3. La position de la commission : sécuriser le dispositif et garantir son application proportionnée aux activités agricoles
3.1. Un accord de principe sur la codification et les modifications apportées à l'Assemblée nationale
La commission a admis dans son principe la codification à laquelle procède la présente proposition de loi, déjà appelée de leurs voeux par plusieurs propositions de loi d'origine sénatoriale. Elle a au demeurant jugé bienvenues les modifications apportées par l'Assemblée nationale.
Elle a ainsi estimé utile l'ajout en séance des bénéficiaires d'un titre ayant pour objet principal de les autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, ce qui permet de rendre débiteurs de l'obligation des voisins permanents non titulaires d'un titre de propriété ou d'un bail - tels que les usufruitiers ou les occupants à titre gracieux - tout en excluant les « voisins occasionnels » - les personnes visées par cette catégorie étant bénéficiaires de titre n'ayant jamais, comme l'a rappelé la présidente de la troisième chambre civile de la Cour de cassation auditionnée par la rapporteure, pour objet principal l'occupation ou l'exploitation du fonds concerné.
La commission a également accueilli favorablement la suppression du régime particulier prévu à l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation, qui présente le mérite de ne pas complexifier inutilement le droit en prévoyant deux régimes distincts, l'un général et l'autre spécial applicable uniquement en matière de construction et d'habitation.
Enfin, la commission n'a pas souhaité revenir sur la précision, apportée en séance publique à l'initiative de la rapporteure, selon laquelle le
1 Amendement n° 16 de la rapporteure.
2 Amendement n° 20 de la rapporteure.
3 Amendement n° 19 de la rapporteure.
critère de la poursuite de l'activité en cause dans les mêmes conditions serait complété par la poursuite de l'activité « dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine de l'aggravation du trouble anormal ». Bien que la jurisprudence ait généralement souligné que le critère de la poursuite « dans les mêmes conditions » de l'activité en cause devait être apprécié comme n'ayant pas aggravé le trouble, inscrire une telle précision dans la loi paraît utile et de nature à pérenniser l'appréciation jurisprudentielle jusqu'ici retenue.
agricoles
3.2. Une nécessaire précision des conditions d'application aux activités
Consciente de la nécessité d'adapter ce droit au contexte particulier
des activités agricoles, dont l'actualité récente a souligné la particulière difficulté, la commission n'a néanmoins pas retenu sur ce dernier point la proposition - notamment soutenue par un amendement à l'Assemblée nationale - d'un assouplissement du critère de la poursuite de l'activité dans les mêmes conditions vers la poursuite de l'activité en cause
« sans modification substantielle ».
Avancée par le Conseil d'État dans son avis sur la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises 1, cette piste de réflexion s'inscrivait dans un contexte particulier. D'une part, elle était évoquée de façon prospective, le Conseil d'État relevant dans ledit avis que « l'état actuel du droit permet donc d'ores et déjà d'assurer une protection équilibrée des intérêts en présence, y compris à travers l'exception d'antériorité » et considérant qu'il « ne paraît pas nécessaire de modifier profondément les équilibres existants ». L'adoption d'une telle rédaction, formulée au titre d'une piste de réflexion, sans que ladite réflexion ait pu dûment être conduite, par exemple dans le cadre d'une étude d'impact annexée à un projet de loi, constituerait ainsi une interprétation très libre de l'intention exprimée par le Conseil d'État dans cet avis. D'autre part, une telle piste de réflexion était envisagée dans le contexte circonscrit de l'ancien article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation, applicable en cette seule matière. Or la présente proposition de loi présente une ambition nettement plus vaste, en s'appliquant à des types d'activités et de troubles très divers et en constituant un régime général de responsabilité civile inscrit dans le code civil.
Par ailleurs, une telle rédaction pourrait présenter des risques juridiques non négligeables. En premier lieu, l'indétermination relative de la notion de modification de l'activité ou d'aggravation du trouble
« substantielle » offrirait une large marge d'appréciation au juge, dont il n'est pas sûr qu'elle soit nécessairement plus protectrice pour les activités agricoles que le droit en vigueur. En second lieu, sa constitutionnalité ne
1 Conseil d'État, 6 février 2020, Avis sur la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises.
paraît pas pleinement garantie, en particulier au regard de l'évolution récente de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Une protection constitutionnelle récemment étendue à la responsabilité sans faute
Le Conseil constitutionnel avait considéré, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité de 2011, que la cause exonératoire de responsabilité prévue à l'ancien article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation était, au regard de la protection constitutionnelle du principe de responsabilité, constitutionnelle du seul fait qu'elle n'excluait pas l'introduction d'une action en recherche de responsabilité pour faute, ce dernier régime bénéficiant seul d'une protection constitutionnelle.
Comme le disposait le commentaire aux cahiers de la décision : « la protection constitutionnelle du principe de responsabilité, déduite de l'article 4 de la Déclaration de 1789, ne vaut, en raison même de ce rattachement, qu'en matière de responsabilité pour faute. Or, la responsabilité fondée sur les troubles anormaux de voisinage est une responsabilité objective, détachée de la faute. (...) Il en résulte que l'article L. 112-16 du CCH ne heurte pas, en lui- même, le principe constitutionnel de responsabilité, même s'il peut être qualifié de cause légale d'exonération. »
Or, souhaitant prendre en compte « l'évolution du droit de la responsabilité civile, qui connaît de plus en plus de régimes de responsabilité sans faute visant à faciliter l'indemnisation des victimes de certains types de dommages » 1, le Conseil constitutionnel a récemment modifié sa jurisprudence en étendant la protection constitutionnelle du principe de responsabilité aux régimes de plein droit.
Appelé à se prononcer sur la conformité de l'article 7 de la loi visant à protéger les logements contre l'occupation illicite, il a ainsi considéré que l'exigence constitutionnelle à laquelle est soumis le législateur en la matière - à savoir qu'il ne résulte pas des exclusions ou limitations qu'il apporte au principe de responsabilité une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs ainsi qu'au droit à un recours juridictionnel effectif - « ne fait pas non plus obstacle à ce que le législateur institue, pour un même motif d'intérêt général, un régime de responsabilité de plein droit » et que « s'il peut prévoir des causes d'exonération, il ne peut en résulter une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice 2. »
Dans ces conditions, la disposition évoquée pourrait être considérée comme impliquant une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice, en particulier eu égard à son imprécision et à son caractère définitif.
Souhaitant néanmoins apporter une réponse aux difficultés d'application d'un tel régime aux activités agricoles, la commission a adopté l'amendement COM-1 de la rapporteure prévoyant une modalité spécifique d'application du régime juridique ainsi créé à ces activités. Elle a tout particulièrement souhaité répondre au cas d'un exploitant agricole voyant sa responsabilité engagée pour un trouble anormal de voisinage résultant de la modification des conditions d'exercice de son activité en raison de la nécessaire mise en conformité de son exploitation à des normes obligatoires, particulièrement nombreuses et exigeantes en matière agricole. Or la disposition exonératoire de la responsabilité
1 Commentaire aux cahiers de la décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023.
2 Conseil constitutionnel , décision n° 2023-853 DC du 26 juillet 2023, paragr. 69.
extracontractuelle sans faute dont dispose le premier alinéa de l'article 1253 du code civil créé par l'article unique de la proposition de loi ne serait pas applicable, alors même que le critère de conformité aux lois et règlements serait ainsi satisfait, dès lors que les conditions d'exercice de l'activité auraient été modifiées.
Afin de résoudre cette difficulté et éviter que les exploitants agricoles soient contraints de choisir entre la mise en conformité aux normes nouvelles et l'exonération de leur responsabilité, l'amendement COM-1 adopté par la commission à l'initiative de la rapporteure prévoit en conséquence une cause exonératoire spécifique, insérée au sein du code rural et de la pêche maritime. Ainsi, dès lors qu'une exploitation agricole modifierait les conditions d'exercice de son activité pour mettre en conformité celles-ci aux lois et règlements, le trouble anormal en résultant serait insusceptible d'engager la responsabilité de l'exploitant.
La constitutionnalité d'un tel dispositif paraît ainsi assurée, dès lors que l'atteinte aux droits des victimes d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice est proportionnée, en ce qu'elle ne vise, outre les cas où l'activité agricole bénéficierait de la cause exonératoire d'antériorité générale au titre de l'article 1253 du code civil nouvellement créé, que les seuls cas où l'évolution des conditions d'exercice de l'activité serait la résultante d'une mise en conformité aux lois et règlements en vigueur et ne s'appliquerait qu'en matière agricole.
3.3. Sécuriser le dispositif
En deuxième lieu, la commission a souhaité, par l'adoption du même amendement COM-1 de la rapporteure, sécuriser juridiquement la rédaction de la disposition exonératoire de responsabilité, à deux égards.
3.3.1. De la notion d'activité
D'une part, l'indétermination relative de la notion d'activité pourrait poser une difficulté d'interprétation pour la jurisprudence. En effet, une
« activité » génératrice d'un trouble anormal mais exercée à titre privé, au domicile d'un particulier, y compris lorsqu'elle ne peut être connue du
« voisin » s'installant à proximité du fonds sur lequel ladite activité s'exerce, ne paraît pas devoir bénéficier de la disposition exonératoire prévue.
La rapporteure de l'Assemblée nationale a semblé évacuer cette question en relevant dans son rapport que « toutes les activités, quelle que soit leur nature, sont potentiellement concernées par cette clause exonératoire de responsabilité, sous réserve que les trois critères précédemment mentionnés soient respectés, ce qui écarte de facto les activités engagées par des personnes privées, qui n'ont pas à respecter de législation particulière. » Il est néanmoins permis d'en douter, le critère posé par l'article unique de la présente proposition de loi reposant sur la conformité à tous lois et règlements, non à une législation particulière. Au demeurant, un grand nombre d'activités exercées à titre privé font l'objet d'une législation
particulière : à titre d'exemple, le survol d'un drone, y compris pour le loisir, de son propre fonds peut enfreindre la réglementation en vigueur, ne serait-ce qu'en dépassant la hauteur maximale de vol autorisée 1.
Sollicitée par la rapporteure, la présidente de la troisième chambre civile de la Cour de cassation a, au demeurant, eu l'occasion de confirmer une telle interprétation, en relevant que « l'extension souhaitée de l'exonération à toute activité, "quelle qu'en soit la nature", pose question. Par ces termes forts, les activités privées, liées notamment à l'usage d'habitation (entretien, loisirs, etc.), bénéficient de l'exonération. » Il paraît dès lors qu'il appartiendra à la jurisprudence de circonscrire précisément l'étendue de ce terme, ce qui pourrait engendrer une relative insécurité juridique et accroître le risque contentieux.
La commission a en conséquence souhaité apporter une précision nécessaire en limitant aux seules activités « économiques » le bénéfice de cette cause exonératoire, pour trois raisons.
Premièrement, la limitation aux seules activités économiques paraît davantage conforme à la philosophie sous-tendant actuellement la cause exonératoire, qui repose, pour reprendre les mots de la présidente de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, « sur l'idée qu'un équilibre doit être trouvé entre jouissance paisible et liberté d'entreprendre. » L'on peut d'ailleurs relever que les activités actuellement listées à l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation sont économiques 2. Il paraît ainsi souhaitable de préciser explicitement, par l'apport de cette précision, que le législateur entend par l'introduction de cette cause exonératoire assurer une conciliation équilibrée entre les principes de liberté d'entreprendre, d'une part, et de libre jouissance de son bien et de droit à l'indemnisation de son préjudice, d'autre part.
Deuxièmement, une telle évolution paraît d'autant plus logique que plusieurs avant-projets de réforme de la responsabilité civile prévoyaient une telle qualification. Ainsi, l'article 24 du projet issu du groupe de travail présidé par le professeur François Terré en 2011 prévoyait : « La responsabilité prévue à l'alinéa précédent n'a pas lieu lorsque le trouble provient d'activités économiques exercées conformément à la législation en vigueur. » De façon analogue, l'avant-projet défini par le groupe de travail présidé par le professeur Hugues Périnet-Marquet prévoyait en son article 630 que les actions en responsabilité pour troubles anormaux de voisinage « ne peuvent être intentées lorsque le trouble provient d'activités économiques, exercées
1 Voir l'article 5 de l'arrêté du 3 décembre 2020 relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs sans équipage à bord.
2 Le cas des activités culturelles pourrait potentiellement être discuté. L'objet de l'amendement n° 1457 de la députée Annaïg Le Meur au projet de loi dit « Engagement et proximité » mentionnait néanmoins des activités pouvant relever de la catégorie d'activités économiques, tels que « des parcs de loisirs, des festivals ou des lieux culturels » et liait le renforcement de la protection juridique de ces activités à leur « fort apport économique et social ».
conformément à la législation en vigueur, préexistantes à l'installation sur le fonds et s'étant poursuivies dans les mêmes conditions. » Un tel ajout ne présenterait ainsi pas le caractère d'une particulière originalité au regard des projets de réforme déjà envisagés et semblerait au contraire s'inscrire dans la philosophie poursuivie par ceux-ci.
Enfin, une telle précision permettrait de préciser la notion sans élargir à l'excès le champ des activités concernées. À cet égard, si la notion d'activités économiques est étrangère au code civil, elle pourrait être appréciée sans difficulté excessive par le juge, notamment par référence à l'article 256 A du CGI relatif à la détermination de l'assiette des activités assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée.
Si certaines activités sont donc exclues du champ de la disposition exonératoire, ce dernier engloberait déjà un périmètre d'activités potentiellement plus large que celui prévu à l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation, permettant une conciliation aussi équilibrée que possible entre les principes constitutionnels de liberté d'entreprise et de droit à l'indemnisation d'un préjudice.
3.3.2. De la notion d'installation
La notion d'installation, qui a notamment pour fonction de déterminer la date à compter de laquelle la préexistence de l'activité génératrice du trouble et sa poursuite dans des conditions n'étant pas à l'origine d'une aggravation de celui-ci s'apprécient, semble également problématique.
Mal définie, elle présente l'inconvénient de ne pas renvoyer à un acte juridique mais à un fait juridique : l'occupation par le nouveau
« voisin » des lieux. Or l'appréciation d'une telle installation pourrait être sujette à interprétation : le simple déménagement de meubles dans une maison nouvellement acquise sans y résider est-il constitutif d'une installation ? Surtout, elle ne règle pas le cas où, postérieurement à l'obtention du titre autorisant la jouissance du fonds par le demandeur à l'action mais antérieurement à toute installation sur celui-ci, l'activité génératrice du trouble est modifiée, aggravant le trouble et nuisant ainsi à la jouissance de son bien - par exemple en dévaluant le fonds 1.
Afin de pallier cette difficulté, la commission a adopté le même amendement COM-1 de la rapporteure, qui renvoie à « l'acte ouvrant le droit de jouissance de la personne qui allègue subir le dommage », notion qui présente le double avantage de prévoir une datation précise et de renvoyer à une réalité juridique plus objective et conforme au principe selon lequel
« celui qui vient aux nuisances ne peut s'en plaindre » que celle d'installation.
1 La référence aux « occupants d'un bâtiment » étant exclue de la rédaction envisagée, un tel cas serait couvert par la cause exonératoire de responsabilité.
3.4. Compléter l'effort de codification entrepris
En dernier lieu, le même amendement COM-1 adopté par la commission à l'initiative de la rapporteure vise à compléter la codification de la jurisprudence à laquelle procède la présente proposition de loi, en prévoyant les conditions, actuellement déterminées par la jurisprudence, dans lesquelles le juge judiciaire saisi d'une action en recherche de la responsabilité civile pour trouble anormal de voisinage peut accorder des dommages et intérêts au demandeur et ordonner au défendeur des mesures visant la réduction ou la cessation du trouble lorsque ce dernier résulte d'une activité autorisée par l'administration.
Cette disposition avait déjà été envisagée dans l'avant-projet de réforme de la responsabilité civile datant de 2016-2017 et reprise dans la proposition de loi de Philippe Bas, Jacques Bigot et André Reichardt portant réforme de la responsabilité. Ces deux projets prévoyaient ainsi, après l'énonciation du principe de la responsabilité extracontractuelle sans faute pour troubles anormaux de voisinage, la disposition suivante : « lorsqu'une activité dommageable a été autorisée par voie administrative, le juge peut cependant accorder des dommages et intérêts ou ordonner les mesures raisonnables permettant de faire cesser le trouble. »
Comme l'a souligné la direction des affaires civiles et du sceau (DACS), « les retours de la consultation publique sur ce second alinéa ont été critiques », « les contributeurs [ayant] principalement critiqué le texte proposé en ce qu'il semblait remettre en cause les solutions jurisprudentielles quant aux pouvoirs du juge judiciaire face à une prescription édictée par l'autorité administrative. »
La limitation de la compétence du juge judiciaire sur les activités autorisées par l'administration
Les prescriptions édictées et les autorisations délivrées par l'administration en matière d'installations classées, notamment au regard de la protection de l'environnement ou de la santé et de la salubrité publiques, ont régulièrement posé la question de l'ordre de juridiction compétent dès lors que de telles installations peuvent être à l'origine de troubles anormaux de voisinage.
Comme le rappelle le professeur Raphaël Amaro, « le juge judiciaire a vu sa compétence limitée par la décision Neveux et Kohler du 23 mai 1927 à l'octroi de dommages et intérêts et au prononcé de mesures qui "ne contrarient point les prescriptions édictées par l'administration dans l'intérêt de la sûreté et de la salubrité publiques" ». Ainsi, la première chambre civile de la Cour de cassation a pu casser l'arrêt d'une cour d'appel ayant prononcé, dans le but de faire cesser les nuisances découlant d'une entreprise - un garage en l'espèce - en ordonne la fermeture alors qu'il a relevé qu'un tel établissement relevait du régime des établissements classés 1.
1 Cass., civ. 1ère, 23 janvier 1996, n° 95-11.055.
Particulièrement complexe, le contentieux des antennes-relais a conduit le Tribunal des conflits à se prononcer, par six arrêts du 14 mai 2012 à la motivation identique, pour préciser la compétence du juge judiciaire. Il a ainsi jugé que ce dernier n'était pas compétent pour connaître des actions introduites « aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public » : en effet, « le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire, auquel il serait ainsi demandé de contrôler les conditions d'utilisation des fréquences radioélectriques au regard des nécessités d'éviter les brouillages préjudiciables et de protéger la santé publique et, partant, de substituer, à cet égard, sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée sur les mêmes risques ainsi que, le cas échéant, de priver d'effet les autorisations que celle-ci a délivrées, soit compétent pour connaître d'une telle action. »
En revanche, le juge judiciaire demeurait compétent pour connaître des actions,
« d'une part, aux fins d'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public, d'autre part, aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables 1. »
En conséquence, l'amendement adopté par la commission tend à prévoir, outre la limitation de cette faculté aux seules activités économiques, en lien avec l'évolution évoquée ci-avant, que des mesures visant à réduire ou faire cesser le trouble pourraient être ordonnées par le juge judiciaire
« sous réserve qu'elles n'aient ni pour objet ni pour effet de contrarier les prescriptions édictées ou de priver d'effet les autorisations ainsi délivrées par l'autorité administrative ». Conformément aux décisions rendues par le Tribunal des conflits le 14 mai 2012, le juge judiciaire ne serait donc pas conduit à substituer son appréciation à celle de l'administration, enfreignant ainsi le principe de séparation des pouvoirs.
La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.
1 Voir par exemple Tribunal des conflits, 14 mai 2012, n° 12-03.844.