- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
- I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2024
- II. LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE
SPÉCIALE
- A. UN SCHÉMA D'EMPLOI POSITIF
RÉARMANT PROGRESSIVEMENT L'ÉTAT TERRITORIAL MAIS DE FAÇON
INÉGALE
- B. UNE AMÉLIORATION DE LA CONSOMMATION DES
DÉPENSES D'INVESTISSEMENT À L'ÉCHELLE DE LA MISSION, QUI
MASQUE TOUTEFOIS UNE SOUS-EXÉCUTION EN MATIÈRE IMMOBILIÈRE
POUR LES PRÉFECTURES
- C. UNE ORGANISATION DES ÉLECTIONS
LÉGISLATIVES ANTICIPÉES NON PRÉVUES EN LOI DE FINANCES
INITIALE
- A. UN SCHÉMA D'EMPLOI POSITIF
RÉARMANT PROGRESSIVEMENT L'ÉTAT TERRITORIAL MAIS DE FAÇON
INÉGALE
- I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA
MISSION EN 2024
N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 2 Rapporteure spéciale : Mme Florence BLATRIX CONTAT |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES
PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
1. Les dépenses de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » se sont élevées en 2024 à 5,29 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 4,66 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Elles sont par suite en forte hausse en AE (+ 13 %), mais plutôt stable en CP (+ 1,1 %) par rapport à 2023. Cette tendance s'explique notamment par le renforcement relatif des effectifs de l'administration territoriale et les deux projets immobiliers d'ampleur, avec la construction du site unique de la DGSI à Saint-Ouen et le projet « Universeine », et ce alors même que les crédits numériques ont été rétrocédés aux directions métiers du ministère de l'intérieur.
2. Par ailleurs, le caractère soutenu des dépenses s'inscrit dans le cadre de la trajectoire financière votée par le Parlement dans la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI). L'exécution 2024, qui marque la deuxième année d'entrée dans la programmation, dépasse ainsi, au niveau agrégé, les plafonds tels que définis par la LOPMI (+ 1,1 % en AE et + 11,3 % en CP) au titre des dépenses de l'administration territoriale de l'État.
3. Contrairement à la plupart des missions du budget général, les annulations réglementaires comme législatives intervenues durant l'année n'ont pas conduit à une sous-exécution des crédits par rapport à la prévision en LFI pour 2024. Si les crédits ont été légèrement sous-consommés en AE (- 5,3 %), ils ont été au contraire surconsommés en CP (+ 0,1 %). Même si les annulations ont été compensées largement par les crédits mis en réserve, il n'en demeure pas moins une exécution budgétaire 2024 par à-coups et difficilement lisible et prévisible pour les responsables de programme.
4. Le schéma d'emplois est une nouvelle fois positif pour l'année 2024, ce qui contraste largement avec la tendance observée depuis plusieurs années. Pour autant, le schéma d'emplois des préfectures n'a été consommé qu'à hauteur de 67 % à raison principalement des effets du décret d'annulation du 21 février 2024.
5. Les dépenses d'investissement demeurent soutenues en 2024, de l'ordre de 400 millions d'euros en CP et de 1 340 millions d'euros en AE, notamment à raison du lancement des travaux du site unique de la DGSI à Saint-Ouen. Ainsi, le programme 216 concentre 80,6 % en CP des dépenses d'investissement de l'ensemble de la mission. L'exécution des dépenses d'investissement s'améliore de 73 % par rapport à 2023, passant de 152 millions d'euros en 2023 à 264 millions d'euros. Toutefois, les crédits demeurent chroniquement sous-exécutés, et en particulier ceux des préfectures, affectant durablement leur patrimoine immobilier.
6. Enfin, le programme 232 fait l'objet d'une surexécution de l'ordre de 40 %, en AE comme en CP, à raison de l'organisation des élections législatives anticipées non prévues en loi de finances initiale.
I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE), qui relève du ministère de l'intérieur et des outre-mer, comprend trois programmes :
- le programme 354 « Administration territoriale de l'État » regroupe l'ensemble des crédits et des emplois du réseau des préfectures et des sous-préfectures, des crédits de fonctionnement des directions départementales interministérielles (DDI), des directions et délégations régionales placées sous l'autorité des préfets de région et des secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR), et représente ainsi plus de la moitié des crédits de la mission ;
- le programme 232 « Vie politique » retrace les crédits dédiés au financement des partis politiques, à l'organisation des élections, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ;
- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (CPPI) comprend les crédits dédiés au pilotage du ministère. Il porte ainsi les crédits de l'inspection générale de l'administration (IGA), du secrétariat général du ministère, de la direction générale des collectivités locales, de la délégation à la sécurité routière et de la direction générale des étrangers en France. Il porte également les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) ainsi que les crédits afférents aux principaux contentieux.
Par ailleurs, plusieurs opérateurs sont rattachés à la mission, avec l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui relève du programme 354 et le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), rattaché au programme 216. L'année 2024 se caractérise par l'arrivée d'un nouvel opérateur dans le champ de la mission, avec l'agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS), créée par le décret n° 2023-225 du 30 mars 2023, dont la mission principale est de mettre en oeuvre et d'opérer le réseau Radio du futur (RFF).
A. UN NIVEAU DE DÉPENSES POUR 2024 GLOBALEMENT CONFORME À LA PRÉVISION INITIALE
Les dépenses de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » se sont élevées en 2024 à 5,29 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 4,66 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
Évolution des crédits de la mission par programme en 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
Exécution 2023 |
LFI 2024* |
Exécution 2024 |
Évolution exécution 2024/2023 |
Écart exécution / prévision LFI 2024 |
||||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
354 - Administration territoriale de l'État |
2 668,3 |
2 607,6 |
2 633,2 |
2 583,2 |
2 545,6 |
2 593,9 |
- ,6 % |
- 0,9 % |
- 3,3 % |
+ 0,4 % |
232 - Vie politique |
146,5 |
146,5 |
257,7 |
257,6 |
358,0 |
355,1 |
+ 144,3 % |
+ 142,4 % |
+ 39,3 % |
+ 38,1 % |
216 - Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur |
1 862,5 |
1 845,8 |
2 704,6 |
1 816,3 |
2 393,5 |
1 712,9 |
+ 28,5 % |
- 7,2 % |
- 11,5 % |
- 5,7 % |
Total de la mission |
4 677,4 |
4 612,8 |
5 595,5 |
4 657,1 |
5 297,1 |
4 662,0 |
+ 13,2 % |
+ 1,1 % |
- 5,3 % |
+ 0,1 % |
* Hors fonds de concours et attribution de produits
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les dépenses de la mission sont par suite en forte hausse en AE (+ 13 %), mais plutôt stable en CP (+ 1,1 %) par rapport à l'année précédente, et ce, alors même que les directions métiers du ministère de l'intérieur se sont vues réattribuer le portage des crédits dédiés au financement de leurs projets numériques, alors qu'ils étaient auparavant inscrits au sein du programme 216. Si certains crédits demeurent au sein du périmètre de la mission, dans la mesure où ils sont rétrocédés sur les programmes 232 et 354, pour environ 20 millions d'euros en AE comme en CP, une part importante sort du périmètre de la mission pour être réaffectée aux programmes portés par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des risques, la direction de la sécurité routière, la police et la gendarmerie nationales et la direction générale des étrangers en France, pour 273,2 millions d'euros en AE et 254 millions d'euros en CP1(*).
Les crédits de la mission ont connu une évolution dynamique sur la période 2021-2024, avec un taux de croissance annuel moyen de 3,2 % en CP et de 6,3 % en AE, qui s'explique en 2024 notamment par le renforcement relatif des effectifs de l'administration territoriale et les deux projets immobiliers d'ampleur, avec la construction du site unique de la DGSI à Saint-Ouen et le projet « Universeine », qui a vocation à accueillir plusieurs services de l'administration centrale du ministère de l'intérieur à Saint-Denis sur l'ancien site du village olympique « Paris 2024 ».
Évolution des crédits de la mission depuis 2021
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Par ailleurs, le caractère soutenu des dépenses s'inscrit, à partir de 2023, dans le cadre de la trajectoire financière votée par le Parlement dans la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI).
L'année 2024 marque en effet la deuxième année d'entrée dans la programmation, qui concerne uniquement les programmes 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » et 354 « Administration territoriale de l'État ». L'exécution 2024, hors fonds de concours et contribution au CAS « Pensions », dépasse ainsi au niveau agrégé les plafonds tels que définis par la LOPMI (+ 1,1 % en AE et + 11,3 % en CP) du fait des dépenses de l'administration territoriale de l'État.
Exécution des crédits des programmes 216 et 354 pour 2024
au regard de la trajectoire inscrite dans la LOPMI
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur
Contrairement à la plupart des missions du budget général, les annulations réglementaires comme législatives intervenues durant l'année n'ont pas conduit à une sous-exécution des crédits par rapport à la prévision en LFI pour 2024. Si les crédits ont été légèrement sous-consommés à l'échelle de la mission en AE (- 5,3 %), ils ont été au contraire surconsommés en CP (+ 0,1 %). Par suite, les crédits non consommés en 2024 à l'échelle de la mission sont de l'ordre de 85 millions d'euros en CP, en forte baisse par rapport à 2023 (260 millions d'euros en CP).
B. UNE EXÉCUTION FORTEMENT PERTURBÉE PAR LE DÉCRET D'ANNULATION DE FÉVRIER 2024, COMPENSÉ PAR LA RÉSERVE DE PRÉCAUTION
Le décret du 21 février 20242(*) a procédé à l'annulation de 170,5 millions d'euros (en AE = CP), ce qui représente 3,2 % des crédits totaux de la mission. Les services centraux du ministère de l'intérieur ont été les plus touchés en volume, les annulations ayant représenté plus de 4,6 % des crédits ouverts sur le programme 216. Toutefois, une grande partie de ces annulations ont été compensées par le dégel des crédits mis en réserve, atténuant largement les effets du décret du 21 février 2024. À titre d'exemple, s'agissant des crédits hors titre 2 des programmes 216 et 354, ces derniers ont été totalement compensés par la mise en réserve initiale.
Conséquences du décret d'annulation du 21 février 2024
sur les programmes de la mission
(en millions d'euros)
Programme 216 CPPI |
Programme 232 Vie politique |
Programme 354 ATE |
|
Annulations prévues dans le décret |
84,9 |
19,6 |
65,9 |
Dont titre 2 |
12,9 |
0,6 |
21,2 |
Dont réserve de précaution |
74,9 |
19,6 |
56,9 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Il n'en est pas moins résulté une gestion délicate et par à-coups pour les responsables de programme, avec une prévisibilité limitée, « conférant à l'exécution 2024 un caractère quelque peu chaotique »3(*).
À titre d'exemple, il a été demandé aux préfectures de décaler d'un mois au moins des arrivées prévisionnelles sur postes de titulaires. S'agissant des crédits hors titre 2, les dotations des budgets opérationnels de programme (BOP) déconcentrés ont été diminuées sur les postes de fonctionnement courant, avec notamment des consignes de limitation des frais de déplacement des agents, et une enveloppe dédiée aux travaux immobiliers divisée par deux. Ainsi, les opérations immobilières du programme national d'équipement ont été réduites : 28 opérations prévues ont été reportées sur 2025 selon les données de la Cour des comptes4(*).
Mouvements intervenus en cours de gestion 2024
sur la mission « Administration générale et
territoriale de l'État »
(en crédits de paiement et millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
II. LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
A. UN SCHÉMA D'EMPLOI POSITIF RÉARMANT PROGRESSIVEMENT L'ÉTAT TERRITORIAL MAIS DE FAÇON INÉGALE
Par rapport à 2023, le plafond d'emplois de la mission augmente de 57 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2024. Il a été consommé à hauteur de 40 406 ETPT, soit 359 ETPT de moins que le plafond d'autorisation d'emplois et 181 ETPT que le plafond exécuté en 2023.
Évolution du plafond d'emplois de la mission depuis 2022
(en ETPT)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Si le plafond d'emplois prévu en loi de finances initiale est en hausse depuis 2022, il est légèrement sous-exécuté de 0,9 % pour la deuxième année consécutive.
Pour autant, il est une nouvelle fois positif, ce qui contraste largement avec la tendance observée depuis les années passées. La mission AGTE est en effet soumise depuis 2018 à un schéma d'emplois exigeant, même s'il a toutefois été assoupli à partir de 2021, marquant ainsi l'interruption des réductions d'emplois pour le programme 354 et le renforcement des schémas d'emplois sur le programme 216, qui porte les effectifs de l'administration centrale du ministère.
Schémas d'emplois sur la mission AGTE de 2018 à 2024
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
En ce qui concerne le programme 216, le schéma d'emplois a été légèrement sous-exécuté (129 ETP prévus initialement pour une consommation de l'ordre de 120 ETP), traduisant toutefois une exécution améliorée par rapport à 2023. Conformément aux objectifs de la LOPMI, ces emplois ont été orientés vers le numérique, notamment vers la réinternalisation des compétences en vue de réduire le recours à des prestataires extérieurs, et ainsi le coût des fonctions numériques du ministère de l'intérieur. La direction de la transformation du numérique (DTNUM) du ministère de l'intérieur a réalisé des recrutements au cours de l'année 2024 sur les métiers d'ingénieurs, de chefs de projet, d'experts technique et de « data scientists », pour un volume de 21 ETP.
S'agissant du programme 354, alors que le solde initial du schéma d'emplois s'élevait à 232 ETP, il n'a été consommé qu'à hauteur de 157 ETP, à raison principalement des effets du décret d'annulation du 21 février 2024, qui a réduit la masse salariale des préfectures de 21,2 millions d'euros. Un tel schéma d'emploi a toutefois notamment permis la création de 101 postes afin de renforcer les services en charge des étrangers, d'accueil du public, de délivrance des titres d'identité, de la gestion de crise ou encore les secrétariats généraux communs départementaux. Par ailleurs, 23 emplois d'experts de haut niveau en préfecture ont été créés en 2024 ainsi que 21 emplois pour renforcer la plateforme régionale d'appui interministériel à la gestion des ressources humaines.
Si la rapporteure spéciale salue ces créations de postes, même moindres que celles envisagées, au regard de l'année 2024 particulièrement contrainte budgétairement, elle n'en déplore pas moins que seuls certains services sont ciblés alors que d'autres missions sont délaissées, comme les contrôles de légalité et budgétaire, qui étaient pourtant affichées comme prioritaires dans les missions prioritaires des préfectures 2022-2025.
En effet, selon les données transmises par le ministère de l'intérieur, alors que les services étrangers ont été renforcés de 5,5 % entre 2021 et 2024, les services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire ont vu leurs effectifs décroître respectivement de 4,5 % et 3,1 % sur la même période. La rapporteure spéciale rendra d'ailleurs prochainement les conclusions de son contrôle budgétaire sur les effectifs dédiés aux contrôles de légalité et budgétaire en préfecture.
La rapporteure spéciale ne nie pour autant pas les besoins dans les services étrangers, qui ont bénéficié de 570 ETPT supplémentaires dès 2022 dans le cadre du plan de renforts triennal pour la période 2022-2024, au regard des difficultés rencontrées dans le traitement des demandes de titres en faveur des publics étrangers.
Pour autant, la rapporteure spéciale regrette que ce plan ne fasse appel qu'à des vacataires dès lors qu'il aurait été préférable de recourir à des effectifs titulaires, et de les fidéliser eu égard à la complexité du droit des étrangers, qui suppose des délais de formation relativement importants. En effet, le recours aux contrats à durée déterminée s'est encore accru en 2024 dans les préfectures, passant de 4 200 ETPT contractuels au sein du programme 354 en 2023, à 4 467 ETPT en 2024, dont plus d'un quart ont été consacrés à la mission d'instruction et de délivrance des titres au sein des services étrangers.
B. UNE AMÉLIORATION DE LA CONSOMMATION DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT À L'ÉCHELLE DE LA MISSION, QUI MASQUE TOUTEFOIS UNE SOUS-EXÉCUTION EN MATIÈRE IMMOBILIÈRE POUR LES PRÉFECTURES
Les dépenses d'investissement demeurent soutenues en 2024, de l'ordre de 400 millions d'euros en CP et de 1 340 millions d'euros en AE, notamment à raison du lancement des travaux du site unique de la DGSI à Saint-Ouen. Ainsi, le programme 216 concentre 80,6 % en CP des dépenses d'investissement de l'ensemble de la mission.
À l'échelle de la mission, l'exécution des dépenses d'investissement passe de 152 millions d'euros en 2023 à 264 millions d'euros, soit une hausse de l'ordre de + 73 %. Toutefois, les crédits demeurent chroniquement sous-exécutés, et en particulier ceux des préfectures (- 33,9 % par rapport à la programmation initiale).
Exécution des dépenses d'investissement en 2023 et 2024
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette sous-exécution a des effets notables et durables sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État. En effet, s'agissant des dépenses immobilières des préfectures, seulement 274 millions d'euros de dépenses ont été engagées en 2024 sur les 355 millions d'euros prévus. En ce qui concerne plus précisément les dépenses d'investissement immobiliers, seulement 21 millions ont été engagés pour 2024 par rapport aux 66 millions prévus dans la loi de finances initiale. Suite au décret d'annulation de février 2024, aucun nouveau projet immobilier n'a été lancé au niveau préfectoral et plusieurs opérations du programme national d'équipements ont été décalées à 2025.
Cette situation est d'autant plus dommageable que la rapporteure spéciale a relevé l'an dernier que le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État est dans une situation préoccupante5(*).
En effet, les dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État sont le « parent pauvre »6(*) des dépenses immobilières du ministère de l'intérieur, au sein duquel l'immobilier est déjà dans une situation très dégradée7(*). Lors de ce contrôle budgétaire, il a également été indiqué à plusieurs reprises à la rapporteure spéciale que, singulièrement pour l'administration territoriale, « l'État se comporte comme un mauvais propriétaire. ». L'administration territoriale a ainsi accumulé une dette « grise » importante, alors que les emprises immobilières ont été insuffisamment entretenues au cours des dernières années.
Loin de permettre de limiter la dépense publique, la rapporteure spéciale souligne que le sous-investissement immobilier est facteur de risques importants, et de coûts potentiellement décuplés pour l'État à terme.
C. UNE ORGANISATION DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ANTICIPÉES NON PRÉVUES EN LOI DE FINANCES INITIALE
Contrairement aux programmes 216 et 354 qui ont été légèrement sous-exécutés, le programme 232 fait l'objet d'une surexécution de l'ordre de 40 %, en AE comme en CP, à raison de l'organisation des élections législatives anticipées non prévues en loi de finances initiale.
Dans un premier temps, de juin à septembre, la trésorerie a été mobilisée afin de régler les dépenses urgentes. À partir d'octobre dernier, afin de faire face aux dépenses obligatoires jusqu'en novembre, telles que les indemnités électorales versées aux metteurs sous pli, le remboursement d'une partie des comptes de campagne des candidats et le paiement des frais d'assemblée électorales engagés par les communes, le programme 232 a été abondé par les programmes 552 « Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles » et 551 « Provisions relatives aux rémunérations publiques » de la mission « Crédits non répartis ». En outre, une partie des crédits a été reportée sur l'exercice 2025, pour un montant de l'ordre de 31,71 millions d'euros en vue du remboursement des comptes de campagne et de campagne audiovisuelle.
Dans le cadre des mouvements de gestion réalisés au cours de l'exercice 2024, le coût des élections législatives anticipées de 2024 est estimé à 171,5 millions d'euros, soit 7 millions de plus que les élections législatives de 2022 selon les réponses au questionnaire budgétaire. Le coût définitif des élections ne sera connu que fin 2025 lorsque toutes les dépenses seront réglées, et principalement les remboursements des comptes de campagne des candidats.
* 1 Projet annuel de performances de la mission Administration générale et territoriale de l'État pour 2024.
* 2 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 3 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024 - Mission « AGTE », avril 2025.
* 4 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024 - Mission « AGTE », avril 2025.
* 5 Rapport d'information n° 769 (2023-2024) fait au nom de la commission des finances sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État, par Mme Florence Blatrix Contat, déposé le 24 septembre 2024.
* 6 Le terme est issu du rapport Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.
* 7 C'est l'un des principaux constats de l'Audit relatif aux investissements immobiliers du ministère de l'intérieur, mené en 2 mars 2022 par l'inspection générale de l'administration, l'inspection générale de la police nationale, l'inspection générale de la gendarmerie nationale et l'inspection générale de la sécurité intérieure.