III. TABLE RONDE SUR LES PERSPECTIVES DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE ET LA SITUATION DES FINANCES PUBLIQUES (22 OCTOBRE 2025)

Réunie le mercredi 22 octobre 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu MM. Éric Heyer, directeur du département Analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Olivier Redoulès, directeur des études de l'Institut Rexecode et Mme Natacha Valla, présidente du Conseil national de productivité (CNP).

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin trois économistes - que notre commission a déjà eu le plaisir d'entendre par le passé - pour la traditionnelle audition sur les perspectives de l'économie française et la situation des finances publiques, alors que nous débutons l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Nous aurons donc le loisir de poser toutes nos questions à Mme Natacha Valla, présidente du Conseil national de productivité (CNP) et spécialiste notamment des questions monétaires ; à M. Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), spécialiste également des questions de productivité du travail ; et enfin à M. Olivier Redoulès, directeur des études de l'Institut Rexecode et fin prévisionniste. Un panel complémentaire pour nous aider à appréhender enjeux structurels et conjoncturels, et questionner les hypothèses sous-tendant ce budget, ce dont nous avons bien besoin en cette période d'incertitude.

Nous avons reçu la semaine dernière les ministres de l'économie et des comptes publics ainsi que le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Ce dernier nous a alertés sur des prévisions optimistes du Gouvernement, s'agissant en premier lieu de la croissance - estimée à 1 % alors que le consensus des économistes la voit plutôt à 0,9 %, en tout cas entre 0,5 % et 1,2 %. Cet optimisme est plus marqué encore s'agissant de l'hypothèse gouvernementale de reprise de l'investissement des entreprises située, en dépit de toute indication crédible en ce sens, à 2,6 %, quand le consensus des économistes de septembre anticipe au maximum une hausse de 2,3 %. Et la prévision moyenne de hausse de l'investissement des entreprises en 2026 s'est encore dégradée de 0,1 point selon le consensus des économistes d'octobre, par rapport aux données de septembre prises en compte par le HCFP, pour atteindre désormais 0,6 %.

Selon les perspectives de l'OFCE, la prévision centrale de croissance pourrait être encore plus basse que le consensus, à 0,7 % en 2026. Dans ce scénario, l'incertitude continuerait de peser sur la croissance à hauteur de 0,3 point en 2026 ; l'investissement des entreprises, non seulement n'augmenterait pas, mais diminuerait même fortement, et le taux d'épargne des ménages ne se réduirait que de façon modérée - alors que le phénomène de « sur-épargne » ne cesse d'interroger les économistes.

Surtout, la consolidation budgétaire aurait un effet potentiellement récessif, chiffré à 0,8 point de PIB dans l'hypothèse - pourtant très prudente - d'un déficit public à 5 % du PIB. Je demanderai à M. Redoulès s'il partage l'analyse de l'OFCE et s'il fait lui aussi de l'impulsion budgétaire un déterminant économique aussi fondamental pour 2026.

Enfin, si les prévisions du Gouvernement sont incertaines, il est une chose qui ne fait guère de doute, c'est le risque d'emballement de la dette publique, à politique inchangée, compte tenu de la hausse des taux d'intérêt réels. Une analyse récente du Conseil d'analyse économique (CAE) prône, pour stabiliser la dette, de ne pas repousser l'effort, car plus ce dernier est fait tôt, plus sa contribution à la maîtrise de la dette est important, tandis que l'effet récessif d'une consolidation serait de toute façon le même, qu'il soit réalisé aujourd'hui ou demain.

Partagez-vous cet avis ? N'y aurait-il pas un moyen de sortir par le haut, c'est-à-dire par la croissance, de la dérive de nos comptes publics ? Quelle trajectoire faudrait-il emprunter au regard des expériences étrangères sur la dette souveraine - dont voudra je crois nous parler Mme Valla - pour atteindre le solde stabilisant notre dette ou, prenons-nous à rêver, permettant de la diminuer ?

M. Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE. - Depuis la crise sanitaire, la France a enregistré une croissance cumulée de 5,1 % en cinq ans, soit légèrement en deçà de la moyenne européenne, qui s'est établie à 6 %. Il est à noter que si les pays méditerranéens sous-performaient habituellement, c'est désormais l'Allemagne qui est à la peine dans la mesure où elle a connu la croissance la plus faible, alors que l'Italie et l'Espagne ont enregistré une croissance relativement soutenue.

Malgré toute l'incertitude qui caractérise la période, nous sommes surpris de constater que la croissance résiste. Selon notre indicateur avancé de prévision immédiate (nowcasting), actualisé tous les mardis, la France devrait enregistrer une croissance de 0,2 % à 0,3 % au troisième trimestre : le pays n'est donc pas en récession.

Les réponses des chefs d'entreprise aux questionnaires permettent de constater que les freins ont changé de nature : de 2021 à 2023, il s'agissait de freins d'offre, avec de sérieux problèmes d'approvisionnement et de recrutement, tandis que la demande ne posait aucune difficulté ; à l'inverse, le frein principal tient aujourd'hui à la demande, comme c'était le cas avant 2019.

Ce constat est important si l'on considère les effets multiplicateurs en fonction du cycle économique, car adopter des restrictions lorsque le principal problème vient de la demande peut avoir des conséquences plus fortes sur l'activité. Cela est confirmé par l'étude publiée en octobre par la Banque de France, les industriels et chefs d'entreprise du bâtiment ayant indiqué que le niveau de leurs carnets de commande se situent très nettement en deçà de la moyenne, et même à un point bas rarement observé.

Par ailleurs, le moral des ménages demeure très dégradé et se situe en dessous des niveaux observés au moment de la contestation des « gilets jaunes » et du confinement du printemps 2020, ce qui ne laisse guère augurer une reprise de la consommation alors même que l'incertitude politique atteint des sommets.

Il en résulte un taux d'épargne des ménages très élevé et qui devrait le rester en 2026, même si une légère baisse est à entrevoir : les revenus financiers, la taxe inflationniste et les hausses de taux d'intérêt, qui avaient contribué à le maintenir à un niveau élevé, vont subir une petite pression à la baisse.

En termes de composition, l'épargne était essentiellement immobilière par le passé ; là encore, la situation évolue, l'épargne financière représentant désormais la majeure partie de l'épargne et plus de 10 points du revenu des ménages. Par conséquent, la France est désormais le pays dans lequel le taux d'épargne financière est le plus élevé, alors que cette caractéristique était propre à l'Allemagne précédemment.

S'agissant du marché du travail, un retournement est à l'oeuvre : avant la crise, la productivité des salariés augmentait de 0,9 point par an, avant de s'effondrer de 3 points entre 2020 et 2022 par rapport à 2019 et de 6,5 points par rapport à nos partenaires. Cette spécificité française récente peut être lue de deux manières, soit en évoquant une « perte de productivité », soit en parlant, comme le fait le Gouvernement, d'un « enrichissement de la croissance en emplois ». S'il s'agit du même phénomène, les économistes préfèrent la première formule dans la mesure où la perte de productivité doit être payée par quelqu'un : il s'agit soit des salariés, soit des entreprises, soit des finances publiques.

Néanmoins, un retour des gains de productivité s'observe depuis 2023, le rattrapage étant relativement rapide. L'écart par rapport à 2019 et par rapport à nos partenaires se résorbe donc en partie, mais il faut prêter attention au fait que l'accroissement de la productivité sans croissance économique risque d'aboutir à des destructions d'emplois.

Les marges des entreprises n'ont pas chuté au cours de cette période et se situent 1 point au-dessus du niveau de 2018 - souvent retenue par ailleurs, l'année 2019 n'est peut-être pas l'année de référence la plus pertinente dans ce cas, compte tenu du versement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui était alors intervenu concomitamment à une baisse des exonérations sociales des entreprises.

Si certains secteurs ont vu leurs marges reculer, les entreprises n'ont globalement pas eu à payer les pertes de productivité, qui ont été absorbées d'un côté par les salariés, avec une perte sur le salaire mensuel de base évaluée par l'Insee à hauteur de 2,2 points au cours des dernières années et, de l'autre côté, par les finances publiques, avec un déficit qui a connu une hausse, de 3,4 % à environ 6 % du PIB en 2024.

Sur la dernière décennie, nous ne constatons pas un dérapage des dépenses publiques, restées relativement stables puisqu'elles s'établissent à 57,1 % du PIB en 2024 contre 57,3 % du PIB en 2019 : l'apparition des déficits est davantage liée à la diminution des recettes, ramenées de 54 % du PIB à 51,3 % du PIB. C'est donc bien la baisse des prélèvements obligatoires qui explique en partie la dérive des finances publiques.

Certes, les niveaux de dépenses publiques et de recettes restent très élevés par rapport à nos partenaires, ce qui traduit bien un choix collectif français, mais on observe que la dépense publique a progressé en Espagne, au Royaume-Uni, un peu en Allemagne et en Italie, compensée - sauf dans le cas britannique - par une augmentation des prélèvements obligatoires. La France se distingue des autres pays non pas en ce qui concerne le dérapage des dépenses, mais plutôt par ce choix de baisse des recettes.

Les principaux bénéficiaires desdites baisses sont plutôt les ménages sur la période récente, mais il faut rappeler que les prélèvements obligatoires qui pesaient sur eux avaient fortement augmenté entre 2010 et 2017. Les prélèvements obligatoires sur les entreprises, qui se situaient sur un plateau plutôt orienté à la baisse depuis un certain nombre d'années, ont quant à eux légèrement diminué au cours de cette période.

Ces phénomènes se sont produits dans un contexte de hausse des taux d'intérêt, ce qui m'amène à évoquer l'écart des taux à dix ans sur la dette publique avec l'Allemagne, c'est-à-dire le spread. Globalement, les spreads convergent en Europe, ce que j'aurais tendance à considérer comme une bonne nouvelle. Il est cependant exact que le spread avec l'Allemagne est passé de 0,5 % à 0,8 % depuis la dissolution, l'incertitude politique ayant bien joué un rôle.

Selon nos prévisions, la dette et les charges d'intérêts liés vont augmenter dans la mesure où la diminution des déficits ne suffira pas à stabiliser la dette. Afin de bien situer le débat relatif aux charges d'intérêts de la dette, il convient de préciser que nous n'atteindrons pas des niveaux records : lesdites charges représentent actuellement 2,1 % du PIB, contre 3 % au début des années 2000 et 3,5 % en 1995.

Ces charges sont même inférieures à celles des autres grands pays qui y consacrent, à l'exception de l'Allemagne, entre 2,4 % du PIB et 4,7 % du PIB. S'il est toujours préférable de limiter ce poids, nous avons donc déjà connu une situation plus dégradée, tandis que les pays qui assument des charges plus élevées ne sont pas empêchés de mener leurs politiques.

En conclusion, nous estimons qu'il reste de l'activité en réserve et que nous aurions pu atteindre 1,4 % de croissance en 2025 et en 2026, mais des chocs sont survenus. L'un d'entre eux est positif : il s'agit du choc de politique monétaire, étant précisé qu'il existe un laps de temps de dix-huit mois entre la baisse des taux et sa traduction concrète sur l'activité. L'année 2026 sera donc soutenue par la politique monétaire, mais ce mouvement sera malheureusement contrebalancé par les effets de la politique budgétaire, qui risque de faire perdre 0,4 % de croissance en 2025 et 0,8 % de croissance en 2026.

En outre, l'incertitude globale amputerait la croissance de 0,6 % cette année et de 0,3 % l'année prochaine. S'y ajoutent les effets de la politique commerciale et tarifaire américaine, qui entraînerait une diminution de la croissance de 0,1 % en 2025 et de 0,2 % en 2026.

Au total, la croissance devrait atteindre 0,7 %, dans un contexte où l'inflation repartira légèrement à la hausse en 2026, essentiellement pour les services. Le taux d'épargne, certes en légère baisse, devrait rester à un niveau très élevé.

Concernant le marché du travail, nous prévoyons 170 000 destructions d'emplois salariés entre 2025 et 2026, qui seront légèrement compensées par l'emploi non salarié. In fine, le taux de chômage repartirait à la hausse et pourrait atteindre 8,2 % à la fin 2026. Je précise que nous n'avons pas pris en compte une éventuelle suspension de la réforme des retraites, qui pourrait avoir une incidence sur la population active.

Les charges d'intérêts continueraient quant à elles à progresser pour atteindre 2,5 % du PIB en 2026, tandis que le déficit baisserait très légèrement pour s'établir à 5,4 % en 2025 puis à 5 % en 2026. La dette, quant à elle, s'établirait à 117,6 % du PIB en 2026.

M. Olivier Redoulès, directeur des études de l'Institut Rexecode. - J'aborderai la situation économique avant d'évoquer celle des finances publiques.

Dans l'univers économique que nous connaissons, la croissance mondiale comme la croissance française résistent plutôt bien jusqu'à présent, malgré l'ensemble des chocs qu'elles ont subi. Ainsi, les indicateurs de mesure de l'activité du secteur manufacturier se situent aux alentours du seuil de 50, ce qui correspond plutôt à un rythme de croissance à moyen terme. Les indicateurs pour les services atteignent même des niveaux élevés après des points bas en 2023 et en 2024, des redressements étant intervenus récemment.

Par ailleurs, le ralentissement du commerce mondial, qui était fortement redouté, ne s'est pas encore concrétisé. S'agissant des États-Unis, la croissance est désormais uniquement tirée par le secteur technologique, le reste de l'économie ayant tendance à stagner : nous prévoyons donc un ralentissement de l'ensemble de l'économie américaine dans les mois à venir.

Pour sa part, la Chine inonde l'Europe de ses produits : il est bien question d'un « second choc chinois » après celui qu'avait constitué l'entrée de ce pays dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) au début des années 2000. Les surcapacités industrielles de Pékin sont à l'origine de ce nouveau choc d'ampleur, qui se produit en conjonction avec la fermeture partielle du marché américain.

À ce sujet, les problématiques se posent à la fois en termes de quantité et de prix. En effet, la Chine n'a pas vu ses prix à l'exportation augmenter alors que l'Europe a connu de fortes hausses, d'où des gains en termes de compétitivité-prix pour la première, désormais capable d'exporter des produits de qualité comparable à celle des produits de la seconde, mais à des prix 20 % ou 30 % moins élevés. Il s'agit bien d'une nouvelle donne qui est en train de s'installer sous nos yeux.

Parmi les éléments positifs qui pourraient survenir à court terme, je partage avec Éric Heyer l'idée que les taux d'intérêt pourraient sans doute s'assagir. Par ailleurs, nous observons qu'il existe un excédent d'offre sur le marché pétrolier, même s'il faudra étudier la manière dont la Chine interviendra et absorbera une part dudit excédent. Nous pourrions même anticiper une modération future des prix pétroliers.

La croissance devrait être modérée en 2026 au niveau mondial, après un premier ralentissement en 2025. Le PIB mondial, qui a progressé de 3,4 % en 2024, n'augmenterait que de 3 % en 2025 et à hauteur de 2,8 % en 2026.

Parallèlement au ralentissement déjà en cours aux États-Unis, nous observons une forme de résilience dans la zone euro. En Allemagne, des mesures de soutien budgétaire devraient favoriser l'activité - sous réserve que le gouvernement allemand puisse les mettre en oeuvre - et permettre un redressement de la croissance. Pour sa part, la France devrait connaître une croissance de 0,7 % en 2025 et de 0,9 % en 2026, bien loin d'une récession.

Nous avons pu être parfois surpris par la bonne tenue de la croissance économique, mais n'oublions pas qu'elle recouvre des réalités sectorielles disparates, avec un secteur de la construction qui connaît toujours un niveau d'activité inférieur de 5 points à celui de 2019, tandis que l'industrie manufacturière stagne au niveau de 2019 ; à l'inverse, les services se portent plutôt bien.

La demande des ménages, quant à elle, a fortement augmenté pour les services, mais s'avère complètement atone pour les biens, avec un niveau inférieur de 3 ou 4 % à celui de 2019. On vit par ailleurs une crise de la production de logements.

Du côté des entreprises, l'histoire est un peu plus positive, sous réserve de l'incertitude politique. Nous avions tous été surpris par leur forte dynamique d'investissement en France au sortir de la crise du covid-19, assez proche de la trajectoire américaine, alors qu'un décrochage était observé sur ce plan en Allemagne. En la matière, la France dépassait à l'époque les autres pays européens.

Cependant, cette tendance s'est arrêtée mi-2023 en raison de la hausse des taux d'intérêt et de l'impact de la crise énergétique. Les investissements des entreprises ont alors fortement diminué, jusqu'à mi-2024. Depuis lors, ils sont à peu près stables, malgré la dissolution, mais ils se maintiennent environ dix points en dessous de la tendance enregistrée à l'issue de la crise du covid-19.

Ce déficit d'investissement traduit à la fois les difficultés du secteur de la construction - pour les logements comme pour les locaux de production - et le recul des dépenses des entreprises en biens manufacturés. En revanche, les entreprises ont continué à investir de manière dynamique dans les services marchands, notamment dans le domaine du numérique.

Nous observons donc une forme de retard d'investissement des entreprises par rapport à la valeur ajoutée.

Par ailleurs, le taux d'utilisation des capacités de production, qui était tombé assez bas mi-2024, remonte depuis quelques trimestres. Et les conditions de financement des entreprises deviennent plus favorables.

Je formule ici une nuance par rapport aux propos d'Éric Heyer : les difficultés liées à l'insuffisance de la demande ont augmenté après la crise du covid-19, mais elles restent nettement inférieures à la moyenne enregistrée sur longue période. En revanche, les difficultés liées à l'offre sont proches de la moyenne de long terme et supérieures au niveau relevé lors de la période de récession du début des années 2010.

Dans les enquêtes réalisées auprès des secteurs qui fournissent des biens d'équipement aux autres entreprises, le solde des investissements se redresse par ailleurs nettement.

À partir de ces éléments, nous pouvons anticiper un redressement modéré de l'investissement des entreprises dans les prochains mois, moyennant les nuances liées aux incertitudes politiques. La moitié des réponses à la dernière enquête trimestrielle que nous avons menée avec Bpifrance nous est parvenue juste avant l'annonce du vote de confiance par le Premier ministre, et l'autre moitié après. Nous avons alors relevé un net changement d'intention des entreprises quant au maintien, au report ou à l'annulation de leurs investissements ou de leurs futures embauches.

Sous réserve de l'impact des incertitudes politiques, les données et les enquêtes tendent plutôt à montrer que l'investissement pourrait donc être un moteur de croissance modeste pour 2026. Nous évaluons les effets cumulés des incertitudes politiques à environ 0,2 point de baisse de PIB à fin 2026. Notre estimation de leur impact négatif sur l'activité est donc un peu plus faible que celle de l'OFCE.

Dans notre scénario, la croissance se redresse légèrement en 2026, mais reste inférieure à son potentiel ; l'investissement croîtrait de 1 %, ce qui compenserait à peine la baisse enregistrée en 2025 ; le taux d'épargne des ménages diminuerait un peu, ce qui soutiendrait la consommation, mais resterait très élevé ; le solde budgétaire serait proche de 5,3 % du PIB en 2025 et de 5 % en 2026. Nos prévisions de déficit public sont donc assez proches de celles de l'OFCE, malgré des hypothèses macroéconomiques légèrement différentes.

Ce déficit de 5 % auquel nous arrivons dans nos projections a été annoncé par le Premier ministre. Tous scénarios confondus, il apparaît comme un point d'atterrissage réaliste.

Qu'en est-il de la trajectoire des finances publiques après 2026 ? Elle s'annonce très dégradée, le déficit structurel étant attendu à environ cinq points de PIB. La modération de la dépense publique sur les ménages et l'économie semble difficile à mettre en oeuvre. Et les options qui circulent dans le débat politique nous éloignent de la trajectoire présentée par le Gouvernement aux autorités bruxelloises.

Par ailleurs, toutes les mesures présentées n'ont pas forcément le même impact sur la croissance économique. Certaines sont plus favorables à moyen terme, d'autres à court terme. Or le contexte politique pousse les acteurs à privilégier le court-termisme, susceptible de peser sur la croissance potentielle et sur la capacité de production d'économies futures.

En 2010, nous avons eu le réflexe de consolider les finances publiques en activant le levier de la fiscalité. Cette fois-ci, il faut se montrer plus précautionneux en la matière. Le quantum d'efforts à réaliser est en effet très important. De plus, nous n'avons pas complètement absorbé le choc des mesures fiscales nouvelles mises en oeuvre entre 2010 et 2013, qui représentaient environ 3,6 points de PIB.

Les recettes ont certes légèrement diminué en 2014, mais elles partaient d'un niveau tellement élevé qu'il était jugé intenable. C'était toute l'idée du Pacte de responsabilité et de solidarité et l'option défendue par le rapport Gallois. Les impôts et prélèvements des entreprises ont donc diminué, via le CICE, puis des mesures ont été prises pour les ménages à partir de 2017-2018 : suppression de la taxe d'habitation et suppression de la première tranche d'impôt sur le revenu. Mais les ménages enregistrent toujours un point de PIB de prélèvements supplémentaires par rapport à 2010. Les entreprises étaient à peu près au même niveau après la surtaxe de l'impôt sur les sociétés (IS).

Les entreprises françaises pâtissent donc d'une forme de surfiscalité par rapport à leurs concurrentes européennes, qui représente un écart de 4,4 points de valeur ajoutée, soit environ 65 milliards d'euros. Nous devons en tenir compte lorsque nous nous interrogeons sur la pertinence d'un effort de consolidation budgétaire.

Nous nous sommes demandé par ailleurs, en fonction des options de politique économique qui seraient retenues, quelles mesures seraient les plus compatibles avec la soutenabilité des finances publiques et la stabilisation de la dette publique à moyen terme. Nous avons donc examiné plusieurs scénarios.

Si nous faisons l'effort qui avait été affiché par le Gouvernement dans le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) de l'an dernier, soit 4,6 points de PIB d'ajustement structurel d'ici à 2031, nous pourrons assurer la soutenabilité des finances publiques. Il serait même possible de ralentir cet effort. En revanche, si nous faisons moitié moins, nous risquons d'entrer dans un équilibre instable. Il suffirait alors d'une petite hausse des taux d'intérêt pour que la trajectoire de la dette devienne explosive.

Par conséquent, soit nous faisons l'effort prévu, qui avait été sans doute concerté avec la Commission européenne, soit nous ne le faisons pas, et nous prenons un risque.

Il existe ensuite deux scénarios intermédiaires, le premier dans lequel nous ne faisons l'effort qu'à moitié, mais dans un contexte de plus forte croissance et le second dans lequel l'effort s'accompagne de mesures potentiellement préjudiciables à la croissance, comme la remise en cause de la réforme des retraites. Dans les deux cas, la soutenabilité des finances publiques et la stabilisation de la dette publique à moyen terme ne paraissent pas garanties.

Nous pourrions donc ralentir l'effort si nous veillions sur les conditions de croissance et de croissance potentielle.

Mme Natacha Valla, présidente du Conseil national de productivité (CNP). - Je vous remercie de nous consacrer ce temps d'échanges sur la conjoncture et les finances publiques françaises.

Les chiffres qui ont été présentés sur la conjoncture, les perspectives de croissance et les anticipations relatives aux finances publiques correspondent à ceux qui ont été présentés à Washington lors des réunions d'automne de la Banque mondiale et du FMI la semaine dernière.

La stabilité des prix est revenue, l'inflation est plutôt bien tenue. L'euro est fort, et depuis un moment. Cela fait partie des éléments du contexte international qu'il faut prendre en compte pour définir nos politiques et donc garder en tête pour l'examen du PLF 2026.

Nous n'avons jamais vu de stock de dette aussi important, que ce soit pour la dette publique ou pour la dette des entreprises. L'endettement mondial excède la valeur du PIB mondial, ce qui soulève nombre de questions. Les discussions internationales de l'automne ont mis ce sujet en avant. Il est intéressant de noter que, s'il a été peu question d'Europe à Washington, on y a beaucoup parlé de la France et de ses finances publiques. Si les spreads, c'est-à-dire les écarts de taux d'intérêt, entre la France et l'Allemagne ne semblent pas si inquiétants que cela lorsqu'on les regarde de loin, ils préoccupent beaucoup de monde, à commencer par les investisseurs internationaux, qui sont d'importants détenteurs de notre dette.

Par ailleurs, en Europe comme dans les autres zones monétaires des pays avancés, les banques centrales réduisent la taille de leurs bilans. Les encours de dette publique sur les bilans de banques centrales accumulés depuis 2008 ont été restreints. Nous sortons d'un environnement marqué par de nombreux soutiens monétaires au financement des dettes publiques. Ce retrait a commencé il y a quelques années. Les banques centrales ne sont plus là pour absorber des volumes d'émissions nettes de dette publique, comme elles ont pu l'être jusqu'à très récemment.

En outre, les monnaies fiduciaires des banques centrales sont fortement remises en cause, dans leur dimension démocratique. C'est un point d'attention absolument majeur. Cela se produit par le biais de la multiplication de transactions en bitcoins et de stablecoins, c'est-à-dire d'instruments qui échappent au contrôle de l'émission monétaire par l'État, via sa banque centrale. J'ose espérer que ce mouvement n'ira pas jusqu'à une véritable remise en cause, même si l'histoire nous livre des épisodes assez illustres dans ce domaine. Il reste que l'on utilise souvent l'argument de la structure du bilan des banques centrales et de l'interaction entre l'émetteur de dette publique et l'émetteur monétaire pour dénigrer le dollar, l'euro et la livre sterling.

Nous ne soulignons pas suffisamment ce point, pourtant essentiel pour le fonctionnement de notre démocratie et le financement de notre dette publique.

J'en tirerai deux conséquences concernant la confiance que nous pouvons avoir dans l'environnement du débat sur les finances publiques. Tout d'abord, je ne pense pas que nous puissions compter, comme nous avons pu le faire en 2008 ou lors de la crise de la dette souveraine au sein de la zone euro, sur un engagement aussi libre et important de la Banque centrale européenne. Cela tient également à la situation particulière de notre pays.

Il existe en effet des déséquilibres de paiement entre les membres de la zone euro, que l'on appelait autrefois déséquilibres Target2, du nom du système de paiements interbancaires transfrontaliers entre les pays membres de la zone euro. Or la France, qui s'était toujours plus ou moins maintenue à zéro en la matière, affiche une tendance négative depuis deux ou trois ans. Son déséquilibre s'élève à présent à 200 milliards d'euros. Il en allait autrement lorsque les mécanismes de soutien ont été mis en oeuvre pour sauver l'euro. Cet élément ne passe pas inaperçu au Conseil des gouverneurs, même s'il est très peu commenté dans le débat public.

Dans ce contexte, il est essentiel de maintenir le statut de la France, qui dispose de nombreuses forces, trop peu soulignées. Nous nous concentrons en effet sur les éléments liés à l'incertitude ambiante, par nature assez paralysants. Comme le rappelait Éric Heyer, la productivité française, notamment celle du travail, n'affiche pas une bonne performance. Ce phénomène, qui s'explique par les politiques conduites pendant et après la crise du covid-19, ne me paraît pourtant pas particulièrement préoccupant, compte tenu de la qualité de l'appareil productif français.

La France est un pays très attractif, notamment par le biais de ses politiques publiques, de ses institutions, et de ce que les Anglais appellent « rule of law », qui ont beaucoup de valeur. Les Américains découvrent ainsi que la solidité de la démocratie, dans un environnement capable, en théorie, de produire une croissance économique suffisante pour financer un modèle social, a une grande valeur, qu'il convient de préserver. Mais, pour y parvenir, il faut préserver le statut de la France en tant qu'émetteur souverain sur les marchés domestiques et les marchés internationaux.

En matière de finances publiques, avec 57 % de dépenses et 50 % de recettes, la France marque un certain décalage par rapport à ses voisins européens et aux membres de l'OCDE.

Il semble prioritaire d'étudier la composition des dépenses et leur volume avant d'envisager des augmentations d'impôts. Cela n'empêche pas, toutefois, d'étudier la composition de ces derniers, mais ce sujet n'en reste pas moins secondaire.

Concernant la composition de la dépense publique, la nécessité de financer l'effort de défense, qui n'était pas aussi imminente dans les discussions budgétaires précédentes, est à mettre en avant. En pourcentage de PIB consacré à la défense, la France n'était pas la moins bien placée des pays de l'Union européenne. Mais il faudra tout de même prendre ce paramètre en compte.

Par ailleurs, si l'on observe les catégories de dépenses publiques, l'on constate que l'investissement présente, à moyen terme, le multiplicateur de croissance le plus important. Faisons donc de l'investissement public et tâchons de modérer les dépenses publiques d'une autre nature. Il nous faut également soutenir la croissance potentielle à long terme par l'articulation entre cet investissement public et l'investissement privé, au niveau national comme au niveau européen. Outre son prochain rapport, qui paraîtra sans doute l'été prochain, le Conseil national de productivité a publié et mis à jour certaines estimations d'efficacité des dépenses, notamment sur l'appareil industriel, visant la complémentarité de l'utilisation de l'intelligence artificielle et de la data et de l'automatisation de nos usines.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire lors d'une précédente audition par une autre commission du Sénat, cela me semble prioritaire pour l'État comme pour la Caisse des dépôts et consignations et ses différentes filiales.

Il existe un risque politique sur les marchés pour la France, qui a une incidence sur la croissance attendue l'an prochain et l'année suivante, évaluée à 0,2 point de PIB, et de 20 à 30 points de base sur les taux d'intérêt. Cet état de fait est malheureusement difficilement modifiable.

Contrairement à ce que disait Éric Heyer, le niveau de spread me semble préoccupant. Ce signal persiste. Or les incidents sur les marchés de dette souveraine proviennent souvent de problèmes de liquidités, que même un pays solvable peut rencontrer. L'Europe bénéficie toutefois d'un système de stabilisation financière des États au-delà de la Banque centrale européenne, laquelle n'est pas l'outil le plus adapté actuellement. Le mécanisme européen de stabilité contient des lignes de crédits de précaution censément non stigmatisantes, bien que souvent considérées comme telles.

Une acculturation est ici nécessaire. Il faut faire tomber les tabous sur ces mécanismes qui rendent possible une résilience européenne au-delà de notre monnaie commune.

Le deuxième grand sujet pour le soutien de la croissance, c'est la mobilisation de l'épargne, abondante, qui n'est pas investie au bon endroit.

L'échéance importante est l'année 2027, car la majeure partie des dettes souveraines et des dettes des entreprises arriveront alors à maturité. Le besoin de financement mondial sera massif, et les investisseurs devront arbitrer entre différents objets et différents émetteurs.

Comme l'a montré l'OCDE dans un travail auquel le CNP a collaboré, la dette émise par le secteur privé n'a malheureusement pas toujours été utilisée à des fins d'investissement productif. Nous avons relevé de nombreux refinancements de financements précédents ainsi que des remboursements aux actionnaires. Les projections de croissance future réalisées sur la base de séries temporelles d'investissements privés passés devront donc être mitigées par l'emploi qui a été fait de ces financements.

La dette publique coûtera plus cher dans le futur qu'aujourd'hui. Elle coûte déjà plus cher aujourd'hui qu'il y a quelques années. La charge d'intérêts représente donc une part croissante des déficits publics mondiaux. La charge de la dette française est ainsi importante et aura vocation à augmenter. La Grèce, l'Italie et le Portugal affichent en revanche des surplus primaires, que nous pouvons mettre en perspective avec ce qu'a été la crise des dettes souveraines de la zone euro.

La France affiche le troisième déficit le plus élevé parmi les quinze principales économies de l'Union européenne. La question du déficit est donc cruciale. Et le spread se maintient à un niveau trop élevé, susceptible de faire l'objet de dynamiques de marché disruptives.

J'en viens enfin à l'emploi de l'épargne européenne. L'observation de la détention des titres du Trésor américain à long terme montre que deux tiers de cette dette sont détenus par les Américains et un tiers par des non-résidents, dont l'Union européenne. L'économie américaine s'est donc financée jusqu'à présent dans de bonnes conditions en absorbant une forte partie de notre épargne - 1,6 billion de dollars.

Or si l'on étudie la ventilation par pays du G7 de l'exposition de l'épargne européenne au financement de l'économie américaine - par la détention de titres américains, souverains, de grandes agences ou d'entreprises, ou d'actions - l'on s'aperçoit que la France est bien plus exposée que l'Allemagne. Ainsi, cette exposition équivaut à 30 % du PIB - majoritairement constitués de dette publique américaine et d'actions - contre 16 % pour l'Allemagne. Les valorisations actuelles des marchés boursiers américains augmentent un peu ces chiffres. J'aimerais néanmoins que cette épargne soit investie ailleurs, dans les structures productives de notre pays. Toutes les incitations que vous pourrez créer seront à cet égard les bienvenues.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Au regard des multiplicateurs économiques que vous étudiez, comment appréciez-vous la répartition des efforts demandés dans le PLF, entre les dépenses - 17 milliards d'euros - et les recettes - 14 milliards d'euros, chiffres du HCFP ?

La croissance de l'Union européenne marque un décrochage par rapport à celle des États-Unis, comme le rapport Draghi l'a souligné ainsi qu'une publication récente de l'OFCE. Quels leviers d'action faudrait-il actionner en priorité pour améliorer notre productivité ?

Quelles sont vos anticipations concernant l'évolution de l'épargne, dont on nous dit qu'elle devrait diminuer ? Certaines mesures fiscales pourraient-elles être choisies en priorité pour réduire ce niveau d'épargne et, le cas échéant, lesquelles ?

Enfin, la baisse du taux de chômage relevée en France depuis 2017 n'a pas été plus forte que dans le reste de la zone euro. Cette amélioration de la performance française résulte-t-elle de mesures comme la pérennisation des exonérations de cotisations, la prime à l'apprentissage, le bouclier tarifaire pour l'énergie ou les prêts garantis par l'État (PGE), auquel cas cela signifierait que ce progrès s'appuie beaucoup, voire trop, sur le déficit public ?

Mme Isabelle Briquet. - Merci à nos trois intervenants. Depuis plusieurs années, le débat public sur nos finances est devenu, par une lecture quasi exclusive du problème, centré sur la maîtrise de la dépense publique. Cette préoccupation est certes légitime, et personne ne conteste la nécessité d'un examen exigeant de l'efficacité et de la soutenabilité de la dépense publique. Mais cette approche reste incomplète si nous n'interrogeons pas, en parallèle, la structure de nos recettes, comme le montrent vos analyses.

Depuis 2017, les gouvernements successifs ont en effet poursuivi une politique de l'offre très marquée : suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de la taxe d'habitation, réduction des impôts de production, etc. Or plusieurs études, dont une étude récente de l'Institut des politiques publiques (IPP), peinent à démontrer un impact macroéconomique significatif de ces baisses d'impôt.

La politique de l'offre, dans sa version française, a-t-elle donc encore du sens au regard des résultats observés sur la croissance, l'investissement ou la productivité ?

M. Stéphane Sautarel. - J'aurais aimé évoquer le sujet majeur de la démographie, mais le temps nous manque malheureusement.

Plusieurs économistes considèrent que le modèle de croissance français repose beaucoup sur la demande, la dépense publique et la consommation des ménages, ce qui induit des fuites à l'importation assez importantes, qui pèsent sur nos entreprises, notamment via la fiscalité, et engendre un déficit commercial. Ce modèle de croissance constitue par ailleurs, si vous me passez l'expression, un véritable « boulet » pour nos finances publiques, car une érosion de notre activité productive conduit mécaniquement à diminuer les recettes publiques et à augmenter les dépenses de transfert. Le PLF qui nous est soumis répond-il à cet enjeu ?

M. Thierry Cozic. - Alors que nous cherchons des marges de manoeuvre budgétaires, je voudrais vous interroger sur la fiscalité patrimoniale. Pas moins de huit Français sur dix sont favorables à une baisse des impôts sur l'héritage, mais seulement un quart d'entre eux connaissent le taux de cette imposition. C'est d'autant plus étonnant que la plupart ne sont pas concernés par celle-ci. Quelque 50 % des Français ne touchent pas plus de 70 000 euros, et 87 % des Français héritent de moins de 100 000 euros sans taxe sur l'héritage. Le taux moyen d'imposition en ligne directe est de 3,1 %, soit un niveau bien éloigné du taux maximal, tant mis en avant, de 45 %.

Pourtant, les très riches ne sont pas assujettis à ce taux maximal. Proportionnellement, les milliardaires paient moins grâce aux dispositifs fiscaux : contrats d'assurance-vie ou pacte Dutreil. Cette taxation rapporte aux finances publiques 17 milliards d'euros par an, soit 0,7 % du PIB, alors que la transmission patrimoniale en représente 15 %. La fortune héritée représente 60 % du patrimoine total, contre 35 % dans les années 1970.

Une note de la Fondation Jean-Jaurès annonce que, d'ici à 2040, 9 000 milliards d'euros de patrimoine détenus par les Français les plus âgés seront transmis à leurs descendants, soit 677 milliards d'euros par an. Il s'agira du plus important transfert de richesse de l'histoire. La France du XXIe siècle est donc redevenue une société d'héritiers, comme au XIXe siècle.

Au regard de ces chiffres, le levier de la fiscalité patrimoniale ne pourrait-il pas être raisonnablement actionné pour dégager de nouvelles marges de manoeuvre ?

Mme Christine Lavarde. - Monsieur Heyer, comment calculez-vous le pourcentage de 0,8 % de baisse du PIB cumulée en raison des incertitudes dues au contexte national, qui diffère des chiffres avancés par Olivier Redoulès ?

Partagez-vous l'interrogation voire l'inquiétude, exprimée par le gouverneur de la Banque de France en janvier 2025, sur la divergence entre les taux à court terme et les taux à long terme et, si non, pourquoi ?

Le Premier ministre François Bayrou évoquait 44 milliards d'euros d'efforts tendanciels. Comme le relève l'avis du Haut Conseil des finances publiques, le nouveau Premier ministre parle de 30 milliards d'euros d'efforts structurels, soit environ 1 point de PIB. En conjuguant ce montant au déficit public annoncé de 4,7 %, pouvons-nous conclure qu'à politique inchangée nous aurions eu un déficit de 5,7 % ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Comment l'épargne des ménages se répartit-elle et à partir de quels déciles augmente-t-elle significativement ? Comment limiter l'impact de la politique budgétaire, évalué par l'OFCE à 0,8 point, en préservant les déciles dont la propension à consommer est la plus forte ? Quelles mesures fiscales seraient susceptibles de relancer la consommation et quelles autres sont à éviter dans le cadre du PLF ?

Enfin, comment mieux mobiliser l'épargne privée au niveau national comme au niveau européen, dans la perspective de l'union de l'épargne et des investissements ?

M. Jean-Baptiste Blanc. - Les constructions de logement ne sont plus en rapport avec nos besoins. Le problème est que la planification écologique - à l'image du « zéro artificialisation nette » (ZAN) - n'est ni concertée ni accompagnée et encore moins financée. Pouvons-nous évaluer les pertes de recettes liées aux mesures de la planification écologique qui relèvent de la décroissance ? Nous privons les collectivités locales de foncier, puisqu'elles doivent en consommer deux fois moins d'ici à 2031 pour atteindre le « zéro compensé » en 2050. Cette perte de foncier, qui est l'une des raisons de la crise du logement social, est-elle évaluée ? Bercy est incapable de livrer une estimation à cet égard. Auriez-vous des chiffres à nous fournir ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Les chiffres de l'épargne m'étonnent toujours. En moyenne, nous épargnons certes plus que d'autres, mais, si certains Français ont la capacité d'épargner, d'autres peinent à boucler les fins de mois. Faut-il une relance par la demande ? En avons-nous les moyens budgétaires ?

L'Allemagne prévoit de faire de nombreuses émissions l'année prochaine, dans des volumes considérables. Comment pouvons-nous évaluer l'impact de cette mesure sur la France, alors que sa note vient d'être à nouveau dégradée ?

La Banque centrale européenne peut intervenir si la situation se complique, mais cela doit se faire à certaines conditions. Des programmes budgétaires crédibles sont notamment requis. Cela vous semble-t-il possible ?

M. Claude Raynal, président. - La question est de savoir comment faire pour corriger, dans le budget, les distorsions observées sur le plan macroéconomique.

Mme Natacha Valla. - Un changement de structure de l'offre se produira probablement dans la dette publique, sous la forme d'un appétit pour une dette sans risque. Or la dette sans risque de référence dans l'environnement européen reste la dette allemande.

Il est possible que le fait que l'appétence pour la dette américaine soit réduite joue en faveur de la France. Toutefois, la situation reste défavorable pour notre pays, par rapport aux émetteurs de dette considérés comme sûrs.

Une forte conditionnalité s'observe, attachée aux deux grands programmes de la BCE que sont les opérations monétaires sur titres (OMT) et le programme de protection de la transmission monétaire. Ces instruments sont un peu hors d'atteinte pour un pays comme la France, mais il existe également des solutions ex ante. Il est intéressant de réfléchir à la façon dont nous pourrions les activer. À titre d'exemple, le FMI a mis en place des lignes de précaution pour les pays qui ont recours à ses programmes. Or ces lignes sont encore assez peu employées.

Dans un environnement monétaire international où l'euro a une chance de devenir une monnaie de premier plan, la stabilité est de mise en matière de dette publique souveraine.

Concernant les inquiétudes exprimées par le gouverneur de la Banque de France, nous avons des taux d'intérêt à long terme beaucoup plus élevés que les conditions de financement que nous avons pu connaître pendant plusieurs décennies. Cette nouvelle pentification se compose d'un élément assez sain, consistant à redonner un prix positif au temps : ce qui est loin dans le temps doit être rapporté à une valorisation présente, selon un facteur positif et non négatif. Mais elle comprend aussi plusieurs primes, dont des primes de risque, à commencer par la prime de risque politique, qui prend toute sa pertinence dans le contexte actuel.

La démographie est un facteur essentiel. La pyramide des âges en Europe et en Asie sera très défavorable aux ratios de couverture du marché du travail. Dans quelques décennies, les générations qui travaillent devront donc couvrir des dépenses de plus en plus importantes. Les scénarios de risques sur les dépenses publiques associées à la vieillesse et au grand âge recoupent d'ailleurs les problématiques budgétaires dans la santé.

Mais au-delà des dépenses sociales, nous devons également tenir compte des dépenses relatives à l'éducation. Lorsque nous parlons d'éducation, nous pensons souvent à l'école primaire. Or le sujet de l'éducation doit toucher tous les âges : enseignement supérieur, formation professionnelle, etc. La démographie nous placera devant cette évidence.

Concernant la répartition des efforts prévue dans le PLF pour 2026 entre les dépenses et les recettes, l'enjeu est surtout d'étudier, avec beaucoup de courage, la structure des dépenses, indépendamment de l'incontournable nécessité de réduire, au moins à la marge, le volume total de celles-ci.

Le rapport du Conseil national de productivité montre que la France est à la croisée des chemins. Nous devons choisir entre une croissance de moyenne gamme, mais qui sera spontanément riche en emplois, dans un environnement de concurrence internationale marqué par une nouvelle arrivée en force de la Chine ; et une montée en gamme, vers la compétitivité hors prix. Nous avons tous les atouts pour le faire, à commencer par les potentialités de développement de notre appareil industriel et de notre système éducatif, qui demeurent très performant. Cela me semble une priorité pour la France, et pour l'Europe dans son ensemble.

M. Olivier Redoulès. - Le plan Bayrou et le PLF pour 2026 s'appuient sur la même projection de croissance de la dépense publique, à 1,7 % en valeur. En revanche, l'estimation du tendanciel varie entre les deux.

Les 4 milliards d'euros de recettes attendues dans le plan Bayrou du fait de la mesure relative aux deux jours fériés ne figurent plus dans le projet. En revanche, la surtaxe sur les entreprises de 4 milliards d'euros a été maintenue.

Les mesures fiscales sont celles qui sont susceptibles d'avoir le plus fort impact sur la croissance potentielle. Le coût du travail risque d'augmenter, autour de 5,6 milliards d'euros. Sachant que le coût du travail était déjà élevé, augmenter encore les prélèvements sur le travail ne semble pas très adapté. Il faudra également tenir compte de la progressivité des prélèvements.

La fiscalité du patrimoine est assez neutre sur la croissance, à court comme à moyen terme. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure la transmission du patrimoine permet de maintenir le financement des entreprises, les entreprises devant parfois être vendues en pièces détachées pour payer l'impôt sur la succession. Il y a donc sans doute une réflexion à avoir sur le sujet, mais cette taxe compte probablement parmi les moins pénalisantes pour la croissance à très court terme.

Notre écart de production est proche de zéro. Il s'est légèrement creusé en 2025 et se creusera davantage en 2026, mais nous ne sommes pas face à un scénario semblable à celui de l'année 2012, où les mesures de consolidation budgétaire risqueraient de devenir self-defeating, c'est-à-dire autodestructrices. Nous disposons donc d'une certaine marge, sachant que les mesures budgétaires auront un impact conjoncturel négatif, qui s'estompera trimestre après trimestre.

Nous observons par ailleurs une perte de productivité tendancielle par rapport à l'avant-crise. Un ajustement des niveaux de vie s'avère, par conséquent, nécessaire, via une nouvelle trajectoire de revenu par tête. L'enjeu est d'éviter de trop attendre et d'avoir à prendre des mesures plus violentes, dans un contexte plus tendu, où des multiplicateurs importants risqueraient de s'appliquer. Cet élément éclaire les arbitrages à réaliser sur les effets économiques, à court et moyen terme, des mesures prises.

Le vrai risque serait d'éviter d'entrer dans un scénario de rupture, ou d'équilibres multiples, et de basculer du mauvais côté de la courbe de la dette. Le risque d'une hausse des taux d'intérêt serait alors réel, susceptible de placer la dette sur une trajectoire de hausse exponentielle. C'est ce que nous voulons éviter à tout prix. Malheureusement, les taux d'intérêt sont plus importants que la croissance potentielle en valeur. Il existe donc une forme de mécanique d'auto-entretien de la dette.

En outre, nous n'avons pas diminué les dépenses corrélativement aux politiques de l'offre, comme l'a souligné Éric Heyer. Il en a résulté trois conséquences. Premièrement, des ressources économiques ont continué à être mobilisées par la dépense publique. Une des idées de la politique de l'offre consisterait à libérer des ressources du secteur public vers le secteur privé. Deuxièmement, la crédibilité de la durabilité de cette politique de l'offre s'en trouve compromise. C'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui. La fiscalité des entreprises a certes été rapprochée des moyennes européennes, mais cela ne s'est pas fait dans un cadre de finances publiques équilibré. Troisièmement, nous n'avons peut-être pas assez pensé aux incitations. La question de la progressivité des prélèvements sur le travail est un sujet majeur. Une partie des mesures prises après 2017, par exemple la suppression de la première tranche d'impôt sur le revenu, ont renforcé cette progressivité. Or si elles ont eu des impacts positifs en matière d'emploi, il n'en a pas forcément été de même pour la qualité de l'emploi.

La question de la consommation se pose en réalité au niveau européen. Le taux d'épargne dépend en partie de revenus financiers. Nous devons disjoindre l'épargne de la consommation. Habituellement, les macroéconomistes avaient pour réflexe de faire converger les taux d'épargne au niveau d'avant-crise. Or nous nous sommes aperçus que cela ne fonctionnait pas. Il existe en réalité une dynamique disjointe, liée pour partie à la structure du revenu. Ainsi, les retraités sont responsables des deux tiers ou des trois quarts de la hausse du taux d'épargne depuis 2019. Ce constat soulève des interrogations tant sur la structure des revenus que sur l'allocation de la dépense publique.

Le sujet de l'épargne et de la consommation doit donc être traité au niveau européen. L'une des premières recommandations du rapport Draghi est d'ailleurs de bâtir un vrai marché européen. En effet, les 540 millions de consommateurs européens ne tirent pas la croissance européenne comme le font les consommateurs américains pour la croissance américaine. Le déficit de demande au niveau européen est un sujet majeur, que la France pourrait mettre davantage en avant.

Enfin, je ne suis pas en mesure d'évaluer l'impact du ZAN. Le principal facteur de la diminution des investissements dans la construction a été la hausse des taux d'intérêt. Mais à cela se sont ajoutées des contraintes réglementaires, comme le ZAN ou le diagnostic de performance énergétique (DPE) ainsi que le changement de la fiscalité locale. La question se pose d'ailleurs de savoir comment inciter des collectivités locales à construire ou laisser construire davantage, leurs recettes étant décorrélées, pour partie, des constructions d'entreprises ou de ménages, ce qui induit des difficultés structurelles.

M. Éric Heyer. - Je n'ai pas dit que l'écart entre les spreads français et allemand était une chose positive. En revanche, il est intéressant de voir que les spreads diminuent en Europe. L'Italie et l'Espagne, qui affichaient des spreads de plus de 7 %, reviennent ainsi à des niveaux à 0,7 % ou 0,8 %, ce qui est une tendance plus favorable pour la vision qu'ont les investisseurs de l'Europe que celle qui prévalait lorsque les spreads étaient très fragmentés. Nous empruntons comme les Italiens et les Espagnols, ce qui est plus rassurant. Les niveaux de spread élevés pour la France tiennent à mon sens davantage à l'incertitude politique qu'à des fondamentaux économiques.

Concernant le calcul d'incertitude, je vous renvoie à un article qui développe le modèle grâce auquel je suis parvenu à ce résultat. Ce modèle s'appuie sur un indicateur d'incertitude qui a été élaboré par des économistes - Baker, Bloom et Davis - dans une importante revue académique, et donc validé par les pairs. L'idée est de chercher des liens de long terme entre l'incertitude et le comportement des ménages, des entreprises, les taux d'intérêt, etc.

La question était aussi la suivante : si nous étions restés au niveau d'incertitude qui prévalait au moment de la dissolution, où en serait la croissance économique ? Sans cette incertitude, le taux de croissance supplémentaire en 2025 a été estimé à 0,4 % et celui de 2026 à 0,3 %.

Le taux de chômage a diminué beaucoup moins en France qu'en moyenne dans les autres pays de la zone euro, d'autant que certains pays, comme l'Allemagne, étaient au plein emploi. Les performances françaises ne sont donc pas du tout extraordinaires. Cependant cela tient aussi au fait que notre démographie est un peu plus dynamique, et qu'il nous faut davantage de créations d'emplois pour faire baisser le taux de chômage.

De quelle politique de l'offre parlons-nous ? Il existe d'autres politiques de l'offre qu'une politique de l'offre fiscale, comme Natacha Valla l'a souligné, qui seraient bien plus intéressantes. Plusieurs études, comme la dernière étude de l'IPP, montrent d'ailleurs que les résultats de cette politique ne sont pas visibles. Certes, le fait que l'on n'arrive pas à mettre en avant un phénomène d'un point de vue économétrique ne signifie pas qu'il n'existe pas. Les techniques économétriques sont peut-être insuffisantes. Il reste que les performances françaises demeurent dans la moyenne. En matière de création d'emplois, la France ne fait pas mieux que les autres pays. Et la politique de l'offre a diminué en réalité la productivité, alors qu'elle aurait dû avoir l'effet inverse, ainsi que la compétitivité, puisqu'on observe en outre une baisse des parts de marché de la France depuis 2017.

Cette politique de l'offre ne semble donc pas avoir fonctionné. Si des emplois ont été créés, c'est au moyen d'un financement public. De plus, le nombre d'apprentis est passé de 400 000 à 1 million. Or chaque apprenti est comptabilisé par l'Insee dans ses statistiques comme un emploi à temps plein. Les chiffres de l'emploi s'en trouvent gonflés, pourtant il n'est pas certain que ces emplois perdurent. Selon l'Insee, qui a un modèle plus précis que le nôtre, le nombre d'apprentis devrait diminuer de 65 000 apprentis dans les trimestres à venir. Il faudra attendre que la poussière retombe pour vérifier que cela crée bien de l'emploi.

Par ailleurs, il faut tenir compte de ce que Bercy a appelé la « zombification de l'économie ». Grâce aux aides, de nombreuses entreprises ont été sauvées. Selon nos estimations, entre 110 000 et 165 000 entreprises peu productives qui auraient dû faire faillite ont été sauvegardées, soit 150 000 emplois au total.

Une grande partie de cette chute de productivité a été financée par les déficits publics et les salariés. Or à présent que les finances publiques veulent se rétablir et les salariés retrouver du pouvoir d'achat, qui paiera cette chute de productivité, sachant que les entreprises veulent conserver leurs marges aujourd'hui pour assurer l'investissement de demain et l'emploi d'après-demain ? Si personne ne veut le faire, la productivité repartira à la hausse. Or la productivité sans croissance économique engendre des destructions d'emplois. Penser que nous pourrons créer des emplois l'année prochaine avec un taux de croissance à 0,9 % me semble donc très optimiste.

La France s'est engagée à réaliser des efforts budgétaires à hauteur de 120 milliards d'euros en cinq ans. Cela n'a jamais été fait. Et ces efforts sont liés aux aides fournies pendant la crise sanitaire et la crise énergétique. Les boucliers énergétiques ont certes diminué l'inflation, mais tous les usagers en ont bénéficié, sans distinction. Selon la Commission européenne, les aides représentaient alors 3,5 points de PIB, soit plus de 100 milliards d'euros. Et tout le monde était logé à la même enseigne : ménages aisés, urbains, comme ruraux.

Ce n'est pas la répartition entre les dépenses et les recettes qui importe, mais la répartition entre les contributeurs. Si la voie de l'impôt est la plus pertinente pour faire participer les ménages les plus aisés, pourquoi ne pas la choisir ? De même, savoir s'il est préférable de passer par la désindexation des pensions de retraite sur l'inflation sans impôt supplémentaire, ou d'opter pour une mesure fiscale n'est pas le sujet principal. L'enjeu est de fixer le niveau de contribution de chacun.

Le montant de 17 milliards d'euros annoncé ne tient pas compte par ailleurs de l'augmentation de la charge d'intérêts, du budget européen et de l'effort requis en matière de défense. Les efforts qui seront réellement demandés aux Français s'élèveront à 35 milliards d'euros. Il me semble peu probable que cela n'ait pas d'effet sur la croissance. Mais prenons garde aux risques d'augmentation des inégalités.

Selon le Conseil d'analyse économique (CAE), les taux d'épargne sont concentrés sur les 20 % de ménages les plus aisés. Il s'agit essentiellement d'épargne financière. Or quand le patrimoine financier augmente, avec des taux d'intérêt en croissance, les revenus du patrimoine sont également en hausse. Les 20 % plus aisés ont donc gagné en pouvoir d'achat grâce aux revenus du capital. L'Insee a montré par ailleurs que le pouvoir d'achat des 10 % les plus modestes a été maintenu grâce à l'indexation du Smic et des prestations sociales sur l'inflation. En revanche, 60 % des ménages ont perdu en pouvoir d'achat, car leurs salaires n'ont pas suivi les prix.

Comment faudrait-il répartir les 120 milliards d'euros d'efforts budgétaires requis ? Si l'on veut préserver les plus modestes, mais ne pas toucher aux plus aisés, car on ne souhaite pas augmenter les impôts, ces efforts se concentreront donc sur les 60 % de ménages qui ont déjà perdu en pouvoir d'achat. C'est possible, mais penser que cela n'aura aucune incidence sur la consommation, les carnets de commandes qui n'ont jamais été aussi faibles et seront encore plus réduits par la guerre commerciale, les projets d'emploi et d'investissement des entreprises, me semble un pari risqué. Certains risquent de s'habiller de nouveau en jaune.

M. Olivier Redoulès. - La perte de productivité s'explique également par une forte hausse de l'emploi. Près de 2 millions d'emplois ont été créés depuis 2015. La croissance a donc été enrichie en emplois, ce qui constitue un fait positif.

M. Éric Heyer. - En réalité, cela revient au même : nous pouvons dire soit que la croissance a été enrichie en emplois soit que l'on a perdu en productivité. Ce sont deux perceptions d'un même phénomène.

Mme Natacha Valla. - Il n'y a pas de mécanisme économique causal selon lequel la productivité diminue quand l'emploi augmente. L'équivalence présentée relève donc davantage d'une lecture de la situation. Il est aussi possible d'avoir à la fois plus d'emploi et plus de productivité. En ce cas, un pays s'avère prospère.

M. Claude Raynal, président. - Merci de vos apports.

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