B. LA MISE EN CAUSE DE LA FRANCE DEVANT LES INSTANCES DE CONTRÔLE

En effet, depuis la reconnaissance en 1981 du droit de recours individuel, la France est, avec l'Italie, le pays le plus souvent mis en cause par des particuliers devant les instances strasbourgeoises : quelque 5 000 requêtes ont été déposées, dont un grand nombre n'a pas cependant passé le cap de la recevabilité. Pour la seule année 1994, 1 364 requêtes individuelles concernaient la France.

Cela étant, le gouvernement français assurait au 1er septembre 1995 le traitement de 367 affaires en instance, ayant donc été déclarées recevables par la Commission.

Le constat de violation des dispositions de la Convention émis dans le rapport de la Commission concerne en moyenne une affaire sur deux, de même pour les arrêts de la Cour. Au total, la Cour a rendu 50 arrêts concernant la France, entre 1988 et 1995, dont 30 concluaient à une violation de la Convention.

Le grief le plus souvent retenu a trait à la durée de la procédure judiciaire ; à cet égard, de nombreuses affaires concernent le cas de requérants hémophiles contaminés par le virus du sida, ceux-ci estimant que la procédure gracieuse et contentieuse aux fins d'indemnisation par l'Etat avait largement dépassé le « délai raisonnable » dont la Cour, depuis 1993, considère qu'il ne saurait excéder deux ans. Il est probable qu'au vu de la jurisprudence de la Cour, l'Etat français soit, dans les affaires en cours, conduit à verser des indemnités complémentaires au titre de la « satisfaction équitable ».

D'autres affaires portent sur la violation alléguée du principe du procès équitable, en particulier dans le cas des juridictions ordinales (Conseil de l'ordre des médecins, des pharmaciens, etc ...) du fait de l'absence d'audience publique dans ces instances.

Un décret du 5 février a instauré la publicité des débats pour les sessions disciplinaires des ordres des médecins, des pharmaciens et des sages-femmes. Pour les autres ordres, le maintien de la règle antérieure laisse augurer de nouvelles requêtes en ce domaine.

Plusieurs affaires ont également concerné les détentions provisoires, les écoutes téléphoniques ou les internements psychiatriques. Enfin des ressortissants étrangers se sont appuyés fréquemment sur l'article 8 de la Convention -droit au respect de la vie familiale et privée- pour contester des mesures d'éloignement qui les séparaient de leurs familles. Ces mêmes ressortissants, déboutés d'une demande d'asile politique ont argué de ce que leur retour forcé dans leur pays les exposerait à « la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » (art. 3). Toutefois, un arrêt de la Cour en date d'août 1993 (Vijayanathan c. France) a reconnu la compatibilité de notre procédure de reconduite à la frontière avec la Convention.

Les arrêts de la Cour européenne ont eu une influence sensible, soit sur notre législation interne, soit sur la jurisprudence de nos instances judiciaires suprêmes. On connaît la législation concernant les écoutes téléphoniques, adoptée après un arrêt Kruslin du 24 avril 1990. De même, la Cour de Cassation a adapté sa jurisprudence sur le changement d'état civil des transsexuels après un arrêt B.c. France du 28 juin 1991.

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Ainsi, en 40 années d'existence, la convention a-t-elle démontré son efficacité, grâce en particulier à la vigilance de ceux qui, au sein de la Commission et de la Cour, avaient pour mission d'assurer le respect scrupuleux des droits et libertés individuels. Mais la pratique a ainsi révélé, progressivement, des lourdeurs fonctionnelles que l'élargissement récent et à venir des membres du Conseil de l'Europe et des Parties à la convention ne contribuerait pas à atténuer. D'où l'urgence qu'il y avait à envisager une réforme ambitieuse des instances de contrôle.

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