CHAPITRE II
Renforcer les moyens d'enquête et
de contrôle
Article 10
Extension du droit de communication aux
agents
de l'Assurance maladie chargés de la lutte contre la
fraude
Cet article vise à aligner le droit de communication des agents placés sous l'autorité du directeur ou du directeur comptable et financier d'une caisse primaire d'assurance maladie sur le droit applicables aux organismes de recouvrement afin de lutter contre la fraude sociale.
La commission a adopté cet article modifié par deux amendements. Le premier vise à étendre le dispositif initial de cet article aux caisses d'allocations familiales. Le second donne la possibilité aux agents en charge du contrôle de l'activité partielle d'obtenir des données relatives au chiffre d'affaires des entreprises concernées.
I - Le dispositif proposé
A. Le droit de communication, outil nécessaire de la lutte contre la fraude sociale
1. Un droit de communication régulièrement élargi par le législateur
Instauré par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 200851(*) sur le modèle des prérogatives de l'administration fiscale, le droit de communication reconnu à l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale permet aux agents des organismes de sécurité sociale de prendre connaissance d'informations et, au besoin, d'obtenir copie de documents détenus par des tiers, sans que ne s'y oppose le secret professionnel, pour l'exercice de certaines de leurs missions.
Ce droit bénéficie ainsi aux agents :
- des organismes de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par les organismes concernés ;
- des Urssaf et des caisses de mutualité sociale agricole (MSA) chargés du contrôle pour accomplir leurs missions de contrôle et leur mission de lutte contre le travail dissimulé ;
- des organismes de sécurité sociale pour recouvrer les prestations versées indûment ou des prestations recouvrables sur la succession.
La LFSS pour 202352(*) a reconnu ce droit de communication au profit des agents des Urssaf et des caisses de MSA pour le recouvrement des créances relatives à une infraction aux interdictions de travail dissimulé.
La LFSS pour 202553(*) a enfin élargi cette prérogative au bénéfice des directeurs et directeurs comptables et financiers des Urssaf et des caisses de MSA, ainsi que des agents placés sous leur autorité, pour accomplir les actions de contrôle et de lutte contre la fraude sociale.
L'article L. 114-20 du code de la sécurité sociale se réfère aux dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux conditions d'exercice du droit de communication des agents de l'administration fiscale pour déterminer les conditions d'utilisation de ce droit dans le champ social et la liste des tiers auprès duquel il s'exerce - parmi lesquels des administrations et entreprises publiques, des organismes et agences divers, des personnes versant des revenus de capitaux mobiliers, des compagnies d'assurance, des établissements de crédit, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement, les agences immobilières etc.
Les documents et informations exigés doivent être communiqués dans un délai de trente jours suivant la demande de l'agent chargé du contrôle. Le législateur a prévu une pénalité de 1 500 € par cotisant, assuré ou allocataire concerné, sous un plafond de 10 000 € par pénalité totale, en cas de de silence gardé ou de refus de déférer à une demande de communication d'information ou de document. Dans les cinq ans suivant une première absence de coopération, la récidive par le même tiers entraine un doublement des montants de pénalité.
2. Les garanties qui encadrent le droit de communication
En outre, l'article L. 114-21 du même code oblige l'organisme de sécurité sociale ayant usé du droit de communication à informer l'assuré, l'allocataire ou le cotisant, à l'encontre duquel il a pris une décision, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers ayant fondé cette décision. En cas de demande, il est tenu de communiquer une copie des documents avant l'application de sa décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement.
Si le droit de communication poursuit un objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière sociale, il porte également atteinte au respect de la vie privée. Par une décision du 14 juin 201954(*), le Conseil constitutionnel a jugé toutefois que le législateur a assuré une conciliation équilibrée en consacrant un droit de communication des données bancaires au profit des organismes de sécurité sociale eu égard aux informations que contiennent ces données au regard des objectifs poursuivis - apprécier le droit à prestation ou de l'obligation de cotisation de la personne contrôlée.
Cependant, dans la même décision de 2019, le Conseil constitutionnel a jugé non conformes à la Constitution des dispositions légales insuffisamment encadrées permettant aux organismes de sécurité sociale d'obtenir les données de connexion détenues par certains opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d'accès ou les hébergeurs de contenu. Au regard de cette jurisprudence55(*), le législateur a ainsi prévu des conditions dérogatoires d'exercice du droit de communication pour ces données particulières56(*).
B. Le dispositif proposé : une nouvelle extension du droit de communication
Le présent article propose de modifier le 5° de l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, inséré en LFSS pour 2025 au profit des Urssaf et des caisses de la MSA, afin d'étendre aux agents placés sous l'autorité du directeur ou du directeur comptable et financier d'une CPAM le droit de communication pour lutter contre la fraude sociale.
Cette disposition permettra ainsi, selon la Caisse nationale d'assurance maladie, à des agents autres que les agents de contrôle agréés et assermentés d'effectuer les demandes nécessaires aux vérifications dont ils ont la charge. La Cour de cassation57(*) a en effet rappelé, dans un arrêt du 7 septembre 2023, que le droit de communication ne pouvait être exercé que par les agents agréés et assermentés58(*). Or les contrôles sur les prestations ne sont pas réalisés par ces seuls agents. Il s'agira ainsi, selon l'étude d'impact, de permettre « aux caisses d'optimiser leurs démarches au regard de leurs impératifs de contrôle, et de recentrer l`action des agents de contrôles agréés assermentés sur des contrôles plus rentables »59(*).
II - La position de la commission
Les rapporteurs souscrivent à cette extension du droit de communication en faveur des CPAM afin d'accomplir leurs missions de lutte contre la fraude. Le renforcement des moyens humains de contrôle de l'Assurance maladie - plus de 1 600 agents y sont affectés - nécessite d'accorder les habilitations législatives adaptées afin de lutter efficacement contre les fraudes à enjeux.
Les rapporteurs notent au demeurant que ce nouveau droit au profit des agents des CPAM s'appliquera dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties que celles déjà prévues par le code de la sécurité sociale et le livre de procédures fiscales. Le présent article ne porte donc pas une atteinte disproportionnée au respect du secret professionnel ou de la vie privée au regard de l'objet poursuivi de lutte contre la fraude sociale.
La commission a adopté un amendement n° COM-122, lequel étend le bénéfice des présentes dispositions aux caisses d'allocations familiales (CAF), considérant la prégnance des risques de fraudes s'agissant des prestations services par les CAF.
Elle a adopté un second amendement n° COM-121 des rapporteurs qui donne la possibilité aux agents des services du ministère de l'emploi en charge du contrôle du dispositif d'activité partielle d'obtenir des données relatives au chiffre d'affaires des entreprises concernées, sans se voir opposer le secret des affaires ni le secret fiscal. Cette transmission est nécessaire pour identifier d'éventuelles anomalies dans les déclarations relatives à la situation économique d'une entreprise ayant placé ses salariés en activité partielle.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 10 bis
(nouveau)
Consacrer légalement les missions de contrôle du
régime de garantie des salaires et son droit de communication
Cet article, introduit par la commission des affaires sociales, vise à reconnaître les missions de contrôle du régime de garantie des salaire (AGS) et octroyer à celui-ci un droit autonome de communication.
A. Un droit existant lacunaire pour les fraudes aux garanties de salaire
Les dispositions légales régissant le régime des garanties des salaires (AGS) sont codifiées à l'article L. 3253-14 et suivants du code du travail. Ces dispositions ne font nullement mention des missions de lutte contre la fraude exercées par l'AGS.
En application combinée des articles L. 114-16-1 et L. 114-16-3, le code de la sécurité sociale se borne à disposer que les agents de l'AGS désignés par le directeur de l'association « sont habilités à s'échanger tous renseignements et tous documents utiles à l'accomplissement des missions de recherche et de constatation des fraudes en matière sociale (...) ».
En l'absence de base légale explicite, l'AGS ne peut aujourd'hui obtenir des informations que de la part des autres organismes de protection sociale et de France Travail. De même, s'agissant de sa mission de lutte contre la fraude, l'AGS mentionne aux rapporteurs que « l'ambiguïté nuit à ses contrôles et à la modernisation de son processus de détection des fraudes ». Or, le régime de garantie des salaires est concerné par les comportements abusifs ; en 2024, 16 millions d'euros de fraude ont ainsi été évités et ce montant atteint 14 millions d'euros pour le seul premier semestre de 2025.
B. La consécration législative proposée pour la mission de lutte contre la fraude
À l'initiative des rapporteurs (amendement COM-123), la commission a souhaité reconnaître un droit de communication autonome à l'AGS sur le modèle des dispositions régissant le droit de communication pour les caisses de sécurité sociale ou l'opérateur France Travail, en adoptant le présent article.
À cette fin, le I du présent article créée un article L. 3253-17-1 du code du travail afin de reconnaître les missions de contrôles que doit exercer l'AGS lorsqu'elle a connaissance de faits frauduleux. Ces missions seront exercées par des agents désignés par le directeur de l'AGS.
Le troisième alinéa de cet article L. 3253-17-1 reconnaît expressément un droit de communication à ces agents chargés de la fraude. Les alinéas suivants précisent le cadre applicable à ce droit de communication et notamment les personnes auprès desquels ce droit pourra s'exercer.
Les personnes auprès desquelles le droit de
communication de l'AGS
pourra s'exercer
Le droit qui s'exercera auprès de toutes les personnes prévues par le livre de procédure fiscale, à l'exception des personnes ci-dessous :
- le ministère public (article L. 82 C) ;
- les agents de la direction générale des finances publiques, de la direction générale des douanes et droits indirects et de la concurrence, et de la consommation et de la répression des fraude (article L. 83 A) ;
- l'agence nationale de contrôle du logement social (article L. 83 C) ;
- l'Agence nationale de l'habitat (article L. 83 D) ;
- le Crédit foncier de France (article L. 83 E) ;
- la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (article L. 84 A) ;
- l'Autorité nationale des jeux (article L. 84 B) ;
- l'Établissements de jeux (article L. 84 C) ;
- l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (article L. 84 D) ;
- l'Autorité des marchés financiers (article L. 84 E) ;
- les personnes effectuant des opérations d'assurance (article L. 89) ;
- les entrepreneurs de transport (article L. 90) ;
- les redevables du droit d'accroissement (article L. 91) ;
- les caisses de mutualité sociale agricole (article L. 95) ;
- les banques, en ce qui concerne les formules de chèques non barrées (article L. 96) ;
- les personnes mentionnées aux articles 277 A et 286 quater du code général des impôts, relatifs aux assujettis à la taxe à la valeur ajoutée (article L. 96 B) ;
- les intermédiaires pour des instruments financiers à terme (article L. 96 CA)
- le fiduciaire, le constituant, le bénéficiaire ou toute personne physique ou morale exerçant par quelque moyen un pouvoir de décision direct ou indirect sur la fiducie (article L. 96 F) ;
- les opérateurs de communications électroniques (article L. 96 G) ;
- les fabricants et marchands de métaux précieux (article L. 96 H) ;
- les concepteurs et éditeurs de logiciels de comptabilité ou de caisse (article L. 96 J).
• Le II du présent article opère une coordination à l'article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale.
La commission a adopté cet article additionnel dans la rédaction de l'amendement COM-123.
Article 10 ter
(nouveau)
Sanction du délit d'entrave au droit de communication des
juridictions financières
Cet article, introduit par la commission, vise à maintenir les conditions dérogatoires d'ouverture de l'éligibilité au revenu de solidarité active pour les ressortissants étrangers qui assument seule la charge d'un ou de plusieurs enfants.
A. Les juridictions financières disposent d'un droit de communication connaissant parfois des entraves
Les juridictions financières, c'est-à-dire la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC), disposent, pour l'exercice de leurs missions, d'un droit de communication. Ce droit de communication répond à l'article XV de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), qui dispose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
Ce droit de communication a été formellement inscrit par le législateur à l'article L. 141-5 du code des juridictions financières. Aux termes de cet article, la Cour des comptes est ainsi « habilitée à accéder à tous documents, données et traitements, de quelque nature que ce soit, relatifs à la gestion des services et organismes soumis à son contrôle ou nécessaires à l'exercice de ses attributions, et à se les faire communiquer sans qu'un secret protégé par la loi puisse lui être opposé ». Des dispositions similaires existent pour les CRTC et pour le conseil des prélèvements obligatoires (CPO)60(*).
Le droit de communication des juridictions financières est adossé à un délit d'obstacle, puni de 15 000 euros d'amende, après saisine du parquet par le procureur général près la Cour des comptes, le président du CPO ou le ministère public près la chambre territoriale61(*). Les juridictions financières doivent donc se tourner vers la juridiction judiciaire en cas d'obstacle à leur droit de communication.
Ce délit d'obstacle s'applique à tous les justiciables de la Cour des comptes, c'est-à-dire aux membres du cabinet d'un ministre ou d'un élu exerçant une fonction exécutive62(*), à tout fonctionnaire, agent civil ou militaire de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou des groupements des collectivités territoriales, ainsi qu'à « tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une CRTC »63(*).
Le législateur a étendu, au cours des dernières années, le périmètre de ces organismes susceptibles d'être contrôlés par la Cour des comptes, notamment dans le secteur médico-social. Ainsi, outre les entreprises publiques et les organismes bénéficiant de concours financiers publics, les juridictions financières peuvent contrôler :
- les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux de statut privé, dès lors que ceux-ci sont financés par l'État, une collectivité territoriale ou leurs établissements publics64(*) ;
- les structures privées contrôlant des établissements et services publics du secteur médico-social65(*).
Contrôles sur les établissements médico-sociaux de statut privé non lucratif ou commercial (nombre d'établissements contrôlés)
|
Cour des comptes |
CRTC |
Total |
|
|
2021 |
1 |
34 |
35 |
|
2022 |
1 |
8 |
9 |
|
2023 |
1 |
12 |
13 |
|
2024 |
3 |
23 |
26 |
Source : Annexes budgétaires PLF pour 2025
Depuis lors, la Cour des comptes a fait état de difficultés dans l'exercice de cette compétence, elle se heurterait en effet à « des obstacles », prenant la forme de refus réitérés de la maison mère d'un groupe privé gestionnaire d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de transmettre ses comptes annuels et d'autres documents demandés.
B. Le dispositif proposé vise à donner des moyens supplémentaires aux juridictions financières en cas d'entrave à leur droit de communication
Le présent article, issu de l'adoption par la commission de l'amendement COM-124 des rapporteurs instaurerait un mécanisme propre aux juridictions financières, applicable en cas d'obstacle au droit de communication. Surtout, cette procédure permettrait aux juridictions financières de régler ces difficultés en autonomie, sans recourir au juge judiciaire, comme c'est le cas actuellement, et donc de gagner en célérité.
Le 1° confierait à la Cour des comptes une nouvelle attribution, celle « [d']assurer le respect du droit de communication » dont disposent respectivement la Cour des comptes66(*), les CRTC67(*) et le conseil des prélèvements obligatoires68(*).
En cas d'atteinte à ce droit de communication, ces autorités pourraient alors déférer les faits au procureur général près la Cour des comptes, c'est-à-dire au ministère public, qui disposerait alors de deux possibilités, non exclusives l'une de l'autre :
- soit renvoyer l'affaire devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes, laquelle pourrait alors prononcer une amende maximale de 15 000 euros proportionnée « à la gravité des manquements constatés » ;
- soit, préalablement à ce renvoi, enjoindre la personne concernée de procéder à la communication des documents ou données demandés dans un délai ne pouvant être inférieur à trois jours, tout retard dans l'exécution de cette injonction pouvant entraîner une amende pouvant atteindre 1 000 euros par jour.
Les montants précités sont inspirés des montants des amendes déjà prévues par le code des juridictions financières en cas de délit ou, pour ce qui concerne le pouvoir d'injonction, par le législateur pour l'inspection générale des finances.
La décision de renvoi ou l'injonction de transmission ne pourraient être prises par le procureur général qu'après avoir invité le justiciable à présenter ses observations. Le justiciable pourrait aussi bien être une personne morale qu'une personne physique.
Le 2°, organise la procédure de jugement, par la chambre du contentieux de la Cour des comptes, du non-respect du droit de communication. Pour ce faire, il crée une nouvelle section au sein des dispositions relatives aux activités juridictionnelles de la Cour des comptes. Ce jugement serait prononcé par un juge unique, aurait lieu sans instruction préalable par le siège et devrait être rendu dans un délai de huit jours suivant la décision de renvoi par le procureur général.
Par ailleurs, le présent article précise le caractère non suspensif de l'appel.
Ce dispositif reprend la proposition de loi n° 898 (2024 - 2025) visant à renforcer l'effectivité du droit de communication des juridictions financières, déposée M. le président Philippe Mouiller le 19 septembre 2025, à la suite d'échanges avec Mme le procureur général près la Cour des comptes, Mme Véronique Hamayon.
La commission a adopté cet article additionnel dans la rédaction de l'amendement COM-124.
Article
11
Possibilité de recourir à des identités d'emprunt
dans le cadre du contrôle de la formation professionnelle
Cet article propose de permettre aux agents de services régionaux de contrôle (SRC) de la formation professionnelle la possibilité de prendre une identité d'emprunt lors des phases d'investigation.
La commission a adopté cet article modifié par un amendement étendant la possibilité de recours à l'anonymat aux agents de la Caisse des dépôts et de consignation.
I - Le dispositif proposé : un renforcement des prérogatives des inspecteurs de la formation professionnelle
A. Les services régionaux de contrôle (SRC) assurent le contrôle des dépenses et de l'activité de formation professionnelle
1. Le contrôle des activités de formation professionnelle est assuré par les services déconcentrés de l'État
La mission de l'État de contrôle administratif et financier de la formation professionnelle69(*) est coordonnée par la mission d'organisation des contrôles (MOC) de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). Au sein du réseau déconcentré des Dreets (directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités), dix-huit services régionaux de contrôle (SRC) sont chargés d'exercer un contrôle administratif et financier des actions de formation professionnelle.
Ce contrôle porte donc sur « l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques »70(*) des actions de formation, quel qu'en soit le financeur (État, collectivités territoriales, Caisse des dépôts et consignations, France Travail ou Opérateur de compétences (Opco)). Il peut aussi bien s'agir d'actions de formation, que de bilans de compétences, de validation des acquis de l'expérience (VAE) et ou de formation par apprentissage71(*).
Pour mener à bien ces contrôles, les SRC s'appuient sur des agents qui peuvent être inspecteurs du travail, contrôleurs du travail ou agents de la fonction publique de l'État de catégorie A assermentés et commissionnés à cette fin72(*). Dans tous les cas, leurs investigations doivent respecter une procédure contradictoire73(*). Après un travail sur pièce ou sur place74(*), un rapport de contrôle peut être dressé pour caractériser les manquements et le cas échéant proposer des sanctions administratives ou financières : annulation de la déclaration d'activité ou versement de sommes exigibles au Trésor public75(*).
D'après l'étude d'impact76(*), les contrôles des SRC ont porté l'année dernière sur environ 150 000 organismes représentant 16 milliards d'euros de fonds publics.
2. Les limites du contrôle des activités de formation en ligne
Parmi les organismes de formation professionnelle, plus de 10 % proposeraient des formations ouvertes ou à distance (Foad), remettant en cause le mode de travail des SRC. En effet, la procédure de contrôle n'est pas adaptée aux sites internet, puisque les organismes concernés ne peuvent pas faire l'objet de visite inopinée ou de constats sur place, et que l'inscription sous le nom de l'agent permet de repérer les inspecteurs immédiatement.
Confrontés au même problème dans le cadre du contrôle de la vente en ligne77(*), les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraude (CCRF) se voient autoriser l'utilisation d'une identité d'emprunt afin de pouvoir effectuer un achat comme n'importe quel consommateur. De même, ces agents peuvent différer la révélation de leur qualité d'enquêteur lorsque la preuve de l'infraction en dépend78(*).
B. Le dispositif proposé
Le 1° du présent article vise à créer un article L. 6362-8-1 au sein du code du travail, afin de permettre aux agents chargés du contrôle de la formation professionnelle de recourir à une identité d'emprunt dans les cas limitatifs suivants :
- lorsque les organismes de formations proposent tout ou partie de leurs actions de formation à distance ;
- lorsque l'inscription aux actions de formation peut se faire en ligne.
Le 2° effectue une coordination à l'article L. 6362-13 du même code afin de préciser que le décret prévu en Conseil d'État précise les conditions procédurales à respecter dans l'utilisation d'une identité d'emprunt.
II - La position de la commission
Les rapporteurs partagent l'objectif d'adapter les outils des agents des SRC afin de répondre à l'évolution de l'offre de formation professionnelle, et notamment le développement d'action de formation en ligne.
Par ailleurs, la contribution reçue de la part des services de la DGFiP, qui bénéficie d'une disposition analogue du fait des droits de la consommation et du commerce, atteste de l'intérêt d'une identité d'emprunt dans l'instruction de certains contrôles.
Cependant, il semble que cette possibilité gagne à être étendue aux autres agents qui concourent au contrôle la formation professionnelle, et notamment aux agents de la Caisse des dépôts et consignation (amendement n° COM-125).
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article
12
Renforcement de la lutte contre la fraude, les fautes et abus aux risques
professionnels
Cet article propose de rénover le régime de sanction et de pénalités financières en cas de manquement ou d'agissement frauduleux en matière d'incitations financières de la branche AT-MP, et de renforcer les prérogatives en matière de lutte contre la fraude des ingénieurs-conseils et contrôleurs de sécurité.
La commission a adopté cet article modifié par un amendement maintenant le droit en vigueur concernant la sanction d'absence de dématérialisation de la notification d'AT-MP et par un amendement rédactionnel.
I°- Le dispositif proposé
A. La branche AT-MP fait l'objet de comportements frauduleux de différents types
Dans son rapport de 2024 sur la fraude sociale79(*), le Haut conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS) évalue à 70 millions d'euros le coût annuel de la fraude aux prestations sociales dans le domaine des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Ce montant est à rapporter au budget de la branche AT-MP pour la même année, qui était de 14 milliards d'euros.
Article R. 147-11 du code de la
sécurité sociale : la définition d'une fraude
dans le domaine de la protection sociale
Sont qualifiés de fraude, pour l'application de l'article L. 114-17-1, les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, d'une caisse chargée de la prévention et de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ou, s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide médicale de l'État, d'un organisme mentionné à l'article L. 861-4 ou de l'État, y compris dans l'un des cas prévus aux sections précédentes, lorsque aura été constatée l'une des circonstances suivantes :
1° l'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux appliquée au présent chapitre étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ;
1° bis le fait d'avoir, de manière délibérée, porté des mentions inexactes ou omis de faire figurer des revenus ou autres ressources dans un formulaire de déclaration de situation ou de ressources, de demande de droit ou de prestation ;
2° la falsification, notamment par surcharge, la duplication, le prêt ou l'emprunt d'un ou plusieurs documents originairement sincères ou enfin l'utilisation de documents volés de même nature ;
3° l'utilisation par un salarié d'un organisme local d'assurance maladie des facilités conférées par cet emploi ;
4° le fait d'avoir bénéficié, en connaissance de cause, des activités d'une bande organisée au sens de la sous-section 2, sans y avoir activement participé ;
5° le fait d'avoir exercé, sans autorisation médicale, une activité ayant donné lieu à rémunération, revenus professionnels ou gains, pendant une période d'arrêt de travail indemnisée au titre des assurances maladie, maternité ou accident du travail et maladie professionnelle.
Est également constitutive d'une fraude au sens de la présente section la facturation répétée d'actes ou prestations non réalisés, de produits ou matériels non délivrés.
La branche AT-MP connaît de nombreux risques de fraudes compte tenu de sa spécificité. Aux fraudes classiques aux prestations pratiquées par les assurés sociaux, et à celles effectuées par des professionnels de santé, viennent s'ajouter côté employeur les fraudes aux cotisations sociales - visant à diminuer le montant de cotisations payées - la sous-déclaration de la sinistralité afin d'éviter une surcotisation et les fraudes aux incitations financières.
Pour dissuader, détecter et recouvrir les fraudes en question, le réseau des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) dispose de plusieurs leviers prévus par le législateur :
- l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale prévoit une pénalité financière dans le cas de fausse déclaration d'accident du travail, ou de non-déclaration ;
- l'article L. 242-5 du code de la sécurité social prévoit également une obligation de dématérialisation de la notification de taux AT-MP, sanctionnée le cas échéant d'une pénalité difficile à mettre en oeuvre du fait de la coordination nécessaire entre Carsat et Urssaf ;
- enfin la Cnam et les Carsat ont recours aux signalements de l'article 40 du code de procédure pénale dans le cas de fraudes, de fautes et d'abus en matière de subventions qui revêtent un caractère particulièrement grave.
En revanche, l'arsenal législatif de la lutte contre la fraude au sein de la branche AT-MP n'est pas complet dans la mesure où la répression de certaines pratiques frauduleuses n'a pas de fondememnt légal. C'est notamment le cas de agissements frauduleux relatifs au compte professionnel de prévention, ou de fraude spécifique sur le fonds d'investissement pour la prévention de l'usure professionnelle (FIPU) nouvellement créé.
B. Le dispositif proposé
Le présent article vise à « étendre le champ des fraudes pouvant être constatées au sein de la branche AT-MP »80(*), en complétant les mécanismes juridiques à disposition des organismes mettant en oeuvre la législation de sécurité sociale concernant les risques professionnels (Carsat et Cpam).
1. Dispositions concernant les pénalités et incitations financières
Le 1° du I du présent article modifie l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale afin d'ajouter à la liste des agissements faisant l'objet de vérifications et contrôles par les organismes des régimes obligatoires de la sécurité sociale ceux concernant « l'octroi des subventions ou financements au titre de la législation sur les AT-MP ». Cela vise par exemple les subventions obtenues via le fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (FNPAT), via le Fip ou via des ristournes de cotisations.
Le 2° du I du présent article procède à plusieurs modifications de l'article L. 114-17-1 du même code afin de rénover la nature des agissements pouvant faire l'objet d'une pénalité financière prononcée par la caisse chargée de verser les prestations AT-MP :
- le a élargit le périmètre des personnes sanctionnables aux travailleurs indépendants ;
- le i du b étend la possibilité d'une sanction aux « inobservation des règles » du code du travail ayant conduit à un indu ;
- le ii du b établit les coordinations nécessaires aux refus d'information susceptibles de justifier une pénalité financière compte tenu des nouveaux motifs créés ;
- le iii du b introduit un motif de pénalité financière pour les manoeuvres frauduleuses relatives à l'obtention d'une aide financière via le Fipu81(*), d'une ristourne de cotisation82(*) ou d'une avance remboursable83(*) de la part d'une caisse, ou à la déclaration dématérialisée des risques subis par les salariés conditionnant leurs droits au titre d'un compte professionnel de prévention (C2P) ;
- le iv du b élargit la définition des manoeuvres frauduleuses concernant la déclaration des AT-MP à l'ensemble des manoeuvres visant à priver les victimes et leurs ayants droits de leurs droits ;
- le v du b introduit un nouveau motif de pénalité financière correspondant aux agissements frauduleux de l'employeur visant à obtenir des avantages ou à réduire ceux des salariés en matière de C2P ;
- le c ajoute les employeurs à la liste des personnes pouvant faire l'objet d'une instruction unique par un directeur d'organisme alors que les agissements concernent le ressort de plusieurs caisses.
2. Dispositions concernant l'obligation de dématérialisation de la communication du taux AT-MP
Le a du 3° du présent article modifie l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que le secret professionnel ne peut pas s'opposer à la communication de documents et informations nécessaires à la détermination de l'exactitude des pièces visant à l'attribution d'une aide financière via le Fipu, d'une ristourne de cotisation ou d'une avance remboursable, ou de droits au titre d'un compte professionnel de prévention (C2P). Tandis que le b du même 3° élargit ce droit de communication aux directeurs et directeurs comptables des Carsat et pour la Cramif en Île-de-France.
Le 4° du présent article modifie enfin l'article L. 242-5 du même code afin de remplacer la pénalité en cas d'absence de mise à disposition par l'employeur des informations permettant le calcul de son taux de cotisation AT-MP par une majoration dudit taux pouvant aller jusqu'à 5 %.
Le 5° modifie l'article L. 242-7 du même code afin de permettre aux Carsat de procéder à une majoration de cotisation dans le cas de non mise à disposition, tel que prévu par le 4° précédemment décrit. Parallèlement, il est précisé que le recours contentieux contre une décision de majoration de la cotisation AT-MP, dans ce cas précis, doit faire l'objet d'un recours administratif préalable.
3. Dispositions concernant les ingénieurs-conseils et les contrôleurs de sécurité
Le 6° du présent article modifie l'article L. 422-3 du code de la sécurité sociale afin de renforcer les moyens de contrôle des ingénieurs-conseils et des contrôleurs de sécurité des Carsat.
Le a du 6° précise que les employeurs, personnes privées ou publiques ainsi que les travailleurs indépendants sont tenus de présenter tous les documents nécessaires à ces agents, ainsi que de leur garantir l'accès aux locaux de l'entreprise.
Le b du 6° confie aux ingénieurs-conseils et aux contrôleurs de sécurité de nouvelles prérogatives tenant au contrôle de l'exactitude des déclarations et justificatifs fournis pour le calcul du taux de cotisation AT-MP ainsi que pour le bénéfice de subventions, ristournes, financements ou prestations servies par la branche. Il précise en outre que ces constats font foi, et qu'ils sont communicables aux organismes de protection sociale concernés par les prestations en cause.
Le II du présent article vise à modifier l'article L. 4163-16 du code du travail afin de préciser que les agents menant les contrôles de l'exposition aux facteurs de risques professionnels pris en compte par le C2P doivent se voir présenter tous document nécessaire à l'exercice de leur mission. Par ailleurs, ces derniers vérifient l'exactitude des documents fournis et peuvent communiquer leurs constats à un autre organisme de protection sociale concerné par les manquements afin qu'il le prenne en compte.
II - La position de la commission
Les rapporteurs soulignent l'importance des évolutions proposées par le présent article concernant la lutte contre la fraude aux incitations financières proposées par la branche AT-MP. Ce d'autant que les moyens dédiés à la prévention des risques professionnels augmentent, que la sinistralité de la branche stagne, et que de nombreuses branches s'emploient activement à répondre aux enjeux rencontrés dans leur activité - ce qu'a particulièrement confirmé l'audition de la branche du BTP.
Cependant, les rapporteurs proposent de maintenir le droit en vigueur concernant l'absence de dématérialisation de la notification de survenue d'un AT-MP (amendement n° COM-127). En effet, la sanction financière existant semble mieux à même d'individualiser la pénalité, et moins complexe à mettre en oeuvre qu'une surcotisation du taux AT-MP. La commission a également adopté un amendement rédactionnel (n° COM-126).
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
* 51 Article 115 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.
* 52 Article 98 de la loi n°2022-1616 du 23 décembre 2022.
* 53 Article 26 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025.
* 54 Décision n° 2019-789 QPC du 14 juin 2019.
* 55 Amorcée dans la décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015.
* 56 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.
* 57 Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 7 septembre 2023, n°20-17.433
* 58 En application combinée des articles L. 114-10 et L. 114-19 du code de la sécurité sociale.
* 59 Étude d'impact annexée au projet de loi, p. 95.
* 60 Article L. 411-11 du code des juridictions financières.
* 61 Article L. 141-5, L. 272-48 et L. 411-11 du code des juridictions financières.
* 62 Les infractions pour lesquelles les ministres ou les élus exerçant une fonction exécutive sont justiciables de la Cour des comptes sont plus restreints.
* 63 Article L. 131-1 du code des juridictions financières.
* 64 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 65 Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.
* 66 Article L. 142-1-1 du code des juridictions financières.
* 67 Idem.
* 68 Article L. 411-1 du code des juridictions financières.
* 69 Article L. 6361-1 du code du travail.
* 70 Article L. 6361-3 du code du travail.
* 71 Article L. 6361-2 du code du travail.
* 72 Article L. 6361-5 du code du travail.
* 73 Article L. 6362-10 du code du travail.
* 74 Article L. 6362-8 du code du travail.
* 75 Article L. 6362-12 du code du travail.
* 76 Page 102.
* 77 Article L. 512-16 du code de la consommation et L. 450-3-2 du code de commerce.
* 78 Article L. 512-7 du code de la consommation et L. 450-3-2 du code de commerce.
* 79 HCFiPS, 2024, Lutte contre la fraude sociale état des lieux et enjeux.
* 80 Exposé des motifs.
* 81 Article L.221-1-5 du code de la sécurité sociale.
* 82 Article L. 242-7 du code de la sécurité sociale.
* 83 Article L.422-5 du code de la sécurité sociale.