecter cet équilibre fondamental auquel le Conseil constitutionnel veille déjà.

Nous avons pu vérifier, lors de l'audition du garde des sceaux, hier, que dans le cadre de cette inscription constitutionnelle, le législateur garderait une grande liberté d'action dans un sens comme dans l'autre. Dans sa décision de 2001, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs établi que l'équilibre devait être respecté en l'état des connaissances scientifiques. Si celles-ci devaient évoluer au sujet du développement de la personne humaine en gestation, la législation pourrait donc en tenir compte, tout en respectant l'équilibre fondamental de la loi Veil.

Je considère que le texte adopté par le Sénat l'an dernier est meilleur que celui que propose le Gouvernement et que l'Assemblée nationale a voté. En effet, son écriture est plus élégante, ce qui devrait compter quand il s'agit de la plume du constituant. De plus, une sorte de verrue a poussé dans le texte, après son dépôt par le Gouvernement et son adoption par l'Assemblée nationale. Il s'agit du mot « garantie » qui figure dans la phrase : « la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie de la femme de mettre fin à sa grossesse. ».

Ma critique ne porte pas sur le fait que cet ajout n'est pas suave à l'oreille, mais le seul effet utile qu'il pourrait avoir serait de déplacer du législateur vers le juge l'appréciation des moyens à mettre en oeuvre pour assurer l'effectivité de cette garantie de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse. Autant je considère que les conditions ne sont pas remplies pour assurer l'égal accès des femmes à l'IVG, autant il me semble que ce n'est pas au juge d'apprécier, dans le cadre d'un recours, ce que devraient être les moyens mis en oeuvre par la République pour assurer la garantie de ce droit. Par conséquent, l'ajout du mot « garantie » aurait pour effet que le juge déciderait lui-même comment ce droit doit être garanti par les moyens mis en oeuvre pour l'assurer. Or, cela n'est pas conforme à la séparation des pouvoirs et à l'ordre constitutionnel français. Aucune liberté ni aucun droit énoncé dans le corps même de la Constitution n'est assorti du mot « garantie ».

Le garde des sceaux nous a dit, hier, que l'Assemblée nationale souhaitait l'inscription de ce mot dans le processus de révision de la Constitution. Mais ce n'est pas là un argument de fond. Soit cet ajout ne sert à rien, soit il induit une perturbation dans notre ordre constitutionnel aux dépens des droits du Parlement et du Gouvernement.

Je souscris aux analyses du rapporteur.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - L'audition du garde des sceaux, hier, nous a déjà donné l'occasion de débattre sur ce sujet. Nous saluons l'exigence et la rigueur de la rapporteure et j'entends les arguments de Philippe Bas. Si le droit à l'IVG est un jour inscrit dans la Constitution, celui-ci y aura contribué. Je connais son attachement au parcours du texte de Simone Veil.

Le texte qui a été voté l'an dernier par le Sénat et celui qui nous est transmis par l'Assemblée nationale se ressemblent incontestablement. Ils prévoient tous les deux que l'ajout se fera à l'article 34 et ils reprennent une formulation similaire. Quant à la liberté de conscience, elle ne semble pas poser de problème.

Comme je l'ai dit hier, il n'est pas exact de prétendre que le droit d'accès à l'IVG est garanti aujourd'hui. En effet, il ne faut pas confondre une décision du Conseil constitutionnel selon laquelle une loi n'est pas inconstitutionnelle avec le fait que le principe serait désormais protégé.

J'entends les critiques qui portent sur l'emploi du terme « garantie ». La Constitution garantit déjà de nombreux droits. Faut-il préciser qu'une liberté spécifique est garantie alors que la Constitution le prévoit déjà de manière globale et sans le spécifier ? On peut en discuter, mais ce serait aller très loin dans l'exégèse du sujet.

Le texte proposé ne pose pas de problème juridique. Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain y sont favorables et notent l'effort de réflexion et de contribution de la majorité sénatoriale sur le sujet.

Mme Mélanie Vogel. - Comme je l'ai dit hier lors de l'audition du garde des sceaux, il n'est pas exact de dire que ce projet de loi recouvre à 95 % le texte qu'avait proposé le Sénat, car il le fait plutôt à 105 %. Il reprend l'intégralité de ce que voulait le Sénat, dont l'emplacement et le fait de laisser au législateur le soin de déterminer les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté. Il ajoute en outre le mot « garantie ».

Comme Agnès Canayer l'a rappelé, la notion de garantie figure à plusieurs endroits de la Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais toujours attachée aux mots « droit » ou « liberté ». À plusieurs endroits, il est même précisé que c'est la Constitution qui garantit tel ou tel droit ou liberté.

Ajouter le mot « garantie » dans ce processus de révision constitutionnelle aurait seulement pour effet de préciser le sens de cette révision, à savoir mettre la liberté de recourir à l'IVG au même niveau que d'autres libertés garanties constitutionnellement, et pas moins haut. Si nous ne le faisions pas, il subsisterait un doute. En procédant à cet ajout, nous assurerions à la liberté de recourir à l'IVG un régime identique aux autres droits et libertés garantis par la Constitution, étant entendu qu'il n'existe pas, en effet, de droit absolu, opposable et inconditionnel et que toutes les libertés et tous les droits restent encadrés et limités par la loi.

Enfin, l'avis du Conseil d'État est clair. Faisons-lui confiance sur l'interprétation qu'il donne de cette révision constitutionnelle : il n'y aura aucune obligation pour le législateur de modifier la loi et les équilibres actuels pourront demeurer.

Mme Dominique Vérien. - Sans refaire le débat d'hier, les arguments très justes de Philippe Bas m'ont rappelé la discussion que nous avions eue, en 2018, lors de l'examen du texte sur les violences sexuelles et sexistes, au sujet d'un amendement visant à inscrire l'interdiction de toute relation entre une personne majeure et un mineur de moins de 13 ans. Philippe Bas nous avait alors expliqué pourquoi, en droit, il n'était pas possible de voter cet amendement. Deux ans plus tard, le livre intitulé La Familia grande était publié, la société évoluait et l'interdiction a été votée pour les mineurs de moins de 15 ans. Cela montre que parfois la société est plus forte que le droit, obligeant celui-ci à s'adapter à elle. Je pense que c'est ce qui se passe aujourd'hui.

M. Olivier Bitz- Je remercie notre rapporteur qui a su trouver les moyens de nous rassembler autour d'une position commune.

J'observe avec satisfaction la grande maturité de notre système politique. Alors que nous n'avons que peu de points communs avec certains groupes politiques de l'Assemblée nationale, nous parvenons tout de même à faire en sorte qu'un texte chemine entre nos deux chambres, qui devrait être adopté par le Congrès.

Concernant le débat sur la rédaction du texte, il me semble que, au moment où le juge devra se prononcer sur ces dispositions, il en fera exactement ce qu'il voudra, quoi que l'on écrive dans la Constitution. Chacun sait que la capacité créatrice du juge peut rapidement se libérer des dispositions textuelles, y compris pour fonder des normes de valeur constitutionnelle.

Mme Marie Mercier. - Je ne peux pas laisser dire que la clause de conscience ne pose aucun problème. En effet, j'ai entendu le président du conseil de l'ordre de mon département ainsi que des membres de son bureau au sujet du mot « garantie ». Or, les médecins m'ont dit qu'il fallait absolument que le mot porte aussi sur la clause de conscience. Le droit à l'IVG n'est pas menacé en France, mais on considère qu'il pourrait l'être dans l'avenir. Pourquoi cela ne vaudrait-il pas aussi pour la clause de conscience ?

Il faut aussi évoquer le cas des anesthésistes, qui interviennent autant pour les césariennes que pour les IVG. Nous manquons cruellement d'anesthésistes, de sorte que certaines IVG ne peuvent pas avoir lieu et que nous devons faire appel à des anesthésistes qui viennent d'Allemagne ou d'Italie et qui refusent, pour des raisons d'ordre religieux, d'intervenir dans le cadre de ce type d'opération. J'ai aussi entendu des gynécologues qui m'ont dit pratiquer des IVG, quelle que soit leur religion, mais jamais de gaieté de coeur. Toutefois, certains d'entre eux, de confession musulmane, refusent de le faire.

Si nous discutons de l'inscription dans la Constitution de la liberté de conscience, c'est sans doute parce que nous avons porté à quatorze semaines, soit seize semaines d'aménorrhée le délai pour réaliser cet acte. Or, après douze semaines, l'intervention présente des difficultés pratiques, avec le forçage du col, le bouchage de canule, etc.

Je crois donc que la clause de conscience constitue un vrai sujet.

M. François-Noël Buffet, président. - Au-delà des convictions des uns et des autres, je souhaite que la commission des lois adopte une approche de constituant et soit vigilante quant à la rédaction du texte qui pourrait être issu des travaux du Sénat.

Le débat se noue autour de la notion de « garantie ». En réalité, il s'agit de savoir si ce droit sera opposable ou non. Comme Olivier Bitz l'a rappelé, rien ne préjuge de la liberté du juge constitutionnel de donner l'interprétation du texte qu'il souhaitera. Pour autant, notre rôle reste de veiller à ce que la rédaction soit la plus intelligible et la plus claire possible de manière à ce qu'elle donne lieu au moins d'interprétation possible.

Je salue le travail du rapporteur, Agnès Canayer. Dans la mesure où aucun amendement n'a été déposé, je vous propose de nous rallier à son avis, en prenant acte du texte présenté par le Gouvernement. En effet, je vous rappelle que, en matière constitutionnelle, c'est le texte transmis qui doit être examiné en séance publique et que la commission n'établit pas de texte. Chacun pourra s'exprimer dans l'hémicycle et voter comme il le souhaitera.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La commission ne rend donc pas d'avis ?

M. François-Noël Buffet, président. - L'avis de la commission est de prendre acte du texte du Gouvernement. Des amendements pourront être déposés en séance sur lesquels la commission rendra un avis.

M. Olivier Bitz- En quelque sorte, la commission déclare ne pas s'opposer au texte du Gouvernement ?

M. François-Noël Buffet, président. - Exactement.

Il en est ainsi décidé.

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