N° 185

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SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1993-1994

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 décembre 1993.

RAPPORT SUPPLÉMENTAIRE

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution de MM. Marcel LUCOTTE, Maurice BLIN, Josselin de ROHAN et Ernest CARTIGNY, tendant à modifier l'article 49, alinéa 6, du Règlement du Sénat,

Par M. Étienne DAILLY,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; Charles de Cuttoli, François Giacobbi, Germain Authié, Bernard Laurent, vice-présidents ; Charles Lederman, René-Georges Laurin, Raymond Bouvier, secrétaires ; Guy Allouche, Alphonse Arzel, Jacques Bérard, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Didier Borotra, Philippe de Bourgoing, Guy Cabanel, Jean Chamant, Marcel Charmant, François Collet, Raymond Courrière, Étienne Dailly, Luc Dejoie, Michel Dreyfus-Sehmidt, Pierre Fauchon, Jean-Marie Girault, Paul Graziani, Hubert Haenel, Charles Jolibois, Pierre Lagourgue, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Charles Ornano, Georges Othily, Robert Pagès, Claude Pradille, Michel Rufin, Mme Françoise Seligmann, MM. Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich, André Vallet.

Voir les numéros :

Sénat: 41 et 59 (1993-1994).

Parlement

Mesdames, Messieurs,

Dans son rapport n° 59 (1993-1994), votre Rapporteur vous a présenté les conclusions adoptées par votre Commission des Lois, lors de sa réunion du 27 octobre 1993, sur la Proposition de Résolution de MM. Marcel LUCOTTE, Maurice BLIN, Josselin de ROHAN et Ernest CARTIGNY, tendant à modifier l'article 49 alinéa 6 du Règlement du Sénat (1993-1994, n° 41).

Sans qu'il soit nécessaire de réexaminer dans le détail le dispositif initial de cette Proposition de Résolution n° 41 et le texte auquel était parvenue votre commission des Lois, votre rapporteur rappelle que cette Proposition de Résolution avait pour objet de réduire de dix minutes à cinq minutes le temps de parole dont disposent les signataires d'amendements pour en exposer les motifs ainsi que les orateurs d'opinion contraire pour s'y opposer.

La réduction proposée par les auteurs de la Proposition n° 41 était applicable à tous les textes et à tous les amendements.

Au terme du débat dont le rapport n° 59 a retracé le détail, votre Commission s'était finalement prononcée en faveur d'une solution médiane consistant en une réduction à cinq minutes du temps de parole sur les amendements, cette réduction n'intervenant toutefois qu'au cas par cas, puisque « sur décision de la Conférence des Présidents » pour la délibération d'un texte déterminé.

I. AU VU DES OBSERVATIONS DE CARACTÈRE CONSTITUTIONNEL DE SON RAPPORTEUR, VOTRE COMMISSION DES LOIS A DÉCIDÉ DE RECTIFIER SES PRÉCÉDENTES CONCLUSIONS SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 41

Il se trouve qu'en raison de la discussion budgétaire, il n'a pas été possible d'inscrire jusqu'ici cette Proposition de Résolution à l'Ordre du jour du Sénat.

Or, depuis la réunion de votre Commission du 27 octobre 1993, votre rapporteur a été saisi d'un certain nombre d'observations émanant d'éminents constitutionnalistes sur le risque que cette Proposition puisse être considérée comme portant une atteinte, -limitée mais réelle-, à l'égalité des Membres du Sénat dans l'exercice de leur droit d'amendement.

Ces observations rejoignaient dans une large mesure les interrogations que votre rapporteur avait commencé d'éprouver dès l'issue de la, -sans doute trop brève-, réunion de la commission des Lois réservée à l'examen de cette importante question.

Aussi votre rapporteur s'est-il, depuis lors, attaché à y consacrer tout le temps nécessaire, de façon à vérifier si la procédure que la commission des Lois avait décidé de proposer au Sénat est finalement pleinement respectueuse du droit d'amendement reconnu à chaque Membre du Parlement par l'article 44, alinéa premier, de la Constitution.

Avec le plein accord du Président Jacques LARCHÉ, votre rapporteur a présenté une communication sur ce sujet à la commission des Lois, lors de sa réunion du 15 décembre 1993 et l'a invitée à réexaminer la compatibilité entre la formule qu'elle avait adoptée et l'égalité de chaque sénateur devant le droit d'amendement.

Pour sa part et sans prétendre apporter une réponse définitive à cette question, - que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas néanmoins de soulever s'il avait à statuer sur la Résolution en son état actuel -, votre rapporteur a fait observer que la présentation d'un amendement, quelle qu'en soit la durée, était une phase essentielle de sa discussion en Séance Publique et, partant, que si la réduction de moitié du temps de parole sur les amendements n'atteint pas le droit d'amendement lui-même, elle ne modifie pas moins singulièrement les conditions de son exercice.

Comment, dès lors, admettre que cette modification ne s'applique pas de façon absolue et ne relève que d'une décision prise au cas par cas et au gré de la Majorité du Sénat, puisqu'elle dispose de la majorité au sein de la Conférence des Présidents ?

À la réflexion, l'intervention de cette dernière pourrait être interprétée comme une mesure discriminatoire à la discrétion de la Majorité Sénatoriale contre la Minorité dans un domaine, -le droit d'amendement-, où tous les sénateurs, sur quelque banc qu'ils siègent, doivent conserver des droits identiques qui ne sauraient donc être soumis à aucun mécanisme susceptible, fût-ce de façon ponctuelle, d'en rompre l'identité.

À cet égard, la solution médiane à laquelle était parvenue votre commission des Lois le 27 octobre 1993 n'est pas conforme à ce principe. Dans ces conditions, votre rapporteur a indiqué à la Commission qu'elle n'avait plus finalement d'autre choix que d'approuver ou de rejeter la Proposition de Résolution n°41 telle qu'elle avait été présentée par ses auteurs.

Votre rapporteur a de surcroît souligné qu'en cas d'adoption dans ses termes initiaux, cette Proposition de Résolution ne présenterait pas d'inconvénient d'ordre constitutionnel, la réduction uniforme et générale du temps de parole sur tous les amendements s'analysant en effet comme une simple mesure technique applicable à la Majorité Sénatoriale comme à la Minorité et ne pouvant donc être considérée comme discriminatoire à l'égard de quiconque.

Une telle mesure n'altérerait en rien la qualité des débats du Sénat, puisqu'en application de l'article 36 alinéa 6 du Règlement et lorsqu'il l'estime nécessaire pour l'information du Sénat, le Président de Séance peut toujours « autoriser exceptionnellement un orateur à poursuivre son intervention au-delà du temps maximum prévu par le Règlement ».

Aussi est-ce en s'excusant auprès de ses Collègues de n'avoir pas eu la présence d'esprit de les placer dès le 27 octobre 1993 devant l'alternative du rejet ou de l'adoption de la Résolution que votre Rapporteur s'en est remis sur ce point à la sagesse de la Commission. Il a toutefois tenu à rappeler que l'adoption de la Résolution qui lui est proposée aurait pour effet de rendre, sur ce point, le Règlement du Sénat identique à celui de l'Assemblée nationale qui, de très longue date, n'accorde qu'un temps de parole de cinq minutes aux auteurs des amendements et aux orateurs d'opinion contraire.

Avant tout soucieuse de ne pas engager notre Haute Assemblée sur une voie dont la constitutionnalité risquerait d'être contestée, votre commission des Lois a finalement décidé de rectifier ses précédentes conclusions. Par 22 voix contre 2, elle a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification le texte proposé par l'article unique de la Proposition de Résolution n° 41 .

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