B. LES PROPOSITIONS DU RAPPORT

1. La philosophie : un accompagnement financier plutôt que des aides sans contrepartie.

Le rapport souligne que l'attribution des aides s'est, pour l'essentiel, organisée selon des procédures de caractère automatique et permanent, qui donnent au système des aides publiques une grande inertie.

Ces considérations ont donc conduit le groupe de travail à proposer de nouvelles aides :

- le soutien spécifique par la voie budgétaire à la mise en oeuvre de plans sociaux propres à la presse parisienne ou à la distribution nationale de la Presse ;

- un soutien à des projets de développement identifiés, au travers de procédures de caractère bancaire et financier.

Bien que la renaissance du Groupement pour l'Équipement et la Modernisation des Entreprises de Presse (GEMEP), créé en 1956 et mis en sommeil dix ans après, soit réclamée par la profession, les auteurs du rapport constatent qu'un tel dispositif n'a pu, en son temps, réunir les conditions de sa viabilité que d'une manière très temporaire. En effet, il n'a jamais réussi à mobiliser par lui-même des ressources susceptibles d'assurer son indépendance, ni à se transformer en véritable organisme professionnel de garantie.

- La constitution du régime de prêts bonifiés est également réclamée.

Or, depuis 1991, de telles procédures ne sont plus en vigueur et sont strictement limitées aux régimes spéciaux créés en faveur de l'agriculture ou de l'artisanat. L'administration financière exprime la plus extrême réserve devant l'hypothèse de tout autre dispositif à vocation sectorielle. Pourtant, cette revendication de la profession est la marque d'une inquiétude en raison du coût de l'endettement moyen et long et, d'une manière plus générale, de l'accès au crédit.

- Enfin, si les pouvoirs publics ont privilégié le recours à la technique de la garantie -par l'intermédiaire de la SOFARIS cette voie s'est avérée décevante puisqu'un seul dossier a aboutie en 1994.

2. Les recommandations pour la réforme du régime fiscal d'aide à la presse.

Sans remettre en cause le niveau global des concours publics ou l'éligibilité de l'ensemble des éditeurs, un réexamen de l'ensemble des aides devrait être entrepris pour améliorer leur efficacité et leur équité.

Cette approche conduit le rapport à formuler trois catégories de propositions :

a) Refonder l'aide publique sur sa finalité démocratique, c'est-à-dire la défense du pluralisme.

Ainsi, les fonds spécifiques aux quotidiens à faibles ressources publicitaires ou même le fonds d'aide exceptionnelle à la presse introduit une distinction entre publications qui mériterait peut-être d'être étendue.

En poursuivant ce raisonnement, il serait également envisageable d'exclure de l'ensemble des aides les publications spontanément bénéficiaires, ou disposant d'appuis financiers solides, et de les réserver à ceux qui en ont vraiment besoin, ou du moins de les moduler en leur faveur. Cette thèse implique de rebâtir radicalement le système actuel. Ainsi, le critère le plus pertinent reste celui qui tend à diriger une part accrue de l'aide « vers les publications d'information politique et générale ».

b) Réajuster les moyens de l'aide fiscale ou financière dans un souci de plus grande efficacité économique et, à ce titre, engager la négociation en vue d'un moratoire européen des taux de TVA de la presse écrite.

Une tentative d'alignement de la France sur un taux 0 de TVA pour la presse semble au groupe de travail aussi illusoire que périlleux. Cependant une alliance large avec d'autres pays européens pourrait permettre de prolonger au-delà du 31 décembre 1996 la situation acquise (2,1%).

Cette réforme pourrait être complétée par d'autres adaptations :

- ramener le taux applicable aux opérations de messageries ou de routage avant expédition postale à 2,1 % dans le cas où les entreprises choisissent de les filialiser ;

- ramener le taux d'imposition des produits de l'édition télématique à 5,5 % ;

- calculer les taux des commissions du réseau de distribution de la presse à partir d'une assiette nette de taxes.

- aménager l'article 39 bis et lui appliquer des modalités plus strictes et mieux adaptées économiquement.

Des critères plus stricts en ce qui concerne les bénéficiaires et les quotités provisionnelles devraient être adoptés :

- en faisant prévaloir le critère du contenu éditorial, en limitant pour les quotidiens et les hebdomadaires, comme c'est le cas pour les mensuels et les publications d'une autre périodicité, le bénéfice de ce régime aux publications d'information politique et générale ;

- en limitant l'effet d'accroissement des inégalités économiques en établissant pour les quantités provisionnables un barème dégressif en fonction du niveau de bénéfices réalisés par le titre éligible ; en excluant les immeubles des actifs éligibles pour l'emploi des provisions ;

- en soumettant la réintégration des provisions non-investies à des pénalités de retard.

Des critères plus souples pour l'emploi des provisions sont également proposés :

- recouvrir le droit à financer sur les provisions réglementées, les participations prises dans des filiales dont l'activité recouvre soit l'impression, soit le routage, le portage et les messageries ;

- admettre au titre de l'article du 39 bis du CGI, les dépenses de matériels, logiciels et autres investissements nécessaires à la constitution et à la transmission de banques de données numériques ;

- exclure des pénalités de retard la non réintégration des provisions dès lors que pendant la période de provisionnement, l'entreprise a connu une accélération des dépenses non-amortissables dans les domaines suivants : recherche éditoriale, charges liées à l'informatisation rédactionnelle ou à la numérisation des données.

c) Envisager la mise en oeuvre d'incitations fiscales temporaires Pour favoriser le redressement de la rentabilité.

En parallèle et de manière alternative au dispositif de l'article 39 bis, des incitations exceptionnelles à l'effort de modernisation pourraient être mises en oeuvre pour :

- accompagner l'effort d'investissement corporel de titres non-bénéficiaires, donc exclus du bénéfice de l'article 39 bis du CGI ;

- inciter à des initiatives de développement éditorial situées hors du champ des immobilisations et donc de l'article 39 bis du CGI.

Deux techniques fiscales pourraient répondre à ces deux objectifs :

- un régime d'amortissements exceptionnels ou accélérés pour les titres éligibles mais qui n'auraient pu constituer préalablement des provisions au titre du 39 bis, ou qui n'y feraient pas recours pour l'investissement concerné ;

- une forme adaptée de crédit d'impôt paraît de nature à soutenir des actions relevant de dépenses non-amortissables. Ceci concernerait essentiellement l'innovation éditoriale et la numérisation des fonds documentaires et d'archives. Il faudrait cependant en limiter l'usage aux cas de forte accélération de l'investissement par rapport à leur rythme ordinaire, dans le cadre d'un programme soumis à l'agrément préalable de l'administration fiscale.

d) Mieux utiliser les procédures financières de droit commun en faveur des PMI/PME

Les institutions financières devraient mieux faire admettre par les entreprises de presse l'intérêt pour elles d'une combinaison entre les taux de faveur consentis aux PME (type CODEVI) et les procédures de co-garantie du type SOFARIS.

Pour ce faire, il suffirait que soit affirmée formellement l'éligibilité de ces entreprises à la procédure CODEVI en supprimant le plafond de 500 millions de francs de chiffre d'affaires actuellement requis.

En ce qui concerne les procédures de co-garantie, les banques et la SOFARIS devraient mieux accueillir les entreprises de presse ; les éditeurs devraient être autorisés à déposer directement leur dossier de demande de garantie. Enfin, la commission pour gestion des garanties presse pourrait être perçue, temporairement, sur la trésorerie du fonds mis en place en janvier 1994.

e) Créer un mécanisme spécifique de soutien en fonds propres pour répondre à des situations de sous-capitalisation.

Des ressources publiques pourraient, certes, être mobilisées en faveur d'un mécanisme de soutien au développement.

Le rapport cite les possibilités du produit surabondant de la taxe spéciale sur la publicité télévisée, la création d'un prélèvement spécifique sur les provisions constituées au titre du 39 bis, la suppression éventuelle d'une aide directe, une taxation spécifique sur le hors-média (affichage, presse gratuite, messageries télématiques conviviales). En revanche, il exclut la transposition au domaine de la presse du « compte de soutien aux industries du cinéma » (COSIP), son utilisation ne répondant pas correctement à des nécessités de financement diversifiées.

La constitution de sociétés de financement des entreprises de presse (« SOFIPRESSE »), sur le modèle des « SOFICA », semblerait répondre aux besoins de la profession tout en garantissant l'indépendance des entreprises. Celles-ci seraient autorisées annuellement à collecter des ressources d'épargne durable auprès des particuliers et des entreprises, assorties d'importants avantages fiscaux. Des règles strictes devraient être édictées : dispersion suffisante du capital, détermination de priorités quantifiées en faveur de titres indépendants ou de la Presse d'Information Politique et Générale.

Le soutien fourni par les « SOFIPRESSE » ne se limiterait pas à des opérations spécifiques mais concernerait l'ensemble de l'économie de titres durables (transmission, restructuration financière, programme d'équipement ou de modernisation, initiative éditoriale...).

Leur mode d'intervention s'apparenterait donc à celui d'opérations de « capital investissement » ou de « capital-risque », assorties d'un apport en fonds propres qui ne confère qu'une position minoritaire et ponctuelle (5 à 10 ans) : la « sortie » de l'investisseur s'opérant par remboursement prioritaire de ses apports sur les résultats nets de l'entreprise.

Dans un secteur à faible rentabilité moyenne, il serait enfin utile qu'un tel système puisse disposer d'un fonds commun de garantie, permettant une répartition mutuelle des risques. Ce fonds devrait avoir un pouvoir propre d'évaluation des dossiers.

Au total, si ce système a inévitablement un coût, l'effet économique de la dépense pourrait être positif pour le secteur.

Enfin, l'évolution récente montre qu'il convient de soutenir un éventuel engagement des éditeurs dans la restructuration des industries du papier et de l'impression.

Outre la possibilité d'une utilisation de l'article 39 bis du CGI à des prises de participation minoritaire dans les secteurs en aval de la presse, pourrait être étudiée une avance financière remboursable, permettant aux éditeurs désireux de lutter contre la « cartellisation » de la production du papier et de l'impression, de mettre en place des actionnariats détenant des positions minoritaires dans ces filières.

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