N° 669
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur la proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel,
Par M. Michel SAVIN,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Martin Lévrier, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Samantha Cazebonne, Mireille Conte Jaubert, Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Patrick Kanner, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Pauline Martin, Catherine Morin-Desailly, M. Georges Naturel, Mme Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.
Voir les numéros :
Sénat : |
456 et 670 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel, est issue des travaux de la mission d'information de la commission, dotée de pouvoirs d'enquête, sur la financiarisation du football. Adopté à l'unanimité en octobre dernier, le rapport 1 de la mission d'information a formulé 35 recommandations en vue de clarifier la gouvernance collective du sport professionnel, de renforcer le contrôle des budgets des clubs, de partager plus équitablement les ressources issues des droits audiovisuels, de renforcer les exigences en matière d'éthique, de bonne gestion et de démocratie et de réinventer l'économie du sport professionnel, confronté à la progression du piratage.
Les constats du rapport se sont confirmés au cours des derniers mois. Après les départs successifs de Mediapro puis d'Amazon, DAZN a souhaité mettre fin de façon anticipée à son contrat, plongeant à court terme les clubs dans l'incertitude quant à leurs revenus futurs. Le piratage des contenus sportifs connaît une progression préoccupante, alimenté par une offre commerciale inadaptée et par une défiance généralisée à l'égard de la gouvernance du football. Afin d'identifier des solutions, la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative et le président de la Fédération française de football ont lancé, en mars 2025, des états généraux, qui ont abouti, le 12 mai dernier, à des propositions de réforme en profondeur, s'agissant tant de la gouvernance que du développement économique de la discipline. Parallèlement, un certain nombre de blocages, dans l'organisation et la gestion du sport professionnel, appellent des ajustements législatifs.
Après avoir entendu l'ensemble des acteurs concernés, notamment les fédérations, les ligues, les organisations professionnelles, les titulaires de droits sportifs et les diffuseurs, le rapporteur a proposé seize amendements à la commission, qui les a adoptés. Ces amendements visent à préciser et sécuriser les dispositifs, à accroître la solidarité dans la gestion du sport professionnel et à renforcer les contrôles.
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté, le 28 mai 2025, son texte sur cette proposition de loi.
1 Rapport d'information n° 87 (2024-2025) : « Football-business : stop ou encore ? » (29 octobre 2024).
I. LE SPORT PROFESSIONNEL CONFRONTÉ À DES DIFFICULTÉS STRUCTURELLES
A. LE FOOTBALL SOUS TENSION
Depuis 2020, le football français traverse une crise économique profonde. Le choix de Mediapro a longtemps entretenu l'illusion que le championnat pouvait valoir un milliard d'euros - illusion que la faillite de ce diffuseur n'a pas immédiatement dissipée. Deux ans plus tard, la conclusion d'un partenariat entre la Ligue de football professionnel (LFP) et le fonds d'investissement CVC a continué à nourrir l'espoir que les difficultés rencontrées étaient conjoncturelles, et surmontables grâce à un apport financier exceptionnel, devant permettre de revenir à un niveau de droits proche de celui atteint par les autres grands championnats européens.
Ce partenariat financier, par lequel les clubs ont consenti à céder 13 % de leurs revenus futurs, n'a toutefois pas produit les effets escomptés. Les droits TV ont continué à chuter, passant de 730 M€ en 2023-2024 à 500 M€ en 2024-2025. La rupture récente entre la Ligue et son principal diffuseur, DAZN, conduit à un nouveau saut dans l'inconnu.
Les déficits cumulés des clubs sont estimés à 1,2 milliard d'euros. Le championnat « à plusieurs vitesses » est devenu une réalité, avec une concentration croissante des ressources et des performances au profit d'un seul club, largement dominant, suivi par quelques challengers encore compétitifs, les autres clubs étant relégués au second plan. Comme l'a récemment déclaré le président de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), tous les clubs n'ayant pas joué une coupe d'Europe au cours des années récentes sont financièrement en danger. L'absence de visibilité sur les droits domestiques conduit à construire des budgets de club à droits nuls, ce qui est inédit.
La survie de plusieurs clubs dépend désormais de la solidité financière et de la bonne volonté de leurs actionnaires.
B. DES QUESTIONS QUI CONCERNENT L'ENSEMBLE DU SPORT PROFESSIONNEL
Le football est confronté à des problématiques de gouvernance qui lui sont spécifiques, mais qui correspondent aussi à l'amplification de défis partagés avec les autres sports professionnels.
Les effets du piratage sur l'économie du sport professionnel sont majeurs. Par exemple, plus de la moitié des téléspectateurs du match Paris Saint-Germain (PSG) - Olympique de Marseille (OM) du 27 octobre 2024 aurait visionné cette rencontre de façon illicite.
À l'initiative du Sénat, la lutte contre le piratage a été renforcée par la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique.
Depuis 2022, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a procédé à environ 8 000 blocages. Le rythme de ces blocages s'est accéléré, jusqu'à environ 600 par mois. À titre de comparaison, toutefois, pendant la saison 2023-2024, ce sont environ 650 000 retransmissions illégales de matchs qui ont été bloquées par la Premier League anglaise, soit plus de 50 000 par mois.
Les moyens juridiques et humains mis en oeuvre en France demeurent insuffisants pour endiguer un phénomène sociétal, qui produit des effets en chaîne dans tous les secteurs de la télévision payante.
En matière de gouvernance, le schéma pyramidal prévu par le code du sport a permis un développement équilibré du sport professionnel. Des ajustements sont néanmoins nécessaires. En particulier, le sport professionnel féminin ne dispose ni des moyens financiers ni des outils juridiques nécessaires pour se développer au même niveau que le sport professionnel masculin.
Par ailleurs, comme l'a souligné un rapport remis en juillet 2023 par
M. Rémy Schwartz, conseiller d'État, à la ministre des sports, le code du sport ne permet pas d'encadrer de façon suffisante la mise en oeuvre de la subdélégation dont bénéficient les ligues professionnelles. En particulier, si le retrait de la délégation octroyée à une fédération est encadré, ce n'est pas le cas pour un retrait éventuel de la subdélégation. En cas de désaccord entre la fédération et la ligue dans un domaine de compétence partagée, la situation est bloquée, ce qui entraîne des recours de l'une ou l'autre partie auprès du ministre des sports, voire de la juridiction administrative. Le rapporteur a auditionné les six ligues professionnelles existantes. La plupart d'entre elles ont ainsi expérimenté des situations de blocage, du fait d'un désaccord avec leur fédération.