B. ...NE DOIT PAS FAIRE OUBLIER LES HANDICAPS STRUCTURELS DE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE FRANÇAISE

1. Le critère : la balance des exportations audiovisuelles est lourdement déficitaire

La balance commerciale du secteur de l'audiovisuel n'est pas connue avec précision.

On estime que le rapport entre les importations et les exportations varie de un à quatre, soit 490 millions de francs d'exportations pour 2,5, voire 3 milliards de francs d'importations de programmes audiovisuels.

Pour l'Union européenne, la balance des paiements en matière audiovisuelle avec les États-Unis était lourdement déficitaire en 1992, dernière année connue, avec 3 663 millions de dollars d'importation de programmes télévisés américains pour seulement 288 millions de dollars de vente de programmes télévisés européens outre-Atlantique, soit un solde négatif pour l'Europe de 3 375 millions de dollars, près de 17 milliards de francs.

Environ la moitié du volume d'oeuvres diffusées, en France, par les chaînes hertziennes nationales correspondent à des importations, dont le montant n'est pas connu.

2. Les motifs structurels de la crise de la production audiovisuelle nationale sont toujours les mêmes

a). Un second marché trop lent à émerger

Le second marché des programmes audiovisuels semble Perpétuellement se dérober et l'espoir de le voir émerger se reporter d'année en année. En 1991, le second marché de fiction était estimé à 100 millions de francs pour 500 heures vendues (dont 330 vendues par l'INA pour un montant de 50 millions de francs).

Comparée au 1,4 milliard de francs investi dans la production « fraîche » de fiction par l'ensemble des chaînes, cette somme est effectivement dérisoire.

Les explications avancées pour ce retard sont de trois ordres :


• Premièrement, la longueur des droits acquis par les chaînes dans le passé fait coexister une demande et une offre insuffisantes.

Les chaînes « anciennes », qui possèdent un stock important de droits et investissent beaucoup dans la production fraîche, ne sont demandeurs qu'à la marge de produits de rediffusions, tandis que les chaînes nouvelles, qui ont une réelle demande, ne trouvent pas d'offre attrayante sur le marché.

Seuls l'INA et quelques porteurs de catalogues anciens (Telfrance, Télécip, Technisonor) pouvaient se porter sur ce marché.

La réduction de la longueur des droits acquis par les diffuseurs depuis quelques années devrait commencer à libérer des oeuvres dès aujourd'hui, élargissant l'offre et stimulant la demande (TF1 a déjà racheté des épisodes de Navarro).

Toutefois, pour des oeuvres dont la rediffusion semble assurée, les chaînes cherchent, encore, en violation de la réglementation, à conserver des droits au-delà de la durée de quatre ans.


•Deuxièmement, la réglementation est souvent désignée commune cause de faiblesse des rediffusions, notamment :

-l'obligation de diffusion de 120 heures d'oeuvres nouvelles, européennes ou d'expression originale française, en première partie de soirée (pour l'option 15 % du chiffre d'affaires), laissant trop peu de place aux rediffusions sur ce créneau ;

-l'ouverture, dans les obligations de production, d'un « couloir » de rediffusion de 2 % défini de manière trop restrictive.


•Troisièmement, l'arbitrage, en termes de coûts, est défavorable, dans la plupart des cas, aux rediffusions d'oeuvres françaises, notamment de fiction, qui sont placées le plus souvent en concurrence, soit avec des oeuvres de plateau, soit avec des productions étrangères.

Cette situation est, en partie, due aux règles fixées par la convention collective des artistes interprètes, qui prévoit un taux de rémunération en pourcentage du cachet initial des comédiens pour chaque rediffusion, alors que, pour le cinéma, la rémunération des artistes interprètes y est calculée globalement en pourcentage des recettes nettes de la vente.

Rediscutée en 1992, la convention collective a permis une baisse relative des rémunérations dues aux interprètes, sans en changer toutefois les principes de calcul.

En 1991, année de référence des études effectuées, les rémunérations dues aux ayants droits représentaient près de 350 000 F pour la rediffusion d'un téléfilm de 90 minutes en première partie de soirée (dont 240 000 F pour les interprètes). Ajoutés aux 450 000 F à 600 000 F de vente des droits par le producteur pour un téléfilm récent, on aboutit à un coût total pour le diffuseur de 800 000 F à 1 million de francs le téléfilm, à comparer avec le coût d'un téléfilm américain situé à l'achat entre 200 000 et 400 000 F.

Malgré ces obstacles, la perspective de voir un second marché se constituer prochainement ne doit pas être écartée pour plusieurs raisons :

les performances d'audience des oeuvres rediffusées sont bonnes, surtout s'il s'agit de fictions françaises,

des oeuvres attractives et récentes devraient se libérer en nombre croissant dans les années qui viennent et contribuer à l'apparition d'une offre significative,

le « couloir » spécifique pour les rediffusions devrait être élargi dans les obligations de diffusion des chaînes,

l'arrivée sur les supports satellites et câbles de nouvelles chaînes, incapables d'investir dans la production fraîche, provoquera une demande croissante de rediffusions.

b). Des sociétés de productions anémiées

Les sociétés de production audiovisuelles de programmes bénéficient d'un marché globalement en croissance : 1 500 heures environ de programmes ont été produits en 1994 (soit une multiplication par 2,7 depuis 1986), représentant un investissement global de 4,6 milliards de francs (x 3,5 depuis 1986).

Elles connaissent cependant un certain nombre de difficultés.

On dénombre cent producteurs de fiction pour 605 heures produites en 1994. Les neuf premiers producteurs réalisent 50% des volumes horaires, les 21 premiers 80 %.

On constate cependant une rentabilité faible ou négative de l'activité de production de programmes de stock et du quasi impossibilité de valoriser les actifs figurant au bilan des entreprises.

Le financement apporté par les chaînes et par le COSIP ne permet que dans un nombre très limité de cas de couvrir le financement d'une production, a fortiori de dégager une marge. La recherche de financements complémentaires, tant en France (autres diffuseurs, coproducteurs, SOFICA), qu'à l'étranger (coproductions et préventes), n'est possible que pour certains types de productions.

C'est pourquoi la délocalisation d'une partie de la fabrication dans des pays où la main d'oeuvre est moins chère qu'en France a été pour beaucoup de producteurs durant les deux dernières années un élément important dans leur stratégie de la production.

Les sociétés ne peuvent gagner de l'argent (lorsqu'elles ont équilibré le financement de leurs productions) ou combler les déficits engendres par activité de production (lorsqu'elles n'ont pas atteint l'équilibre) que par des ventes à terme : ventes à l'étranger ou reventes sur le marché intérieur.

Aujourd'hui les perspectives de l'exportation française et surtout du second marché restent - sauf exception- assez étroites et ne contribuent que faiblement à la valorisation des actifs des sociétés.

Les mesures récentes d'aide à l'exportation prises dans le cadre de la réforme du COSIP vont donc dans le bon sens. Encore faut-il cependant que l'offre soit réellement adaptée à la demande internationale.

c). Une trop faible adaptation au marché international

Comme le relève l'étude précitée de TV France International les Produits audiovisuels destinés en priorité à la marche nationale ne correspondent pas nécessairement aux critères des marches internationaux. Ceci est particulièrement vrai pour les programmes français.

Outre la question de la langue de tournage, du rythme ou du traitement du sujet (pour le documentaire et la fiction), le marché français se distingue d'abord par ses formats : en fiction on privilégie le 90' au prime time, alors que partout ailleurs le format standard est 52'.

Plutôt que d'attendre une hypothétique adaptation des grilles françaises de soirée en faveur du 52' -français, les gros producteurs commencent à développer certains programmes en double format (90' et 52'). Idéalement, le reformatage doit être prévu au moment de la conception du programme.

L'incompatibilité entre les exigences de la programmation française et les critères des marchés internationaux conduit de plus en plus les gros producteurs a différencié leur production dès la phase de développement. On trouve, d'une part, les programmes directement destinés au marché français produits avec le soutien du CNC, d'autre part, ceux initialement conçus pour une exploitation internationale, tournés en anglais et produits éventuellement à l'étranger, avec ou sans partenaire étranger.

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