N° 502

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
tendant à
préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales,

Par Mme Guylène PANTEL,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Sénat :

355 et 503 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Alors que le nombre de pharmacies d'officine ne cesse de diminuer, le Gouvernement laisse inappliquées l'essentiel des dispositions législatives destinées à favoriser l'ouverture d'officines dans les territoires en étant dépourvus.

La proposition de loi, réécrite par la commission, vise à permettre leur application directe en cas d'inaction persistante.

I. LA FRAGILISATION RAPIDE DU RÉSEAU OFFICINAL

A. UN RÉSEAU OFFICINAL HISTORIQUEMENT PERFORMANT

La France compte, au 1er janvier 2023, 20 142 pharmacies d'officine devant assurer la desserte en médicaments de l'ensemble du territoire.

La qualité du maillage territorial permis par ce réseau a longtemps été soulignée :

- la densité de pharmacies d'officine française est longtemps restée supérieure à la moyenne des pays développés : 32 officines pour 100 000 habitants en 2019 contre 28, en moyenne, dans les pays de l'OCDE ;

- les pharmacies d'officine sont plus équitablement réparties sur le territoire national que les autres professionnels de santé, grâce à une régulation ancienne des transferts, regroupements et créations d'officines.

Les trois principaux critères conditionnant l'ouverture d'officines
depuis 2018

1. Les seuils géo-démographiques appréciés au niveau communal. Une ouverture peut être autorisée :

- dans les communes de plus de 2 500 habitants, puis par tranche de 4 500 habitants supplémentaires ;

- dans les communes de moins de 2 500 habitants, lorsque la dernière officine présente a cessé définitivement son activité et desservait jusqu'alors une population au moins égale à ce seuil.

2. L'officine doit permettre une desserte en médicaments optimale : elle doit être accessible, disposer de locaux conformes et permettre l'approvisionnement d'une population résidente suffisante.

3. L'opération ne doit pas compromettre l'approvisionnement nécessaire d'une population.

B. UN MAILLAGE OFFICINAL EN AFFAIBLISSEMENT CONSTANT DEPUIS DIX ANS

Le nombre de pharmacies d'officine diminue de manière constante depuis dix ans : la France a perdu plus de 1 800 pharmacies d'officine entre 2012 et 2022, quand elle gagnait 3,7 % d'habitants. Il en résulte une baisse significative de la densité des officines : elle ne s'élève plus, en 2022, qu'à 30 pharmacies pour 100 000 habitants, contre 34 en 2012.

De plus, des inégalités territoriales subsistent dans la répartition des pharmacies d'officine. Les territoires les moins bien dotés voient leur accès à une pharmacie encore réduit par les fermetures constatées.

Nombre d'officines par département pour 100 000 habitants (1er janvier 2022)

Source : Conseil national de l'ordre des pharmaciens, 2023.

II. DES MESURES LÉGISLATIVES ENTIÈREMENT INAPPLIQUÉES

Deux principaux dispositifs législatifs, destinés à préserver l'approvisionnement en médicaments des territoires les moins bien dotés, demeurent à ce jour inappliqués : les antennes d'officine et le dispositif dit « territoires fragiles ».

A. LES ANTENNES D'OFFICINE : DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES RÉCEMMENT RÉSOLUES

Pour maintenir l'accès aux médicaments dans les communes à très faible population, la loi dite « ASAP » de décembre 2020 a autorisé, à titre expérimental, la création d'une antenne d'officine par un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'une commune limitrophe lorsque :

- la dernière officine de la commune d'accueil a cessé son activité ;

- l'approvisionnement en médicaments et produits pharmaceutiques de la population y est compromis.

Plus de trois ans après la promulgation de la loi, aucune antenne n'a encore été créée sur le fondement de cette expérimentation. Des difficultés juridiques ont été mises en avant par la profession, que la récente loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a cherché à résoudre.

Les représentants des pharmaciens, auditionnés par la rapporteure, ont indiqué que ces évolutions devraient permettre, désormais, une application effective de l'expérimentation.

B. LES TERRITOIRES FRAGILES : UN DÉCRET ATTENDU DEPUIS SIX ANS

Une ordonnance de janvier 2018 a prévu l'octroi d'aides et l'application de conditions d'ouverture assouplies dans les territoires au sein desquels l'accès aux médicaments n'est pas assuré de manière satisfaisante, dits « fragiles ».

En application de ces dispositions, il appartient au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de fixer la liste des territoires concernés, dans des conditions définies par décret et permettant, notamment, de tenir compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, de l'offre pharmaceutique ainsi que, le cas échéant, des particularités géographiques du territoire.

Dans ces territoires, l'ouverture d'une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants est possible lorsque celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine, sous deux conditions démographiques :

- l'une de ces communes recense au moins 2 000 habitants ;

- toutes ensemble rassemblent au moins 2 500 habitants.

Des aides spécifiques peuvent être accordées par l'ARS ou l'Assurance maladie aux officines situées dans ces territoires.

Plus de six ans après l'adoption de ce dispositif d'origine gouvernementale, le décret nécessaire à son application n'a toujours pas été pris.

III. LUTTER CONTRE L'APPARITION DE « DÉSERTS PHARMACEUTIQUES »

A. L'URGENCE DE FACILITER L'OUVERTURE ET LE MAINTIEN D'OFFICINES DANS LES TERRITOIRES LES PLUS EN DIFFICULTÉ

La commission a jugé indispensable de favoriser l'ouverture et le maintien des pharmacies d'officine dans les territoires les moins bien dotés. L'inaction du Gouvernement apparaît d'autant plus préjudiciable que le mouvement de raréfaction de l'offre officinale s'est accéléré ces dernières années et devrait se poursuivre :

- la part des titulaires d'officine de plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans ;

- des difficultés de recrutement dans les études de pharmacie sont constatées ces dernières années.

Les difficultés d'accès à une pharmacie d'officine sont d'autant plus problématiques que de nouvelles missions, destinées à améliorer l'accès aux soins des patients, ont été confiées aux pharmaciens d'officine ces dernières années en matière de réalisation de tests rapides d'orientation diagnostique (TROD), de prescription de vaccins ou d'accompagnement.

Les nouvelles missions confiées aux pharmaciens les positionnent en acteurs essentiels de l'accès aux soins.

B. L'INDISPENSABLE MISE EN APPLICATION RAPIDE DU DISPOSITIF « TERRITOIRES FRAGILES »

La commission a toutefois estimé qu'une modification des critères de droit commun d'ouverture des pharmacies d'officine, telle que portée par la proposition de loi déposée, risquerait de déstabiliser inutilement le réseau existant. En conséquence, elle a jugé préférable de recentrer le dispositif sur les territoires les plus en difficulté. Elle souhaite contraindre le Gouvernement à appliquer enfin les dispositions destinées, depuis 2018, à favoriser l'ouverture et le maintien d'officines dans les territoires fragiles et, en leur sein, dans les communes faiblement peuplées.

Dans cet objectif et à l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement réécrivant l'article unique de la proposition de loi pour rendre les dispositions relatives aux territoires fragiles directement applicables au 1er octobre 2024 dans le cas où le Gouvernement persisterait à attendre.

Réunie le mercredi 3 avril 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté la présente proposition de loi modifiée par un amendement de la rapporteure.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Réforme des critères légaux d'ouverture des pharmacies d'officine

Cet article vise à réviser les critères géo-démographiques d'installation des pharmacies d'officine pour favoriser l'ouverture d'officines dans les communes faiblement peuplées.

La commission a adopté cet article avec modification afin de contraindre le Gouvernement à publier avant le 1er octobre 2024 le décret nécessaire à l'application du dispositif « territoires fragiles », et permettre à défaut l'application directe de ce dispositif à compter de cette date.

I - Le dispositif proposé

A. Le maillage officinal, désormais déclinant, constitue un facteur essentiel d'accès aux soins

1. La qualité historique du maillage officinal français

La qualité du maillage territorial permis par le réseau de pharmacies d'officine a longtemps été soulignée.

· La France comptait, au 1er janvier 2023, 20 142 pharmacies d'officine devant permettre d'assurer la desserte de l'ensemble du territoire.

La densité de pharmacies d'officine apparaît, par ailleurs, relativement élevée. Avec 32 officines pour 100 000 habitants, en moyenne, la densité officinale française excédait, en 2019, la moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La même année, l'Allemagne comptait 23 officines pour 100 000 habitants et l'Espagne, 47.

Nombre de pharmacies de ville pour 100 000 habitants en 2019

Source : OCDE, Panorama de la santé 2021.

· La répartition des officines sur le territoire national apparaît, par ailleurs, relativement équilibrée.

Du fait d'une régulation ancienne de leur installation, les pharmacies d'officine apparaissent, d'abord, plus équitablement réparties sur le territoire que d'autres professions de santé. Dans un rapport de 2016, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux soulignait ainsi que, parmi les professions de santé exerçant en ambulatoire, les pharmaciens étaient ceux pour lesquels les écarts d'accessibilité apparaissaient les plus faibles. Elle attribuait ce maillage à « la régulation qui régit l'implantation des pharmacies » 1(*).

En outre, de nombreuses officines demeurent dans les territoires ruraux et contribuent ainsi à l'offre de soins de proximité. Le CNOP constate ainsi qu'en 2023, 35 % des officines sont installées au sein de communes de moins de 5 000 habitants et 31 % des officines dans des communes ayant entre 5 000 et 30 000 habitants. Un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) relevait qu'en 2016, 97 % des Français vivaient à moins de dix minutes en voiture d'une officine, et 99,5 % à moins de quinze minutes2(*).

Nombre d'officines selon la taille de la commune au 1er janvier 2023

Source : Conseil national de l'ordre des pharmaciens, 2023.

2. La fragilisation progressive du maillage officinal

· Ce maillage apparaît ces dernières années, toutefois, progressivement fragilisé.

Le nombre d'officines connaît, ainsi, une diminution continue depuis dix ans. Entre 2012 et 2022, la France a perdu plus de 1 800 pharmacies d'officines, soit une baisse de 8,2 %3(*). Dans la même période, la France métropolitaine gagnait 3,7 % d'habitants4(*).

Il en résulte une baisse significative de la densité de pharmacies d'officine : d'après le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop), la France ne comptait plus, en 2022, que 30 officines pour 100 000 habitants, contre 34 en 20125(*).

Variation du nombre d'officines par département entre 2012 et 2022

Source : Conseil national de l'ordre des pharmaciens, 2023.

· Par ailleurs, des inégalités territoriales subsistent dans l'implantation des pharmacies d'officine.

La concentration des officines dans certains territoires - les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine rassemblent, à elles seules, près de 40 % des officines recensées - ne recoupe pas parfaitement les inégalités démographiques observées. Il en résulte une densité d'officines inégale entre départements de la France métropolitaine : en 2022, près d'un tiers d'entre eux comportaient moins de 30 officines pour 100 000 habitants6(*), contre plus de 35 pour les départements les mieux dotés.

Densité d'officines en France métropolitaine au 1er janvier 2022

En nombre d'officines pour 100 000 habitants

Source : Conseil national de l'ordre des pharmaciens, 2023.

· Cette fragilisation du réseau de pharmacies d'officine est portée par un fort mouvement de restructuration. Celui-ci a conduit, sur la seule année 2022, à la fermeture de 211 officines.

Les fermetures constatées peuvent résulter de plusieurs situations :

- une restitution de licence à l'Agence régionale de santé (ARS) indemnisée par un confrère, lorsqu'un repreneur est trouvé7(*) ;

- une restitution de licence non indemnisée, à défaut de repreneur ;

- un regroupement d'officines existantes, dans l'emplacement de l'une d'elles ou tout autre emplacement situé sur le territoire national8(*) ;

- une liquidation judiciaire sans option de rachat de l'officine ;

- la caducité de la licence, lorsqu'aucune activité n'a été constatée pendant douze mois consécutifs9(*) ou, en cas de décès du titulaire, à l'expiration d'un délai de deux ans et en l'absence d'acquéreur10(*).

Une majorité des fermetures constatées semble résulter, en 2021 comme en 2022 d'une restitution de licence.

Répartition des modes de fermeture en 2021 et 2022

Source : Conseil national de l'ordre des pharmaciens, 2023.

3. Le renforcement progressif des missions des pharmacies d'officine

Le rôle des officines dans les territoires est d'autant plus important que leurs missions ont été, ces dernières années, progressivement renforcées au-delà de la dispensation des médicaments et des conseils associés.

La réalisation de tests rapides d'orientation diagnostique (TROD) a progressivement été encouragée, notamment par le développement des ordonnances conditionnelles qui permettent au prescripteur de subordonner la délivrance de certains médicaments à la réalisation et au résultat d'un TROD11(*). La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a également autorisé la délivrance de certains médicaments par le pharmacien, sans prescription médicale préalable, après la réalisation d'un tel test12(*).

Des compétences de prescription ont, par ailleurs, été reconnues aux pharmaciens d'officine. La LFSS pour 202313(*) a, ainsi, fait figurer parmi leurs missions légales la prescription de certains vaccins énumérés par arrêté14(*).

Enfin, les missions d'accompagnement des pharmaciens ont été progressivement renforcées par la création et la valorisation de l'entretien d'accompagnement pharmaceutique des femmes enceintes, de l'entretien pharmaceutique ou du bilan partagé de médication.

B. Les conditions légales d'installation des pharmacies d'officine

1. Les conditions d'ouverture de droit commun

Les conditions d'ouverture de droit commun des pharmacies d'officine ont été réformées par une ordonnance de janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines15(*).

Les autorisations de création, de regroupement et de transfert d'officine sont octroyées par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS)16(*), qui se fonde pour cela sur des critères définis par la loi.

a. Les conditions encadrant les transferts et regroupements d'officines

· Des seuils fondés sur la population communale, dits « géo-démographiques », encadrent ainsi les ouvertures d'officine. Peuvent être autorisés les transferts ou regroupements conduisant à l'ouverture d'une officine :

- dans les communes d'au moins 2 500 habitants, puis par tranche supplémentaire de 4 500 habitants recensés ;

- ou dans les communes dont la population est inférieure à 2 500 habitants mais dans lesquelles la dernière officine présente, ayant cessé définitivement son activité, desservait jusqu'alors une population au moins égale à ce seuil17(*).

Les seuils géo-démographiques n'ont que peu évolué depuis le début des années 2010.

Seuils géo-démographiques applicables à la création d'officines depuis 1999

Population communale

Condition entre 1999 et 2007

Condition entre 2008 et 2011

Condition entre 2012 et 2018

Condition depuis 2018

Inférieure à 2 500 habitants

Si la population n'est pas déjà desservie et si elle se situe dans une zone géographique constituée d'un ensemble de communes contiguës, dont la population totale est au moins égale à 2 500

En cas de fermeture d'une officine existante qui desservait plus de 2 500 habitants

Comprise entre 2 500 et 30 000 habitants

2 500 habitants par pharmacie

Une officine à partir de 2 500 puis une de plus par tranche de 3 500 habitants

Une officine à partir de 2 500 puis une de plus par tranche de 4 500 habitants

Supérieure à 30 000 habitants

3 000 habitants par pharmacie

Source : commission des affaires sociales du Sénat, rapport de 2016 de l'IGF et de l'IGAS.

Par dérogation, le seuil de 2 500 habitants pour l'ouverture d'une première officine est fixé à 3 500 habitants en Alsace-Moselle, ainsi qu'en Guyane18(*).

· Par ailleurs, l'opération de restructuration doit permettre une desserte en médicaments optimale19(*) et ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine20(*).

D'une part, la condition tenant à la desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente est satisfaite dès lors que trois conditions cumulatives apparaissent remplies :

- l'accessibilité de l'officine : l'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, des aménagements piétonniers, des stationnements ou dessertes par transports en commun ;

- la conformité des locaux : les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité, permettent la réalisation des missions assignées aux pharmaciens d'officine et garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ;

- l'approvisionnement d'une population résidente : la nouvelle officine approvisionne la même population résidente, une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible21(*).

D'autre part, l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine est réputé compromis lorsqu'il n'existe pas d'autre officine accessible à ces populations22(*).

b. Les conditions encadrant l'ouverture d'une nouvelle officine

L'ouverture d'une officine par voie de création est soumise à ces mêmes critères, qui doivent être remplis depuis deux ans à compter de la publication du dernier recensement sans qu'une autorisation d'ouverture par voie de transfert ou de regroupement ne soit intervenue dans ce délai.

L'ouverture est réservée aux zones franches urbaines, quartiers prioritaires de la ville et zones de revitalisation rurale23(*).

2. Les dispositifs prévus par la loi pour lutter contre les déserts pharmaceutiques : les « territoires fragiles » et antennes d'officine

a. Les « territoires fragiles » et les conditions dérogatoires d'ouverture associées : une réforme demeurant inappliquée

Afin de favoriser leur approvisionnement en médicaments, l'ordonnance de 2018 précitée a prévu l'octroi d'aides et l'application de conditions spécifiques d'ouverture dans les territoires les moins bien pourvus en officines, dits « fragiles ».

· En application de ces dispositions, le directeur général de l'ARS est chargé de fixer par arrêté la liste des territoires au sein desquels l'accès aux médicaments pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante, selon des critères fixés par décret et tenant :

- aux caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales de leur population ;

- à l'offre pharmaceutique et à son évolution prévisible ;

- le cas échéant, aux particularités géographiques du territoire.

Cet arrêté est pris après avis du Conseil de l'ordre des pharmaciens territorialement compétent, de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens, du représentant régional désigné par chaque syndicat représentatif de la profession et de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie24(*).

· Dans ces territoires, l'ouverture d'une officine est soumise à des critères assouplis.

L'ouverture d'une officine par voie de transfert ou regroupement dans une commune de moins de 2 500 habitants est, ainsi, autorisée lorsque trois conditions cumulatives sont remplies :

- celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine ;

- ces communes comprennent, ensemble, au moins 2 500 habitants ;

- l'une de ces communes, au moins, recense 2 000 habitants.

Le directeur général de l'ARS fixe par arrêté, au sein des territoires fragiles identifiés, la liste des communes contiguës remplissant ces critères et pouvant, en conséquence, accueillir une officine, après avis du Conseil de l'ordre des pharmaciens territorialement compétent et du représentant régional désigné par chaque syndicat représentatif25(*).

Enfin, dans les territoires fragiles, le critère tenant à la desserte optimale en médicaments est apprécié au regard, seulement, de l'accessibilité de l'officine et de la conformité des locaux. Afin de favoriser l'installation d'officines auprès d'un centre commercial, d'une maison ou d'un centre de santé, il n'est pas tenu compte de la population résidente26(*).

· Par ailleurs, les pharmacies d'officine situées dans les territoires fragiles peuvent bénéficier d'aides spécifiques destinées à favoriser leur maintien. La loi autorise ainsi :

- la convention pharmaceutique à prévoir des mesures destinées à favoriser ou maintenir une offre pharmaceutique dans ces territoires ;

- le directeur général de l'ARS à prévoir des mesures spécifiques poursuivant les mêmes objectifs27(*).

Le Gouvernement n'ayant, toutefois, toujours pas publié le décret nécessaire à l'identification des territoires fragiles, ces dispositions demeurent, depuis leur publication, entièrement inappliquées.
Un projet de décret, présenté au début de l'année 2023 aux principales parties prenantes, a été rejeté par la profession et n'a jamais été publié.

La proposition du Gouvernement rejetée par la profession au début de l'année 2023

En février 2023, le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et les syndicats représentatifs de la profession ont été consultés sur un projet de décret, transmis à la rapporteure. Celui-ci prévoyait notamment :

- de fonder l'identification des territoires fragiles sur les territoires de vie-santé, constituant un agrégat de communes autour d'un pôle d'équipements et de services considérés comme les plus courants ;

- de retenir deux critères principaux d'identification : une densité standardisée d'officines inférieure à un seuil empirique correspondant aux deux tiers de la densité médiane nationale, une part supérieure à 20 % de la population du territoire de vie-santé située à plus de 15 minutes d'une officine ;

- d'encadrer l'identification des zones fragiles en prévoyant que leur part ne peut excéder celle des territoires de vie-santé répondant à l'un de ces deux critères ;

- de permettre, en revanche, aux directeur généraux des ARS de retenir des indicateurs complémentaires ou alternatifs lorsque les caractéristiques démographiques, géographiques, sanitaires et sociales du territoire le justifient.

Le Conseil national de l'ordre des pharmaciens et les deux syndicats représentatifs des pharmaciens d'officine ont indiqué à la rapporteure s'être opposés à ce décret, notamment en ce qu'il :

- retient le territoire de vie-santé comme échelle d'identification des territoires fragiles, alors que les pharmaciens disposent de longue date de règles d'ouverture fondées sur la commune ;

- accorde une marge d'appréciation excessive aux directeurs généraux d'ARS, susceptible de favoriser des inégalités territoriales dans l'application du dispositif ;

- porte une approche insuffisamment prospective, ne prenant pas en compte les difficultés rencontrées par les officines dans certains territoires et les risques de « fragilisation » associés.

b. Les antennes d'officine

Pour maintenir l'accès aux produits de santé dans les communes à très faible population, la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (dite « ASAP ») de 202028(*) a, par ailleurs, autorisé la création d'antennes d'officine, en complétant les dispositions du code de la sécurité sociale relatives aux expérimentations dites « de l'article 51 »29(*), mises en place par l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018.

Du fait de difficultés juridiques et techniques rencontrées dans la mise en oeuvre de ces dispositions, aucune antenne n'avait toutefois été créée à la fin de l'année 202330(*). Pour permettre une application effective de l'expérimentation et mieux encadrer la création d'antennes, la loi de décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels31(*) a étendu le champ des dérogations autorisées et limité à une le nombre d'antennes pouvant être créée par chaque pharmacien titulaire d'une officine.

Dans le cadre de l'expérimentation, la création d'une antenne d'officine par un ou plusieurs pharmaciens titulaires d'une commune limitrophe peut désormais être autorisée par le directeur général de l'ARS, après avis du Conseil de l'ordre des pharmaciens territorialement compétent et des syndicats représentatifs de la profession, lorsque deux conditions cumulatives apparaissent remplies :

- la dernière officine de la commune d'accueil de l'antenne a définitivement cessé son activité ;

- l'approvisionnement en médicaments et produits pharmaceutiques de la population y est compromis.

L'antenne fait partie de la même entité juridique que l'officine principale32(*).

3. La proposition de loi vise à assouplir les conditions d'ouverture d'une pharmacie d'officine sur l'ensemble du territoire national

L'article unique de la proposition de loi vise à assouplir les conditions d'ouverture des pharmacies d'officine afin de favoriser leur installation dans des communes faiblement peuplées.

Pour ce faire, le 2° de l'article modifie l'article L. 5125-4 du code de la santé publique relatif aux conditions d'ouverture des pharmacies d'officine. Il autorise l'ouverture, par voie de transfert ou de regroupement, d'une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants lorsque deux conditions cumulatives sont remplies :

- la commune se situe dans une zone géographique constituée d'un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine ;

- ces communes totalisent ensemble 2 500 habitants au moins.

Ces conditions sont plus souples que celles actuellement prévues par le code de la santé publique pour les zones fragiles, dans la mesure où elles ne requièrent pas la présence, parmi les communes contiguës prises en compte, d'une commune d'au moins 2 000 habitants. Elles s'appliqueraient, en outre, à l'ensemble du territoire national et non aux seules zones fragiles identifiées par le directeur général de l'ARS.

Ces nouvelles conditions pourraient également permettre l'ouverture d'une pharmacie d'officine par voie de création, dans le cas où elles seraient remplies depuis deux ans au moins au sein de zones franches urbaines, quartiers prioritaires de la politique de la ville et zones de revitalisation rurale.

L'article unique porte, en outre, un certain nombre de mesures de coordination destinées à adapter les dispositions du code de la santé publique à cet ajout.

Le modifie l'article L. 5125-3 pour tenir compte du fait que l'article L. 5125-4 prévoit désormais la possibilité de tenir compte de la population d'un ensemble de communes contiguës dans l'appréciation des conditions d'ouverture.

Le abroge les dispositions portant les conditions d'ouverture de pharmacies propres aux territoires fragiles.

Enfin, les 4° et 5° de l'article apportent aux articles L. 5125-18, relatif à la procédure d'autorisation d'ouverture, et L. 5125-20, relatif aux conditions de priorisation des demandes d'ouverture, des modifications nécessaires pour tenir compte de l'abrogation susmentionnée.

II - La position de la commission

· Consciente des difficultés rencontrées, dans certains territoires, pour accéder à une pharmacie d'officine, la commission a favorablement accueilli l'intention de cette proposition de loi.

La rapporteure observe, à cet égard, que si la qualité du maillage territorial des pharmacies d'officine a longtemps été soulignée, les inégalités d'accès aux médicaments se sont manifestement accrues ces dernières années et sont désormais reconnues par les pouvoirs publics.

Le ministère de la santé et de la prévention, auditionné, a ainsi reconnu que 6 % de la population française, hors Mayotte, réside aujourd'hui dans un territoire répondant à l'un ou l'autre des critères envisagés d'identification des territoires fragiles33(*) : une densité officinale inférieure aux deux tiers de la médiane nationale ou une part substantielle de la population résidant à plus de quinze minutes d'une pharmacie d'officine.

Un tel éloignement de l'offre officinale est d'autant plus problématique qu'il s'ajoute, souvent, à des difficultés plus générales d'accès aux soins. Alors que de nouvelles missions ont, ces dernières années, été confiées aux pharmaciens, dans l'objectif notamment d'améliorer l'offre de proximité dans les territoires où la densité médicale est la plus faible, ces inégalités territoriales sont susceptibles de neutraliser les effets bénéfiques attendus d'une telle politique.

À cet égard, l'Association des maires ruraux de France (AMFR), auditionnée par la rapporteure, a souligné que la raréfaction des pharmacies d'officine aggravait les difficultés d'accès aux soins constatées de longue date dans les territoires ruraux. Elle a souligné les résultats d'une récente étude qu'elle a conduite, révélant que les écarts d'espérance de vie entre départements ruraux et départements urbains s'aggravent pour atteindre, désormais, près de deux ans d'espérance de vie pour les hommes et un an pour les femmes34(*).

Enfin, le mouvement de raréfaction de l'offre officinale pourrait s'accélérer dans les prochaines années. La rapporteure a souligné plusieurs facteurs d'inquiétude pour l'avenir de l'approvisionnement en médicaments des territoires les moins bien pourvus :

- les fermetures d'officine sont nombreuses depuis dix ans et paraissent désormais s'inscrire dans un mouvement durable de raréfaction de l'offre ;

- la démographie des pharmaciens d'officine pourrait accélérer ce phénomène dans les prochaines années : le Cnop constate ainsi qu'au 1er janvier 2023, plus de 50 % des titulaires d'officine en France ont au moins 50 ans et la part des titulaires de plus de 60 ans a presque doublé en dix ans35(*) ;

- des difficultés de recrutement dans les études de pharmacie sont constatées ces dernières années, et des places vacantes dénombrées.

· Face à ce constat, la rapporteure a jugé indispensable l'application par le Gouvernement de deux dispositifs prévus par la loi depuis de nombreuses années et restés jusque-là entièrement inappliqués : la création d'antennes d'officine et l'identification de « territoires fragiles » assortie de critères assouplis d'ouverture et d'aides spécifiques au maintien des officines existantes.

Elle observe, s'agissant des antennes d'officine, qu'il ressort de l'audition des représentants des pharmaciens comme du ministère que les modifications législatives intervenues récemment devraient lever les obstacles juridiques constatés et permettre une application rapide de l'expérimentation autorisée depuis 2020.

En revanche, l'absence d'application des dispositions relatives aux territoires fragiles, plus de six ans après la publication, par le Gouvernement, de l'ordonnance de 2018 qui les portait, est apparue particulièrement inacceptable à la commission. La rapporteure a souligné que la survenue, en 2020, de la crise sanitaire ne saurait justifier un tel retard dans la publication d'un décret nécessaire à l'application de dispositions que l'ensemble des personnes auditionnées ont jugé indispensables.

Ce délai apparaît d'autant plus préjudiciable que ces six dernières années ont marqué une accélération dans le mouvement de raréfaction de l'offre officinale.

Évolution annuelle du nombre d'officines et de titulaires entre 2012 et 2022

En taux d'évolution annuel

Source : Conseil national de l'ordre des pharmaciens, 2023.

· Dans la mesure où une modification, au niveau national, des critères d'ouverture des pharmacies d'officine risquerait, selon les représentants de la profession auditionnés, de déstabiliser le réseau, la rapporteure a jugé indispensable d'assurer l'application rapide des critères assouplis associés au dispositif « territoires fragiles ». Ces derniers, proches de ceux portés par le dispositif de l'article unique de la présente proposition de loi, faciliteront l'ouverture de pharmacies d'officine dans les communes de moins de 2 500 habitants situées dans des territoires qui en sont dépourvus.

Afin de contraindre le Gouvernement à appliquer enfin ce dispositif qu'il a lui-même porté, la commission a adopté, à l'initiative de sa rapporteure, un amendement COM-1 réécrivant le présent article. Celui-ci permettra l'application directe des dispositions législatives relatives aux territoires fragiles dans le cas où le décret fixant les critères d'identification des territoires fragiles n'aurait pas été pris au 1er octobre 2024.

Il appartiendrait, le cas échéant, aux directeurs généraux des ARS d'identifier des zones de leur ressort territorial au sein desquelles l'accès aux médicaments pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante en tenant compte des critères d'ores et déjà prévus par la loi : les caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales de leur population, l'offre pharmaceutique et son évolution prévisible ainsi que, le cas échéant, les particularités géographiques de leur territoire.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 avril 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Guylène Pantel, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 355, 2023-2024) tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales.

M. Jean Sol, président. - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales, déposée par notre collègue Maryse Carrère. Ce texte sera examiné en séance publique jeudi 11 avril.

Je salue notre rapporteure, Guylène Pantel, à l'occasion de la présentation de son premier rapport fait au nom de notre commission.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les dispositions de la proposition de loi de notre collègue Maryse Carrère, inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat dans le cadre de l'espace réservé au groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE). Ce texte vise à préserver l'accès aux pharmacies d'officine dans les communes rurales.

Avant toute chose, il me semble nécessaire de vous fournir quelques éléments sur l'état de notre réseau officinal et les difficultés rencontrées dans certains territoires. Celles-ci n'ont rien d'évident : la qualité du maillage officinal a longtemps été vantée. La France bénéficiait, ces dernières années encore, d'une densité d'officines supérieure à la moyenne des pays développés : 32 officines pour 100 000 habitants en 2019 contre 28, en moyenne, dans les pays de l'OCDE.

Du fait d'une régulation ancienne des ouvertures des officines, les pharmaciens sont, par ailleurs, plus équitablement répartis sur le territoire national que la plupart des autres professionnels de santé. En effet, l'ouverture d'une officine, même par voie de transfert ou de regroupement, doit être autorisée par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) et ne peut l'être, en principe, que dans une commune de plus de 2 500 habitants, puis une fois par tranche de 4 500 habitants supplémentaires.

Il résulte de l'application de ces règles un maillage territorial performant des pharmacies d'officine. Un rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales concluait, en 2016, que 97 % des Français vivaient à moins de dix minutes en voiture d'une officine. Les 35 % d'officines situées dans des communes de moins de 5 000 habitants contribuent largement à ce maillage.

Pourtant, le réseau officinal s'est beaucoup affaibli ces dernières années. Depuis dix ans, le nombre de pharmacies d'officine diminue de manière constante : la France a perdu, entre 2012 et 2022, plus de 8 % de ses officines quand elle gagnait 3,7 % d'habitants. Il faut, bien sûr, ajouter à cela l'augmentation de la prévalence des maladies chroniques et, de manière générale, des besoins de santé de la population : ce sont là des réalités que vous connaissez déjà.

Je dois, encore, préciser que si le réseau officinal est moins inéquitablement réparti que d'autres, des inégalités territoriales sont néanmoins constatées dans l'implantation des pharmacies. Près d'un tiers des départements comportaient, en 2022, moins de 30 officines pour 100 000 habitants, contre plus de 35 dans les départements les mieux dotés.

Les difficultés d'accès aux officines sont, bien sûr, aggravées par les fermetures constatées. Dans les territoires les moins bien pourvus, il arrive désormais que les habitants se trouvent sans solution de proximité : les villages de Tende, dans la vallée de la Roya, ou de Cozzano, en Corse, ont récemment fait l'objet d'une importante attention médiatique.

Face à ce constat, le législateur a entendu agir au cours de ces dernières années. Deux dispositifs ont visé à maintenir l'accès aux médicaments dans les territoires les plus sinistrés : les antennes d'officine et les « territoires fragiles ». Ils sont toutefois, pour l'heure, restés entièrement inappliqués.

Pour maintenir l'accès aux médicaments dans les communes à très faible population, la loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) a autorisé, à titre expérimental, la création d'une antenne d'officine par un pharmacien titulaire d'une commune limitrophe lorsque la dernière officine de la commune d'accueil a cessé son activité et lorsque l'approvisionnement en médicaments y est compromis. Des difficultés juridiques qui empêcheraient le lancement effectif de l'expérimentation ont toutefois été mises en avant par la profession. La récente loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a cherché à les résoudre.

Par ailleurs, une ordonnance de janvier 2018 a permis d'identifier les territoires au sein desquels l'accès aux médicaments n'est pas assuré de manière satisfaisante, dits « fragiles ». Les directeurs généraux des ARS doivent fixer la liste de ces territoires, dans des conditions définies par décret, permettant, notamment, de tenir compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, de l'offre pharmaceutique et des particularités géographiques de chaque zone.

Dans les « territoires fragiles » ainsi identifiés, l'ouverture d'une officine est facilitée dans une commune de moins de 2 500 habitants : elle peut être autorisée si celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine, lorsque l'une recense au moins 2 000 habitants et lorsque toutes totalisent au moins 2 500 habitants. Par ailleurs, des aides spécifiques peuvent être accordées par l'ARS ou l'assurance maladie aux officines situées dans ces territoires pour favoriser leur ouverture et leur maintien.

Plus de trois ans après l'autorisation de l'expérimentation des antennes d'officine et plus de six ans après l'adoption du dispositif « territoires fragiles », ceux-ci apparaissent encore inappliqués. D'après les parties prenantes interrogées, les premières antennes d'officine devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya ou le village de Cozzano. En revanche, le dispositif « territoires fragiles » demeure toujours inapplicable en l'absence de décret.

Cette situation est préjudiciable compte tenu du contexte actuel et, plus encore, de l'accélération du rythme de fermeture des officines ces dernières années. Depuis 2018, la France perd chaque année environ 1 % de ses pharmacies. Ce mouvement, désormais bien installé, pourrait se poursuivre et s'aggraver : d'après le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop), la part des titulaires d'officine de plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans. Des difficultés de recrutement dans les études de pharmacie, matérialisées par des places laissées vacantes, sont par ailleurs observées ces dernières années.

La situation est d'autant plus dommageable que les pharmaciens se sont vu confier, ces dernières années, de nouvelles missions destinées à améliorer l'accès aux soins. Leur rôle a été renforcé dans la réalisation de tests rapides d'orientation diagnostique (Trod), la prescription de vaccins ou l'accompagnement des patients. Si ces nouvelles compétences positionnent les pharmaciens en acteurs essentiels de proximité, particulièrement lorsque les médecins manquent, les difficultés constatées pour accéder à une officine risquent toutefois de neutraliser, dans certains des territoires visés, les effets de cette politique.

Dans nos territoires ruraux, ces tensions s'ajoutent ainsi à l'ensemble des difficultés d'accès aux soins décrites depuis longtemps. L'Association des maires ruraux de France (AMRF), que j'ai auditionnée, a conduit une étude établissant que les écarts d'espérance de vie entre départements ruraux et départements urbains s'aggravent pour atteindre, désormais, près de deux ans pour les hommes et un an pour les femmes.

Parce qu'il est nécessaire d'agir pour faciliter l'installation d'officines dans nos campagnes, la proposition de loi déposée par la présidente de notre groupe Maryse Carrère vise à assouplir les conditions d'ouverture des pharmacies d'officine, par voie de transfert, de regroupement ou de création. Elle autorise une telle ouverture dans les communes de moins de 2 500 habitants, lorsqu'elles sont situées dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d'officine qui totalisent ensemble une population dépassant ce seuil.

Les auditions que j'ai conduites ont toutefois révélé qu'une révision des critères de droit commun d'ouverture des officines, applicables à l'ensemble du territoire national, inquiète la profession. Celle-ci craint une forte déstabilisation du réseau officinal existant et, localement, des effets d'éviction non souhaitables.

Aussi, je vous proposerai d'entendre ces inquiétudes en recentrant le dispositif sur sa cible prioritaire : les territoires les moins bien pourvus en officines et, en leur sein, les communes faiblement peuplées qui ne peuvent accueillir, en application des critères actuels, une pharmacie. Pour ce faire, je vous soumettrai un amendement réécrivant le dispositif de l'article unique pour contraindre, plutôt, le Gouvernement à prendre dans les prochains mois le décret attendu depuis six ans et devant permettre l'application du dispositif « territoires fragiles ».

En l'absence de décret au 1er octobre prochain, le dispositif deviendrait d'application directe : il appartiendrait, dans ce cas, aux directeurs généraux des ARS d'identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères d'ores et déjà prévus par la loi. Au sein de ces territoires, l'ouverture de pharmacies d'officine dans les communes rurales sera facilitée et des aides pourront être octroyées afin de favoriser leur maintien.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, dans les territoires ruraux, nos concitoyens qui souffrent du manque de professionnels de santé sont en droit d'attendre davantage. Faisons évoluer positivement les choses.

Il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives aux conditions d'ouverture, par voie de transfert, de regroupement ou de création, des pharmacies d'officine ; aux conditions d'accompagnement des pharmacies d'officine dans les territoires au sein desquels l'approvisionnement en médicaments n'est pas satisfaisant.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux études de pharmacie, aux missions des pharmaciens d'officine ou à l'approvisionnement en médicaments.

Il en est ainsi décidé.

Mme Maryse Carrère, auteure de la proposition de loi. - En vingt ans, près de 4 000 officines ont mis la clé sous la porte. Bien moins médiatisée que la désertification médicale, la désertification pharmaceutique n'est pas moins préoccupante, car elle est lourde de conséquences sur l'accès aux soins, notamment en milieu rural et en milieu montagneux. La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) considère en effet que 3 % à 5 % de la population française vivent aujourd'hui dans des territoires considérés comme fragiles au regard de leur offre pharmaceutique.

Ce problème de santé publique mérite une attention particulière, d'autant que le pharmacien, loin de se limiter à la délivrance des médicaments, s'est vu confier de plus en plus de responsabilités et de missions, notamment dans le cadre des renouvellements d'ordonnances en cas d'affection chronique, de la vaccination, du dépistage et de la délivrance d'antibiotiques pour les cystites simples et les angines. En sus de son rôle de conseil habituel, le pharmacien intervient désormais dans les domaines de la prévention, du suivi et de la prise en charge de certaines maladies.

Acteur de proximité et maillon essentiel du système de santé, le pharmacien a été mis à contribution pendant la crise du covid-19. La fermeture de pharmacies en milieu rural met en exergue les défis auxquels sont confrontés ces territoires en matière d'accès aux soins : sans officine de proximité, les patients doivent parcourir de longues distances pour se rendre à la pharmacie la plus proche, ce qui est source de problèmes pour les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite et celles qui sont dépourvues d'un moyen de transport, et cela n'est pas sans conséquence sur la qualité des soins et le suivi des patients.

En outre, la fermeture d'une pharmacie peut avoir des répercussions économiques et sociales dans les territoires, la perte d'un service de proximité pouvant contribuer à l'isolement des habitants et à la désertification des territoires en décourageant les jeunes familles comme les professionnels de santé de s'y installer.

Certes, une ordonnance de 2018 a prévu un assouplissement des règles d'ouverture d'une officine dans les territoires dits « fragiles » et permet, dans certains territoires, l'installation de pharmacies dans les communes de moins de 2 500 habitants qui en sont dépourvues, à deux conditions : premièrement, les communes contiguës doivent se regrouper pour dépasser ce seuil de 2 500 habitants ; deuxièmement, cette alliance de communes doit compter au moins une localité recensant plus de 2 000 habitants.

Or cette ordonnance n'est toujours pas entrée en vigueur faute de décret, d'où la démarche entreprise par les sénateurs du groupe RDSE via cette proposition de loi, avec l'objectif de maintenir un maillage pharmaceutique de qualité sur notre territoire.

Nous souhaitions ainsi ne plus imposer la condition des 2 000 habitants : compte tenu du fait que la France compte un peu plus de 29 000 communes de moins de 2 000 habitants, je ne suis pas certaine que l'assouplissement prévu par l'ordonnance de 2018 réponde aux défis posés. Pour prendre l'exemple de mon département, seules 10 communes comptent plus de 2 000 habitants, les autres communes recensant entre 20 à 600 habitants.

Au cours des auditions menées par notre rapporteure, l'ordre des pharmaciens et les syndicats professionnels ont exprimé une série de réserves d'ordre économique, mais les sénateurs ont le devoir de mener des réflexions centrées sur l'aménagement du territoire.

La rapporteure nous propose une réécriture de l'article unique afin de demander au Gouvernement de publier le décret nécessaire à l'application du dispositif « territoires fragiles » avant le 1er octobre, ce que les cosignataires de la proposition de loi acceptent sans difficulté.

En conclusion, j'évoquerai la situation dans mon département, qui a été l'élément déclencheur de cette proposition de loi : en moins de six mois, trois pharmacies situées dans trois territoires différents ont été rachetées dans un seul but : les fermer, afin d'éviter la concurrence avec les territoires voisins et les grandes pharmacies du périmètre urbain de la ville de Tarbes. De surcroît, des pharmacies de montagne situées à proximité de cabinets médicaux ont fermé pour renforcer une officine située à plus de trente kilomètres.

Cette tendance lourde à l'hyperconcurrence et aux rachats d'officines s'accompagne de l'impossibilité, pour les maires de communes de moins de 2 500 habitants, de rouvrir des pharmacies dans leurs territoires. D'où cette proposition de loi qui doit permettre d'ouvrir le débat et d'inciter le Gouvernement à se pencher sur la réorganisation territoriale du réseau d'officines, en particulier dans nos territoires ruraux et de montagne.

Mme Céline Brulin. - Je remercie l'auteure et la rapporteure de ce texte, qui me semble utile. Les auditions que vous avez conduites vous ont-elles permis de comprendre les causes de la non-publication du décret ? Les pharmaciens sont effectivement amenés à assumer de plus en plus de missions, dont les Trod et la vaccination, tandis qu'un nombre grandissant d'officines accueillent également des cabines de téléconsultation, qui constituent une réponse, certes imparfaite, à la désertification médicale.

Le constat établi ne me semble pas sans lien avec l'audition précédente consacrée à la financiarisation de la santé, puisque nous constatons que ce mouvement est aussi à l'oeuvre dans les officines. Si je comprends la volonté de recentrer le texte sur la publication des décrets, j'estime que nous devrions creuser ce sujet plus avant.

Au cours d'une audition, l'ordre des pharmaciens a indiqué, sans surprise, que les professionnels allaient davantage s'installer à proximité des médecins. De la même manière, il est peu probable que les médecins s'installent dans des zones dépourvues de pharmacies : je pense que nous devrons faire preuve de davantage de volontarisme si nous voulons éviter d'aller de pénurie en pénurie.

Par ailleurs, même si je comprends que le périmètre soit resserré en raison de l'objet très précis de la proposition de loi, je tiens à souligner que j'ai été particulièrement alertée par le fait que les études de pharmacie ne font plus le plein depuis deux ans. Ce phénomène extrêmement inquiétant est visiblement lié à la réforme de l'accès aux études de santé et à un accès à la filière pharmaceutique devenu complètement illisible pour ceux qui souhaiteraient s'y engager. Il s'agit d'un véritable sujet de préoccupation compte tenu de la désertification actuelle, cette pénurie d'étudiants ne pouvant qu'augurer de futures difficultés.

Notre groupe soutiendra la proposition de loi.

Mme Corinne Imbert. - Je remercie la rapporteure pour les échanges que nous avons pu avoir en amont de sa présentation. La question du déficit d'attractivité des études de pharmacie représente effectivement un objet de préoccupation majeure : l'année dernière, 1 000 places étaient vacantes en deuxième année, contre 400 à 500 places cette année. De plus, les difficultés de recrutement existent déjà pour un pharmacien en milieu rural qui souhaite recruter un préparateur ou un pharmacien adjoint.

Jusqu'à présent, nous disposions pourtant d'un réseau d'officines qui représentait à la fois une véritable colonne vertébrale du système de santé et un modèle d'aménagement du territoire, avec des pharmacies accessibles en une quinzaine de minutes. Dans sa première version, le texte ciblait les pharmacies rurales installées dans des communes de moins de 2 000 habitants et qui couvrent un bassin de population de 2 500 habitants, qui existent en vertu de licences données il y a fort longtemps. Ces mêmes officines sont aujourd'hui en proie à des difficultés économiques et ne trouvent que difficilement un successeur, à tel point qu'elles ferment ou sont vendues à un euro symbolique.

Certes, toutes ces officines ne sont heureusement pas mal en point, certaines parvenant à assumer les nouvelles missions qui leur sont confiées, mais lesdites missions nécessitent une équipe assez fournie. De plus, un pharmacien doit pouvoir libérer une partie de son temps pour se former, ce qu'il est dans l'incapacité de faire s'il travaille seul ou avec des effectifs réduits.

Face à ces difficultés plurielles, nous partageons tous l'inquiétude de voir apparaître des déserts pharmaceutiques, le nombre d'officines ayant chuté de 25 000 à 19 000 en l'espace de vingt-cinq ans. Ce phénomène de concentration nous renvoie à la logique de financiarisation évoquée dans le cadre de l'audition précédente.

Par ailleurs, je vous signale qu'un député représentant les Français de l'étranger devrait prochainement remettre un rapport portant une vision opposée à celle que vous avez exprimée, en défendant, dans le prolongement de la déclaration de politique générale du Premier ministre, une libéralisation totale de la vente de médicaments - en grande surface ou en ligne -, qui s'apprête à balayer d'un revers de main le modèle de pharmacie de proximité qui a structuré l'aménagement du territoire dans notre pays.

Nous voterons cette proposition de loi telle que la rapporteure propose de l'amender.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - D'après le ministère de la santé, 6 % de la population française - hors Mayotte - réside dans des territoires qui répondent à l'un des critères de fragilité envisagés.

Le retard dans la publication du décret est imputable au ministère, qui avait invoqué la crise sanitaire en 2020. Une première proposition a été transmise aux représentants des pharmaciens début 2023, mais a été rejetée.

Les auditions que nous avons menées ont mis en exergue un déficit d'attractivité des études de pharmacie et, parmi les diplômés des pharmacies d'officine, alors que celles-ci sont essentielles à l'accès aux soins et un vecteur de lien social dans nos territoires ruraux.

Mme Corinne Féret. - L'amendement proposé vise à contraindre le Gouvernement à publier un décret d'application : il est incroyable que des dispositifs écrits ne soient pas mis en oeuvre compte tenu des besoins existants dans nos territoires.

Dans le Calvados, les élus travaillent avec acharnement pour attirer des professionnels de santé dans leurs petites communes, quitte à imaginer des projets d'aménagement de l'ensemble du centre-bourg au-delà du pôle ou du centre de santé envisagé. Cependant, lorsqu'ils décrochent l'accord de professionnels de santé pour créer un tel pôle, ils se heurtent au refus de l'ARS de valider l'ouverture d'une pharmacie, justement au motif que le fameux décret n'a pas été publié. Cette impossibilité inquiète les porteurs de projets, qui se trouvent fragilisés par cette impossibilité d'ouvrir une pharmacie alors que les besoins sont bien réels.

Nous voterons cette proposition de loi, l'amendement visant à contraindre le Gouvernement à publier ce décret étant essentiel pour résoudre bon nombre de situations difficiles, en particulier dans nos territoires ruraux.

Mme Jocelyne Guidez. - L'amendement est effectivement bienvenu. Pour prendre un autre exemple, celui d'une ville de mon département - l'Essonne - de 5 000 habitants qui comptait deux pharmacies, le départ à la retraite d'une pharmacienne a donné lieu à une entente entre les professionnels et à la fermeture d'un des deux établissements. Il se révèle très difficile de rouvrir une deuxième pharmacie alors que nous avons reçu des propositions de professionnels prêts à venir s'installer et que la population croît. J'ajoute que la commune ne connaît pas de difficultés en termes de présence de médecins. Nous voterons bien sûr cette proposition de loi.

Mme Chantal Deseyne. - Comme tous les autres orateurs, je suis attachée à la présence des pharmacies dans tous les territoires, y compris les plus éloignés et les moins peuplés, mais nous devons également tenir compte des réalités économiques et de la nécessité pour les pharmaciens de pouvoir vivre de leur métier. Dans mon département, les médecins propharmaciens ont longtemps eu la possibilité de délivrer des médicaments, ce qui pourrait être une piste à explorer pour remédier aux difficultés actuelles.

Mme Corinne Bourcier. - Les pharmaciens sont essentiels pour le conseil, l'accompagnement des patients et l'accompagnement des médecins. Ils doivent aussi assumer de nouvelles missions.

Si je salue votre initiative, je m'interroge sur la pertinence du seuil retenu : parmi les nombreuses communes nouvelles que compte le Maine-et-Loire, j'ai en tête le cas d'une commune nouvelle de 16 000 habitants qui regroupe onze communes, dont la plupart comptent moins de 2 500 habitants. Un ajustement dudit seuil pourrait donc être nécessaire. Notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Marie-Pierre Richer. - Merci, madame la rapporteure, de mettre une nouvelle fois en avant la désertification pharmaceutique. Je suis intervenue, voilà maintenant plusieurs années, pour souligner qu'elle était en marche, notamment dans le département du Cher.

Je me réjouis que cette proposition de loi permette de parler du milieu rural et de ce sujet en particulier.

J'attends beaucoup de l'expérimentation des antennes de pharmacies socles, des pharmacies annexes. Elle est dans les tuyaux, mais, pour qu'elle fonctionne, il faudra que les ARS aient la possibilité d'accorder des autorisations en nombre. Je crains qu'elle ne soit trop restreinte, ce qui m'inquiète un peu.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - L'un des effets bénéfiques attendus du dispositif Territoires fragiles est d'obliger les ARS à mieux mesurer les difficultés d'accès qui existent déjà, notamment dans les territoires ruraux. Parmi les critères envisagés, il faut être situé à plus de quinze minutes d'une pharmacie d'officine, ce qui est assez courant dans les territoires très isolés.

Les médecins propharmaciens existent encore. Dans mon département, il y en a encore dans quatre villages, et c'est heureux, parce que la pharmacie la plus proche est dans le Gard. C'est une réponse de proximité importante.

Dans le cas des communes nouvelles, les critères sont appréciés à l'échelle de celles-ci.

Je souscris à tous vos propos. Nous espérons tous que les décrets seront appliqués au mois d'octobre !

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à réécrire l'article unique de la proposition de loi, afin de contraindre le Gouvernement à publier le décret nécessaire à l'application de ce dispositif avant le 1er octobre 2024. Dans le cas contraire, il appartiendra aux directeurs généraux des ARS, à compter de cette date, d'identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères légaux et d'appliquer, en leur sein, les conditions d'ouverture assouplies devant favoriser l'installation de pharmacies d'officine.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Je vous remercie sincèrement, mes chers collègues.

La réunion est close à 12 h 05.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 36(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie37(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte38(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial39(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 3 avril, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 355 (2023-2024) tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- aux conditions d'ouverture, par voie de transfert, de regroupement ou de création, des pharmacies d'officine ;

- aux conditions d'accompagnement des pharmacies d'officine dans les territoires au sein desquels l'approvisionnement en médicaments n'est pas satisfaisant.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- aux études de pharmacie ;

- aux missions des pharmaciens d'officine ;

- à l'approvisionnement en médicaments.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

· Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP)

Carine Wolf-Thal, présidente

Bruno Maleine, président du Conseil Central A, représentant les Pharmaciens titulaires d'Officines

Sophie Busquet de Chivre, cheffe de service du Conseil Central A

Jean-François Guillerm, président du Conseil Régional de l'Ordre des Pharmaciens de Bretagne

· Association des maires de France (AMF)

Michel Gabas, membre de la commission santé, maire d'Eauzé (Gers)

· Association des maires ruraux de France (AMRF)

Cédric Szabo, directeur

Gilles Noel, membre du bureau

· Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF)

Denis Millet, secrétaire général

Pierre Fernandez, directeur général

Lucie Bourdy-Dubois, présidente de la commission métier pharmacien

· Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO)

Pierre-Olivier Variot, président

Bénédicte Bertholom, directrice générale

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Julie Pougheon, conseillère spéciale auprès de la directrice générale

Laetitia Hurez, chargée de mission au sein du bureau Premier recours (R2) de la Sous-direction de la régulation de l'offre de soins (SDR)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-355.html https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl18-157.html


* 1 Drees, Portrait des professionnels de santé, édition 2016, p. 50.

* 2 IGF et IGAS, La régulation du réseau des pharmacies d'officine, octobre 2016, p. 5.

* 3 Conseil national de l'ordre des pharmaciens, Démographie des pharmaciens : panorama 2022, juillet 2023, p. 47.

* 4 Institut national de la statistique et des études économiques, Bilan démographique 2023.

* 5 Conseil national de l'ordre des pharmaciens, op. cit., p. 47.

* 6 Conseil national de l'ordre des pharmaciens, op. cit., p. 47.

* 7 Article L. 5125-5-1 du code de la santé publique.

* 8 Article L. 5125-5 du code de la santé publique.

* 9 Article L. 5125-22 du code de la santé publique.

* 10 Article L. 5125-16 du code de la santé publique.

* 11 Article L. 5121-12-1-1 du code de la santé publique.

* 12 Article 52 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.

* 13 Article 33 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

* 14 Article L. 5125-1-1 A du code de la santé publique.

* 15 Ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie.

* 16 Article L. 5125-3 du code de la santé publique.

* 17 Article L. 5125-4 du code de la santé publique

* 18 Article L. 5125-4 du code de la santé publique.

* 19 Articles L. 5125-3 et L. 5125-3-2 du code de la santé publique.

* 20 Article L. 5125-3 du code de la santé publique.

* 21 Article L. 5125-3-2 du code de la santé publique.

* 22 Article L. 5125-3 du code de la santé publique.

* 23 Ibid.

* 24 Article L. 5125-6 du code de la santé publique.

* 25 Article L. 5125-6-1 du code de la santé publique.

* 26 Article L. 5125-6-2 du code de la santé publique.

* 27 Article L. 5125-6 du code de la santé publique.

* 28 Article 95 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'amélioration et de simplification de l'action publique.

* 29 Article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.

* 30 Voir sur ce point le rapport n° 48 (2023-2024) de Mme Corinne Imbert, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, pp. 51 et suivantes.

* 31 Article 8 de la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.

* 32 Article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale.

* 33 Réponses écrites de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) au questionnaire transmis par la rapporteure.

* 34 AMRF, Étude sur la santé en milieu rural. La mortalité, avril 2023.

* 35 Conseil national de l'ordre des pharmaciens, Démographie des pharmaciens : panorama 2022, op. cit., p. 38.

* 36 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 37 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 38 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 39 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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