Article 14 bis (art. 354 du code civil) - Transcription du jugement d'adoption de l'enfant né à l'étranger
Introduit à la demande du Gouvernement, cet article complète l'article 354 du code civil pour préciser le lieu de transcription du jugement d'adoption de l'enfant né à l'étranger.
Cette transcription a lieu, comme pour les Français nés à l'étranger, sur les registres du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères sis à Nantes.
Un paragraphe II complète en outre l'article 354 pour préciser que si l'acte de naissance originaire est conservé par un officier d'état civil français, il est alors revêtu de la mention « adoption ».
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.
SECTION 3
Effets de l'adoption plénière
La proposition de loi ne modifie pas les effets de l'adoption plénière :
- elle produit ses effets à compter du jour du dépôt de la requête en adoption (art. 355 du code civil),
- elle est irrévocable même si l'enfant peut faire l'objet d'une nouvelle adoption après le décès du ou des adoptants (art. 346),
- elle assimile en tout point (nom, autorité parentale, droits successoraux et obligations alimentaires) l'enfant adopté à un enfant légitime,
- elle emporte une rupture complète des liens avec la famille par le sang sauf pour les empêchements au mariage ; toutefois, aux termes de l'article 356, l'adoption de l'enfant du conjoint laisse subsister la filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et produit, pour le reste, les effets d'une adoption par deux époux.
La proposition de loi pose toutefois une règle de conflits de lois en matière d'adoption plénière.
Article 15 (art. 359-1 du code civil) - Règle de conflit de lois en matière d'adoption plénière
Vivement combattu par le Gouvernement, cet article introduit un article 359-1 nouveau dans le code civil pour poser une règle de conflit de lois en matière d'adoption, notamment lorsque le pays d'origine de l'enfant ne connaît pas l'adoption. Il est présenté par la commission spéciale comme la consécration dans la loi de la jurisprudence de la Cour de cassation résultant, dans sa dernière évolution, d'un arrêt de la première chambre civile, en date du 10 mai 1995, aux termes duquel les « époux français peuvent procéder à l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas, ou prohibe, cette institution, à la condition qu'indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de son pays d'origine ».
Le premier alinéa de l'article 359-1 attache à l'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté les effets prévus par la loi française lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.
Le deuxième alinéa reprend le principe du consentement en pleine connaissance des effets de l'adoption sur le lien de filiation, énoncé par l'arrêt de la Cour de cassation pour attacher les effets d'une adoption plénière à un jugement d'adoption étranger.
Quant au troisième alinéa, il confère à la loi française un effet plein et entier (conditions et effets de l'adoption) lorsque dans le pays d'origine de enfant n'a pas de législation sur l'adoption.
La commission spéciale justifie ce dispositif par le souci de régler le statut juridique des enfants nés dans des pays qui ignorent ou prohibent l'adoption et qui, de ce fait, n'ont pas signé la Convention de La Haye. Or, le rapport remis au Premier ministre par M. Jean-François Mattéi, estime qu'en 1994, près des trois quarts des 2 414 enfants entrés en France pour être adoptés venaient de pays non signataires de la convention de La Haye et dont la loi nationale ignorait ou prohibait l'adoption.
• Le Gouvernement a combattu le dernier alinéa
de cet article en estimant qu'il conduirait à conférer à
l'enfant étranger adopté un « statut boiteux » :
celui que lui accorde la loi française et celui que lui donne la loi de
son État d'origine.
Le Garde des Sceaux a par ailleurs craint qu'il favorise « les réseaux ou organisations illicites de pourvoyeurs d'enfants au mépris des dispositions législatives des pays concernés ».
Enfin, il a estimé que si la législation française comportait une telle disposition, elle serait « dans une situation délicate » au regard de la convention de La Haye qu'elle s'apprêtait à ratifier.
En conclusion, le Garde des sceaux a fait valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation permettait de résoudre, en pratique, les cas dans lesquels le pays d'origine prohibe l'adoption.
Votre commission des Lois a examiné avec une particulière attention la question soulevée par l'Assemblée nationale.
Elle rappelle tout d'abord que les adoptions prononcées à l'étranger sont normalement reconnues en France avec les effets qui s'y attachent en vertu de leur contenu propre et de la législation nationale qu'elles mettent en oeuvre.
Elle rappelle ensuite que la Cour de cassation accepte d'attacher aux adoptions prononcées à l'étranger les effets d'une adoption plénière dès lors que le représentant légal de l'enfant a donné son consentement éclairé à de tels effets (rupture complète des liens de sang notamment).
Enfin, elle observe, s'agissant d'enfants dont le statut personnel prohibe l'adoption, que la Cour de cassation admet qu'en l'absence de filiation connue, leur adoption plénière puisse être prononcée en France dès lors que le représentant légal de l'enfant a donné son accord en pleine connaissance des effets s'attachant à ce consentement.
L'arrêt déjà évoqué du 10 mai 1995 (voir annexe) est venu consolider l'édifice progressivement construit par la jurisprudence et lui apporter en quelque sorte l'élément qui lui faisait encore défaut au moment où le professeur Mattéi a remis son rapport au Premier ministre. En conséquence, et dès lors que le consentement donné par le représentant légal de l'enfant étranger l'a été en pleine connaissance des effets attachés à la loi française, le juge français peut prononcer l'adoption de cet enfant.
Dans la mesure où, pour l'essentiel, les difficultés rencontrées par le passé peuvent être ainsi résolues, votre commission des Lois hésite à inscrire dans le code civil un dispositif qui fait ouvertement fi du statut personnel de l'adopté et contrevient, ce faisant, aux principes du droit international privé et à la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant (art. 20 et 21).
Le texte adopté par l'Assemblée nationale, sur proposition de Mme Véronique Neiertz, n'énonce en effet pas véritablement une règle de conflit de lois : les deux premiers alinéas traitent de l'hypothèse dans laquelle l'adoption a été régulièrement prononcée dans le pays d'origine et précisent les effets susceptibles de lui être attachés en France ; le troisième rend applicable la législation française en matière d'adoption lorsque la loi nationale de l'enfant ignore cette institution. Le cas dans lequel elle la prohibe expressément n'est en revanche pas évoqué.
Quoiqu'il en soit, le dernier alinéa est en contradiction directe avec la convention de la Haye, que la France s'apprête à ratifier, dont l'article 4 précise que les adoptions visées par la convention « ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'État d'origine ont établi que l'enfant est adoptable ».
Certes, les États qui prohibent l'adoption ne sont pas signataires de la convention, mais doit-on pour autant inscrire dans notre code civil que les prohibitions que leur législation nationale fait peser sur leurs ressortissants ne sont pas opposables aux autorités françaises ?
Votre commission des Lois ne l'a pas pensé. C'est pourquoi, estimant que l'édifice jurisprudentiel permettait aujourd'hui de résoudre les difficultés dans l'intérêt de l'enfant dès lors que le consentement éclairé du représentant légal de celui-ci a été donné, elle vous propose d'adopter un amendement tendant à supprimer cet article qui, en définitive, ne résout pas les problèmes auxquels il entend apporter remède, méconnaît les règles du droit international privé et risque de favoriser le développement de « filières » d'enfants qu'il faut impérativement combattre.