B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une hausse continue des dépenses fiscales rattachées à la mission

La particularité de la mission « Médias livres et industries culturelles est que les crédits budgétaires sont inférieurs au montant des dépenses fiscales rattachées à la mission. Celles-ci s'élèvent à 876 millions d'euros au total en 2024, soit une hausse de 15 % par rapport à 2023.

Évolution des dépenses fiscales rattachées à la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La dépense fiscale rattachée au programme 180 est en quasi-totalité constituée par des taux réduits de TVA (160 millions d'euros pour le taux réduit applicable aux abonnements souscrits pour recevoir des services de télévision et 57 millions d'euros pour le taux super-réduit applicable aux publications de presse).

S'agissant du programme 334, 7 dépenses fiscales y sont rattachées, dont deux ont un montant inférieur à 1 million d'euros. En revanche, les différents dispositifs gérés par le CNC ont un rendement élevé et dynamique :

- le crédit d'impôt « cinéma » (CIC)3(*), mis en place depuis le 1er janvier 2004, prévoit une déduction fiscale représentant de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles, dans la limite de 30 millions d'euros par film. Il s'élève à 152 millions d'euros en 2024, contre seulement 109 millions d'euros en 2023 ;

- le crédit d'impôt « audiovisuel » (CIA)4(*), entré en vigueur le 1er janvier 2005, prévoit un crédit d'impôt équivalent à 25 % du montant total des dépenses éligibles pour les oeuvres de fiction et d'animation et à 20 % pour les oeuvres documentaires. Il atteint 224 millions d'euros en 2024, soit 54 millions d'euros de plus qu'en 2023 ;

- le crédit d'impôt « international » (C2I)5(*) est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France depuis 2009. Il prévoit une déduction fiscale de l'ordre de 30 % des dépenses éligibles. Initialement appelé à s'éteindre fin 2016, le dispositif a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2026. Il s'élève à 210 millions d'euros en 2024 contre 193 millions d'euros en 2023 ;

S'y ajoute la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital des sociétés de financements d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles (SOFICA). Son montant est stable à 35 millions d'euros.

Le montant total de la dépense fiscale s'élève à 621 millions d'euros en 2024, soit 114 millions d'euros de plus que l'année précédente. Depuis 2016, ces dépenses fiscales ont cru de près de 250 %.

Dépense fiscale en faveur du cinéma

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Cette dynamique est liée à celle de la production cinématographique : le montant des dépenses éligibles a très fortement augmenté au cours des dernières années, pour atteindre 3,157 milliards d'euros, soit un milliard de plus qu'en 2019 qui était déjà une année où l'activité était soutenue.

2. Une hausse des crédits de la Bibliothèque nationale de France dans un contexte d'importants investissements à venir

La Bibliothèque nationale de France (BnF) reçoit la plus importante subvention pour charges de service public (SCSP) versée à un opérateur du ministère de la culture.

La LFI 2024 prévoyait déjà une hausse importante par rapport à la LFI 2023, à 247 millions d'euros (+ 13,1 millions d'euros dont 6,2 millions d'euros au titre de la compensation de l'inflation). Le montant de SCSP versé en 2024 a été minoré du fait de l'annulation en loi de finances de fin de gestion d'une partie de la réserve de précaution. Le montant des CP demeure cependant supérieur de 3 % à celui de 2023.

Évolution de la subvention pour charges de service public versée à la BnF

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Une partie de cette sur-exécution en AE a pour origine une manipulation technique, affichant comptablement un surcroit de consommation en AE de 19,54 millions d'euros, dont 18 millions d'euros au titre du centre de conservation d'Amiens, et 1,54 million d'euros au titre du portail national de l'édition accessible.

L'essentiel des dépenses de la BnF concerne sa masse salariale (164,7 millions d'euros en 2024). Sa croissance est essentiellement liée aux mesures générales concernant l'ensemble de la fonction publique, qui n'ont d'ailleurs été que partiellement compensées : 4,75 millions d'euros ont été prévus en 2024 au titre du point d'indice 2022, mais aucune hausse n'avait cependant été inscrite pour la compensation du relèvement du point d'indice en 2023.

Hors augmentation du point d'indice et hors mesures indemnitaires ministérielles ou interministérielles, la BnF indique que la progression de ses dépenses de personnel a été de - 0,7 % entre 2021 et 2023. De fait, le schéma d'emploi de la BnF au 31 décembre 2024 est négatif et s'élève à - 13 ETP.

Les investissements constituent un poste important, notamment du fait des grands travaux engagés par la BnF au cours des dernières années ou devant être prochainement engagés.

Le chantier de rénovation du quadrilatère Richelieu, terminé en 2022, s'est élevé à 247,6 millions d'euros, dont 205 millions d'euros versés par le ministère de la culture.

La construction du centre de stockage et de conservation d'Amiens devrait permettre de pallier la saturation des espaces de stockage des documents. 30 millions d'euros d'AE ont été ouvertes en LFI 2021, et sont décaissés au rythme de 4 millions d'euros en 2024 et 2025. Le budget prévisionnel du projet est fixé à près de 97 millions d'euros et devrait se terminer en 2029.

Hors grands projets, le niveau des investissements courants est demeuré stable sur la période. Le vieillissement des sites a cependant nécessité la mise en place de travaux de réhabilitation du site Richelieu et de remise à niveau des équipements du site Tolbiac, qui ont largement contribué à la progression de la subvention versée.

Plusieurs chantiers ont ainsi déjà débuté, certains devant prendre fin en 2027, pour un montant total de 63,3 millions d'euros. Il en va ainsi :

- du remplacement du système de sécurité incendie, estimé à 31 millions d'euros, les travaux devant s'étaler de 2020 à 2026 ;

- de la rénovation des équipements de la gestion technique centralisée et du système de gestion technique électrique, pour un montant de 5,4 millions d'euros étalé entre 2019 et 2025 ;

- du remplacement des 62 ascenseurs du socle, soit 1 million d'euros par an entre 2020 et 2026 ;

- du renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents, soit 5,9 millions d'euros étalés entre 2026 et 2027 ;

- l'amélioration de la performance énergétique des centrales de traitement d'air. Le coût de 1,3 million d'euros sera étalé entre 2022 et 2027 ;

- le remplacement des groupes froids de la production centralisée, soit 4 millions d'euros entre 2022 et 2025 ;

- la rénovation des installations électriques de puissance pour un coût de 9,7 millions d'euros à financer à partir de 2023.

Le niveau de fonds de roulement de la BnF s'élève à 50 millions d'euros. Le montant du fonds de roulement mobilisable, une fois retenus les montants fléchés, notamment vers le site d'Amiens, est estimé par la BnF de l'ordre de 18,87 millions d'euros à fin 2024. Cela correspond au niveau du seuil prudentiel des 30 jours de fonctionnement (18,6 millions d'euros).


* 3 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.

* 4 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.

* 5 Articles 220 X et 220 quaterdecies du code général des impôts.

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