- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
- LA MISSION
« ÉCONOMIE »
- I. L'EXÉCUTION EN 2024 DES
CRÉDITS DE LA MISSION « ÉCONOMIE »
TÉMOIGNE À NOUVEAU D'UNE DIVERGENCE EXCESSIVE ENTRE
L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE ET LES DÉPENSES
RÉALISÉES
- II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS
SPÉCIAUX
- A. DES ANNULATIONS DE CRÉDITS PRINCIPALEMENT
SUPPORTÉES PAR LE PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT ET QUI NE
FAIT QUE REPOUSSER LA DÉPENSE INÉLUCTABLE À PLUS
TARD
- B. LA HAUSSE TENDANCIELLE DES DÉPENSES
D'INTERVENTION DE LA MISSION FRAGILISE LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE
ADOPTÉE EN LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES (LPFP)
- A. DES ANNULATIONS DE CRÉDITS PRINCIPALEMENT
SUPPORTÉES PAR LE PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT ET QUI NE
FAIT QUE REPOUSSER LA DÉPENSE INÉLUCTABLE À PLUS
TARD
- I. L'EXÉCUTION EN 2024 DES
CRÉDITS DE LA MISSION « ÉCONOMIE »
TÉMOIGNE À NOUVEAU D'UNE DIVERGENCE EXCESSIVE ENTRE
L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE ET LES DÉPENSES
RÉALISÉES
- COMPTE DE CONCOURS
FINANCIERS
« PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS
OU À DES ORGANISMES PRIVÉS »
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 12 COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS ET AVANCES
À DES PARTICULIERS Rapporteur spécial et Rapporteure
spéciale : |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
MISSION « ÉCONOMIE »
1. L'exécution des crédits de la mission « Économie » pendant l'exercice 2024 fait apparaître, comme lors de l'exercice précédent, un risque de divergence substantielle entre l'autorisation parlementaire et le montant effectif des crédits disponibles pour les responsables de programmes. En effet, l'exercice 2024 a été marqué par le report de 3 110 millions d'euros de crédits non consommés depuis l'année 2023 vers l'année 2024, soit 72,4 % des crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) sur les programmes de la mission.
2. La mission « Économie » a été fortement mise à contribution dans le cadre des mesures transversales de redressement des finances publiques. Le décret d'annulation du 21 février 2024 et la loi de finances de fin de gestion pour 2024 ont respectivement annulé 304 et 60 millions d'euros sur l'ensemble des programmes, pour un montant total de près de 364 millions d'euros annulés en cours d'exercice. Le programme 343 « Plan France très haut débit » a été le plus touché par ces mesures d'économies, avec plus de 201,4 millions d'euros annulés sur 260,8 millions d'euros ouverts en LFI 2024. Les rapporteurs spéciaux relèvent, dans la droite ligne du constat formulé par la Cour des comptes, que ces crédits feront nécessairement l'objet d'un décaissement au cours des années à venir et ne correspondent donc pas à des économies pérennes.
3. La mission « Économie » a été fortement sollicitée pour soutenir la compétitivité des entreprises dans le contexte d'inflation du prix de l'énergie depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022. Le maintien d'une partie de ces aides, concomitant d'une hausse tendancielle de la compensation carbone versée aux entreprises électro-intensives, se traduit par une croissance substantielle de 219,2 % des dépenses d'intervention de la mission entre 2021 et 2024. Les rapporteurs spéciaux seront attentifs à la compatibilité entre cette tendance haussière et le financement des autres politiques publiques de la mission, dans un contexte de dégradation des finances publiques.
COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS :
« PRÊTS ET AVANCES
À DES PARTICULIERS OU À
DES ORGANISMES PRIVÉS »
1. Le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » a de nouveau été exécuté en déficit à hauteur de 576,7 millions d'euros en 2024, soit un déficit sensiblement plus important que celui prévu par la LFI qui était de 373,6 millions d'euros. La dégradation du solde du compte en cours d'exercice s'explique principalement par la sur-exécution des crédits du programme 862 « Prêts pour le développement économique et social ».
2. La dynamique de dégradation du solde cumulé du compte de concours financiers depuis 2020 devrait se poursuivre dans les années à venir, notamment sous l'effet de l'exécution du prêt accordé au gestionnaire d'infrastructure de la future ligne CDG Express, dont l'ouverture a été repoussée à 2027.
LA MISSION « ÉCONOMIE »
La mission « Économie » rassemble les crédits de politiques publiques visant à favoriser l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, le développement des exportations, la concurrence et la protection des consommateurs.
Elle est composée de cinq programmes :
- le programme 134 « Développement des entreprises et régulation » regroupe les instruments de soutien aux entreprises, notamment sous forme de dépenses d'intervention au profit des petites et moyennes entreprises (PME), de l'industrie, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Il porte également les crédits des administrations en charge de ces politiques publiques, d'autorités administratives indépendantes (AAI) et d'opérateurs. Enfin, il porte le financement des compensations versées au groupe La Poste au titre de trois de ses missions de service public1(*) ;
- le programme 343 « Plan France très haut débit » (PFTHD), créé en 2015, porte les financements de l'État en vue d'assurer la couverture intégrale du territoire par le réseau de fibre optique2(*) ;
- le programme 220 « Statistiques et études économiques » porte principalement les crédits de l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) ;
- le programme 305 « Stratégies économiques » porte principalement les crédits de la direction générale du Trésor et de son réseau international, ainsi que les crédits de plusieurs opérateurs et la subvention versée à la Banque de France au titre des prestations qu'elle effectue pour le compte de l'État.
- le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales en 2023 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », créé en 2021 en cours d'année, vise à doter le CAS « PFE »3(*), géré par l'Agence des participations de l'État, en recettes supplémentaires en fonction des besoins d'intervention identifiés. L'exécution des crédits de ce programme fait l'objet d'une analyse détaillée dans l'annexe spécifique consacrée au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
La mission « Économie » se voit adjointe une part importante des dépenses fiscales du budget de l'État, pour un coût total estimé à 9,7 milliards d'euros pour le budget de l'État et 12,6 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques en 2024.
Évolution des crédits de la mission « Économie » en 2024
(en millions d'euros)
2023 |
2024 |
Exécution / prévision 2024 |
Exécution 2024 / 2023 |
||||||
Prévision |
Exécution |
Prévision |
Exécution |
variation absolue |
variation relative |
variation absolue |
variation relative |
||
134 - Développement des entreprises et régulations |
AE |
6 304,5 |
3 394,2 |
2 947 |
3 936 |
989 |
+ 33,56 % |
+ 542 |
+ 15,96 % |
CP |
6 310 |
3 469,4 |
2656,8 |
3 691,7 |
1 035 |
+ 38,95 % |
+ 222 |
+ 6,41 % |
|
343 - Plan France Très haut débit |
AE |
74,1 |
72,6 |
96,9 |
75 |
- 22 |
- 22,60 % |
+ 2 |
+ 3,31 % |
CP |
437,7 |
426,7 |
464,5 |
260,8 |
- 204 |
- 43,85 % |
- 166 |
- 38,88 % |
|
220 - Statistiques et études économiques |
AE |
458,9 |
456,6 |
485,76 |
466 ,2 |
- 20 |
- 4,03 % |
+ 10 |
+ 2,10 % |
CP |
454,8 |
454,9 |
473,5 |
459,3 |
- 14 |
- 3,00 % |
+ 4 |
+ 0,97 % |
|
305 - Stratégies économiques |
AE |
714,5 |
709,2 |
703,7 |
686,1 |
- 18 |
- 2,50 % |
- 23 |
- 3,26 % |
CP |
715,9 |
704,8 |
698,6 |
692 |
- 7 |
- 0,94 % |
- 13 |
- 1,82 % |
|
367 - Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » |
AE CP |
0 0 |
0 0 |
0 0 |
0 0 |
0 0 |
0 % 0 % |
0 0 |
0 % 0 % |
Total mission |
AE |
7 552 |
4 632,6 |
4233,4 |
5 162,2 |
929 |
+ 21,94 % |
+ 530 |
+ 11,43 % |
CP |
7 918,4 |
5 055,8 |
4293,4 |
5 103,9 |
811 |
+ 18,88 % |
+ 48 |
+ 0,95 % |
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
I. L'EXÉCUTION EN 2024 DES CRÉDITS DE LA MISSION « ÉCONOMIE » TÉMOIGNE À NOUVEAU D'UNE DIVERGENCE EXCESSIVE ENTRE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE ET LES DÉPENSES RÉALISÉES
A. COMME L'ANNÉE PRÉCÉDENTE, LE REPORT MASSIF DE CRÉDITS NON CONSOMMÉS DEPUIS L'ANNÉE 2023 VERS L'ANNÉE 2024 NUIT À LA LISIBILITÉ DES CRÉDITS DE LA MISSION
La loi de finances initiale (LFI) pour 2024 a ouvert 4 293,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sur les programmes de la mission « Économie », soit un montant en baisse de 57,9 % par rapport aux crédits adoptés pour la mission en LFI pour 2023. Cette baisse conséquente s'expliquait par l'extinction programmée en 2024 du guichet d'aides pour le paiement des factures d'électricité et de gaz des entreprises, pour lequel aucun crédit n'était prévu dans la programmation initiale. Toutefois ce dispositif a finalement été prolongé en 2024 et a été financé grâce à d'importants reports de crédits.
Comme pour les deux derniers exercices, les ordres de grandeur des moyens et des dépenses de la mission ont été bouleversés en cours de gestion. Les crédits ouverts en LFI ont été complétés par des reports de crédits non consommés en 2023 vers l'exercice 2024, pour un montant total de 3 109,9 millions d'euros. Alors que l'un des objectifs de la réforme récente du cadre organique des lois de finances était de limiter le recours aux mécanismes de report de crédits non consommés, ce report significatif, autorisé par dérogation au plafond de 3 % de crédits reportés par programme, affaiblit la lisibilité de la trajectoire budgétaire du programme et l'effectivité du principe d'annualité budgétaire. Le report substantiel de crédits non consommés sur les programmes de la mission « Économie » a pour effet que les crédits reportés représentent 72,4 % des crédits ouverts en LFI, ce qui limite le lien entre le vote annuel du Parlement sur les crédits de la mission et le financement annuel des politiques publiques de la mission « Économie ». Pour mémoire, les rapporteurs spéciaux avaient déjà dénoncé ce procédé lors de l'examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.
Par ailleurs, l'exercice 2024 a été marqué par d'importantes annulations de crédits sur la mission « Économie » dans le cadre des mesures transversales de redressement des finances publiques. Le décret d'annulation du 21 février 20244(*) et la loi de finances de fin de gestion pour 20245(*) ont respectivement annulé 304 et 60 millions d'euros sur l'ensemble des programmes, portant le total de crédits disponibles à 7033 millions d'euros.
Au final, les dépenses de la mission se sont élevées à 5 104 millions d'euros, excédant ainsi de 18,8 % les CP votés en LFI.
Crédits disponibles en 2024 pour la mission « Économie »
(en milliards d'euros et en CP)
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
B. LA HAUSSE DES CRÉDITS CONSOMMÉS EST PRINCIPALEMENT PORTÉE PAR LE PROGRAMME « DÉVELOPPEMENT ET RÉGULATION DES ENTREPRISES »
L'augmentation des crédits consommés entre 2023 et 2024 (+ 1 %) s'explique par la progression des crédits du programme 134, qui comprend essentiellement des dépenses d'intervention à destination des entreprises. Les CP du programme 134 consommés en 2024 ont augmenté de 6,4 % par rapport à l'exercice précédent, et font l'objet d'une sur-exécution de 39 % par rapport à la programmation initiale (+ 1 milliard d'euros). La surconsommation des crédits s'explique en grande partie par la poursuite en 2024 du guichet « gaz et électricité », qui n'était pas prévue dans la LFI 2024, mais qui a fait l'objet d'un report de crédits de l'exercice 2023 vers l'exercice 2024. Au total, 953,1 millions d'euros de CP ont été consommés sur cette ligne budgétaire.
Les crédits du programme 220 « Statistiques et études économiques », constitués à 84 % des dépenses de personnel de l'Insee, s'élèvent à 459,3 millions d'euros, en légère hausse par rapport à 2023 (+ 1 %). L'exécution de ces crédits est inférieure de 4,3 % à la programmation initiale qui s'élevait à 480,3 millions d'euros.
Les crédits du programme 305 « Stratégies économiques » s'élèvent à 692 millions d'euros en 2024, en baisse de 1,8 % par rapport à l'année précédente. La diminution des crédits du programme résulte essentiellement de la baisse programmée du financement de la mission d'accessibilité bancaire de la Banque postale et de la diminution de la contribution versée à la Banque de France, moins importante que prévue en LFI. Le montant des crédits exécutés sont proches de la budgétisation initiale (- 1,6 %).
Enfin, les crédits du programme 343 « Plan France très haut débit » se sont élevés à 261 millions d'euros en CP, en baisse de 38,9 % par rapport à 2023, et à un niveau sensiblement inférieur à la programmation initiale (- 43,8 %). Ce programme a supporté une part non négligeable des annulations de crédits intervenues en cours d'exercice (voir infra).
Évolution des crédits de la mission « Économie »
(en milliards d'euros et en CP)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
En ce qui concerne l'évolution des dépenses par titre, les dépenses de personnel et les dépenses de fonctionnement de la mission augmentent respectivement de 3 % et 3,6 %. La hausse apparente des dépenses de fonctionnement (+ 29,6 millions) est conjoncturelle puisqu'elle s'explique d'une part, par l'augmentation de la subvention à l'Agence nationale des fréquence (ANFr) liée aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, et d'autre part, par à une mesure de périmètre, avec l'intégration au sein du programme 343 des crédits dédiés à la prise en charge par l'État d'une part de la rémunération des conseillers numériques « France service ».
Les dépenses d'intervention sont stables par rapport à 2023 (+ 0,1 %) mais demeurent à un niveau élevé, à hauteur de 3,6 milliards d'euros (voir infra). Elles représentent toujours près de 70 % des dépenses budgétaires de la mission, contre 20 % en 2019.
II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
A. DES ANNULATIONS DE CRÉDITS PRINCIPALEMENT SUPPORTÉES PAR LE PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT ET QUI NE FAIT QUE REPOUSSER LA DÉPENSE INÉLUCTABLE À PLUS TARD
La mission « Économie » a fait l'objet de plusieurs annulations de crédits en cours d'exercice, en réaction à la dégradation des finances publiques qui a marqué l'année 2024.
Le décret d'annulation du 21 février 2024 a réduit les CP de la mission de 303,9 millions d'euros, principalement sur le programme 134 (- 176,3 millions d'euros en AE et CP) et le programme 343 (- 37,8 millions d'euros en AE et - 116,8 millions d'euros en CP).
La loi de finances de fin de gestion (LFFG) pour 2024 a minoré les crédits de la mission de 60,2 millions d'euros. Cet effort a été inégalement réparti entre les différents programmes de la mission. Le programme 134 a fait l'objet d'une ouverture de crédits 204 millions d'euros par la LFFG 2024. Les rapporteurs spéciaux relèvent que ces crédits ont servi à financer le versement par l'État d'une subvention de 161 millions d'euros à la société Air France au titre de l'indemnisation des pertes d'exploitation subies par l'entreprise durant le premier confinement en 2020. Cette subvention n'a été présentée au Parlement, ni dans le PLF 2024, ni dans le PLFFG 2024. Son financement par l'annulation d'un même montant de crédits sur le programme 367 de la mission a été présenté comme résultant d'une « actualisation de la trajectoire de l'APE6(*) ».
À l'inverse le programme 343 a été particulièrement affecté par les annulations de crédits de la LFFG 2024, à hauteur de 84,6 millions d'euros en CP. La Cour des comptes indique dans sa note sur l'exécution budgétaire de la mission « Économie » pour l'année 2024 que les annulations de crédits intervenues sur ce programme pendant l'année sont essentiellement imputables « à des retards de travaux ». Dans son enquête sur le déploiement de la fibre optique présentée en février 2024 à la commission des finances du Sénat7(*), la Cour avait ainsi estimé que ces annulations de crédits n'avaient pas empêché l'ANCT de réaliser les décaissements nécessaires au financement des réseaux d'initiative publique8(*) (RIP). Toutefois, plusieurs personnes auditionnées dans le cadre des travaux des rapporteurs spéciaux sur leur rapport pour suite à donner à l'enquête de la Cour ont fait état de contrôles zélés réalisés par l'ANCT au moment des versements des soldes de subventions aux RIP, qui auraient ralenti de facto le rythme des décaissements des crédits, et expliqueraient ces sous exécutions. L'ANCT s'est défendue, lors de leur audition devant la commission des finances, d'avoir réalisé un pilotage des crédits par un renforcement de ces contrôles.
Les annulations d'AE sur le programme 343 par le décret d'annulation du 21 février 2024 ont également eu un impact sur la disponibilité des crédits alloués à la concrétisation du RIP de Mayotte. Ainsi, au moment de la programmation budgétaire pour l'année 2025, il manquait environ 37,5 millions d'AE pour garantir la réalisation du projet. Ces crédits ont été réinscrits dans la LFI pour 2025 lors de l'examen au Sénat de la mission « Économie », à l'initiative des rapporteurs spéciaux. Toutefois, un amendement « rabot » du Gouvernement avait été adopté en parallèle sur cette mission, ce qui, d'après la Cour des comptes, pourrait de nouveau remettre en cause la disponibilité de ces crédits en 2025. Les rapporteurs spéciaux estiment que les AE destinées au financement du RIP de Mayotte doivent être sanctuarisés, conformément à l'intention clairement exprimée par le Parlement lors de l'examen des deux dernières LFI.
En tout état de cause, les rapporteurs spéciaux relèvent, dans la droite ligne du constat formulé par la Cour des comptes, que les crédits qui ont été annulés sur ce programme « feront vraisemblablement l'objet d'un décaissement au cours des années à venir 9(*)».
Récapitulatif des mouvements de
crédits de la mission « Économie »
par
programme sur l'exercice 2024
(en millions d'euros)
Décret d'annulation du 21 février 2024 |
||
Programme |
AE |
CP |
Programme 134 |
- 176,3 |
- 176,3 |
Programme 220 |
- 2,1 |
- 2,1 |
Programme 305 |
- 8,5 |
- 8,5 |
Programme 343 |
- 37,8 |
- 116,8 |
Programme 367 |
0 |
0 |
Total décret d'annulation |
- 224,8 |
- 303,8 |
Loi de finances de fin de gestion pour 2024 |
||
Programme |
AE |
CP |
Programme 13410(*) |
+ 188,5 |
+ 204 |
Programme 220 |
- 10,1 |
- 13,8 |
Programme 305 |
- 7,9 |
- 4,7 |
Programme 343 |
0 |
- 84,6 |
Programme 367 |
- 161 |
- 161 |
Total LFFG pour 2024 |
+ 9,5 |
- 60,2 |
Total des annulations sur l'année 2024 |
- 215,3 |
- 363,9 |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
B. LA HAUSSE TENDANCIELLE DES DÉPENSES D'INTERVENTION DE LA MISSION FRAGILISE LA TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE ADOPTÉE EN LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES (LPFP)
Les crédits de la mission « Économie », qui abondent plusieurs dispositifs d'aide aux entreprises pour garantir leur compétitivité et protéger les consommateurs, financent un montant croissant de dépenses d'intervention, c'est-à-dire de transferts directs aux acteurs économiques qui constituent des dépenses non pilotables pour les responsables de programme.
Les dépenses d'intervention à destination des entreprises ont fortement augmenté lors des derniers exercices exécutés, puisqu'elles sont passées de 1,1 milliard d'euros en 2021 à 3,57 milliards d'euros en 2024 (+ 219,2 %). Hors aides exceptionnelles liées aux crises sanitaire, énergétique et inflationniste, ces dépenses sont passées de 1,7 milliard d'euros en 2022 à 2,4 milliards d'euros en 202411(*) (+ 41,1 %).
Dépenses d'intervention de la mission « Économie »
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Les différents programmes de la mission « Économie » financent plusieurs types de guichet d'aide aux entreprises dont les principaux sont abondés par les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulation ».
La compensation carbone des entreprises électro-intensives demeure la dépense la plus dynamique de la mission. Elle a été quasiment multipliée par trois en 3 ans, passant de 318 millions d'euros en 2022 à 914 millions d'euros en 2024 (+ 187,4 %). Cette dynamique est amenée à se poursuivre en 2025, puisque la LFI a prévu 1,051 milliard d'euros sur cette enveloppe.
La deuxième dépense la plus importante en termes de montant de crédits exécutés en 2024 est le guichet « gaz et électricité ». Ce dispositif, créé en 2022 dans le contexte du déclenchement de la guerre en Ukraine, vise à compenser les surcoûts de dépenses de gaz ou d'électricité des entreprises très consommatrices d'énergie. Le montant des crédits consommés sur cette enveloppe s'élève à 953,1 millions d'euros en 2024, contre 1,1 milliard d'euros en 2023. Financé par le report de crédits de 2023, le coût de cette aide n'avait pas été intégré dans la LFI 2024. Elle n'a pas toutefois vocation à être prolongée en 2025.
Enfin, la compensation versée au groupe La Poste pour ses quatre missions de service public12(*), constitue également une des principales dépenses d'intervention de la mission. Elle s'élevait à 949,813(*) millions d'euros en 2024, en baisse de 1,9 % par rapport à 2023.
Les rapporteurs spéciaux relèvent que la progression dynamique des dépenses d'intervention de la mission est amenée à se poursuivre dans les prochaines années, au regard notamment de la hausse à venir du prix des quotas carbone sur le marché européen et de la création par la LFI pour 2025 d'un dispositif de soutien à la décarbonation de l'industrie.
Des dépenses supplémentaires de 1,5 milliard d'euros concernant la décarbonation de l'industrie pour les années à venir
La LFI pour 2025 a prévu 1,6 milliard d'euros en AE pour le financement d'un dispositif de soutien à la décarbonation de l'industrie. La mise en place d'autorisations d'engagement sans crédits de paiement en 2025 est motivée par la nature du dispositif, reposant sur des appels à projet qui ne sont pas encore formalisés, et par sa temporalité, avec un délai moyen estimé à trois ans entre la décision d'investissement et le démarrage du projet correspondant.
La recherche de cofinancements européens aura également des effets sur le calendrier des projets. La trajectoire de décaissement des crédits de paiement correspondants présentera ainsi un enjeu important pour le pilotage pluriannuel des dépenses de la mission durant les années à venir.
Source : Cour des comptes, Note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 - Mission « Économie ».
Par conséquent, ils seront particulièrement attentifs à ce que la place croissante occupée par les dépenses d'intervention de la mission soit compatible, d'une part, avec la trajectoire pluriannuelle de la mission adoptée en loi de programmation des finances publiques14(*) (LPFP) 2023-2027 qui prévoit un léger recul des crédits de la mission entre 2024 et 2026 et, d'autre part, avec le maintien d'un niveau de crédits suffisant pour assurer l'ensemble des politiques publiques financées par la mission, notamment en matière de répression des fraudes et de soutien à l'exportation.
COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS ET
AVANCES À DES PARTICULIERS
OU À DES ORGANISMES
PRIVÉS »
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2024
L'article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose que « les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs ». Les dépenses du compte de concours financiers sont les prêts et avances consentis, tandis que ses recettes consistent dans les remboursements de ces derniers. En principe, le solde pluriannuel est donc neutre (à l'exception des intérêts qui sont reversés au budget général), mais des décalages se produisent dans le temps entre les dépenses et les recettes, tandis que certains prêts ou avances ne sont, dans certains cas, pas remboursés15(*).
Au titre de l'année 2024, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » est composé des six programmes suivants :
- le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État », qui a pour objet de faciliter la prise de poste à l'étranger de certains agents de l'État ;
- le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » qui vise à octroyer des prêts aux entreprises (via le fonds de développement économique et social, FDES) afin de faciliter leur restructuration financière et commerciale. Les recettes associées au remboursement des prêts accordés à la filière automobile entre 2010 et 2015 sur le programme 863 « Prêts à la filière automobile », supprimé en 2018, sont rattachées au programme 862 ;
- le programme 878 « Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie », créé en 2021, qui a pour objet le financement du prêt de l'État à la société qui reprend l'activité d'extraction de minerai et de production de nickel et de cobalt de la société Vale Nouvelle-Calédonie ;
- le programme 876 « Prêts octroyés dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir », créé en loi de finances initiale pour 2020 ;
- le programme 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle » pour faciliter le financement de la construction de la ligne ;
- le programme 877 « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 », créée par la loi de finances rectificative n° 2020-1719 du 25 avril 2020.
Pendant l'exercice 2024, les dépenses du compte de concours financiers sont essentiellement concentrées sur deux programmes qui représentent 99,5 % de l'intégralité des dépenses du compte : le programme 869 « Prêt à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris Charles de Gaulle », pour un montant de 353,3 millions d'euros, et le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social », pour un montant de 295 millions d'euros. Le programme 877 « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 ou par le conflit en Ukraine » a été utilisé de manière plus résiduelle, à hauteur de 3,4 millions d'euros.
Répartition des dépenses exécutées sur le compte de concours financiers en 2024
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Le solde d'exécution du compte est de - 576,7 millions d'euros en 2024, soit un déficit sensiblement plus important que celui prévu par la LFI pour 2024 qui était de 373,6 millions d'euros. Cette dégradation du solde du compte en cours d'exercice s'explique principalement par la sur-exécution des crédits du programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » à hauteur de 209 millions d'euros.
Ce compte de concours financiers a un solde cumulé négatif qui a connu une importante dégradation depuis 2020, après une période de stabilisation. La dégradation observée du solde cumulé du compte s'explique par plusieurs éléments de conjonctures intervenus à partir de 2020, et justifiant la mobilisation du compte en soutien des entreprises frappées par la crise sanitaire ou le déclenchement de la guerre en Ukraine, de la filière nickel en Nouvelle-Calédonie et enfin de l'infrastructure du futur « CDG Express ».
Solde cumulé du compte de concours financiers
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
A. LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS DANS LES PROGRAMMES ACTIFS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS SE SONT CONCENTRÉS SUR LE SOUTIEN À LA LIGNE « CDG EXPRESS » ET SUR LE FONDS DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Le programme 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle » a pour objet d'apporter un soutien direct de l'État pour couvrir le besoin de financement de la société « Gestionnaire d'infrastructure CDG Express » (GI CDG Express), détenue à parts égales par SNCF Réseau, le groupe Aéroports de Paris et la Caisse des dépôts et consignations, pour la réalisation de l'infrastructure correspondant à une liaison ferroviaire express reliant directement l'aéroport de Roissy et le centre-ville de Paris. Les crédits exécutés en 2024 sur le programme s'élèvent à 352 millions d'euros.
Alors que la mise en service était initialement prévue en 2023, elle a été plusieurs fois repoussée, du fait de la conjonction d'une décision de justice, des effets de la crise sanitaire et de la coordination des travaux avec la circulation des trains de « l'axe Nord ». La mise en service de la ligne est désormais prévue à 2027. Ce report a entraîné de facto celui du début des remboursements et de l'extinction de la créance. Les discussions avec le concessionnaire de l'infrastructure CDG Express pour tirer les conséquences techniques, financières et juridiques sur le contrat de concession se sont traduites par la signature d'un deuxième avenant au contrat de concession en octobre 2024. Comme prévu dans la LFI pour 2024, cet avenant majore de 500 millions d'euros le plafond du prêt, composé d'une ouverture de 300 millions d'euros en AE et d'un report de 200 millions d'euros de 2023 vers 2024. Le montant du prêt a ainsi atteint 2,3 milliards d'euros.
Les rapporteurs seront attentifs à l'évolution de ce programme, qui était initialement présentée comme une infrastructure exploitable dès les Jeux olympiques de Paris en 2024 et dont l'horizon d'amortissement est situé en 2060.
Répartition de la couverture du besoin de
financement
pour la réalisation des travaux d'infrastructure du CDG
Express
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
Le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » permet également de financer les prêts accordés par le Fonds de développement économique et social (FDES) au bénéfice des entreprises en difficulté sur instruction du comité interministériel de restructuration industriel (CIRI) ou des comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI). En 2024, 295 millions de dépenses ont été enregistrées, correspondant à l'octroi de prêts principalement dans les secteurs de la métallurgie et de l'exploitation de métaux. Ce montant connait une augmentation substantielle de 220 % par rapport à l'exercice 2023 (+ 203 millions d'euros).
Enfin, le programme 877 « Avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise de la covid-19 ou par le conflit en Ukraine » a connu un volume d'exécution des crédits moins significatif, avec 3,4 millions d'euros de CP consommés qui correspondent à l'octroi de quatre aides.
B. DEUX DES PROGRAMMES DU COMPTE SONT RESTÉS INACTIFS EN 2024
Les rapporteurs spéciaux relèvent qu'aucun mouvement de crédits n'a été effectué en 2024 :
- sur le programme 878 « Soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie » qui sert de support au prêt accordé à la société Prony Ressources qui a repris l'activité d'extraction de minerai et de production de nickel et de cobalt de la société Vale Nouvelle-Calédonie.
- sur le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État » ;
- sur le programme 876 « Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d'avenir ».
* 1 Service postal universel, transport de presse et aménagement du territoire.
* 2 Le PFTHD est financé par le programme 343 mais est également abondé par d'autres biais, voir infra.
* 3 Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».
* 4 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 5 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 6 Ibid.
* 7 Enquête remise en application de l'article 58°2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sur le déploiement de la fibre optique.
* 8 Les RIP sont les projets de déploiement de la fibre co-financés par les collectivités locales dans les zones moins denses, où l'investissement est par essence moins rentable pour les opérateurs privés.
* 9 Cour des comptes, Note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 - Mission « Économie ».
* 10 Ouverture de 195,6 millions d'euros en AE et 211,1 millions d'euros en CP, et annulation de 7,1 millions d'euros en AE et en CP.
* 11 Cour des comptes, Note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 - Mission « Économie ».
* 12 Service universel postal, transport de presse, aménagement du territoire et accessibilité bancaire.
* 13 Dont 287 millions d'euros portés par le programme 305 « Stratégies économiques » pour la mission « accessibilité bancaire ».
* 14 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
* 15 Les créances qui ne sont pas honorées sont admises en non-valeur et ont un effet sur le déficit public.