N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 6a
Cohésion des territoires - Logement et ville

(Programmes 177 «  Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville »)

Rapporteur spécial : M. Jean-Baptiste BLANC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Sur les principales politiques conduites dans le cadre des programmes 177, 109, 135 et 147 relatifs au logement et à l'urbanisme (logement d'abord, logement social et intermédiaire, renouvellement urbain...), les gouvernements successifs depuis 2022 ne parviennent pas à renverser une situation de crise.

2. Le nombre de places dans le parc d'hébergement d'urgence se maintient à son niveau historique de 203 000 places, signe d'une incapacité du gouvernement à déployer un véritable parcours pour le logement.

3. Il est urgent de rendre plus sincère la prévision budgétaire sur le programme 177, alors que le nombre de places se stabilise. Ce programme est en effet chroniquement sous-budgété.

4. L'accueil des réfugiés d'Ukraine s'inscrit dans le temps long et la politique de retour dans le droit commun doit être saluée. Néanmoins, cette politique manque toujours de lisibilité budgétaire, ce qui empêche de tracer le coût de cette action.

5. Les différentes réformes dans le calcul des aides au logement ont été mises en oeuvre avec efficacité et ont permis des économies budgétaires substantielles. Il convient néanmoins de perfectionner les modèles de prévision budgétaire pour ces aides, car la consommation a été largement moins importante que la budgétisation en 2024.

6. Le nombre d'agréments de logements sociaux remonte légèrement, après un niveau bas record, hors crise sanitaire, en 2023. La crise du logement perdure cependant, dans le contexte problématique d'une absence de financement du Fonds national d'aide à la pierre (FNAP) après 2026.

7. Face aux lourds engagements liés à la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), la participation de l'État est à nouveau repoussée aux années futures.

I. UNE EXÉCUTION QUI A MOBILISÉ LÉGÈREMENT MOINS DE CRÉDITS EN 2024 MALGRÉ UN MONTANT OUVERT SUPÉRIEUR À CELUI DE 2023

La mission « Cohésion des territoires » est composée de six programmes portant des politiques de natures diverses, allant de la politique du logement à celle de l'aménagement du territoire :

- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » porte principalement les crédits des aides personnelles au logement ;

- le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » porte les subventions pour charges de service public allouée aux deux opérateurs rattachés (l'Agence nationale de cohésion des territoires et Business France) et comprend le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) qui finance une partie des contrats de plan État-régions, ainsi que divers dispositifs, dont « France Services » ;

- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » finance, via des fonds de concours, les aides à la pierre et, au moyen de crédits budgétaires, d'autres actions relatives au logement, à la construction, à l'urbanisme et à l'aménagement ;

- le programme 147 « Politique de la ville » porte les moyens de l'État consacrés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) ;

- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) portait, jusqu'en 2024, huit actions spécifiques de portée régionale ou interrégionale (il n'en compte plus que sept depuis 2025) ;

- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » vise à répondre aux situations d'hébergement d'urgence et à permettre l'accès au logement.

A. LA MISSION « COHÉSION DES TERRITOIRES » REGROUPE DES POLITIQUES VARIÉES BIEN QUE LES CRÉDITS OUVERTS AIENT PROGRESSÉ DE 7 % AVEC UNE EXÉCUTION EN TRÈS LÉGÈRE DIMINUTION

Les crédits exécutés de la mission « Cohésion des territoires » se sont élevés en 2024 à 18,49 milliards d'euros en crédits de paiement, contre 18,51 milliards d'euros un an plus tôt, ce qui représente une très légère diminution de 0,1 %. Cela correspond à une sous-consommation d'environ 1 milliard d'euros par rapport aux 19,5 milliards d'euros de crédits ouverts en loi de finances initiale. En autorisations d'engagement, la diminution est légèrement plus marquée : 18,69 milliards d'euros en 2024 contre 18,83 milliards d'euros en 2023, soit une baisse de 0,7 %, ce qui représente environ 1,5 milliard d'euros de moins que les autorisations d'engagement ouvertes en loi de finances initiale - 20,2 milliards d'euros en tout.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » en 2024

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

2023

Exécution 2023 /

LFI 2023

2024

Exécution 2024 / LFI 2024

Exécution

   

2024 / 2023

   

LFI

Exécution

en volume

en %

LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 825,8

3 068,7

+ 242,9

+ 8,6 %

2 900,9 

3 103,5

+ 202,6 

+ 7,0 %

+ 34,8 

+ 1,1 %

CP

2 850,6

3 076,5

+ 225,9

+ 7,9 %

2 925,7

3 131,3

+ 205,6 

+ 7,0 %

+ 54,8 

+ 1,8 %

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

13 656,4

13 102,2

- 554,2 

- 4,1 %

- 188,6 

- 1,4 %

CP

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

13 656,4

13 102,2

- 554,2 

- 4,1 %

- 188,6 

- 1,4 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

1 567,1

1 395,6

- 171,5

- 10,9 %

2 459,5

1 466

- 993,5 

- 40,4 %

+ 70,4 

+ 5,0 %

CP

1 145,8

1 089,2

- 56,6

- 4,9 %

1 867,7

1 217,9

- 649,8 

- 34,8 %

+ 128,8 

+ 11,8 %

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

380,8

396,8

+ 16,1

+ 4,2 %

444,9

396,8

- 48,1 

- 10,8 %

- 0,1 

- 0,0 %

CP

313,8

340,1

+ 26,3

+ 8,4 %

395,5

379,6

- 15,9 

- 4,0 %

+ 39,5 

+ 11,6 %

147 - Politique de la ville

AE

597,9

565,4

- 32,5

- 5,4 %

640

523,9

- 116,1 

- 18,1 %

- 41,5 

- 7,3 %

CP

597,9

565,5

- 32,4

- 5,4 %

640

524,1

- 115,9 

- 18,1 %

- 41,4 

- 7,3 %

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

158,0

116,4

- 41,6

- 26,4 %

100,6

103,5

+ 2,9 

+ 2,8 %

- 12,9 

- 11,1 %

CP

104,5

148,5

+ 44,0

+ 42,1 %

53,2

141,9

+ 88,7 

+ 167,0 %

- 6,6 

- 4,5 %

Total mission

AE

18 900,9

18 833,7

- 67,1

- 0,4 %

20 202,4

18 695,9

- 1 506,5 

- 7,5 %

- 137,8 

- 0,7 %

CP

18 383,8

18 510,6

+ 126,8

+ 0,7 %

19 538,5

18 497,1

- 1 041,4 

- 5,3 %

- 13,5 

- 0,1 %

Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette diminution se traduit néanmoins par un rythme de consommation des crédits très varié en fonction des programmes :

- les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » poursuivent leur augmentation, avec 205,6 millions d'euros en crédits de paiement consommés de plus en 2024 après une augmentation de 34,8 millions d'euros en 2023 et de 207,9 millions d'euros en 2022 ;

- les crédits du programme 162 « Interventions territoriales de l'État », bien qu'ayant connu en 2024 une diminution importante tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement ouverts, ont largement dépassé les prévisions initiales (167 % au-delà de la prévision initiale en crédits de paiement, soit un dépassement en exécution de 88,7 millions d'euros, bien au-dessus des 53,2 millions d'euros qui avaient été ouverts en LFI), en raison d'une structure de crédits constituée en grande partie par des reports, des transferts en gestion et des crédits de fonds de concours. Comme chaque année, le périmètre et la structure du programme rendent les comparaisons avec les exercices précédents peu probants, mais il faut aussi souligner que c'est l'une des contreparties de la souplesse du PITE. Au global, si l'on compare l'exécution constatée en 2024 à celle de 2023, la baisse en autorisations d'engagement atteint 11,1 % et celle en crédits de paiement est de 4,5 % ;

- les crédits des programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » connaissent une trajectoire diamétralement différente de celle du programme 162 puisqu'ils sont caractérisés en 2024 par une importante sous-exécution par rapport aux crédits initialement ouverts, alors même que le niveau d'exécution constaté dépasse, pour ces deux programmes, celui de 2023 ;

- enfin, les crédits des programmes 109 « Aide à l'accès au logement » et 147 « Politique de la ville » sont en diminution en volume exécuté, respectivement de 1,4 % et 7,3 %, en AE comme en CP.

La très grande majorité des crédits de la mission correspond à des dépenses largement contraintes : il s'agit de dépenses de guichet (les aides au logement du programme 109 représentent 75 % des crédits de la mission en 2023), ou de dépenses fortement déterminées par l'évolution de la situation économique et sociale (dépenses d'hébergement et de veille sociale portées par le programme 177) et donc difficilement pilotables.

La mission comporte très peu de dépenses de personnel, même si celles-ci ont connu une importante hausse sur l'exercice 2024 en raison du remboursement, financé sur le programme 112, des administrations qui mettent à disposition du personnel exerçant les missions des nouveaux chefs de projets « villages d'avenir » (4 192 740 euros exécutés en AE comme en CP en 2024 pour 8 millions d'euros ouverts).

Désormais, deux programmes comportent donc des dépenses de personnel : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » comme indiqué, ainsi que le programme 147 « Politique de la ville », qui comprend une partie de la masse salariale des délégués du préfet. Sur le programme 147, les dépenses de personnel sont quasiment stables (passant de 1 347 086 euros en 2023 à 1 387 402 euros en 2024, aussi bien en AE qu'en CP). Au global, la mission affiche donc un total de dépenses de personnel de 5 580 142 euros exécutés, soit une hausse importante de 314 % mais qui demeure limitée en valeur absolue (+ 4 millions d'euros environ) puisque l'essentiel des dépenses de personnel en lien avec les activités de la mission « Cohésion des territoires » est en fait porté par la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Enfin, il faut souligner les effets importants des mouvements infra-annuels de gestion sur les crédits de la mission.

On relèvera en premier lieu l'annulation de plus de 736 millions d'euros, en AE comme en CP, avec le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits. Ces annulations, intervenues moins de six semaines après la promulgation de la loi de finances pour 2024, ont touché tous les programmes de la mission à l'exception du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » dont le besoin de financement s'est une nouvelle fois traduit par l'ouverture de moyens supplémentaires en loi de finances de fin de gestion (cf. infra).

Montant des AE et des CP annulés par le décret du 21 février 2024 portant annulation de crédits, par programme

(en euros)

 

Autorisations d'engagement annulées

Crédits de paiement annulés

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

-

-

109 - Aide à l'accès au logement

300 000 000

300 000 000

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

358 922 453

358 922 453

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

26 114 412

26 114 412

147 - Politique de la ville

49 064 685

49 064 685

162 - Interventions territoriales de l'État

2 698 796

2 698 796

Total mission

736 800 346

736 800 346

Source : Commission des finances du Sénat à partir du décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits

En second lieu, la loi de finances de fin de gestion (LFG) du 6 décembre 2024 a eu pour effet de réduire, au total, les moyens alloués à la mission de 350,8 millions d'euros en AE et de 434,9 millions d'euros en CP.

AE et des CP ouverts et annulés en loi de finances de fin de gestion

(en euros)

 

Autorisations d'engagement ouvertes

Autorisations d'engagement annulées

Crédits de paiement ouverts

Crédits de paiement annulés

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

250 000 000

-

250 000 000

-

109 - Aide à l'accès au logement

-

224 191 058

-

224 191 058

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

-

302 078 062

-

381 314 440

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

-

20 033 674

-

18 033 674

147 - Politique de la ville

-

51 397 930

-

51 397 930

162 - Interventions territoriales de l'État

-

3 067 420

-

9 996 069

Total mission

250 000 000

600 768 144

250 000 000

684 933 171

Différentiel entre les ouvertures et les annulations en LFG

- 350 768 144

- 434 933 171

Source : Commission des finances du Sénat à partir de la loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024

Ce total résulte d'un double effet ayant consisté à :

ouvrir 250 millions d'euros supplémentaires, en AE comme en CP, destinés à abonder le programme 177 afin de maintenir le nombre de places du parc d'hébergement que le gouvernement s'est engagé à maintenir ouvertes. Cette ouverture n'était en rien surprenante puisque la mission d'information de la commission des finances sur la dégradation des comptes publics depuis 2023 avait constaté1(*) que l'insuffisance des crédits ouverts en 2024 était connue du Gouvernement avant même la promulgation de la loi de finances initiale et le ministre en charge du logement avait, dès le 8 janvier 2024, annoncé un besoin de crédits supplémentaires de 120 millions d'euros. La mission avait aussi constaté que s'y ajouteraient d'autres dépenses d'un montant au moins équivalent, aboutissant à l'ouverture de crédits ici rappelée ;

annuler un total de 600,8 millions d'euros en AE et 684,9 millions d'euros en CP sur les autres programmes.

Prévision et exécution des crédits du programme 177
« Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables »

Source : commission des finances, à partir des lois de finances initiales, des lois de règlement et du projet de loi de fin de gestion

Au total, les annulations de crédits opérées en février puis en fin de gestion ont représenté 6,8 % des AE (soit 1,34 milliard d'euros) et 7,41 % des CP (soit 1,42 milliard d'euros) votés en LFI. Bien que le volume d'annulation de crédits soit important, il n'a pas pénalisé l'exécution budgétaire des programmes les plus concernés par ces mesures, du fait d'estimations de dépenses assez supérieures aux besoins.

B. DES DÉPENSES FISCALES QUI DEMEURENT PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉES

Avec 87 dépenses fiscales rattachées à titre principal, la mission Cohésion des territoires est, parmi les missions du budget général, celle comportant le plus grand nombre de dépenses fiscales et celle affichant l'un des montants les plus élevés : il a atteint, en 2024, un total de 15,5 milliards d'euros2(*).

Le rapporteur spécial souligne que le montant ici repris, qui agrège le total des dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission diffère de celui affiché par le Gouvernement dans le rapport annuel de performances pour 2024, en raison d'une nouvelle méthode de comptabilisation utilisée par ce dernier qu'il juge spécieuse et dont il ne partage pas la philosophie (cf. l'encadré infra). Afin de permettre une comparaison objective avec les exercices antérieurs, le rapporteur spécial, comme la Cour des comptes d'ailleurs, recourt aux chiffres qui résultent de la méthode de comptabilisation qui a toujours été utilisée jusque-là.

Une méthode de comptabilisation des dépenses fiscales portant sur la TVA qui diminue artificiellement les données présentées par le Gouvernement

Depuis 2024, le Gouvernement proratise le coût des dépenses fiscales en fonction de leur affectation finale : il mentionne dans le RAP un montant total de dépense fiscale « étatique », amputé de la fraction de TVA transférée aux collectivités territoriales et aux organismes de sécurité sociale.

Le montant des dépenses fiscales assises sur la TVA s'en trouve ainsi artificiellement réduit de moitié. Le rapporteur spécial désapprouve totalement cette méthode qui ne permet pas de disposer d'une vision globale du manque à gagner pour les finances publiques : d'ailleurs il a fallu annexer au projet de loi de finances pour 2025 un tableur permettant de connaître les montants des diminutions de recettes de TVA avant prise en compte des transferts, ce qui est source d'une nouvelle complexité.

De surcroît, il est injustifiable d'appliquer cette méthode pour la seule TVA (même si on comprend bien que les montants importants de TVA en jeu permettent d'afficher politiquement un total plus raisonnable de dépenses fiscales) alors qu'il n'est pas appliqué à d'autres impositions partagées entre plusieurs affectataires (la TICPE par exemple).

Pour la mission « Cohésion des territoires », ce changement de méthode se traduit par un montant de dépenses fiscales affiché inférieur de 4,9 milliards d'euros à ce qu'il est en réalité.

Ainsi, la part des dépenses fiscales dans le total des dépenses augmente de nouveau légèrement pour s'établir en 2024 à 46,6 % de l'ensemble des dépenses de la mission, contre 46,1 % un an plus tôt.

Total des dépenses budgétaires et fiscales exécutées en 2024, par programme

Source : Cour des comptes (analyse de l'exécution budgétaire 2024)

Comme chaque année, ces « niches fiscales » sont concentrées très largement sur le programme 135, qui pèse 90,9 % du total de la dépense fiscale rattachée en 2024 à la mission, contre 90,4 % un an plus tôt. Très loin derrière, le programme 112 représente 6,2 % du même total, contre 5,8 % en 2023. Les autres programmes pèsent en tout moins de 3 % des dépenses fiscales.

Les dépenses fiscales du programme 135 représentent 11,56 fois le montant des crédits consommés dans ce programme, alors même que ces crédits incluent une part importante de fonds de concours. 92,04 % des dépenses du programme 135 sont ainsi des dépenses fiscales. S'agissant des deux programmes territorialisés de la mission, comme chaque année, les disparités sont massives puisque les dépenses fiscales représentent plus de 71 % des dépenses du programme 112, tandis que le programme 162, compte tenu de sa structure même, ne comporte aucune dépense fiscale (cf. infra).

Part des dépenses budgétaires et fiscales dans le total des dépenses
par programme

Source : Commission des finances du Sénat

Ainsi, alors que les dépenses fiscales se traduisent en fin de compte par le même impact négatif sur le solde budgétaire que les dépenses budgétaires, il est possible d'esquisser deux cartographies très différentes de la mission « Cohésion des territoires » :

- si on considère les crédits budgétaires, les programmes 109 « Aide à l'accès au logement » et 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » dominent très largement l'exécution de la mission ;

- si l'on prend en compte les dépenses fiscales, ce sont les programmes 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » qui occupent la première place.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES CRÉDITS RELATIFS AU LOGEMENT ET À L'URBANISME

Les programmes suivis par le rapporteur spécial en charge des crédits relatifs au logement et à l'urbanisme sont les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ».

A. SUR LE PROGRAMME 177, LE PARC D'HÉBERGEMENT SE MAINTIENT À UN NIVEAU RECORD EN 2024

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Elle se compose de trois actions dont les crédits sont très inégaux. S'agissant pour l'essentiel de dépenses d'intervention, versés notamment aux acteurs du secteur de l'hébergement et de l'insertion, les crédits sont pratiquement égaux en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'action 11 « Prévention de l'exclusion » (36,7 millions d'euros en crédits de paiement) finance une aide au logement temporaire (dite « ALT 2 ») servie aux gestionnaires des aires d'accueil des gens du voyage et des actions en faveur de la résorption des bidonvilles et de la prévention des expulsions locatives, ainsi que des subventions à des associations en faveur des gens du voyage.

L'action 12 « Hébergement et logement adapté » (3,0 milliards d'euros, soit 98 % des crédits de paiement du programme) comprend les politiques de veille sociale, d'hébergement d'urgence et de logement adapté.

L'action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » (19,3 millions d'euros en crédits de paiement) finance des actions de pilotage du secteur de l'accueil, de l'hébergement et de l'insertion (AHI), ainsi qu'un soutien aux fédérations locales des centres sociaux.

Les crédits consommés en 2024 sont au total de 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et autant en crédits de paiement. En crédits de paiement, ils sont en hausse de 225,9 millions d'euros, soit 7,9 %, par rapport à la prévision en loi de finances initiale et croissent de 221,1 millions d'euros, soit 7,7 %, par rapport aux crédits consommés en 2022.

La hausse importante des crédits entre 2019 et 2021 - de 2,1 milliards d'euros à 2,9 milliards d'euros - semble ainsi se stabiliser en tendance.

Évolution des crédits par action du programme 177

(en millions d'euros et en %)

   

2023

2024

Exécution / prévision 2024

Exécution

2024 / 2023 

Exécution

LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

11 - Prévention de l'exclusion

AE

37,3 

31,8 

41,6 

+ 9,8 

+ 31,0 %

+ 4,3 

+ 11,6 %

CP

36,7 

31,8 

43,0 

+ 11,2 

+ 35,2 %

+ 6,3 

+ 17,1 %

12 - Hébergement et logement adapté

AE

3 011,5 

2 860,9 

3 046,2 

+ 185,4 

+ 6,5 %

+ 34,8 

+ 1,2 %

CP

3 020,4 

2 885,6 

3 073,8 

+ 188,2 

+ 6,5 %

+ 53,4 

+ 1,8 %

14 - Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

AE

20,0 

8,3 

15,7 

+ 7,4 

+ 89,7 %

- 4,3 

- 21,5 %

CP

19,3 

8,3 

14,6 

+ 6,3 

+ 76,0 %

- 4,8 

- 24,7 %

Total programme

AE

3 068,7 

2 900,9 

3 103,5 

+ 202,6 

+ 7,0 %

+ 34,8 

+ 1,1 %

CP

3 076,5 

2 925,7 

3 131,3 

+ 205,6 

+ 7,0 %

+ 54,8 

+ 1,8 %

Note : LFI : loi de finances initiale. La budgétisation inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion inclut les FDC et ADP constatés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme les années précédentes, le programme a fait l'objet d'ouvertures de crédits importantes à hauteur de 250 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de pallier la sous-budgétisation du programme par la loi de finances de fin de gestion3(*).

Cette sous-budgétisation chronique est néfaste à la conduite de la politique publique car l'avance de trésorerie pèse sur les associations intervenant dans l'hébergement d'urgence. La délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL) et la direction du Budget semblent avoir un différend méthodologique sur les besoins de financement, comme l'indique la Cour des comptes dans son analyse de l'exécution budgétaire. Le rapporteur appelle ainsi à les faire converger d'ici le prochain projet de loi de finances afin que la bonne information du Parlement et la sincérité budgétaire soient respectée.

Évolution des crédits en cours d'exercice

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, données Chorus

1. Malgré la stabilisation du nombre de places d'hébergement ouvertes, l'exécution du programme 177 continue sa croissance

Le parc d'hébergement d'urgence a été stabilisé en 2024 au nombre record de 203 000 places, après plusieurs années de forte hausse.

La ligne « hébergement d'urgence » a connu des crédits en hausse en lien avec la crise sanitaire avec une consommation passant de moins de 900 millions d'euros en 2019 à 1 500 millions d'euros en 2021, puis une décrue entamée en 2022 et un palier en 2023 et en 2024 : elle atteint cette année 1 441 millions d'euros.

Le budget du logement adapté, qui a également augmenté de plus de moitié entre 2019 et 2022 en lien avec la mise en oeuvre d'une politique désignée comme prioritaire pendant le quinquennat 2017-2022, continue à croître, dans le cadre du deuxième plan Logement d'abord. Le logement adapté devient ainsi la brique budgétaire qui a connu le taux de croissance le plus élevé (+ 106,5 %) entre 2017 et 2024, année où 576 millions d'euros y ont été consommés.

Évolution des crédits des principaux dispositifs du programme 177

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des rapports annuels de performances)

S'agissant des crédits destinés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), l'augmentation constatée en 2022 - + 60,6 millions d'euros - et en 2023 - + 60,1 millions d'euros - se réduit pour atteindre + 26,6 millions d'euros. Elle intègre la compensation des employeurs par l'État du coût du « Ségur social » ainsi que le coût d'ouverture de places en CHRS.

2. La politique d'accueil des réfugiés ukrainiens est en cours de transition vers le droit commun en 2024 et devrait à l'avenir peser moins fort sur le programme

La France a accueilli près de 115 000 personnes déplacées d'Ukraine depuis le déclenchement de la guerre en février 2022, dont 32 000 ont bénéficié d'un logement au cours de l'année 2024. Si près d'un tiers de ces réfugiés sont hébergés au domicile de particuliers avec l'appui de l'État via l'association « hébergement citoyen », 22 000 bénéficiaient de solutions d'intermédiation locative portées par le programme 177.

La stratégie d'accompagnement vers le droit commun du logement pour les Ukrainiens semble porter ses fruits sur le plan budgétaire. En effet, le coût de l'accueil des réfugiés d'Ukraine est passé de 65,4 millions d'euros en 2023 à 39,4 millions d'euros en CP en 2024, soit une baisse de 40 %.

Le rapporteur salue cette évolution vers le droit commun.

La budgétisation n'était toutefois pas satisfaisante : aucun crédit n'avait été ouvert en loi de finances pour 2024 sur ce thème. Les crédits consommés cette année sont venue pour 25 millions d'euros de reports depuis l'exercice 2023 et de 29 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion, qui ont pour une part été reportés.

Ces pratiques de budgétisation peu planifiées ne sont pas satisfaisantes : l'inscription en loi de finances de crédits réalistes et l'annulation de ceux non consommés serait le gage d'une meilleure visibilité pour les associations. Ceci devrait avoir lieu d'autant plus que le conflit en Ukraine s'ancre dans le temps.

3. La mise en place du deuxième plan quinquennal « un logement d'abord » permet plusieurs évolutions favorables, malgré les limites persistantes de cette politique

Face à l'accroissement important du nombre de personnes sans domicile en France - passé de 141 500 en 2012 à près de 330 000 en 20244(*)-, le Gouvernement a mis en place le plan « un logement d'abord » en 2018. Sa première mouture, arrivée à échéance en 2022, a été remplacée en juin 2023 par un nouveau plan quinquennal.

Les quatre premières années de cette politique ont permis d'accroître de 118 % le nombre de places d'intermédiation locative et de 48 % les places en pensions de famille. Le second plan cherche à poursuivre dans cette voie, en visant l'ouverture d'ici 2027 de 30 000 places en intermédiation locative, 10 000 en pension de famille et l'agrément de 20 000 logements en résidences sociales généralistes et en foyers de jeunes travailleurs.

Pour l'année 2024, plusieurs évolutions favorables peuvent ainsi être relevées :

- 1 376 places ont été ouvertes en pensions de famille, soit 81 % de l'objectif annuel et 27 % de l'objectif de 10 000 places d'ici 2027 ;

- les places en intermédiation locative sont en hausse de 7 % par rapport à 2023 et l'objectif quinquennal est rempli à 45 % ;

- le décompte des places en résidences sociales sera améliorée en 2025 avec la réforme des modalités d'octroi de l'aide à la gestion locative sociale (AGLS). En 2022, lors du dernier recensement, 150 423 places en résidences sociales et 28 888 places en foyers étaient ouvertes.

Le nombre de nuitées en hébergement d'urgence en hôtel croît de 1,4 % entre 2023 et 2024 et que le nombre de places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) augmente de 3,0 %. Il convient de continuer la politique d'accroissement du parc en CHRS, gage d'un accompagnement plus efficace vers un retour au logement.

Composition du parc d'hébergement
au 31 décembre 2024

(en nombre de places)

Source : commission des finances, à partir du rapport annuel de performances 2024

L'objectif de nombre de places demeure à 203 000 en 2024, soit autant que le record historique atteint en 2023, mais pour autant le taux de réponses positives du service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) ne diminue pas.

Ce service, qui a connu un début de refonte en 2021 sous l'égide de la DIHAL, a pour mission de placer des personnes vulnérables qui ont besoin d'un logement. Le tassement du taux de réponses positives, passé de 66 % en 2023 à 54,9 % en 2024, s'explique par un accroissement de la demande liée aux flux migratoires et au contexte de crise du logement.

Dans ce contexte de demande accrue et de difficulté à répondre positivement aux besoins, le gouvernement échoue à résorber la taille du parc, ce qui empêche l'amélioration du pilotage budgétaire de cette brique.

Le rapporteur constate ainsi, comme il le fera pour les autres aspects de la politique du logement5(*), que les gouvernements qui se sont succédés depuis les élections législatives du printemps 2022 n'ont pas su définir des moyens adéquats pour répondre aux besoins d'hébergement et de logement adapté.

B. LE PROGRAMME 109 CONNAÎT UN ÉCART PARTICULIÈREMENT IMPORTANT ENTRE LA BUDGÉTISATION ET LA CONSOMMATION DE CRÉDITS

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » comprend à titre principal les crédits destinés au financement des aides personnelles au logement (APL). Ses dépenses en 2024 sont de 13,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'action 01 « Aides personnelles », qui porte la quasi-totalité des crédits du programme, assure le versement de la subvention d'équilibre de l'État au Fonds national d'aide au logement (FNAL), qui compense lui-même le montant des aides versées aux bénéficiaires finaux par les organismes de sécurité sociale.

L'action 02 « Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté » apporte un soutien financier au réseau des associations nationale (ANIL) et départementales (ADIL) d'information sur le logement.

Évolution des crédits par action du programme 109

(en millions d'euros et en %)

   

2023

2024

Exécution / prévision 2024

Exécution

2024 / 2023

Exécution

LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

01 - Aides personnelles

AE

13 281,8

13 647,0 

13 093,0 

- 554,0 

- 4,1 %

- 188,8 

- 1,4 %

CP

13 281,8

13 647,0 

13 093,0 

- 554,0 

- 4,1 %

- 188,8 

- 1,4 %

02 - Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

AE

9,0

9,4 

9,2 

- 0,2 

- 2,0 %

+ 0,2 

+ 2,4 %

CP

9,0

9,4 

9,2 

- 0,2 

- 2,0 %

+ 0,2 

+ 2,4 %

Total programme

AE

13 290,8 

13 656,4 

13 102,2 

- 554,2 

- 4,1 %

- 188,6 

- 1,4 %

CP

13 290,8 

13 656,4 

13 102,2 

- 554,2 

- 4,1 %

- 188,6 

- 1,4 %

Note : LFI : loi de finances initiale.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Une nouvelle sous-consommation des crédits votés, qui atteint un montant inédit

Après des exercices 2021 et 2022 à la budgétisation réaliste, le programme 109 connaît une prévision en loi de finances initiale depuis 2023 qui est supérieure à la consommation effective au cours de l'année.

En effet, alors que la valeur des crédits ouverts en 2023 s'était avérée supérieure à l'exécution finale, avec l'annulation en fin de gestion de la réserve de précaution de 70 millions d'euros et la non mobilisation des 10 millions d'euros de surgel, la sous-consommation en 2024 est bien plus importante.

Au cours de l'année écoulée, en effet, l'annulation de crédits a concerné 554,2 millions d'euros en AE comme en CP, en deux temps : d'abord, 300 millions d'euros en février par décret, puis 254,2 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion.

Cette sous-exécution importante provient, selon la Cour des comptes, de plusieurs facteurs :

- d'une part, la direction du Budget indique que la prévision d'exécution 2023, sur laquelle s'est fondée la budgétisation 2024, avait été surévaluée d'environ 300 millions d'euros ;

- d'autre part, une évolution des paramètres macro-économiques - comme des prévisions plus basses que prévues du nombre de chômeurs, de l'indice de revalorisation des loyers, ou encore une évolution favorable de la réduction de loyer de solidarité - auraient joué.

Le rapporteur appelle à un perfectionnement des modèles de prévision utilisés par les directions concernées6(*) afin de tendre vers une prévision plus précise.

Cette importante sous-consommation n'empêche pas l'accroissement en tendance des crédits ouverts dans le programme, en particulier pour l'action 1 « Aides personnelles » qui alimente le Fonds national d'aide au logement (FNAL), structure qui verse aux administrations de Sécurité sociale les fonds nécessaires au paiement de ces aides.

Les charges du FNAL ont ainsi augmenté à nouveau en 2024, de 2,2 %, pour atteindre 16 265 millions d'euros. Ceci fait suite à une baisse continue de 2017 à 2022, où les charges étaient passées de 18 350 millions d'euros à 15 721 millions d'euros.

Les ressources du fonds, en revanche, sont en diminution et le FNAL présente, en 2024, un déficit de 219 millions d'euros compensé par l'utilisation de sa trésorerie. Alors que les cotisations employeurs dédiées au FNAL sont en croissance, en lien avec l'augmentation de la masse salariale, les crédits budgétaires alloués par le programme 109 sont en diminution de 189 millions d'euros. Les ressources fiscales, issues d'une fraction de la taxe sur les bureaux et autres locaux professionnels en Île-de-France, sont réduites à 24 millions d'euros en 2024 et seront nulles à partir de 2025.

Évolution des charges et des ressources du FNAL

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur salue la rationalisation de la lecture des ressources du FNAL adoptée dans la loi de finances initiale pour 2025. En application de l'article 2 de la loi organique sur les lois de finances (LOLF), les fonds dépourvus de personnalité morale comme le FNAL ne peuvent plus être affectataires de ressources établies au profit de l'État. Par conséquent, l'intégralité des ressources du FNAL sont, depuis la loi de finances initiale pour 2025, retracées directement dans l'action 01 du programme 109.

Enfin, le rapporteur spécial salue la poursuite de la rationalisation des frais de gestion du FNAL : ces derniers demeurent stables - de 308 millions d'euros en 2022 à 319 millions d'euros en 2024.

2. Des réformes du financement et du versement des aides qui ont permis des économies substantielles

L'année 2023 avait été marquée par l'intégration de deux réformes d'ampleur dans le calcul des aides au logement. Tant la réduction de loyer de solidarité (RLS) que la contemporanéisation du calcul des aides sont désormais prises en compte et intégrées par les services.

D'une part, la RLS a permis de réaliser en 2024 une économie budgétaire de 1 358 millions d'euros. Son rendement a ainsi été plus élevé que la cible de 1 300 millions d'euros.

Le rapporteur souligne l'importance de la charge que l'État fait peser sur les bailleurs sociaux7(*), limitant leur capacité à initier des projets de construction ou de rénovation. Ces derniers sont en effet fortement consommateurs de fonds propres.

D'autre part, la contemporanéisation du calcul des aides au logement a permis aussi d'effectuer 1 398 millions d'euros d'économies. Cette réforme, entrée en vigueur en 2021, est un chantier réussi que le rapporteur salue pour son coût maîtrisé et son incidence favorable à plus d'équité sociale.

Le rapporteur souligne l'importance de mieux prendre en compte ces deux réformes dans la budgétisation en amont des aides, afin d'obtenir une estimation plus précise des besoins.

C. LE PROGRAMME 135 VOIT SES CRÉDITS CONSOMMÉS DIMINUER MALGRÉ UNE HAUSSE IMPORTANTE DES OUVERTURES DE CRÉDITS ALORS QUE LA CONSOMMATION DIMINUE

Le programme 135 porte des crédits consacrés à des actions liées à la construction et l'habitat, en particulier par les aides à la pierre pour la construction de logements sociaux, la rénovation thermique des logements privés et, désormais, le financement des établissements publics fonciers. La quasi-totalité des crédits est portée par les actions 01, 04 et 07.

L'action 01 « Construction locative et amélioration du parc » porte en loi de finances initiale des crédits budgétaires très réduits (74,8 millions d'euros) destinés à la rénovation des cités minières et à l'accueil des gens du voyage mais accueille surtout, en exécution, des fonds de concours reversés au Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Ses crédits consommés sont ainsi de 308,4 millions d'euros en crédits de paiement (voir infra).

L'action 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » a consommé en 2024 des crédits de 440,5 millions d'euros, correspondant principalement aux crédits budgétaires destinés à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements privés à hauteur de 380,2 millions d'euros. Les dépenses liées au contentieux de l'habitat sont de 46,7 millions d'euros, ce qui correspond majoritairement aux astreintes à la charge de l'État versées au Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), dans le cadre de la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO).

L'action 07 « Urbanisme et aménagement » finance certaines actions en lien avec l'urbanisme et l'aménagement. Ses crédits ont augmenté de manière très importante depuis 2021 en raison de la mise en oeuvre d'une compensation budgétaire à destination, notamment, des établissements publics fonciers, suite à la diminution du produit de la taxe spéciale d'équipement (TSE) résultant de la réforme de la fiscalité locale de 2020. Les crédits de paiement exécutés en 2024 sont de 307,1 millions d'euros, dont 175,2 millions d'euros au titre de la compensation budgétaire, les autres dépenses correspondant à des actions diverses de soutien à l'urbanisme et à l'aménagement.

Par ailleurs, deux actions sont dotées uniquement en exécution, par transfert depuis la mission « Plan de relance » : les actions 09 « Crédits Relance Cohésion » (9,3 millions d'euros de crédits de paiement) et 10 « Crédits Relance Écologie » (101,2 millions d'euros).

S'agissant des autres actions, l'action 02 « Soutien à l'accession à la propriété » comprend des commissions de gestion versées à la société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFFAS), car cette politique passe par des dispositifs fiscaux et des crédits extrabudgétaires. L'action 03 « Lutte contre l'habitat indigne » retrace certaines dépenses prises en charge directement par l'État, cette politique étant mise en oeuvre à titre principal par l'ANAH. L'action 05 « Soutien » regroupe des crédits d'étude, de médiation, de communication, ainsi que des crédits liés aux applications informatiques et à la formation des personnels.

Évolution des crédits par action du programme 135

(en millions d'euros et en %)

   

2023

2024

Exécution / prévision 2024

Exécution

2024 / 2023

Exécution

Crédits votés LFI

Prévision LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

01 - Construction locative et amélioration du parc

AE

675,8

415,0

956,7

606,0

+ 191,0 

- 84,5 %

- 69,8 

- 10,3 %

CP

262,9

74,8

358,9

308,4

+ 233,6 

- 67,5 %

+ 45,5 

+ 17,3 %

02 - Soutien à l'accession à la propriété

AE

3,7

4,2

4,2

3,8

- 0,4 

- 10,1 %

+ 0,1 

+ 1,7 %

CP

3,7

4,2

4,2

3,8

- 0,4 

- 10,1 %

+ 0,1 

+ 1,7 %

03 - Lutte contre l'habitat indigne

AE

10,3

20,5

20,5

4,9

- 15,6 

- 76,2 %

- 5,4 

- 52,6 %

CP

12,1

20,5

20,5

6,1

- 14,4 

- 70,1 %

- 6,0 

- 49,4 %

04 - Réglementation, politique technique et qualité de la construction

AE

439,5

1 179,5

1 179,5

439,5

- 739,9 

- 62,7 %

+ 0,0 

+ 0,0 %

CP

442,7

1 179,5

1 179,5

440,5

- 739,0 

- 62,7 %

- 2,2 

- 0,5 %

05 - Soutien

AE

36,8

39,0

39,0

41,6

+ 2,6 

+ 6,7 %

+ 4,9 

+ 13,2 %

CP

35,8

39,0

39,0

41,6

+ 2,6 

+ 6,6 %

+ 5,7 

+ 16,0 %

07 - Urbanisme et aménagement

AE

232,2

259,7

259,7

375,0

+ 115,3 

+ 44,4 %

+ 142,8 

+ 61,5 %

CP

230,4

265,7

265,7

307,1

+ 41,4 

+ 15,6 %

+ 76,7 

+ 33,3 %

09 - Crédits Relance Cohésion

AE

1,6

0,0

0,0

- 3,0

- 3,0 

+ 0,0 %

- 4,6 

- 280,6 %

CP

8,9

0,0

0,0

9,3

+ 9,3 

+ 0,0 %

+ 0,4 

+ 4,6 %

10 - Crédits Relance Écologie

AE

- 4,3

0,0

0,0

- 1,8

- 1,8 

+ 0,0 %

+ 2,5 

- 58,2 %

CP

92,7

0,0

0,0

101,2

+ 101,2 

+ 0,0 %

+ 8,5 

+ 9,2 %

Total programme

AE

1 395,6 

1 917,9 

2 459,5 

1 466,0 

- 451,8 

- 51,8 %

+ 70,4 

+ 5,0 %

CP

1 089,2 

1 583,7 

1 867,7 

1 218,0 

- 365,7 

- 41,0 %

+ 128,8 

+ 11,8 %

Note : LFI : loi de finances initiale. La prévision en LFI inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion inclut les FDC et ADP constatés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après une forte augmentation des crédits consommés en 2023 par rapport à 2022, en augmentation de 433,5 millions d'euros, soit + 45,1 %, en autorisations d'engagement et de 197,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit + 22,1 %, la hausse des crédits se poursuit en 2024.

La croissance est ainsi plus mesurée mais demeure importante : 70,4 millions d'euros en CP et 128,8 millions d'euros en AE, soit respectivement + 5,0 % et + 11,8 %.

Ce retour à la trajectoire en tendance résulte pour l'essentiel de la création du programme « Territoires engagés pour le logement » (TEL), initié en février 2024 et qui n'était pas prévu dans le budget voté en loi de finances initiale. Ce programme vise à soutenir 22 opérations d'aménagement réparties sur l'ensemble du territoire national, avec pour objectif la construction d'environ 30 000 logements d'ici 2027, dont au moins 25 % de logements sociaux. Il a été financé sous enveloppe par le programme 135 : l'évaluation était de 125 millions d'euros en AE et 66,7 millions d'euros en CP pour 2024, la consommation de 121,8 millions d'euros en AE et 58,4 millions d'euros en CP.

1. Les crédits ouverts sur le programme 135 ont été largement surestimés, ce qui a causé une gestion budgétaire par à-coups.

Les crédits consommés par le programme 135 dépassent très largement ceux ouverts en loi de finances initiale, du fait de mouvements de crédits de toutes natures structurellement élevés. Pour une large part, ces crédits sont issus de fonds de concours versés au Fonds national des aides à la pierre (FNAP).

Évolution des crédits en cours d'exercice 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données fournies par la direction du budget

Ces mouvements de crédits tendent à s'accroître d'année en année. En 2024, les crédits sont seulement consommés à hauteur de 83 % en AE et de 61 % en CP, ce qui demande une révision durable du mode de budgétisation du programme.

En particulier, les crédits de paiement non consommés proviennent majoritairement des fonds de concours du Fonds national des aides à la pierre (FNAP), qui ne sont exécutés qu'à hauteur de 29 %.

Or, les restes à payer du programme 135, déjà très élevés à la fin de l'exercice 2023, continuent de progresser en 2024 et s'accroissent de 248 millions d'euros. Entre 2020 et 2024, on observe ainsi une hausse de 51,8 % des restes à payer du programme 135.

Restes à payer du programme 135

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La gestion des crédits issus des fonds de concours demeure problématique. Le rapporteur spécial encourage donc une budgétisation plus adaptée d'année en année pour favoriser une stabilisation de la trésorerie des fonds de concours du programme.

L'augmentation considérable de ces restes à payer est aussi liée à la mise en oeuvre des actions 09 « Crédits Relance Cohésion » et 10 « Crédits Relance Écologie ». En effet, les autorisations d'engagement ouvertes, parfois massives, - avec 402 millions d'euros en 2021 pour l'action 10 - en 2021 et 2022 n'ont pas été couvertes par des crédits de paiement.

Il est cependant probable que la situation se résorbe : les autorisations d'engagement dans ces deux actions sont nulles en 2021 et les crédits de paiement continuent à être mis en oeuvre, même si leur rythme d'utilisation notamment sur l'action 10 demeure lent.

Comme l'indique la Cour des comptes, le programme a subi en 2024 des « à-coups budgétaires », en lien avec deux évènements particulièrement marquants :

- d'une part, comme indiqué supra, le déploiement du dispositif « Territoires engagés pour le logement » (TEL) qui n'avait pas été inscrit dans le budget ;

d'autre part, les annulations importantes en cours de gestion, avec l'annulation de 358,9 millions d'euros en AE et en CP par décret en février 2024 puis, en loi de fin de gestion, l'annulation de 302,1 millions d'euros en AE et 381,3 millions d'euros en CP.

2. Un financement incertain du FNAP pour l'avenir malgré une situation encore difficile du secteur du logement social

Le Fonds national des aides à la pierre (FNAP) est un établissement public d'un type particulier. Opérateur du programme 135, il ne reçoit pas de crédits budgétaires depuis plusieurs années, mais est alimenté par des fonds de concours versés principalement, ces dernières années, par les bailleurs sociaux et le groupe Action Logement. L'ensemble de ses fonds sont toutefois versés au programme 135 avant d'être distribués entre les régions en fonction des priorités définies par son conseil d'administration. Le volume de ces fonds de concours vient donc accroître considérablement, en exécution, le montant des crédits du programme 135.

La participation volontaire d'Action logement, qui l'engageait jusqu'en 2022, a été reconduite en 2023 à hauteur de 300 millions d'euros puis en 2024 à hauteur de 150 millions d'euros.

Pour 2025, en l'absence de financement par Action Logement et par l'État qui n'y participe plus depuis 2018, la trésorerie du FNAP et les reports accumulés devraient lui permettre de faire face à ses engagements.

Cependant, en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2026, le rapporteur insiste sur la nécessité de trouver une solution de financement pérenne. Le rapport de contrôle qu'il prépare sur ce sujet sera une occasion de proposer une solution à cette difficulté.

Quoi qu'il en soit, dans l'optique de gagner en lisibilité et en simplicité mais aussi d'assurer le financement de la construction, le rapporteur spécial recommande une meilleure budgétisation des crédits alloués au FNAP. Le système de financement actuel, en effet, souffre d'une programmation peu réaliste qui mène à des AE surdimensionnées et manque d'efficacité pour l'allocation des ressources.

Cette question est d'autant plus urgente que la crise du logement social demeure. Loin de l'objectif fixé de 100 000 logements sociaux agréés, seuls 85 381 agréments ont été émis en 2024, soit 85,3 % de la cible. Si ce chiffre constitue une légère hausse par rapport à 2023, il reste en dessous du nombre d'agréments permis en 2020, l'année de la pandémie.

Agréments de logements sociaux depuis 2016

(en nombre de logements financés ou agréés)

Note : France métropolitaine, hors zone ANRU. PLAI : prêt locatif aidé d'intégration. PLUS : prêt locatif à usage social. PLS : prêt locatif social.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En particulier, le nombre de PLAI est en nette diminution, de - 7,8 %, alors que c'est sur ce segment qui vise les publics les plus en difficultés qu'il est nécessaire de porter l'effort. De même, la cible d'agrément de logement PLUS est loin d'être atteinte et leur nombre a diminué de 7,2 % par rapport à 2023.

La légère reprise observée doit être confirmée, en portant une attention particulière aux segments des personnes les plus pauvres.

3. La politique de guichet d'aide à la rénovation énergétique doit être stabilisée et fiabilisée

Le déploiement de la rénovation énergétique en France, notamment par le biais de l'aide budgétaire MaPrimRénov', a connu en 2024 un coup d'arrêt assez brusque avec une restructuration très forte du dispositif.

Ce dernier est désormais construit autour d'un parcours accompagné avec une incitation à la rénovation d'ampleur. L'instabilité réglementaire autour de cette aide a mené, au cours du premier semestre 2024, à une importante réduction du nombre de versements et à une consommation des crédits de seulement 34 % de ceux ouverts en loi de finances initiale.

Crédits ouverts et consommés sur le dispositif MaPrimRénov' en 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, données DHUP

Il en ressort que l'année 2024 constitue une année noire pour le déploiement de la politique de rénovation énergétique des logements, qui souffre d'illisibilité et d'instabilité. Les fraudes massives repérées sur le dispositif ont en outre encouragé les services à limiter les versements.

Le rapporteur spécial regrette néanmoins que cette politique ait fait l'objet d'une gestion aussi hasardeuse au cours de l'année 2024 et appelle à une clarification des objectifs et des moyens pour la rénovation thermique des habitations privées.

La simplification apportée dans le cadre du PLF 2025 et l'implication de la ministre en charge du logement Valérie Létard pour assurer une stabilité réglementaire sont les bienvenus, même si l'actualité récente montre de nouveaux enjeux, notamment en termes de fraude.

D. LA POLITIQUE DE LA VILLE CONDUITE PAR LE PROGRAMME 147 A SOUFFERT D'UN DÉSINVESTISSEMENT PROGRESSIF DE L'ÉTAT TOUT AU LONG DE L'EXERCICE

Le programme 147 « Politique de la ville » porte des crédits relatifs à la politique de la ville. Ils n'incluent toutefois qu'une faible part du financement des opérations de renouvellement urbain, dont les crédits proviennent à titre principal d'Action Logement et des bailleurs sociaux, ainsi que des collectivités locales qui lancent les projets.

Les crédits consommés par le programme 147 en 2024 sont de 523,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, en baisse de 115,6 millions d'euros (- 18,1 %) et de 524,1 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse de 115,4 millions d'euros (- 18,0 %), par rapport à la prévision.

Le programme 147 comprend quatre actions d'importance très inégale.

L'action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » regroupe les crédits à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais. Elle comprend 92 % des crédits du programme.

L'action 02 « Revitalisation économique et emploi » apporte la subvention de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) et les crédits dédiés à la compensation auprès des régimes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU).

Les crédits de personnel, limités à la masse salariale des délégués des préfets, sont retracés dans l'action 03 « Stratégie, ressources et évaluation ».

Enfin l'action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » retrace la contribution de l'État au financement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Évolution des crédits du programme 147 par action

(en millions d'euros et en %)

   

2023

2024

Exécution / prévision 2024

Exécution

2024 / 2023 

Exécution

LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

01 - Actions territorialisées et Dispositifs spécifiques de la politique de la ville

AE

508,6

530,5 

482,1 

- 48,4 

- 9,1 %

- 26,5 

- 5,2 %

CP

508,7

530,5 

482,4 

- 48,1 

- 9,1 %

- 26,3 

- 5,2 %

02 - Revitalisation économique et emploi

AE

39,8

40,2 

38,8 

- 1,4 

- 3,6 %

- 1,0 

- 2,5 %

CP

39,8

40,2 

38,8 

- 1,4 

- 3,6 %

- 1,0 

- 2,5 %

03 - Stratégie, ressources et évaluation

AE

2,7

18,9 

3,0 

- 15,8 

- 83,9 %

+ 0,3 

+ 11,9 %

CP

2,8

18,9 

2,9 

- 15,9 

- 84,4 %

+ 0,1 

+ 4,8 %

04 - Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

AE

14,3

50,0 

0,0 

- 50,0 

- 100,0 %

- 14,3 

- 100,0 %

CP

14,3

50,0 

0,0 

- 50,0 

- 100,0 %

- 14,3 

- 100,0 %

Total programme

AE

565,4 

639,5 

523,9 

- 115,6 

- 18,1 %

- 41,5 

- 7,3 %

CP

565,5 

639,5 

524,1 

- 115,4 

- 18,0 %

- 41,4 

- 7,3 %

Note : LFI : loi de finances initiale. La prévision en LFI inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement inclut les FDC et ADP constatés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 147 enregistrent un taux d'exécution réduit à 81,9 % en autorisation d'engagement et à 82,0 % en crédits de paiement. Cette faible exécution est liée à l'annulation d'un nombre important de crédits pourtant votés en loi de finances initiale, notamment la participation de l'État au Nouveau programme national de renouvellement urbain qui s'élevait à 50 millions d'euros.

Comme chaque année, des crédits ont été transférés ou virés, à hauteur de 14,4 millions d'euros, pour rembourser à différents ministères les salaires des délégués du préfet, qui représentent l'État dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et proviennent d'autres administrations ou organismes divers.

1. Les moyens réels de la politique de la ville demeurent difficiles à évaluer

Les crédits budgétaires du programme 147 ne constituent qu'une part de ceux réellement consacrés à la politique de la ville.

S'y ajoutent des dépenses fiscales, d'un montant estimé à 245 millions d'euros en 2024, résultant pour l'essentiel de deux dispositifs :

- l'exonération plafonnée à 50 000 euros du bénéfice réalisé par les entreprises qui exercent une activité dans une zone franche urbaine (ZFU) de troisième génération ou qui ont créé une activité dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur entre 2006 et 2023 (115 millions d'euros) ;

- l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur des immeubles en zone urbaine sensible (ZUS, jusqu'en 2015) puis dans les QPV (126 millions d'euros).

Ces politiques sont également cofinancées par d'autres acteurs, en premier lieu les collectivités territoriales, mais aussi l'Union européenne et, pour ce qui concerne le renouvellement urbain, Action Logement (voir infra).

Enfin et surtout, la politique de la ville doit coordonner sur certains territoires l'action de plusieurs ministères sectoriels. Les crédits de droit commun doivent être mobilisés en premier lieu, mais, comme le reconnaissent les documents budgétaires8(*), le chiffrage de ces moyens est difficile car les ministères n'adoptent pas toujours une approche territorialisée de leur action, de sorte qu'il n'est souvent pas possible d'indiquer avec précision le montant des crédits mis en oeuvre dans les QPV et de les comparer avec l'action menée dans les autres quartiers.

2. Une budgétisation initiale fortement amputée en cours de gestion

Si l'ouverture en loi de finances initiale pour 2024 était en augmentation de 42 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, la consommation des crédits est moins élevée de 7,3 %.

En effet, le programme a connu des mouvements de baisse de crédits conséquentes en cours d'exécution, à commencer par le décret du 21 février 2024 qui a annulé 49,1 millions d'euros comprenant la mise en réserve initiale de 33,3 millions d'euros et les crédits suivants :

- 10,5 millions d'euros pour les cités éducatives ;

- 4,3 millions d'euros pour les adultes-relais ;

- 1 million d'euros pour le complément jeux Olympiques et Paralympiques de la sous-action quartiers d'été en Île-de-France.

En outre, un surgel de 50 millions d'euros s'est porté sur les crédits destinés à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) pour le financement du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) le 17 juillet 2024. Ces crédits ont ensuite été annulés en loi de finances de fin de gestion.

Évolution des crédits en cours d'exercice

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données fournies par la direction du budget

Le rapporteur regrette ainsi cette gestion peu sincère des crédits de la politique de la ville, qui converge avec l'absence d'ambition pour l'amélioration à long-terme de la vie dans les quartiers concernés.

3. L'absence de participation de l'État au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) rend patent son manque d'investissement

S'agissant en particulier du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), l'État n'a finalement apporté aucune contribution en 2024, les 50 millions d'euros prévus ayant été annulés en cours de gestion. Ceci s'ajoute à la participation symbolique, en 2023, de 14,3 millions d'euros.

Le montant qui doit être apporté par l'État sur l'ensemble de la durée du programme, de 2018 à 2030, est de 1,2 milliard d'euros. En particulier, sur la période 2023-2027, l'engagement prévu est de 300 millions d'euros, soit une moyenne de 60 millions d'euros par an. Or les montants apportés depuis 2018 sont bien en deçà de ce qui est nécessaire pour accompagner le programme de façon progressive. L'État devra, s'il veut honorer ses engagements, accroître considérablement les crédits de l'action 04, et donc du programme 147, dans les années à venir.

Financement du NPNRU par l'État

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le financement de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) est donc apporté presque entièrement par le secteur du logement lui-même, avec le groupe Action Logement (400 millions d'euros en 2024) et les cotisations des bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS, 184 millions d'euros), sur un budget 2024 de 639,1 millions d'euros, avant l'annulation des 50 millions d'euros de l'État.

Les dépenses de l'Agence se sont établies en 2024 à un niveau de 2,09 milliards d'euros en autorisations d'engagement, contre 1,85 milliard d'euros en 2022, et de 1 005 millions d'euros en crédits de paiement, contre 780,1 millions d'euros en 2023, ce qui témoigne de la réalisation progressive des projets du NPNRU. De nombreux projets engagés n'ont pas encore mené au paiement complet du solde prévu.

Les engagements contractualisés sur le NPNRU sont d'ores et déjà de 9,17 milliards d'euros et les paiements de 2,75 milliards d'euros.

Si l'Agence dispose actuellement d'un niveau de trésorerie satisfaisant, qui a d'ailleurs motivé l'annulation de la contribution de l'État, le rapporteur spécial fait observer que c'est en raison des versements importants faits par Action Logement et les bailleurs sociaux.

Le rapporteur spécial regrette l'absence de volonté gouvernementale pour participer à la rénovation des quartiers, alors que les évènements de juin 2023 rappellent à quel point la situation sociale y est explosive.


* 1 Le rapport d'information n° 685 (2023-2024) de la mission d'information, déposé le 12 juin 2024, intitulé « Dégradation des finances publiques : entre pari et déni » est disponible en ligne.

* 2 D'après la Cour des comptes, ce total représente 19 % du montant total des dépenses fiscales de l'État qui s'élèveraient en 2024 à 83,3 milliards d'euros.

* 3 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.

* 4 Estimation Fondation pour le logement (Abbé Pierre), Rapport annuel 2024. La Cour des comptes, dans le Rapport annuel 2021, retenait une estimation de 300 000 personnes sans domicile.

* 5 Voir infra l'analyse de l'exécution des programmes 109, 135 et 147.

* 6 Direction du budget et direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages.

* 7 La réduction de loyer de solidarité consiste à ce que les bailleurs sociaux réduisent le loyer qu'ils demandent aux habitants pour que l'État puisse réduire les aides au logement. Elle provoque un transfert de charge de l'État vers les bailleurs, tout en étant pratiquement neutre pour les occupants.

* 8 Ville, document de politique transversale, annexé au projet de loi de finances pour 2023.

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