- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. I. UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS
DE LA MISSION EN 2024, HORS ACCUEIL DES PERSONNES DÉPLACÉES
D'UKRAINE
- II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
- A. SI LE POIDS DES DÉPENSES D'ASILE RESTE
PRÉPONDÉRANT EN DÉPIT D'UN LÉGER TASSEMENT DU
NOMBRE DE DEMANDES D'ASILE...
- B. ...CES DÉPENSES APPARAISSENT AUJOURD'HUI
MIEUX MAÎTRISÉES
- C. UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DE
LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
- D. DES DÉPENSES D'INTÉGRATION PLUS
FAIBLES QU'ATTENDU
- A. SI LE POIDS DES DÉPENSES D'ASILE RESTE
PRÉPONDÉRANT EN DÉPIT D'UN LÉGER TASSEMENT DU
NOMBRE DE DEMANDES D'ASILE...
- I. I. UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS
DE LA MISSION EN 2024, HORS ACCUEIL DES PERSONNES DÉPLACÉES
D'UKRAINE
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 16 Rapporteur spécial : Mme Marie-Carole CIUNTU |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. L'exercice 2024 est marqué par une sur-exécution apparente des crédits par rapport aux crédits votés en loi de finances, de l'ordre de 5,9 % en AE (+ 104 millions d'euros) et de 1,6 % en CP (+ 34 millions d'euros). En un an, le montant des crédits exécutés a en revanche baissé de - 33 % en AE (- 920 millions d'euros) et de - 3,4 % en CP (- 78 millions d'euros).
2. Pour la troisième année consécutive, la mission porte les crédits liés à la mise en oeuvre de la protection temporaire en faveur des personnes déplacées d'Ukraine. Au total, le coût de cet accueil, dans le périmètre de la mission, aurait été de 231 millions d'euros en CP en 2024, en baisse par rapport à 2023 (322 millions d'euros) et 2022 (482 millions d'euros). Ces crédits n'avaient malheureusement pas été intégrés à la loi de finances initiale, nuisant tant à la sincérité du budget de la mission qu'à l'efficacité de l'exécution budgétaire. Cette situation explique la sur-exécution des crédits en 2024.
3. Le niveau des demandes d'asile s'est établi en 2024 à un niveau en légère baisse par rapport à 2023, tout en restant historiquement élevé. Le nombre de demandes d'asile présentées en préfecture a ainsi été de 133 955 en 2024, en baisse de 9 % par rapport à 2023.
4. Les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière ont connu une sous-exécution en 2024, dans un contexte de nette hausse des crédits initiaux prévus en LFI 2024 par rapport à la LFI 2023. Les efforts fournis dans le cadre du plan d'extension du nombre de places en CRA et les moyens permis par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration1(*) devraient permettre de remédier à cette difficulté.
I. I. UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024, HORS ACCUEIL DES PERSONNES DÉPLACÉES D'UKRAINE
A. DES CRÉDITS INITIAUX EN HAUSSE EFFECTIVE DE 5,4 % EN 2024
En 2024, la mission est restée composée de deux programmes2(*) :
- le programme 303 « Immigration et asile », qui porte les crédits de garantie du droit d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière ;
- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui porte les crédits d'intégration des étrangers primo-arrivants et des réfugiés, notamment la subvention à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et celles aux associations oeuvrant en la matière.
La loi de finances initiale3(*) prévoyait pour 2024 une baisse des autorisations d'engagement (AE, - 34,0 % soit - 910 millions d'euros) et une hausse des crédits de paiement (CP, + 7,3 % soit + 147 millions d'euros). Les crédits initiaux pour l'ensemble de la mission s'élevaient ainsi à 1,76 milliard d'euros en AE et 2,16 milliards d'euros en CP. Ce niveau de crédits apparaissait légèrement supérieur à la trajectoire prévue par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur4(*).
Trajectoire budgétaire indicative
prévue pour les années 2023 à 2027
par la LOPMI pour
la mission « Immigration, asile et
intégration »
(en millions d'euros, en crédits de paiement) |
||||||
CRÉDITS DE PAIEMENT hors compte d'affectation spéciale « Pensions » |
2022 (pour mémoire) |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
Mission « Immigration, asile et intégration » |
1 931 |
2 009 |
2 058 |
2 074 |
2 163 |
2 163 |
Évolution du programme (N / N - 1), en millions d'euros |
- |
78 |
49 |
16 |
89 |
0 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : rapport annexé).
Les deux programmes connaissaient des évolutions contrastées. Le programme 303 « Immigration et asile » concentrait la plus grande part de la baisse des AE (- 799 millions d'euros) mais connaissait une hausse de ses CP (+ 259 millions d'euros) par rapport à 2023. Le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » connaissait quant à lui une baisse aussi bien de ses AE (- 112 millions d'euros) que de ses CP (- 112 millions d'euros).
Ces données brutes concernant la mission doivent néanmoins être interprétées avec précaution, pour deux raisons.
D'une part, la mission a connu en 2024 deux évolutions de périmètre.
En premier lieu, l'action n° 15 « Accompagnement des réfugiés » du programme 104, qui recouvrait en particulier le financement des places d'hébergement pour réfugiés vulnérables (centres provisoires d'hébergement, CPH, ou similaires), a été supprimée par la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Les crédits correspondants, d'environ 126 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), ont été rattachés au programme 303, essentiellement au sein de l'action n° 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile ».
En second lieu, l'action n° 4 « Soutien » du programme 303 a connu une rétrocession de crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ») d'un montant de 38 millions d'euros en AE=CP.
Au total, les mesures de périmètre conduisent à une augmentation artificielle des crédits du programme 303 de 164 millions d'euros en AE=CP. En sens inverse, elles aboutissent à une baisse artificielle des crédits du programme 104 de 126,2 millions d'euros en AE=CP.
D'autre part, la comparaison en données brutes de la LFI 2024 par rapport à la LFI 2023 mérite d'être corrigée s'agissant des autorisations d'engagement. En effet, budgétairement, l'année 2023 a notamment été marquée par un renouvellement des conventions pluriannuelles avec les gestionnaires s'agissant de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), d'une part, et des centres d'accueil et d'examen des situations (CAES)5(*), d'autre part. Ces renouvellements ont conduit à une forte hausse ponctuelle des AE engagées en 2023. Cela explique une partie conséquente de la baisse des dépenses en 2024 sur ces deux postes, laquelle atteint respectivement 857 millions d'euros et 187 millions d'euros, soit 1,044 milliard d'euros au total.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les crédits de paiement apparaissaient comme le meilleur indicateur de l'évolution des crédits initiaux en 2024. En neutralisant les effets de périmètre, ils étaient en hausse d'environ 5,4 %, soit une augmentation de 109 millions d'euros.
B. HORS BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION TEMPORAIRE, UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS INITIAUX
Comme en 2022 et 2023, l'année 2024 est marquée par une sur-exécution des crédits par rapport aux crédits votés en loi de finances, de l'ordre de 5,9 % en AE (+ 104 millions d'euros) et de 1,6 % en CP (+ 34 millions d'euros).
Le niveau d'exécution de l'exercice 2024 doit néanmoins, comme en 2022 et en 2023, être replacé dans un contexte particulier. En effet, la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 20016(*) prévoit la possibilité, à l'échelle européenne, de mettre en place une « protection temporaire » en cas d'afflux massif de personnes qui fuient des zones de conflit ou de violences. Ce mécanisme a été activé - pour la première fois - par la décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 20227(*), dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine lancée par les forces armées russes, le 24 février 2022, et prorogé jusqu'au 4 mars 2026.
Dans ce cadre, les personnes déplacées sont libres d'accéder à l'État de l'Union de leur choix. La directive du 20 juillet 2001 ne prévoyant pas de procédure d'octroi de la protection temporaire, ce sont les États qui sont compétents en la matière. En France, elles ont été fixées par une instruction ministérielle initiale8(*), puis plusieurs textes de nature réglementaire9(*).
Les bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) se voient remettre une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de 6 mois. Cette autorisation est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de validité de la décision du Conseil de l'UE actionnant la protection temporaire. Les BPT ont en principe accès à un hébergement s'ils n'en disposent pas à titre personnel. En outre, ils peuvent percevoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) pendant la durée de leur protection s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources.
Le coût associé a représenté 231 millions d'euros en 2024 (dont 98 millions d'euros pour l'hébergement, 131 millions d'euros pour l'allocation, et 1 million d'euros pour les accueils de jour), contre 322 millions d'euros en 2023 et 482 millions d'euros en 2022.
Or, alors que le caractère certain de la dépense apparaissait clairement pour 2024, le projet de loi de finances pour 2024 n'en couvrait pas le financement, pour la troisième année consécutive10(*), le financement ayant été prévu en exécution11(*). Une telle situation est apparue doublement inopportune : d'une part, elle prive le Parlement d'un droit de regard éclairé au moment du vote du budget ; d'autre part, elle a induit une pression budgétaire indue et perturbatrice sur les gestionnaires de programme, qui ont été obligés de dégager des économies significatives en cours d'année pour financer provisoirement les dépenses en lien avec la protection temporaire, jusqu'à l'ouverture des crédits en loi de finances de fin de gestion.
Au total, hors dépenses d'accueil des bénéficiaires de la protection temporaire, non budgétées initialement, les crédits de paiement affichent une sous-consommation effective de 197 millions d'euros en 2024, soit - 9,1 %, par rapport à la LFI 2024.
C. UN MONTANT DE CRÉDITS EXÉCUTÉS EN BAISSE PAR RAPPORT À 2023
Entre 2023 et 2024, le montant des crédits exécutés a diminué de - 33 % en AE (- 920 millions d'euros) et de - 3,4 % en CP (- 78 millions d'euros).
Si la baisse du montant des AE exécutées s'explique largement par le renouvellement en 2023 de conventions pluriannuelles s'agissant de structures d'hébergement des demandeurs d'asile12(*), celle des CP manifeste plus clairement l'effort d'économie.
Évolution des crédits de la mission
« Immigration, asile et
intégration »
en 2023 et 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP).
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En 2024, la mission a connu d'importants mouvements de crédits en exécution. D'une part, des crédits ont été ouverts en exécution notamment via des reports significatifs de crédits de 2023 vers 2024, le rattachement de fonds de concours et l'attribution de produits, ainsi que la loi de finances de fin de gestion13(*). Cette dernière a ainsi ouvert 32 millions d'euros d'AE et 65 millions d'euros de CP sur le programme 303, tandis qu'elle a annulé 26 millions d'euros en AE et 17 millions d'euros en CP sur le programme 104. En sens inverse, le décret d'annulation du 21 février 202414(*) avait annulé 175 millions d'euros d'AE et de CP, dont 115 millions d'euros sur le programme 303 et 60 millions d'euros sur le programme 104.
Exécution budgétaire de la mission en CP pour l'exercice 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des données de l'annexe au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. SI LE POIDS DES DÉPENSES D'ASILE RESTE PRÉPONDÉRANT EN DÉPIT D'UN LÉGER TASSEMENT DU NOMBRE DE DEMANDES D'ASILE...
En LFI pour 2024, comme les années précédentes, l'action n° 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile » concentrait à elle seule près des deux tiers (65 %) des CP de l'ensemble de la mission, soit 1,4 milliard d'euros.
Les crédits de l'action n° 02 se répartissent principalement entre l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), d'une part, et leur hébergement, d'autre part.
Ces deux postes de dépenses sont exposés, en premier lieu, à la tendance haussière du nombre de demandeurs d'asile ces dernières années. Certes, en 2024, la demande d'asile a diminué après avoir atteint son plus haut niveau historique en France en 2023. 133 955 demandes ont été enregistrées par les préfectures en 2024, en baisse de 9 % par rapport à 2023. Néanmoins, le niveau de ces demandes reste très élevé et comparable à celui observé durant la crise migratoire de 2015-2016. Par ailleurs, le nombre de demandes d'asile introduites à l'OFPRA a quant à lui continué d'augmenter pour s'établir à 130 029 en 2024, en hausse de 5 % par rapport à 2023.
Ces postes de dépenses sont par ailleurs exposés depuis mars 2022 aux coûts de l'accueil des bénéficiaires de la protection temporaire15(*), non budgétés dans les crédits initiaux.
Dans ce double contexte, les crédits de l'action ont été sur-exécutés par rapport à la LFI à hauteur de 190 millions d'euros en CP en 2024, soit 13,5 %. L'action n° 02 du programme 303 représente ainsi près de trois quarts (73 %) des crédits de la mission consommés en 2024, dans un contexte de baisse concomitante des dépenses exécutées d'intégration16(*).
B. ...CES DÉPENSES APPARAISSENT AUJOURD'HUI MIEUX MAÎTRISÉES
Si par rapport à l'exécution de 2023, les CP consommés au sein de l'action n° 02 du programme 303 sont en hausse de 79 millions d'euros, cette variation est liée à une évolution de périmètre ayant consisté à rattacher les crédits des centres provisoires d'hébergement à l'action en 202417(*). À périmètre constant, les CP consommés par l'action n° 02 sont en réalité en baisse d'environ 47 millions d'euros.
Cette tendance s'explique, outre un léger tassement du nombre de demandeurs d'asile et des BPT, de deux manières.
D'une part, le raccourcissement des délais d'examen des demandes d'asile par l'OFPRA au cours des dernières années a permis de réduire le coût global de l'ADA. Alors que le délai moyen de traitement s'établissait à 261 jours en 2021, il a été de 138 jours en 2024, en dépit d'un léger recul par rapport à 2023 (127 jours). Dans ce contexte, le coût de l'ADA s'est nettement réduit au fil des années, pour s'établir à 367 millions d'euros en 2024 (dont 236 millions d'euros pour les demandeurs d'asile et 131 millions d'euros pour les BPT), alors que les demandes d'asile connaissaient une légère baisse. En 2021, le coût était de 381 millions d'euros pour les seuls demandeurs d'asile.
D'autre part, ont été mises en oeuvre en 2023 et 2024 des décisions de renoncement à la création de nouvelles places d'hébergement pour les demandeurs d'asile et les bénéficiaires de la protection internationale. En 2024, cette stratégie s'est inscrite en particulier dans le contexte du décret d'annulation du 21 février 2024 et s'est traduite par la non-création des 1 500 places supplémentaires prévues en LFI 2024, d'une part, et des 1 295 places initialement prévues en 2023 mais non ouvertes en début d'année 2024, d'autre part. Si le volume de places à fin 2024 est inférieur de 2 795 places à celui prévu en LFI, il s'établit néanmoins à un niveau 45 % plus élevé qu'en 2017, avec 119 787 places fin 2024 contre 82 762 sept ans plus tôt. En 2024, ces décisions ont en outre accompagné un tassement du nombre de demandeurs d'asile.
C. UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE
L'action n° 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303 « Immigration et asile » finance trois principaux postes :
- les dépenses de fonctionnement (52 millions d'euros exécutés en AE et 67 millions d'euros en CP en 2024) et d'investissement (19 millions d'euros en AE et 18 millions d'euros en CP) dans les centres (CRA) et locaux de rétention administrative (LRA) et zones d'attente (ZAPI) ;
- les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière (49 millions d'euros en AE et 51 millions d'euros en CP en 2024) ;
- diverses subventions aux associations chargées du suivi sanitaire, social et juridique des étrangers retenus (29 millions d'euros en AE et 27 millions d'euros en CP).
Cette action avait connu en 2023 une sur-exécution, à hauteur de 23,9 % en AE et de 5,1 % en CP18(*). En 2024, l'on observe à l'inverse une sous-exécution de l'ordre de 49,9 % en AE et de 36,2 % en CP. Au total, les crédits consommés s'établissent à 150 millions d'euros en AE et à 166 millions d'euros en CP, contre respectivement 255 millions d'euros et 178 millions d'euros en 2023.
Cette situation doit néanmoins être nuancée. D'une part, la LFI pour 2024 a porté une hausse nette des crédits de l'action par rapport à la LFI 2023, tant en AE (+ 46,0 %, soit + 94 millions d'euros) qu'en CP (+ 53,8 %, soit + 91 millions d'euros), de nature à augmenter mécaniquement les risques de sous-exécution. D'autre part, par rapport à 2023, les crédits exécutés en 2024 ne sont inférieurs que dans des proportions bien moindres en CP, à savoir 6,6 % (- 12 millions d'euros). En AE, la baisse est de 41,0 % (- 104 millions d'euros).
Il n'en demeure pas moins que ces évolutions appellent à une certaine vigilance. En 2024, la plus grande part de la sous-exécution des AE et des CP tire sa source du renvoi à 2025 de la signature des marchés relatifs à la création des centres de rétention administrative (CRA) de Dijon et de Dunkerque (pour un montant total de 80 millions d'euros).
Les importants efforts mis en oeuvre dans le cadre du plan d'extension du nombre de places en CRA devraient permettre de surmonter ces difficultés.
S'agissant des chiffres des éloignements, l'année 2024 a été marquée par une hausse du nombre de retours forcés exécutés, qui se sont établis à 12 856, contre 11 722 en 2023 et 11 410 en 2022. Parallèlement, le taux d'éloignement à l'issue d'un placement en CRA a également progressé, passant de 35,2 % en 2023 à 38,75 % en 2024, et ce alors même que la part des retenus représentant une menace pour l'ordre public, parfois plus difficiles à éloigner, a continué de progresser.
D. DES DÉPENSES D'INTÉGRATION PLUS FAIBLES QU'ATTENDU
Au sein de la mission, le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » rassemble essentiellement les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière19(*), via leur accueil, la signature et l'exécution des contrats d'intégration républicaine (CIR), leur formation linguistique et civique, et leur accompagnement dans le logement et l'emploi. Si l'OFII en est l'acteur central, les collectivités territoriales et les acteurs locaux sont également largement impliqués.
En exécution, l'année 2024 a été marquée par une sous-consommation du programme en AE (- 19,0 %, soit - 82 millions d'euros) et en CP (- 17,7 %, soit - 76 millions d'euros), dans un contexte où le nombre de CIR a baissé de 10,4 % par rapport à 2023, pour s'établir à 114 443 contrats.
La sous-exécution se traduit essentiellement sur l'action n° 12 « Intégration des étrangers primo-arrivants », tant en AE (- 38,7 %, soit - 68 millions d'euros) qu'en CP (- 35,5 % soit - 62 millions d'euros). Cette situation résulte en particulier de l'impact du décret d'annulation du 21 février 2024, qui a conduit à contingenter le nombre de bénéficiaires du programme à environ 25 000, tout en continuant son déploiement sur l'ensemble du territoire.
En tout état de cause, le rapporteur spécial rappelle, plus largement, qu'une politique d'immigration réussie suppose d'importants efforts d'intégration. Le poids des dépenses d'asile rend aujourd'hui difficile un exercice de rééquilibrage des dépenses des programmes 303 et 104 : elle serait pourtant nécessaire, au profit des personnes étrangères souhaitant s'intégrer durablement dans la société et qui sont notamment prêts, à ce titre, à atteindre un niveau linguistique et civique suffisant, comme acté par la loi CIAI du 26 janvier 2024.
* 1 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 2 Les effectifs de la mission sont portés par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ; il n'y a donc pas de dépenses de personnel sur les programmes 303 et 104 de la mission. Le personnel des deux opérateurs rattachés à la mission est rémunéré directement par ces derniers.
* 3 Les crédits adoptés en loi de finances initiale sont calculés hors fonds de concours et attributions de produits.
* 4 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.
* 5 Dédiés également aux demandeurs d'asile.
* 6 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
* 7 Décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire.
* 8 Instruction NOR : INTV2208085J du 10 mars 2022 du ministre de l'intérieur, du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.
* 9 Notamment circulaire n° 6355-SG du 22 juin 2022 portant orientations nationales pour l'hébergement et le logement des déplaces en provenance d'Ukraine et circulaire n° 6406-SG du 23 juin 2023 portant orientations pluriannuelles pour l'accueil et l'insertion des personnes déplacées en provenance d'Ukraine.
* 10 Cet écueil a été corrigé dans le cadre de la loi de finances pour 2025.
* 11 Voir infra.
* 12 Voir supra.
* 13 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 14 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 15 Voir supra.
* 16 Voir infra.
* 17 Voir supra.
* 18 La prévision en LFI 2023 est toujours calculée hors fonds de concours et attribution de produits.
* 19 Qu'ils relèvent d'un titre de séjour classique ou qu'ils soient bénéficiaires de la protection internationale, ces derniers recevant un accompagnement renforcé.