B. LE DÉVELOPPEMENT DU SATELLITE

Ainsi que la mission confiée à M. Vanderschmidt par M. le ministre des Technologies de l'Information l'a démontré, la France ne peut plus se permettre de développer une filière satellitaire propre, compte tenu du coût considérable que représente la construction et le lancement d'un satellite -un milliard de francs pièce.

La réception - notamment la réception directe- de programmes audiovisuels par le satellite est en forte croissance. Sur la zone de couverture d' EUTELSAT (45 pays d'Europe et de Méditerranée), le taux de diffusion par câble atteignait 37,7 % au premier trimestre 1994, 41 % au premier trimestre 1995 (+ 8,6 %) et 42,6 % (+4 %)au dernier trimestre 1995, alors que le taux de couverture par satellite était de 5,13 % au premier trimestre 1995, 8,17 % au premier trimestre 1995 (+59 %) et 9,81 % au dernier trimestre 1995 (+20 %).

1. Les chaînes diffusées par satellite reçues en France

Parmi la vingtaine de satellites qui couvrent l'Europe, quatre offrent une variété de programmes (un « bouquet ») pour la France.

Les satellites qui diffusent des chaînes de télévision appartiennent :

- à la Société européenne des satellites (ASTRA), compagnie luxembourgeoise qui domine actuellement le marché, et utilise des satellites vendus par le premier constructeur privé mondial, la société américaine HUGUES SPACE AND COMMUNICATION INTERNATIONAL,

- à l'Organisation européenne de télécommunication par satellite (EUTELSAT),

- ou à des sociétés nationales (HISPASAT, KOPERNIKUS, INTELSAT, TDF1-2, TÉLÉCOM 2A et 2B).

Pour simplifier, on peut dire qu'A STRA est le leader, EUTELSAT le challenger et FRANCE TÉLÉCOM l'outsider de la réception directe par satellite.

a). EUTELSAT

L'organisation européenne de télécommunication par satellite, -ou EUTELSAT, organisme public- regroupe depuis 1977 les télédiffuseurs publics et privés, au nombre de 44. Elle s'est contentée jusqu'en 1993 d'exploiter des satellites capables de fournir des services de télécommunications fixes et mobiles en Europe, dont les propriétaires étaient des exploitants de télécommunications, en général des personnes publiques. Depuis 1993, EUTELSAT s'attaque au marché de la diffusion satellitaire privée.

Avec un chiffre d'affaires qui s'est élevé, en 1994, à 1,6 milliard de francs, et un bénéfice de 326 millions de francs, EUTELSAT s'est affirmée comme l'un des grands réseaux de communication satellitaires, dépassant l'Europe occidentale et le bassin méditerranéen pour s'étendre désormais jusqu'à l'Asie centrale.

La France, par l'intermédiaire de FRANCE TÉLÉCOM, dispose de 14 % des parts d'investissements - ce qui correspond à l'utilisation des capacités d'utilisation des satellites d'EUTELSAT l'année précédente, derrière British Telecom (20 %), mais devant Deutsche Telekom.

Le lancement, par la fusée ARIANE, le 29 mars 1995, d'EUTELSAT 2-F6, appelé également HOT BIRD 1, a marqué le début d'une ère nouvelle.

Ce satellite rejoint le satellite EUTELSAT 2-F1, qui diffuse seize chaînes de télévision et douze stations de radios à plus de 47 millions de foyers, sur la même orbite satellitaire, à 13° Est. En effet, le public ne souhaite pas s'équiper d'antennes motorisées, tournantes, pour recevoir des programmes émis à partir de satellites positionnés sur des orbites différentes. Des études récentes ont montré, en effet, que sur les 68 millions de foyers que compte le marché de la télévision par satellite en Europe, près de 50 millions reçoit les programmes diffusés à 13 degré Est. Le bouquet de programmes offert par EUTELSAT est désormais accessible avec une parabole fixe au format standard. Par ailleurs, les caractéristiques techniques du satellite HOT BIRD 1 permettent à chaque programmateur de diffuser, sans surcoût, deux programmes, l'un en analogique, l'autre en numérique, afin d'assurer la transition vers le tout numérique.

Trois programmes francophones sont diffusés par ce satellite : MCM, chaîne musicale, TV5 et Canal Horizons, qui propose un programme crypté à destination de l'Afrique. L'accès à HOT BIRD 1 permet à ces trois chaînes de couvrir le Maghreb et les pays arabes, soit 2 millions de foyers équipés d'antennes paraboliques. Canal Horizons pourrait ainsi doubler le nombre de ses abonnés sur les marchés maghrébins, qui sont en pleine expansion. FRANCE TÉLÉCOM gère ces trois programmes.

Il faut se féliciter de ce que les satellites EUTELSAT soient construits par deux société françaises et assemblés principalement à Toulouse et à Cannes : AÉROSPATIALE pour HOT BIRD 1, avec le recours à de nombreux sous-traitants européens, et MATRA MARCONI SPACE pour HOT BIRD 2 et 3.

Le satellite HOT BIRD 1 a ouvert une guerre commerciale pour la maîtrise du marché des chaînes numériques à l'horizon de l'an 2000. Il couvre 50 millions de foyers environ, avec une zone de diffusion élargie.

L'opérateur offre une majorité de chaînes paneuropéennes en clair, afin de concurrencer ASTRA, centré sur les marchés britannique, allemand et espagnol et proposant une majorité de chaînes cryptées. Par ailleurs, et comme ASTRA, il ne dispersera plus de satellites solitaires sur des orbites multiples et variées mais placera désormais ses engins sur une position orbitale unique.

Pour le moment cependant, seuls 5 % des foyers français reçoivent des programmes diffusés par EUTELSAT 2-F1.

EUTELSAT a, par ailleurs, décidé, en 1994, de commander de nouveaux satellites, HOT BIRD 2 -lancé en août 1996-, HOT BIRD 3 -lancé en février ou mars 1997-, pour un montant de deux milliards de francs et, lors son assemblée générale, les 3-7 juillet 1995, HOT BIRD 4, qui sera lancé en septembre octobre 1997. Ce dernier satellite représente, avec quatre autres d'une nouvelle génération (« W 24 »), un contrat de 5,2 milliards de francs.

b). ASTRA

En diffusant ses programmes dans plus de 38 millions de foyers européens, le système ASTRA, exploité par la Société Européenne de Satellites (SES) est le premier réseau non hertzien du monde.

La société a, en effet, choisi de placer tous ses satellites sur la même position orbitale -19,2 degré Est, ce qui permet au consommateur de capter un nombre incomparablement plus élevé de chaînes avec une seule antenne parabolique.

Cet « effet de masse » fait la force d'ASTRA : cette abondance de satellites sur la même position garantit aux émetteurs un remplacement immédiat en cas de panne et pour les consommateurs, la réception de l'ensemble des programmes émis depuis les différents satellites avec une parabole fixe, dotée d'une seule tête. Cette stratégie a depuis été imitée par EUTELSAT.

Les 66 chaînes diffusées par ASTRA touchent 60 millions d'Européens, dont 23 millions en Allemagne.

En France, 20 % environ des paraboles sont orientées vers ASTRA.

Les quatre satellites ASTRA sont exploités par la Société européenne de satellite (SES), créée en 1985. Son chiffre d'affaires était de 1,47 milliard de francs en 1994. Son investissement brut était estimé à 6,67 milliards au 1er janvier 1995 et d'ici 1997, la SES prévoit d'investir 5 milliards de francs supplémentaires dans trois nouveaux satellites de transmission numérique.

En un an, le nombre des foyers français reliés à ASTRA a progressé de 15 %, s'élevant, en 1994, à 220 000 foyers, contre 180 000 fin 1993, bien qu'au sein du « bouquet » de programmes diffusé, seule TNT-Cartoon soit proposée en français.

Pour « sécuriser » l'ensemble du système de satellites, la SES a commandé un satellite ASTRA 1H afin soit de remplacer ASTRA 1A lorsque celui-ci sera en fin de vie, soit l'un des trois prochains satellites ASTRA 1E, ASTRA 1F et ASTRA 1G en cas d'échec au lancement.

Enfin, la SES prépare des satellites de seconde génération et envisage d'occuper une seconde position orbitale.

c). Télécom 2A et 2B

La diffusion de programmes audiovisuels n'a constitué que l'une des deux missions des satellites de FRANCE TÉLÉCOM, qui remplissent également une mission militaire. Si l'intérêt du transport des émissions de télévision et du trafic des télécommunications -essentiellement téléphoniques- dans les DOM TOM n'ont pas été contestés, l'utilisation de ces satellites pour la diffusion audiovisuelle en métropole a été pour le moins controversée en raison de son coût et de ses résultats technico-commerciaux.

L'étude et la fabrication de trois satellites (TÉLÉCOM 2A, 2B 2C), les deux lancements des satellites TÉLÉCOM 2A et 2B auront coûté 6 milliards de francs en 1992, la fabrication d'un satellite supplémentaire TÉLÉCOM 2D est évalué à un milliard de francs et deux lancements de TÉLÉCOM 1C et 2D, 1,5 milliard de francs en 1993.

Les recettes commerciales pour les satellites TÉLÉCOM 2A, 2B et 1C sont, pour 1995, de 470 millions de francs seulement en année pleine.

Les programmes diffusés par ces deux satellites dominent aujourd'hui nettement le marché français : 10% des foyers français reçoivent les programmes de TÉLÉCOM 2A, mais ils sont 65 % à recevoir ceux de TÉLÉCOM 2B.

Les deux satellites offrent aux téléspectateurs français la réception des chaînes nationales, des programmes 16/9 et, depuis 1993, un bouquet de programmes composé de chaînes à l'origine sur le câble, Canal satellite.

Les chaînes X, produit d'appel des satellites ?

Les opérateurs doivent verser des sommes élevées pour acquitter les droits de retransmission sur satellites. Pour rentabiliser cet investissement, certains opérateurs n'hésitent pas à proposer des chaînes pornographiques.

C'est ainsi qu'EUROTICA a été lancée le 1er mars 1995, via le satellite EUTELSAT 2F1. Cette chaîne est proposée par Danish Satellite TV, société filiale de Home Vidéo Channel Limited, déjà opérateur d'une autre chaîne de cette catégorie, Adult Channel. Une troisième chaîne, TV Erotica, serait en préparation.

La première chaîne érotique diffusée en français à partir du sol national, RENDEZ-VOUS, émet, de 1 heure à 5 heures du matin, depuis la Suède par le satellite EUTELSAT à compter du 1er septembre 1995 en version cryptée sur le système Eurocrypt, équipé d'un accès sécurisé. Elle sera diffusée en D2 MAC et en version 4/3 ou 16/9. La chaîne est reçue dans les pays d'Europe et au Maghreb. Non conventionnée Par le CSA, elle profite du vide juridique

Il est vrai que, selon l'un des représentants d'un des groupes européen de communication les plus puissants, « il n'y a pas mieux qu'une chaîne pornographique pour assurer le développement d'un bouquet de programmes » diffusés par satellite, citant en exemple Canal+, qui réalise ses meilleurs scores d'audience avec ses diffusions nocturnes de « films X »...

Le satellite TÉLÉCOM 2B est en principe réservé au transport vers les émetteurs terrestres et accessoirement vers le Maghreb des chaînes nationales, tandis que TÉLÉCOM 2A véhicule des chaînes thématiques et francophones regroupées en bouquet par Canal+ pour être vendues par abonnement pour réception directe, par sa filiale Canal satellite.

2. Les batailles du numérique

Outre l'amélioration de la qualité de transmission et de réception, le numérique, techniquement complexe, va conduire à une réalité beaucoup plus simple : la multiplication du nombre de chaînes disponibles par un facteur huit. Cela signifie qu'il est aujourd'hui possible de diffuser huit programmes de télévision numérique sur un support correspondant à un programme analogique.

Il s'agit donc de la fin de la pénurie des fréquences.

Si la numérisation de la diffusion concerne tous les supports, hertzien, câble ou satellite, l'utilisation de cette innovation technologique en matière de réception directe, ouvre des perspectives nouvelles.

Les grands groupes européens de l'audiovisuel privés se livrent actuellement à une course de vitesse pour diffuser le plus tôt possible un « bouquet » de programmes numériques. Le premier qui y parviendra disposera, en effet, d'un net avantage commercial.

Les investissements nécessaires se chiffrent cependant en milliards de francs.

a). La course au système d'accès conditionnel

Le numérique suppose de coder un signal et de le décoder. Le codage est un exercice sophistiqué qui dépend en grande partie de la qualité des algorithmes de compression développés par les constructeurs.

Sur un même satellite peuvent coexister plusieurs bouquets de programmes. En principe, les téléspectateurs équipés d'une antenne parabolique pointée vers un satellite ne peuvent recevoir l'ensemble des programmes diffusés par ce satellite, à moins d'acheter les décodeurs correspondants. Les opérateurs audiovisuels qui souhaitent proposer des bouquets satellitaires numériques doivent, préalablement à tout autre choix, se prononcer pour un système d'accès, dès lors qu'il s'agit d'un système à péage.

On doit distinguer deux axes techniques et commerciaux différents qui cohabitent pour commercialiser les programmes télévisés en numérique :

- le système ouvert, ou « multicrypt » conçu par FRANCE TÉLÉCOM, est défendu par les diffuseurs qui souhaitent préserver leur accès au marché de la télévision numérique en demandant que les boîtiers de réception soient ouverts à plusieurs systèmes d'accès conditionnels (ils sont à interface commune) ;

- le système fermé, ou « simulcrypt », est promu par les opérateurs de télévision à péage actuels qui souhaitent utiliser des systèmes d'accès conditionnels uniques. Ainsi, le système Mediaguard, sera-t-il partagé entre Canal satellite et la CLT pour l'accès à leurs bouquets francophones sur Astra.

Pour le décodeur numérique lui-même, la bataille oppose actuellement deux groupes privés, l'alliance Canal+ / Bertelsmann, d'une part, avec « MÉDIA BOX » et le groupe Kirch, avec « D-BOX », qui emprunte une technologie sud-africaine. La décision se fera sur le marché allemand (25 ( * )) ; c'est ce dernier qui dessinera la configuration de la télévision numérique de demain... Les décodeurs du groupe britannique Murdoch et de FRANCE TÉLÉCOM ne semblent pas, en effet, être « dans la course ».

L'existence de deux systèmes favorisera le premier qui entrera sur le marché. Dès lors qu'un décodeur correspondant à un seul bouquet permet de recevoir une cinquantaine de chaînes, le téléspectateur est moins tenté d'en acquérir un second... Les téléspectateurs n'empileront pas des tours de décodeurs dans leur salon !

L'attente d'une offre de programmes attractifs et les tarifs relativement élevés des nouveaux décodeurs -environ 3800 francs- freinent cependant le développement de la réception numérique individuelle. Ce prix élevé explique la recherche, par les opérateurs, d'une offre de programmes la plus étoffée possible. Pour être attractif, en effet, un bouquet numérique doit comporter environ vingt programmes afin de rentabiliser l'achat du décodeur.

b) Les projets de bouquets numériques des chaînes privées

Les États-Unis ont, les premiers, donné le signal de la révolution numérique avec le lancement du programme DSS de Direct TV, qui compte 1,5 million d'abonnés après dix-huit mois de diffusion. Tous les continents sont concernés. Au Canada, Express-Vu vient de démarrer la diffusion de son bouquet numérique sur Anik. En Afrique, NETHOLD devrait inaugurer le numérique avec un bouquet de programmes diffusé sur Panamsat 4. En Asie, le groupe Murdoch devrait lancer un bouquet numérique sur Asiasat 2. En Amérique du Sud, le satellite Panamsat 3 diffusera également un tel bouquet.

Les clés du succès de Direct TV

Direct TV désigne un système de télévision numérique complet. Il comprend un ensemble de satellites de forte puissance offrant une capacité de cent cinquante canaux numériques agencés en deux bouquets de programmes concurrents, un guide des programmes et un équipement grand public comprenant une parabole de 60 cm, un décodeur et une TÉLÉCOMmande. Direct TV est une filiale de GM Hugues Electronics, qui a investi 75 % du milliard de dollars d'investissements nécessaire. Si les programmes ont démarré durant l'été 1994 -la couverture de l'ensemble du territoire américain ayant été atteinte en octobre, cela faisait près de quatre ans que cette entreprise tentait de monter un projet de produit satellite grand public.

Les contributions de l'US Satellite Broadcasting (lié à Hubbard Broadcasting Inc.), à hauteur de 100 millions de dollars, ce qui lui ouvre le droit de diffuser son propre bouquet de vingt-deux chaînes sur le système, et du National Rural TÉLÉCOMmunications Coopérative, pour 125 millions, ont permis au projet de se concrétiser. Au bout d'un an, Direct TV revendique un million d'équipements mis en place chez les détaillants et 700 000 abonnés au bouquet Direct TV. S'il est encore tôt pour parler d'un réel succès commercial en termes de pénétration (le potentiel d'Américains non raccordés à un service par câble restant important), ce cap du million permet d'être très optimiste sur le démarrage du marché du numérique, de réelles économies d'échelle pouvant d'ores et déjà être constatées : un an après son lancement, un magnétoscope numérique s'était vendu à seulement 300 000 exemplaires...L'objectif de Direct TV est d'atteindre les 10 millions d'abonnés à la fin du siècle.


Le dispositif technique. Hugues a construit trois satellites de forte puissance (seize répéteurs de 120 watts chacun) copositionnés sur la même orbite (la même stratégie suivie par Astra et, désormais, par Eutelsat). DBS-1 a été lancé en décembre 1993, DBS-2 en août 1994 et DBS-3 en juin dernier. USSB occupe cinq répéteurs sur DBS-1, le reste des capacités étant utilisées (en MPEG 2) par Hugues. Le centre de diffusion est situé dans le Colorado.


L'équipement de réception. Tout nouvel abonné doit s'équiper d'un kit composé d'une antenne de 60 cm, d'un décodeur numérique et d'une télécommande permettant l'achat de programmes à l'impulsion (voie de retour téléphonique). Thomson a bénéficié d'une licence exclusive sous la marque RCA pour les dix-huit premiers mois de commercialisation, puis Sony jusqu'à début 1996. Toshiba, Uniden American Corporation et Hugues Network Systems vont suivre. D'autres licences devraient être accordées d'ici à la fin 1995. Une fois équipé, le foyer peut s'abonner soit à USSB, soit à Direct TV, en se rendant chez l'un des 11 000 revendeurs d'électronique grand public agréés, ou en appelant un numéro vert.


Le prix de l'équipement varie selon le modèle choisi. Le kit RCA de base antenne/terminal/télécommande coûte 699 $. On peut également choisir un modèle Deluxe (899 $), doté de plusieurs entrées télé et d'une télécommande universelle. Pour alimenter seulement un second téléviseur, la « set top box simple » est proposé pour 649 $. Le prix du kit de base proposé par Sony est de 749 $, mais le modèle doté de plusieurs entrées est moins cher que celui de RCA (849 $). Un modèle dit « avancé » (entrées multiples, télécommande universelle avec joystick, enregistrement simultané de plusieurs programmes) est proposé au prix public de 949 $.

Les programmes : quatre « paquets » sont proposés : Direct TV Limited (5,95 $ par mois), comprenant Blommberg Information Télévision et l'accès à tous les canaux de pay per view, aux sports et aux chaînes de divertissement à la carte ; Plus Direct TV (14,95 $), un service de base de douze chaînes (dont Disney Channel, Turner Classic et Encore), plus le bouquet radio Music Choice et des chaînes régionales de sport ; Select Choice (19,95 $), qui réunit dix-huit chaînes plus une version réduite de Music Choice ; enfin, Total Choice qui réunit, pour 29,95 $ par mois, trente-deux chaînes, Music Choice, des chaînes de sport régionales et les sept canaux de Encore. On peut également acheter certaines chaînes à la carte ; par exemple, Multi Choice (2,95 $), Playboy TV (4,99 $), Disney Channel (9,95 $). Pour le pay per view, soixante canaux proposent des événements, du sport ou des films avec un démarrage toutes les demi-heures (prix du film : 2,99 $). Ces films sont proposés directement sous la marque du studio. Enfin, Direct TV propose des « tickets sportifs », en collaboration avec les fédérations sportives, qui sont donc indépendants des chaînes qui pourraient prendre les droits de tel ou tel match. Ainsi, le NBA League Pass (149 $ la saison, 99 $ la demi-saison) ouvre l'accès à 400 matches. Le même système a été retenu pour le hockey (200 matches dans la saison pour 69 $) et le football (139 $ pour 200 matches). Certains Packages sportifs comprennent en plus des chaînes régionales de sport. Cet ensemble


•Le cadre législatif : la Fédéral Communication Commission considère Direct TV comme un service national de distribution de programmes. C'est pourquoi les chaînes locales ne font pas partie de l'offre Direct TV. Le système est seulement autorisé à transporter les networks ABC, NBC, CBS, Fox et PBS à ceux de ses abonnés qui ne peuvent recevoir ces programmes ni par voie hertzienne, ni par le câble.


•Les hypothèses financières : le sentier de croissance des abonnements est largement conditionné par la baisse du prix des équipements. Avec l'arrivée progressive de concurrents et l'élargissement du bassin d'amortissement, la baisse moyenne pourrait être de 100 dollars par an. L'objectif est d'avoir 3 millions d'abonnés d'ici à la fin 1996, dont chacun dépenserait en moyenne 30 $ par mois, entre chaînes traditionnelles et pay per view. Dans cette hypothèse, l'objectif des 10 millions d'abonnés pourrait être atteint avant l'an 2000 et se solderait par un bénéfice brut d'un milliard de dollars.

En résumé, les grands choix stratégiques ont été les suivants :

_Le partage des ressources avec un concurrent : USSB,

_La petite antenne et une gamme de terminaux tenant compte du phénomène de multi-équipement en récepteurs TV,

_Le système de licence exclusive pour faire démarrer le marché des équipements,

_L'exhaustivité du choix de programmes, avec une tonalité cinéma et sport, _La souplesse de l'offre : quatre niveaux de packages plus la possibilité d'acheter des chaînes une par une,

_L'importance du pay per view : 60 canaux avec démarrage d'un même film toutes les 30 minutes,

_Des formules transversales originales : tickets « sport », abonnements pour les bateaux, les entreprises.

Source : Ecran Total n°92, 30 août 1995

En Europe, la France constitue un marché très convoité par les opérateurs. Paradoxalement, c'est grâce aux retards du câble et à 1* faible implantation de la réception satellite analogique que notre pays attire les opérateurs souhaitant y développer la réception de programmes numériques par satellite.

Compte tenu des enjeux considérables qui s'attachent au lancement de ces programmes, il n'est pas aisé d'établir clairement, à l'automne 1995, les positions réelles des opérateurs audiovisuels. Le secret et les informations plus ou moins crédibles (26 ( * )) constituent des éléments déterminants dans cette bataille commerciale.

On peut néanmoins brosser à grands traits les projets de chaînes numériques qui, demain, pourraient être diffusées sur la France.


•Crée en 1992, Canal satellite propose un bouquet de vingt chaînes thématiques sur les deux satellites Telecom 2A et 2B.

Comptant 200.000 abonnés en 1995, et visant 800.000 abonnés d'ici 1998, la chaîne demeure encore déficitaire (122 millions de francs en 1992 ; 111,5 millions en 1993), malgré les bons résultats des chaînes de cinéma à option (Ciné Cinéma et Ciné-Cinéfil). Occupant l'espace satellitaire pour empêcher l'arrivée d'un groupe de chaînes francophones concurrent en matière de diffusion directe, Canal satellite envisage d'offrir prochainement vingt programmes numériques.

L'offre de programmes de Canal satellite compte par ailleurs, depuis le 3 janvier 1995, La Chaîne Info (LCI), filiale de TF1. Ce rapprochement entre les deux groupes a été compris comme le signe d'une « maturité nouvelle des acteurs audiovisuels français ».

Canal+, qui a lancé un décodeur numérique, a également des projets de services télématiques et de chaînes numériques. A cet effet, la société a réservé plusieurs canaux sur les futurs satellites ASTRA 1-E et ASTRA 1-F afin de diffuser d'ici la fin de l'année 1995, 24 chaînes, et à la fin de l'année 1996, 40 services. Un accord aurait été passé avec la chaîne américaine spécialisée Home Shopping Network, le bouquet pourrait comprendre une chaîne de téléachat.

Le groupe s'est allié à l'opérateur allemand Bertelsmann pour développer, dans le cadre d'une société commune, la Société européenne de contrôle d'accès (SECA), un système de contrôle d'accès qui serait également ouvert à Deutsche Telekom, à la CLT et aux télévisions publiques allemandes (ARD et ZDF), réunis au sein du consortium Multimédia Betriebsgesellschaft (MMGB). Mais les deux partenaires garderaient la maîtrise de la technologie et leurs nouveaux partenaires ne disposeraient que du droit d'exploitation.

Les choix du groupe public de TÉLÉCOMmunications et des diffuseurs allemands en faveur de la technologie développée par la SECA permet à celle-ci de devenir, de facto, la principale norme européenne de contrôle d'accès, concurrencée par les normes de FRANCE TÉLÉCOM (Eurocrypt), du Nethold (Irdeto) et du groupe Murdoch (New Data Corn).

L'alliance est toutefois subordonnée à un accord de la Commission européenne.

Le décodeur commandé par Canal+ à quatre sociétés, Philips, Thomson, Sony et Sagem, à 175 000 exemplaires, pour un coût unitaire de 3 000 à 3 500 francs pourra être utilisé par d'autres services que la réception télévisée et pourra être connecté à un micro-ordinateur pour les services en ligne, le téléphone...


•Le groupe européen NETHOLD (27 ( * )) , qui distribue déjà sept programmes à péage dans treize pays européens a également loué des« répéteurs » sur les futurs satellites ASTRA, mais aussi sur HOT BIRD 2, qui sera lancé en 1996. Il préparerait un bouquet numérique de 150 chaînes, fonctionnant sur le principe de quasi-vidéo à la demande. La firme a passé commande, principalement à Philips, de 1,1 million de décodeurs qui devraient être vendus au public autour de 600 dollars. L'abonnement coûtera environ 40 dollars par mois et le visionnage d'un film sera facturé 10 à 20 %Plus cher que sa location dans une boutique de vidéo.

L'un des représentants du groupe (28 ( * )) a souligné le risque que représentait cet investissement : « Richemont couvrira nos déficits pendant trois ans. Nous prévoyons ce délai pour atteindre l'équilibre. D'ici là, nous allons faire des pertes vraiment importantes. Pour les seuls décodeurs, nous dépenserons plus de 2,5 milliards de francs ».


•La CLT est également présente sur ce marché avec son projet de Club RTL. Elle s'est rapprochée de Canal+, mais des négociations ont échoué au mois de juillet 1995. Ce bouquet sera vraisemblablement diffusé à Partir de la fin du premier semestre 1996 sur Astra 1E et commercialisé par Télé Direct, filiale du groupe qui commercialise déjà RTL 9, diffuser en réception directe depuis TÉLÉCOM 2B. Son bouquet de programmes devrait notamment comprendre RTL 9 et M6 Série-club. Le chiffrage de ce bouquet est estimé à 5,8 milliards de francs, avec sans doute une participation du groupe Murdoch, qui pourrait constituer le « cheval de Troie » des studios américains.


•TF1 a présenté, le 19 avril 1995, un projet de télévision numériques la carte baptisé « HYPERCHAINE 1 » ou « HC 1 ». Ce projet comprend une chaîne, HYPER TV destinée à un public jeune, et se décline en quatre séries d'émissions : fiction, dessins animés, documentaire et animation. Service interactif, cette chaîne devrait proposer un service de télévision à la carte et de télévision à péage.

La chaîne étant actionnaire, avec le groupe allemand Kirch, de la société Mercury qui a opté pour le décodeur Irdeto de Nokia, elle pourrait choisir le système Multicrypt.


•En Grande-Bretagne, le réseau de télévision British Sky Broadcasting (BSkyB), qui gère une vingtaine de chaînes par câble ou satellite que reçoivent environ 4 millions de foyers abonnés, envisage de lancer un réseau de 120 chaînes en 1996 au Royaume-Uni. Ce réseau proposera un service de télévision à la carte et une diffusion numérique en 1997. Preuve du succès commercial de ce diffuseur, il est côté, depuis le 21 septembre 1995, à la bourse de Londres et est intégré dans l'indice Footsiedes 100 plus grandes valeurs. Il n'est pas impossible que, pour préserver sa forte position sur le marché de la télévision payante -il dispose de 31 % du marché européen, contre 34 % pour Canal+ ,cet opérateur s'intéresse également à la France.

Il résulte de ce rapide tableau que les diffuseurs publics ont été dramatiquement absents de cette gigantesque bataille. Celle-ci, il est vrai, suppose, d'une part, la commercialisation de services payants, alors que le secteur public diffuse par définition gratuitement, et d'autre part, des investissements considérables que la situation financière des chaînes publiques ne permet pas d'envisager.

On verra cependant dans le chapitre trois, consacré aux aspects internationaux et communautaires de l'action audiovisuelle extérieure, que, malgré le cafouillage de l'été 1995 avec les projets satellitaires concurrents de France Télévision et d'ARTE, l'annonce d'une alliance TF1 - France Télévision permettra à la France d'être présente dans le paysage européen de la télévision numérique.

c) La transition de la diffusion satellitaire analogique en diffusion numérique

Avec 110 chaînes actuellement diffusées gratuitement en mode analogique sur l'Europe, la transition de l'analogique au numérique sera longue et très délicate à gérer sur le plan commercial.

Il faudra, en effet, « transférer » des téléspectateurs d'un mode de réception vers un autre. La double diffusion, en analogique et en numérique, pourrait donc prendre de dix à vingt ans.

Par exemple, les programmes du groupe Canal+ sont actuellement diffusés sur trois systèmes satellitaires : Canal satellite sur FRANCE TÉLÉCOM, la chaîne espagnole dont Canal+ est un investisseur sur Astra et Canal Horizons sur Eutelsat.

Le lancement du bouquet numérique de Canal satellite transmis par Astra ne permettra pas à la chaîne d'interrompre la diffusion de son bouquet en analogique sur TÉLÉCOM 2A en 1993, au bénéfice de 300 000 abonnés, avant une longue période de transition. Par ailleurs, Canal+ est également obligé de gérer le passage de TDF1 à TÉLÉCOM 2A pour 50 000 abonnés seulement qui reçoivent la chaîne cryptée en mode analogique.

Cet exemple montre bien la difficulté technique et commerciale de faire adopter une nouvelle technologie par des consommateurs.

3. La stratégie française en matière de satellite est-elle adaptée ?

a) Le choix de l'orbite géostationnaire est-il le bon ?

Pour recevoir un programme diffusé sur satellite, il est nécessaire de disposer d'une parabole, braquée sur le satellite souhaité.

Or, si TÉLÉCOM 2A et 2B sont situés sur des orbites géostationnaires proches (respectivement 5°W et 8°W) et si l'on souhaite recevoir d'autres satellites, il sera nécessaire de s'équiper d'une autre parabole ou bien d'une parabole motorisée qui s'orientera automatiquement lors de la recherche des programmes : les satellites EUTELSAT sont, en effet, situés à 16°E, 13°E et 10°E, et les satellites ASTRA sont regroupés à 19,2°E.

En revanche, si l'on veut recevoir à la fois TÉLÉCOM 2A et 2B, ou les chaînes diffusées par tous les satellites EUTELSAT ou par les satellites ASTRA, l'utilisateur peut profiter de leur proximité en utilisant une parabole à deux têtes.

Le diamètre des paraboles est fonction de la puissance d'émission du satellite, des performances techniques de l'appareil, des conditions météo et de la latitude du site d'installation. En général, plus le diamètre est grand, mieux les chaînes satellitaires sont reçues.

b) Pourquoi Canal satellite est-il passé de TÉLÉCOM 2A à ASTRA ?

Le satellite TÉLÉCOM 2D n'étant malheureusement pas prêt avant 1997 et Canal satellite ne pouvant disposer de canaux en nombre suffisant pour diffuser un signal numérique, la chaîne s'est résolue à être diffusée sur ASTRA, même si FRANCE TÉLÉCOM « monte » le signal de Canal+ sur ce dernier satellite.

FRANCE TÉLÉCOM semble agir comme si le paysage audiovisuel n'avait pas évolué ! Il est urgent que cette entreprise prenne conscience que la logique commerciale s'impose aujourd'hui et qu'elle ne peut plus agir avec les seuls principes du service public dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

En outre, et contrairement à la SES, FRANCE TÉLÉCOM n'a pas positionné ses deux satellites sur le même orbite. Le téléspectateur doit donc, en conséquence, disposer de deux antennes paraboliques, ou bien d'un équipement orientable, pour capter l'ensemble de ses programmes.

L'entrée dans l'ère numérique pour FRANCE TÉLÉCOM aura lieu en 1996, avec TÉLÉCOM 2C et, en 1997, avec TÉLÉCOM 2D. Ce dernier cherche encore des locataires.

Dans ces conditions, la réussite de TÉLÉCOM 2D constitue un impératif, pour que l'opérateur public français puisse compter encore sur le marché de la télévision numérique dans les deux ans qui viennent.

C'est, en effet, en 1996 que la télévision numérique va démarrer en Europe.

Or, le satellite TÉLÉCOM 2D ne pourra être opérationnel avant le dernier trimestre 1996 ou le début de l'année 1997. Ce retard explique, dans une certaine mesure, le choix de Canal+ en faveur d'ASTRA. Cette situation augure mal de la position de la France dans la bataille du numérique. FRANCE TÉLÉCOM fait cependant valoir que ce satellite apportera des capacités spatiales nouvelles disponibles, alors qu' EUTELSAT et ASTRA seront complets.

Avec le bouquet apporté par Canal+, la SES dispose, en effet, de meilleurs arguments pour élargir sa part de marché en France, en matière de télévision numérique. D'autant plus que -à l'exception de MCM, Euro sport et TV5-, le bouquet de chaînes présentes sur HOT BIRD 1 est majoritairement constitué de programmes étrangers ou n'émettant pas en français. Cette situation est encore plus accentuée sur HOT BIRD 2, où les chaînes francophones sont totalement absentes.

Il serait donc indispensable que l'opérateur français révise, avant qu'il ne soit trop tard, ses choix techniques et sa stratégie « commerciale ».

* 25 Les préoccupations politiques et nationales ne sont pas absentes de ce dossier : le Spiegel du 27 novembre 1995 rapporte un propos qu'aurait tenu le ministre allemand des Télécommunications, M. Wolfgang Bôtsch : « pourquoi cela devrait-il être un appareil sous influence décisive de Canal+ ? »...

* 26 Par exemple, les observateurs doutent fortement de la réalité de l'annonce par le groupe allemand K irch de la commande de un million de décodeurs auprès du fabricant finlandais Nokia, ce qui supposerait un investissement minimum de 3 milliards de francs. Faut-il en revanche prêter foi aux informations parues dans le quotidien belge Le Soir des 25/26 novembre 1995, selon lesquelles la CLT renoncerait à lancer un bouquet de chaînes numériques francophones ?...

* 27 Nethold est l'opérateur audiovisuel présent dans le plus grand nombre de pays au monde, 43. La société est la filiale d'un groupe suisse d'origine sud-africaine, Richemont, qui s'est associé avec le groupe audiovisuel sud-africain M-Net. En Afrique, les filiales de Nethold gèrent trois chaînes sur l'ensemble du continent et une chaîne spécifique à l'Afrique du sud. Elles assurent également, via la société Multichoice, la commercialisation de Canal Horizon dans les pays, notamment anglophones, où le groupe est présent. En Europe, cette même filiale, outre la gestion des abonnés du groupe, travaille également pour MTV et Hall mark, chaîne américaine de téléfilms diffusée sur le câble au Benelux. Deux autres filiales sont chargées, l'une, Pronet, des achats de droits, l'autre, Irdeto, de la technologie de cryptage et d'accès conditionnel.

* 28 M. Koos Bekker, Le Figaro, 2 octobre 1995

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