- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. LA MISSION « GESTION DES FINANCES
PUBLIQUES »
- A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS POUR
L'ANNÉE 2024 A ÉTÉ MOINS ÉLEVÉE QUE
PRÉVUE EN RAISON DES ANNULATIONS DE CRÉDITS VISANT À TIRER
LES CONSÉQUENCES DE LA DÉGRADATION DES FINANCES PUBLIQUES
- B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- 1. Des annulations de crédits substantielles
dont l'absorption a été grandement facilitée par une
budgétisation généreuse des dépenses de
personnel
- 2. Une année marquée par la
quasi-finalisation de la réorganisation du réseau territorial de
la DGFiP, dont les gains budgétaires doivent désormais faire
l'objet d'une évaluation
- 3. La réduction de la dette technologique
des administrations de la mission demeure une priorité
- 4. Une sous-exécution importante des
dépenses d'intervention qui s'explique par la mauvaise anticipation des
demandes d'aides au titre du protocole de soutien à la transformation
des débitants de tabac
- 1. Des annulations de crédits substantielles
dont l'absorption a été grandement facilitée par une
budgétisation généreuse des dépenses de
personnel
- A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS POUR
L'ANNÉE 2024 A ÉTÉ MOINS ÉLEVÉE QUE
PRÉVUE EN RAISON DES ANNULATIONS DE CRÉDITS VISANT À TIRER
LES CONSÉQUENCES DE LA DÉGRADATION DES FINANCES PUBLIQUES
- II. LA MISSION « CRÉDITS NON
RÉPARTIS »
- III. LA MISSION « TRANSFORMATION ET
FONCTION PUBLIQUES »
- I. LA MISSION « GESTION DES FINANCES
PUBLIQUES »
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 15a Crédits non répartis Transformation et fonction publiques Rapporteur spécial : M. Claude NOUGEIN |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
La mission « Gestion des finances publiques »
1. L'exécution des crédits de la mission en 2024 est inférieure à l'autorisation parlementaire octroyée en loi de finances initiale, avec un écart de - 1,44 % sur les autorisations d'engagement (AE) et de - 2,8 % sur les crédits de paiement (CP). Cet écart s'explique notamment par les annulations de crédits qui ont marqué l'année 2024 dans le cadre des mesures transversales de rétablissement des finances publiques.
2. Au total, près de 3,1 % des crédits initialement ouverts ont été annulés en cours d'exercice, ce qui traduit la contribution importante de la mission « Gestion des finances publiques » au redressement des comptes publics. Toutefois, cet effort doit être relativisé par le fait que les annulations décidées par le Gouvernement ont en grande partie été absorbées par une surbudgétisation des dépenses de personnel. Le rapporteur spécial invite le ministère de l'économie et des finances à fiabiliser davantage la budgétisation des dépenses de titre 2 lors des prochains exercices budgétaires.
3. Par ailleurs, la transformation du réseau territorial de la DGFiP s'est poursuivie en 2024, avec la quasi-finalisation du nouveau réseau de proximité (NRP) et la relocalisation de services en dehors de la région parisienne et des grandes métropoles. Le rapporteur spécial regrette qu'il n'existe à ce jour aucune évaluation précise sur les gains budgétaires attendus de cette réforme.
4. Le rapporteur spécial constate qu'année après année, les projets informatiques connaissent d'importants dépassements de calendrier et de coûts. Il se satisfait néanmoins du changement d'approche opéré depuis 2020, avec une hausse tendancielle du budget informatique. Au regard des enjeux en matière de résorption de la dette technologique des administrations de la mission et de déploiement des nouveaux projets visant à améliorer la gestion des dépenses et des recettes de l'État, il est impératif que cette trajectoire se poursuive. À cet égard, la distinction entre dépenses de fonctionnement et d'investissement doit être améliorée lors de la prévision budgétaire.
5. Enfin, il convient de relever la sous-exécution particulièrement importante des dépenses d'intervention (- 24,7 %), qui mettent en évidence des prévisions trop optimistes de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) sur les demandes d'aides déposées par les buralistes dans le cadre du nouveau protocole de soutien à la transformation des débitants de tabac signé en 2023 entre l'État et le réseau des buralistes.
La mission « Crédits non répartis »
1. En 2024, près de 416,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 245,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP) ont été exécutés sur la mission « Crédits non répartis », soit respectivement 51,3 % et 48,2 % des crédits initialement ouverts en loi de finances initiale (LFI).
2. Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques », initialement doté de 285,5 millions d'euros en AE et CP, a fait l'objet d'une exécution à hauteur de 76 millions d'euros pour financer diverses mesures de titre 2, dont aucune n'avait été annoncée lors de l'examen du PLF 2024. Il a notamment été utilisé pour compenser une mauvaise programmation des crédits de titre 2 du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré ».
3. Le programme 552 « Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles » (DDAI), initialement doté de 525 millions d'euros en AE et 225 millions d'euros en CP, a finalement été exécuté à hauteur de 340,5 millions d'euros en AE et 169,9 millions d'euros en CP. Si le DDAI a permis de couvrir certaines dépenses effectivement accidentelles ou imprévisibles comme celles relatives aux élections législatives ou aux conséquences du passage du cyclone Chido à Mayotte, le rapporteur spécial relève que certaines mesures financées n'ont pas respecté le principe d'imprévisibilité.
La mission « Transformation et fonction publiques »
1. Avec une exécution de 779,9 millions d'euros en AE et 913,6 millions d'euros en CP, le taux d'exécution des crédits autorisés en LFI s'élève à seulement 62,2 % en AE et 83,4 % en CP. Sept ans après la création de la mission, l'exécution n'est donc toujours pas conforme à l'autorisation parlementaire, affichant une dégradation par rapport à l'exécution 2023 (taux d'exécution de 94,6 % en AE et 84,9 % en CP) : les cinq programmes présentent des taux d'exécution très variables, s'écartant plus ou moins largement de l'autorisation initiale.
2. L'exercice 2024 a marqué l'achèvement de 13 nouveaux chantiers de rénovation de cités administratives, alors que 9 premiers sites avaient déjà été livrés en 2023. Les projets réceptionnés atteignent donc désormais le nombre de 22 sur un total de 36 sites programmés. Le programme de rénovation devrait ainsi connaître son terme en 2026.
I. LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES »
La mission « Gestion des finances publiques » porte les politiques publiques relevant du ministère chargé des comptes publics ainsi que l'essentiel des effectifs des ministères économiques et financiers1(*). Elle se compose de trois programmes :
- le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local », qui porte les crédits alloués à la direction générale des finances publiques (DGFiP) ;
- le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », qui porte les crédits alloués à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ;
- le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », qui est placé sous la responsabilité du secrétaire général des ministères économiques et financiers. Il retrace les crédits et les effectifs des cabinets des ministres et secrétariats d'États, des directions et des services en charge de missions transversales (le budget, les achats de l'État...), de l'inspection générale des finances, du secrétariat général du ministère et de toutes les directions et entités exerçant des missions nécessaires au pilotage des politiques publiques ministérielles transversales ou interministérielles (expertise, conseil, contrôle).
Les trois programmes de la mission sont de poids inégaux, le programme 156 représentant près de 75 % des crédits de paiement (CP) exécutés en 2024.
Répartition par programme des
crédits de paiement
de la mission « Gestion des finances
publiques » exécutés en 2024
(en millions d'euros et en %)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS POUR L'ANNÉE 2024 A ÉTÉ MOINS ÉLEVÉE QUE PRÉVUE EN RAISON DES ANNULATIONS DE CRÉDITS VISANT À TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA DÉGRADATION DES FINANCES PUBLIQUES
1. Des dépenses en hausse pour la deuxième année consécutive, mais un taux d'exécution légèrement en deçà de l'autorisation parlementaire
En intégrant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits ouverts en loi de finances initiales (LFI) pour 2024 pour la mission « Gestion des finances publiques » étaient fixés à 10,8 milliards d'euros en AE et en 10,9 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 9,1 % et de 3,4 % par rapport à la LFI 2023. L'année 2024 constituait ainsi la deuxième année de hausse consécutive des crédits, après quatre programmations de suite programmées à la baisse. Cette prévision à la hausse s'expliquait notamment par le dynamisme naturel des dépenses de personnel, et la hausse des dépenses informatiques dans un contexte de résorption de la dette technologique des administrations de la mission (voir infra).
Près de 10,9 milliards d'euros en AE et 10,6 milliards d'euros en CP ont finalement été exécutés en 2023, ce qui correspond à un taux de consommation de 98,56 % pour les AE et à 97,2 % pour les CP. L'exécution est donc très proche de l'autorisation parlementaire. En dépit de la légère sous-exécution des crédits, les dépenses sont en hausse par rapport à l'année 2023, avec + 0,74 % en AE et + 1,39 % en CP. Malgré les annulations de crédits intervenues en cours d'exercice en réaction à la dégradation des finances publiques, l'année 2024 a été marquée par la poursuite de la dynamique de hausse des dépenses engagées depuis 2022.
Évolution des crédits exécutés sur la mission depuis 2019
(en CP, en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Les crédits ont été sous-exécutés sur l'ensemble des programmes. Les CP des programmes 156 et 302 font l'objet d'une légère sous-consommation, à hauteur de - 2,2 % et - 2 % respectivement. Le programme 218 fait l'objet d'une sous-exécution plus substantielle de - 8,68 % en CP, en raison des mesures de régulation budgétaire intervenues en cours d'année, mais aussi, de la suspension du projet immobilier Vincent Auriol (cf. infra).
Exécution des crédits de la mission par programme en 2023
(en % et en millions d'euros)
Programme |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Exécution 2024 / exécution 2023 |
Écart d'exécution 2024 |
|
[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local |
AE |
8 061,8 |
8 080,6 |
8 000,1 |
- 0,76 % |
- 1,00 % |
CP |
7 870,5 |
8 138,1 |
7 959,2 |
+ 1,13 % |
- 2,20 % |
|
[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
AE |
972 |
991,4 |
943,2 |
- 2,96 % |
- 4,86 % |
CP |
956,5 |
1 054,8 |
963,2 |
+ 0,70 % |
- 8,68 % |
|
[302] Facilitation et sécurisation des échanges |
AE |
1 646 |
1 739,4 |
1 711,9 |
+ 4,00 % |
- 1,58 % |
CP |
1 622,5 |
1 707,0 |
1 672,8 |
+ 3,10 % |
- 2,00 % |
|
TOTAL MISSION |
AE |
10 576,9 |
10 811,4 |
10 655,2 |
+ 0,74 % |
- 1,44 % |
CP |
10 449,5 |
10 899,8 |
10 595,1 |
+ 1,39 % |
- 2,80 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
2. Une année 2024 marquée par des mouvements de crédits importants dans un contexte de redressement des finances publiques
L'année 2024 a été marquée par d'importances annulations de crédits décidées par le Gouvernement en février puis lors de la loi de finances de fin de gestion (LFFG) pour 20242(*), dans le cadre de la dégradation des finances publiques.
Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 et la LFFG pour 2024 ont respectivement annulé 244 millions et 95 millions d'euros en AE et CP sur l'ensemble de la mission « Gestion des finances publiques », soit un total de près de 339 millions d'euros.
Ces annulations de crédits ont en partie été absorbées par d'importants reports de crédits de l'exercice 2023 vers l'exercice 2024, à hauteur de 131 millions d'euros en AE et en CP. Ce montant particulièrement élevé a conduit à un dépassement par les programmes 218 et 302 du plafond de report de 3 % prévu par l'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le dépassement du plafond a été autorisé par l'article 176 de la LFI 2024, et s'explique par des retards sur les projets immobiliers et informatiques.
Mouvements
intervenus en cours de gestion 2024
sur la mission « Gestion des
finances publiques »
(en CP, en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Des annulations de crédits substantielles dont l'absorption a été grandement facilitée par une budgétisation généreuse des dépenses de personnel
Comme évoqué supra, l'année 2024 a été marquée par d'importantes annulations de crédits décidées par le Gouvernement dans le cadre du redressement des finances publiques. Au total, près de 3,1 % des crédits initialement ouverts ont été annulés sur la mission « Gestion des finances publiques », ce qui traduit la contribution importante de cette mission au redressement des comptes publics.
Toutefois cet effort doit être relativisé dans la mesure où elles ont en grande partie été absorbée d'une part, par les 131 millions d'euros de reports de crédits en CP de 2023 vers 2024, et d'autre part, par une surbudgétisation de certains postes de dépenses dans la LFI.
Le programme 156 a supporté une annulation de crédit de près de 177,4 millions d'euros en CP au total dont 108,7 millions d'euros par le décret d'annulation du 21 février 2024 et 68,7 millions d'euros en CP par la LFFG pour 2024. Le rapporteur spécial relève que, si l'effort demandé au gestionnaire de programme a été conséquent, celui-ci a toutefois été facilité par une budgétisation généreuse des dépenses de personnel (titre 2), qui a permis, par le recours à la fongibilité asymétrique, de compenser l'annulation de crédits sur les budgets informatiques.
Représentant plus de 80 % des crédits de la mission, les dépenses de personnel (titre 2) occupent une place prépondérante pour apprécier la gestion des crédits et leur exécution en 2024. Ces dépenses sont en légère hausse par rapport à 2023, en raison, principalement, du ralentissement des réductions d'effectifs. Ainsi les dépenses de titre 2 s'élèvent en 2024 à 8,59 milliards d'euros, contre 8,48 milliards d'euros en 2023 (+ 1,2 %). Les dépenses de personnel exécutées en 2024 ont toutefois été inférieures à la prévision (- 1,9 %), qui s'élevait à 8,76 milliards d'euros. La sous-exécution du schéma d'emplois du programme s'expliquerait notamment par les incertitudes sur la fin de gestion qui ont retardé des recrutements, mais aussi, d'après le ministère de l'économie et des finances « à la vacance frictionnelle, inévitable sur une entité de sa taille.3(*) »
Schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques »
en 2024
(en ETP)
|
Prévision LFI 2024 |
Sorties |
dont départs en retraite |
Entrées |
Exécution 2024 |
Écart exécution/LFI |
[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local |
- 200 |
5 997 |
3 337 |
5 750 |
- 244 |
22 % |
[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
+ 108 |
960,9 |
162,5 |
1 032,3 |
+ 71,4 |
- 33,9 % |
[302] Facilitation et sécurisation des échanges |
+ 48 |
784 |
453 |
832 |
+ 48 |
0 % |
Total pour la mission |
- 44 |
7 688 |
4 056 |
7 644 |
- 128 |
191 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
La surbudgétisation des dépenses de personnel, combinée à l'annulation du versement de la garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA), a permis :
- d'annuler 54,8 millions d'euros de dépenses de titre 2, dont 50 millions d'euros au titre de la suppression de la GIPA ;
- de financer un train de mesures catégorielles non prévues, pour un montant de 40 millions d'euros ;
- mais aussi, de réaliser 95,7 millions d'euros de fongibilité asymétrique.
Le rapporteur se félicite de constater que les dépenses informatiques ont été relativement préservées par les mesures d'annulation de crédits. Ces dépenses sont en effet essentielles dans un contexte où les administrations de la mission tentent de résorber leur dette technologique (voir infra). Le rapporteur spécial relève toutefois le recours désormais systématique à la fongibilité asymétrique en cours d'exercice pour financer ce type de dépenses, ce qui semble témoigner de lacunes récurrentes dans la budgétisation initiale, et en particulier, des dépenses de titre 2 qui sont systématiquement sous exécutés depuis plusieurs années.
Mouvements de fongibilité asymétrique sur la mission
(en millions d'euros)
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
Programme 156 |
49,15 |
48,31 |
50 |
54,87 |
95,7 |
Programme 302 |
/ |
/ |
/ |
/ |
2,4 |
Programme 218 |
4,3 |
/ |
/ |
/ |
/ |
Source : Cour des comptes
Le rapporteur spécial invite le ministère de l'économie et des finances à fiabiliser davantage la budgétisation des dépenses de titre 2 lors des prochains exercices budgétaires.
Le programme 218 a également supporté une part substantielle des mesures de régulation budgétaire de l'année 2024. Au total 124,6 millions d'euros ont été annulés, soit 38 % de l'effort total de la mission alors que le programme représente moins de 10 % du total des crédits. Ces annulations se sont traduites par :
- l'abandon de recrutements, qui ont contribué à la sous-exécution du schéma d'emplois du programme (+ 71 ETP au lieu de + 108 ETP en LFI) ;
- la réduction drastique de plusieurs dispositifs, et notamment du fonds de transformation ministériel dont l'enveloppe est passée de 5 à 0,5 millions d'euros ;
- la suspension du projet immobilier Vincent Auriol, qui bénéficiait en 2024 d'une enveloppe de 37,8 millions d'euros. Compte tenu du glissement de calendrier de ce projet, et considérant que son abandon figure parmi les options envisageables, les crédits prévus pour ce projet ont en effet été annulés.
Enfin, concernant le programme 302, l'annulation de 29 millions d'euros en AE et 21 millions d'euros en CP a été absorbée par le décalage calendaire de plusieurs dépenses d'investissement. En effet, la nécessité de financer l'augmentation de certaines dépenses indexées sur l'inflation a conduit la Douane à décaler plusieurs investissements lourds sur 2025 :
- la notification du contrat d'acquisition de bateaux vedettes ;
- la commande des deux derniers scanners mobiles sur les douze prévus, ainsi que celle de deux scanners RX postaux.
Comme pour le programme 156, les dépenses informatiques ont été préservées par ces mesures de régulation budgétaire, puisque seulement 0,9 million d'euros en AE et - 1,4 million d'euros en CP ont été annulés.
2. Une année marquée par la quasi-finalisation de la réorganisation du réseau territorial de la DGFiP, dont les gains budgétaires doivent désormais faire l'objet d'une évaluation
La transformation du réseau territorial de la DGFiP s'est poursuivie en 2024, avec la quasi-finalisation du nouveau réseau de proximité (NRP) et la relocalisation de services en dehors de la région parisienne et des grandes métropoles. Cette démarche vise à optimiser l'organisation des structures de la DGFiP tout en équilibrant la présence des services sur le territoire4(*).
Évolution du réseau
déconcentré de la
DGFiP
entre 2019 et 2026 (projection)
* Services des impôts des entreprises, services des impôts des particuliers, services de publicité foncière et d'enregistrement, pôles de recouvrement spécialisés et trésorerie « amendes ».
Source : commission des finances, d'après les données publiées par la Cour des comptes
Certaines missions de guichet, auparavant assurées par les trésoreries, ont également été transférées aux maisons France Services, ainsi qu'aux buralistes partenaires par l'intermédiaire du dispositif de « paiement de proximité ».
D'après la DGFiP, « les restructurations ont principalement permis des gains d'efficience, résultant du regroupement de petites entités aux effectifs très réduits. Ces regroupements favorisent la création de synergies, la mutualisation des ressources, une meilleure circulation de l'information ainsi qu'une homogénéisation des méthodes de travail, accompagnée d'une plus grande polyvalence des agents ». Elle souligne en outre que « la mise en place de la relocalisation des services de la DGFiP dans les territoires nécessitera des opérations d'aménagement des sites accueillant ces services jusqu'en 2025. » Le rapporteur spécial regrette toutefois l'absence d'évaluation précise des gains budgétaires permis par la réorganisation du réseau de la DGFiP. Cette dernière estime qu'il est prématuré d'établir les gains qui pourraient résulter des relocalisations tant que le déploiement n'est pas totalement achevé.
3. La réduction de la dette technologique des administrations de la mission demeure une priorité
Au regard des missions essentielles assurées par la DGFiP et la Douane en matière de recouvrement des recettes fiscales, de contrôle, de lutte contre la fraude et de gestion publique, les enjeux informatiques sont particulièrement élevés pour ces deux directions. En effet, les dépenses informatiques visent, d'une part, à assurer la bonne gestion des recettes et des dépenses de l'État pour ce qui relève de la compétence des administrations de la mission, et, d'autre part, à automatiser les processus, dans la perspective de réaliser des gains de productivité. Le constat est le même pour les projets pilotés par le secrétariat général du ministère de l'économie et des finances, qui ont une forte vocation interministérielle (système d'information des achats de l'État, Chorus, RenoiRH).
Le rapporteur spécial se félicite que le Gouvernement et les responsables de programme aient cessé de considérer ce poste de dépenses comme une variable d'ajustement pour parvenir à tenir la trajectoire baissière des crédits octroyés à la mission. L'année 2024 semble en effet s'inscrire dans la droite ligne du changement d'approche adopté en 2020 en la matière, qui a marqué le début d'une montée en puissance des dépenses informatiques de cette administration.
Ce constat s'applique plus particulièrement à la DGFiP qui portait en 2024 six projets parmi la cinquantaine de « grands projets numériques de l'État ». Ainsi les dépenses informatiques réalisées par la DGFiP en 2024 s'élèvent, en CP, à 366,8 millions d'euros pour le fonctionnement et à 93,1 millions d'euros pour l'investissement, soit un total de 459,9 millions d'euros. Ces dépenses sont en progression par rapport à l'exécution 2023 (+ 43,1 millions d'euros, soit + 9,3 %). L'année 2024 a notamment permis de voir aboutir le projet « foncier innovant » permettant de rapprocher les informations du plan cadastral et les données foncières fiscales avec des données de cartographie et d'urbanisme.
Le rapporteur souligne de nouveau les importants dérapages constatés sur ces projets informatiques, tant en coûts qu'en délais. Le rapporteur spécial le relève depuis plusieurs années, sans qu'un redressement ne soit encore constaté. Par exemple, concernant la facturation électronique, un projet primordial lancé en 2019 pour améliorer la lutte contre la fraude à la TVA, le calendrier a déjà été allongé de 10 mois, passant de 84 mois à 94 mois. Comme le souligne la Cour des comptes, le coût complet actualisé des six projets supportés par la DGFiP passe ainsi de 382,8 millions d'euros à 442,16 millions d'euros (+ 16 %), tandis que la durée totale est passé de 384 à 487 mois cumulés (+ 27 %). Le projet « facturation électronique » a par exemple fait l'objet d'un redimensionnement, en octobre 2024, pour permettre un atterrissage dans les délais.
La meilleure illustration des lacunes du pilotage des projets informatiques est le projet « gérer mes biens immobiliers » (GMBI), qui a connu à un triplement de son coût initial, et a en outre était marquée par une mise en service chaotique en 2023, conduisant à des erreurs de liquidation de certains impôts.
Évolution des coûts et des
délais des principaux projets informatiques
portés par les
programmes 156 et 218
(en euros et en mois)
GMBI - Gérer mes biens immobiliers : service en ligne pour les usagers particuliers comme professionnels et offrant une vision d'ensemble des propriétés bâties sur lesquelles l'usager détient un droit.
Nouveau réseau de proximité : modernisation de l'outil de gestion des implantations de la DGFiP sur le territoire.
PAYSAGE : consolidation de l'application de paye des agents de l'État.
PILAT : pilotage du contrôle fiscal, afin de transformer le système d'information relatif à la chaîne du contrôle fiscal et « décloisonner » les informations.
RocSP : recouvrement optimisé des créances de la sphère publique, dans le but d'unifier progressivement le recouvrement forcé des différents types de créances de la sphère publique
SIRANO : rénovation du système d'information décisionnel de Tracfin.
TNCP - commande publique : proposition d'une offre de services numériques permettant de dématérialiser de bout en bout la chaîne de la commande publique.
Source : rapport général n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 15, volume 1, déposé le 21 novembre 2024
Face à ces constats, le rapporteur spécial ne peut que réitérer sa recommandation appelant à instaurer des indicateurs de pilotage des projets informatiques bien plus clairs, tant sur les coûts que sur les délais, avec un système d'alerte. S'il est en effet tout à fait concevable que des projets puissent connaître des dépassements, certains pouvant se justifier par des difficultés rencontrées en cours de mise en oeuvre, par l'ajout de nouvelles briques au projet ou encore par des adaptations demandées par les administrations, il est impossible d'apprécier la nature de ces dépassements sans mécanisme de suivi.
Des progrès demeurent également à accomplir en prévision, pour la labellisation des dépenses - fonctionnement (titre 3) ou investissement (titre 5). Les écarts en exécution sur ces deux titres en 2024 s'expliquent en effet en grande partie par les dépenses informatiques : des crédits initialement demandés sur le titre 5 ont finalement été exécutés sur le titre 3. C'est un constat récurrent ces dernières années, pour lequel aucune correction n'a encore été apportée.
4. Une sous-exécution importante des dépenses d'intervention qui s'explique par la mauvaise anticipation des demandes d'aides au titre du protocole de soutien à la transformation des débitants de tabac
Les dépenses d'intervention de la mission se sont élevées en 2024 à 50,7 millions d'euros, contre 67,5 millions d'euros prévus en LFI pour 2024. Les crédits de titre 6 font donc l'objet d'une sous-exécution de - 24,7 %, qui s'explique par une budgétisation trop importante de l'enveloppe dédiée aux aides aux buralistes sur le programme 302 en 2024.
Le nouveau protocole de soutien à la transformation des débitants de tabac
Le nouveau protocole pour la période 2023-2027 entre l'État et la confédération nationale des buralistes a été signé le 19 janvier 2023, et s'est notamment traduit par la création par refonte du dispositif d'aide à la transformation du métier.
Ce protocole comprend cinq axes :
- la mise en oeuvre d'engagements réciproques entre l'État et le réseau des buralistes. L'État s'est engagé à renforcer la lutte contre les trafics de produits du tabac et à ouvrir une réflexion sur la règlementation applicable au monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés, tandis que les buralistes se sont engagés à respecter les interdictions de vente aux mineurs ;
- la poursuite de la transformation du réseau pour transformer les débits de tabac en commerces diversifiés. Une enveloppe annuelle de 20 millions d'euros est allouée au dispositif, avec un niveau de prise en charge plus élevé pour les débits de tabac dont le chiffre d'affaires précédant la demande est inférieure à 500 000 euros ;
- le soutien aux buralistes les plus fragiles, grâce à des aides davantage ciblées, sous trois formats : la création d'un dispositif de soutien forfaitaire, la création d'un « filet de sécurité » et le maintien des indemnités de fin d'activité ;
- la poursuite de l'aide à la sécurisation des tabacs, versée à tous les débits qui investissent dans la sécurisation de leur débit. Cette aide est plafonnée à 10 000 euros par période de cinq ans ;
- l'augmentation du taux de rémunération des buralistes pour la vente de produits du tabac.
Source : Commission des finances, d'après la note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 de la Cour des comptes
Les dépenses pour 2024 au titre du nouveau protocole s'élèvent à 44,8 millions en AE et 39,4 millions en CP, pour une prévision initiale de 59,1 millions d'euros en AE et en CP.
D'après la Cour des comptes, les « prévisions de la DGDDI se sont avérées être trop optimistes sur les demandes d'aides déposées par les buralistes en particulier pour le fonds de transformation et l'aide à la sécurité. » Le rapporteur spécial souscrit à la recommandation de la Cour des comptes, qui invite la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) à « fiabiliser sa prévision budgétaire à la fois sur les AE mais aussi en adoptant une clé d'écoulement pluriannuel des paiements plus proche de l'exécution constatées. »
II. LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »
A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »
1. Une ouverture de crédits sur les deux programmes de la mission
Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » a fait l'objet d'une dotation pour 2024 de 285,5 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit un montant trois fois supérieur à celui de l'année 2023, qui s'élevait à 80 millions d'euros en AE et CP.
Le programme 552 « Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles » (DDAI) a été doté d'un montant de 525 millions d'euros en AE et 225 millions d'euros en CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Ce montant est nettement inférieur au montant ouvert en 2023, qui s'élevait à 1,374 milliard d'euros en AE et 1,074 milliard d'euros en CP. Conformément à la recommandation constante de la commission des finances, la programmation de cette dotation s'est normalisée en 2024 après plusieurs années de budgétisation excessive.
Consommation des crédits pendant l'exercice 2024
(en % et en millions d'euros)
Programmes |
Crédits ouverts en LFI 2024 |
Crédits exécutés |
Taux d'exécution en 2024 / LFI+LFFG 2024 |
|
551 « Provision relative aux rémunérations publiques » |
AE |
285,5 |
76 |
26,6 % |
CP |
285,5 |
76 |
26,6 % |
|
552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » |
AE |
525 |
340,3 |
64,8 % |
CP |
225 |
169,9 |
75,5 % |
|
Total |
AE |
810,5 |
416,3 |
51,4 % |
CP |
510,5 |
245,9 |
48,1 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
2. La consommation des crédits de la mission
a) Une consommation des crédits du programme 551 limitée par rapport au montant de crédits initialement ouverts
La provision relative aux rémunérations publiques, initialement dotée d'un montant de 285,5 millions d'euros en AE et en CP, a fait l'objet en 2024 de deux arrêtés de répartition pour un montant total de 76 millions d'euros, soit seulement 26,6 % des crédits ouverts.
L'arrêté du 12 septembre 20245(*) a réparti 7,1 millions d'euros en AE et en CP à destination du programme 232 « Vie politique », afin de financer les indemnités des agents mobilisés pour les élections législatives anticipées.
L'arrêté du 6 décembre 20246(*) a attribué :
- 1,3 millions d'euros en AE et en CP destination du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durable » pour financer le paiement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) ;
- 67,6 millions d'euros en AE et en CP à destination du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » pour assurer la paie du mois de décembre des professeurs du second degré.
Évolution du programme 551 au cours de l'année 2024
(en millions d'euros et en crédits de paiement)
Référence de la mesure |
Principales mesures financées |
Mouvements de crédits sur le programme 551 |
Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 |
Programmation initiale |
+ 285,5 |
Arrêté du 12 septembre 2024 portant répartition de crédits |
Financement des indemnités des agents mobilisés pour les élections législatives anticipées |
- 7,1 |
Arrêté du 6 décembre 2024 portant répartition de crédits |
Paie du mois de décembre des professeurs du second degré et le financement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) sur le programme 2017 |
- 68,9 |
Solde de fin de gestion |
+ 209,55 |
Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)
b) Les crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » ont été partiellement consommés
Le programme 552, initialement doté de 525 millions d'euros en AE et 225 millions d'euros en CP, a fait l'objet de plusieurs mesures de répartition en 2024, pour un montant de 290 millions d'euros en AE et 119,9 millions d'euros en CP, soit respectivement 64,8 % et 75,5 % des crédits ouverts en LFI.
Deux mouvements de crédits intervenus en mai et en décembre ont permis d'abonder le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement » de 35 millions d'euros en AE et CP. Ces mouvements de crédits ont traditionnellement vocation à abonder les fonds spéciaux de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).
Par ailleurs, le décret n° 2024-885 du 30 août 2024 a ouvert 35,2 millions d'euros en AE et CP sur le programme 145 « Épargne » qui a permis de financer le paiement des primes d'épargne logement (PEL) versées par l'État lors de la clôture de PEL ou de la mobilisation de compte épargne logement (CEL).
Le décret n° 2024-891 du 19 septembre 2024 a abondé le programme 232 « Vie politique » à hauteur de 49 millions d'euros en AE et en CP pour financer des dépenses liées aux élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet dernier.
Le décret n° 2024-1180 du 16 décembre 2024 a ouvert 0,7 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 161 « Sécurité civile » pour financer les premiers besoins urgents des dépenses d'intervention des forces de secours à la suite du passage du cyclone Chido à Mayotte.
Enfin, le décret n° 2024-1208 du 25 décembre 2024 a abondé le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » de 170 millions d'euros en AE afin de permettre aux ministères de l'éducation nationale et des sports, de la jeunesse et de la vie associative de signer un bail de douze ans en vue du regroupement immobilier des services d'administration centrale à Gentilly.
Évolution de la dotation pour
dépenses accidentelles et imprévisibles
au cours de
l'année 2024
(en millions d'euros)
Référence de la mesure |
Programme de destination |
Mouvements de crédits en AE |
Mouvements de crédits en CP |
Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 |
Programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » |
+ 525 |
+ 225 |
Mesure non publiée au Journal officiel (mai 2024) |
Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » |
- 23 |
- 23 |
Décret n° 2024-885 du 30 août 2024 |
Programme 145 « Épargne » |
- 35,2 |
- 35,2 |
Décret n° 2024-891 du 19 septembre 2024 |
Programme 232 « Vie politique » |
- 49 |
- 49 |
Mesure non publiée au Journal officiel (octobre 2024) |
Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » |
- 12 |
- 12 |
Décret n° 2024-1180 du 16 décembre 2024 |
Programme 161 « Sécurité civile » |
- 0,7 |
- 0,7 |
Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 |
Annulation de crédits |
- 50 |
- 50 |
Décret n° 2024-1208 du 25 décembre 2024 |
Programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » |
- 170 |
0 |
Solde de fin de gestion |
184,8 |
54,8 |
Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)
B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Les crédits du programme 551 ont été utilisés pour financer des mesures de rémunération publique qui n'ont pas été annoncées aux moments de la programmation
L'utilisation des crédits du programme 551 en 2024 est discutable, puisque très différente de ce qui avait été annoncée en LFI. Le programme 551 n'a en effet financé aucune mesure de la programmation budgétaire. Cette lacune dans l'information du Parlement en ce qui concerne la budgétisation du programme 551 a plusieurs fois été critiquée par le rapporteur spécial dans ses travaux précédents7(*).
Par ailleurs, le rapporteur spécial relève, dans la droite ligne du constat formulé par la Cour des comptes8(*), que le programme 551 a été utilisée pour compenser une mauvaise programmation des crédits des dépenses de personnel de la mission « Enseignement scolaire ». En effet, le financement par l'arrêté du 6 décembre 2024 de la paie du mois de décembre des professeurs du second degré sur le programme 141 concerne des dépenses qui n'ont pas pu être prise en charge par ce même programme en raison d'une annulation excessive de crédits (- 87,6 millions d'euros) par le décret d'annulation du 21 février 2024.
Or le rapporteur spécial rappelle que les crédits du programme 551 n'ont normalement pas vocation à compenser des erreurs de budgétisation mais plutôt à financer des mesures transversales de titre 2 dont la répartition au sein des différentes missions du budget de l'État ne peut être connue avec précision au moment de la programmation initiale.
2. La DDAI a été mobilisée pour financer des dépenses qui ne respectent par le critère d'imprévisibilité
Concernant la DDAI, le Gouvernement a en partie respecté les conditions d'utilisation de cette dotation. Celle-ci a en effet permis de couvrir certaines dépenses accidentelles et imprévisibles comme celles relatives aux élections législatives ou aux conséquences du passage du cyclone Chido à Mayotte.
En revanche, son utilisation pour abonder les crédits du programme 145 « Épargne » est plus discutable. D'après le Gouvernement, cet abondement de crédits aurait permis « d'éviter une rupture de trésorerie, à la suite de l'accélération du flux d'épargnants décidant de clôturer leurs plans d'épargne logement (PEL) ou de mobiliser leurs comptes épargne-logement (CEL) ». Il estime qu'il s'agissait là d'une dépense « dépendant de variables essentiellement comportementales et donc imprévisibles, liées à des facteurs économiques et conjoncturels ». Toutefois, d'après la Cour des comptes, le caractère imprévisible de cet abondement n'est pas établi, puisque la direction générale du Trésor aurait alerté la direction du budget dès le mois de mars puis en juin 2024 sur les difficultés d'exécution. Il aurait donc été possible de « mobiliser d'autres instruments budgétaires pour éviter de recourir, dans l'urgence, à la DDAI en août.9(*) »
Lors de l'examen de la loi de résultats pour 2023, le rapporteur et la Cour des comptes avaient déjà critiqué ce procédé, estimant qu'il était « difficile de considérer que cette dépense avait un caractère imprévisible ou accidentel.10(*) »
En ce qui concerne les AE du programme, le rapporteur spécial relève que le recours à la DDAI pour financer la signature du bail en vue du regroupement immobilier des services d'administration centrale à Gentilly du ministère de l'éducation nationale n'a pas non plus respecté le principe d'imprévisibilité, puisque le besoin de financement avait déjà été signalé par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) en juin 2024. Or le recours à la DDAI pour abonder le programme 214 est intervenu le 25 décembre, soit postérieurement à la loi de finances de fin de gestion du 6 décembre 2024, qui aurait donc dû être le véhicule budgétaire approprié.
En résumé, le rapporteur spécial souscrit aux remarques de la Cour des comptes qui rappelle que la DDAI « ne doit pas constituer une réserve discrétionnaire pour des dépenses qui peuvent être anticipées.11(*)»
III. LA MISSION « TRANSFORMATION ET FONCTION PUBLIQUES »
La mission « Transformation et fonction publiques » porte les crédits destinés à accompagner la transformation de l'action de l'État et de ses opérateurs. Depuis le 1er janvier 2022, elle se compose de cinq programmes :
- le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » (« Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » avant 2023), placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE) rattachée au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN), vise à moderniser les bâtiments publics en réhabilitant le parc existant, notamment pour diminuer les consommations d'énergies et en investissant sur des travaux ciblés sur la performance énergétique et sur l'évolution des modes de travail. Sur 56 sites occupés par plusieurs services de l'État et de ses opérateurs (les « cités administratives »), 36 sites sont bénéficiaires du programme de rénovation.
- le programme 148 « Fonction publique », placé sous l'autorité de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), porte les crédits dédiés à l'action sociale interministérielle, à l'action d'appui et d'innovation des ressources humaines ainsi qu'à la formation initiale des fonctionnaires. Il retrace les subventions pour charges de service public versées aux instituts régionaux d'administration et, jusqu'en 2023, à l'Institut national du service public (INSP, anciennement École nationale d'administration)12(*). Il intègre également, depuis 2022, les crédits hors dépenses de personnel (titre 2) du centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH) ainsi que le Fonds d'accompagnement interministériel RH (FAIRH) ;
- le programme 349 « Transformation publique » (anciennement « Fonds pour la transformation de l'action publique », avant 2023), placé sous la responsabilité de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), porte les crédits destinés à soutenir les réformes porteuses d'économies à moyen terme, en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une réforme dans sa phase initiale. Ce programme comporte également, depuis 2022, les crédits hors titre 2 de la DITP ;
- le programme 352 « Innovation et transformation numériques », placé sous l'autorité de la direction interministérielle du numérique (DINUM), vise à financer l'émergence et le développement de produits et services numériques innovants pour moderniser l'État et les services publics ;
- le programme 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques », placé sous la responsabilité du secrétariat général du MEFSIN13(*), porte les effectifs et les dépenses de personnel de la DGAFP, du CISIRH et de la DITP.
A. UNE ANNÉE MARQUÉE PAR DES TAUX D'EXÉCUTION TRÈS DÉGRADÉS
La loi de finances initiale (LFI) pour 2024 avait autorisé l'ouverture de 1,254 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 1,096 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).
Exécution des crédits de la mission par programme en 2024
(en % et en millions d'euros)
Programme |
LFI 2023 |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Exécution 2024 / exécution 2023 |
Écart d'exécution 2024 |
|
[148] Fonction publique |
AE |
295,5 |
291,6 |
275,8 |
244,5 |
- 16,2 % |
- 11,3 % |
CP |
301,0 |
287,0 |
282,6 |
265,1 |
- 7,6 % |
- 6,2 % |
|
[348] Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs |
AE |
165,9 |
260,5 |
709,8 |
349,5 |
+ 34,2 % |
- 50,8 % |
CP |
552,7 |
429,1 |
527,9 |
398,9 |
- 7,0 % |
- 24,4 % |
|
[349] Transformation publique |
AE |
302,7 |
170,2 |
145,5 |
104,0 |
- 38,9 % |
- 28,5 % |
CP |
251,5 |
217,5 |
162,8 |
170,6 |
- 21,6 % |
+ 4,8 % |
|
[352] Innovation et transformation numériques |
AE |
10,6 |
9,5 |
74,1 |
35,0 |
+ 268,4 % |
- 52,8 % |
CP |
10,6 |
8,6 |
74,1 |
32,1 |
+ 273,3 % |
- 56,7 % |
|
[368] Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques |
AE |
44,4 |
43,1 |
48,4 |
47,0 |
+ 9,0 % |
- 2,9 % |
CP |
44,4 |
43,1 |
48,4 |
47,0 |
+ 9,0 % |
- 2,9 % |
|
TOTAL MISSION |
AE |
819,1 |
774,9 |
1 253,5 |
779,9 |
+ 0,6 % |
- 37,8 % |
CP |
1160,1 |
985,4 |
1 095,7 |
913,6 |
- 7,3 % |
- 16,6 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Avec une exécution de 779,9 millions d'euros en AE et 913,6 millions d'euros en CP, le taux d'exécution des crédits autorisés en LFI s'élève à seulement 62,2 % en AE et 83,4 % en CP. Sept ans après la création de la mission, l'exécution n'est donc toujours pas conforme à l'autorisation parlementaire, affichant même une dégradation par rapport à l'exécution 2023 (taux d'exécution de 94,6 % en AE et 84,9 % en CP).
De fait, les cinq programmes de la mission affichent des taux d'exécution très variables, s'écartant plus ou moins largement de l'autorisation initiale.
Ainsi, pour les AE, les taux d'exécution s'échelonnent de 47,2 % pour le programme 352 « Innovation et transformation numériques » et 49,2 % pour le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » à 97,1 % pour le programme 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques ».
De même, pour les CP, les taux de consommation varient de 43,3 % pour le programme 352 « Innovation et transformation numériques » à 104,8 % pour le programme 349 « Transformation publique ».
De fait, la mission a contribué de manière conséquente au décret du 21 février 2024 d'annulation de crédits, à hauteur de 99,5 millions d'euros en AE et en CP, soit environ 9 % des AE et CP ouverts en LFI. Ainsi, 42,9 millions d'euros de crédits ont été annulés sur le programme 348, 29 millions d'euros sur le programme 352, 12,2 millions d'euros sur le programme 148 et 10,2 millions d'euros sur le programme 349.
De la LFI 2024 à l'exécution 2024
(en CP, en millions d'euros)
Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2024
B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL : UN PROGRAMME DE RÉNOVATION DES CITÉS ADMINISTRATIVES ENFIN EN VOIE D'ACHÈVEMENT
Sept ans après le début du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » (anciennement appelé « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants »), l'exercice 2024 a marqué la poursuite de l'achèvement des chantiers de rénovation des cités administratives.
Alors que 9 premiers sites ont été livrés en 2023 (Albi, Amiens, Aurillac, Besançon, Charleville-Mézières, Clermont-Ferrand, Lille, Limoges et Mulhouse), l'année 2024 a permis la livraison de 13 nouveaux sites (Agen, Bordeaux pour le bâtiment socle, Colmar, Guéret, Lyon, Metz, Nantes, Périgueux, Rouen, Saint-Lô, Soissons, Tarbes, Toulouse) et le lancement des travaux de la cité de Bourges.
Avancement du programme de rénovation des cités administratives
État d'avancement |
Au 31 décembre 2023 |
Au 31 décembre 2024 |
Marché global de performance ou marché de travaux notifié ou acquisition réalisée |
956 millions d'euros |
1,009 milliard d'euros |
Travaux en cours et réceptions partielles |
26 projets |
14 projets |
Opérations de réception |
9 projets réceptionnés |
22 projets réceptionnés |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le programme de rénovation des cités administratives devrait ainsi s'achever en 2026, avec un calendrier de décaissement de 450 millions d'euros en AE et 364 millions d'euros en CP en 2025 et de 150 millions d'euros en AE et 327 millions d'euros en CP en 2026.
* 1 Le programme 148 « Fonction publique » a été rattaché en 2021 à la mission « Transformation et fonctions publiques ».
* 2 La loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de fin de gestion pour 2024.
* 3 Cour des comptes, Note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 - Mission « Gestion des finances publiques ».
* 4 Sur ce point, voir les développements du rapport d'information n° 303 (2023-2024), déposé le 31 janvier 2024, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes réalisée en application de l'article 58°2 de la LOLF sur l'action de la direction générale des finances publiques auprès du bloc communal.
* 5 Arrêté du 12 septembre 2024 portant répartition de crédits.
* 6 Arrêté du 6 décembre 2024 portant répartition de crédits.
* 7 Sur ce point, voir notamment les développements du rapport n° 34, tome II, annexe 15, volume 1 (2024-2025) de M. Claude Nougein, déposé le 16 octobre 2024 : Gestion des finances publiques - Crédits non répartis - Transformation et fonction publiques.
* 8 Cour des comptes, Notes sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédit non répartis » pour l'année 2024.
* 9 Cour des comptes, Notes sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédit non répartis » pour l'année 2024.
* 10 Cour des comptes, Notes sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédit non répartis » pour l'année 2023.
* 11 Cour des comptes, Notes sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédit non répartis » pour l'année 2024.
* 12 Dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2024, la subvention versée à l'INSP a été transférée au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
* 13 Bien que placé sous la responsabilité du secrétariat général du MEFSIN, le programme 368 relève du ministère de la transformation et de la fonction publiques.