B. MESURES FISCALES

1. Adaptation de l'imposition des revenus et de la fortune

ARTICLE 2 - Barème de l'impôt sur le revenu

Commentaire : Le présent article a pour objet d'actualiser le barème de l'impôt sur le revenu applicable en 1996 aux revenus de 1995, ainsi que diverses mesures d'accompagnement, en proportion de la hausse prévisible des prix hors tabac pour 1995, soit de 1,8 %.

I - LE RELÈVEMENT DES LIMITES DES TRANCHES DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

Le présent projet de loi de finances, comme la loi de finances pour 1995, conserve la structure du barème adopté à l'article 2 de la loi de finances pour 1994.

La loi de finances pour 1994 avait en effet engagé la réforme de l'impôt sur le revenu en simplifiant la structure du barème et les modalités de calcul de l'impôt :

- le nombre des tranches était passé de 13 à 7 ;

- les taux applicables à chaque tranche étaient arrondis de 0 à 50 % ; seul le dernier taux était maintenu à son niveau antérieur, soit 56,8 % ;

- le système relativement complexe des minorations était intégré dans le barème ;

- l'ordre d'imputation des réductions d'impôt était harmonisé, chacune d'entre elles venant s'appliquer après le calcul de la décote.

Dans ce cadre rénové, le paragraphe 1° du I du présent article propose de relever les limites supérieures de chacune des sept tranches du barème de 1,8 % . Ce chiffre est celui de la hausse des prix à la consommation hors tabac estimée pour 1995, tel qu'il figure dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.

Cette réévaluation a pour objet de ne pas accroître la pression fiscale du simple fait de l'effet nominal de la hausse des revenus.

Barème applicable à l'imposition des revenus de 1995

Tranches Taux

- jusqu'à 22.610 francs 0 %

- de 22.610 francs à 49.440 francs 12 %

- de 49.440 francs à 87.020 francs 25 %

- de 87.020 francs à 140.900 francs 35 %

- de 140.900 francs à 229.260 francs 45 %

- de 229.260 francs à 282.730 francs 50 %

- au-delà de 282.730 francs 56,8 %

On observera qu'une quinzaine de seuils et limites sont, chaque année, relevés dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème. Leur actualisation se fera donc à hauteur de 1,8%.

Limites et seuils indexés sur le barème de l'impôt sur le revenu

- limites d'exonération d'impôt sur le revenu (moins de 65 ans et plus de 65 ans) ;

- fraction exonérée du revenu des apprentis ;

- abattement en faveur des personnes âgées ou invalides (deux tranches) ;

- déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels des salariés (minimum et plafond)

- abattement de 10 % sur les pensions (minimum et plafond) ;

- abattement de 20 % sur les traitements et salaires, pensions, rentes viagères à titre gratuit, rémunérations des gérants et associés de sociétés et de 10 % sur les bénéfices des adhérents des centres et associations de gestion agréés (plafond et limite intermédiaire) ;

- limites des tranches de la retenue à la source sur les salaires et pensions versés aux personnes non domiciliées en France (trois tranches) ;

- limites des tranches du barème de la taxe sur les salaires (trois tranches) ;

- seuil général d'imposition des plus-values sur cessions de valeurs mobilières ;

- montant du revenu net par part à ne pas dépasser pour pouvoir bénéficier, dans certains cas, des réductions d'impôt pour les dépenses afférentes à l'habitation principale ;

- taxation forfaitaire d'après les signes extérieurs de richesse (deux seuils) ;

- seuil d'exigibilité des acomptes provisionnels d'impôt sur le revenu ;

- montant de la cotisation d'impôt sur le revenu à ne pas dépasser pour pouvoir acquérir des chèques-vacances ;

- montant de la cotisation d'impôt sur le revenu à ne pas dépasser pour pouvoir bénéficier du dégrèvement d'office partiel de taxe d'habitation au taux de 50 % ;

- plafond de versement retenu pour la réduction d'impôt accordée au titre des dons ; alimentaires et de l'aide au logement des personnes en difficulté.

II - L'ACTUALISATION DU PLAFONNEMENT DU QUOTIENT FAMILIAL

Le quotient familial est un système qui vise à corriger la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu en fonction des charges de famille du contribuable.

L'avantage procuré par le quotient familial augmente avec le niveau des revenus. Toutefois, par le jeu du barème, cet avantage se trouve plafonné à partir d'un certain seuil de revenus, le nombre de parts n'étant plus suffisant pour ramener le montant de la part imposable dans les tranches inférieures à la tranche maximale d'imposition.

Cependant, la loi de finances pour 1982 et la loi de finances pour 1987 ont institué des plafonds explicites pour limiter l'avantage résultant du quotient familial. Ces plafonds ont été maintenus dans la réforme de l'impôt effectuée par la loi de finances pour 1994, mais ils ont été modifiés de façon à tenir compte de la suppression des minorations et de leur intégration dans le barème.

Le paragraphe 2° du I du présent article propose de revaloriser de 1,8 % les seuils au-delà desquels le plafonnement de l'avantage fiscal procuré par le quotient familial s'applique.

Cette actualisation, identique à celle des tranches du barème, est traditionnelle depuis l'institution du plafonnement.

Ainsi, les plafonds de l'avantage en impôt procuré par le quotient familial seraient portés :

- de 15.620 à 15.900 francs par demi-part pour les contribuables mariés soumis à imposition commune, les contribuables veufs, les contribuables célibataires, divorcés ou séparés sans enfant à charge ;

- de 19.330 à 19.680 francs par demi-part pour les deux premières demi-parts s'ajoutant au quotient d'une part pour les contribuables célibataires, divorcés ou mariés soumis à imposition distincte, ayant un ou plusieurs enfants à charge.

Le coût global pour l'État du quotient familial est estimé à 71 milliards de francs en 1995. A l'inverse, le gain résultant du plafonnement est évalué à 2,92 milliards de francs. Enfin, le coût de l'indexation des plafonds pour les revenus de 1995 serait de 152 millions de francs.

III - L'ACTUALISATION DE LA DÉCOTE

Le principe de la décote consiste à diminuer l'impôt "brut", tel qu'il résulte de l'application du barème et du quotient familial, d'un montant égal à la différence, si elle est positive, entre une valeur absolue, qui est de 4.240 francs pour l'imposition des revenus de 1994, et le montant de l'impôt.

Ce mécanisme a été institué par la loi de finances pour 1982, pour les contribuables disposant d'une part ou une part et demie de quotient familial, puis élargi à l'ensemble des contribuables, quelles que soient leurs situations et leurs charges de famille, à compter de l'imposition des revenus de 1986.

Le paragraphe 3° du I du présent article propose de relever de 1,8 % le seuil de la décote, en le portant à 4.320 francs. Cette actualisation se fait, comme les années précédentes, dans la même proportion que le relèvement des tranches du barème.

Le coût pour l'État de la décote est évalué à 6,8 milliards de francs en 1995. Son indexation a un coût estimé à 240 millions de francs.

Actuellement, le système de la décote permet à un peu plus de 3 millions de contribuables d'être exonérés de l'impôt sur le revenu et à 2,8 millions de bénéficier d'un allégement de leur cotisation d'impôt.

On observera que le système de la décote ne prend pas en compte les situations familiales, puisqu'il s'applique indifféremment à tous les contribuables modestes : une seule décote s'applique, quel que soit le nombre de parts de quotient familial.

IV - L'ACTUALISATION DE L'ABATTEMENT POUR ENFANT A CHARGE AYANT FONDÉ UN FOYER DISTINCT

En principe, les enfants mariés de plus de 18 ans sont imposables sous forme d'un foyer séparé.

Toutefois, ces enfants peuvent demander à être rattachés au foyer fiscal de leurs parents lorsqu'ils sont :

- âgés de moins de 21 ans ;

- âgés de moins de 25 ans poursuivant des études ;

- effectuant leur service militaire quel que soit leur âge ;

- infirmes.

Le foyer doit alors inclure dans son revenu imposable les revenus éventuellement perçus par l'enfant et, le cas échéant, son conjoint, pendant l'année considérée. En contrepartie, il bénéficie d'un abattement, au titre de chacune des personnes prises en charge, sur son revenu imposable.

Le montant de l'abattement est fixé de manière à procurer un avantage fiscal au plus égal à l'avantage procuré par une demi-part de quotient familial donnant lieu à plafonnement.

Le paragraphe II du présent article relève de 1,8 % le montant de l'abattement en le portant à 27.990 francs.

Le coût de cette mesure pour l'État est évalué à 60 millions de francs. Elle concerne environ 6.000 foyers fiscaux imposables.

V - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission rappelle qu'elle s'était félicitée de la réforme de l'impôt sur le revenu engagée dans la loi de finances pour 1994, tout en estimant qu'il s'agissait d'une simple étape vers la refonte d'un instrument fiscal moderne et transparent de solidarité sociale et nationale.

Elle avait en effet émis le souhait qu'une véritable réforme de l'impôt sur le revenu permette la mise au point d'un nouveau système de prélèvement équitable et progressif qui puisse obtenir l'adhésion du plus grand nombre et répondre aux besoins actuels de l'État.

A cet égard, elle se félicite que le projet de loi d'orientation fiscale annoncé pour le début de l'année 1996 ait pour objet essentiel la réforme de l'impôt sur le revenu.

Elle constate néanmoins que cette réforme, aujourd'hui plus que jamais indispensable, est d'ores et déjà amorcée avec les dispositions relatives à la fiscalité de l'épargne inscrites dans le présent projet de loi de finances. Cet aspect parcellaire de la réforme lui paraît regrettable, tant une réflexion d'ensemble apparaît prioritaire.

Le rapport de la commission Ducamin fournit des éléments importants pour ce débat. Votre commission a également souhaité apporter sa contribution en formulant un certain nombre de lignes directrices pour une loi d'orientation des prélèvements obligatoires. Ces propositions figurent dans le tome I du présent rapport.

Conclusion du rapport Ducamin

(Rapport établi par la commission d'étude des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur les ménages, instituée par le précédent gouvernement et présidée par M. Ducamin)

Le rapport dresse un constat sévère du système actuel, caractérisé par de "fortes disparités selon les situations personnelles". Aussi, il préconise, pour l'impôt sur le revenu, une remise en cause drastique des avantages catégoriels en vue d'aboutir à une meilleure répartition de la charge fiscale et à une baisse des taux.

La commission Ducamin estime que l'architecture générale du système actuel de prélèvements fiscaux et sociaux peut être préservée :

- Il n'y a pas de raisons particulières de faire évoluer la part respective des prélèvements directs et des prélèvements indirects.

- A l'intérieur des prélèvements directs, l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la CSG et les cotisations sociales doivent conserver leur spécificité. Toutefois, un remplacement progressif de la part salariale des cotisations d'assurance maladie par une majoration de la CSG paraîtrait justifié sur le plan des principes.

Ayant écarté l'idée d'une fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu, la commission a fait porter l'essentiel de ses propositions sur ce dernier impôt.

- Notion de foyer fiscal et quotient familial

La commission estime souhaitable de maintenir le principe d'une taxation commune des personnes mariées. Elle préconise également le maintien du système actuel du quotient familial, sous réserve des corrections suivantes :

- suppression de la demi-part supplémentaire accordée aux personnes célibataires, veuves ou divorcés ayant élevé un enfant ;

- remplacement par un abattement de la demi-part de quotient familial en faveur des personnes seules chargées de famille et des foyers comportant une personne invalide (ou un ancien combattant de plus de 75 ans ou sa veuve).

- Détermination des revenus imposables

Taxation de l'ensemble des revenus

Le rapport recommande la suppression de la plupart des exonérations liées à la nature des revenus. La taxation à l'impôt sur le revenu se trouverait ainsi étendue :

- d'une part, à l'ensemble des revenus de transfert : allocations familiales, rentes d'accident du travail et indemnités journalières actuellement non taxées, majorations de retraite pour enfants élevés... ;

- d'autre part, à l'ensemble des revenus de l'épargne, y compris les produits actuellement exonérés tels que livret A, Codevi, etc...

Deux exceptions seulement seraient maintenues : en faveur des prestations sous condition de ressources et des produits d'épargne bloqués pour de longues durées.

Salaires et pensions

Les modalités de détermination des frais professionnels font l'objet des propositions suivantes :

- suppression des déductions forfaitaires supplémentaires accordées à certains salariés ;

- remplacement de la déduction forfaitaire actuelle de 10 % par un système dégressif (par exemple 15 % de 0 à 60.000 francs, 10 % de 60.000 à 120.000 francs, 5 % de 120.000 à 500.000 francs) ;

- aménagement du système de déduction des frais réels.

Par ailleurs, le rapport suggère la suppression de l'abattement de 10 % sur les retraites et la suppression de l'abattement, sous conditions de ressources, en faveur des personnes âgées de plus de 65 ans.

Revenus fonciers

Le taux de la déduction forfaitaire représentatif des charges d'amortissement et de gestion des biens immobiliers serait porté à 15 %.

Produits de l'épargne

La commission propose l'abaissement du seuil d'imposition des plus-values de cession au niveau de celui des OPCVM monétaires (50.000 francs en 1995) et le maintien de l'abattement de 8.000 francs (16.000 francs pour les couples mariés) à son niveau actuel, en y faisant entrer le produit des livrets, aujourd'hui défiscalisés, et les plus-values de cession.

Réductions d'impôts

Le rapport conseille la suppression de la plupart des déductions ou réductions fiscales, et notamment de celles ayant trait :

- aux intérêts des emprunts immobiliers ;

- aux sommes consacrées à de grosses réparations ;

- aux investissements immobiliers locatifs ;

- aux versements effectués sur un contrat d'assurance-vie ;

- aux frais de scolarisation des enfants à charge, etc..

Par exception, seraient toutefois maintenues la déduction des pensions versées à des tiers et les réductions correspondant à des dons aux oeuvres et organismes d'intérêt général, à l'emploi de salariés à domicile, à des frais de garde des enfants en dehors du domicile ou à des dépenses engagées dans certains établissements de soins.

- Fixation des taux et recouvrement

Taux d'imposition

La commission souhaite maintenir la progressivité de l'impôt mais, en contrepartie de la suppression de la plupart des avantages particuliers, elle préconise une baisse de l'ensemble des taux, y compris le taux marginal d'imposition.

Parallèlement, elle estime souhaitable d'abaisser sensiblement le seuil de perception de l'impôt, une augmentation éventuelle du nombre des personnes effectivement assujetties lui paraissant être une "conséquence satisfaisante" de ses propositions.

Paiement de l'impôt

Le rapport propose le maintien à des modalités actuelles de recouvrement sans passage à la retenue à la source.

Toutefois, le paiement par prélèvement mensuel automatique deviendrait le régime de droit commun, avec possibilité d'option pour le paiement par acomptes.

Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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