C. DANS LES ANNÉES À VENIR, LA DETTE EXERCERA UNE PRESSION TOUJOURS PLUS FORTE SUR LA CAPACITÉ DE L'ÉTAT À FINANCER LES POLITIQUES PUBLIQUES
Malgré la réduction du déficit, le niveau de la dette et le poids annuel de la charge de la dette continueront à croître pendant plusieurs années, et seule une action résolue permettra de renverser la courbe.
1. L'accroissement des émissions de dette à moyen et long termes, malgré la diminution du déficit à financer, confirme que la dette se nourrit d'elle-même
En 2026, le Gouvernement prévoit d'emprunter un montant record de 310 milliards d'euros d'obligations à moyen et long termes.
Alors que les émissions annuelles de dette avaient augmenté de 12,4 milliards d'euros dans les neuf années qui ont suivi les pics de déficit atteints lors de la crise financière de 2009 et 2010, les cinq années qui ont suivi la crise sanitaire et le confinement de 2020 ont vu ces émissions bondir de 50 milliards d'euros. Non seulement l'endettement continue à augmenter, mais il accélère.
Évolution des émissions et des amortissements de dette
(en milliards d'euros)
Amortissement de la dette à moyen et long termes et émission de dette à moyen et long terme, nette des rachats.
Source : commission des finances, à partir du tableau de financement des lois et projets de loi de finances et de règlement
Ces émissions annuelles de dette sont égales à plus du double du déficit annuel de 124,4 milliards d'euros, car elles doivent faire face à l'arrivée à échéance de titres de dette qui ont été émis dans le passé et que l'absence d'excédent budgétaire oblige à renouveler.
Or, la croissance du montant de dette émis chaque année a pour conséquence nécessaire, quelques années plus tard, une augmentation du stock de dette à refinancer.
En conséquence, une stabilisation ou, comme en 2025 et 2026, une diminution, même nette, du déficit ne suffit pas à réduire le besoin d'endettement. Seule une diminution plus franche encore, et inscrite dans la durée, permettra de compenser l'augmentation du montant de dette à refinancer et de réduire le besoin de financement.
S'agissant des ressources de financement à court terme, le projet de loi de finances pour 2026 confirme la tendance à la modération entamée par la loi de finances 2025. Alors que l'ensemble de ces ressources145(*) augmentait chaque année de 14 à 50 milliards d'euros par an entre 2019 et 2024, elles ont été quasi stables en 2025 selon la prévision en loi de finances (+ 3,5 Mds€) et décroîtraient en 2026 (- 4,3 Mds€).
En particulier, l'encours de titre d'État à court terme serait en légère diminution. Cet encours a beaucoup augmenté ces dernières années, car il a servi de variable d'ajustement lorsque le déficit à financer, comme indiqué précédemment, s'est révélé plus élevé que prévu en début d'année. L'encours de dette à court terme constitue en effet, pour l'État, un outil plus souple que les émissions de dette à moyen et long terme qui font l'objet d'un calendrier d'émission établi par l'Agence France Trésor dès le début de l'année.
Variation nette de l'encours des titres d'État à court terme
(en milliards d'euros, en variation annuelle)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
L'évolution du stock d'endettement est d'autant plus préoccupante que la hausse des taux d'intérêt entraîne une hausse du coût de cet endettement, mesuré par la charge budgétaire de la dette. Le taux d'intérêt a en effet été de 2,91 % en moyenne pour les émissions de moyen et long terme réalisées en 2024, alors qu'il était de 0,11 % seulement en 2019146(*).
La durée de vie moyenne de la dette à moyen et long terme étant, au 30 septembre dernier, de 9 ans et 41 jours selon l'Agence France Trésor147(*), une grande partie de titres émis à la fin des années 2010 lorsque les taux étaient très bas, voire négatifs, devront être renouvelés dans les années à venir à un taux beaucoup plus élevé, nourrissant la croissance de la charge d'intérêts.
2. Dès 2026, la charge budgétaire de la dette dépassera les crédits de la défense nationale
En 2026, la charge budgétaire de la dette148(*) est déjà prévue à un niveau de 59,3 milliards d'euros, en augmentation de 4,4 milliards d'euros par rapport à 2025.
La charge de la dette occupera, dès 2026, une place plus grande dans le budget de l'État que n'importe laquelle des missions régaliennes de l'État. Le montant des intérêts payés aux créanciers sera supérieur aux crédits consacrés à la défense, hors contributions au CAS « Pensions » (57,1 Mds€), et quasiment égal à la somme des crédits consacrés à la recherche et l'enseignement supérieur (31,3 milliards d'euros), à la police et à la gendarmerie (mission « Sécurités », 17,7 milliards d'euros) et à la justice (10,6 Mds€).
Or, cette augmentation va non seulement se poursuivre, mais s'amplifier. La charge budgétaire de la dette a augmenté de 23,1 milliards d'euros dans les six années séparant 2020 et 2026, et elle devrait encore augmenter encore de 18,0 milliards d'euros dans les deux prochaines années, selon la prévision triennale des dépenses présentée dans les documents budgétaires149(*).
Évolution de la charge de la dette du budget général
(en milliards d'euros)
Crédits de paiement exécutés,
estimés ou prévus dans la présentation pluriannuelle pour
le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de
l'État » et, à compter de 2020, le programme
355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par
l'État ».
Source : commission des finances, à
partir des documents budgétaires.
* 145 Le besoin de financement de l'État est financé (II de l'article 48 du présent projet de loi de finances) par des ressources de long terme (émission de dette à moyen et long terme, nettes des rachats ; ressources affectées au désendettement) et par des ressources de court terme, exprimées en variation de solde entre le début et la fin de l'année (variation nette de l'encours des titres d'État à court terme ; variation des dépôts des correspondants ; variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État ; autres ressources de trésorerie).
* 146 Rapports annuel de performance de la mission « Engagements financiers de l'État » pour les exercices 2019 et 2024.
* 147 Agence France Trésor, Principaux chiffres. La durée de vie moyenne était, à la fin septembre 2025, de 9 ans et 24 jours pour la dette de moyen et long terme et de 8 ans et 173 jours pour l'ensemble de la dette négociable.
* 148 La charge budgétaire de la dette inclut les crédits de deux programmes de la mission « Engagements financiers de l'État » : le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », qui inclut, d'une part, la charge de la dette proprement dite résultant des intérêts d'obligations assimilables du Trésor (OAT, 53,4 Mds€) et de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF, 4,6 Mds€) et, d'autre part, la charge liée à la trésorerie (0,6 milliard d'euros) ; le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » (0,7 Md€).
* 149 Projet annuel de performances de la mission « Engagements financiers de l'État », annexé au projet de loi de finances pour 2026.


