Rapport n° 8 (1996-1997) de M. Nicolas ABOUT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 2 octobre 1996

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N° 8

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole),

Par M. Nicolas ABOUT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi tend à autoriser l'approbation d'un accord conclu le 11 octobre 1995 entre la France et l'Afrique du Sud, et relatif à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements. Cet accord, qui s'ajoutera aux quelque quarante conventions de même objet actuellement en vigueur, ne se distingue que très marginalement du texte-type habituellement retenu par la France en matière de protection des investissements. Les stipulations du présent accord sont donc suffisamment familières à votre Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées pour que votre rapporteur, après avoir évalué l'évolution récente de la République d'Afrique du Sud et de ses relations avec la France, ne consacre qu'un commentaire rapide au contenu de la convention du ll octobre 1995 qui nous est soumise.

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I. FRAGILITES SUD-AFRICAINES

En dépit des succès incontestables, par rapport à la situation qui prévalait à l'époque de l'apartheid, que sont la réussite de transition politique et la fin de la récession économique, des défis majeurs restent à surmonter : graves déséquilibres sociaux, faiblesses structurelles de l'économie, persistance de la violence et crise d'identité de l'ANC.

A. DES SUCCES INCONTESTABLES

1. Une transition politique réussie

Les premières élections démocratiques et multiraciales d'avril 1994, qui ont consacré la victoire de l'ANC puis l'adoption, en mai 1996, d'une constitution très libérale, fondée sur l'attachement aux Droits de l'Homme, sont les deux grandes étapes de la transition sud-africaine depuis le démantèlement du système de l'apartheid. Désormais assis sur une légitimité démocratique fondée sur le principe "un homme, une voix", le nouveau régime conjugue de manière très spécifique le principe de la majorité et le souci d'associer les minorités au processus de décision politique.

Si, en effet, l'ANC contrôle désormais l'essentiel des postes-clés du pays (Présidence de la République, poste de premier Vice-Président, présidence de l'Assemblée) et dispose de la majorité au Parlement, le gouvernement issu des élections d'avril 1994 faisait une large place aux représentants des partis adverses, notamment à l'Inkhata Freedom Party et au Parti National (jusqu'à ce que celui-ci se retire, le 30 juin 1996, des gouvernements central et provinciaux). Le système politique qui s'est mis en place après les élections de 1994 relève donc d'une sorte de "cogestion démocratique" entre les deux principales forces politiques sud-africaines que sont l'ANC et le Parti National.

2. Un régime à la recherche d'une légitimité nouvelle

La rupture avec l'époque de l'Apartheid s'est manifestée par le changement de drapeau le choix de nouveaux jours fériés et d'hymnes différents et par le changement de nom des bâtiments publics et des infrastructures les plus importantes. Ces gestes symboliques ont contribué à "façonner le nouveau régime et la citoyenneté sud-africaine en proposant de nouveaux mythes politiques" 1 ( * ) .

La normalisation des relations avec les pays voisins, dont a témoigné la rétrocession du port de Walvis Bay à la Namibie, ainsi que le retour de l'Afrique du Sud au sein du Commonwealth, de l'OUA (Organisation pour l'Unité Africaine), de l'UNESCO, et du Groupe des non-alignés, s'inscrivent dans le mouvement de refondation du pays qui passe également par une entreprise de réconciliation nationale rendue nécessaire par les cruautés de l'apartheid.

A cet égard, la Commission de la Vérité et de la Réconciliation, instance multipartite présidée par Mgr Desmond Tutu, a été chargée de purger les tensions de l'après-apartheid au cours de cérémonies expiatoires qui, depuis le printemps 1996, peuvent conduire à l'amnistie des personnes qui viendraient y confesser leurs crimes. Il est, certes, prématuré d'envisager un apaisement rapide des plaies héritées de l'apartheid. Il ne s'agit pas moins d'une forme originale et courageuse de règlement d'un passé proche et douloureux.

3. La fin d'une longue période de récession économique

Les résultats relativement satisfaisants enregistrés depuis 1994 attestent des progrès certains, en dépit de faiblesses structurelles sur lesquelles votre rapporteur reviendra.

En 1995, malgré de mauvaises récoltes et une baisse de la production minière, la croissance du PIB s'est élevée à 3,5 %. Les exportations de marchandises, tant vers les grands pays industrialisés que vers les partenaires africains, ont augmenté de 15 à 25 % chaque année depuis 1993. L'inflation a été ramenée à 6,4 %, soit le meilleur résultat depuis vingt ans. Les investissements - nationaux et internationaux - ont représenté un flux de près de 20 milliards de Rands en 1995. Ce succès montre que la politique libérale conduite par le gouvernement d'unité nationale a su gagner la confiance des investisseurs que toute menace d'instabilité politique aurait pu décourager.

B. LES DEFIS DE LA NORMALISATION

L'Afrique du Sud a donc franchi avec succès le cap de la transition. Elle est désormais confrontée, dans une perspective à plus long terme, aux défis majeurs que constituent l'élaboration d'une identité nationale dans un pays aux particularismes très affirmés, la violence au Kwazulu-Natal, la pauvreté, les faiblesses structurelles de l'économie et l'aptitude de l'ANC à gérer seul les difficultés de l'après-apartheid.

1. Vers la construction d'une identité nationale

• L'Afrique du Sud est avant tout une mosaïque de peuples très divers :

- la communauté noire, très majoritaire (30 millions de personnes sur 40 millions de Sud-Africains), est divisée en huit ethnies d'importance inégale, parlant des langues différentes et attachées à des particularismes très vivants ;

- la communauté blanche ne compte que 4,8 millions de personnes (soit 13 % de la population sud-africaine), soit 2,8 millions d'Afrikaners et 2 millions d'Anglophones. Rappelons que la guerre anglo-boer a scellé de profonds différends entre ces deux groupes, que l'apartheid et les sanctions internationales ont conduit à se rapprocher ;

- les métis ((3,3 millions de personnes) et les Indiens (1 million) constituent les deux minorités non blanches d'Afrique du Sud.

• La construction d'une identité nationale sud-africaine paraît d'autant plus complexe que la Déclaration des Droits reconnaît un statut officiel à onze langues (zoulou, anglais, afrikaner, udebele, sotho, venda, tswana, xhosa, leboa, swali, tsonga), et que le développement de langues telles que l'hindi, le portugais, l'hébreu, le sanskrit et le tamul est encouragé.

• Par ailleurs, le régime sud-africain reconnaît la validité du droit coutumier africain , dont la valeur est équivalente à celle de la loi commune, ainsi que les structures tribales traditionnelles. Bien que la constitution s'appuie sur le principe d'une république unitaire, âprement défendu par l'ANC aux dépens du système fédéral, les particularismes locaux sont puissants, alors même que l'unité de l'Afrique du Sud doit encore être édifiée. A cet égard, la vigueur de l'identité zouloue (communauté de huit millions de personnes concentrées au Kwazulu-Natal), et qui s'incarne dans le parti de l'Inkatha Freedom Party, illustre la réalité des tendances centrifuges en Afrique du Sud.

2. La persistance de la violence

Au Kwazulu-Natal, l'opposition très vive entre partisans de l'ANC et de l'IFP (Inkhata Freedom Party) provoque chaque semaine la mort de nombreux militants. En avril 1996, la famille royale zouloue elle-même a été la cible d'exactions qui ont conduit le président Mandela à repousser les élections municipales. Celles-ci se sont finalement tenues le 26 juin 1996 et ont confirmé l'affaiblissement de l'Inkhata par rapport à l'ANC, qui domine désormais les grandes villes de la province. De manière générale, la persistance d'une forte criminalité demeure liée tant à la pauvreté croissante d'une forte minorité de la population, qu'à sa radicalisation au profit d'organisations politiques plus révolutionnaires. L'apaisement est donc subordonné à la capacité de l'équipe au pouvoir de surmonter les déséquilibres sociaux qui constituent une plaie incontestable de l'Afrique du Sud actuelle.

3. Des déséquilibres sociaux considérables

Alors que le niveau de vie des Blancs est comparable à celui des Européens, la communauté noire dispose d'un revenu moyen près de dix fois inférieur. Le chômage touche environ 50 % de la population noire. Plus préoccupant encore est son faible niveau d'éducation, hérité de l'apartheid. C'est pourquoi l'éducation fait partie des priorités définies dans le cadre du plan de rattrapage économique et social lancé en 1994.

De manière générale, on compte en Afrique du Sud 5 à 8 millions de personnes sans abri ou mal logées ; 60 % de la population vit sans électricité et 16 millions de personnes n'ont pas l'eau courante. Ce fossé est d'autant plus frappant que l'Afrique du Sud est le seul pays d'Afrique sub-saharienne à disposer d'infrastructures développées et modernes.

Les déséquilibres sociaux se sont traduits par un développement préoccupant de la délinquance, qui a inspiré l'adoption par le gouvernement du Programme de reconstruction et de développement, désormais axé sur quatre domaines d'intervention prioritaires : amélioration des infrastructures, lutte contre la criminalité, préservation et développement du potentiel humain (santé et éducation), réforme et démocratisation de l'Etat.

4. Faiblesses structurelles de l'économie sud-africaine

En dépit d'atouts non négligeables - richesses naturelles considérables, bonne formation des cadres, infrastructures performantes -, des faiblesses structurelles incontestables hypothèquent à ce jour le développement rapide de l'Afrique du Sud.

Faiblesse du taux d'épargne et déficit budgétaire sont à l'origine d'une grande dépendance à l'égard des investisseurs étrangers , et, partant, d'une grande vulnérabilité du financement de l'économie sud-africaine à l'égard des risques d'instabilité politique. Cette tendance s'est illustrée par la chute du Rand au premier trimestre 1996, à la suite de rumeurs sur la santé du chef de l'Etat, et du départ des ministres du Parti national.

Une autre fragilité de l'économie sud-africaine réside dans l' étroitesse du marché national (40 millions d'habitants) - situation aggravée par le faible niveau de vie de la population noire. La conquête de parts du marché international s'impose donc aux entreprises sud-africaines, ce qui implique la recherche de gains de productivité, alors même que le faible coût de la main d'oeuvre et une longue autarcie ont renforcé des comportements économiques sensiblement différents.

L'un des enjeux du développement sud-africain est donc de faire accepter peu de créations d'emplois à une société où le chômage touche officiellement près du tiers des actifs.

5. Les contradictions de l'ANC

Principal mouvement d'opposition au régime de l'apartheid, l'ANC est, depuis sa victoire aux élections de 1994, confrontée aux contradictions résultant de son statut de parti de gouvernement, obligé de rassurer communauté économique internationale et investisseurs nationaux tout en préservant l'appui de ses militants.

La grève lancée par le syndicat Cosatu en avril 1996 a illustré les difficultés suscitées par le virage libéral opéré par l'ANC. Le parti au pouvoir pourrait être fragilisé par l'impopularité de mesures telles que les privatisations, ou par la persistance d'un fort taux de chômage. Depuis le départ du Parti national du gouvernement d'union issu des élections de 1994, l'ANC doit faire la preuve de sa capacité à conduire seul des réformes économiques et sociales considérables. C'est pourquoi la succession du Président Mandela, qui ne se représentera pas en 1999, sera le principal enjeu politique des prochaines années.

II. LE PARTENARIAT FRANCO-SUD-AFRICAIN

La présence française en Afrique du Sud remonte historiquement à l'installation de Huguenots au Cap en 1688, à la suite de la révocation de l'Edit de Nantes. Des relations étroites entre les deux pays ne se sont toutefois développées qu'à partir des années 1960. La coopération nucléaire et les échanges militaires en ont été les deux axes privilégiés.

La condamnation de l'apartheid par la France et son association aux sanctions internationales ont assuré à notre pays la sympathie de la nouvelle Afrique du Sud. Les contacts réguliers de haut niveau sont désormais acquis entre les deux partenaires. Certes, les rapports privilégiés qu'entretient naturellement l'Afrique du Sud avec l'Allemagne et le monde anglo-saxon ne sauraient faire de la France un partenaire de premier plan, en dépit des efforts accomplis par notre pays sur le plan commercial et en matière d'aide. Toutefois, les priorités qui sont désormais, pour le diplomatie sud-africaine, les relations avec l'Afrique, l'Océan Indien et l'Europe peuvent renforcer l'importance du partenariat franco-sud-africain aux yeux de Pretoria.

A. UN DIALOGUE POLITIQUE SOUTENU

Suspendus après 1975, les contacts politiques entre la France et l'Afrique du Sud ont repris en 1990, lors de la libération de Nelson Mandela. Les visites en France du leader de la lutte contre l'apartheid en 1990, 1991 et 1992 ont confirmé le soutien apporté par la France à la transition sud-africaine. Après le voyage de M. Alain Juppé en janvier 1994, la visite du président François Miterrand a été la première visite d'un chef d'Etat occidental dans la nouvelle Afrique du Sud. Le séjour à Paris de Nelson Mandela en juillet 1996 en a constitué le prolongement.

Mentionnons également les séjours à Paris, en 1996, du Ministre des finances sud-africain, M. Trevor Manuel, puis du Ministre de la Défense, M. Joe Modise.

Le soutien français à la transition sud-africaine s'est également traduit, entre autres manifestations, par la contribution d'experts français à l'élaboration de la nouvelle constitution.

B. UNE COOPERATION BILATERALE DYNAMIQUE, DES RELATIONS COMMERCIALES A DEVELOPPER

1. La France, premier bailleur d'aide européen de l'Afrique du Sud

L'accord de coopération culturelle, scientifique et technique passé entre les deux pays le 4 novembre 1994 constitue le cadre d'une véritable coopération institutionnelle. Celle-ci vise essentiellement la formation à tous les niveaux, depuis la formation technique de base jusqu'à la formation des cadres, sans oublier la formation administrative.

Dans un autre domaine, l'Institut français d'Afrique du Sud, inauguré en 1994 à Johannesburg, est le cadre de manifestations culturelles appréciées, ainsi qu'un centre de recherche en sciences humaines et un centre de documentation sur la France et le monde francophone.

L'effort français concerne également le développement urbain (électrification, logement social), ainsi que la gestion des ressources en eau.

De manière générale, la coopération franco-sud-africaine s'appuie prioritairement sur la coopération scientifique et technique (41 % des crédits d'intervention), puis sur la politique éducative et sur l'aide à l'enseignement du français (32 %), même si l'enseignement du français ne peut qu'être gêné par l'existence de onze langues parlées en Afrique du Sud. Les alliances françaises, l'action artistique et la communication représentent 27 % des crédits d'intervention. 2 ( * )

L'aide française est, de loin, avec 86 millions de dollars en 1995, la première des aides européennes apportées à l'Afrique du Sud, devant les aides britannique et allemande.

2. Les relations commerciales franco-sud-africaines : un bilan nuancé

* La France n'est que le sixième partenaires commercial avec seulement 3,9 % du marché sud-africain en 1996. L'Allemagne représente 16,7 % du marché sud-africain (11,8 % pour les Etats-Unis, 11,1 % pour la Grande-Bretagne et 10,3 % pour le Japon). Les exportations françaises reposent sur les biens d'équipement professionnels, les semi-produits industriels et sur les biens de consommation. L'Afrique du Sud demeure fournisseur de matières premières et de produits de base.

* Les relations commerciales bilatérales connaissent néanmoins un certain essor. Les exportations françaises ont progressé de 10 % en 1995, et les entreprises françaises semblent bien placées dans les appels d'offre pour des projets d'équipement important (adduction d'eau, bâtiments et travaux publics, télécommunications). C'est ainsi que l'Afrique du Sud est devenue le premier débouché de la France en Afrique sub-saharienne , devant la Côté d'Ivoire. Nos échanges sont excédentaires en notre faveur. Mentionnons aussi que notre part du marché sud-africain, certes modestes, représente plus de deux fois notre part moyenne du marché asiatique.

* Notre pays n'est que la quatrième investisseur étranger en Afrique du Sud. Le stock d'investissements français a néanmoins plus que doublé depuis 1993, et représente désormais plus de trois milliards de francs .

On compte aujourd'hui 125 entreprises françaises présentes en Afrique du Sud, et soutenues par une agence de promotion réciproque des investissements et de la coopération industrielle (OCSAF). Notons également que le respect, par la France, de sanctions économiques est à l'origine d'un certain retard en matière d'investissements.

C. UN ATOUT POUR LA FRANCE : DES INTERETS REGIONAUX CONVERGENTS

L'Afrique du Sud et la France ont en commun leur intérêt pour le continent africain et pour l' Océan indien .

• Conscients du rôle particulier que joue la France en Afrique, les Sud-Africains sont également intéressés par le développement de leurs échanges avec l' Afrique francophone . L'Afrique sera donc probablement un terrain privilégié de la coopération franco-sud-africaine.

• L'Afrique du Sud jouant un rôle majeur dans l'élaboration d'une association des pays riverains de l'Océan indien, il pourra être utile de convaincre nos partenaires sud-africains que La Réunion a sa place dans ce regroupement. A cet égard, La Réunion est - avec la région Bretagne - un acteur important de la coopération décentralisée entre la France et l'Afrique du Sud.

• La connivence suscitée par ces intérêts régionaux communs peut atténuer la seule véritable friction dans les relations bilatérales que constitue la négociation de l'accord de libre-échange entre l'Afrique du Sud et l'Union européenne . En effet, la prudence dont fait preuve la France du fait de la fragilité de certains de ses produits agricoles et industriels conduit Pretoria à voir dans la France un obstacle majeur à la conclusion de l'accord - alors même que les secteurs susceptibles d'être exclus du libre-échange ne dépassent pas 4 % de la production agricole totale de l'Afrique du Sud.

III. ANALYSE RAPIDE D'UN ACCORD AU CONTENU CLASSIQUE

L'accord franco-sud-africain du 11 octobre 1995 ne s'écarte que très marginalement des dispositions habituellement retenues dans ce type d'accord. On y retrouve les éléments essentiels de notre doctrine en matière de protection des investissements : traitement juste et équitable, libre transfert des revenus et du capital investi, indemnisation en cas de dépossession, recours éventuel à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays d'accueil.

A. UN CHAMP D'APPLICATION LARGEMENT DEFINI

L'accord du 11 octobre 1995 ne fait pas exception en prévoyant une définition extensive des investissements et des revenus protégés, afin de limiter les éventuels contentieux.

La volonté d'élargir le champ d'application du présent accord se manifeste, comme il est de coutume dans ce type de convention, par le caractère non limitatif des énumérations exposées à l'article 1. C'est ainsi que le terme d'investissement renvoie notamment, mais non exclusivement, aux biens meubles et immeubles, aux actions et obligations, ainsi qu'aux concessions. Une modification de leur forme juridique n'affecterait pas leur qualification. De manière classique, le seul critère véritablement posé par le présent accord est que les investissements aient été réalisés "conformément à la législation de la Partie contractante sur le territoire de laquelle" est effectué l'investissement.

Par ailleurs, l'article 1 du présent accord précise la distinction entre les deux catégories d'investissements que sont les personnes physiques ou nationaux, et les personnes morales, désignées par le terme de sociétés.

Enfin, les revenus protégés par le présent accord sont "toutes les sommes produites par un investissement" parmi lesquelles bénéfices, redevances ou intérêts.

B. OBLIGATIONS SOUSCRITES PAR LES PARTIES

1. Le principe d'un traitement juste et équitable

• de manière générale, chaque Partie s'engage à admettre et encourager les investissements effectués par les nationaux et sociétés de l'autre Partie sur son territoire et dans sa zone maritime (article 2). L'accord proscrit donc toute discrimination à l'encontre de projets d'investissements originaires de l'autre Partie.

• L'article 3 pose le principe du "traitement juste et équitable" assuré aux investissements des nationaux et sociétés de l'autre Partie. Cet engagement exclut notamment "toute restriction à l'achat et au transport de matières premières", et recouvre l'obligation d'examiner avec bienveillance les demandes d'entrée et d'autorisation de séjour, de travail et de circulation introduites par les nationaux d'une Partie au titre d'un investissement réalisé sur le territoire de l'autre Partie.

• Les investissements se voient appliquer "un traitement non moins favorable" que celui accordé aux nationaux ou sociétés du pays d'accueil, "ou le traitement accordé aux nationaux ou sociétés de la Nation la plus favorisée, si celui-ci est plus avantageux" (article 4).

Contrairement à la clause-type retenue par le modèle de l'OCDE auquel se réfèrent tous les accords de même objet conclus par la France, l'accord franco-sud-africain exclut du bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée les institutions financières de développement (article 4-4). Cette exception vise à permettre au gouvernement sud-africain de réserver à certaines institutions dont les activités sont non lucratives, comme la Caisse Française de Développement, des avantages qui ne seraient pas accordés à d'autres investisseurs ou institutions similaires.

2. Les garanties protectrices

• L'article 5 assure aux investissements une protection et une sécurité pleines et entières , y compris contre les risques non commerciaux , ce qui proscrit toute mesure de dépossession ou d'expropriation, et implique, en cas de pertes subies du fait d'une guerre ou de tout autre conflit armé (révolution, révolte ou état d'urgence nationale), l'engagement de faire bénéficier la Partie lésée du traitement accordé aux nationaux ou à la nation la plus favorisée.

• Le libre transfert des avoirs détenus par les investisseurs est prévu par l'article 6. Il concerne les revenus courants (intérêts, dividendes, bénéfices...), les redevances, les remboursements d'emprunts, les éventuelles indemnités de perte et de dépossession ainsi que le produit de la liquidation de l'investissement.

• Le protocole joint au présent accord, signé à la demande du gouvernement sud-africain, vise à prendre en compte l'existence d'un contrôle des changes en Afrique du Sud. Jusqu'à la suppression définitive de celui-ci, les nationaux français qui résident depuis cinq ans en Afrique du Sud sont assimilés aux nationaux sud-africains en ce qui concerne les mesures d'expropriation et de libre transfert de flux financiers liés à un investissement. En revanche, tous les autres investisseurs français ont droit au libre transfert de tous les flux financiers liés à un investissement. Cette garantie va, comme le soulignent les informations transmises à votre rapporteur, au-delà de l'état actuel de la législation sud-africaine en matière de contrôle des changes.

C. UN DOUBLE SYSTEME DE REGLEMENT DES DIFFERENDS

L'accord prévoit, de manière classique, deux types de procédure de règlement des différends selon qu'ils opposent un investisseur à un Etat, ou les deux Etats entre eux.

- Les différends entre Etats sont réglés, dans la mesure du possible, par la voie diplomatique ou, en cas d'échec, sont soumis à un tribunal d'arbitrage éventuellement relayé par le secrétaire général de l'ONU.

- Les différends pouvant surgir entre un investisseur et un Etat sont réglés à l'amiable ou, si nécessaire, sont renvoyés à un tribunal d'arbitrage ad hoc, tant que l'Afrique du Sud n'est pas partie à la Convention de Washington du 18 mars 1965 instituant le CIRDI (Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements) et ratifiée à ce jour par plus de 120 pays. Mentionnons que depuis sa création, trente cas seulement ont été soumis pour arbitrage au CIRDI.

CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR

Votre rapporteur conclut donc favorablement à l'adoption d'un projet de loi qui vise à autoriser l'approbation d'un accord susceptible de conforter la situation d'un pays où la France dispose d'atouts certains, et où sa présence, notamment économique, mérite d'être encouragée.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 2 octobre 1996.

A l'issue de l'exposé de M. Nicolas About, M. Xavier de Villepin, président, a souligné l'importance de l'insécurité en Afrique du Sud du fait des déséquilibres sociaux évoqués par le rapporteur. Il est revenu, avec le rapporteur, sur les incertitudes liées à la succession du président Mandela, et a souligné la nécessité d'encourager la présence commerciale de la France en Afrique du Sud.

Puis la commission a, suivant l'avis de son rapporteur, adopté le projet de loi qui lui était soumis.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), signé à Paris le 11 octobre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi 3 ( * ) .

ANNEXE - ETUDE D'IMPACT 4 ( * )

- Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances : sans objet.

- Bénéfices escomptés en termes :

* d'emploi : impossible à quantifier ;

* d'intérêt général : enrichissement de nos relations diplomatiques ;

* financière : permettra au Gouvernement d'accorder la garantie de la Coface pour les investisseurs français, conformément à la loi de finances rectificatives pour 1971 ;

* de simplification des formalités administratives : aucune ;

* de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet.

* 1 Dominique Darbon, "Afrique du Sud - un régime consociatif", L'Etat du Monde 1996

* 2 Jean Cluzel, Du modèle canadien à l'appel sud-africain , LGDJ, 1996.

* 3 Voir le texte annexé au document Sénat n° 481 (1995-1996)

* 4 Présentée par le Gouvernement pour l'information des parlementaires

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