Rapport n° 375 (1995-1996) de M. Patrice GÉLARD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 mai 1996

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N° 375

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mai 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) :

- sur le projet de loi organique, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale,

- et sur la proposition de loi organique de MM. Charles DESCOURS, Jean-Pierre FOURCADE, José BALARELLO Henri BELCOUR, Jacques BIMBENET, Paul BLANC, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Louis BOYER, Jean-Pierre CANTEGR1T, Jean CHÉRIOUX, Philippe DARNICHE, Georges DESSAIGNE, Alfred FOY, Serge FRANCHIS, Alain GOURNAC, Claude HURIET, André JOURDAIN, Pierre LAGOURGUE, Dominique LECLERC, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Simon LOUECKHOTE, Jacques MACHET, Jean MADELAIN, René MARQUES, Serge MATHIEU, Georges MOULY, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM. André POURNY, Henri de RAINCOURT, Bernard SEILLIER, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU et Alain VASSELLE relative à la politique sociale de la Nation.

Par M. Patrice GÉLARD.

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM Jacques Larché, président ; René-Georges Launn, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagè, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2690. 2713 et TA. 527

Sénat : 334 et 344 (1995-1996).

Sécurité sociale

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 21 mai 1996 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, et de M. Pierre Fauchon, vice-président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. Patrice Gélard, le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale adopté par l'Assemblée nationale. Elle a décidé d'examiner conjointement la proposition de loi organique présentée sur le même sujet par M. Charles Descours et plusieurs de ses collègues.

Ce texte a été envoyé au fond à la commission des Lois en raison de la compétence naturelle de celle-ci sur les lois organiques. Mais, du fait de la nature des dispositions en cause, elle a jugé souhaitable que la commission des Affaires sociales et la commission des Finances soient parties prenantes à sa réflexion.

Ont ainsi participé à la réunion, le président de la commission des Affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade, le président de la commission des Finances, M. Christian Poncelet, le rapporteur général, M. Alain Lambert, et plusieurs membres de ces deux commissions.

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales.

Cette audition, a notamment permis d'évoquer le calendrier prévisionnel d'examen des lois de financement de la sécurité sociale, le souci principal des trois commissions étant d'éviter tout chevauchement au Sénat entre la discussion en automne, d'une part de la loi de finances, d'autre part de la loi de financement.

Le rapporteur a souligné, en plein accord avec les présidents Jacques Larché, Jean-Pierre Fourcade et Christian Poncelet, que les dates et les délais adoptés par l'Assemblée nationale (dépôt du projet de loi de financement au plus tard trente jours après l'ouverture de la session ordinaire et délai de vingt jours accordé au Sénat pour l'examen en première lecture) conduisaient inévitablement à un tel télescopage.

Le ministre a reconnu que cette objection était tout à fait fondée et a évoqué plusieurs solutions pour éviter ce risque, sans méconnaître les difficultés auxquelles elles pouvaient se heurter. Un dépôt du projet de loi de financement le 15 octobre, comme l'a préconisé le rapporteur, lui a néanmoins semblé difficilement envisageable en l'état actuel de sa réflexion, compte tenu notamment des différentes consultations préalables nécessaires sur les textes intéressant la sécurité sociale.

Le président Jacques Larché a rappelé que, contenant des dispositions applicables au Sénat, la loi organique devrait nécessairement être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées.

La commission a ensuite adopté, sur la proposition de M. Patrice Gélard, rapporteur, vingt amendements dont les deux plus importants portent sur le calendrier d'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en vue de le concilier au Sénat avec celui de la loi de finances :

- le projet de loi de financement devrait être déposé par le Gouvernement au plus tard le 15 octobre (ou le premier jour ouvrable qui suit, si cette date tombe sur un jour férié), et non au plus tard trente jours après l'ouverture de la session ordinaire (soit, au plus tard, le 31 octobre) ;

- le Sénat disposerait de quinze jours pour examiner le texte en première lecture.

Ainsi, le Sénat pourrait examiner le projet de loi de financement avant même d'aborder l'examen du projet de loi de finances.

La commission des Lois, sur la proposition du président de la commission des Affaires sociales, a également adopté un amendement (sur le 1° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale), substituant au mécanisme retenu par l'Assemblée nationale -la simple approbation d'un rapport présenté par le Gouvernement- un vote sur les choix et les orientations de santé et de sécurité sociale.

Mesdames, Messieurs,

La révision constitutionnelle du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale a posé dans notre Constitution les bases d'un édifice dont le législateur organique doit aujourd'hui parfaire la construction.

Ainsi qu'il est désormais prévu par l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution :

« Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » .

Ce texte, intentionnellement formulé en termes assez généraux, a pour objet d'associer le Parlement aux choix fondamentaux intéressant l'équilibre financier de la sécurité sociale, domaine qui lui échappait presque entièrement alors même que l'ampleur des budgets sociaux dépasse celle du budget de l'État.

La révision constitutionnelle -comme la loi organique qui doit la prolonger- concrétisent l'engagement pris par le Premier ministre, M. Alain Juppé, lors de sa déclaration de politique sociale du 15 novembre 1995, de permettre au Parlement « d'exercer des responsabilités qui doivent être les siennes dans ce domaine » , pour reprendre les termes de l'exposé des motifs du présent projet de loi organique.

Pour autant, la révision constitutionnelle n'a pas eu pour but, ni pour effet, de remettre en cause les principes de la gestion de la sécurité sociale, fondés sur le paritarisme, ou les compétences du Gouvernement en ce qui concerne la fixation du taux des cotisations.

De même, le Constituant n'a pas souhaité porter atteinte aux autres équilibres constitutionnels, notamment la compétence de la loi pour la détermination des principes fondamentaux de la sécurité sociale et celle de la loi de finances en ce qui concerne le budget de l'État.

Les lois de financement de la sécurité sociale constituent ainsi une nouvelle catégorie de lois, dotées d'une normativité sui generis, dont il convient d'assurer l'efficacité et de préserver la spécificité dans le respect, à la fois des autres principes prévus par la Constitution et des règles d'organisation et de fonctionnement de la sécurité sociale.

À cette fin, l'objectif essentiel du législateur organique doit être de rechercher l'exacte adéquation entre la Constitution et la loi organique chargée d'en préciser les conditions d'application.

En d'autres termes, il faut que la loi organique permette au Parlement d'exercer pleinement les compétences nouvelles qui lui sont reconnues, mais demeure dans les limites strictes de l'habilitation constitutionnelle.

Tel est le cadre dans lequel le législateur organique doit aujourd'hui définir « les conditions et les réserves » applicables aux lois de financement de la sécurité sociale.

Car ce sont bien ces conditions et ces réserves qui traceront les contours exacts de l'association du Parlement aux choix intéressant l'équilibre financier de la sécurité sociale.

*
* *

Saisie du projet de loi organique (n° 334) adopté par l'Assemblée nationale, votre commission des Lois a décidé d'examiner conjointement la proposition de loi organique (n° 344) déposée sur le même sujet par M. Charles Descours et plusieurs de ses collègues.

Avant même d'aborder le contenu du texte en discussion, trois remarques s'imposent.

On doit tout d'abord se féliciter que le projet de loi organique ait été déposé dès le 27 mars 1996 sur le Bureau de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire moins de cinq semaines après le vote de la révision.

Ainsi les délais annoncés par le Premier ministre lors du Congrès à Versailles ont été respectés.

En second lieu, votre commission des Lois tient à souligner l'importance toute particulière que ce texte revêt pour le Sénat.

En effet, les débats sur la révision constitutionnelle établissent sans la moindre ambiguïté que la loi organique, du fait qu'elle comporte des dispositions concernant le Sénat, doit être regardée dans son ensemble comme relative au Sénat au sens de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution, ainsi qu'en est convenu le Gouvernement.

Comme l'a rappelé le Président Jacques Larché, à l'issue de l'audition par votre commission des Lois de M. Jacques Barrot, Ministre du Travail et des Affaires sociales, cette loi organique devra donc être votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, la navette étant appelée à se poursuivre jusqu'à ce que leurs points de vue respectifs soient parfaitement conciliés, tant sur le contenu des lois de financement que sur leur procédure d'élaboration.

En d'autres termes, le Sénat pourra exercer sur ce texte le même plein pouvoir d'appréciation que celui dont il disposait lors de l'examen du projet de révision constitutionnelle.

De cette sorte, certaines interrogations qui avaient pu se manifester çà ou là lors du débat de révision au Sénat pourront trouver les réponses adéquates qu'il n'était pas utile, ni souhaitable, de faire figurer dans le texte même de la Constitution.

En troisième lieu, la révision constitutionnelle du 22 février 1996, en se limitant à définir quelques principes généraux -tant sur le fond qu'en matière de procédure- a confié pour l'essentiel au législateur organique le soin de préciser, voire de créer un régime juridique entièrement nouveau.

Or ce régime devra tenir compte de façon réaliste et pragmatique des conditions de fonctionnement de chacune des deux assemblées du Parlement.

Compte tenu du dépôt du projet de loi de financement sur le Bureau de l'Assemblée nationale et d'un examen de cette loi en automne -et non au printemps, comme l'ont préconisé à plusieurs reprises certains de nos collègues, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale- le projet du Gouvernement conduit tout naturellement les assemblées à s'interroger sur la conciliation de l'examen de la loi de finances et celui de la loi de financement, tous deux enserrés dans des délais constitutionnels stricts.

Là encore, cette conciliation revêt une très grande importance car un trop grand empiétement d'un des deux débats sur l'autre pourrait empêcher le Parlement d'exercer dans des conditions satisfaisantes les compétences que lui reconnaît la Constitution, tant sur les finances de l'État qu'en ce qui concerne désormais l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Il convient aussi que l'examen de la loi de financement ne soit pas un facteur de surcharge excessive de la séance publique, un des objectifs de la session unique étant au contraire d'aménager dans un sens plus rationnel le travail parlementaire.

Ainsi qu'il a été dit lors de la révision constitutionnelle, la loi de financement de la sécurité sociale devra donc être une loi brève, centrée sur l'essentiel.

Si tel n'était pas le cas, la loi de financement perdrait de sa lisibilité alors que le Constituant l'a au contraire conçu comme un texte permettant au Parlement d'exprimer de la manière la plus claire les choix importants déterminant l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Quant aux débats en séance publique, ils devront être contenus dans une durée raisonnable, ce qui suppose que le texte soumis à la délibération des assemblées ne donne pas prise à une profusion d'amendements qui n'auraient pas de rapport direct avec l'objet de la loi de financement, c'est à dire l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Faute de quoi, il y aurait tout lieu de craindre une certaine confusion du débat et, en définitive, une désorganisation du calendrier parlementaire en automne.

L'Assemblée nationale, qui partage ce point de vue, a recherché les moyens de prévenir ce risque, notamment en définissant de façon plus stricte les conditions de recevabilité des amendements aux lois de financement de la sécurité sociale.

Loin de remettre en cause cette démarche, votre commission des Lois s'est attachée à la poursuivre, tout en s'efforçant de la rendre pleinement compatible avec les contraintes propres au Sénat.

*
* *

À l'Assemblée nationale, le projet de loi organique a été examiné par une commission spéciale, présidée par M. Adrien Zeller.

Cette commission spéciale a d'ailleurs succédé à une mission d'information commune mise en place aussitôt après la révision constitutionnelle, en vue de réfléchir à ses modalités de mise en oeuvre.

Votre rapporteur se doit de saluer les travaux approfondis de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, retracés dans le remarquable rapport de M. André Fanton.

Au Sénat, en revanche, le projet de loi organique a été envoyé à votre commission des Lois, car elle dispose en matière organique d'une sorte de compétence naturelle, les lois organiques n'étant au fond que le prolongement des lois constitutionnelles.

Votre commission des Lois tient à se féliciter de ce que M. Jean-Pierre Fourcade, Président de la commission des Affaires sociales, et M. Christian Poncelet, Président de la commission des Finances, n'aient pas demandé sur ce projet de loi organique la saisine pour avis de leur commission.

L'expérience enseigne en effet que la multiplicité des avis sur un même texte ne contribue pas toujours à clarifier le débat en séance publique.

Mais bien entendu, en raison de la nature des dispositions en cause, il était indispensable que ces deux commissions permanentes soient parties prenantes à la réflexion de votre commission des Lois.

Tant la commission des Affaires sociales que la commission des Finances lui ont à cet égard apporté leur concours éclairé et précieux.

C'est ainsi qu'ont participé à la réunion de votre commission des Lois, outre les Présidents Jean-Pierre Fourcade et Christian Poncelet, pour la commission des Affaires sociales, Mme Michelle Demessine et MM. Charles Descours, Simon Loueckhote et Charles Metzinger, et pour la commission des Finances, M. Alain Lambert, rapporteur général, Mme Marie-Claire Beaudeau et MM. Jacques Oudin et Alain Richard.

Votre rapporteur voit dans cette démarche pragmatique un exemple d'excellente coopération entre trois commissions permanentes, permettant d'améliorer la qualité du travail parlementaire.

I. L'OBJECTIF DU CONSTITUANT : INSTITUER UNE PROCÉDURE PERMETTANT AU PARLEMENT DE SE PRONONCER CHAQUE ANNÉE SUR L'ÉQUILIBRE FINANCIER PREVISIONNEL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE « DANS LES CONDITIONS ET SOUS LES RÉSERVES PRÉVUES PAR UNE LOI ORGANIQUE »

Les débats sur la révision constitutionnelle du 22 février 1996 sont si récents qu'ils n'appellent pas de longs développements dans le présent rapport.

Tout au plus convient-il de rappeler que cette révision a eu pour but de mieux associer le Parlement aux décisions intéressant l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Le Constituant n'a cependant pas souhaité préciser dans le détail les modalités de cette association.

Il s'est, pour l'essentiel, limité à créer une nouvelle catégorie de lois -les lois de financement de la sécurité sociale- et à en fixer les modalités générales d'élaboration, telles qu'elles sont prévues par l'article 47-1 de la Constitution.

Pour le reste, il a confié au législateur organique le soin de préciser le contenu des lois de financement et le détail des procédures.

A. L'INTERVENTION DU PARLEMENT SUR LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE L ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : UNE NÉCESSITÉ D'ÉVIDENCE QUI IMPOSAIT UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE

Pour reprendre l'expression imagée de M. André Fanton, rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, le premier mérite de la révision constitutionnelle est d'« en finir avec le silence du Parlement » .

La nécessité d'une intervention régulière des représentants de la Nation dans un domaine aussi essentiel que la protection sociale a été ressentie il y a déjà fort longtemps, notamment à partir de 1974, avec la généralisation progressive de la sécurité sociale et l'augmentation constante des masses financières enjeu.

Votre rapporteur ne croit pas nécessaire d'aligner à nouveau les chiffres de la sécurité sociale, qui dépassent largement ceux du budget de l'État.

Il renvoie, sur ce point, aux différents documents publiés par chacune des deux assemblées, notamment deux remarquables rapports d'information, l'un « sur l'avenir de la protection sociale et la place du Parlement dans sa définition » , présenté au nom de la commission des Affaires sociales du Sénat par M. Charles Descours, l'autre « sur les aspects financiers de la protection sociale » , présenté par M. Jacques Oudin au nom de la commission des Finances du Sénat, ainsi que les rapports budgétaires que celui-ci présente chaque année sur les crédits du ministère des Affaires sociales.

Or, en dépit de l'importance considérable des enjeux, il se trouve qu'avant la révision constitutionnelle de février 1996, aucune procédure ne permettait de répondre à cette préoccupation maintes fois exprimée.

D'où l'insuccès des nombreuses tentatives entreprises dans ce domaine depuis 1974.

On doit rappeler à cet égard l'annulation par le Conseil constitutionnel de la loi organique adoptée par le Parlement le 8 décembre 1987, sur une initiative de notre regretté collègue Michel d'Ornano, alors président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

Le législateur organique, animé par le même souci que le Constituant de 1996, avait en effet prévu que le Parlement soit saisi chaque année d'un « projet de loi sur les finances sociales » portant approbation d'un rapport sur les comptes prévisionnels des régimes obligatoires de base.

Or, le Conseil constitutionnel, auquel cette disposition avait été soumise -comme le sont toutes les lois organiques en application des articles 46 et 61 de la Constitution- avait estimé qu'elle était afférente à la procédure législative et qu'elle échappait donc à la compétence ouverte à la loi organique par le dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution.

En d'autres termes, sans révision constitutionnelle, il aurait sans doute été possible d'instituer les lois de financement de la sécurité sociale, mais pas de doter d'une procédure particulière d'élaboration ni même de prévoir que le Parlement aurait à en connaître chaque année.

Or, comme l'a souligné le Premier ministre, M. Alain Juppé, devant le Congrès du Parlement, le 19 février 1996 :

« Permettre au Parlement de se prononcer chaque année sur le financement de la sécurité sociale est à la fois une nécessité démocratique et la condition de l'instauration d'un équilibre durable de notre système de protection sociale... Pour construire ce nouvel équilibre, il est essentiel que le Parlement puisse voter chaque année une loi de financement de la sécurité sociale » .

L'objet essentiel de la réforme étant précisément d'assurer un caractère régulier à l'intervention du Parlement, la révision constitutionnelle était la seule voie possible.

B. LE CONSTITUANT A INTENTIONNELLEMENT CONFIÉ AU LÉGISLATEUR ORGANIQUE LE SOIN DE PRÉCISER L'ÉTENDUE ET LES MODALITÉS DE L'INTERVENTION DU PARLEMENT

La révision constitutionnelle du 22 février 1996 a levé l'obstacle de procédure qui avait empêché jusqu'à présent les assemblées de se prononcer régulièrement sur l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Mais comme l'observait votre rapporteur dans son rapport (n° 188) sur la révision constitutionnelle, « une fois débloqué le verrou de la procédure, le Parlement retrouve une pleine marge de manoeuvre pour compléter ou préciser par la voie organique les dispositions de l'article 34 de la Constitution relatives à la sécurité sociale. Dans cette optique, les lois de financement de la sécurité sociale deviendront un instrument constitutionnel dont le législateur organique aura toute latitude pour préciser l'usage ».

C'est pourquoi, dans son antépénultième alinéa, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle du 22 février 1996, l'article 34 de la Constitution ne définit qu'en termes très généraux le contenu des lois de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire l'objet même sur lequel le législateur exercera désormais sa nouvelle compétence.

Selon cet alinéa, en effet, « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses » .

Pour le reste, ce principe doit être mis en oeuvre « dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » .

Les options du législateur organique quant au contenu exact des lois de financement seront donc exprimées dans ces « conditions » et ces « réserves » qu'autorise la Constitution.

II. LA MISSION DU LEGISLATEUR ORGANIQUE : TIRER PLEINEMENT PARTI DES POTENTIALITÉS DE LA RÉVISION CONSTITUTIONNELLE TOUT EN RESTANT DANS LE CADRE FIXE PAR LE CONSTITUANT

La préoccupation première du législateur organique doit être de mettre en oeuvre 1' « habilitation constitutionnelle » qu'il tient de la révision du 22 février 1996 de telle sorte que le Parlement puisse, le moment venu, exercer pleinement ses responsabilités sans sortir toutefois du cadre assigné par le Constituant.

À cet égard, votre rapporteur, lors de ses travaux préparatoires, a constaté avec satisfaction que les rédacteurs du projet de loi organique s'étaient soigneusement gardés d'introduire dans ce texte des dispositions portant, non pas sur les lois de financement proprement dites mais sur la sécurité sociale elle-même.

Dans cette optique, votre rapporteur considère que la loi organique soumise à l'examen du Sénat doit demeurer une « loi de procédure » . Or, la frontière séparant la forme et le fond est parfois difficile à tracer.

Les débats de l'Assemblée nationale en ont d'ailleurs apporté la démonstration, en particulier au moment de l'élaboration de l'article L.O. 111-5 du code de la sécurité sociale relatif aux besoins de trésorerie en cours d'exercice des régimes obligatoires de base.

A. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE : UN ENRICHISSEMENT SIGNIFICATIF DU PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale diffère assez sensiblement du projet de loi organique initial et a donné lieu à un débat approfondi aboutissant sur nombre de points à des avancées significatives.

Votre commission des Lois relève d'ailleurs que le Gouvernement a émis un avis favorable sur la plupart de ces modifications ou qu'il a accepté, pour certaines, de s'en remettre à la sagesse des députés.

En dehors de plusieurs amendements de forme, qui sont commentés dans la seconde partie du présent rapport, on peut récapituler les principales modifications adoptées par l'Assemblée nationale sous deux rubriques : le contenu des lois de financement et leur procédure d'élaboration.

1. Le contenu des lois de financement

Selon le texte initial présenté par le Gouvernement, les lois de financement pourraient comporter cinq types de dispositions, dont l'Assemblée nationale a précisé le contenu dans l'optique d'être la plus fidèle possible au cadre assigné par le Constituant.

a) La détermination des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Dans le projet de loi organique présenté par le Gouvernement, la loi de financement de la sécurité sociale se limiterait à « approuver les orientations et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale » .

En pratique, cette approbation serait donnée par le vote d'un rapport dont le ministre a clairement précisé qu'à ses yeux, il serait amendable par le Parlement.

Ce rapport est mentionné à l'article L.O. 111-4 du projet de loi organique. Il présenterait dans un cadre pluriannuel les orientations et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Sur proposition de sa commission spéciale, l'Assemblée nationale a supprimé la référence au cadre pluriannuel de présentation des orientations et des objectifs.

S'agissant de l'acte d'approbation lui-même, l'Assemblée nationale avait, dans un premier temps, estimé préférable -contre l'avis de sa commission spéciale et du Gouvernement- de supprimer purement et simplement l'alinéa correspondant (amendement n° 30 de M. Jean-Pierre Delalande).

La crainte de M. Jean-Pierre Delalande était double :

- d'une part, que le rapport dont l'approbation serait demandée au Parlement ne donne lieu à un interminable débat d'amendements,

- d'autre part, que l'approbation d'un rapport amendable ne dénature les lois de financement en les transformant en textes fourre-tout ou en une sorte de DMOS.

Cette crainte est tout à fait fondée à partir du moment ou un rapport d'orientation comporte inévitablement des développements les plus divers.

Toutefois, en seconde délibération, à la demande du Gouvernement, l'Assemblée nationale a rétabli le texte dans une formulation légèrement différente.

Sur le plan des principes, en effet, il est indispensable de définir l'objet du vote -c'est-à-dire ce sur quoi les assemblées devront statuer- car en l'absence d'une disposition expresse, on voit mal comment le Parlement pourrait se prononcer sur les conditions générales de l'équilibre financier.

Dès lors, le silence du texte n'aurait pas permis de respecter le cadre fixé par la Constitution.

En l'état, le texte rétabli par l'Assemblée nationale dispose ainsi que la loi de financement de l'année « approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale » .

Cette approbation serait exprimée par le vote sur le rapport visé à l'article L.O. 111-4.

b) Les prévisions des recettes

Dans le projet de loi organique initial, le Parlement ne se serait pas prononcé sur les recettes, mais aurait seulement disposé d'un état prévisionnel desdites recettes, au vu duquel il aurait fixé les objectifs de dépenses.

L'Assemblée nationale a jugé à juste titre que ce mécanisme demeurait en deçà du cadre assigné par le Constituant, à partir du moment où l'article 34 de la Constitution dispose bien que les lois de financement de la sécurité sociale comportent des prévisions de recettes. Là encore, cela implique que le Parlement puisse d'une façon ou d'une autre émettre un vote sur ces prévisions de recettes.

En d'autres termes, les recettes doivent figurer dans le corps même de la loi pour que celle-ci respecte le cadre constitutionnel.

Sur proposition de sa commission spéciale, assortie d'un sous-amendement du Gouvernement (destiné à intégrer non seulement les recettes des régimes obligatoires de base, mais aussi celles des organismes créés pour concourir à leur financement), l'Assemblée nationale a donc décidé de permettre clairement au Parlement de statuer sur les prévisions de recettes dans la loi de financement elle-même et non par le simple détour d'une annexe informative qui n'aurait pas été amendable.

c) Les objectifs de dépenses

L'Assemblée nationale a approuvé le principe proposé par le Gouvernement de distinguer :

- d'une part, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comportant plus de vingt mille cotisants,

- d'autre part, un objectif national de dépenses d'assurance maladie.

À la différence du projet de loi organique, toutefois, l'Assemblée nationale a jugé préférable que les objectifs autres que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie soient fixés par branche (branche « vieillesse », branche « famille », etc.), jugeant qu'un vote par régime aurait été peu significatif compte tenu du nombre et de la très grande diversité des régimes concernés.

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie devra quant à lui être fixé en montant et non en pourcentage d'évolution d'une année sur l'autre, contrairement à ce qu'avait initialement envisagé le Gouvernement.

d) Les autres dispositions législatives susceptibles d'être incluses dans les lois de financement de la sécurité sociale.

À s'en tenir au projet de loi organique initial, les lois de financement auraient pu contenir en outre « toutes dispositions législatives contribuant à l'équilibre financier prévisionnel des régimes obligatoires de base » .

Fidèle à l'objectif du Constituant de limiter dans toute la mesure du possible l'introduction de « cavaliers sociaux » dans les lois de financement -pour ne pas faire tomber dans la dérive des DMOS ni susciter d'interminables débats- l'Assemblée nationale a précisé cette rédaction initiale dans un sens plus limitatif.

Ainsi, les lois de financement ne pourraient contenir, outre les objectifs et prévisions précédemment évoqués, que des dispositions de nature législative « contribuant à assurer » l'équilibre financier prévisionnel de la sécurité sociale.

D'autre part, l'Assemblée nationale a établi un mécanisme de protection du domaine des lois de financement, inspiré de celui applicable aux lois de finances.

Ce mécanisme, retracé plus en détail dans la seconde partie du présent rapport, prévoit en particulier l'irrecevabilité des amendements et la disjonction des articles non conformes aux dispositions limitant le domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

e) La fixation des limites de couverture des besoins de trésorerie des régimes de sécurité sociale par des ressources externes

Dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, l'article L.O. 111-5 adopté par l'Assemblée nationale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale fixerait les limites dans lesquelles les besoins de trésorerie en cours d'exercice des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement pourraient être couvertes par des ressources externes.

Cette disposition a donné lieu à un débat approfondi, d'abord au sein de la commission spéciale puis en séance publique.

Elle pose en effet le problème très délicat de ce qu'on peut appeler « l'endettement » de la sécurité sociale, même si sur le plan strictement juridique, les mécanismes d'avances actuellement mis en oeuvre maintiennent la fiction de son non-endettement.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale souhaitait que le Parlement puisse se prononcer, non seulement sur les ressources de trésorerie proprement dites, mais aussi sur les éventuels emprunts à moyen et long terme des organismes de sécurité sociale.

Le Gouvernement s'est opposé à cette initiative, au motif « que ce serait reconnaître par avance que la sécurité sociale vit avec des ressources d'emprunt, et il faudrait craindre que s'instaure une sorte d'habitude » .

Au terme d'une longue discussion et d'une suspension de séance, la commission spéciale, compte tenu des objections du Gouvernement, a proposé un nouvel amendement dont son rapporteur a bien souligné qu'« il ne correspond pas tout à fait à l'ambition » de cette commission. Il a cependant souligné que « dans un régime bicaméral, il y a des navettes et le Sénat pourra donc approfondir le débat sur ce sujet » .

Le texte qui nous est présenté doit donc être considéré comme seulement transitoire, le Gouvernement ayant assuré de son côté qu'il ne manquerait pas d'« apporter lui aussi ses lumières » dans la suite de ce débat.

2. La procédure d'élaboration des lois de financement

Sur ce point, le projet de loi organique initial ne comportait que deux dispositions :

- la première, selon laquelle le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année serait déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale trente jours au plus tard après l'ouverture de la session ordinaire (article L.O. 111-6).

- la seconde, prévoyant que le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui, dans l'hypothèse où celle-ci n'aurait pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de financement dans le délai prévu par l'article 47-1 de la Constitution, soit vingt jours.

L'Assemblée nationale, tout en approuvant le texte du Gouvernement, a sensiblement accru ces dispositions de procédure, dont le détail est retracé dans la seconde partie du présent rapport.

Ses adjonctions les plus notables, au nombre de trois, méritent une mention particulière :

a) Un délai de vingt jours accordé au Sénat pour l'examen en première lecture du projet de loi de finances.

Alors même que la Constitution n'avait pas prévu de délai particulier pour le Sénat (sauf dans le cas où l'Assemblée nationale ne se serait pas prononcée dans les vingt jours), l'Assemblée nationale a jugé opportun d'accorder au Sénat vingt jours pour l'examen du projet de loi de financement en première lecture, c'est-à-dire le même délai qu'à elle-même.

Sensible à cette mesure allant dans le sens d'un bicaméralisme plus équilibré, votre commission des Lois n'en observe pas moins qu'elle pourrait se révéler difficilement compatible avec le rythme de travail du Sénat en automne.

Le Sénat doit en particulier tenir compte de ses propres contraintes d'examen de la loi de finances, qui sont évidemment très différentes de celles de l'Assemblée nationale puisqu'il ne dispose à cette fin que de vingt jours au lieu de quarante.

Dans ces conditions, votre commission des Lois, en plein accord avec la commission des Affaires sociales et la commission des Finances, considère que ce délai de vingt jours proposé au Sénat par l'Assemblée nationale aurait sans doute plus d'inconvénients que d'avantages.

b) L'examen du projet de loi de financement selon la procédure d'urgence

Comme la loi de finances, la loi de financement serait examinée selon la procédure d'urgence, c'est-à-dire que la commission mixte paritaire pourrait être réunie après une seule lecture dans chaque assemblée.

Compte tenu du délai total d'examen de la loi de financement accordé au Parlement par l'article 47-1 de la Constitution, soit cinquante jours, l'Assemblée nationale a été animée par le souci de permettre l'achèvement de la procédure avant la fin de l'année, de façon à ce que la loi de financement puisse être mise en application dès le début de l'année suivante.

Le recours à la procédure d'urgence avait d'ailleurs été envisagé comme une perspective probable lors des travaux sur la révision constitutionnelle.

Votre commission des Lois rappelle néanmoins que la convocation d'une commission mixte paritaire n'est jamais une obligation pour le Premier ministre. Il s'agit seulement d'une faculté, dont il est libre d'user ou de ne pas user.

c) L'institution d'un mécanisme de sauvegarde si l'objectif national de dépenses d'assurance maladie n'a pu être fixé avant le début de l'exercice.

Sur le plan de la procédure, la troisième adjonction la plus notable de l'Assemblée nationale résulte d'un amendement de M. Jean-Pierre Delalande.

L'article L.O. 111-8 instaure un mécanisme de sauvegarde dans l'hypothèse où l'objectif national de dépenses d'assurance maladie n'aurait pas pu être fixé avant le début de l'exercice. Dans ce cas, l'objectif de l'année précédente serait reconduit.

Peu convaincu que ce dispositif trouve réellement à s'exercer. Gouvernement s'est contenté sur ce point de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée nationale.

B. LES ORIENTATIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : RECENTRER LA LOI DE FINANCEMENT SUR L'ESSENTIEL ET RENDRE SON EXAMEN COMPATIBLE AVEC CELUI DE LA LOI DE FINANCES

Lors la révision constitutionnelle, le Sénat a vivement souhaité que les lois de financement de la sécurité sociale soient des lois brèves, centrées sur l'essentiel, et dont l'examen en séance publique n'excède pas des durées raisonnables.

De même, il est très vite apparu qu'il serait impératif d'organiser une conciliation la plus rationnelle possible entre le calendrier d'examen de la loi de financement et celui de la loi de finances, notamment au Sénat qui dispose seulement de vingt jours pour examiner le budget en première lecture, à la différence de l'Assemblée nationale qui dispose de quarante jours.

*
* *

Dans son rapport écrit, le rapporteur de la commission spéciale de l'Assemblée nationale estimait que « le contenu des lois de financement demeure perfectible » et que « les dispositions procédurales doivent être complétées » .

Votre commission des Lois a partagé le même point de vue à propos du texte dont elle était saisie, et s'est efforcée de prolonger la démarche de l'Assemblée nationale en fonction des objectifs qui viennent d'être rappelés.

1. Les lois de financement de la sécurité sociale doivent permettre au Parlement de se prononcer de façon claire sur des choix essentiels

Conformément à la Constitution, les lois de financement doivent déterminer les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Pour satisfaire à cette exigence constitutionnelle, il est nécessaire que certains choix fondamentaux qui déterminent ces conditions générales puissent figurer dans le corps même de la loi de financement.

Or, dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, le Parlement se contenterait d'approuver un rapport présenté par le Gouvernement.

Cette formule ne paraît pas conférer sa pleine effectivité à l'article 34 de la Constitution, car elle se limite à l'approbation d'un rapport purement descriptif.

Pour demeurer aussi proche que possible du texte constitutionnel, votre commission des Lois présente un amendement conférant un contenu à la fois plus concret et plus normatif à la loi de financement en ce qui concerne la détermination des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

2. L'exercice du droit d'amendement doit pouvoir s'exercer pleinement mais sans conduire à une surcharge de la séance publique

Le système d'approbation d'un rapport aurait outre un inconvénient pratique non négligeable : celui de déplacer l'exercice du droit d'amendement sur le rapport, non sur la loi de financement elle-même.

Or l'expérience enseigne qu'en pareil cas, le risque de dérive n'est pas négligeable, comme on le constate souvent lors de la discussion de lois d'orientation approuvant des rapports annexés, notamment les lois de Plan.

En pratique, ces rapports se présentent généralement comme des exercices plus descriptifs -voire plus littéraires- que réellement normatifs. Ils peuvent, comme tels, donner prise à une multitude d'amendements.

Votre commission des Lois y a vu un motif supplémentaire pour proposer au Sénat un autre dispositif selon lequel le rapport ne serait conçu que comme un simple document informatif laissé à l'entière responsabilité du Gouvernement. Ce rapport ne serait donc plus amendable.

Le droit d'amendement porterait en revanche sur le texte même de la loi, ce qui éviterait les dérives si, comme il se doit, la loi de financement demeure un texte concis, axé sur l'essentiel.

D'autre part, votre commission des Lois propose au Sénat plusieurs modifications relatives aux règles de recevabilité des amendements adoptées par l'Assemblée nationale. Loin de les contredire, elles tendent au contraire à leur conférer une plus grande efficacité, tout en demeurant compatibles avec la pratique de chaque assemblée.

3. Les conditions d'examen de la loi de financement doivent être compatibles avec la discussion de la loi de finances au Sénat

Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, la période de l'année durant laquelle la loi de financement devrait être discutée se situe en automne.

Lors de la révision constitutionnelle, votre rapporteur avait pourtant souligné que l'article 47-1 de la Constitution fixait des délais mais qu'il ne fixait pas le moment du dépôt du projet de loi de financement.

En pratique, plusieurs périodes ont pu être envisagées : l'une en automne -c'est celle que l'Assemblée nationale a finalement retenue sur la proposition du Gouvernement- l'autre en janvier, voire plus tard, comme l'avait préconisé le président de la commission des Finances du Sénat, M. Christian Poncelet, lors de la révision constitutionnelle, ou au printemps, comme M. Jean-Pierre Delalande l'a proposé à l'Assemblée nationale.

Pour le Président Christian Poncelet, l'objectif essentiel était d'éviter le « télescopage » entre l'examen de la loi de financement et celui de la loi de finances, en particulier au Sénat, car celui-ci ne dispose que de vingt jours pour examiner le budget en première lecture.

De cette période de vingt jours, il serait matériellement impossible de divertir quinze jours pour l'examen du projet de loi de financement.

Le problème ne se poserait pas s'il avait été prévu que le projet de loi de financement soit déposé sur le Bureau du Sénat plutôt que sur celui de l'Assemblée nationale. Le Sénat aurait alors pu examiner ce projet pendant que l'Assemblée aurait examiné le projet de loi de finances.

C'est la formule qu'avait préconisée notre excellent Collègue, M. Jacques Oudin, dans un amendement dont l'exposé des motifs mérite d'être cité :

« La discussion en parallèle de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de finances va poser un problème pratique d'encombrement de l'ordre du jour, qui risque de rendre inconciliables les délais impératifs fixés pour chacune de ces deux lois.

« Une solution pragmatique consisterait à déposer la loi de financement d'abord sur le Bureau du Sénat. Celui-ci pourra ainsi se prononcer avant d'engager la discussion budgétaire, puis l'Assemblée nationale pourra à son tour se prononcer après avoir adopté la loi de finances. De cette façon, les discussions des deux catégories de lois alterneront harmonieusement au lieu de se contrarier (...) » .

Le Président Michel Dreyfus-Schmidt a défendu le même point de vue en séance publique, mais le Constituant a finalement opté pour le dépôt en premier sur le Bureau de l'Assemblée nationale.

Quoi qu'il en soit, fidèle à la position qu'il avait soutenue lors de la révision constitutionnelle, le Gouvernement a souhaité que la discussion du projet de loi de financement de l'année intervienne durant l'automne, afin de faire prévaloir la coordination la plus étroite possible entre la loi de finances et la loi de financement.

Pour M. Jacques Toubon, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le principe devant guider l'examen de ces deux textes était en effet résumé dans la formule suivante : « dépôt décalé, discussion intercalée, adoption quasi simultanée » .

Votre commission des Lois n'a pas remis en cause le choix de l'automne pour l'examen de la loi de financement, même s'il ne résulte aucunement d'une obligation constitutionnelle. Mais elle a dû tirer les conséquences de ce choix, en réaménageant le calendrier proposé par l'Assemblée nationale.

Dans ce cadre, reste à s'interroger sur la date du dépôt du projet de loi de financement.


• L'Assemblée nationale propose que ce dépôt intervienne trente jours au plus tard après l'ouverture de la session ordinaire, c'est-à-dire, en pratique, aux alentours du 30 octobre.

Le problème est qu'en l'espèce, le calendrier d'examen du projet de loi de finances est enserré comme celui de la loi de financement dans des délais constitutionnels stricts dont il convient de rechercher la meilleure conciliation possible.

La date de dépôt du projet de loi de financement de l'année est donc d'une importance capitale dans la mesure où elle commande la suite du programme d'examen de ces deux textes.

Ainsi qu'il a été dit, une des principales préoccupations du Sénat, lors de la révision constitutionnelle, était d'éviter dans toute la mesure du possible le chevauchement entre l'examen en séance publique de la loi de finances et de la loi de financement.

Car il ne faudrait pas que l'extension des compétences du Sénat en matière d'équilibre financier de la sécurité sociale soit au détriment de ses pouvoirs budgétaires.

Or, le Sénat ne dispose que de vingt jours pour examiner la loi de finances en première lecture, alors que l'Assemblée nationale dispose de quarante jours.

Il en résulte que la discussion du budget en séance publique débute au Sénat dès que celui-ci est saisi du texte voté par l'Assemblée nationale et qu'elle se déroule selon un calendrier particulièrement serré.

Dans ces conditions, il est impossible pour le Sénat d'insérer la discussion de la loi de financement dans celle de la loi de finances.

Pour éviter cet écueil, il faut donc que le Sénat soit saisi du projet de loi de financement assez tôt pour qu'il ait eu le temps d'en achever l'examen en première lecture avant que ne commence celui de la loi de finances.

Or, puisque le Sénat intervient en second, cet objectif ne pourra être respecté que si le projet de loi de financement est déposé assez tôt sur le Bureau de l'Assemblée nationale.

La formule proposée aujourd'hui par le Gouvernement et adoptée par l'Assemblée ne répond pas à cette préoccupation du Sénat.

C'est pourquoi votre commission des Lois, en plein accord avec la commission des Finances et la commission des Affaires sociales, propose au Sénat de prévoir que le projet de loi de financement soit déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale, non pas trente jours au plus tard, mais au plus tard le quinze octobre, ou le premier jour ouvrable qui suit si cette date tombe un jour férié.

De cette sorte, même si l'Assemblée nationale utilise intégralement son délai de vingt jours pour examiner en première lecture le projet de loi de financement, le Sénat serait saisi du texte le 5 novembre.

Le projet de loi de finances ne lui étant transmis qu'aux alentours du 20 novembre -soit quinze jours plus tard- le Sénat serait ainsi à même d'avoir achevé l'examen en séance publique du projet de loi de financement avant que débute l'examen en séance publique du projet de loi de finances, pour peu toutefois qu'il ne consacre pas plus de quinze jours à la loi de financement.

Bien entendu, cet échéancier suppose que le Gouvernement respecte effectivement les délais prévus et même qu'il s'efforce de déposer le projet de loi de financement sur le Bureau de l'Assemblée nationale un peu avant la date limite prévue par la loi organique.

En cas de dépôt tardif, en revanche, il faudrait :

- soit interrompre la discussion budgétaire au Sénat pour permettre l'examen du projet de loi de financement, ce qui n'est pas envisageable car le budget doit impérativement être votée aux alentours du 20 décembre de manière à être promulgué avant le commencement de l'exercice suivant ;

- soit différer l'examen du projet de loi de financement, avec tous les inconvénients que cela implique.

C'est pourquoi votre commission des Lois considère que cette date du 15 octobre constitue à la fois une sauvegarde indispensable et une garantie de pouvoir adopter à temps la loi de financement de la sécurité sociale sans porter atteinte aux pouvoirs budgétaires du Sénat.

En définitive, la date du 15 octobre représente la conséquence nécessaire du dépôt du projet de loi de financement sur le Bureau de l'Assemblée nationale.

Si le projet devait être déposé à une date plus tardive, il faudrait envisager de reporter l'examen de la loi de financement à une date ultérieure. Or, la commission des Affaires sociales insiste sur le fait que le calendrier doit permettre d'établir clairement les règles du jeu avec les professions de santé dans un processus qui doit impérativement s'achever au plus tard dans le courant du mois de février de leur année d'application. Il lui paraît donc indispensable que la loi de financement soit votée définitivement avant le 31 décembre de l'année précédente.


Mais surtout, la proposition formulée par votre commission des Lois, de ramener au 15 octobre la date du dépôt du projet de loi de financement, n'a de portée pratique que si le Sénat s'en tient à quinze jours.

Votre commission des Lois est certes très sensible au fait que l'Assemblée nationale ait jugé opportun d'accorder au Sénat le même délai qu'à elle-même. Mais tout en se félicitant de cette initiative conforme à l'esprit du bicaméralisme, elle constate que ce délai de vingt jours pourrait comporter plus d'inconvénients que d'avantages en risquant de provoquer un chevauchement entre l'examen de la loi de financement et l'examen de la loi de finances.

D'ailleurs, sans préjuger des délais qui seront réellement nécessaires pour examiner la loi de financement en première lecture, il est souhaitable que les débats sur ce texte n'excèdent pas une durée raisonnable, ainsi que chacun s'est accordé à l'admettre lors de la révision constitutionnelle.

En effet, la loi de financement de la sécurité sociale devra rester un texte bref, parfaitement centré sur son objet constitutionnel.

Dans ces conditions, il ne nécessitera pas d'interminables débats en séance publique et ne devra pas donner prise à d'innombrables amendements.

Dans le cas contraire, outre le risque d'allongement des débats, la loi de financement y perdrait de sa lisibilité et de sa consistance -sans y gagner pour autant de valeur normative- et s'écarterait totalement des objectifs définis par le Constituant.

C'est pourquoi votre commission des Lois, en plein accord avec la commission des Affaires sociales et la commission des Finances, propose au Sénat de ramener de vingt à quinze jours le délai dont il disposera en vertu de la loi organique pour examiner en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

4. Le projet de loi organique doit être complété en vue d'un meilleur contrôle parlementaire de l'application des lois de financement

L'article 47-a, alinéa 4, de la Constitution dispose que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement.

Cette disposition, inspirée de celle applicable au contrôle de l'application des lois de finances, fonde le principe constitutionnel, non seulement de l'assistance de la Cour des comptes, mais également d'un contrôle particulier du Parlement sur ces deux catégories de loi.

Pour être pleinement efficace, ce contrôle suppose que des procédures particulières soient instituées, faute de quoi il ne se différencierait en rien du contrôle classique que le Parlement effectue sur l'application des autres textes législatifs.

Pour la loi de finances, ces procédures existent. Les commissions des Finances de chaque assemblée disposent ainsi de différents instruments pour remplir leur mission spécifique.

Or, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne comporte pratiquement aucune disposition sur le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Sur ce point, votre commission des Lois a jugé souhaitable de le compléter avec là encore, le souci de permettre au Parlement d'exercer pleinement les compétences nouvelles qui résultent de la révision constitutionnelle du 22 février 1996.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(supprimé par l'Assemblée nationale)

Cet article, supprimé en première lecture par l'Assemblée nationale, comportait différentes dispositions de simple coordination.

Il proposait :

- d'une part, de créer une section 1 au sein du chapitre premier du titre premier du livre premier du code de la sécurité sociale, de façon à y regrouper deux articles existants (articles L. 111-1 et L. 111-2) dans une division à valeur législative simple, distincte de la section 2 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (dispositions à valeur organique) dont la création est proposée par l'article 2 :

- d'autre part, d'abroger les actuels articles L. 111-3 et L. 111-4 du même code, auxquels se substitueraient des dispositions à caractère organique.

Dans la mesure où ces deux modifications ne sont que la conséquence des mesures proposées par l'article 2 du projet de loi organique, l'Assemblée nationale a jugé plus logique de les faire figurer à la fin (sous l'article 4) plutôt qu'au début du projet de loi.

Votre commission des Lois ne peut qu'approuver cette démarche.

Aussi vous propose-t-elle de confirmer la suppression de l'article premier.

Article 2
(articles L.O. 111-3 à L.O. 111-8 du code de la sécurité sociale)
Insertion dans le code de la sécurité sociale des dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale

Cet article propose d'insérer, dans le chapitre premier du titre premier du livre premier du code de la sécurité sociale, une section 2 nouvelle consacrée aux lois de financement de la sécurité sociale.

Cette section comporterait six articles précisant le contenu des lois de financement, les documents qui y seraient joints, ainsi que les conditions de leur dépôt et de leur examen.

Avant même d'en examiner les dispositions, votre rapporteur s'est interrogé sur l'option consistant à codifier dans une section d'un chapitre existant du code de la sécurité sociale les dispositions organiques nécessaires à la mise en oeuvre de la révision constitutionnelle.

Cette technique, même si elle n'est pas nouvelle, ne lui paraît pas très satisfaisante.

Sans doute l'existence d'articles de valeur organique (numérotés L.O.) au sein de codes dont la plupart des dispositions sont seulement de valeur législative simple n'est-elle pas une innovation juridique.

Le code électoral, auquel votre commission des Lois est plus fréquemment confrontée qu'au code de la sécurité sociale, en est l'exemple même. Mais la pratique incite justement à en nuancer la valeur exemplaire, car l'enchevêtrement de dispositions électorales codifiées (les unes à valeur organique, les autres à valeur législative ordinaire) et de dispositions non codifiées rend fort complexe la bonne connaissance du droit électoral, même pour des spécialistes avertis. Est-il judicieux de susciter semblable difficulté dans la connaissance du droit social ?

Cette méthode appelle deux autres observations d'ordre plus général.

En premier lieu, la loi organique soumise à l'examen du Parlement est avant tout une loi relative à la procédure législative.

La procédure législative -qu'elle soit ordinaire ou spéciale- est un élément des rapports entre le Parlement et le Gouvernement (l'article 47-1 de la Constitution figure d'ailleurs bien dans le titre V de la Constitution traitant de ces rapports).

Sur le plan des principes, organiser ces rapports dans un code traitant d'un tout autre domaine -celui de la sécurité sociale- n'est peut-être pas la méthode la plus orthodoxe.

À titre de comparaison, les dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale n'auront pas la même unité structurelle que celles concernant les lois de finances, qui figurent toutes dans un texte de base spécifique, l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

En second lieu -mais dans le prolongement direct de cette première réflexion- votre rapporteur regrette la dispersion des dispositions organiques adoptées depuis 1958 (la première d'entre elles fut l'ordonnance du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires), certaines ayant été incorporées au sein de différents codes, d'autres ayant au contraire conservé leur individualité propre.

Or, la principale caractéristique des lois organiques n'est pas tant la matière qu'elles traitent, que leur position dans la hiérarchie des normes, c'est-à-dire leur caractère organique, puisqu'elles ont toutes pour objet de fixer les conditions d'application de la Constitution dans les seuls domaines et les seuls cas où celle-ci le prévoit expressément. C'est d'ailleurs pourquoi le Conseil constitutionnel les a agrégées à ce qu'il est convenu de désigner le « bloc de constitutionnalité ».

De même qu'il ne serait guère concevable que les règles constitutionnelles soient ventilées dans différents codes, selon la matière qu'elles traitent (on aurait alors des articles numérotés L.C.), de même serait-il logique que les lois organiques figurent toutes dans un unique recueil, offrant une vue d'ensemble cohérente de toutes les règles de valeur organique. Leur accessibilité, donc leur connaissance, s'en trouveraient largement facilitées.

Pour remédier à la dispersion des dispositions organiques, les deux assemblées ont d'ailleurs publié un « Recueil des textes relatifs aux pouvoirs publics » régulièrement remis à jour, où figurent les lois organiques assorties d'une liste chronologique et d'une table analytique.

Quoi qu'il en soit, et sans contester aucunement le principe de la codification, votre rapporteur estime que sa mise en oeuvre devrait mieux prendre en compte le caractère spécifique des lois organiques. À cet égard, il se félicite de ce que la Commission supérieure de codification ait inscrit au programme des ses futurs travaux un « code des pouvoirs publics », où les lois organiques -dont celle sur les lois de financement de la sécurité sociale- trouveront leur place naturelle.

Pour l'heure, votre rapporteur a estimé que les dispositions organiques dont l'insertion dans le code de la sécurité sociale est proposée par le présent article devraient à tout le moins être individualisées dans un chapitre spécifique du titre premier du livre premier, et non dans la section 2 d'un chapitre qui comporterait par ailleurs des dispositions à valeur législative simple.

Aussi votre commission des Lois vous propose-t-elle de faire figurer les articles L.O. 113-3 et suivants dans un chapitre distinct à valeur organique, plutôt que dans une section 2 du chapitre premier.

Pour respecter à la fois la structure actuelle du code de la sécurité sociale (dont le titre premier du livre premier comporte déjà un chapitre 2, même si celui-ci est vide) et les règles de numérotation des articles des codes, ce chapitre serait inséré après le chapitre premier et porterait le numéro premier bis.

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* *

Pour le reste, l'article 2 du projet de loi organique, tel qu'il résulte des travaux en première lecture de l'Assemblée nationale, comporte cinq articles justifiant chacun un commentaire séparé.

Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale
Contenu et protection du domaine des lois de financement de la sécurité sociale


• Paragraphe I : la détermination du contenu des lois de financement de la sécurité sociale.

Ce paragraphe comporte cinq alinéas.

=> Le premier alinéa pose le principe de l'annualité des lois de financement de la sécurité sociale : il dispose en effet qu'une loi de financement devra comporter « chaque année » un certain nombre de dispositions dont les alinéas suivants énumèrent le détail.

Le principe d'une périodicité annuelle figurait dans la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle.

Mais la disposition selon laquelle le Parlement aurait voté « chaque année » cette loi, ainsi que l'emploi du singulier, comportaient selon l'Assemblée nationale un risque d'ambiguïté : ils donnaient à penser que la loi de financement ne pourrait être modifiée en cours d'année par d'autres lois de même nature et « sans que les résultats de leur application puissent être ultérieurement constatés par le Parlement par un texte analogue aux lois de règlement » {cf. le rapport présenté au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale par son Président, M. Pierre Mazeaud).

Soucieuse d'éviter cette lecture trop restrictive, l'Assemblée nationale avait donc adopté un amendement substituant le pluriel au singulier dans la rédaction de l'article 47-1 de la Constitution et, par voie de conséquence, supprimé la référence au caractère annuel de l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Dans le présent projet de loi organique, les différentes lois de financement sont clairement identifiées : la loi de financement de l'année et les lois de financement rectificatives.

Pour autant, l'annualité de la loi de financement n'aura pas la même portée que celle de la loi de finances.

En droit budgétaire, l'annualité a pour conséquence, sauf dispositions contraires, que les autorisations de recettes et de dépenses ne sont valables que pour un an, ou plus précisément, pour l'année civile concernée.

Un tel principe n'est pas transposable aux lois de financement de la sécurité sociale. Il devrait néanmoins trouver à s'appliquer pour celles des dispositions présentant un caractère incontestablement normatif, notamment l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

=> Le deuxième alinéa (1°) prévoit que la loi de financement « approuve » des orientations de la politique de santé et de sécurité sociale

Ainsi qu'il a été dit, cet alinéa résulte d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en seconde délibération.

Dans un premier temps, les députés avaient adopté un amendement de M. Jean-Pierre Delalande supprimant l'alinéa selon lequel la loi de financement de la sécurité sociale « approuve les orientations et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale » . Pour l'auteur de l'amendement, cette disposition conduisait à faire approuver un rapport d'orientation sur la sécurité sociale alors que la loi constitutionnelle donne au Parlement compétence pour « déterminer » les conditions générales de l'équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes « fixer » les objectifs de dépenses.

La rédaction issue de la seconde délibération de l'Assemblée nationale marque un certain progrès, en faisant explicitement référence au secteur de la santé. Elle confirme le rôle que devra jouer à l'avenir la représentation nationale dans l'évolution de ce secteur, conformément aux travaux préparatoires de la révision constitutionnelle.

Elle ne lève cependant pas toutes les ambiguïtés, le ministre du Travail et des Affaires sociales ayant indiqué le 25 avril dernier à l'appui de l'amendement du Gouvernement en seconde délibération que les lois de financement « doivent approuver l'exploitation des politiques qui est donnée dans le rapport du Gouvernement » . Le Gouvernement pourrait dans cette optique se contenter de déposer un projet de loi de financement constitué d'un article unique rédigé de la sorte : « Le rapport annexé à la présente loi est approuvé » .

Votre commission des Lois ne saurait souscrire à une conception aussi restrictive.

D'une part, elle ne serait conforme, ni à la lettre, ni à l'esprit de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 instituant les lois de financement de la sécurité sociale, dont l'article 1er dispose que ces lois « déterminent les conditions générales de la sécurité sociale » .

D'autre part, elle conduirait à vider complètement de sa substance le projet de loi de financement de la sécurité sociale et à déplacer le débat -donc les amendements- sur le contenu du rapport visé à l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale. Outre la multiplication des amendements, dont on peut aisément imaginer les conséquences pour le déroulement de la séance publique, cette solution n'apparaît pas logique.

En effet, ce rapport ne peut se concevoir que comme justifiant les orientations présentées dans le projet de loi annuel de financement de la sécurité sociale.

Le projet de loi doit quant à lui comporter un certain nombre d'articles -d'ailleurs limité- permettant au Parlement de fixer lui-même les choix et les orientations déterminant l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Autrement dit, votre commission des Lois juge préférable de distinguer ce qui est normatif (le contenu du projet de loi) de ce qui ne l'est pas (le contenu du rapport ainsi que les annexes). Cette distinction est essentielle quant à l'exercice du droit d'amendement, qui ne devrait ainsi porter que sur le seul contenu du projet de loi lui-même.

Une telle distinction est respectée sans aucune difficulté dans la discussion de la loi de finances. Le projet de budget est en effet assorti d'un « rapport définissant l'équilibre économique et financier, les résultats connus et les perspectives d'avenir » (art. 32 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances). Ce rapport n'est pas amendable et n'est pas soumis au vote du Parlement. Il s'agit d'un document simplement destiné à éclairer le Parlement sur l'analyse de la situation par le Gouvernement et sur les choix qui en découlent.

Pour lever toute équivoque, il convient donc d'écarter toute rédaction selon laquelle la loi de financement ne ferait qu'approuver le rapport présenté par le Gouvernement. Une telle formule ne respecterait pas le cadre assigné par le Constituant.

Aussi, comme il a été indiqué dans la première partie du présent rapport, votre commission des Lois propose-t-elle de modifier la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 111-3 du code de la sécurité sociale :

- en reprenant la formulation constitutionnelle selon laquelle la loi de financement détermine les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

- en précisant que ces conditions générales résultent des choix et des orientations de santé et de sécurité sociale que cette loi aura elle-même fixés.

Cette articulation, tout en s'inspirant de la rédaction de l'Assemblée nationale mentionnant « des orientations de la politique de santé et de sécurité sociale » , permettrait de mieux cerner les éléments sur lesquels le Parlement sera appelé à se prononcer, en tant qu'ils détermineront les conditions générales d'équilibre financier.

Il s'agira, en premier lieu, des choix de santé et non des orientations de la politique de santé, lesquelles resteront en tout état de cause déterminées à titre principal par la loi de finances de l'année à travers le vote des crédits du ministère compétent ; et en second lieu, des orientations de sécurité sociale ayant une incidence significative sur son équilibre financier.

=> Le troisième alinéa (2°) de cet article concerne les prévisions de recettes.

L'article premier de la loi constitutionnelle indique que les prévisions de recettes doivent être prises en compte pour la fixation des objectifs de dépenses de sécurité sociale.

Par rapport au projet de loi organique initial, la rédaction de cet alinéa a été sensiblement modifiée par un amendement de la commission spéciale de l'Assemblée nationale assorti d'un sous-amendement du Gouvernement.

Alors que le projet initial proposait de faire figurer en annexe « un état prévisionnel des recettes » , les députés ont souhaité que celles-ci soient retracées dans la loi et que leur présentation soit ventilée « par catégorie » .

Comme l'a souligné le rapporteur de la commission spéciale, un vote par régime n'aurait en effet aucun intérêt pédagogique : « les régimes sont tellement différents tant en ce qui concerne le nombre de retraités et d'actifs qu'en ce qui concerne les structures, que des votes par régime n `auraient aucun sens. Par branche, on pourra faire apparaître la situation de la branche maladie, celle de la branche famille et celle de la branche vieillesse, de façon que chaque Française et chaque Français puisse prendre conscience des difficultés rencontrées par les diverses branches ou des perspectives rencontrées par les unes ou les autres » .

Le sous-amendement du Gouvernement a joint à ces prévisions de recettes celles concernant les recettes des organismes créés pour concourir au financement des régimes obligatoires de base.

Pour l'heure, un seul organisme est réellement concerné par cette disposition : le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) institué par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993, dont la mission a été recentrée par l'ordonnance relative au remboursement de la dette sociale sur le financement des avantages de vieillesse non contributifs relevant de la solidarité nationale. En revanche, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) créée par la même ordonnance n'est pas en cause puisqu'elle ne concourt pas stricto sensu au financement des régimes mais à l'apurement du solde déficitaire cumulé du régime général et, dans une moindre mesure, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés.

Votre rapporteur avait observé que les termes « organismes créés pour concourir » au financement des régimes obligatoires, tels qu'ils figurent dans la présente disposition, n'avaient pas été harmonisés par l'Assemblée nationale avec l'expression « organismes concourant » au financement desdits régimes, modifiée par rapport au projet de loi organique initial dans le e) de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale. Aussi avait-il songé à proposer d'opérer cette harmonisation.

Mais une observation de notre excellent Collègue, M. André Bohl, l'a finalement convaincu d'opter pour la solution inverse : rétablir partout l'expression « organismes créés pour concourir » plutôt que celle d' « organismes concourant » . En effet, il semble bien que certains organismes concourent sous différentes modalités au financement de régimes obligatoires spéciaux sans, pour autant, avoir été expressément créés à cette fin ; à la limite, à s'en tenir à l'acception usuelle du verbe « concourir » , on pourrait même considérer qu'il s'applique à tout organisme acquittant simplement ses cotisations de sécurité sociale. Or, l'intention du Gouvernement -comme celle de votre commission des Lois- n'est nullement de viser tous ces organismes, mais seulement ceux qui ont été créés (ou qui viendraient à l'être) dans le but de concourir au financement des régimes concernés.

Votre commission des Lois a donc approuvé en l'état les modifications adoptées par l'Assemblée nationale (insertion des prévisions de recettes dans le dispositif même de la loi de financement, présentation par catégorie, élargissement aux recettes des organismes créés pour concourir au financement).

Votre rapporteur préconise néanmoins que les prévisions de recettes présentées au Parlement fassent clairement apparaître les cinq catégories suivantes :

1°) les cotisations sociales (effectives ou fictives 1 ( * ) , selon le cas) ;

2°) les impôts et taxes affectés (y compris la contribution sociale généralisée) ;

3°) les contributions publiques telles qu'elles sont définies dans le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, savoir :

- les subventions d'équilibre,

- le remboursement par l'État de certaines prestations sociales non contributives (AAH, ARS) 2 ( * ) ,

- le remboursement des exonérations de cotisations ;

- les concours du Fonds solidarité vieillesse ;

4°) les transferts de compensation entre régimes ;

5°) le cas échéant, les autres recettes (revenus des placements par exemple).

=> Le quatrième alinéa (3°) est relatif à la fixation des objectifs de dépenses

Cet alinéa dispose que la loi de financement fixera les objectifs de dépenses des régimes obligatoires en précisant en outre, d'une part, que cette détermination s'effectuera par branche, d'autre part, que les régimes concernés seront les régimes obligatoires de base comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres.

Cette rédaction résulte d'un amendement de la commission spéciale de l'Assemblée nationale.

Votre rapporteur partage le point de vue de M. André Fanton selon lequel la loi de financement doit retracer ces dépenses par branche, et non par régime. Il appelle néanmoins l'attention sur trois points :

1. la notion de « branche de la sécurité sociale » n'a été consacrée que récemment, et uniquement pour le régime général, par l'article 200-2 du code de la sécurité sociale :

« Le régime général comprend quatre branches :

1 ° maladie, maternité, invalidité et décès ;

2° accidents du travail et maladies professionnelles ;

3° vieillesse et veuvage ;

4°famille. »

Il est dès lors indispensable que la ventilation entre les quatre branches des dépenses des régimes entrant dans le cadre de la loi de financement soit calquée sur celle du régime général et que les frais de gestion de chacun de ces risques soient ventilés de façon cohérente. En effet, certains régimes versent actuellement des prestations relevant de plusieurs branches (régime des mines, SNCF, RATP, etc.). Constatant qu'une telle présentation par risque est déjà respectée dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, votre rapporteur ne doute pas de l'applicabilité d'une telle mesure.

On notera toutefois que ces branches présentent des caractéristiques très distinctes :

- la branche famille présente un caractère quasi-universel puisque, depuis 1978, les mêmes prestations familiales sont attribuées, sans condition d'activité professionnelle, à toute personne française ou étrangère résidant en France métropolitaine et que les comptes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) retracent les recettes et les dépenses de tous les régimes servant des prestations familiales (même s'il existe quatre grands dispositifs de gestion distincts : le régime général, les régimes agricoles, le régime minier, les régimes spécifiques dits « d'employeurs ») ;

- s'agissant de la branche accidents du travail, l'essentiel des dépenses relève du régime général (43 milliards de dépenses prévues pour 1996), du régime des salariés agricoles (qui devrait acquitter pour cette année 2,4 milliards de prestations à ce titre) et du régime minier (3,5 milliards pour 1996) ;

- en ce qui concerne les branches maladie et vieillesse, le paysage est plus diversifié. Parmi la vingtaine de régimes comptant plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres, un tiers relève de la seule branche vieillesse. Il s'agit notamment des régimes des agents des collectivités locales (CNRACL), des ouvriers de l'État (FSPOEIE), des personnels des chemins de fer d'intérêt local (CAMR), des ministres du culte (CAMAVIC), des artisans (C ANC A VA), des personnels de l'industrie et du commerce (ORGANIC) et des barreaux français (CNBF). Un seul régime ne relève que de la branche maladie, à savoir celui des travailleurs non salariés non agricoles (CANAM).

En revanche, la majorité des régimes dispensent à la fois des prestations maladie et des prestations vieillesse. C'est le cas du régime général, du régime des salariés agricoles, des mines, des marins, des exploitants agricoles, etc.

La présentation de comptes distincts ne devrait toutefois pas faire l'objet de difficultés majeures dans la mesure où cette distinction est déjà opérée dans les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

2. Le fait que le champ d'application du 2° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ne soit pas identique à celui du 3° de cet article ne permettra pas d'effectuer une comparaison exacte entre le total de l'ensemble des recettes prévisionnelles des régimes obligatoires de base concernées par le 2° et le total des dépenses déterminées par le 3°. Dans ce dernier cas, en effet, seuls les régimes obligatoires de base comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres seront pris en compte.

L'inconvénient demeure néanmoins faible car les régimes comptant plus de 20 000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres (il s'agit des régimes entrant dans le champ des procédures de compensation financières entre régimes) assurent 99 % des prestations de sécurité sociale.

De plus, il convient de rappeler que le Gouvernement a souhaité éviter tout ce qui conduirait le Parlement à voter une sorte d'article d'équilibre des comptes de la sécurité sociale, formule écartée lors de la révision constitutionnelle.

3. La situation du régime des fonctionnaires de l'État au regard des lois de financement de la sécurité sociale mérite d'être précisée. En effet, juridiquement, la protection sociale des fonctionnaires civils et militaires de l'État fait l'objet d'un dispositif spécifique :

- les prestations familiales et les cotisations correspondantes sont versées directement par l'État (en tant qu'employeur) et sont retracées dans les comptes de la CNAF, dans le cadre spécifique défini par l'article 20 de l'ordonnance de 1967 ;

- les prestations en nature de l'assurance maladie sont gérées par des organismes mutualistes pour le compte du régime général en ce qui concerne les fonctionnaires civils et par un établissement public créé en 1946 -la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS)- pour les fonctionnaires militaires ;

- les pensions de vieillesse et d'invalidité ne sont pas régies par le code de la sécurité sociale mais par le code des pensions civiles et militaires. Ces risques ne sont pas gérés 3 ( * ) par des caisses ayant la personnalité morale ou l'autonomie financière, ni même dans des comptes spécifiques tenus par les services gestionnaires. Certains considèrent en réalité qu'il s'agit d'un élément statutaire qui n'a pas sa place dans les lois de financement.

Sans méconnaître tous ces arguments juridiques, votre rapporteur n'a toutefois jugé ni nécessaire, ni opportun, de restreindre le champ des lois de financement.

D'une part, les fonctionnaires bénéficient bien de prestations sociales et celles-ci ont un coût retracé dans les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale. On ne voit pas pourquoi ce coût aurait un sort différent de celui des fonctionnaires des collectivités locales, lesquels relèvent d'une caisse nationale de retraite.

D'autre part, la protection sociale des fonctionnaires de l'État entre dans les calculs du système des compensations inter-régimes ; elle est assimilée, de fait, à un régime de sécurité sociale, ce régime reverse ainsi annuellement aux autres régimes près de 19 milliards de francs.

=> Le cinquième alinéa (4°) de cet article prévoit la fixation d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie

Cet alinéa dispose que la loi de financement fixera, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national des dépenses d'assurance maladie.

Le texte initial du projet de loi organique précisait que cet objectif serait déterminé « en fonction des besoins de santé et du respect des objectifs de l'année en cours ». Cette précision a été supprimée par l'Assemblée nationale, qui l'a ajuste titre jugée inutile.

La rédaction retenue pour le 4° de cet article est sensiblement différente de celle du 3°, relatif à la fixation des objectifs par branche.

Le champ d'application du 4° est en effet plus large : sont concernés, non pas les régimes comptant plus de 20 000 cotisants ou retraités, mais l'ensemble des régimes obligatoires de base.

L'objectif d'évolution des dépenses sera donc « national » et concernera directement tous les bénéficiaires de l'assurance maladie, quel que soit le régime auquel ils ressortissent. Il concernera aussi tous les acteurs du système de santé, pour tous les biens ou services remboursables par l'assurance maladie.

Si le projet de loi a retenu une rédaction aussi large, ce n'est pas par cohérence avec l'objectif évoqué par le Premier ministre le 15 novembre 1995, de fonder une assurance maladie universelle, dont le bénéfice serait accordé sur un seul critère de résidence. Comme il vient d'être rappelé, les prestations familiales présentent un caractère quasi universel et sont attribuées, depuis 1978, sans condition d'activité professionnelle et sur un seul critère de résidence régulière en France. Pourtant, la fixation de l'objectif de la branche famille sera réalisée selon les règles prévues au 4°.

La rédaction du 4° s'explique par le caractère normatif de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Ce caractère normatif est bien mis en évidence par les ordonnances n°96-344, 96-345 et 96-346 du 24 avril 1996 relatives à l'organisation de la sécurité sociale, à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins et à la réforme de l'hospitalisation publique et privée.

Elles montrent bien toutes les conséquences, pour l'assurance maladie et le système de santé, de la fixation par le Parlement de l'objectif annuel de dépenses.

Ainsi, l'ordonnance n° 96-344 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale prévoit la conclusion, entre l'État et les caisses nationales d'assurance maladie (caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles et Caisse centrale de la mutualité sociale agricole), de conventions d'objectifs et de gestion qui détermineront « les conditions de conclusion des avenants en cours d'exécution de chaque convention, notamment en fonction des lois de financement de la sécurité sociale » .

Pour la branche maladie, l'ordonnance prévoit spécifiquement qu'« un avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion détermine, en fonction de l'objectif annuel d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville (...) ainsi que les conditions et les modalités de sa mise en oeuvre » .

Pour les dépenses de soins de ville, l'ordonnance n° 96-345 dispose que « chaque année, compte tenu de l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville, une annexe à la ou aux conventions prévues à l'article L. 162-5 fixe, pour les médecins généralistes d'une part, pour les médecins spécialistes d'autre part, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses d'honoraires, de rémunérations, de frais accessoires et de prescription. » . Cet objectif est opposable aux médecins. Son respect conditionne de possibles revalorisations d'honoraires tandis qu'un reversement d'honoraires à l'assurance maladie est prévu en cas de dépassement.

Enfin, l'ordonnance n° 96-346 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée prévoit que « chaque année, les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale, du budget et de l'économie déterminent, en fonction de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses des établissements (...) et, corrélativement, le montant total annuel des dépenses hospitalières prises en compte pour le calcul de la dotation globale et des tarifs de prestations des établissements susvisés » . L'ordonnance dispose que le montant des dotations globales est limitatif.

Pour les établissements non financés par dotation globale -en clair, les cliniques privées- l'ordonnance prévoit qu'un avenant annuel à la convention déterminera « la répartition par discipline du montant total annuel, arrêté par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale en fonction de l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie voté par le Parlement, des frais d'hospitalisation pris en charge par les régimes d'assurance maladie des établissements ayant passé contrat avec les agences régionales de l'hospitalisation »

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie fixé par le Parlement aura bien, à travers ces mécanismes conventionnels ou leurs mesures réglementaires de substitution, une portée normative.

Ainsi, pour la première fois, non seulement la représentation nationale sera amenée à débattre du volume des ressources consacrées par la Nation à la santé des Français, mais l'objectif d'évolution des dépenses qu'elle fixera sera opposable à l'ensemble des acteurs du système de soins.

=> Insertion d'un nouvel alinéa (5°) à la fin de ce paragraphe premier.

Pour des motifs qui sont présentés en détail sous le commentaire de l'article L.O. 111-5 du code de la sécurité sociale {cf. infrà), votre commission des Lois a adopté un amendement tendant à compléter le paragraphe premier par un nouvel alinéa (5°) relatif à la fixation par la loi de financement des limites dans lesquelles les besoins de trésorerie des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement pourraient être couverts par des ressources non permanentes.


Paragraphe II : la possibilité de recourir à des lois de financement rectificatives.

Ce paragraphe comporte deux alinéas.

=> Le premier alinéa dispose que « la loi de financement de Vannée et les lois de financement rectificatives ont le caractère de loi de financement de la sécurité sociale » .

Cette disposition, calquée sur celle des deux premiers alinéas de l'article 2 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 sur les lois de finances, a pour objet de consacrer l'existence des lois de financement rectificatives, qui ont été prévues lors de la révision constitutionnelle mais qui, pas plus que les lois de finances rectificatives, n'apparaissent en tant que telles dans la Constitution.

=> Le deuxième alinéa de ce paragraphe dispose que « seules des lois de financement » (donc la loi de financement de l'année suivante ou une loi de financement rectificative) pourront modifier les dispositions de la loi de financement de l'année.

Là encore, on retrouve un certain parallélisme avec le régime applicable aux lois de finances, puisque seules des lois de finances, dites rectificatives, peuvent modifier en cours d'année les dispositions de la loi de finances de l'année (article 2, alinéa 6, de l'ordonnance du 2 janvier 1959).

Votre commission des Lois vous propose de simplifier la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, en regroupant ces deux alinéas dans un seul qui disposerait que « seules des lois de financement rectificatives peuvent en cours d'année modifier les dispositions adoptées en vertu des 1° à 4° du paragraphe I du présent article » (en clair, les dispositions de loi figurant dans la loi de financement de l'année).

Bien entendu, la loi de financement discutée à l'automne pour l'année suivante pourrait modifier les dispositions de la loi de financement en cours d'exécution. En revanche, hormis une loi de financement rectificative, aucune autre loi ne pourrait modifier ces dispositions en cours d'année.

Ce dispositif -conforme à l'esprit du texte voté par l'Assemblée nationale- n'interdirait pas à une loi ordinaire de modifier en cours d'année des dispositions législatives susceptibles d'affecter l'équilibre financier de la sécurité sociale (la création d'une prestation nouvelle, par exemple).

Pour autant, les lois de financement rectificatives devront demeurer exceptionnelles, ainsi que cela a été plusieurs fois souligné lors des débats sur la révision.

Le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, M. Jean Marmot, entendu par votre rapporteur lors de ses travaux préparatoires, a partagé ce point de vue, ne serait-ce qu'en raison de la lourdeur de la procédure parlementaire peu compatible avec les situations de relative urgence qui pourraient nécessiter l'adoption d'une loi de financement rectificative.

En fait, il semble que l'intervention d'une loi de financement rectificative ne se justifierait que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple un bouleversement très important en cours d'année des conditions de l'équilibre financier de la sécurité sociale ou, le cas échéant, un changement de majorité parlementaire suivi de la formation d'un nouveau Gouvernement.


Paragraphe III : la protection du contenu des lois de financement de la sécurité sociale.

Ce paragraphe comporte trois alinéas.

=> Premier alinéa : les autres dispositions législatives susceptibles de figurer dans les lois de financement.

Le projet de loi organique initial prévoyait que les lois de financement de la sécurité sociale pourraient comporter, outre les dispositions obligatoires limitativement énumérées au paragraphe I, « toutes dispositions législatives contribuant à l'équilibre financier prévisionnel des régimes obligatoires de base de sécurité sociale » .

En effet, le Gouvernement entend se réserver la faculté d'insérer dans les lois de financement de la sécurité sociale d'autres dispositions que celles concernant les prévisions de recettes ou les objectifs de dépenses. Certaines conséquences législatives des orientations définies par la loi de financement de la sécurité sociale pourraient ainsi être votées en même temps que le texte qui en pose les principes.

L'Assemblée nationale, sans contester l'opportunité de réserver un élément de souplesse dans la définition du contenu des lois de financement de la sécurité sociale, a jugé que la formulation proposée par le Gouvernement était trop large et qu'elle risquait d'aboutir à ces lois « fourre-tout » que chacun s'accorde à vouloir éviter. Aussi a-t-elle recherché une formulation plus restrictive pour ce paragraphe, moyennant le recours à une construction négative (« ne peuvent comporter que ... » ).

Partageant pleinement le souci de cantonner aussi étroitement que possible la portée de cet article, votre commission des Lois propose au Sénat de poursuivre la démarche de l'Assemblée nationale en n'autorisant que les dispositions visant à assurer l'équilibre financier des régimes de base de la sécurité sociale.

La nuance entre le terme retenu par l'Assemblée nationale (« contribuant » ) et celui proposé par votre commission des Lois (« visant » ) est importante : elle introduit une notion de finalité permettant d'exclure toute disposition qui n'aurait qu'accessoirement une incidence financière, pour n'autoriser que celles qui tendraient principalement à assurer l'équilibre financier.

À titre d'exemple, une mesure telle que la mise sous condition de ressources de l'allocation parentale pour jeune enfant relève à l'évidence de cette catégorie. En revanche, une mesure telle que la création de la prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes relève de la première catégorie car il ne serait pas soutenable qu'elle vise à assurer l'équilibre financier. Même si, par ailleurs, des moyens de financement sont dégagés pour financer cette dépense nouvelle, cette mesure n'aura donc pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale.

Cette limitation du champ des lois de financement de la sécurité sociale leur permettra de conserver un dispositif resserré et cohérent.

Elle empêchera surtout le Gouvernement de succomber à la tentation qu'il pourrait avoir de contraindre le Parlement à accepter des réformes d'envergure en matière de sécurité sociale selon la procédure accélérée des lois de financement.

Par analogie avec les règles relatives aux lois de finances, et dans le droit fil du principe de contrôle parlementaire de l'exécution des lois de financement prévu par l'article 47-1 de la Constitution, votre commission des Lois vous propose enfin que puissent également figurer dans ces lois des dispositions visant à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

*
* *

L'Assemblée nationale a complété cet article du projet de loi organique par deux alinéas prévoyant une procédure d'irrecevabilité des amendements présentés au cours de la discussion.

=> Le deuxième alinéa du paragraphe III, dispose que « tout article additionnel et tout amendement doit être accompagné des justifications qui en permettent la mise en oeuvre effective » .

Cette disposition est inspirée du deuxième alinéa de l'article 42 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, aux termes duquel « tout article additionnel et tout amendement doit être motivé et accompagné du développement des moyens qui le justifient » .

La disposition introduite par l'Assemblée nationale a le même objet : proscrire tout amendement purement indicatif qui répondrait à une simple volonté d'affichage sans obéir à une préoccupation d'application concrète.

Votre commission des Lois approuve pleinement cette proposition, mais constate que la formulation n'en est pas très satisfaisante car du point d'un point de vue sémantique, ce ne sont pas les « justifications » d'un amendement qui en permettent « la mise en oeuvre effective » .

Votre commission des Lois vous propose donc la formulation suivante : « Tout amendement doit retracer dans sa motivation les mesures permettant sa mise en oeuvre » . En effet, ce sont les mesures retracées dans la motivation de l'amendement, s'il était adopté, qui permettraient sa mise en oeuvre. Sur la proposition conjointe de MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Pierre Fauchon, votre commission des Lois a par ailleurs supprimé l'adjectif « effective » qui n'ajoute rien aux termes « mise en oeuvre » .

Un exemple permettra de bien apprécier la portée de cette disposition.

En supposant -à titre de pure hypothèse- que le Parlement décide lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale de soumettre telle prestation à condition de ressources, l'articulation des différentes mesures nécessaires à la mise en oeuvre de cette réforme serait la suivante :

- le principe de la mise sous condition de ressources de cette prestation serait posé comme une « orientation déterminant les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale » ;

- un article additionnel modifierait en conséquence les dispositions concernées du code de la sécurité sociale ;

- l'objectif de dépenses de la branche correspondante serait réduit à hauteur des économies attendues de la mesure ;

- postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de financement, un décret et un arrêté fixeraient le niveau du plafond de ressources, ainsi que le nouveau taux de la prestation qui en découle.

Trois d'entre elles s'intégrerait dans la loi de financement, les dernières étant d'ordre réglementaire.

Pour être recevable, un amendement portant sur l'orientation en question devra indiquer dans son exposé des motifs toutes les mesures concrètes envisagées par son auteur, qu'elles soient d'ordre législatif ou réglementaire (en pratique, en matière de sécurité sociale, la combinaison des deux catégories de normes est quasi systématique).

Pareillement, les amendements proposant des modifications des données chiffrées de la loi de financement de la sécurité sociale -qu'il s'agisse des prévisions de recettes ou des objectifs de dépenses- ne seront recevables que s'ils se présentent comme la conséquence des mesures dont le principe et éventuellement le dispositif auront été précédemment votés.

Bien sûr, il ne sera pas interdit à un parlementaire de mentionner dans son exposé des motifs une mesure relevant du domaine réglementaire, par exemple un relèvement du taux des cotisations sociales. Mais comme cette mesure sera la condition nécessaire de la mise en oeuvre de l'amendement et qu'elle n'est pas du domaine de la loi, le Gouvernement, s'il ne la juge pas opportune, pourra opposer à l'amendement l'irrecevabilité de l'article 41 de la Constitution qui protège le domaine réglementaire.

=> Troisième alinéa : l'irrecevabilité des amendements non conformes aux règles spécifiques concernant les lois de financement.

Cet alinéa, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, dispose que « la disjonction des articles et l'irrecevabilité des amendements non conformes aux dispositions ci-dessus sont de droit » .

En d'autres termes, les amendements déclarés non-conformes aux dispositions de l'article L.O. 114-3 par l'autorité parlementaire compétente seront irrecevables.

L'irrecevabilité en question, calquée sur celle de l'article 42 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, implique une procédure d'examen de recevabilité qui devra être organisée par le Règlement de chacune des assemblées. Cette procédure aura un caractère objectif et sera automatique dans sa portée :

- l'irrecevabilité pourra être invoquée à tous les stades de la discussion ;

- l'irrecevabilité pourra être invoquée par quiconque (le Gouvernement, la commission compétente ou un parlementaire) ;

- l'irrecevabilité pourra être invoquée à l'encontre de tous les amendements, ceux du Gouvernement comme ceux des parlementaires ;

- l'autorité parlementaire compétente (telle que déterminée par le Règlement de chaque assemblée) tranchera la question sans qu'il y ait lieu à débat ni à vote ;

- si elle déclare que l'amendement n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.O. 111-3, l'amendement sera irrecevable et sa discussion sera interrompue. Dans le cas contraire, l'amendement sera recevable.

Le moment venu, le Sénat pourra ainsi inscrire dans son Règlement les dispositions adéquates.

Telle sont les règles d'irrecevabilités que, sous réserve d'une modification rédactionnelle, votre commission des Lois vous propose d'approuver.

Mais bien entendu, les dispositions du présent paragraphe s'appliqueront sans préjudice des articles 40 et 41 de la Constitution, qui seront opposables de plein droit aux amendements d'initiative parlementaire tendant à modifier les projets de lois de financement de la sécurité sociale.

Article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale
Rapports et annexes joints au projet de loi de financement de la sécurité sociale

Cet article comporte trois paragraphes énumérant les rapports et les annexes qui devront obligatoirement être joints au projet annuel de loi de financement de la sécurité sociale.


Paragraphe 1 : le rapport présentant les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale.

Ce rapport soulève plusieurs interrogations, en particulier sur son contenu, qui ont conduit votre commission des Lois à proposer de clarifier la rédaction proposée par ce paragraphe I.

En effet, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, ce rapport est conçu comme le document précisant les orientations et les objectifs que le Parlement serait appelé à « approuver » en vertu de l'article L.O. 111-3-a). Le choix d'une rédaction rigoureusement identique pour définir l'objet du vote du Parlement prévu à l'article L.O. 111-3 et le contenu du rapport institué à l'article L.O. 111-4 ne laisse place à aucun doute sur ce point.

Pour remplir ses obligations au regard de la loi organique, le Gouvernement pourrait donc se contenter de présenter au Parlement un simple article d'approbation du rapport joint au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission des Lois a déjà indiqué qu'à ses yeux, une telle formule ne respecterait pas le cadre de la révision constitutionnelle.

Pour sa part, le Sénat a toujours considéré que la révision constitutionnelle avait pour objet d'aller plus loin que les procédures précédemment imaginées, pour permettre à la représentation nationale de se prononcer sur les choix essentiels mettant en cause l'équilibre financier de la sécurité sociale. Revenir à un système consistant à débattre sur le contenu d'un rapport, comme le prévoit déjà l'actuel article L. 111-3 du code de la sécurité sociale tel qu'il résulte de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, n'aurait aucun intérêt et serait contraire à l'esprit de cette révision.

D'autre part, le système adopté par l'Assemblée nationale reviendrait à déplacer le droit d'amendement sur le rapport du Gouvernement, avec tous les inconvénients qui en résulteraient.

Force est de constater qu'au cours des débats de l'Assemblée nationale, le ministre du Travail et des Affaires sociales. M. Jacques Barrot, a accrédité par avance cette interprétation en précisant qu'en effet, « le rapport sera amendable par le Parlement » .

Autrement dit, chaque page, chaque paragraphe, chaque tableau, chaque chiffre du rapport pourrait faire l'objet d'amendements.

S'agissant d'un document sans valeur normative, cet exercice n'aurait aucun sens mais entraînerait à coup sûr un risque de désorganisation de la séance publique en suscitant une profusion d'amendements.

Votre commission estime très préférable de s'en tenir à une procédure rationnelle et qui a fait ses preuves dans le cadre des projets de loi de finances. L'article 32 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances (dont l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale s'inspire manifestement), dispose ainsi que :

« Le projet de loi de finances de l'année est accompagné :

- d'un rapport définissant l'équilibre économique et financier, les résultats connus et les perspectives d avenir ;

- d'annexés explicatives faisant connaître notamment que.... »

Actuellement, le rapport économique et financier 4 ( * ) justifie les choix qui sont déclinés dans le projet de loi de finances de l'année compte tenu des comptes prévisionnels de la Nation et des principales hypothèses économiques pour l'exercice concerné. Pour 1996, par exemple, ce rapport précise l'incidence des choix opérés par le Gouvernement sur les dépenses et les recettes de l'État et l'articulation entre les priorités du Gouvernement et les mesures présentées dans le projet de loi de finances de l'année (tome I du rapport économique et social et financier joint au projet de loi de finances pour 1996).

Ce rapport est uniquement présenté en vue de l'information du Parlement, il ne fait l'objet d'aucun vote et n'est pas amendable. Les hypothèses du Gouvernement comme leur traduction dans le contenu du projet de loi de finances n'en sont pas moins analysées et, le cas échéant, critiquées par les commissions parlementaires compétentes.

Votre commission des Lois vous propose de rester dans ce schéma classique auquel les parlementaires comme le Gouvernement sont familiarisés. Il présente, en outre, l'intérêt de faire débattre et voter le Parlement sur les décisions essentielles pesant sur les conditions générales de l'équilibre financier annuel de la sécurité sociale et de centrer le débat sur des dispositions à caractère normatif.

Cette formule est en fait la seule qui respecte pleinement l'article 34 de la Constitution, lequel dispose bien que les lois de financement de la sécurité sociale « déterminent les conditions générales de son équilibre financier » , et non « approuvent un rapport ».

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission des Lois présente un amendement harmonisant la rédaction de ce paragraphe avec le a) du paragraphe I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale et précisant que ce rapport a pour objet de justifier les choix et orientations visés par cet article.


Paragraphe II : l'énumération des annexes jointes au projet de loi de financement.

Ce paragraphe énumère les différentes annexes qui devront également être jointes au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année. Initialement au nombre de six, les annexes ont été ramenées à cinq à l'initiative de la commission spéciale de l'Assemblée nationale.

Il convient de noter que ces annexes sont, pour l'essentiel, les mêmes que celles visées à l'actuel article L. 111-3 du code de la sécurité sociale (issu de l'article 14 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale).

Ces annexes auront un caractère obligatoire, c'est-à-dire que le Gouvernement devra les avoir transmises au Parlement dans leur totalité pour que le projet de loi soit considéré comme déposé. Les délais d'examen de ce texte ne courront donc qu'à compter du dépôt de la dernière annexe (et des rapports visés par le présent article). Pour lever toute ambiguïté à ce sujet la commission spéciale de l'Assemblée nationale a d'ailleurs supprimé dans le premier alinéa de ce paragraphe une mention qui aurait pu conférer un caractère indicatif à ces documents (« en vue de l'information du Parlement »).

1° L'annexe a) devait présenter la liste des régimes obligatoires de base de sécurité sociale mais a été supprimée par l'Assemblée nationale qui l'a jugée superflue, le champ d'application de la loi de financement étant clairement défini à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Votre rapporteur considère au contraire que cette annexe est utile pour suivre l'évolution de ces régimes et du nombre de leurs affiliés. Il pense, en particulier, qu'elle permettra au Parlement de vérifier leur situation au regard du seuil des 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres. Pour être pertinente, cette annexe devrait donc préciser le nombre de ressortissants de chacun des régimes de base obligatoires.

Comme ces derniers sont fort nombreux (plus de 500), votre commission des Lois propose, non pas de recréer ce document sous forme d'annexé mais, plus simplement, sous forme d'un document d'information présenté tous les trois ans (l'amendement correspondant s'insérerait dans l'article sous forme d'un paragraphe IV). Dissocié des annexes proprement dites, ce document n'entrerait pas parmi ceux dont le dépôt fait courir les délais prévus par la loi organique.

2° L'annexe b) a pour objet, d'une part, de présenter les données de la situation sanitaire et sociale de la population, d'autre part, de rendre compte de la mise en oeuvre des orientations et des objectifs de la politique de santé et de sécurité sociale.

Elle appelle deux observations principales :

- premièrement, elle regroupe deux types d'informations d'inégale portée. D'un côté, pour l'exercice concerné, le Parlement disposera de données de nature statistique qui auront été collectées, par exemple, à l'occasion de la Conférence nationale de la santé prévue à l'article L. 766 du code de la santé publique (issu de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins). D'autre part, pour l'exercice passé, l'annexe devra retracer les conditions de mise en oeuvre des orientations et objectifs précédemment fixés. Votre commission des Lois a estimé plus pertinent de scinder ces deux types d'informations en prévoyant pour chacune d'entre eux la production d'une annexe spécifique ; l'annexe sur la mise en oeuvre de la loi de financement devrait en outre justifier les écarts constatés, s'il en existe. Votre commission des Lois présente donc un amendement dans ce sens ;

- deuxièmement, le contenu du second document, s'il ne doit pas faire double emploi avec le rapport de la Cour des comptes visé à l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, doit cependant être harmonisé avec l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Le texte de l'amendement présenté par votre commission des Lois prend en compte ce souci d'harmonisation.

3° Les annexes c), d) et e) qui retracent l'évolution des recettes et des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale concernés ainsi que leurs perspectives d'évolution ne soulèvent pas de difficultés particulières. Elles permettront au Parlement de disposer des données chiffrées indispensables à l'examen des projets de financement de la sécurité sociale. La communication de ces informations ne constitue pas en soi une innovation, dans la mesure où ces données sont déjà fournies au Parlement dans le cadre, soit du rapport du Gouvernement sur la sécurité sociale visé à l'actuel article L. 111-3 du code de la sécurité sociale, soit des rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Votre commission des Lois approuve les modifications apportées par l'Assemblée nationale sur le contenu de ces trois annexes, en particulier pour rendre la rédaction du présent projet de loi plus concise. Elle propose seulement de préciser que les compensations financières entre régimes devront également apparaître dans les documents transmis, afin que le Parlement dispose d'informations financières aussi exhaustives que possible. De même, pour les raisons exposées précédemment ( cf. article L.O. 111-3, paragraphe I, 2°), votre commission des Lois a adopté, sur l'alinéa e) un amendement d'harmonisation rédactionnelle substituant l'expression « organismes créés pour concourir » à celle d'« organismes concourant » au financement de la sécurité sociale.

4° La dernière annexe f) élargit le champ de l'information du Parlement au domaine de la protection sociale en visant l'ensemble des prestations sociales et leurs moyens de financement. Il est précisé en outre que cette annexe devra mettre en évidence leur place dans les équilibres généraux économiques et financiers.

Votre rapporteur partage cette approche consistant à intégrer la réflexion du Parlement dans le cadre, plus large, de l'évolution des comptes de la protection sociale.

Les comptes de la protection sociale sont retracés dans un « compte satellite » des comptes nationaux. Ils sont donc parfaitement identifiés et permettent d'appréhender, au-delà du champ de la sécurité sociale, les efforts volontaires de prévoyance, collective ou patronale, tels que la mutualité, les régimes surcomplémentaires, les prestations extra-légales versées par les entreprises et l'aide sociale des administrations privées. Selon le dernier rapport du Gouvernement sur la sécurité sociale, ce total s'établissait en 1994 à 2.608 milliards (2.313 milliards hors transferts).

Votre commission des Lois présente cependant un amendement tendant à maintenir parallèlement la présentation de l'effort social de la Nation. Il s'agit d'une annexe au projet de loi de finances existant depuis plus de vingt ans 5 ( * ) et dont le principe a été confirmé lors de l'adoption de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, il y a donc à peine deux ans. L'effort social de la Nation ne représente qu'une partie du précédent agrégat et pour 1994, il est estimé à 2.453 milliards (2.207 milliards hors transferts).


Paragraphe III : le rapport de la Cour des comptes sur les conditions de mise en oeuvre des lois de financement de la sécurité sociale.

Ce paragraphe prévoit que ce rapport devra être joint au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le principe d'un rapport annuel de la Cour des comptes sur la sécurité sociale avait déjà été posé par l'article 13 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale ; il s'est appliqué pour la première fois en octobre 1995.

L'article 3 de la loi constitutionnelle du 22 février 1996 dispose quant à elle que le Parlement -comme le Gouvernement- est assisté par la Cour des comptes dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale.


Insertion d'un nouveau paragraphe (IV) en vue de rétablir la liste des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, supprimée par l'Assemblée nationale en première lecture.

Pour les raisons qui ont déjà été exposées lors de l'examen du paragraphe II du présent article, votre commission des Lois propose d'introduire, par amendement, un paragraphe IV prévoyant que le Gouvernement transmettra au Parlement, tous les trois ans, une liste des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale précisant le nombre de leurs cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres.

Article L.O. 111-5 du code de la sécurité sociale
Fixation par le Parlement des limites dans lesquelles certains régimes de sécurité sociale peuvent recourir à des ressources non permanentes

En droit, tous les régimes de sécurité sociale sont, par construction, équilibrés financièrement. Ils couvrent des dépenses à caractère définitif, les prestations sociales, par des ressources permanentes, c'est-à-dire ne donnant pas lieu à remboursement ultérieur : cotisations sociales, impositions affectées, transferts entre régimes, ou subventions budgétaires.

Les conseils d'administration des organismes nationaux de sécurité sociale doivent veiller à maintenir l'équilibre financier de la gestion des risques dont ils ont la charge, au besoin en proposant au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement nécessaires.

Aucun régime de sécurité sociale n'est autorisé à financer ses dépenses de gestion par l'emprunt, qu'il s'agisse des « gestions techniques » ou des « gestions budgétaires ». Les organismes de sécurité sociale peuvent toutefois s'endetter pour financer leurs dépenses d'investissements propres, essentiellement des investissements immobiliers.

Toutefois, même s'il est équilibré financièrement sur la durée de l'exercice, un régime de sécurité sociale peut devoir répondre à des besoins de trésorerie considérables en raison du décalage dans le temps entre le service des prestations, qui est régulier, et le mouvement de ses recettes, qui obéit à des cycles fluctuants.

Pour cette raison, les caisses de sécurité sociale peuvent, le cas échéant, recourir à des facilités de trésorerie auprès du système bancaire.

Cette possibilité est même institutionnalisée dans le cas du régime général, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) étant chargée d'assurer la gestion commune des différentes branches de sécurité sociale. Elle dispose pour cela d'un « compte unique de disponibilités courantes » ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

L'objet de l'article L.O. 111-5 n'est pas d'instaurer une faculté d'endettement de portée générale en faveur des régimes de sécurité sociale. Il s'agit simplement de soumettre à des limites, fixées par le Parlement, la possibilité dont usent déjà certains régimes de recourir à des avances pour couvrir leurs besoins de trésorerie. C'est bien une règle de procédure relative au contenu des lois de financement de la sécurité sociale, et non une règle de fond sur la trésorerie des régimes, qui ne trouverait pas sa place dans une loi organique.

Le cas de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), qui n'est pas un régime de sécurité sociale, doit être considéré à part : la CADES est autorisée à emprunter à échéance de 13 années, y compris en faisant appel public à l'épargne, en vertu tant de la loi d'habilitation qui en a posé le principe, que de l'ordonnance qui l'a effectivement créée.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale avait proposé une rédaction plus large pour l'article L.O. 111-5, qui faisait référence aux « organismes concourant à l'apurement de la dette » des régimes de base de sécurité sociale, afin d'inclure les emprunts de la CADES dans le champ des limites fixées par le Parlement.

Toutefois, le gouvernement s'y est opposé, de crainte que la référence aux « besoins de financement » des régimes plutôt qu'à leurs seuls « besoins de trésorerie » puisse être interprétée comme une autorisation générale d'endettement à long terme accordée à l'ensemble des régimes de sécurité sociale.

La rédaction de compromis finalement élaborée par l'Assemblée nationale et le Gouvernement pour l'article L.O. 111-5 est la suivante : « Seuls les besoins de trésorerie en cours d'exercice des régimes obligatoires de base de sécurité sociale comportant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ou des organismes concourant à leur financement peuvent être couverts par des ressources externes dans des limites fixées, selon les régimes ou les organismes concernés, par une loi de financement de la sécurité sociale » .

Ces dispositions ne répondent pas à la préoccupation première exprimée par l'Assemblée nationale.

Cependant, il ne paraît pas souhaitable d'inclure la CADES parmi les organismes dont les plafonds de trésorerie doivent être fixés chaque année par la loi de financement de la sécurité sociale.

En effet, le plafond d'endettement de la CADES est déjà limitativement déterminé par le 7° de l'article premier de la loi d'habilitation du 30 décembre 1995, qui autorise la consolidation et l'apurement de la dette accumulée au 31 décembre 1995, ainsi que des déficits prévisionnels pour 1996, du régime général et du régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles.

En conséquence, l'article 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale fixe à 250 milliards de francs, en capital, la dette prise en charge par la caisse, celle-ci étant habilitée par l'article 5 de la même ordonnance à contracter des emprunts et à faire appel public à l'épargne.

Le plafond d'emprunt de la CADES ne pourra donc pas être relevé à l'avenir sans une nouvelle autorisation du législateur.

Aussi n'est-il pas nécessaire de fixer, dans les lois de financement de la sécurité sociale, une limite annuelle aux opérations de trésorerie de la CADES. Cela pourrait même être gênant si la caisse mettait en oeuvre, comme cela est d'ailleurs souhaitable, une gestion active de sa dette.

En revanche, votre commission des Lois estime qu'il serait plus cohérent d'inclure le principe de la fixation de limites pour les ressources de trésorerie des régimes de sécurité sociale parmi les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale limitativement énumérées à l'article L.O. 111-3, plutôt que d'en faire une disposition séparée.

Elle vous propose donc d'insérer le premier alinéa de l'article L.O. 111-5 dans l'article L.O. 111-3, sous la forme d'un 5° ainsi rédigé :

« 5° fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base ou des organismes créés pour concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.

Cette solution présente en outre l'avantage de faire clairement apparaître qu'il s'agit d'une règle limitée à la seule définition du contenu des lois de financement. Cette règle ne modifie en rien le cadre législatif et réglementaire actuel de la gestion de trésorerie des organismes de sécurité sociale.

L'article L.O. 111-5 ne serait plus alors constitué que de son second alinéa, dans une rédaction adaptée pour tenir compte de la modification précédente. Cet alinéa instaure une procédure d'urgence permettant au Gouvernement de relever les plafonds de trésorerie fixés par les lois de financement.

Les plafonds pourraient être relevés directement par décret pris en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, à charge pour le Gouvernement d'en demander la ratification au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (qui pourra être aussi bien une loi de financement rectificative ad hoc, que la loi de financement de l'année).

Cette procédure d'urgence est inspirée par celle des décrets d'avance (article 11-2° de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances), qui permet au Gouvernement d'ouvrir des crédits supplémentaires. Elle en diffère toutefois par l'exigence d'une consultation préalable du Conseil d'État.

Enfin, à l'initiative de M. Yves Fréville, l'Assemblée nationale s'est longuement interrogée sur l'opportunité de plafonner également les avances que le Trésor peut consentir aux organismes de sécurité sociale. Le ministre du Travail et des Affaires sociales, considérant que cette question relevait de la loi de finances, a réservé sa réponse jusqu'à la -probable- deuxième lecture pour pouvoir recueillir sur ce point le sentiment du ministre de l'Economie et des Finances.

Les avances du Trésor aux organismes de sécurité sociale, c'est-à-dire en pratique à l'ACOSS, sont effectivement retracées à la ligne 05 « Avances à divers organismes de sécurité sociale » du compte d'avances n° 903-58 « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », qui figure à l'état À du tableau des voies et moyens applicables à chaque budget.

Certes, l'information du Parlement sur ces opérations provisoires, qui n'ont pas d'incidence sur le solde budgétaire, mériterait d'être améliorée. En effet, l'usage actuel, qui ne paraît guère conforme aux dispositions de l'article 28 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, veut que cette ligne budgétaire soit dotée « pour mémoire » en loi de finances initiale, le montant des sommes effectivement avancées n'étant connu ultérieurement que par les « situations résumées des opérations du Trésor » publiées -en principe- trimestriellement au Journal officiel. Ce montant est arrêté définitivement, plus d'un an après la clôture de l'exercice, dans le document intitulé « développement des opérations constatées aux comptes spéciaux du Trésor ». Il est enfin validé par la loi de règlement du budget auquel les avances se rapportent. Ainsi, l'article 9 du projet de loi de règlement définitif du budget de 1994, qui sera bientôt discuté par le Parlement, demande l'ouverture de 146 milliards de francs de crédits complémentaires à ce titre.

Toutefois, en l'occurrence, il n'apparaît pas utile de prévoir un plafond spécifique pour l'encours des avances du Trésor au régime général.

En effet, par définition, le Trésor ne pourra pas prêter davantage à l'ACOSS que celle-ci sera désormais autorisée à emprunter par la loi de financement de la sécurité sociale. Réserve faite des concours de la Caisse des dépôts et consignations au régime général, qui sont conventionnellement limités, le plafond d'avances opposable au Trésor est donc symétrique au plafond d'emprunt opposable à l'ACOSS.

Article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale
Date de dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de l'année

Dans le projet initial, cet article comportait deux alinéas dont le second disposait qu'après son dépôt sur le Bureau de l'Assemblée nationale, le projet de loi de financement de l'année devait être « immédiatement renvoyé à l'examen d'une commission parlementaire » .

L'Assemblée nationale a supprimé cet alinéa qui reproduisait textuellement une disposition de l'article 38 de l'ordonnance du 2 février 1959 sur les lois de finances mais qui se révèle tout à fait inutile dans la mesure où l'article 43 de la Constitution (envoi des projets et des propositions de loi à une commission spéciale ou permanente) est ipso jure applicable aux projets de loi de financement.

Ne reste donc qu'un alinéa unique aux termes duquel le projet de loi de financement de l'année, y compris les documents qui doivent y être joints (rapports et annexes), est déposé trente jours au plus tard après l'ouverture de la session ordinaire.

La session ordinaire commençant désormais le premier jour ouvrable d'octobre, le dépôt du projet de loi de financement de l'année devrait donc intervenir, selon le texte voté par l'Assemblée nationale, au plus tard 30 jours après, soit au plus tard le 31 octobre (si la session a commencé le 1er octobre), le 2 novembre (si le 1er octobre tombait un dimanche), voire le 3 novembre (les années où le 1er novembre tomberait lui-même un samedi).

Comme pour ce qui est de la loi de finances, rien n'interdira au Gouvernement de présenter au Parlement certaines annexes, voire le texte lui-même du projet de loi de financement, au fur et à mesure qu'ils seront disponibles, sans que commencent à courir les délais constitutionnels de vingt jours (examen en première lecture par l'Assemblée nationale) et de cinquante jours (durée totale d'examen par le Parlement) prévus par l'article 47-1 de la Constitution.

Car comme pour la loi de finances, il faudra considérer que ces délais ne commenceront à courir qu'avec la transmission à l'Assemblée nationale de la dernière annexe, laquelle vaudra « dépôt » au sens du présent article L.O. 111-6.

C'est donc en fait la présentation de cette dernière annexe qui, selon l'Assemblée nationale, devrait intervenir au plus tard trente jours après l'ouverture de la session ordinaire.

S'agissant des annexes et des rapports devant être joints au projet de loi de financement, votre commission des Lois a adopté sur cet article un premier amendement de coordination avec les dispositions qu'elle propose pour l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, tel qu'il résulterait de l'article 3 du présent projet de loi organique {cf. infra).

*
* *

Votre commission des Lois a déjà souligné que la date de dépôt du projet de loi de financement de l'année est d'une importance capitale dans la mesure où elle commande la suite du programme d'examen de ces deux textes.

En effet, pour le Sénat, il est essentiel d'éviter tout chevauchement entre l'examen en séance publique de la loi de finances et de la loi de financement car compte tenu du délai dont il dispose pour examiner le budget, il lui est impossible d'insérer la discussion de la loi de financement dans celle de la loi de finances.

Votre commission des Lois, comme la commission des Affaires sociales et la commission des Finances, estime donc impératif que le Sénat soit saisi du projet de loi de financement assez tôt pour pouvoir en achever l'examen en première lecture avant que commence celui de la loi de finances.

Un dépôt du projet de loi de financement sur le Bureau de l'Assemblée nationale au plus tard trente jours après l'ouverture de la session ordinaire -comme le propose l'Assemblée nationale- ne répondrait pas à cette nécessité.

Votre rapporteur n'a certes pas méconnu l'argument selon lequel la date proposée par l'Assemblée nationale assurerait une concomitance plus étroite entre les dates des votes définitifs sur la loi de finances et la loi de financement, aux alentours du 20 décembre. Cette concomitance est en effet souhaitable pour que les décisions prises en loi de finances puissent être répercutées dans la loi de financement si elles ont une incidence sur l'équilibre financier de la sécurité sociale. Dans cette optique, une adoption définitive trop anticipée de la loi de financement pourrait effectivement ne pas prendre en compte les décisions -souvent importantes- qui peuvent être adoptées par la commission mixte paritaire sur la loi de finances.

Cet argument n'a pourtant rien de dirimant.

Tout d'abord, il fait peu de cas de la sagesse des assemblées ou de celle du Gouvernement : peut-on raisonnablement envisager qu'une mesure financière décisive pour l'équilibre de la sécurité sociale soit prise ex abrupto par la commission mixte paritaire sans qu'elle ait jamais été évoquée ni prise en compte dans la discussion de la loi de financement ?

Si tel était le cas, d'ailleurs, le Gouvernement dispose d'assez d'instruments de procédure pour éviter la discordance entre les deux textes.

Surtout, un trop grand décalage des votes définitifs pourra parfaitement être évité, pour peu que le Premier ministre ne convoque pas trop tôt la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement.

En effet, rien ne le contraindra à la convoquer avant l'expiration du délai des cinquante jours, lequel est opposable aux assemblées mais n'interdit en rien au Gouvernement de différer l'adoption définitive de la loi de financement s'il le juge préférable.

Sur ce point, l'article 45 de la Constitution est parfaitement explicite : le Premier ministre « a la faculté » de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire, mais il n'en a nullement l'obligation. Il conserve en tout état de cause, et l'initiative, et le choix du moment.

Ainsi, une coordination satisfaisante entre les décisions des deux commissions mixtes paritaires sur le budget, d'un côté, sur la loi de financement, de l'autre- demeure tout-à-fait possible avec un dépôt du projet de loi de financement le 15 octobre.

Pour le reste, il n'est pas utile de réitérer l'ensemble des considérations développées à ce sujet dans la première partie du présent rapport.

Elles conduisent votre commission des Lois, en plein accord avec la commission des Finances et la commission des Affaires sociales, à proposer au Sénat de prévoir que le projet de loi de financement soit déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale au plus tard le quinze octobre, ou le premier jour ouvrable qui suit si cette date tombe un jour férié.

De cette sorte, le projet de loi de financement de l'année pourrait être discuté au Sénat entre le 5 et le 19 novembre, c'est-à-dire avant le projet de loi de finances dont la discussion au Sénat commence ordinairement aux alentours du 20 novembre {cf. le tableau figurant p. 26 du présent rapport).

Article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale
Délais et procédure d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale

Contrairement au précédent article, qui ne concerne que la loi de financement de l'année, l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale serait applicable à toutes les lois de financement, y compris aux éventuelles lois de financement rectificatives.

Cet article comporte cinq alinéas :

- les deux premiers alinéas fixent les délais d'examen en première lecture des projets de loi de financement par chaque assemblée,

- les alinéas 3 et 4 règlent le cas où l'une ou l'autre des deux assemblées ne se serait pas prononcée en première lecture dans les délais requis,

- le dernier alinéa prévoit que la suite de la discussion a lieu selon la procédure d'urgence.

Sous réserve de délais différents, le schéma proposé par l'Assemblée nationale pour les lois de financement de la sécurité sociale est analogue à celui applicable aux lois de finances, ce qui est justifié par la similitude des procédures prévues par la Constitution pour ces deux catégories de lois.

=> Alinéas premier et 2 : le délai d'examen en première lecture par chaque assemblée.

Le premier alinéa dispose que l'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cette disposition ne fait que transcrire dans la loi organique le délai prévu par l'article 47-1, alinéa 2, de la Constitution.

Le deuxième alinéa, introduit par l'Assemblée nationale (le texte initial du projet de loi organique était muet à ce sujet) accorde au Sénat un délai de vingt jours pour statuer en première lecture.

Contrairement au précédent, cet alinéa ne procède pas directement du texte constitutionnel, car l'article 47-1 vise uniquement le délai -en l'occurrence, quinze jours- qui serait assigné au Sénat dans l'hypothèse où l'Assemblée nationale ne se serait pas prononcée dans les vingt jours qui lui sont impartis.

En l'occurrence, était-il indispensable qu'un délai particulier soit imparti au Sénat par la loi organique ?

Un précédent de cette nature figure, certes, à l'article 39, alinéa 2, de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 sur les lois de finances. En effet, le Sénat s'y voit reconnaître un délai de vingt jours pour examiner en première lecture les projets de loi de finances, alors que là non plus, la Constitution ne le précise pas.

Pour autant, la situation n'est pas exactement comparable. En ce qui concerne le budget, le délai de vingt jours accordé au Sénat est moitié moindre que celui de quarante jours accordé à l'Assemblée nationale. En ce qui concerne la loi de financement, au contraire, les délais des deux assemblées seraient identiques.

Mais surtout, la proposition formulée par votre commission des Lois, de ramener au 15 octobre la date du dépôt du projet de loi de financement, n'a de sens que si le Sénat s'en tient à quinze jours.

D'ailleurs, dans l'hypothèse où le Sénat disposerait de vingt jours, il devrait en tout état de cause renoncer à l'utiliser pleinement pour s'en tenir à un maximum de quinze jours de débats effectifs, ainsi que cela avait été noté par votre rapporteur lors des débats sur la révision constitutionnelle.

En définitive, un délai de vingt jours aurait plus d'inconvénients que d'avantages pour le Sénat, en faisant peser une quasi-certitude de chevauchement entre la discussion du budget et celle de la loi de financement.

C'est pourquoi votre commission des Lois, en plein accord avec la commission des Affaires sociales et la commission des Finances, propose au Sénat de ramener à quinze jours son délai d'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Afin de permettre au Sénat de tenir ses délais, il serait d'ailleurs envisageable que la commission compétente sur le projet de loi de financement commence à examiner le projet avant même qu'il soit officiellement transmis au Sénat (ainsi que pratique la commission des Finances pour le budget) : cela donnerait la possibilité, si nécessaire, d'entreprendre l'examen de la loi de financement en séance publique dès sa transmission.

=> Alinéas 3 et 4 : les règles applicables au cas ou l'une ou l'autre des deux assemblées ne se serait pas prononcée en première lecture dans les délais requis.

Le troisième alinéa du présent article dispose que si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de financement, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement proposé, modifié le cas échéant par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui. Dans cette hypothèse, le Sénat devrait se prononcer dans un délai de quinze jours.

Ce dispositif fait application du deuxième alinéa de l'article 47-1 de la Constitution.

Comme dans le cas des lois de finances (article 39, alinéa 3 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959), la loi organique ajoute seulement que le texte dont serait saisi le Sénat serait assorti des amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par le Gouvernement.

L'alinéa 4 envisage l'hypothèse inverse : celle où le Sénat ne se serait pas prononcé en première lecture dans le délai qui lui est imparti. En pareille hypothèse, le Gouvernement saisirait à nouveau l'Assemblée nationale du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.

En pratique, il faut souhaiter que les dispositions de ces deux alinéas demeurent des hypothèses d'école, car les assemblées auront à coeur, non seulement de respecter leurs délais, mais aussi de ne pas les utiliser intégralement si cela n'est pas absolument indispensable.

D'autant que pour votre commission des Lois, un délai de quinze jours ne signifie pas quinze jours de discussion en séance publique. Car comme elle l'a déjà souligné, tant au moment de la révision constitutionnelle que dans le présent rapport, les débats sur la loi de financement en séance publique devront être contenus dans des durées raisonnables.

=> Le cinquième alinéa de cet article dispose que le projet de financement de la sécurité sociale est ensuite examiné selon la procédure d'urgence dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution. En d'autres termes, le Premier ministre aura la faculté de provoquer aussitôt la réunion d'une commission mixte paritaire.

Ce système, justifié par la brièveté du délai restant à courir -soit dix jours- est le même que celui prévu pour l'examen des lois de finances (article 39, alinéa 4, de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959).

Bien entendu, cette disposition ne crée aucune obligation. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne s'agit que d'une simple faculté dont il appartiendra au Premier ministre d'user en fonction des impératifs de l'ordre du jour et des délais d'examen de la loi de financement dans les deux assemblées.

*
* *

Votre rapporteur relève enfin que l'Assemblée nationale n'a pas jugé utile de viser dans l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale l'hypothèse où le Parlement ne se serait pas prononcé dans le délai total de cinquante jours.

On sait qu'en pareil cas, les dispositions du projet pourraient être mises en oeuvre par ordonnance.

Les dispositions de l'article 47-1, alinéa 3, de la Constitution se suffisant à elles-mêmes, il était en effet superflu de les reproduire dans la loi organique.

Article L.O. 111-8 du code de la sécurité sociale
Reconduction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie si le Parlement n'a pas fixé l'objectif national pour l'année suivante

Cet article, qui ne figurait pas dans le projet de loi organique initial, a été introduit par l'Assemblée nationale sur un amendement de M. Jean-Pierre Delalande, dans une rédaction modifiée à l'initiative du rapporteur de la commission spéciale.

Il précise que si l'objectif national de dépenses d'assurance maladie n'a pas pu être fixé avant le commencement de l'exercice auquel il s'applique, celui de l'année précédente est reconduit.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale repose sur l'idée que contrairement aux autres dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale, la fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie doit absolument intervenir avant le commencement de l'année suivante, notamment parce qu'il est nécessaire à l'établissement définitif des budgets hospitaliers votés au mois d'octobre de l'année précédant le début de l'exercice.

À titre personnel, votre rapporteur incline à penser que l'absence d'objectif national d'assurance maladie au 1er janvier n'aurait pas de conséquences irrémédiables, dans la mesure où il serait toujours possible de différer quelque peu la fixation de ces budgets et, a fortiori, l'ouverture du processus conventionnel consécutif à la loi de financement.

Telle n'est pourtant pas l'opinion de la commission des Affaires sociales, qui considère au contraire que le vote définitif de la loi de financement doit absolument intervenir avant le 31 décembre, notamment en raison du caractère réellement normatif (car sanctionné) de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie. Elle fait valoir que compte tenu des délais dont disposent le Gouvernement et les caisses pour conclure l'avenant à la convention d'objectifs et de gestion (15 jours après la promulgation de la loi de financement), puis ceux dont disposent les caisses et les partenaires conventionnels pour conclure l'avenant à la convention nationale des médecins (50 jours après cette promulgation), il importe que les objectifs qui seront ensuite déclinés par ces avenants soient fixés au plus tôt. De même, pour les établissements de santé financés par dotation globale, le Gouvernement dispose de quinze jours après la promulgation de la loi de financement pour fixer le montant total annuel des dépenses d'hospitalisation prises en charge par l'assurance maladie. Ce montant total doit être ensuite réparti en dotation régionale. Enfin, comment pourrait-on garantir la normativité de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (donc appliquer les sanctions attachées à leur non respect au cours de l'année) si cet objectif ne devenait opposable aux professions que plus tard dans l'année ?

En définitive, la commission des Affaires sociales n'estime pas concevable, ni pour la sécurité sociale -dont on connaît la situation financière difficile- ni pour un secteur qui représente environ 10 % du PIB, que les conditions d'application du dispositif annuel de régulation ne soit connues qu'à la fin du premier trimestre de l'année.

Quoi qu'il en soit, le présent article a été considéré comme une sorte de « réassurance » -pour reprendre les termes du ministre lors du débat à l'Assemblée nationale- dans l'hypothèse où le Parlement n'aurait pas fixé ledit objectif national au 31 décembre.

Votre rapporteur s'est interrogé sur les situations concrètes où cette disposition trouverait à s'appliquer, c'est-à-dire celles où le Parlement n'aurait pas fixé avant le 31 décembre de l'année en cours l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour l'année suivante.

Cette question lui a paru d'autant plus pertinente que le Constituant a déjà réglé le cas où le Parlement n'aurait pas statué dans le délai total de cinquante jours, hypothèse dans laquelle les dispositions du projet de loi de financement pourraient être mises en oeuvre par ordonnance (article 47-1, alinéa 3, de la Constitution).

Quatre cas de figure peuvent être envisagés.

1° Le premier est celui dans lequel le Gouvernement, en méconnaissance de la date limite du dépôt du projet de loi de financement, aurait déposé son projet trop tard pour qu'il puisse être adopté avant la fin de l'année. À la limite, on pourrait même imaginer qu'un Gouvernement s'abstienne purement et simplement de déposer un projet.

2° La seconde hypothèse serait celle d'une dissolution de l'Assemblée nationale avant le vote en première lecture, comme ce fut le cas avec la loi de finances lors de la dissolution de l'Assemblée nationale du 9 octobre 1962.

3° On pourrait également concevoir le cas -encore plus théorique- où le Parlement se serait certes prononcé dans le délai requis de cinquante jours, mais en ayant supprimé, pour une raison ou une autre, l'article fixant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

4° Reste enfin l'hypothèse où la loi de financement aurait été adoptée à temps mais aurait été déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, ainsi que cela s'est produit pour la loi de finances pour l'année 1980, au motif d'une irrégularité substantielle de procédure. Une déclaration d'inconstitutionnalité de l'article fixant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie aurait d'ailleurs le même effet.

Dans toutes ces hypothèses -très peu probables, il est vrai- le Gouvernement ne pourrait recourir à la mise en oeuvre du projet de loi de financement par ordonnance, puisqu'elle n'est prévue par la Constitution qu'au seul cas où le Parlement a bien été saisi du projet de loi de financement mais ne s'est pas prononcé dans les cinquante jours.

Pour autant, le système conçu par l'Assemblée nationale pour tenter de prévenir les conséquences de telles situations n'est pas satisfaisant à deux titres.

En premier lieu, il aurait pour effet de reconduire un objectif de dépenses qui pourrait fort bien se trouver en total décalage avec les nécessités du moment.

C'est d'ailleurs pourquoi cette formule avait été écartée lors du débat sur la révision constitutionnelle, lorsque les assemblées réfléchissaient au moyen de pallier le non-dépôt ou le dépôt tardif du projet de loi de financement par le Gouvernement. Selon les propos du Garde des Sceaux, le Gouvernement l'avait d'ailleurs lui-même envisagée dans un premier temps, mais sans s'y arrêter compte tenu de ses inconvénients manifestes.

En second lieu, force est de reconnaître qu'un mécanisme de reconduction automatique priverait indûment le Parlement de son pouvoir d'appréciation, alors-même qu'il ne serait en rien responsable de l'absence d'objectif pour l'année suivante.

En définitive, cet article préconise une solution peu adéquate pour remédier à une situation qui ne devrait elle-même se rencontrer que de manière tout à fait exceptionnelle.

Or, l'usage enseigne qu'en pareil cas, le recours à des raisonnements juridiques éprouvés (l'application de la théorie de la nécessité, par exemple, ou le recours à la notion constitutionnelle de continuité de l'État ou du fonctionnement des pouvoirs publics, etc..) permet le plus souvent de dégager, le moment venu, les solutions les mieux adaptées au cas d'espèce.

C'est ainsi que situation inusuelle -et surtout non envisagée par la Constitution ou par la loi organique- provoquée par l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'ensemble de la loi de finances pour 1980 a pu être réglée dans les délais requis, sans qu'une disposition particulière ait été nécessaire.

Aussi, tout en étant attentive à la démarche de l'Assemblée nationale, votre commission des Lois juge-t-elle plus réaliste de laisser la pratique régler une éventualité dont la survenance paraît des moins probables. C'est pourquoi elle propose au Sénat de supprimer cet article.

Article 3
(article L.O. 132-3 du code des juridictions financières)
Contribution de la Cour des comptes au contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale

L'article 3 du présent projet de loi organique précise les modalités d'application du dernier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution, aux termes duquel « La Cour des comptes assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale » .


• Paragraphe I : le rapport de la Cour des comptes au Parlement.

L'article 13 de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui résulte d'une initiative de la commission des Finances du Sénat, dispose que :

« Chaque année, la Cour des comptes transmet au Parlement un rapport analysant les comptes de l'ensemble des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle et faisant une synthèse des avis émis par les comités départementaux d'examen des comptes de la sécurité sociale, éventuellement complété par ses observations aux autorités de tutelle et les réponses de celles-ci. Les comptes et les observations visés au présent alinéa sont ceux relatifs à l'avant-dernière année précédant celle de la transmission au Parlement » .

Ces dispositions ont été depuis codifiées sous l'article L. 132-3 du code des juridictions financières.

Sur la forme, il est proposé d'élever au rang organique les dispositions relatives à ce rapport en substituant, dans le code des juridictions financières, un article L.O. 132-3 nouveau à l'actuel article L. 132-3.

Sur le fond, il est proposé d'adapter le contenu de ce rapport à l'institution de la catégorie des lois de financement de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi organique propose, pour le début de l'article L.O. 132-3, les dispositions suivantes : « chaque année, la Cour des comptes adresse au Parlement un rapport sur les conditions de mise en oeuvre des lois de financement de la sécurité sociale » .

Votre commission des Lois estime que cette rédaction est inutilement restrictive, et que le rapport doit porter sur l'a pplication des lois de financement de la sécurité sociale : cette formule est en effet celle de la Constitution.

Par ailleurs, l'articulation du rapport de la Cour des comptes avec le projet de loi de finances mérite d'être précisée.

Même si ce document constitue une annexe obligatoire du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sa transmission au Parlement ne doit pas passer par le truchement du Gouvernement.

À cet égard, la rédaction de l'actuel article L. 132-3 du code des juridictions financières, selon laquelle la Cour « transmet » le rapport au Parlement, est sans ambiguïté, tout comme celle proposée pour l'article L.O. 132-3 du même code, selon laquelle la Cour « adresse » ledit rapport au Parlement.

Ainsi, le législateur de 1994 a très clairement souhaité établir une collaboration directe entre la Cour des comptes et le Parlement en matière de contrôle des comptes de la sécurité sociale.

Or, l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale fait de ce rapport, qui a pour l'instant une existence juridique parfaitement autonome, une annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour autant, cette disposition nouvelle ne doit pas pouvoir être interprétée comme conditionnant la transmission du rapport au Parlement au dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire à un acte du Gouvernement.

Pour cette raison, votre commission des lois propose de retenir, pour l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, une articulation analogue à celle prévue par l'article L.O. 132-1 du même code pour le rapport de la Cour des comptes sur le projet de loi de règlement.

L'arrêt du rapport par la Cour et sa transmission au Parlement seront ainsi expressément dissociés de son annexion ultérieure au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette nuance est importante dans la mesure où elle clarifie les relations de procédure entre les pouvoirs législatif, exécutif et juridictionnel autour de ce rapport.

Elle présente également un intérêt pratique. Si le rapport est arrêté par la Cour des comptes dans le courant du mois de septembre, comme cela a été le cas l'an dernier, il pourra être remis sans délai au Parlement, puis annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale déposé le 15 octobre. À l'inverse, s'il est arrêté à une date plus tardive, il pourra sans inconvénient être annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale ultérieurement au dépôt de ce projet de loi.

La suite de la rédaction proposée pour l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières n'est pas substantiellement différente de la rédaction de l'actuel article L. 132-3, sous réserve des deux modifications suivantes :

- d'une part, la référence aux comités départementaux d'examen des comptes de la sécurité sociale, ou CODEC, qui n'ont d'existence que réglementaire, est remplacée par une référence plus générale aux « organismes de contrôle placés sous la surveillance » de la Cour des comptes ;

- d'autre part, la précision selon laquelle les comptes analysés par la Cour sont ceux de l'année n - 2 précédant celle de la transmission du rapport, disparaît. En effet, elle semble inutile dans la mesure où il n'est pas demandé à la Cour de certifier les comptes des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle de la même façon qu'elle certifie les comptes de l'État après qu'ils sont définitivement clos. Dans l'immédiat, il n'y aura pas de « loi de financement de la sécurité sociale de règlement » comparable à la loi de règlement du budget.

Enfin, la dernière phrase du texte initialement proposé pour l'article L.O. 132-3 prévoyait que les réponses des autorités de tutelle aux observations de la Cour des comptes sont jointes à celles-ci.

Soucieuse de tirer les conséquences de cette logique de procédure contradictoire, l'Assemblée nationale a proposé que toutes les réponses faites aux observations de la Cour soient publiées dans le rapport, et pas seulement celles des autorités de tutelle. Cette modification réserve, en quelque sorte, la possibilité d'un droit de réponse direct aux responsables des organismes de sécurité sociale dont la gestion pourrait être mise en cause.

L'amélioration apportée ainsi par l'Assemblée nationale est une utile mesure de précaution, même si le premier rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, rendu public au mois de septembre 1995, ne met en cause aucun organisme précis et ne comporte aucune réponse à ses observations.

Toutefois, votre commission des Lois relève que cette disposition pourrait avoir pour fâcheuse conséquence de retarder la date de l'arrêt définitif du rapport par la Cour des comptes. En effet, dans une interprétation stricte, le rapport ne pourrait pas être rendu public tant que la dernière des réponses n'aura pas été fournie à la Cour des comptes, dans les délais réglementaires, et éventuellement à l'occasion de l'audition contradictoire prévue à l'article L 135-4 du code des juridictions financières.

Votre commission des Lois présente donc une rédaction de la dernière phrase de l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières qui rend possible, si nécessaire, la dissociation du corps du rapport et des réponses aux observations. De cette sorte, le rapport pourra toujours être annexé en temps voulu au projet de loi de financement de la sécurité sociale, les réponses « retardataires » étant communiquées ultérieurement au Parlement.


Insertion d'un paragraphe nouveau (I bis) pour permettre la saisine de la Cour des comptes par la commission parlementaire compétente (article L. 132-3-1 du code des juridictions financières).

Votre commission des Lois vous propose d'introduire dans cet article un paragraphe I bis complétant le code des juridictions financières par un article L. 132-3-1 précisant que la Cour des comptes pourra être saisie par la commission parlementaire compétente pour l'examen au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Cette disposition, évidemment applicable dans chaque assemblée, répond à un double objectif :

- d'une part, doter les commissions devant lesquelles seront renvoyés au fond ces projets de loi -en principe, les commissions des Affaires sociales- des mêmes compétences que celles dont dispose la Commission des finances aux termes de l'article L. 132-4 du code des juridictions financières ;

- d'autre part, permettre à ces commissions d'assurer un suivi dans la contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale, par exemple en diligentant des enquêtes sur la gestion des organismes de sécurité sociale soumis au contrôle de la Cour des comptes et concernés par les lois de financement de la sécurité sociale.

Là encore, cette disposition s'inscrit dans le droit fil du principe posé par la loi constitutionnelle selon lequel « la Cour des comptes assiste le Parlement... dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale » .


Paragraphe II (supprimé par l'Assemblée nationale) : disposition
de coordination.

Ce paragraphe proposait d'abroger l'actuel article L. 132-3 du code des juridictions financières (à valeur législative ordinaire) par suite de sa réécriture au paragraphe I en tant que disposition à valeur organique. L'Assemblée nationale a supprimé ce paragraphe pour le recréer en paragraphe II bis de l'article 4, où elle a regroupé toutes les dispositions de coordination. Votre commission des Lois vous propose de confirmer cette suppression.

Article 4
Dispositions de coordination et de conséquence

Cet article regroupe sous quatre paragraphes les dispositions de coordination et de conséquence nécessaires pour articuler le dispositif des articles 2 et 3 avec la législation existante.


Paragraphe I A : ce paragraphe recrée sous l'article 4 du projet de
loi organique les dispositions de conséquence qui figuraient dans le projet
initial aux paragraphes I et II de l'article premier (cet article ayant été
supprimé par l'Assemblée nationale, cf. supra).

Il propose en premier lieu, la création d'une section 1, intitulée « Principes généraux » , au sein du chapitre premier du titre premier du livre premier du code de la sécurité sociale ; cette section, qui comprendrait les actuels articles L. 111-1 et L. 111-2 dudit code, serait rendue nécessaire du fait de l'insertion par l'article 2 du projet de loi organique d'une section 2 nouvelle regroupant les articles à caractère organique L.O. 111-3 à L. 111-8.

Toutefois, dans la mesure où votre commission des Lois a jugé plus logique d'insérer ces articles L.O. 111-3 et suivants dans un chapitre distinct du code de la sécurité sociale, cette section n'a plus raison d'être.

Aussi vous propose-t-elle de supprimer le premier alinéa de ce paragraphe.

Le second alinéa du paragraphe abroge par ailleurs les articles L. 111-3 et L. 111-4 du même code, auxquels doivent se substituer les dispositions organiques prévues par l'article 2 du projet de loi organique.

Sous réserve d'une modification de pure forme, votre commission des Lois vous propose d'approuver cette abrogation.

ï Paragraphe I : ce paragraphe insère dans l'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale un alinéa nouveau aux termes duquel les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale sont communiqués au Parlement (disposition figurant actuellement à l'article L. 111-3, abrogé).

ï Paragraphe II : ce paragraphe se borne à tirer la conséquence dans l'article 200-3 du code de la sécurité sociale de l'abrogation de l'actuel article L. 111-3.

ï Paragraphe II bis : ce paragraphe abroge l'article L. 132-3 du code des juridictions financières, dont la réécriture en tant que disposition à valeur organique est proposée par l'article 3 du présent projet de loi organique.

ï Paragraphe III : le document récapitulant l'effort financier de l'État en faveur de la protection sociale.

L'article 33 du collectif budgétaire de l'été 1995 a institué, à compter de 1996, un document récapitulant l'ensemble des impositions et des crédits affectés à des organismes de sécurité sociale, qui constituent l'effort financier de l'État en faveur de la protection sociale.

Cet état récapitulatif devait être annexé au rapport relatif aux principes fondamentaux qui déterminent l'évolution des régimes obligatoires de base de sécurité sociale prévu par l'article L. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Or, du fait de la suppression de ce rapport, rendu inutile par l'instauration des lois de financement de la sécurité sociale, ce document perd le support auquel il devait se rattacher.

En conséquence, le projet de loi organique propose d'adapter la rédaction de l'article 33 de la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885 du 4 août 1995), afin de faire de « l'effort financier de l'État en faveur de la protection sociale » un document autonome. Il est donc prévu qu'il sera présenté par le Gouvernement « chaque année » , mais sans autre précision.

Considérant que, par sa nature, cet état récapitulatif sera fort utile à la discussion budgétaire, en permettant au Parlement de contrôler la concordance entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, votre commission des Lois vous propose de le joindre en annexe du projet de loi de finances de l'année.

*
* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle présente, votre commission des Lois, en plein accord avec la commission des Affaires sociales et la commission des Finances, propose au Sénat d'adopter le présent projet de loi organique.

* 1 Cotisations des régimes gérés directement par l'employeur (essentiellement les prestations des fonctionnaires).

* 2 Allocation aux adultes handicapés et allocation de rentrée scolaire.

* 3 Dans son plan de réforme de la protection sociale présenté le 15 novembre 1995, le Premier Ministre avait prévu la création d'une caisse de retraite des agents de la fonction publique de l'État afin « d'établir la transparence du système ». Ce projet a été abandonné à la suite des événements de décembre 1995 et de la mobilisation contre la réforme des régimes spéciaux qui devait être conduite par ailleurs.

* 4 Son appellation a été récemment actualisée. Il s'agit désormais du « rapport économique, social et financier »

* 5 Il a été institué, par la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 relative à la protection sociale commune à tous les Français et instituant une compensation entre régimes de base de sécurité sociale.

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