E. LE TRAITEMENT DES ASPECTS INTERNATIONAUX
1. Ne pas anticiper sur la ratification de la convention de La Haye
Votre commission des Lois estime qu'il est possible d'adapter d'ores et déjà le droit français à certaines des orientations fixées par la convention de La Haye, ainsi en matière de désignation des organismes autorisés pour l'adoption. En revanche, il lui semble prématuré de mentionner la convention à l'article 51 qui institue une autorité centrale.
En accord avec la commission des Affaires sociales, elle vous propose de modifier cette disposition pour étendre le champ de compétences de l'autorité à la coordination de l'ensemble des démarches d'adoption, que celle-ci soit interne ou internationale, sans plus faire référence à la convention de La Haye.
Une fois celle-ci ratifiée, il appartiendra aux autorités compétentes de préciser que cette autorité centrale pour l'adoption remplit les missions que la convention assigne à un tel organisme.
2. S'en tenir à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'adoption d'enfants étrangers
Votre commission des Lois considère que l'introduction dans le code civil d'une disposition reprenant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'adoption d'enfants étrangers risque de soulever un certain nombre de difficultés :
- sur le terrain du droit international privé tout d'abord, dans la mesure où l'état des personnes est une compétence nationale, ce que la convention de La Haye, que la France s'apprête à ratifier, confirme expressément ;
- en matière de relations internationales dès lors que le texte voté par l'Assemblée nationale écarte de plein droit l'application de la législation nationale des pays comme le Maroc ou l'Algérie qui ignorent ou prohibent l'adoption ;
- enfin, au regard de l'efficacité de la lutte contre les trafics d'enfants, dans la mesure où les filières en provenance des pays prohibant l'adoption seraient encouragées par une disposition susceptible de laisser croire aux candidats à l'adoption qu'il est aisé d'adopter des enfants venant de pays ignorant cette procédure, alors même que les conditions du prononcé de telles adoptions sont très strictes et appréciées au cas d'espèce.
Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous propose, votre commission des Lois vous demande d'adopter la présente proposition de loi.
Elle souhaite par ailleurs attirer l'attention sur le cas particulier de l'adoption d'enfants polynésiens.
Les missions successives effectuées en Polynésie française par plusieurs de ses membres l'ont en effet amenée à prendre connaissance des difficultés particulières rencontrées pour l'adoption de ces enfants qui se heurte à des obstacles de nature culturelle, au sein d'une société traditionnelle habituée à pratiquer le don et le partage de l'enfant sans admettre pour autant la rupture du lien de filiation par le sang dans la mesure où ce lien est associé à la terre et donc à l'âme.
La méconnaissance de ces spécificités conduit trop souvent des familles métropolitaines à accueillir des enfants polynésiens sous le régime de la délégation d'autorité parentale dans le cadre de l'article 377 du code civil et à se heurter ensuite à un refus de la famille d'origine lorsqu'elles demandent la conversion de la délégation en adoption plénière.
La situation démographique du territoire et ses traditions culturelles encouragent pourtant les familles polynésiennes à multiplier le placement de leurs enfants, c'est pourquoi il est indispensable que les familles métropolitaines qui accueillent ces enfants aient pleinement conscience de la précarité de leur situation, le juge n'acceptant bien entendu de prononcer l'adoption que si les parents par le sang y consentent effectivement, dans le cadre de la loi française, ou si l'abandon a été judiciairement prononcé.
Votre commission des Lois estime qu'il n'est pas possible de modifier le droit applicable mais tient à attirer tout particulièrement l'attention des autorités territoriales et des familles adoptantes sur cette situation dont elle souhaite l'évolution rapide dans l'intérêt des enfants concernés qui se trouvent actuellement trop souvent déchirés entre deux familles et deux univers culturels très éloignés l'un de l'autre.
Il lui semble notamment que l'accouchement secret devrait pouvoir être mis en oeuvre en Polynésie française ainsi que la remise d'enfant aux fins d'adoption alors que, faute de services et d'associations compétentes pour accueillir l'enfant, cette faculté n'est actuellement pas applicable.