N° 6

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative au service militaire des double-nationaux (ensemble une annexe),

Par M.Guy PENNE ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet l'approbation d'une convention entre la France et la Suisse relative au service militaire des double-nationaux.

On peut s'étonner que nos deux pays aient éprouvé la nécessité de remettre sur le métier une question que pas moins de quatre textes s'étaient déjà employés à régler : la convention relative au service des double nationaux du 1er août 1958, l'arrangement administratif adopté le même jour, le protocole additionnel du 3 mars 1961, l'accord sous forme d'échange de lettres du 14 février 1989.

En fait, ce dispositif juridique apparaissait à la fois complexe et inadapté : complexe car la superposition de différentes mesures en rendait l'interprétation parfois difficile, inadapté car la législation relative au droit de la nationalité a évolué au cours des dernières années en France comme en Suisse.

Ainsi la Confédération a proposé en 1991 aux autorités françaises de revoir la convention de 1958 afin de prendre en compte des nouvelles situations liées à l'assouplissement des conditions d'acquisition de la double nationalité intervenu en 1990. Plutôt que d'ajouter un texte supplémentaire aux accords existants, la France a souhaité que soit retenu le principe d'un accord unique qui se substituerait à l'ensemble des textes aujourd'hui en vigueur. La négociation a pris du temps et n'a abouti qu'en novembre 1995, la Suisse ayant dans l'intervalle entrepris de redéfinir sa politique de défense, dans le cadre, notamment, du plan « Armée 95 ».

Afin de mieux cerner la portée du présent accord, votre rapporteur analysera les principaux traits du dispositif actuel avant de présenter les modifications apportées par le nouveau texte.

I. LA NÉCESSAIRE REMISE EN CAUSE DE LA CONVENTION FRANCO-SUISSE DU 1ER AOÛT 1958

A. UN DISPOSITIF JURIDIQUE DEVENU INADAPTÉ ...

Le souci d'éviter aux double-nationaux l'obligation d'accomplir leur service national dans les deux pays dont ils sont les ressortissants a justifié de longue date la signature d'accords bilatéraux. Notre pays est aujourd'hui lié par 17 conventions de cette nature, principalement avec des pays européens et sud-américains.

En outre, la France a signé le 6 mai 1963 la convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité des nationalités et sur les obligations militaires en cas de pluralité des nationalités. Ce texte fixe les principes communs aux différents accords bilatéraux.

Un double-national n'est d'abord tenu d'accomplir ses obligations que dans l'un des pays dont il est le ressortissant (art. 5). La convention précise qu'à défaut d'accords spéciaux, ce pays est le lieu de résidence habituelle (art. 6). Elle prévoit cependant, jusqu'à l'âge de 19 ans, la possibilité pour la personne intéressée de choisir par engagement volontaire le pays dans lequel elle désire accomplir ses obligations militaires.

Seule la convention franco-algérienne du 11 octobre 1983 s'écarte du principe de l'accomplissement du service dans l'Etat de résidence. Elle laisse en effet à l'intéressé le choix du pays où il souhaite effectuer ses obligations militaires quel que soit, par ailleurs, son lieu de résidence habituel.

La convention franco-suisse de 1958 s'inscrit quant à elle dans le cadre général qui sera consacré par la convention du Conseil de l'Europe de 1963. Elle prévoit ainsi que les double-nationaux sont tenus d'accomplir leurs obligations militaires dans l'Etat où ils ont leur résidence permanente à l'âge de 19 ans. Par ailleurs, comme devait le prévoir la convention de 1963, le texte donne aux intéressés résidant à l'âge de 19 ans révolus dans un Etat tiers la faculté de choisir le pays où ils accomplissent leur service.

Toutefois la convention de 1958 présentait certaines particularités liées notamment à la forme du service militaire suisse -où les périodes d'activité sont maintenues jusqu'à l'âge de 42 ans. C'est ainsi que l'accord soumettait les double-nationaux ayant établi leur résidence permanente dans l'Etat où ils n'ont pas accompli leur service militaire « aux obligations militaires de leur classe à partir de l'âge de 30 ans, dès le moment où ils auront résidé sans interruption pendant cinq ans » (art. 3).

Un aménagement administratif adopté le même jour que la convention définit la résidence permanente comme le lieu où le double national possède « le centre de ses intérêts principaux ».

B. ... DU FAIT DES ÉVOLUTIONS DES LÉGISLATIONS DANS LE DOMAINE DU DROIT DE LA NATIONALITÉ

Au terme de la convention de 1958, il ressort que seules les personnes qui sont double-nationales à l'âge de dix-neuf ans révolus peuvent en principe bénéficier des dispositions évitant un double service.

Or, les modifications intervenues dans les législations intérieures en France comme en Suisse ont eu pour effet de retarder la date où les intéressés peuvent se prévaloir de l'une ou l'autre des nationalités.

En suisse, une première réforme permit, en 1985, aux enfants de mère suisse et de père étranger d'acquérir la nationalité suisse au moment de la naissance. Cette nouvelle disposition s'appliquant à titre transitoire aux personnes nées après le 31 décembre 1952, plusieurs intéressés ayant plus de 19 ans pouvaient se prévaloir de la nationalité suisse sans toutefois bénéficier des dispositions évitant un double service.

Un accord du 14 février 1989 sous forme d'échange de lettres avait élargi aux intéressés ayant acquis la double nationalité après 19 ans le bénéfice des dispositions de la convention de 1958. Le texte s'appliquait cependant aux seuls cas visés par la modification de 1985.

Par la suite, l'Assemblée fédérale de la Confédération abrogea le principe suivant lequel le candidat à la naturalisation suisse était tenu de renoncer à sa nationalité d'origine. Dès lors le problème du double service, réglé par l'accord de 1989 pour les bénéficiaires "de droit" de la nationalité suisse, se posait pour les personnes majeures acquérant la nationalité suisse par naturalisation.

Enfin, en France, la loi du 22 juillet 1993 a eu pour effet de retarder la date d'acquisition de la nationalité française pour les personnes nées en France de parents étrangers, en la conditionnant à la manifestation de volonté exprimée entre 16 et 21 ans.

Le dispositif antérieur aurait pu être adapté afin d'élargir le bénéfice des dispositions de la convention de 1958 aux personnes âgées de plus de 19 ans. Le choix de reprendre dans un nouveau texte l'ensemble des principes régissant les double-nationaux répondait mieux à l'objectif de clarté indispensable dans cette matière.

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